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L’ordonnancement fonctionnel de l’Union européenne

Dans le document Les valeurs de l'Union européenne (Page 63-187)

T

ITRE

I.L

A CONSTITUTION ORGANIQUE DE L

’U

NION EUROPEENNE

101. L’édifice communautaire repose sur les valeurs énoncées par l’article 2 TUE. Ces dernières s’avèrent donc nécessaires à l’existence de l’Union et indispensables à la poursuite de l’intégration européenne. La portée de cette proclamation appelle logiquement à tenter d’en cerner aussi bien les raisons profondes que les implications.

102. Aussi, la première étape de la réflexion invite en toute logique à identifier les origines des valeurs que le traité de Lisbonne a finalement consacrées, en s’interrogeant quant à la signification de ces racines. Le contexte politique de cette filiation, celui de la matérialisation progressive comme de la proclamation des valeurs, sont autant d’éléments déterminants pour mesurer le sens qu’il convient ensuite de leur prêter dans le cadre de l’Union européenne. Il engage à recourir à une analyse de type historique, conditionnant les jugements et les conclusions qui seront ensuite formulées. Il est en effet tout aussi éclairant de s’intéresser aux sources qui ont inspiré ces valeurs qu’il est révélateur de les appréhender selon le contexte qui a présidé à leur émergence (Chapitre I.).

103. Par-delà la question des origines, celle du processus par lequel l’Union a intégré un certain nombre de valeurs au sein de son droit primaire réclame ensuite l’attention. Réserver une telle place à une notion aussi abstraite et diffuse que celle de « valeur » au cœur de la démarche d’intégration européenne ne va en effet pas de soi. La question de leur traduction juridique demande notamment à être éclairée. Pour y parvenir, il est nécessaire de comprendre par quels procédés et au prix de quels compromis l’Union a peu à peu donné corps à l’ensemble homogène de valeurs qui constitue aujourd’hui le socle qu’elle revendique. Franchir cet obstacle permettra ensuite de dresser un catalogue relativement complet de ce que représentent les « valeurs de l’Union européenne » (Chapitre II.).

Chapitre I. La genèse politique des valeurs

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HAPITRE

I.L

A GENESE POLITIQUE DES VALEURS DE L

’U

NION

E

UROPEENNE

104. Le sens particulier que le traité de Lisbonne confère aux valeurs, en les présentant comme l’un des fondements de l’Union, invite à revenir à leurs origines. L’étude de cette genèse doit en effet fournir des éléments de compréhension précieux. Parce que le terme genèse désigne l’ « ensemble des formes ou des éléments qui ont contribué à produire quelque chose, la manière dont une chose s’est formée »98, c’est à cette première opération intellectuelle qu’il convient d’abord de se livrer : rechercher et éclairer non seulement l’ensemble des formes ou des éléments qui ont contribué à

produire les valeurs de l’Union, mais également la manière dont celles-ci se sont formées.

Or, si justement « la genèse de l’Europe fut lente, longue et progressive »99, ce travail devrait permettre de réaliser que celle de ses valeurs ne le fut pas moins.

105. Le Rapport Tindemans100 affirmait déjà en 1975 que « l’Europe doit fuir à la fois l’isolement, le repli sur soi qui la mettrait en marge de l’Histoire, mais aussi la sujétion, l’étroite dépendance, qui l’empêcherait d’exprimer sa voix. Elle doit retrouver une certaine maîtrise de son destin. Elle doit construire un type de société qui nous soit propre, et qui reflète les valeurs qui sont à la fois l’héritage et la création commune de nos peuples »101. La logique du constat structure la réflexion menée au cours de ce

premier chapitre. Les valeurs composant la trame de l’article 2 TUE ne procèdent en effet pas du libre arbitre des rédacteurs des traités. Ces derniers n’ont au contraire procédé qu’à leur mise à jour puisqu’elles constituent le fruit d’un héritage (Section 1.), legs dont l’hétérogénéité a toutefois imposé de recourir à une nécessaire démarche d’agencement (Section 2.).

Section 1. La reconnaissance d’un héritage

98 « Genèse » in Dictionnaire Le Petit Robert, 1981, p. 859.

