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Mutations des espaces sahariens du Sud-ouest algérien. Fragilisation d'un équilibre oasien ancestral

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Badr-Eddine Yousfi, Yaël Kouzmine

To cite this version:

Badr-Eddine Yousfi, Yaël Kouzmine. Mutations des espaces sahariens du Sud-ouest algérien. Frag-ilisation d’un équilibre oasien ancestral. Colloque ”Oasis dans la mondialisation : ruptures et conti-nuités”, Colloquium ”Oases in globalization: ruptures and continuities”, Colloquio ”Los oasis en la globalización: rompimientos y continuidades”, Dec 2013, Paris, France. pp.149-158. �hal-01026217�

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ET DES SOCIETES

Organisé par / organized by

Anaïs MARSHALL, Emilie LAVIE, Jean-Louis CHALEARD, Monique FORT & Jérôme LOMBARD

Actes du colloque - 16/17 décembre 2013 - Paris

Proceedings of the Colloquium - 2013 December 16th/17th - Paris

Oasis dans la mondialisation :

ruptures et continuités

Oases in the globalization:

ruptures and continuities

membre fondateur de : L’Université Paris 13 est

CRESC

Centre de Recherche sur les Espaces, les Sociétés et les Cultures Conc eption : dir ec tion de la c ommunica tion, Univ ersit é P ar is 13 - No vembr e 2013

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Mutations des espaces sahariens du Sud-ouest algérien. Fragilisation d’un

équilibre oasien ancestral

Badreddine YOUSFI, Yaël KOUZMINE

Maître de Conférences, Université d’Oran (Algérie) Membre du laboratoire Espaces Géographiques et Aménagement des Territoires (LEGEAT).

yousfine@yahoo.fr

Docteur en Géographie / PhD in geography Ingénieur de recherche - Chargé de valorisation scientifique Programme PSDR INRA - Toulouse

Whole the human settlements in the south western Sahara in Algeria, ksour as the biggest cities, are caracterised by strong social mutations which affect the traditionnal way of life, and the oases' model. Historically, this way of life which has articulated religious values (maraboutic power) and economies based on an agricultural rente, tends to integrate the consumption systems induced by the globalisation. The evolution to a tertiary economy, the modernisation of agricultural practices and the development of the transportations have contributed to the social change of the saharan territories. Those mutations had open new spaces of daily mobility, and lot of saharans left the traditional housing (ksour) for access modern housing and jobs in the new economic activities. Between an evolution and a resistance to the change, the oases’ model is questionned in its unity at local scale and its diversity at a larger scale.

Keywords: Oases, social change, water resources, agriculture, housing, Sahara, Algeria

Mots-clés : oasis, changements sociaux, ressources en eau, habitat, Sahara, Algérie

La vie économique dans les espaces oasiens du Sud-ouest algérien se caractérisait autrefois par le travail agricole et des échanges commerciaux prenant place dans une organisation sociétale hiérarchisée où les rapports sociaux étaient structurés selon des réseaux ethniques. Ce mode de vie qui fut longtemps régis par des valeurs religieuses (les pouvoirs

maraboutiques) et fondé sur une économie de rente agricole, a progressivement glissé au XXe

siècle vers les nouveaux modes de consommation qui se réfèrent au système de valeur des sociétés modernes, d’une économie libérale et d’un pouvoir démocratique. La tertiarisation de l’économie locale, le développement de la mobilité et des réseaux de communication ont précédé et accompagné la transformation de la société locale. Les premiers signes de ces mutations sont apparus durant la période coloniale et se sont accélérés après l’indépendance de l’Algérie. Soutenu par un volontarisme politique, l’Etat algérien a mené une série d’action pour développer ces espaces aussi bien dans le secteur agricole que dans les services, le transport ou l’habitat. De nouveaux périmètres de mise en valeur agricole ont été créés et assistés par des nouvelles techniques d’irrigation ; des infrastructures routières ont été

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développées et des équipements ont été édifiés pour stabiliser la population ; des logements construits par l’Etat ont été attribués aux couches les plus vulnérables dans le cadre de promotion sociale.

