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Circulation des discours dans Le Moyen de parvenir de B. de Verville

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Circulation des discours dans Le Moyen de parvenir

de B. de Verville

par

Philippe BaiUargeon

Mémoire de maîtrise soumis à la

Faculté des études supérieures et de la recherche en vue de l'obtention du diplôme de

MaîtriseèsLettres

Département de langue et littératures françaises Université McGill

Montréal, Québec

Août 1999

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0-612-64126-0

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Table des matières

Table des matières ii

Résmn.é/Abstract iii-iv

Introduction 1

La circuladoD des genres

Letraité 10 Le pamphlet 15 Le recueil de contes 21 Le roman. 25 L'encyclopédie 31 Le mélange 34 Le banquet 37 Ledialogue 41

La circuladoD des énoncés

Théorie bakhtinienne et mises en garde 46

Niveaux de langue 52

Modes d'expressionécritet oral 56

Langues étrangères 59

Énoncés hybrides 61

Jeu del'auteur supposé M

Genres intercalaires 66

Intertextualité 68

Prise de conscience plurivocale 74

Conclusion 79

(6)

Le but de ce mémoire est d'étudier la circulation des discours dansLe Moyen de parvenirde Béroalde de Verville. Pour ce faire~ nous aborderons deux types de circulation présents dans cet ouvragedudébutdu xvnc français.

Le premiertypede circulation sur lequel nous nous pencheronsestla circulation des genres. Nous tenterons dans la première partie de notre étude de cerner cette circulation génériqueenidentifiant etenanalysant les traces laisséesparles différents genreslittérairesetautres présents dansLe Moyen de parvenir. Nous verrons que le livre contient une multitude de genres qui sont parfois en complète contradiction. Nous constaterons que l'ouvrage de Béroalde deYerville n'appartient véritablement

àaucun genre défini, ce qui le rend ambigu au point de vue générique.

Le second type de circulation, auquel nous nous attarderons est celui des énoncés dont nous traiterons dans la deuxième partie de notre mémoire à l'aide des théoriesdudialogisme de Bakhtineetde latranstextualitéde Gérard Genette. Àpartir de cette analyse de la circulation desénoncés~ ilsera possible de constater que celle-ci répond esthétiquement et épistémologiquementà une prise de conscience plurivocale

quicorrobore 1~ambiguïté générique duMoyen de parvenirobservée dans la première partie de notre texte.

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Abstract

The purposeofthisresearch paper isto studythecirculation of discoursesinLe Moyen de parvenir. To do so, we will consider two types of circulationinBéroalde de Verville's book.

Thefirsttypeofcirculation that wewill studyis the generic circulation. Inthe

firstpartofour study, wewilltryto seize this circulation by identifyingaIlthe different genres that appearinLe Moyen de parvenir. Througb this analysis, we will see that

the book contains a multiplicity of genres which are sometimes in contradiction. Furthennore, wewillestablishthatBeroalde de Verville's work doesn't belong toany

defined genre and this is whyitis so ambiguous ftom a generic pointof view.

The second type of circulation, the circulation of enounciation, will be approached through Bakhtin's theory of dialogism and Gérard Genette's notion of transtextuaIity. By analysing tbismode ofcirculation,itwillhepoSSIble to see that this type of circularity corresponds aesthetically and epistemologicaly to a plurivocal awamess which corroborates the generic ambiguity noticedinthefirst partof our text.

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Au début du xvmc siècle, Bernard de la Monnaye ne voyait dansLe Moyen de parvenir de Béroalde de Vervtlle, publié à Paris entre 1614 et 1617, qu''''[...] une représentation naïve des conversations ordinaires"l. Au début du XXC

siècle, Lazare Sainéanqualifiait cetouvragede "[...)livre le plusétrange queconnaisse la littérature [...)"2. Finalement,ily a un peu plus dedixans, Michel Jeanneret écrivait:"Le Moyen

est un chef-d'oeuvre méconnu [...]"3. Comme nous pouvons le constater,Le Moyen deparvenirde Béroalde de Verville suscite une panoplie de discours discordants. En fait, cette oeuvre, caractérisée par la circulation de voix et de structures circulaires à tous les niveaux textuels, a généré autant de discours que ceux qui se font entendre à l'intérieur même de celle-ci.

En effet, nous pouvons déceler une omniprésence de la circularité dans Le Moyen de parvenir de Béroaide de Yerville tant au point de we de la structure narrative qu'au point de we diégétique. On y retrouve, entre autres, une apparente absence de progression chronologique linéaire, d'intrigue, d'introduction et de conclusion, etc. Cette même circularité s'actualise également sur le plan "stylistique"

IBemardde la Monnaye, '1)issertation de Bernard de la Monnoye surLeMoyen de parvenir', dans Le Moyen de parvenir, Paris, Garnier frères, 1879,p.IX.

~azareSain. Problèmes linéraires au seizième siècle, Paris, De Boccard, 1927,p. 99.

3Michel Jeanneret,Les Mets et les mots: Banquets et propos de table à la Renaissance, Paris, Librairie José Corti, 1987,p. 221.

(10)

par lacirculation des différentstypesdediscours (appartenances disciplinaires variées, classes socialesethorizonsidéologiques divers)etaussi sur le plan thématique. Même

du point de vue générique, nous pourrionsaffinnerque le livredeBéroalde contient une certaine circulation des genres (roman~ recueil de contes., banquet/dialogue,

pamphle~ traité, etc.), ce qui en marque la modernité ou du moins ce qui le place en rupture par rapport aux pratiques d'écriture habituellesàson époque.

Lemémoire demaîtriseque nous nous proposons de réaliser porte uniquement sur Le Moyen de parvenir. L'édition originale du livre de Béroalde de Verville ne comportaitninom d'auteur, nidate de publication ("ceste année''),ninom d'éditeur. D'ailleurs, Béroalde de Yerville se défend bien d'avoir écritLe Moyen de parvenir

dans un autre de ses ouvrages intituléLe Pa/ais des curieux(1612)4. C~est en fait ce

quiexplique les nombreuses attnbutions erronées duMoyen au cours des siècles. On l'a attnbuéàRabelais lui-même,à HenriEstienne,àMatthieuBrouar~ dit Béroalde (le père de Béroalde), à Agrippa d'Aubigné (un collègue d'études de Béroalde) ainsi qu'à plusieurs autres. Or, on sait depuis peu, grâce aux recherches de Neil KennyS, d'Hélène Moreau et d'André Toumon6

, queLe Moyen de parvenira été publié pour

""J'ay fait un oeuvre lequel est une Satyre universene, où je reprends les vices de chacun : Je pensais vous le faire voir soubs un tiltre quiestte~Le Moyen de Parvenir, maisonme l'a voilé, si que pour en avoir le plaisir vous attendrez encor: Je l'ay mis en telestatque je ['avouray mien, aulieu que l'exemplaire dont on m'a fait tort,estinsolent,&.que je denierois estre de moy, aussi qu'il n'est pasdeMeritepour estre leu,àcause des convieesqueIon m'a rapporté qui y sont,pour ce qu'ilya des contes desagreables", dans Charles Royer, "Notice", dans Le Moyen de parvenir, Genève, Slatkine Reprints, 1970 [paris,A. Lemerre, 1896], p. 1.