99 L. Febvre, L’Europe, genèse d’une civilisation, Cours professé au Collège de France en 1944-1945,

établi, présenté et annoté par T. Charmassonet et B. Mazon, avec la collaboration de S. Lüdemann, Librairie Académique Perrin, Paris, 1999, p. 87.

100 Rapport Tindemans, 29 décembre 1975, Bull. CE, supplément 1/76. 101 Ibid. (souligné par nous).

Section 2. Les composantes de l’héritage

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ECTION

1.L

A RECONNAISSANCE D

UN HERITAGE

106. Appréhendée dans le contexte européen, la notion de « valeur » renvoie à une multitude d’éléments culturels, religieux, ou historiques 102 qui dessinent les

caractéristiques profondes de la civilisation européenne103. Le préambule du traité sur l’Union européenne évoque de façon incontestable, quoique détournée, cette conjonction d’éléments en associant étroitement les notions de « valeur » et « d’héritage ». La lettre du traité évoque ainsi le fait que « les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’État de droit » s’inspirent des « héritages

humanistes », « culturels » et « religieux »104 accumulés par le continent européen à

102 Lucien Febvre a consacré des lignes passionnantes à ce sujet.

Sur l’élément culturel : « L’Europe c’est deux choses : une organisation et une civilisation. […] Il faut d’abord un minimum d’organisation qui procure à la plante fragile un premier abri. Puis celle-ci se développant rend nécessaire un abri plus vaste, lequel à son tour suscite des besoins, provoque un élargissement nouveau… Actions, réactions, pas alternés, marchent sur deux routes parallèles, sur deux plans juxtaposés, le politique et le culturel ».

Sur l’élément religieux : « Alors, pour ne point périr, cet abri que le politique refusait, la civilisation le demanda à la religion. Elle se mit toute entière derrière l’Eglise [...] ».

Enfin, plus globalement, sur l’élément historique : « Le premier développement d’une civilisation nouvelle, ou renouvelée, coïncide évidemment avec la ruine de la civilisation romaine, la ruine la plus achevée. Et cette civilisation nouvelle est le fruit de quoi ? D’un métissage, d’un mélange de races pas assez éloignées pour que, de cet éloignement, résulte répugnance et stérilité, suffisamment éloignées pour que, de leur union, il n’y ait pas risque de dégénérescence. Une fois de plus, l’histoire le confirme : ce n’est pas la pureté, c’est l’impureté raciale (si ce mot a un sens) qui féconde ; ce n’est pas la séparation des sangs mais le mélange des sangs. […] C’est du choc des groupes d’hommes que naissent les grands renouveaux de civilisation » (L. Febvre, L’Europe, genèse d’une civilisation, op. cit., p. 95-96).

103 Le Professeur Ben Achour souligne qu’ « une civilisation, c’est donc à la fois une communauté

culturelle, une communauté morale et spirituelle, et une communauté juridique. Cette triple appartenance se retrouve par exemple dans les statuts du Conseil de l’Europe du 5 mai 1949 […] » ( Ben Achour, Le rôle

des civilisations dans le système international, Bruylant, Bruxelles, 2003 p. 174) et qu’ « à l’origine

communauté économique et stratégique, devenue communauté politique et constitutionnelle internationale, l’Union Européenne ne pouvait réussir sans la communauté civilisationnelle, peut-être même le besoin civilisationnel, qui la sous-tendait et lui servait de trame. […] La difficulté d’intégrer la Turquie (ou le Maroc) à ce socle de civilisation grec, romain, chrétien, par la philosophie, la profondeur historique, les symboles et les sensibilités, est significative. Cette civilisation est visible évidemment à travers sa mémoire qui fait, dans tous les pays européens, l’objet d’un culte remarquable, mais elle est également visible à travers les trois concepts clés à caractère politique, à dimension interne et internationale, que nous avons précédemment évoqués : la démocratie, les droits de l’Homme, l’Etat de droit » (Ibid., p. 174).

104 Préambule du traité sur l’Union, paragraphe 2 : « s’inspirant des héritages culturels, religieux et

travers les âges. L’étude de la genèse des valeurs conduit donc à se tourner vers le passé de l’Europe et de l’Union et à s’intéresser à la provenance ainsi qu’au contenu de ces héritages.