En conséquence, une crise profonde affecte l’organisation de l’espace rural traditionnel où les jardins et les ksour sont abandonnés. Cependant, un nouvel espace constitué par les nouveaux périmètres de mise en valeur agricole et les nouveaux villages est entrain de se former, donnant naissance à une forme éclatée des oasis. La route représente dans ce modèle la colonne vertébrale de cet ordre où les nouvelles entités d’habitat, les équipements et les nouveaux périmètres des mises en valeur agricoles sont implantés. Cette ouverture par la route contribue non seulement à restructurer cet espace sur le plan fonctionnel mais aussi sur le plan social.

La région du Sud-ouest algérien présente un exemple marquant de ces mutations, car elle est caractérisée par un peuplement rural spécifique dans le Sahara où plusieurs oasis se succèdent sur un tracé linéaire épousant les routes du commerce caravanier d’autrefois. Ces oasis chargées d’histoire et dominées par des pratiques sociales traditionnelles, se modernisent, se transforment et, in fine, se standardisent.

Comment ces changements ont affecté l’organisation traditionnelle de l’espace oasien ?

Le bitume et la motorisation des déplacements : recomposition spatiale des

oasis

Bien que le processus de désenclavement du Sahara ait été entamé pendant la colonisation, ce n’est qu’après l’indépendance qu’il a été quasiment achevé, entrainant l’évolution des déplacements et restructurant le fonctionnement spatial autour d’un ensemble de villes. L’Etat à travers plusieurs plans de développement avait inscrit la réalisation, le prolongement et le revêtement des routes qui ont constitué la colonne vertébrale d’intégration politique de ces espaces. Cependant, un grand effort a été poursuivi pour la réalisation ou la réhabilitation des aéroports, dont le transport aérien avait bien été choisi comme support soutenant le transport terrestre. En effet, la mise en place de nouvelles infrastructures de transport conjuguée au développement de la motorisation a révolutionné le mode de déplacement dans les espaces sahariens du Sud-ouest algérien, entraînant une nouvelle organisation de l’espace.

Désenclavement des oasis et développement des mobilités

Le développement des transports a redynamisé la mobilité dans les zones sahariennes du Sud-ouest algérien et a replacé les agglomérations urbaines dans le maillon des échanges tant intra-sahariens qu’extra-sahariens. Les réseaux des transports s’appuient sur la structure urbaine dont, les grandes et les moyennes villes (Bechar, Adrar et Timimoun) sont reliées aux grandes villes sahariennes et du Nord du pays ainsi qu’aux petites villes de la région qui animent les espaces ruraux respectifs. Les flux en direction des grands centres urbains du Sahara sont denses. Les dessertes sont soutenues par un transport terrestre des grandes lignes et par un réseau de transport aérien en direction des grandes métropoles du Nord en particulier. Sur les plans régional et local, les dessertes de transport de voyageurs reflètent l’intensité des relations entre les petites villes, les moyennes et les grandes villes, définissant

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ainsi l’ossature de trois sous ensembles qui se dessinent autour de trois villes à savoir Bechar, Adrar et Timimoun. N50 Tindouf N06 Abadla Bechar Kenadsa 0 250 Kilomètres 500 N06 Beni abbes Igli N52 Reggane N06 Adrar Aoulef Timimoun N01 Tiberghamine N51 Ouled Sidi Cheikh Beni Ounif Ghardaïa N01 In Salah Oran Alger Annaba N01 N49 Meniaâ N03 N03 El Oued Biskra Touggourt N49 N3 Hassi Messaoud Ouargla N55 Tamanrasset Illizi N54 Djanet

Nombre d'habitants 200 000 100 000 20 000

Source: - Ministère des travaux publics, Trafic routier en Algérie, INC, 2001. - RGPH 1998, ONS

Routes nationales goudronnées Routes nationales non goudronnées

Fig : Zone d’étude et démographie

Conséquemment, une nouvelle forme de mobilité ville-campagne a émergée entre les petites villes et leurs espaces ruraux environnants telles qu’à Beni-Abbès dans la Saoura, Abadla dans la plaine de Guir, Reggane et Zaouiet-Kounta dans le Bas-Touat. Il faut souligner que la

Saoura

Gourara

Touat

Tidikelt-Occidental

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libéralisation des transports en commun à partir de 1988 a contribué d’une part à la promotion des déplacements sahariens dont le minibus et le fourgon aménagé ont révolutionné les pratiques sociales et d’autre part, à une nouvelle perception de l’espace oasien.

