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Ressources patrimoniales et valorisation toutistique du sud-est du Maroc. A propos de la patrimonialisation de certaines vallées.

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Ressources patrimoniales et valorisation toutistique du

sud-est du Maroc. A propos de la patrimonialisation de

certaines vallées.

Abdeltif Kich

To cite this version:

Abdeltif Kich. Ressources patrimoniales et valorisation toutistique du sud-est du Maroc. A propos

de la patrimonialisation de certaines vallées.. XIV th Annual International Conference of

Territo-rial Intelligence “ Sustainable development of vulnerable territories ”, Oct 2015, Ouarzazate, Maroc.

�halshs-01728260�

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RESSOURCES PATRIMONIALES ET VALORISATION

TOURISTIQUE DU SUD-EST DU MAROC. A PROPOS DE LA

PATRIMONIALISATION DE CERTAINES VALLEES.

Abdeltif KICH

Enseignant, Docteur en « Tourisme, Patrimoine et Gestion Territoriale »

abdelkich74@yahoo.fr

Résumé : Le patrimoine, notamment culturel matériel, des vallées du Sud-Est

Marocain :(Dadès,Toudgha, Ferkla, Ghris, Ziz, Draa)se caractérise par sa grande diversité et

son potentiel social et économique élevé. Or, ce potentiel demeure largement méconnu par les

visiteurs et sous-évalué par les populations et les acteurs locaux. Par conséquent, une

intervention concrète et d’envergure, qui pourrait servir de levier pour le développement de

ces territoires, s’impose dans l’immédiat.

Mots clés : Patrimoine, Patrimonialisation, Ressource, Espace rural, Valorisation,

Développement

Title: Patrimonial Resources And Touristic Valorization Of The South-Eastern of Morocco

Related To The Process of Patrimonialization Of Some Valleys.

Aabstract: The heritage, above all cultural material, of Moroccan Southeast valleys: (Dadès,

Toudgha, Ferkla, Ghris, Ziz, Draa ) ischaracterized by itsdiversity,itshigh social and

economicpotential. However, this potential remains largely unknown by visitors and

undervalued by the population and localactors. Therefore a concrete and crucial action, which

could serve as a vehicle for the development of these territories is required immediately.

Keywords: Patrimony, Patrimoniliazation, Resources, Rural space, Valorization,

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INTRODUCTION

Après une longue période de délaissement, la question patrimoniale agite les sphères citoyennes et scientifiques (Sénil, 2011). Témoin de toute organisation sociale, le patrimoine constitue désormais un repère essentiel pour la mémoire collective d’un pays et pour les générations futures (Colardelle, 1999).

En effet, ces dernières décennies ont vu un regain d’intérêt pour la protection, la sauvegarde et la valorisation du patrimoine, vu l’avancée technologique et l’apparition de nouveaux programmes d’actions et de projets.

Sur le plan touristique, la prise en considération du patrimoine n’est plus à démontrer. Il constitue la motivation principale du voyage chez la plupart des touristes à travers le monde. L’évolution continue du tourisme culturel, basé sur la découverte du patrimoine des pays visités, en est la meilleure preuve.

Ainsi, les organismes internationaux (Banque mondiale, PNUD, OMT, etc.) perçoivent le patrimoine comme un véritable objet économique susceptible de produire des richesses induites, en particulier par l’activité touristique. C’est pour cette raison que lesdites organisations incitent, notamment les pays en voie de développement, à réhabiliter, sauvegarder et valoriser leur patrimoine, afin d’accentuer l’attractivité de leurs territoires et d’y favoriser le développement.

Conscient de cette nouvelle mouvance internationale, le Maroc, dont le tourisme s'affirme de plus en plus comme une véritable priorité de son plan de développement, s’est engagé, depuis quelque temps déjà, dans la voie de la valorisation de son patrimoine.