Set

Neil Kenny,"LeMoyen deparvenir:The Earliest Known Edition, its Date, and the Woman Who Printed It", dans Studies on Béroa/dede Yerville,éd.par MichaelJ.Giordano, Paris-Seattle-Tübingen, PapersonFrench Seventeenth Century Literature, "Biblio 17", 1992,

pp.21-41.

6Cj l'introduction d'Hélène Moreauetd'André Tournondufac-simi/éde l'édition la plus ancienneconnue du MoyendeParvenir, Aix-en-Provence, Publications de l'Université de

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la première fois entre 1614 et 1617 à Paris chez la veuve Guillemot et, malgré les dissensions qui ont longtemps persisté~ on s'entend maintenant pour reconnaître à Béroalde de Yerville la paternité de ce texte.

Pour notre étude, nous utiliserons pas moins de cinq éditions différentes du

Moyendeparvenir (voir bibliographie: corpus des oeuvres de Béroalde de Verville). Il faut avoir à1~esprit qu'il n'existe pas d~édition critique de1~ouvrage de Béroalde; c'est pourquoi ilest utile de comparer l'état du texte sous ses diverses éditions. La première à laquelle nous recourrons est ceDe d'Hélène Moreau etd'AndréToornon,

quiestla premièreversion duMoyende parvenir en langue moderne. Nous utiliserons

aussi lefac-similé de l'édition de la Bibliothèque Municipale de Marseille, qui est la

plus ancienne version dispomble de l'ouvrage de Béroalde, reproduite par Moreau et TournoD. Ladeuxième édition dont nous nous servironsestcelle de Charles Royer publiéeen 1896. Cette édition comporte un grand nombre de modificationsparrapport à l'édition originale, mais plusieurs commentateurs du livre de Béroalde de Yerville l'ont utilisée. Nous nous appuierons de même sur l'édition duMoyen d'nana Zinger publiéeen 1985. Nous consulteront aussi l'imprimé

PQ

1605 B4M6 1610Z duMoyen de parvenir détenu par le Rare Books Departement de ('Université McGill. Cet

imprimé daté d'environ 1610 (?) comporte certaines caractéristiques de I~édition originale de chez Guillemot (peut-être un original!~ quoique certaines réserves s'imposent).

Bien que notre étude porte exclusivement surLe Moyen de parvenir, l'oeuvre

de Béroalde de Yerville compte plusieurs autres textes. L'ouvragequinous intéresse se distingue de ces derniers puisque ceux-ci ne présentent pas un caractère dialogique aussi affirmé. On peut penser ici au Palais des curieux (1612), au Voyage des

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princesjôrtunez(1610) ou encore auxApprehensions spirituelles(1584). Évoquons aussi certains problèmes de dispombilité des autres textes de Béroalde de Yerville. En effet, sauf le recueil de poésie publié par V.-L. Saulnier en 1944, on ne retrouve aucune réédition des textes de Béroaldeàl'exceptionduMoyen. Depuis environ une dizaine d'années, lescritiques s'intéressent davantage aux autres oeuvres de Béroalde de Yerville; on n'a qu'à penser aux travaux d'Dana Zinger sur l'aspect stéganomorphique du Voyage des princes fortunez ou encore à l'impressionnante analyse de la conception du savoir dansLe Palais des secretspar Neil Kenny.

Cependant, on retrouve un nombre d'études assez restreint concernant l'oeuvre de Béroalde de Yerville et la plupart d'entre elles concernent uniquement leMoyen.

En fait, l'oeuvre de Béroalde et surtout Le Moyen ont été redécouverts en 1944 par l'éminent Y.-L. Saulnier7quifait figure de pionnier au sein des études béroaldiennes.

Mais c'est au cours des années 1970 que celles-ci ont véritablement commencé avec, entre autres, les travaux de Janis L. Pallisterl, d'Dana Zinger et d'André TournonlO

Depuis ce temps, l'intérêt des chercheurs pour l'oeuvre de Béroalde n'a cessé de croître autant du côté francophone qu'anglo-saxon.

1Verdun-Léon Saufnier,'~tudesur Béroalde de VervilIe : introductionàla lecture du Moyende parvenir', Bibliothèque dtHumanisme et Renaissance,vol. V (1944),pp.209-326.

IJanis L. Pallister,1heWor/d View ofBéroa/dede Vervif/e Erpressed Through Satirical Baroque Stylein "LeMoyendeparvenir""Paris, Vrin, 1971,229p.[thèse de doctorat,

Minneapolis, University ofMinnesota, 1964,294 p.].

9JIanaZinger, Structures narrativesdu "Moyen deParvenir"de Béroalde de Vervil/e, Paris,Niz~1979.274p.[thèse de 3ecycle, Université de Tours,

1976].

10AndréTournon,"Lacomposition facétieuse du Moyen de parvenir', Réformet

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5 Jusqu'à maintenant, les recherches qui ont été menées sur Le Moyen de Parvenir5'avèrent surtout d'ordre thématique. Eneffet, on5'est beaucoup attardé aux

aspects grivois, parodiques et aux motifs sexuels au sein du livre de Béroaldell. On

s'est aussi beaucoup penché sur l'aspect occulte de l'ouvrage par l'analyse de l'influence de l'alchimie ou encore de la présence de la Kabbale12• Certaines études

très poussées concernent l'aspect philosophique du texte de Béroalde13• Onretrouve

également un grand nombre d'analyses portant sur les aspects stylistiques et structuraux du Moyen qui, pour la majorité, proposent un nombre incroyable d'hypothèses sur le fonctionnement du texte14

• fiest évident que l'on rencontre un

grand nombre d'analyses portant sur l'aspect baroque duMoyen (la thèse de doctorat

deJ. L. Pallister citée plus haut est incontournable sur ce point, ainsi que les travaux de Gisèle Mathieu-Castellani). Dans une perspective historiciste ou biographique, Béroalde de Yerville, l'auteur, apparaît sans contredit comme un personnage mystérieux et fascinant par sa polyvalence et ses intérêts diversifiés1S;c'est pourquoi

on retrouve un grand nombre d'études biographiques dont certaines tendent à éclairer des questions d'attnbution de certains textes, notammentLe Moyen de parvenir.

llYoir les travaux de Daniel Celce-Murcia, ClaudeGagno~ MichaelJ.Giordano, Neil F. Kennyetd'André Tournon dans la bibliographie ci-jointe.

12tJn se reportera entre autres aux analyses que proposent ClaudeGagno~ Jean-François Marquet, Janis L. Pallister, Albert-Marie Schmidt, André TOUrDonetDana Zinger dans la bibliographieàlafinde ce travail.

13Àcet égard, on consultera les travaux de StephenJ.Bamforth, Neil F. Kenny, Janis L. Pallisteretd'André TOUrDan évoqués dans la bibliographie ci-jointe.

l"Lestextes sur cesaspects duMoyenabondent; on se reportera donc entre autres aux analyses de Marie-Luce Demonet, Gilles Polizzi, Gerald Prince, Michel Renaud, Bernd Renner, Michel Stegman, André TOurDanetDana Zinger dans la bibliographie ci-jointe.