Urbanisation et intégration des oasis dans le système urbain régional

En effet, grâce à l’évolution des moyens de transport les ksouriens trouvent de nouvelles perspectives d’emploi dans les villes suite à la décadence de l’agriculture oasienne, tout en continuant à garder les mêmes liens avec leurs espaces d’origine, bien plus, en continuant à y habiter. Une nouvelle forme d’urbanité se développe où la ville est vécue sous une autre manière. On y travaille, on y étudie, on y fait des rencontres mais tout en gardant la résidence dans le ksar d’origine dans lequel on peut toujours effectuer des travaux d’extension de sa maison et cultiver son jardin. On n’est ni rural ni urbain, une position médiane comme l’a bien démontré (Pliez O., 2003) dans le cas de Fezzan libyen « l’accès généralisé aux études

supérieures –permis grâce à la multiplication de petits centres universitaires (….) – et la tertiarisation de l’économie contribuent en effet à l’accroissement des déplacements. En conséquence, le cadre spatial dans lequel se déploie le quotidien s’est singulièrement étendu car tous les habitants peuvent circuler d’un village à l’autre et ainsi accéder à de nouveau lieux de sociabilité… Nombreux sont, en conséquence, ceux qui se considèrent ni comme ruraux alors qu’ils vivent dans l’espace rural ni comme urbains puisqu’ils évitent tous les tracas supposés de la vie quotidienne dans les grandes villes ». La situation des ksour du

Touat est similaire où les ksouriens se considèrent dans leur imaginaire comme habitants des « quartiers périphériques » de la ville d’Adrar. Ceci montre que l’espace vécu par l’oasien dépasse les limites de son espace habité (ksar) perçu comme un espace identitaire où l’ancrage est très fort, pour intégrer un nouvel espace (ville) perçu comme un espace d’échange et d’ouverture.

Éclatement des oasis et glissement des villages vers la route

Spatialement, le revêtement de la route a constitué un élément important non seulement dans le désenclavement des ksour mais il a primé aussi dans leurs extensions, planifiées ou spontanées. Ceci se présente bien sur la route nationale RN06, reliant la majorité des localités dans le Sud-ouest algérien où la population se déverse davantage dans les nouvelles constructions périphériques qui s’implantent au bord de cette route. Proposant un nouveau mode d’habitat saharien et offrant plus de confort, une possibilité de mobilité motorisée, des adductions aux réseaux divers (eau, assainissement et électricité), le nouveau mode d’habitat met en péril les ksour. Cette tendance s’est accentuée avec la création des équipements (écoles, salles des soins…) au bord de cette route pour desservir plusieurs ksour à la fois par le biais des transports. Les nouveaux villages édifiés sur la route, développent des espaces extérieurs pour constituer le nouvel espace résidentiel et économique dans lequel s’insèrent facilement des étrangers. Des commerces et services de transit sont nés (cas de Kerzaz, El-Ouata, Zaouiet-Kounta). Si le glissement des ksour vers les routes est dicté par une logique de mobilité, les ksouriens deviennent de plus en plus dépendant des villes de la région, utilisant d’une manière fréquente les transports en commun. Ces transports desservent bien la route

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nationale, car constituant des jonctions entre les villes les plus importantes (Adrar, Timoun, Bechar).

Sur le plan agricole, l’implantation des nouveaux périmètres de mise en valeur agricole s’est inscrite dans la même logique. Depuis l’apparition de la loi de l’accès à la propriété foncière agricole (APFA) en 1983, plusieurs périmètres agricoles voient le jour, parallèlement à la route nationale RN 06. Dans le Touat, le périmètre de Stah-Azi se situe à Zaouiet-Kounta à 1 km, de la route nationale, de même pour le périmètre de Moulay-Nadjem à Sali, Sebaâ où même à l’Aougrout dans le Gourara. Ceci dit, la route devient incontournable pour l’activité agricole moderne mécanisée qui s’appuie sur les réseaux de commercialisation et par conséquent sur les réseaux de transport.