Toutefois, à analyser les stratégies de cette valorisation adoptées par le pays, on se rend facilement compte que le patrimoine a longtemps été assimilé aux seuls monuments historiques « prestigieux » appartenant aux villes impériales, tels que palais, mosquées, minarets, médersas, etc. Or, cette orientation de l’Etat marocain tournée vers les points saillants du patrimoine culturel, a empêché dans une certaine mesure de voir d’autres éléments, certes moins évidents et moins spectaculaires du patrimoine culturel, mais non moins importants (El Faskaoui et Kagermeir, 2014). En effet, le patrimoine, notamment culturel matériel, des vallées du Sud-Est du Maroc : (Dadès, Toudgha, Ferkla, Ghris, Ziz, Draa), par exemple, se caractérise par sa grande diversité et son potentiel social et économique élevé. Or, ce potentiel demeure largement méconnu de ceux qui pourraient venir nombreux justement pour le découvrir et l’apprécier; d’autre part, il n’est pas suffisamment valorisé par les populations et les acteurs locaux. La grande question qui se pose donc est de savoir comment optimiser l’impact de ce patrimoine sur la

société. Il s’agit d’œuvrer pour que son développement puisse contribuer à la lutte contre la pauvreté et la précarité et à l’amélioration des conditions de vie des populations.

Pour mener cette réflexion, nous nous sommes appuyé sur des observations directes, des enquêtes sur le terrain et des entretiens in situ, plus particulièrement de la vallée du Dadès.

Cette même technique a été adoptée concernant ksar Ait Ben Haddou, site inscrit, depuis 1987, sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. L’objectif était d’évaluer les bienfaits et les dérives de la patrimonialisation descendante en nous basant sur un cas réel.

Ainsi, l’article proposé s’articulera en deux temps successifs. Le premier mettra l’accent sur la diversité des aspects du patrimoine culturel, notamment matériel, des vallées en question, mais qui demeurent encore sans une stratégie de valorisation concrète. Dans un deuxième temps, nous traiterons de la patrimonialisation entre la valorisation des ressources, la promotion des territoires et les risques de dérives.

1 DE QUELQUES ASPECTS DU PATRIMOINE CULTUREL MATERIEL DES VALLEES DU SUD-EST DU MAROC.

Les vallées du Sud-Est du Maroc sont réputées pour leur patrimoine culturel matériel spécifique. Celui-ci, couvre en plus de l’architecture de terre qui les distingue d’autres aspects non moins importants comme le patrimoine archéologique, l’héritage juif, le vestimentaire et la parure, etc.

Bien qu’il ne prétende pas à l’exhaustivité, le choix retenu pour l’identification de ce patrimoine culturel matériel, vise sa représentativité avec ses différents aspects : monumental, archéologique et mobilier.

1.1 L’architecture de terre.

Bien que l’habitat évolue et se modernise, l’architecture de terre des ksour et casbahs caractérisant lesdites vallées, constitue le cachet, voire même le symbole de ces régions oasiennes, situées à la lisière du Sahara. C’est, en effet, un patrimoine matériel ancestral, qui témoigne encore du génie de l’homme bâtisseur et des différentes influences subies par ces territoires.

Dans le Sud- Est Marocain, le ksar est un village fortifié d’une enceinte et qui est construit sur des terres non cultivables, mais surtout sur des positions qui permettaient d’assurer la défense et la sécurité en des temps incertains. Construit en pisé, le plus souvent depuis un passé lointain, ses maisons

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entassées les unes sur les autres représentent l’illustration architecturale de la solidarité.

La casbah ou kasbah, quant à elle, est une citadelle située le plus souvent dans un lieu stratégique qui lui permet de dominer d’en haut la ville. Son moyen de construction dépend de chaque pays, ainsi que de l’endroit où elle se trouve (montagne, plaine…), elle peut être en pierre, en moellons ou en pisé. Il ressort donc de ce qui précède que la casbah et le ksar partagent un certain nombre d’éléments communs, du fait que tous les deux sont des lieux fortifiés capables d’assurer la sécurité et la défense, et qu’ils peuvent être construits, par des matériaux locaux, notamment la pierre, la terre crue, etc. A noter aussi une similitude partielle, au niveau des motifs décoratifs extérieurs de la casbah et de l’entrée d’un ksar. Et comme tous les deux sont bâtis avec de la terre du même lieu où ils se trouvent, les ksour et kasbahs prennent les couleurs les plus diverses : ocre, brun rouge, safran, etc. Toutefois, plusieurs divergences existent, entre une casbah et un ksar. Si la casbah, par exemple, fut un lieu destiné à abriter ou à protéger, en cas de besoin, un prince, un calife, ou un agent d’autorité, le ksar, quant à lui, répondait d’abord au besoin des nomades de se sédentariser, de se regrouper et de s’organiser pour pouvoir se défendre contre les assaillants.