ISYoir les articles d'Idelette Ardouin-Weiss, Stephen1.Bamforth, Claude Gagnon,

Michael l Giordano, Janis L. Pallister2 Lenita et Michael Loceydansla bibliographieàlafin de ce

(14)

Donc, depuis la fin des années 1970, nous assistons à une densification des études béroaldiennes. Un peu moins de quatre cent ans après la publication de son dernier ouvrage, Béroalde de Yerville a même eu droit à son premier colloque au Centre V.-L. Saulnier de l'École Nonnale Supérieure de la rue d'Ulm en 1995. Il s'agit d'une contribution très importante puisque l'événement regroupait les plus éminents chercheurs às'être penchés sur l'oeuvre de Béroalde.

Le Moyendeparvenir se prêtetrèsbienàune étude dialogiqueetpolyphonique, mais, curieusement, il n'a pas été très souvent analysé sous cet angle de façon systématique. En fait, plusieurs critiques se sont contentés d'évoquer l'oralité, la polyphonie et le dialogisme présents dans le texte de Béroaide (Michel Renaud16,

Barbara C.. Bowen17

, Michel Jeanneret18, etc.). Même "le père" du dialogisme, Bakhtine, a évoqué cet aspect remarquable de l'ouvrage qui nous intéresse dans son

Rabela;sJ9. Nous mènerons cette étude dialogique en considérant trois plans textuels bien précis, c'est-à-dire le genre, l'énoncé et le contenu thématique.

l6Cf.

Michel Renaud,Pour une lecturedu f'Moyen de parvenir" de Béroa/dede Verville,(2e éd. Rewe) Paris, Honoré Champion, 1997,329 p.

l'Cf..

Barbara C. Bowen, "Dialogue entre langue parlée et langue écrite chez Jacques TahureauetBéroalde de Vervilleu

(Actesdu colloque de Sommières, 14-17 septembre 1981)~

Réforme, HlImanisme, Renaissance,vol.VIILn° 15.2 (décembre 1982),pp.76-82.

lBef..

Michel Jeanneret,'IOLecentre de tous les livres", dans Les Mets et les mots:

Banquetsetproposdetahleàla Renaissance1Paris, Librairie José Coni, 1987, pp. 221-246. 19l~littératureduXVIe siècle aétémême en quelque sorte achevée sous le signe de Rabelais (...] dans le domaine des belles-lettresparle remarquableMoyen de parvenir...de Béroalde de Verville (1612)."Mikhaû Bakhtine,L'Oeuvre de François Rabelais ellaculture poprllaire au Moyen-Âge etsous laRenaiSSQ1Jce1Paris,GaIllimar~ 1970, p. 70.

(15)

7

Le Moyen de parvenirest, simultanément, un recueil de contes~ un roman, un pamphlet, une satire, une encyclopédie et un traité non didactique, qui prend la fonne d'un banquet ou plutôt d'un anti-banquet où sont réunis quelque trois cent quatre-vingt convivesfictifsou historiques de toutes les époques, disciplines et conditions sociales.

c~est dans une apparence de désordre des plus exemplairesquenous sont présentés les propos décousus, comiques et parfois carrément obscènes des différents devisants. En fait, Le Moyen peut sembler extrêmement moderne en raison de son aspect fragmenté, éclaté, hautement intertextuel et indubitablement hybrideauplan générique. Aussi, plusieurs critiques contemporains ont identifié l'enjeu principal du Muyen

comme étant la faillite du langage, soulignant ainsi la modernité du texte.

Le texte de Béroaldeestsatmé aupoint dewepolyphonique àunpoint tel qu'il peut sembler incohérentàune première lecture. Le Moyen représente véritablement un lieu de convergenceet d'interaction de discours propresàdifférentes disciplines techniques comme l'orfèvrerie, la médecine, la sculpture, etc. On y retrouve également de nombreux discours représentatifs de différentes conditions sociales et aussi d'époques diverses (passé, présent et même futur, selon certains). De plus, le texte ne possède à première vue nidébut(1~ouvrage commençantparla conjonction

"car"20) nifin (le texte s'achèvant sur"Et afin que je puisse unjour commencer ce volume [...]"21). De la même façon l'oeuvre en cours se présente comme "[...) LE CENTRE DE TOUS LES LIVRES [...]"22. Tous ces éléments contnbuent à souligner

WOéroaide de Verville,LeMoyendeparvenir., [fac-similel,éd. Hélène MoreauetAndré Toumon, Aix..en-Provence, Pubücations de l'UniversitédeProvenc~ 1984,p. 1.Afinde faciliter

la lecture, nous avons remplacé les 'V' par des')In,les"i"par des"j"etles "s allongés" par des "s".

2Jlhid,p.616.

(16)

le caractère circulaire ouàtout le moins ouvert de l'oeuvre. Deplus~ on remarque rabsence proprement dited~lDleinstance régulatrice des discours. L~instance narrative est des plus instables et donneI~impression decirculer à l'intérieur du texte passant du statut de narrateur à celui de simple convive.

De la même façon, ilest possible de retrouver dans 1~ouvrage de Béroalde, et plus précisément dans les propos grivois des différents personnages, des traces de plusieurs autres textes. Laplupart des contes proviennent de diverses sources, certains faisant même figure d'exempta. Toutefois, àquelques exceptions près, les textes évoqués dans Le Moyen s'y trouvent poury être pervertis, détournés, dénaturés~

ridiculisés, décontextualisés, bref parodiés, bien souvent malgré la noblesse et l'autorité des sources choisies. Les récits que s'approprie Béroalde comportent la plupartdutemps des développements relatifsàla question du langage. Donc,àtravers les jeux de polyphonieetdecircularitéquis~exercentàtous les niveaux textuels, nous nous efforcerons de démontrer que Béroalde entreprend dans sonMoyen une véritable

déconstruction du langage.

Nous pourrions affirmer que le mémoire de maîtrise que nous nous proposons de menerserala première étude détaillée du dialogismeàl'oeuvre dansLeMoyen de parvenir. Comme nous l'avons vuplus tôt, seulement quelques chercheurs se sont penchéssurdes problématiques touchant la question des dialogues, de l'oralité et de la polyphonie présentes dans le livre de Béroaide de Verville. Notre travail sera donc appeléàse diviser en trois parties principales. Tout d'abord, nous procéderonsàune étude de la circulation générique présente dansLeMoyendeparvenir, c'est-à-dire que

nous identifierons les différents genres présents dans l'ouvrage de Béroalde. Deuxièmement, nous procéderons à une analyse dialogique des discours, autrement

(17)

9

le théoricien et philosophe Mikhail Bakhtine. Finalement, nous émettrons certaines hypothèses quant au fonctionnement du texte de Béroalde de Yerville àpartir des observationsquiaurontétéformulées dans les deux premières parties de notre travail.

Pour notre première étude, celle de la circulation des genres, nous consulterons divers ouvrages généraux portant sur les différents genres littéraires pratiqués en France àla Renaissance. Ces ouvrages seront principalement ceux d'Eva Kushner, Colette Winn, Michel Chartier et Mustapha Bénouis (voir bibliographie). Nous aurons aussi recours aux travaux des commentatems du Moyen de parvenir qui se sont attardés au statut générique de cette oeuvre protéenne.