Introduction de nouvelles technicités agricoles : entre impératives

économiques et sociales

Si l’eau avait dicté la logique du peuplement (sens d’écoulement, quantité, profondeur) dans la Saoura, le Touat, le Gourara et le Tidikelt, elle impose aujourd’hui la logique des implantations des périmètres des mises en valeur agricole dans le Sud-ouest où on compte au moins un périmètre dans chaque commune. Cette eau, qui a constitué autrefois l’instrument de contrôle des routes sahariennes, est aujourd’hui instrumentalisée politiquement pour véhiculer de nouvelles formes de gouvernance et de contrôle territorial. En perdant le contrôle de l’eau, l’aristocratie locale se trouve dépourvue de son rôle traditionnel. Les propriétaires de l’eau se trouvent concurrencés par un nouvel acteur de taille : l’Etat. De grands travaux d’aménagement hydraulique ont été opérés, notamment en matière de forage dans cette zone

saharienne où la nappe albienne81 n’est pas trop profonde et est abondante. L’Etat apporte

aussi de la technicité par le bais de ses fonctionnaires chargés de mettre en œuvre ces procédés sur terrain. Ceci a donné naissance à plusieurs nouveaux périmètres de mise en valeur agricole par le biais de la loi de l’accession à la propriété foncière (APFA) de 1983 qui

avait accéléré la transformation et les mutations socio-spatiales dans le Sud algérien82.

De nouvelles techniques agricoles sont instaurées pour l’irrigation des grandes parcelles par l’utilisation de rampes-pivots et plus tard du goutte à goutte. Ce procédé de modernisation est soutenu par l’implication des techniciens agricoles et des universitaires figurant parmi ces nouveaux entrepreneurs. La production agricole concerne en grande partie les céréales, les

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Découvertes pendant les campagnes de prospection des hydrocarbures dans les années 1950 dans le Sahara septentrional, deux vastes aquifères (le Continental Intercalaire et le Complexe terminal) représentent une réserve évaluée à 31 milles milliards de m3. Ces nouvelles richesses en eau ont révolutionné la perception de

l’homme de ce milieu. C’est grâce à ce bassin que sont alimentées en eau les oasis du Gourara, du Touat et du Tidikelt. Les oasis de la Saoura, de la Zousfana et du Guir sont alimentées indépendamment par le bassin de la Saoura et de Tindouf. Les réserves exploitables, sans risque de déséquilibre hydrodynamique, sont estimées à 5 milliards de m3/an. L'exploitation atteint actuellement 1.6 milliards de m3 par forage et 85 millions de m3 par

foggara.

82 Sur une surface de plus de 64 000 ha attribués dans ce cadre, on compte 68 périmètres dans le Touat dont 7

périmètres de grande mise en valeur agricole, irrigués par 402 forages à savoir : Zaouiet-Kounta (périmètre de Stah-Azi), Sbaâ et Tsabit (périmètres de Gara et de Raya), Adrar (périmètres de M’raguen et de l’aéroport), Fenoughil et In-Z’ghmir (périmètre d’Aïn-Fetah). La grande mise en valeur agricole dans le Gourara se limite à Aougrout. Dans le Tidikelt, elle se concentre uniquement dans la commune d’Aoulef (périmètre de M. Boudiaf).

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tomates et les légumes en petites quantités (oignons, carottes, pommes de terre). On assiste ainsi à un renversement de la culture de subsistance à la culture commerciale (Bisson J., 1990). Le marché de la consommation des fruits et des légumes explose dans un contexte qui se conjugue aussi bien avec une croissance démographique des centres urbains qu’avec une amélioration des revenus des ménages dans le Sahara. Ceci a permis de créer plusieurs emplois indirects dans la commercialisation et dans le transport des produits agricoles vers le Nord.

Par ailleurs, la mise en œuvre de ces projets, avait suscité l’intérêt non seulement de la population locale mais aussi d’une population venue du Nord dans un esprit d’entreprenariat notamment dans la grande mise en valeur ; Otmane T. (2010) en recense une vingtaine. Originaires de Tizi-Ouzou, d’Alger de Batna et de Souk-Ahras, ces nouveaux agriculteurs affluent en direction des périmètres agricoles situés dans les communes de l’Aougrout, Sbaâ et Fenoughil. « Les premiers pionniers sont originaires de la wilaya […] mais par la suite,

d’autres entrepreneurs sont venus du Nord notamment du Centre et de l’Est du Pays. Ces entrepreneurs sont issus généralement des secteurs non agricoles. Détenteurs de capitaux, ils ont bénéficié du soutien de l’Etat (réalisation de forages et équipement hydro-agricole) et des crédits accordés par la Banque de l’Agriculture et du Développement Rural (BADR). L’enquête de terrain a dénombré 76 attributaires de la grande mise en valeur issus des secteurs non agricoles : 29 commerçants, 21 fonctionnaires, 16 fonctions libérales et 10 enseignants » (Otman T., 2010).