La première distinction réside donc dans le fait que la kasbah est réservée seulement à quelques individus, qui constituent généralement une famille, alors que le ksar en contient plusieurs, souvent d’appartenances sociales différentes.

Pour plus de précision, nous pouvons dire tout simplement qu’il s’agit de distinguer entre une maison fortifiée (la casbah), et un village fortifié (le ksar). Encore faut-il rappeler à cet égard que la « casbah », comme appellation, contrairement au ksar, a une connotation militaire, plus que civile. De même, elle est réservée, généralement, à la ville ; alors que dans les villages, les campagnes et les zones reculées, ce sont les ksour qui se propagent surtout. Mais cela n’empêche pas en ces mêmes lieux, l’existence des casbahs, désignées majoritairement sous le nom de « Tighremin », pluriel de « Tighremt » et diminutif de « ighrem ». Ainsi donc, à part les quelques ex- bâtisses, par exemple, du Pacha Glaoui, à Ouarzazate, Telouate, Taliouine… influencées par l’architecture citadine et à propos desquelles on préfère parler de casbah, il n’existe pas, à notre connaissance, au Sud-Est d’autres demeures de même type, connues sous ce nom...

Produits depuis des siècles, les ksour et casbahs des régions oasiennes marocaines créent une espèce de fascination propre à elles. Toutefois, depuis quelque temps déjà et pour des raisons diverses, les populations oasiennes commençaient à abandonner ces ksour et casbahs. Certains sont devenus complètement vides et d’autres sont en voie de

désertion. Il suffit de traverser une des vallées précitées pour s’en rendre facilement compte. L’enjeu réside donc dans une articulation durable des logiques de préservation de cet héritage en péril et des objectifs du développement des régions concernées. D’où la nécessité de trouver des moyens de promotion, notamment du tourisme culturel, basé sur le patrimoine et les activités auxquelles celui-ci pourrait donner lieu ou avec lesquels des passerelles peuvent être établies.

1.2 Le patrimoine archéologique

Parmi aussi les richesses culturelles, des vallées en question, figurent les gravures rupestres. En effet, les régions de Saghro, Tafilalet et Draa sont parmi les foyers principaux de l’art rupestre marocain, un exemple pertinent pour retrouver une évolution historique des interactions entre les communautés humaines et les conditions du paysage naturel. Ces gravures sont développées soit aux bords des affluents soit sur les sommets des collines. La plupart des crêtes, de grés ou de quartzite, portent des figures d’art rupestre, témoignage d’une évolution locale de la culture matérielle humaine. Des plus anciennes représentations de style dit Tazina en passant par des figures gravées du style dit Bovidien et, plus tard, des périodes libyco-berbères, l’art rupestre de ces régions montre non seulement une occupation humaine permanente, mais également une interaction que ce soit avec l’Est (Atlas saharien) ou avec le Nord (Haut Atlas) ou en fin avec le Grand Sahara à travers le couloir du Bas Drâa au Sud (A.Lemjidi, 2012).

Par ailleurs, ce patrimoine millénaire subit des dégradations naturelles diverses mais surtout anthropiques graves qui peuvent se résumer comme suit :

Le vandalisme et le commerce illicite;

L’extraction de la pierre à bâtir qui n’épargne pas les sites rupestres;

L’aménagement non concerté du territoire qui change l’aspect naturel de ce dernier et cause des dégâts majeurs dans les sites archéologiques et plus spécialement des sites de gravures rupestres ; En plus de ces facteurs de dégradation, l’art rupestre n’est pas encore révélé au grand public et risque d’ailleurs de tomber dans l’oubli ou disparaître à jamais si une protection et une conservation ne sont pas davantage réalisées. Ainsi, sans nier les travaux existants et l’évolution réalisée dans ce sens, inventorier et répertorier les sites d’art rupestre et leur localisation précise par le GPS et sur les cartes est une démarche à entreprendre au service des recherches scientifiques et de la gestion de ce patrimoine.

En outre, si la mise en tourisme de ces sites pourrait être bénéfique pour les habitants, elle doit impérativement être accompagnée de mesures de protection et de sensibilisation.