Dans la deuxième partie de notre étude dialogique, nous emprunterons à

Bakhtine et àquelques-uns de ses commentateurs (Todorov, Kristeva, Belleau, etc; voir bibliographe)desoutils pour mener une lecture dialogique des discours contenus dans LeMoyen. Nous verrons de queUe façon s'articule la circulation des discours au sein du livre de Béroalde en identifiant certains traits proprement dialogiques dans les dialogues (polyphonie, intertextualité, etc.). Ensuite, nous verrons de queUe façon s'élabore cette circularité dialogique au point de vue de la structure du genre du

Moyendeparvenir.

Finalement, nous pourrons développer nos propos autour de cette circularité que nous aurons relevée à tous les niveaux textuels pour démontrer que Béroalde de VerviIle procède dans son ouvrage à une déconstruction du langagequitémoigne de l'émergence d'uncertain scepticisme responsable entre autres de la faillite de l'esprit encyclopédiqueàla fin du XVIe siècle. Par la suite, nous pousserons l'analyse plus loin à l'aide des travaux de Paul de Man en tentant de démontrer que le livre de Béroalde de Verville est appeléàse déconstruire lui-même. Nous ne pourrons enfin conclure qu'en soulignant la surprenante "modernité" duMoyen de parvenir.

(18)

LA CIRCULATION

DES GENRES

(19)

Les critiques ont abondamment discuté du genre auquel ressortitLe Moyen de parvenirde Béroalde de Yerville et ils ont suggéré un grand nombre d'appeUations pour ce Iivre23• Bien entendu, certaines de ces dénominations reviennent plus souvent

que d'autres, mais l'oeuvre en question ne saurait être classée de façon satisfaisante au sein d'une catégorie générique unique. Toutefois, Le Moyen de parvenir n'est pas inqualifiable; ilcomporte plusieurs traits attnbuables àun certain nombre de genres assez bien définis, comme nous le verrons.

LE TRAITÉ

On parla, on mangea, on beut, on fit, ft, on se teut on fitdu bruit, on protesta, on rencontra, onrit, on baaiIa,onentendit,ondisputa,oncrac~ on moucha, (...] on redouta, on s'assagit, on devint, on parvint.24

Le premier genre auquel on pourrait identifier le livre de Béroalde de Yerville est le traité. Eneffe~ la première partie du titre de l'ouvrage:

23Plusieurs critiques ontassimiléLe Moyendeparvenirau banquet (MichelJeanner~ Gerald Prince, etc.), autraité(Barbara Bowen), au pamphlet(AndréStegmann), au roman (Dana Zinger, Jean-François Marquet, etc.) ainsi qu'au genre encyclopédique (Bernd Renner, Neil Kenny, etc.). Voir (es titresetréférences complètes dans la bibliographie.

24Béroalde de Verville. Le Moyen de parvenir [fac-simile],éd. Hélène MoreauetAndré Tournon,Aix-en-Provence~ Publications de l'Université de Provence, 1984, p. 41.

(20)

LE MOYEN DE PARVENIR

Oeuvre contenant /a raison de tout ce qui a esté, est, &

sera avec demonstrations certaines&necessaires, selonla

rencontre des effèclS de Vertu.25

suscite chez le lecteur non averti un horizon d'attente qui est celui du lecteur de textes didactiques. Elizabeth Eisenstein26etBarbaraBowen27nous indiquent que le genre du

"Moyen" ou du "how-to" est assez courant au XVIe siècle. On en retrouve deux exemples dans le dixième volume du Recueil de poésies françaises desX? et

xvr

siècles de Montaiglon et Rothschild:

Le Moyen de say enrichir, profitable et utile à loutes les

gens.

LeMédecin courtizan. oulallUlllière deparveniràvraye el solide médecine.18

Ces ouvrages, comme leur titre l'indique, dispensent des méthodes pratiques pour parvenir àcertainesfins. Letitredulivrede Béroalde de Yerville annonce, quant

à lui, la façon d'en arriver à un savoir universel autant au point de vue des connaissances que de la morale :

2SjJéroaide de Yerville,Le Moyen de parvenir, p. 1.

26Elizabeth L. Eisenstein, ThePrinting Press as an Agent ofChange. Communications

andCullllrai Transformations in Ear/y-Modem Europe, vol. 1. Cambridge, Cambridge University Press, 1979,p.88.

27Barbara Bowen,"Le Moyen de parvenir, the Name ofthe Game", dans Wordsandthe Man in French Renaissance Literature7 Lexington(Kentucky), FrenchFo~ 1983,pp.

114-IlS.

21Anatole de Montaigion et James de Rothschild,Recueil de poésiesfrançoises des X? et

xvr

siècles, morales.facétieuses. historiques7voLX,Paris, Paul Daffis, 1875,p. 390.

n

s'agit

(21)

12

[...] ce livre, qui vous fournit de tout. Ce bel object est tel qu'en luyvous avez les elemens qui vous guiderontau bien accompli,& parces elemens, non de particulieres sciences, maisdetoutes,exclusiveetinclusive, vouspomrez trouver et inventer tout secret, tant caché, séparé et admirable soit-il

[...J.

29

Bien sûr, Barbara Bowen ne manque pas de souligner que "No book is likely to contain ail these, and naturallyLe Moyende Parvenircontains none ofthem"30. Bret:

1'horizon d'attentedulecteur par rapport au titre se trouve irrémédiablement déçu par le contenu de l'ouvrage, qui se présente comme tout, sauf un traité didactique.

Toutefois, lesyntagme"moyen de parvenir" revient de façon incessante tout au long du texte en prenant toutes sortes de significations et connotations. On retrouve entre autres l'expression dans les propos du personnage de Macrobe relatifs à la crucifixion du Christàl'intérieur du chapitre s'intitulant "Livre de raison" : "[...]il n'y a que les pauvres femmes qui l'ont pleuré, & ainsi ont trouvé le moyeD de parvenir"31. II s'agit sans doute de l'allusion la plus sérieuse de l'ouvrage (et peut-être du livre complet!) impliquant l'expression "moyen de parvenir',32. Le syntagme en question est même défini par Paracelse:

~éroalde de Verville,LeMoyendeparvenir,pp.44-45. Onyretrouve ces deux

affirmations: "[...] ce doctemonument,ce joyeux de repenoire deperfection,cetantidote contre tout malheur, ceste affiloire de bonnes graces,CE MOYEN DE PAR~unique breviaire des resolutions universelles&.particulieres (...]", (pp. 41-42),et "[...] vous trouverez ceux qui

beniront ceci deviendront sages s'ils nesontpourcequ'envérité ces escrits cesseront, &. ne feront plus quad les vices cesseront,&.que toutes sortes de gens ne feront plus de folie [. -.l",(p. 115).

~arbara, Bowe~ OlLe Moyendeparvenir, the Name ofthe Game",p. 115. 31Béroalde de Yerville,Le Moyen de parvenir,p. 110. Nous soulignons.

nefNeil Kenny, "Satire, parodieetphilosophie chez Béroalde de Verville", dans

Burlesque el formes parodiques: AclesduColloqueduMans(4-7décembre 1986), éd.par Isabelle Landy-RouillonetMaurice Ménard, Paris-Seattle-Tübingen, Papers on French Seventeenth Century Literature, "Bibüo 1T', 1987,pp. 242-243.

(22)

Quelqu~Wl- (...) mais je demande que c'est que les affaires dumonde.