107. Recourir dans un texte de nature juridique et politique à des notions aussi fortes que celles de « valeur » et d’« héritage » n’est pas neutre. Cela illustre au contraire la portée quasi-constitutionnelle des réflexions partagées par ses rédacteurs, désireux de renvoyer aux fondements même du projet d’intégration européenne. La reconnaissance de ces héritages comme la mise en avant de leur lien avec les valeurs constituent donc des objets d’étude dignes d’intérêt à plusieurs égards. Ils témoignent, en premier lieu, d’une volonté d’approfondissement du projet d’intégration européenne (§1.). Ce rapprochement constitue, en parallèle de cette volonté d’approfondissement, un marqueur d’originalité au sein de l’ordre juridique international (§2.).

§1. Le signe d’un approfondissement

108. La réflexion relative aux valeurs de l’Union et aux héritages européens s’est matérialisée dans le préambule d’un traité qui visait à établir le cadre constitutionnel de l’Union européenne. L’importance de cette intégration au droit primaire dépasse clairement sa vocation strictement juridique, ce que confirme la mention des valeurs dès les premières lignes du traité. La filiation établie à cette occasion entre les « valeurs » qui fondent l’Union et les « héritages » européens mentionnés par le traité leur confère une portée particulière et suscite l’intérêt (A.).

109. Cette démarche de mise en avant des valeurs et de leurs origines traduit, par ailleurs, une volonté d’approfondissement du projet d’intégration européenne. Elle encourage en effet, à travers cette recontextualisation, à s’interroger quant à leur sens profond. Elle appelle indirectement à réfléchir à celui de l’intégration européenne elle- même (B.).

A. Le support de la reconnaissance

droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’État de droit ».

110. Le préambule du TUE105 renvoie aux notions de « valeurs » et « d’héritages »

sans que cet énoncé ne représente pour autant un modèle de clarté. Il associe, comme cela a déjà été rappelé, les « valeurs universelles que constituent les droits inviolables et

inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’Etat de droit »106 aux « héritages culturels, religieux, et humanistes de l’Europe » à partir desquels ces valeurs se seraient développées, selon sa lettre. Or, si le sens de l’affirmation ne laisse guère place au doute, son contenu prête en revanche à confusion.

111. Des correspondances troublantes assimilent en effet les « valeurs » dites « universelles » que le préambule du traité met en avant107 à celles qui fondent l’Union selon l’article 2 du même traité108. Exception faite du « respect de la dignité humaine » et du « respect des droits de l’homme »109, ces deux passages réfèrent donc non seule- ment à des valeurs identiques mais ils les énoncent même dans un ordre similaire. Ce syllogisme est préjudiciable au bon entendement d’un lecteur confronté à des valeurs en apparence identiques et pourtant qualifiées tantôt d’ « universelles » et tantôt d’ « européennes ».

112. Si la clarté n’est pas la vertu première de cette énonciation, la confusion engendrée n’était pourtant pas forcément fortuite. La mention par le traité de la portée tour à tour « universelle » puis « européenne » des valeurs qu’il consacre revient en effet à en renforcer la légitimité. Présumant qu’elles sont partagées par tous, les rédacteurs les parent ainsi d’une aura difficilement contestable, sans rompre pour autant le lien qui les

105 Voir sur le sujet A. Von Bogdandy, « The Preamble » in B. de Witte (dir.), Ten reflections on

the constitutional treaty for Europe, European University Institute, Robert Schuman Center for

Advanced Studies and Academy of European Law, Florence, 2003, p. 3 ; A. Levade, « Préambule » in L. Burgorgue-Larsen, A. Levade et F. Picod (dir.), Traité établissant une Constitution pour l’Europe.

Commentaire article par article, Bruylant, Bruxelles, 2007 et F. Picod, « Traité de Lisbonne »,

Jurisclasseur Europe, 2010, fasc.10, §21-37.

106 Préambule du TUE, §2.

107 Les « droits inviolables et inaliénables de la personne humaine », ainsi que la « liberté », la

« démocratie », « l’égalité » et l’ « Etat de droit ».