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Il s’agit, par exemple, de dresser la liste des sites

faciles d’accès, donc susceptibles d’être régulièrement visités. A l’instar de ce qui a été réalisé sur les sites d’Ait Ouazik et l’Oukaïmeden depuis le milieu des années 90, l’installation permanente de gardiens au voisinage des sites s’avère une approche efficace de conservation préventive.

Aussi, la signature d’une charte de bonne conduite pour les visiteurs devrait être obligatoire comme cela se fait avant chaque départ en randonnée dans la Tassili-n-Ajjer en Algérie, plateau classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO en 1982. Dans ce même sens, il sera bénéfique d’implanter des panneaux, en différentes langues rappelant aux visiteurs les extraits des textes de lois sur la protection du patrimoine archéologique...

1.3 L’héritage judaïque

S’il est difficile de dresser un bilan historique relatif aux premières installations des juifs au Maroc, encore moins dans les vallées du Sud-Est, les références existantes, s’accordent à avancer qu’elles remontent à un passé lointain.

Au niveau patrimonial, cette communauté est héritière d’un passé, de traditions, d’une culture dont les composantes spécifiques et marocaines sont imbriquées (Lévy, 2001). Dans les vallées concernées, l’héritage culturel et cultuel, légué par cette population est une composante indéniable de l’identité locale. En plus des mellahs, leurs lieux d’habitation d’antan au sein des ksour, les différents saints et cimetières, dispersés par-ci, par-là, les objets cultuels ou usuels que l’on y retrouve encore de nos jours, etc., seraient des atouts intéressants à investir pour la promotion de la région.

Ainsi, ressusciter la composante identitaire de ces vallées pourrait, par exemple, servir la promotion touristique de celles-ci et y faire drainer un nombre important de visiteurs qui s’intéresseraient à ce type de sites. C’est le cas, en premier lieu, des juifs eux-mêmes, particulièrement ceux d’origine marocaine, disséminés à travers le monde et dont le nombre est considérable.

1.4 Le vestimentaire et la parure

Ce qui attirerait l’attention du visiteur des vallées du Sud-Est Marocain, c’est la diversité identitaire de ces contrées, qui se manifeste à plusieurs niveaux, dont le vestimentaire et la parure.

En effet, l’intérêt de l’habit réside dans le fait qu’il est porteur de sens et de valeur et garantit à l’être son identité aux yeux d’autrui. C’est la raison pour laquelle les habitants veillent à ce que leurs costumes correspondent à la nature des événements et circonstances. L’habit peut symboliser aussi plusieurs états d’âme et il n’est pas étrange, non

plus, par le biais du symbole, de lui octroyer une dimension religieuse, voire même superstitieuse. Les coiffures, les maquillages et les tatouages, eux aussi, contiennent des symboliques, indiquent l’appartenance, la position dans la société de celui ou celle qui les portent. Quant aux bijoux : (colliers, bracelets, boucles d’oreilles, fibules…), de provenance locale ou autre, les femmes leur accordent un intérêt particulier ; car ce sont des objets qu’on exhibe et qu’on offre à l’œil en signe de distinction sociale, spécialement lors d’un mariage ou d’une cérémonie. Confectionnés de matériaux divers, mais le plus souvent en argent, réputé pour ses valeurs protectrices, notamment du mauvais œil. Le port des bijoux est mis au point par des coutumes, et leur arrangement sur le corps obéit à des rites bien définis…

En somme, il nous semble que les habits et les parures, entre autres, des régions concernées peuvent y constituer un soubassement de l’animation culturelle, capable de stimuler la curiosité du visiteur et d’enrichir son voyage. En effet, la création, par exemple, de musées locaux dans ces contrées participeront à promouvoir la destination par de nouveaux lieux de médiation culturelle et renforcer son offre en matière du tourisme culturel. A l’instar de certaines initiatives existantes dans le pays, ces musées renforceront les liens entre des populations, des objets patrimoniaux et des visiteurs et contribueront au positionnement des espaces oasiens et de montagne sur la carte touristique régionale (Ben Ataya 2013).

Pour longtemps, les vallées du Sud marocain ont été ignorées dans les politiques du développement touristique national. Pourtant, elles sont toujours commercialisées dans les programmes des agences de voyage, comme des lieux de passage. En plus, elles sont généralement réduites à un seul produit. On dirait qu’elles constituent un territoire unique et identique, sans aucune distinction. En tout cas, on attribue par exemple à ces espaces une qualification du genre : la route des kasbahs ou circuit des mille

kasbahs et on passe sous silence d’autres aspects du

patrimoine culturel

.