Paracelse - C'est le moyen de parvenir.33

Comme si cette définition de Paracelse n'était pas assez obscure, ce dernier poursuit plus loin en ajoutant certains détails qui se voudraient éclairants pour le lecteur avide d'en savoir davantage sur ce fameux "moyen de parvenir" : "'[...] le moyen de parvenir comprend tout, & est composé des quattes elemens de piperie avec leur quinte essence"J4, et peut-être plus explicitement: "[...lles larcins, monopoles, sacrileges, fraudes& telles joyeuses inventions& moyens de parvenir"35. On apprend aussi que chacun a sa façon bienàlui de parvenir :

Cefutunmoyen deparvenir:Voila,ilyen a qui parviennent diversement, les uns sans y penser, les autres par artifice, aucuns par danger, quelques uns rencontransd'~ cherchet dautre; aUC1DlS courans comme ils attrapent, quelques autres en despit d'eux, & s'en faut raporter aux exemples, ainsi

qu'une truye qui avorte.36

Par ailleurs, on remarque également que la première partie du titre est incomplète, car l'expression "'moyen de parvenir" suppose l'ajout d'un complément d'objet indirectquiindiqueraitceàquoi l'on doit ou devrait arriver. Si les moyens de parvenir sont nombreux, les finalités du parvenir sont toutes aussi diversifiées :

33Béroaldede VerviIle,Le Moyen de parvenir,p. 155.

34lbid.,p. 156.

3s1bid,p.357.

(23)

14

[...] leprincipalmot duguetduMOYEN DE PARVENIR, est d'avoirdel'argent AuxMoin~pour se saouler& besoigner leur saoul, d'autant que c'est leur part. Aux Gentils-bommes pour paroistre. Aux ambitieux pour ce faire mystigorifier, commepetitdaimons sur le plat d'une pelle. Et aux autres, pouravoir du contentementen verité & nonensonge.31

L'expression "moyen deparvenir" est tellement récurrente dans le texte et d'une signification tellement floue que certains personnages s'en plaignent : "Vous ne faites que parler de parvenir, sans possible en sçavoir la pratique [...]"38. Bref: les divers "moyens et les fins deparvenir" sontsimouvants et si peu explicités que le lecteur qui s'attendàlire un livre lui indiquant sérieusement les moyens pratiques d'en arriverà un but précis se voit infinimentfrustré. Cependant, si l'on prend la peine de s'attarder le moindrementautitre de l'ouvrage,('onsaisit rapidement l'ironie. Laseconde partie du titre,quisemble indiquer le but "didactique" du texte, estparsa dimension loufoque assez révélatrice à cet égard :

Et adviendra que ceux qui auront nezà porter lunettes s'en serviront : ainsi qu'il est escrit au Dictionnaireàdormir en toutes langues.39

Comme nous pouvons le constater,LeMoyendeparvenirne peut véritablement et simplement être identifiéàun traité puisque, malgré sa dénomination, ilne remplit aucune des "fonctions" propres à ce genre. En fait, le livre de Béroaide de Verville, par son titre et quelques fonnules itératives, ne fait qu'allusion au geme du traité. Par conséquent, le pacte de lecturequi veut que le hbellé du titre fonctionne comme un signal générique n'est pas respecté de façon débbérée. Nous verrons pourquoi ultérieurement.

17Béroalde de Yerville,LeMoyendeparvenir.,p.578. 31/bid, p. 168.

(24)

LE PAMPHLET

Vousquiavez mine d'estre horns, Et qui semblez estre hommasses: Apportez quatre gros és troncs, Afin que l'oeuvre se parface.40

Un autre geme auquel pourrait être associé Le Moyen de parvenir est le pamphlet. Ce genre semble toutefois avoir assez peu de liens avec l'ouvrage de Béroalde de Yerville en raison de sa dimension. En effet, le pamphlet est défini comme une " [...) brochure où est attaquée une institution'~l ou plus généralement comme un '''[...)ouvrage satirique court attaquant avec violence une personne, une institution, une idéologie'~2. L'imprimé original duMoyen de parveniravec ses six cent dix-sept pages correspond assez mal à l'idée que l'on pourrait se faire d'une

brochureou d'unouvrage satirique court.

AndréStegmann, qui s'est penché sur l'aspect pamphlétaire dulivrede Béroalde de Yerville, souligne qu'au XVIe siècle la notion de brièveté n'est pas le propre du genredupamphlet43• Eneff~ plusieurs ouvrages pamphlétaires de l'époque, comme

ceux de Calvin, de Badius et de Reboul44

, ne se distinguent pas par leurs dimensions

~éroalde de VerviIIe, LeMoyendl!parvenir,p.617.

4tBemard Dupriez, Gradus. Les procédés littéraires, Paris, Union généraled~ditions, 1984,p.407.

42AndréStegmann, '1IéroaIde:Le Moyendeparvenir, kaléidoscope d'un pamphlet éclaté", dans Le Pamphlet en France au

xvr

siècle: ActesduColloqueduCentre V.-L Sau/nier (printemps 1983), Paris, SEDES, 1983, p. 103.

4$'Laplus grande h'berté règne en ce domaine qu'on n'a pasfinid'explorer. Labrièveté elle-même, où l'on a souvent voulu voir la marque distinctive du pamphlet, n'est pas toujours de mise, sans que l'ouvrage perde pour autant sa force de persuasion". Daniel Ménager, "Traitéset

Pamphlets; les limites de la censure", dans Précis de linérature française du

xvr

siècle, sous la direction de Robert Autotte, Paris, Presses Universitaires de France, 1991, p. 309.

....00 pourrait aussi mentionner le pamphlet le plus populaire de l'époque, c'est-à-dire la Satyre de Ménipée.

(25)

16 réduites. Stegmann propose une définition du pamphlet assimilant Le Moyen de

parveniràce genre:

[...] le pamphlet viseàdénigrer oudémystifier un individu,

une fraction sociale, un courant d'opinions oule système de pensée d~une société tout entière't selon une structure non codifiable, dont le ton agressi( ironique ou humoristique fOrmule des entorses permanentes au code linguistique.4s

Cette définition légitime amplement l'aspect pamphlétaire du livre de Béroalde de Yerville. Onretrouve beaucoup de cas où des individus ou des groupes sociaux sont dénigrés. Dans certains passages, c'est un personnage historique présent au banquet qui est ridiculisé. On en retrouve un exemple au quatorzième chapitre où le narrateur interrompt Théodore Bèze, le théologien protestant principal lieutenant de Calvin, qui lui avait précédemment ravi la parole:

Maisienet'aypas laissé homaistresophiste, perdudevanité de tes imaginations, ame desloyalle qui ne peus comprendre le legitime moyen de parvenir, auquel tupretends d'arriver par sottise ou fraude ordinaire [...].46

Sont aussI attaqués certains personnages qui occupent des positions sociales privilégiées comme les gens de lettres, médecins, théologiens, docteurs, etc.

[...] gens latineux& de telle farine qui remaschent ce que les doctes antiques ont jeté & chié, et vont grattant dans les nyeures& bouriers duLatin&es esviers d'eloquence pour en tirerquelque haillon [...].47

olSAndré Stegmann,'~éroalde :LeMoyende parvenir, kaléidoscope d'un pamphlet éclaté", p. 103.

-I6Béroaide de Verville,LeMoyende parvenir, p. 57. ol1lbid,p.5.