108 Ainsi que déjà mentionné : « respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, Etat de droit,

et respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ».

109 Ces deux notions paraissent cependant assimilables aux « droits inviolables et inaliénables de la

rattache à la civilisation européenne. Elles émanent expressément, selon le texte du préambule, des « héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe ».

113. Cette filiation réunissant « valeurs » et « héritages » européens revêt un intérêt considérable bien qu’elle ne brille pas par sa limpidité. « Seul élément repris du préambule du traité établissant une constitution pour l’Europe »110, son maintien témoigne de l’importance du renvoi à l’essence même de la notion de valeurs européennes111. Sa constitutionnalisation représente à cet égard un préalable bienvenu à son incorporation dans le corps du traité par l’intermédiaire de l’article 2 TUE. Ainsi,

la comparaison avec les préambules précédents permet de mesurer le chemin parcouru depuis 50 ans et de considérer le déplacement qui s’est opéré dans l’intégration européenne. Il est ainsi désormais question « de la mise en évidence de la civilisation européenne, à la fois héritage et gage d’avenir. Il n’est plus question d’intégration économique comme facteur de progrès social, mais de la civilisation humaniste de l’Europe comme condition première de la fondation d’un ordre supranational juste. Enfin, il n’est plus question de se référer uniquement à un contexte historique immédiat, mais à l’histoire millénaire de l’Europe112.

114. La référence aux valeurs et aux héritages n’est donc pas neutre. Elle ne saurait, de plus, être reléguée à un rang accessoire sous prétexte qu’elle est issue du préambule. Il suffit, pour s’en convaincre, de se remémorer la démarche adoptée par la Cour de justice pour justifier l’un des plus grands arrêts qu’elle ait rendus. Elle s’appuyait ainsi expressément sur le préambule du traité CEE lorsqu’elle affirmait que

110 F.X. Priollaud et D. Siritzky, Le traité de Lisbonne. Texte et commentaire article par article des

nouveaux traités européens (TUE - TFUE), La Documentation française, Paris, 2008, p. 26.

111 Le lien entre les « valeurs » et les « héritages européens » est consubstantiel. Maintes illustrations sont

à même d’en témoigner. Lors d’une journée d’étude organisée par la Commission de Venise à Montpellier en 1996, et justement consacrée au patrimoine constitutionnel européen, le président de cette Commission Antonio La Pergola le mettait par exemple à jour dans son exposé introductif. Afin de déterminer les principaux éléments constitutifs de ce patrimoine constitutionnel, il se demandait alors « comment déterminer les valeurs qui nous sont communes et comment les faire fructifier ? » (A. La Pergola, « Exposé introductif » in Conseil de l’Europe, Le patrimoine constitutionnel européen, Actes du colloque de Montpellier des 22 et 23 novembre 1996, Editions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1997, p. 6.

112 N. Tousignant et G. Warland, « Les préambules des traités fondateurs de l’Union européenne : mise en

perspective historique et philosophique » in S. Boldrini et C.Franck, Annales de l’Institut d’études

l’objectif du traité CEE, qui est d’instituer un marché commun dont le fonctionnement concerne directement les justiciables de la Communauté, implique que ce traité constitue plus qu’un accord qui ne créerait que des obligations mutuelles entre les États contractants ; que cette conception se trouve confirmée par le préambule du traité qui, au-delà des gouvernements, vise les peuples, et de façon plus concrète par la création d’organes qui institutionnalisent des droits souverains dont l’exercice affecte aussi bien les États membres que leurs citoyens113,

et elle en déduisait finalement l’effet direct du droit communautaire. B. Les caractères de l’approfondissement

115. Le choix des rédacteurs du traité d’en appeler aux « héritages européens » s’avère lourd de signification quant à l’approfondissement du projet d’intégration européenne qu’induit cette démarche.

116. Le trait le plus marquant de leur approche consistait à souligner et à replacer au centre du débat public l’origine profonde des valeurs et, donc, de l’intégration européennes (1). Réunir ainsi les « valeurs » et les « héritages » proclamés par le traité ne relève toutefois pas seulement de la sémantique ni de la réflexion purement théorique. Cette volonté présente un caractère indubitablement singulier dans le cadre d’une organisation semblable à l’Union européenne (2). Elle suppose en effet un retour à la philosophie et aux idéaux qui, de tous temps, ont inspiré l’intégration européenne. Elle renvoie donc paradoxalement à l’avenir de l’Union, les « héritages » européens et les « valeurs » de l’Union fixant le cap qu’il lui convient de suivre (3).