Ce n’est qu’à partir de la stratégie connue sous le nom de vision 2010, élaborée en 2001, qu’on a commencé à intégrer, au niveau du discours au moins, lesdites vallées dans les programmes nationaux du tourisme. Toutefois, et même à ce niveau, l’image réductrice véhiculée demeure la même. D’où l’intérêt d’un travail de recensement des potentialités de ces régions et de leur valorisation.

Les enquêtes de terrain que nous avons menées, notamment dans la vallée de Dadès, montrent que l’activité touristique demeure en deçà de ce qu’elle pourrait et ou devrait être. Les services touristiques qui y sont disponibles se limitent à la restauration et à l’hébergement des visiteurs effectifs de la région.

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Ces services sont conçus et gérés par la population locale, sans encadrement de l’Etat. C’est ainsi que le tourisme en question est individuel, saisonnier et peu régulier.

Quant au patrimoine local, l’étude nous a aussi révélé que plusieurs contraintes handicapent sa valorisation et par conséquent celle de la promotion touristique dans la région.

En effet, le patrimoine ne semble pas d’abord être la priorité de la population, qui souffre encore de la précarité et de conditions de vie difficiles. Il convient aussi de signaler que ladite population entend surtout par patrimoine les traditions, les us et coutumes, bref ce qui relève particulièrement du patrimoine plutôt immatériel ; par contre, le patrimoine dans son aspect matériel : (l’architecture de terre, l’héritage archéologique ou judaïque, etc.) ne semble pas jouir chez elle du même degré d’attachement. L’abandon et l’état de dégradation dans lequel se trouvent par exemple les ksour et casbahs sont assez parlants à cet égard.

En outre, le niveau d’étude, généralement très bas, des acteurs de tourisme, l’absence d’une signalétique adéquate et suffisante, d’actions institutionnelles publiques (musées, campagnes de sensibilisation, événements culturels, etc.), sont, entre autres, parmi les facteurs qui affectent négativement aussi la valorisation du patrimoine... Les aspects évoqués, hâtivement, dans cette première partie: l’architecture de terre, le patrimoine archéologique, l’héritage juif, le vestimentaire et la parure visent à mettre l’accent sur certains pans du patrimoine matériel et par conséquent à diversifier ainsi l’offre touristique des vallées en question. En effet, dans un contexte assez difficile comme celui de ces vallées reculées et enclavées, toutes les ressources du milieu doivent être mises au service du développement, sans toutefois compromettre leur durabilité.

Contrairement à ce que l’on a jusqu’à maintenant l’habitude de proposer aux visiteurs de ces régions: les mêmes circuits, les mêmes produits, etc., il nous semble qu’il est temps de diversifier l’offre et l’adapter, à partir des ressources sous évaluées et non encore exploitées, de manière à répondre aux nouvelles exigences du tourisme international. Pour ce faire, la patrimonialisation est l’une des actions qui pourrait servir de locomotive du développement, eu égard à ses bienfaits pour les sites labellisés, l’image de marque des territoires et leur économie. Toutefois, elle pourrait aussi avoir certains méfaits, notamment lorsqu’elle ne provient pas d’une volonté locale. La nécessité donc de la repenser s’impose pour en tirer meilleur profit.

2 DE LA PATRIMONIALISATION ENTRE LA VALORISATION DES RESSOURCES, LA PROMOTION DES TERRITOIRES ET LES RISQUES DE DERIVES

2.1 Le patrimoine mondial au Maroc

Le Maroc a ratifié en 1975 la Convention du patrimoine mondial de Paris de 1972. Le premier site marocain à être classé remonte à 1981 (la médina de Fès), et depuis, le pays a enchaîné sa démarche de proposition d'inscription pour d'autres sites. A ce jour, neuf sites sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, tandis que d’autres biens sont soumis à la Liste indicative. Il est bien évident que l’inscription d’un bien sur la Liste du patrimoine mondial lui octroie certains bienfaits et lui confère des privilèges. La reconnaissance de l'universalité exceptionnelle du site et l'intérêt manifesté par la communauté internationale à son égard lui permettent de bénéficier également d’une attention particulière de l’Etat où il se situe et de la société civile de manière générale.