(26)

Mais je vous prie ne vous amusez pasà ces messieurs les gens de lettres, qui sont si tres-sçavans qu'ilsen sont tout sots. Vous les verrez haUebardans avec degrandslambeaux deLa~ etTarouchans les fauvettes [...].48

De la même façon, l'ouvrage contient des extraits démystifiant certains systèmes de pensée en vigueur à l'époque49

• Onretrouve par exemple ce qui se présente comme

une synthèse peu flatteuse de la philosophie socratique : "Quant àSocrales, il [...]

enseigna à messire Guillaume le Vermeil à conclure sans resoudre, & à resoudresans

conclme [...

J"5O.

Lascholastique et la rhétorique ne sont pas non plus épargnées. En

effet, on retrouve souvent l'emploi de termes spécialisés, voire de néologismes, dans des contextes insolites ou tout simplement grivois : "[...] ne vous en deplaise, je voudrois bien vous avoir embrassee amoureusement, homocentriquement &

resolutivement [...]"51. Bref, tout le système de pensée des arts hbéraux est même condamné:

Taisez-vous j'entends cela mieux que vous, d'autant que vous autres mettez septartsh~ & il ne le sont pas:Qu'est-ce qu'ils vous donnent par leur überalité?'2

Lemonde clérical estlui aussi écorché. Cependant, comme le fait remarquer Stegmann, lacritique formulée envers les institutions religieuses(autantcatholique que

"Béroalde de Yerville,LeMoyende PQT\1enir,pp. 5-6.

49"00peutdéfinirLeMoyencomme une oeuvre burlesque, ne serait-cequ'àcausedesa constante exploitation de l'incongruité, discourant de choses basses en termes élevésetde choses élevées (dont la philosophie) en termes bas. On a souvent interprété ce texte comme une satire condamnant tous les artsetsciences qu'eUe mentionne." Neil Kenny, "Satire parodieet

philosophie chez Béroaide de Verville", p. 232.

~éroalde de Yerville,Le Moyen de parvenir,p. 14. Sl/bid, p.40S.

(27)

18 protestante)etses membresestdirectement issue de la tradition narrative de 17

époque. Les prêtres, ministres, moines, chanoines, cardinaux et papes sont des personnages omniprésents tout au long de l'ouvrage et ils s'y distinguent par leur hypocrisie, leur lâcheté et leur paillardise. On retrouve aussi quelques exemples de sermons parodiques ou de nature blasphématoire :

Ainsi parloit le Curé de sainct Denys un Dimanche à son prosne, ilexhortoit tout le monde,&ditauxDames:Quant à vous autres mes bonnes paroissiennes, je vous recognois pour femmes debi~mais vos enfans sont de mauvais petits fils de putains.S3

Pere & Mere honoreras, afin d'avoir bien de l'argent. L'oeuvre de chair n'accompliras qu'avec les belles seulement. Faux tesmoignage nedirasqu'en mariage seulement.S4

n

n'y a pas que les institutions religieuses chrétiennes qui sont tournées en dérision. Les Musulmans sont eux aussi ridiculisés par l'emploi de la figure du Turc.

[...) sachez que les Turcs ne font rien: ce sont les Chrétiens qui font leW'S besognes, mais par excellence: leur Empereur, que les sots Chrétiens appellent le Grand seigneur, comme s'il estoit barbier & Geant [...].ss

On se moque aussi des juifs par de nombreuses citations parodiques du Talmud:

[...) il se mit à discourir, & nous enseigna que c'est qu'honeste homme, le definissant ainsi qu'il se trouve au Talmud;honneste personne est cellequiayant fianté se torche le cul avec torchoir le tenant de la main gauche.56

S3Béroalde de VervilIe,LeMoyendeparvenir,pp. 71-72. S4/bid., p. 282.

sslbid.,p. 586.

(28)

Un grand nombre de chapitres portent des titres faisant référence àcertains types de textes de nature religieuse ou au système ecclésial:Question /, Homélie, Parabole, Verset, Sermon VI, Bénédiction, Epître, Canon, Concile, etc. Ces titres n'ayant très

souventaucunou quetrèspeu de liens avec les contenus des chapitres, ils peuvent être perçus comme une postulation de l'absence de signification au sein des pratiques et des textes doctrinaux. La Bible est même présentée comme un livre peu recommandable.

[...] je laisse mon livre&m'en vois au letrain: Sîtost que je fusdescendu de ma chaire, nostreamiCbastin prit mon livre,

& l'ouvrit, mais aussi tostille laissa& se retira de là, allant se plaindre aux autres Chanoines que je tenais des livres meschans, que j'estoismagicier& que je portoisà l'Eglise que deslivresprophanes, comme une Bible, & autres de telle farine."

De même LE livre par excellence de la chrétienté est présenté comme un facteur d'intolérance:

'ft...]

voyez, il ne faut que ce texte pour faire bmsler beaucoup de pauvres gens [...]"58. De plus, Le Moyen de parvenir se présentant comme "[...] LE

CENTRE DE TOUS LES LIVRES [...]"59et comme "[...] un globe d'infinie doctrine

[...]'~, il revendique enquelque sorte le statut de la Bibleou plutôt la place de Dieu par rapport à l'ensemble de la production écrite universeUe sur un ton badin. fi est en effet tentant d'établir un lien avec la définition que Pantagruel propose de Dieu dans le Tiers Livre :

S7BéroaidedeVervill~ Le Moyen de parvenir,p. 188.

S'Ibid, p.61. S9lbid, p. 50. 6IJlbid,p.33.

(29)

20

De là [l'âme] reçeoit participation insigne de sa prime et divine origine, et en contemplation de ceste infinie et intellectuallesphaere,le centre de laquelle est en chascun lieu de l'univers, la circonference poinct (c'est Dieu scelon la doctrine de Hermes trismegistus)àlaquelle rien ne advient, rien ne passe, rien ne dechet, tous temps sont praesens [...].61 Oucelle que fonnule Bacbuc dans leCinquiesme livre:

[...] allezamis,enprotection de ceste sphere inteUectuale, de laquelle en tous lieux est le centre, et n'a en lieu aucun circonferance, que nous appeUons dieu.62

La tentative de démystification dans l'ouvrage s'attaque même au statut de Dieu en s'en appropriant la définition traditionnelle etenla détournant de son objet convenu. Parconséquent, André Stegmann ne peut mieux dire lorsqu'il affirme queLe Moyen de parvenir "[...]est surtoutun grand sottisieruniversel'~3.

Comme nous l'avons vudans sa définition du pamphlet, Stegmann considère aussi dans la composition du genre pamphlétaire sa structurenon codifiable et son aspect subversifà l'égard du langage. Nous croyons que ces deux aspects sont extrêmementpertinentsdansLe Moyen de parvenir,mais qu'ils ne sont pas vraiment propres à affirmer uniquement la dimension pamphlétaire de l'ouvrage. Nous aborderons ces deux aspects ultérieurement dans notre travail. LeMoyen de parvenir

se rapproche donc du genre du pamphlet, mais ne saurait se réduire à ses traits distinctifs.

61François Rabelais,Oeuvres complètes,Paris, Gallimard,'~Pléiade", 1994,pp. 388-389; ainsi que le note Mireille Huchon, cette définition de Dieu comme"sphaera injinita cuius centrum est ubique, circumferentia nusquam ",COnDal'tune grande fortune depuis le

xm

csiècle.