1. La signification du renvoi aux racines du projet d’intégration européenne

117. Le rapprochement entre « valeurs » et « héritages » européens exprime, à différents égards, une volonté d’approfondissement du projet d’intégration européenne. La notion même d’héritage revêt une symbolique historique, politique et juridique particulière, dépourvue de toute neutralité114. Le fait que les rédacteurs du préambule se soient « inspirés » des « héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe »,

113 CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos c. Administratie der Belastingen, aff. 26/62, Rec. 1963, p. 3,

p. 23.

114 L’article 167 TFUE met lui aussi la notion d’héritage en avant en soulignant l’existence d’un « héritage

lesquels constituent à leurs yeux la source des valeurs universelles et européennes véhicule un message. Il s’agit bien, à travers la dynamique de leur affirmation, « d’instituer une Union européenne », « dans la perspective des étapes ultérieures à

franchir pour faire progresser l’Union européenne », tout en demeurant « résolus à franchir une nouvelle étape dans le processus d’intégration européenne engagé par la création des Communautés européennes ».

118. Dans ce contexte, l’appel à un héritage européen revêt une fonction instrumentale. Tout en se réclamant de l’œuvre passée, mettre ainsi en avant des racines européennes constitue une justification supplémentaire de l’avancée qualitative que le texte du traité appelle à différentes reprises. Cette démarche introspective évoque en effet des fondements historiques et culturels à même de renforcer l’autorité des valeurs qui en sont issues. Les racines se posent alors en objet commun de réunion autour duquel peut s’ordonner le franchissement de « nouvelles étapes dans le processus d’intégration

européenne ».

2. La singularité de la démarche

119. Le cadre étatique se prête a priori plus volontiers aux discours qui renvoient à un héritage ou à un patrimoine commun. La nation constitue en effet généralement le creuset de la connotation identitaire qui les caractérise. Un survol rapide des constitutions de certains Etats membres de l’Union européenne permet de le vérifier.

120. Le préambule de la constitution de la République slovaque met par exemple en avant « l’héritage politique et culturel de nos ancêtres, ainsi que les expériences

séculaires de luttes pour notre existence nationale et notre propre État », et « l’esprit de l’héritage spirituel des saints Cyrille et Méthode et du legs historique de la Grande Moravie ». De même, la constitution polonaise évoque « la transmission aux géné- rations futures de tout ce qu’il y a de précieux dans un patrimoine plus que millénaire »

ainsi que « la culture ayant ses racines dans l’héritage chrétien de la Nation et dans les

valeurs humaines universelles », tandis que l’article 2 de la constitution de la République

d’Irlande énonce que « la nation irlandaise chérit ses affinités spéciales avec les

personnes d’origine irlandaise vivant à l’étranger qui partagent son héritage et son identité culturelle ».

121. D’ailleurs, cette recherche d’héritages qui renvoie habituellement à la sémantique étatique était initialement absente dans l’esprit des Etats fondateurs de l’Union. Ces références sont ici le fait d’Etats membres ayant intégré l’Union dans un second temps. Du reste, la situation particulière des Etats qui y ont recours confirme, elle- aussi, la connotation identitaire de l’utilisation de cette notion par un texte juridique et politique. Elle s’impose d’ailleurs, au regard des exemples qui viennent d’être mentionnés, dans des contextes au sein desquels la problématique identitaire représente un enjeu central, véritablement d’actualité. Elle vise donc probablement à y répondre.

122. Le choix des rédacteurs du préambule du TUE de reprendre cette démarche à leur compte traduit donc une volonté. Celle de revendiquer à leur tour une identité fondée sur un passé, et donc sur un héritage, objectifs et structurants.

3. La fixation d’un cap

123. La référence aux différents héritages européens tend également à influencer les orientations futures données à l’Union européenne, tout en l’inscrivant dans un

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