Cependant, la population locale et notamment les harratine83 en accédant aux mises en valeur

(petites et moyennes), avaient bien réussi à investir ces nouveaux jardins. Le soutien qui leur a été apporté par l’Etat à travers le plan national de développement agricole (PNDA) conjugué à leur savoir faire-agricole sont les clés de leur réussite. Ceci avait contribué à la recomposition de la société locale et des rapports sociaux. En effet, cette nouvelle forme de travail agricole technique qui a émergé au Sahara, a mis en péril l’organisation économique et sociale séculaire de la société locale. L’influence de certaines classes au sein de la société oasienne devient obsolète. Les maîtres sans savoir faire agricole (Chorfas et Mourabtines) sont dépourvus de leur force de travail traditionnelle et ont des difficultés à trouver une forme de substitution. Conséquemment, la production agricole dans le secteur traditionnel n’a cessé de reculer, situation aggravée par l’abandon sensible des travaux d’entretien des foggaras.

Urbanisation et standardisation des comportements de consommation

La diversification des ressources familiales a eu des effets directs sur l’amélioration du niveau de vie ; l’emploi urbain a généré des nouveaux modes de consommation qui se sont

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Il s’agit d’une société traditionnelle qui a hérité une stratification sociale : les chorfas sont des nobles, descendants de la famille du prophète ; les mourabtines sont descendants d’un saint ; les ahrars (personnes libres) représentent des fractions de tribus arabes et zenétes ; enfin les haratines sont des descendants d’anciens esclaves.

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manifestés par le changement de mode de vie et concerne en particulier l’habitat dont deux faits en résultent : la densification de l’habitat au sein du ksar et la construction de nouveaux logements hors ksar. Dans certaines régions et notamment dans le Touat et le Gourara, les deux formes sont présentes à la fois. Ainsi, l’espace habité est formé du ksar qui reste toujours fonctionnel et le nouveau village qui sert à accueillir les nouveaux arrivants. Par contre, dans la Saoura, les gens quittent plutôt les ksour pour s’installer dans les villages édifiés dans l’espace juxtaposant.

Les premiers signes d’un tel changement datent de la colonisation dont le mode de vie occidental et les normes de construction ont commencé peu à peu à faire face dans la vie des hommes au Sahara. En effet, les oasiens apportent des changements à leur maison, comme l’avait remarqué dans la région du Gourara, Bisson J. (1986) : « en réalité beaucoup d’argent

circule dans ces villages. Car par le gain qu’elle procure, les migrations temporaires de travail permettent d’améliorer l’habitat ». De nouveaux matériaux de constructions ont été

introduits pour la consolidation des constructions et des modifications remarquables ont été faites à l’intérieur des maisons : « on refait les terrasses (par exemple en intercalant une tôle

ondulée sous la couverture de terre) ; on remplace les khechbas (poutre de palmier) beaucoup trop flexibles par des madriers, voire des poutrelles métalliques ; on consolide les linteaux des portes (en utilisant des planches, des madriers) ; on adopte des huisseries modernes (qui remplacent d’avantageusement les « planches » tirées des troncs de palmier) que l’on ferme, luxe suprême avec une vrai serrure ; enfin, on cimente les encadrements des portes et fenêtres (quand il en a !) ou on recrépit les façades, le tout étant exécuté sans le moindre souci d’ostentation ».