62/bid,p. 839.

6JAndréStegmann, "Béroalde:LeMoyendeparvenir,kaléidoscope d'un pamphlet

(30)

LE RECUEIL

DE

CONTES

Nous soupions &. ayans fait beaucoup de jolis contes pour rire [...].64

Le livre deBéroaldede Verville a longtemps été perçu par le public comme un recueil de brefs récits facétieux. Les titres que portent certaines rééditions duMoyen de parvenir indiquent précisément la volonté des éditeurs de présenter l~ouvrage

commeunecompilation de contesjoyeux :Le Coupecu de la melancolie, ou Venusen belle humeur et Le Salmigondis. ou Manège du genre Humain6S

LeMoyen de parvenir emprunte indubitablement au genre du conte. L'ouvrage

s'inscrit dans la lignée des recueils de facéties des XVC et XVIC siècle comme lesCent nouvelles nouvellef'6, les Nouvelles récréations et joyeux devis67, Les Bigarrures68 et

lesSerée~. Toutefois, Nicole Cazauran et Michel Simonin spécifient que toutes les

64Béroalde de VervilIe,Le Moyendeparvenir,p. 504.

65Le Coupecudela me/ancolie, ou Venus enhellehumeure. A Parme, chez Jaques Le Gaillard. M.

oc.

XCVllI. In-I2 de 348 p. LeSalmigondis, ou ManègeduGenre Humain. A Liège., chez Louis Refort. M. DC.

xcvm.

In-I2 de 348 p. Ces informations bibliographiques sont tirées dela~otice" de Charles Royer dansLeMoyendeparvenir,Genève, Slatkine

Reprin~~ 1970~p.L~.

66Philippede Vigneulles,Cent nouvellesnouvel/es,éd.C.H. Livingstone, Droz, Genève, 1972.. 453 p.

67BonaventureDes Périers,Nouvellesrécréationsetjoyeux devis, éd. K. Kasprzyk, Paris,

H.Champio"" 1980~376 p.

~tienne Tabourot Seigneur Des Accords,Les BigarruresduSeigneurdesAccords [fac-similel., éd. F. Goyet.,p~ Droz., 1986.. 237 p.

69GuiI1aumeBouchet,LesSerées,éd. C.E. Roybet, Genève, SIatkine Reprints, 1969, 430p.

(31)

.,..,

....

oeuvres précédemment nommées "[...) et encore moins le Moyen de parvenir de

Béroaldede Verville (1610) ne peuvent se réduireàdes recueils de contes,,70. Ce qui rapproche ces ouvrages du genre du recueil de contes, c)est qu'ils s'inspirent tous - et

l'Heplaméron de Marguerite de Navarre encore davantage - de la structure du Décaméron de Boccace, c'est-à-dire qu)ils présentent leurs contes et anecdotes au fil

des dialogues qui surviennent au sein de lacomice ou si l'on préfère de

l'''histoire-cadre". Lecadre narratifduMoyen de parvenir est en effet un banquet où se trouvent

réunis à table plus de trois cent quatre-vingt convives de toutes les époques et de toutes les conditions; nous aurons le loisir d'aborder plus en détaille genre du banquet à la

findu présent chapitre. Concentrons-nous pour le moment sur le récit bref enchâssé dansunehistoire plus large lui servant de cadre.

LazareSainéandanssesProblèmes littérairesduseizième siècle71 s'est penché

sur le statut du conte dansLe Moyen de parvenir. fi s'est livré plus particulièrement à une analyse minutieuse des sources du conte dans le dernier livre de Béroalde de Verville. Sainéan a divisé les brefsrécitsprésents dansLe Moyen de parvenir en trois

catégories : les contes originaux, les contes oraux et les contes livresques.

Les contes dits "originaux" sont ceux qui semblent être propres auMoyen de parvenir ou ceux dont on n'a pas identifié la source. Ds paraissent avoir été inventés

de toutes piècesparl'auteur. C'est notamment le cas du conte de Marciole et de ses

~icoleCazauranetMichel Simonin,'~arrations", dansPrécisdelinérature française

ciIl

xvr

siècle,p. 104.

TILazareSainéan, .aleMoyendeparvenir,ses deux auteurset['origine de ('humour", dans Problèmes littérairesduseizième siècle.. Paris, DeBoccar~ 1927,pp. 99-250.

(32)

cerises ("Ceremonie", p. 24), du conte de la bene Imperia ("Couplet", p. 20)et de celui relatifàLouis IX et à l'abbé de Turenay ("Folie", p. 495), qui a inspiré Balzac dans ses Contes drolatiques. En tout, le commentateur répertorie sept contes

directementissus de la main de rauteur duMoyen de parvenir. De même,ilidentifie sixrécits brefs tirés de l'expérience personnelle de l'auteur. Parmi ceux-ci, on retrouve le conte de la statue de saint Michel terrassant le diable qui fut châtré ("Chapitre general", p. 118)etle conte du cheval chrétien ("Instance", p. 451). Unbon nombre de contes sont aussi basés sur les équivoques du langage, les jeux de mots et les applications proverbiales (nous reviendrons sur cet aspect dans le troisième chapitre de notre travail).

Plusieurs autres contes proviennent de la tradition orale populaire. Certains datent de l'époque médiévale, d'autres se retrouvent aussi dans les traditions folkloriques slaves et orientales. Sainéan identifie parmi d'autres le conte mettant en scène le Page et la Gausson ("Passage", p. 190), celui de Chabert et des trois filles ("Glose", p. 197), celui des pelotons et de l'honneur cousu ("Cause", p. 128) ainsi que le conte de la sortie précoce de l'enfant du ventre de sa mère ("SofPassuc", p.351).

Toutefois, la plupart des contes présents dansLe Moyen de parvenir sont issus

de la tradition écrite ou livresque. Les recueüs de facéties àl'époque consistaient surtout en de vastes compilations de contes recueillisàgauche et àdroite selon les goûts et le bon vouloir des compilateurs. Comme la tradition le veut, Béroalde de VervilIe aurait notammentpuisé à même lesFacéties du Pogge. Sainéan propose plus

(33)

24

parvenir est moins redevable au recueil de l'humaniste florentin que les ouvrages de

ses contemporains. Bienentend~ Béroaldede Verville emprunteàcertains épigones du Pogge comme à Philippe de Vigneulles et à ses Cent nouvelles nouvelles, aux Joyeux Devis de Des Périers, aux Contes d'Eutrape/ de DuFail72de même qu'aux

Serées de Bouchet. Cependant,LeMoyen de parvenir, comme le souligne Sainéan, est

en grande partie original. En etTe~ des quelque deux cent cinquante contes et anecdotes contenus dans l'ouvrage, seulement le quart serait issu de la tradition livresque. Cependant, tout l'intérêt duMoyen de parvenir se trouve dans la forme que

développe l'ouvrage pour mettre en scène ces contes dont l'importance réside dans leur aspect satirique et subversif:

Dans sonanalyse narratologique du livre de Béroalde de Yerville, lIana linger s'est eUe aussi penchée sur la présence du conte dans Le Moyen de parvenir. En fait,

linger nous fait remarquer que le contey est surtout une forme pratique :

SiBéroaldecrée ou recrée des contes, ce n'est guère pour se conformeràune tradition, mais POlD" chercher laforme la plus efficace qui puisse répondre et se combiner au contexte général. Pourlui donnerWlefactureoriginale, l'auteur utilise à l'intérieur du conte des procédés stylistiques appropriés pour une énonciation efficace.73

Comme nous le verrons plus tard, le conte dans l'ouvrage de Béroalde de

Vervillesertàla fois à "confondre" le lecteur etàmaintenir l'unité du texte en raison de la malléabilité liéeàson caractère oraL

~oël DuFaiLLes Ba/ivemeries d'Eutrape/, éd. G.Mili~Paris, Klincksieck, 1970~97p. 7JnanaZinger~ Structures narrativesduMoyen de parvenir de Béroa/de de Vervi//e~ Paris, Nizet, 1979~ p. 19.