Sur le plan international, l’inscription encourage les bailleurs de fonds à financer des actions de réhabilitation et de restauration. Dans ce sens, le Maroc a su s’acquérir des fonds pour mener des opérations de sauvegarde de certains de ses sites : Fès, Marrakech et le ksar des Aït Ben Haddou, premiers sites inscrits ayant bénéficié de l'apport financier de la Banque Mondiale, de l'UNESCO et du PNUD.

Sur le plan touristique, l’inscription au patrimoine mondial joue clairement un rôle de label à l’échelle nationale et régionale. Il est clair que le label UNESCO permet le développement de l’activité touristique au niveau du site inscrit. Les touristes sont surtout curieux de le découvrir et de voir ce qu’il a de distinctif. Cela flatte aussi, sans doute d’avoir visité un pan du patrimoine universel. Si l’intérêt principal d’un touriste est de voir quelque chose d’extraordinaire, de faire l’expérience de quelque chose d’inhabituel et d’exotique, c’est la distraction qu’il cherche en premier lieu ; le touriste est à la recherche de stimuli qui lui donne des émotions positives.

Toutefois, à analyser le patrimoine mondial au Maroc, on constate que l’inscription pourrait être aussi en défaveur des sites classés. Il s’agit des dérives de la patrimonialisation. C’est ce que nous traiterons dans ce qui suit en nous appuyant sur un cas concret.

2.2 Evaluation d’un site inscrit sur la Liste du patrimoine mondial : le cas d’Ait Ben Haddou

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Le village communautaire Aït Ben Haddou est situé

à 30 Km au Nord-ouest de Ouarzazate sur l'ancienne route des caravanes qui reliait jadis la vallée de Draa, la plaine de Tafilalet et Marrakech par le col de Telouet.

Malgré l’inscription de ce site sur la prestigieuse Liste en 1987, suivie de son classement à l’échelle nationale en 2004 et les différentes restaurations qu’il a connues, il se trouve toujours exposé à un processus de dégradation accélérée par le concours de multiples facteurs: le manque d'entretien à cause de l'abandon du village par ses habitants, l’absence d’une vision concertée de sauvegarde chez les acteurs locaux, des restaurations hâtives, la multiplicité des intervenants, le manque, voire l’absence de concertation avec la population locale : (toutes les décisions concernant le site sont, jusqu’à maintenant, descendantes : l’inscription, la gestion, les restaurations, etc.), des activités touristiques et cinématographiques mal organisées, etc. Par conséquent, l’UNESCO a failli retirer son label et déclasser le site. Les autorités marocaines ont fini par réagir et le Ministère de la Culture a supervisé un plan de gestion quinquennal du site (2007-2012).

Pourtant, l’état actuel du site demeure désolant et l’image du pays véhiculée par son patrimoine est en jeu. Et si la dégradation continue avec la même ampleur, le site risquerait à nouveau le déclassement, à cause de la perte continuelle des valeurs pour lesquelles il a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial.

Quelle patrimonialisation donc entreprendre dans les vallées du Sud-Est Marocain qui nous préoccupe ici?

2.3 Pour une meilleure valorisation

patrimoniale et une promotion touristique des vallées du Sud-Est Marocain

Il nous semble que, pour attirer vraiment l’attention sur les territoires reculés, à l’instar des vallées en question, une intervention concrète et d’envergure s’impose dans l’immédiat. Pour ce faire, nous croyons que la patrimonialisation d’un site ou d’un aspect du patrimoine matériel sus-mentionné dans une desdites vallées, via son inscription comme

patrimoine mondial, selon les critères exigés dans ce processus, pourrait servir de levier pour le développement de tout le territoire.

Toutefois, la patrimonialisation pour laquelle nous plaidons ici et, contrairement à ce que l’on a l’habitude de voir jusqu’à maintenant, ne doit pas être verticale, descendante, mais doit provenir d’en bas, de la population locale elle-même, qui en est la première concernée.

Il nous semble que le bienfait majeur de cette proposition, entre autres, c’est de permettre d’observer le patrimoine entrain de se faire et de se créer. Ce positionnement affirmera la place centrale de l’acteur et lui reconnaitra une intentionnalité dans ses choix. Ainsi, le patrimoine ne sera pas reconnu comme un objet en soi, mais comme une construction sociale, réalisé dans l’action (Tornatore 2006).