Sur un autre plan, le nouveau mode de vie avait entraîné des changements dans les rapports familiaux et sociaux. La famille élargie est atteinte et la cohésion sociale est affaiblie. La société se structure davantage autour des familles nucléaires incarnant des comportements consommateurs tels que l’acquisition d’un logement, d’un véhicule. La société s’individualise de plus en plus et la solidarité sociale disparaît graduellement de l’espace oasien, argumenté par Bisson J. (1986) : « l’emploi salarié a pour corollaire des habitudes d’indépendance ». Après l’indépendance, cette tendance s’accélère et la population fuit peu à peu les anciennes habitations vers d’autres plus nouvelles, adaptées aux normes techniques de construction, édifiées par l’Etat ou par les habitants eux-mêmes dans les nouveaux lotissements. Ceci concerne la majorité des anciens ksour dans la Saoura, qui sont abandonnés et tombent en ruine au profit d’un nouveau mode d’habitat comme à Taghit, Igli, Beni-Abbès, Kenadsa... Contrairement, les ksour du Gourara, du Touat et de Tidikelt-occidental restent habités mais avec des modifications opérées par leur occupant en introduisant de nouveaux matériaux, et en renforçant leur structure.

La ville en plus de son rôle économique, diffuse son mode d’habitat et de consommation à l’espace rural. « Cet habitat nouveau épouse franchement le type urbain classique par son

plan architectural, sa morphologie et les matériaux de construction utilisées (briques, pierres, faïence, décoration) » (Bendjelid A., 2011). Les maisons sont construites en utilisant le

parpaing, le ciment et le ferraillage ; les murs sont peints ; le sol est carrelé. Les nouvelles maisons construites individuellement ou financées par l’État, sont conçues d’une manière qui

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permet d’avoir une qualité de vie plus confortable en intégrant de nouveaux espaces tels que le garage pour la voiture, la cuisine, la douche et le local d’activité économique (commerciale ou artisanale) dans quelques cas. Bien plus, des modifications et des réaménagements ont été apportés sur les maisons traditionnelles, une façon d’acquérir le même type de confort de la maison récente, en transformant ses espaces internes pour créer des espaces d’hygiène tels que les toilettes et la salle de bain à l’intérieur de ces maisons.

L’utilisation des équipements électroménagers devient banale dans une telle conjoncture. D’abord par la présence des réseaux nécessaires à leur mise en fonction, puis par le développement d’un commerce prospère dans ce domaine. Une grande partie de ces équipements étaient fabriqués en Algérie par des entreprises publiques, substituées suite à l’échec de l’ancien régime économique par les unités de montage pour des marques étrangères sous égide privée nationale, implantées dans le Nord algérien, mais aussi dans le Sud pour la production des climatiseurs et des humidificateurs. Selon les résultats du recensement général de la population et de l’habitat (RGPH), réalisé en 2008 (ONS), l’acquisition des appareils électroménager par les ménages dans le Sud-ouest réalise un succès sans précédent aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Ceci démontre bien que la société oasienne se normalise et s’intègre à un modèle de consommation internationale.

Conclusion

Les espaces oasiens sont aujourd’hui face aux nouveaux défis dictés par des impératifs aussi bien politiques qu’économiques liés à leur intégration à l’espace national et international. La modernisation des moyens de transports a généré l’ouverture de ces espaces et des changements au niveau des rapports entre l’homme et son environnement. Ces mutations se sont manifestées par l’éclatement de l’oasis qui s’est produit par l’abandon du ksar d’un coté avec la création de nouvelles entités d’habitat extra-muros au bord de la route, et l’abandon de la palmeraie d’un autre coté suite à l’aménagement de nouvelles mises en valeur agricoles où la technique du forage a permis de conquérir de nouveaux espaces. Une crise profonde affecte l’organisation de l’espace rural traditionnel où l’oasis se trouve privée de sa main d’œuvre et de ses habitants qui migrent vers ces nouveaux périmètres de la mise en valeur agricole, vers le nouveau village construit à proximité du ksar et vers la ville. En effet, les ksouriens se tournent davantage vers la ville pour l’emploi, tout en gardant les mêmes liens avec leur espace d’origine (y habiter et y jardiner). Désormais, la société oasienne s’ouvre vers l’extérieur et s’affiche davantage par des habitations qui deviennent plus modernes, avec des façades visibles dans les nouveaux quartiers ou dans des fragments situés sur les axes routiers. C’est dire là, que la société oasienne est entrain de « se normaliser » en fonction d’un modèle libérale.

Bibliographie

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Figure

Fig : Zone d’étude et démographie

Références

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