Faire de la population locale une partie prenante de toutes les décisions, à partir du projet de l’inscription, c’est développer chez elle un esprit entrepreneurial, qui s'inscrirait dans le prolongement de son esprit communautaire, et empêcher qu’elle se considère comme une population assistée.

Certes, les différentes interventions provenant des institutions étatiques concernées sont nécessaires, mais leur rôle doit se limiter à la supervision, à l’encadrement et au respect des orientations nationales et internationales. Lesdites interventions doivent répondre à des problèmes réels et préconiser des solutions conformes aux attentes de ladite population.

Pour ce faire, le projet doit au préalable se baser sur deux fondements principaux: la valeur du site pour la population locale et l’engagement de celle-ci à assurer sa sauvegarde dans le futur.

Aussi, pour son optimisation, il devrait se faire sur la base des trois points suivants :

! une campagne préliminaire de conscientisation de la population concernée ; ! une implication de ladite population dans la prise des décisions et les travaux envisagés ; ! des retombées économiques directes doivent revenir de droit à la population en question...

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CONCLUSION

Au terme de ce travail, qui a porté sur le patrimoine, la patrimonialisation et le tourisme dans le Sud-Est marocain, il importe de rappeler tout d’abord que, si nous avons choisi de travailler sur une région essentiellement rurale, c’est pour nous une façon de participer à la valorisation d’un espace riche de ses potentialités mais qui ne bénéficie pas de l’attention qu’il mérite à nos yeux. En effet, nous pensons que les initiatives devraient se multiplier dans ce sens pour faire émerger ces zones enclavées, les faire connaitre davantage et les promouvoir, au lieu de les abandonner à leur sort. Nous sommes donc parti du constat selon lequel

l

e patrimoine culturel, notamment matériel, de ces régions, n’est pas apprécié à sa juste valeur. Comme c’est le cas du patrimoine rural marocain en général, celui des vallées en question est considérée comme un ″petit″ patrimoine (par opposition à d’autres qui, eux, sont qualifiés de ″prestigieux″). Par conséquent, il n’a pas encore fait l’objet d’une valorisation susceptible d’en faire un levier du développement.

La patrimonialisation peut certainement favoriser cette valorisation et encourager des actions susceptibles de promouvoir toute la région. Toutefois, pour éviter plusieurs dérives, il est nécessaire d’expérimenter un autre type de patrimonialisation, dans lequel la population locale et les acteurs locaux soient les porteurs de projets. Si nous sommes conscients qu’un projet de ce genre est très ambitieux et exige l’intervention de plusieurs institutions étatiques et de multiples acteurs sociaux et civils, nous sommes aussi convaincu de sa nécessité pour la préservation d’une partie du patrimoine national et du développement économique et social de la région touchée. En tout cas, il est primordial que le pays

rationalise davantage ses actions, les démocratise plus et oriente ses interventions vers la valorisation des patrimoines locaux et régionaux, qui en ont le plus besoin, sans discrimination entre site ʺprestigieuxʺ et autres de ʺ moindre valeur ʺ. Certes, au Maroc, un véritable sentiment d’appartenance et d’attachement au patrimoine existe chez les populations citadines et rurales, mais attendre d’elles qu’elles se mobilisent pour le protéger et le valoriser de leur propre gré et selon leurs moyens très réduits est une illusion. La tâche n’est pas simple et les besoins diffèrent.

D’un autre côté, croire que la valorisation du patrimoine, à elle seule, est une condition suffisante pour assurer le développement des régions rurales, comme c’est le cas de celles étudiées, est une autre illusion. Si la valorisation de ce patrimoine n’est pas appuyée par un programme de développement qui draine des retombées économiques réelles et suffisantes pour faire vivre les populations, le patrimoine en question demeurera sans valeur réelle aux yeux de ces mêmes populations.

En effet, comment une population en état de paupérisation pourrait-elle se soucier de la sauvegarde, de la protection, etc., du patrimoine, alors que son souci majeur est d’assurer son pain quotidien ?

La notion de patrimoine ne représente pas la même chose pour tout le monde et le patrimoine lui-même n’est pas conçu non plus de la même façon d’une région à l’autre. Pour certains, la visite des sites historiques est liée à l’épanouissement de soi. Pour d’autres, le maintien de ce patrimoine est synonyme de pauvreté et de retard.

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