(34)

LE ROMAN

fi n?y a plus de danger? nous sommes tous icy? puis que le Pere Rablaisestdedans [...].74

Certains critiques ont assimilé le livre de Béroalde de Verville au genre romanesque, sans chercher cependantàle définir plus précisément. Leroman est une catégorie générique floue, assez peu employée pour classer les oeuvres de la Renaissance, sinon pour désignerQposterioriles avatars du roman de chevaierie1Sou les textes de l'Antiquité gréco-latine traduits en langue romane. Toutefois, le terme "roman" a été utilisé à tort ou avec beaucoup de nuances et toujours dans un mouvement rétroactif pour définir les oeuvres de Rabelais76. On pourrait donc croire

que le livre de Béroalde de Verville, écrivain qui a longtemps été considéré comme un épigone mineur de Rabelais, s'est vu assimilé au genre du "roman" par simple similitude avec les écrits rabelaisiens77.

14Béroalde de Yerville,LeMoyen de parvenir, p. 18.

15Cf..'~eroman chevaleresque tardif',Étudesfrançaises, vol.XXXILno 1 (printemps 1996), pp. 3-113.

16un appen donc que,sil'on veut avec justesseetà propos qualifier lePantagrueletle Gargantua de François Rabelais de "roman",ilfautalors entendre par "roman" leseulgenre apte àpouvoir conjuguer sur tous les modes proseetvers, langages savantsetparlerslo~

chronique historiographiqueetroman de chevalerie, lettresetplaidoyers. En somme, une forme ouverte apteàla transformation et à la génération d'un genre nouveau", dans Diane Desrosiers-Bonin, uLes Romans(?)de Rabelais", conférence prononcéeàl'Université BIaise-PascaI de

Clermont-Ferran~ le 18 décembre 1997. Le texteestdispomole sur le site internet suivant: http://bibliothèque.Ie-village.com/oncus!

nef..MichelRenau~ "Béroaide de VervilIe, ce neveu de Rabelais... Laréférence rabelaisienne dansLeMoyen deparvenir',Europe~na 757(mai 1992), pp. 109-115. Le même auteur précisequ'''[...}onn'expliquerien en réduisant leMoyendeparveniràroeuvred'un épigone maladroit.Lacomparaison avec Rabelaisestsimplement commode, d'autant plus commode qu'elleestécrasanteetpermet de se défaire sans trop de scrupules d'uneoeuvre

embarrassante", dansPour une lecturedu 'CMoyendeparvenir" de Béroalde de Verville, Paris, Honoré Champion Éditeur, 1997, p. 306.

(35)

26

Par ailleurs, d'autres oeuvres de BéroaldedeVerville ont été associées au genre romanesqueavecplusde succès. fi en est ainsi du Voyage des princesfortunez et du Songe de Poliphilesurlesquels Jean-François Marquees et

nana

Zinger79ont travaillé. Comme le titre de son article l'indique, Marquet s'est plutôt intéressé au roman alchimique dont les bases se retrouveraient dans le récit de voyage et la rencontre amoureuse.

n

retrace ces sources du roman alchimique dans le roman grec80• Le Moyen de parvenir ne contient pas ces types de récit. Néanmoins, les personnages

considérés (àtortou à raison) comme des alchimistes (Duns Sco~Guillaume Postel, Trithème, Bernard le Trévisan, Raymond LuIle, Paracelse, etc.) et le vocabulaire associé au Grand Oeuvreysontomniprésents :

[...] à Dampierre quand nous y cherchions la pierre philosophale, avec tous ces Barons de Normandie, & que nous beusmes le bon vin que Nabot avait persuadé à Monsieur de Chasegré, d'y faire apporter pour en faire la poudre de projection; ilyavoit blanc& rouge, c'estoit faire la pierre pour la projectiondel'argent& del'orpotable [...].11

"Jean-François Marquet, "Béroalde de Yervilleetle roman alchimiquen

,XVlrSiècle, vol.

XXX Guillet-septembre 1978), pp. 157-170.

"Dana Zinger,Leroman stéganomorphique : "Le Voyage des princes fortunez"de

Béroa/t/e de Verville, Paris, Champion, 1993,320 p.

I(k'Dexiste, entre l'écriture romanesqueet['écriture alchimique, une curieuseaffinitéqui remonte peut-êtrejusqu'àleur commune origine alexandrine. Dès ce début, l'enquête sur les méthodes et l'aboutissement de l'Oeuvre apparaît comme indissociable d'une mise en scène qui emprunte infailholement ses accessoires à l'un des deux grands genres assignés par Erwin Rhode comme sources du roman grec : la rencontre amoureuse(q~ ici, devient rencontreonirique) et le récit de voyage", dans Jean-FrançoisMarqu~ '1Jéroalde de Vervilleetle roman alchimique",

p. 157.

(36)

linger,quantàelle, s'est penchée sur l'aspect stéganomorphique des ouvrages de BéroaldedeVerville. Elle utilise la définition de la stéganomorphie que Béroalde de Verville a lui-même proposée dans son Tableau des riches inventions&2:

[...] selon l'art stéganographique [...] etàceux qui ne savent encorequecestartifice,parlequel nousvoilon~ ce qu'il nous vientàgréd'offiir aux yeux, je dis que la stéganographie, est l'art de représenter naïvement ce qu'il est d'aisée conception, et qui toutefois, sous les traits épaissis de son apparence cache des sujets tout autres que ce qui semble estre proposé : cequiestpratiquéenpeinturequand on met en we quelque paysage, ou port ou autre portrait qui cependant musse sous soyquelque autre figure que l'on discerne quand on regarde par un certain endroit que le maître a désigné. Et aussi s'exerce par escrit, quand on discourt amplement de sujets plaustbles, lesquels enveloppent quelques autres excellences qui.ne sontCOD11UCSquelorsqu'on litparle secret endroitqui

découvre lesmagnificences occultes à l'apparence commune, mais clairesetmanifestes à l'oeil et àl'entendementqui a receu la lumière, qui fait pénétrer dans ces discours proprement impénétrables et non autrement intelligibles.13

Le Moyendeparvenir ne fournit que des éléments de stéganographie macaronique ou

plutôt de parodie d'écriture hennétique :

Bien donques, dites moy, avez-vous envie de parvenir? lisez ce volumedesonvray biais ;ilestfaitcomme ces peinctures, qui monstrentd'~ &puisdYautre."

12JJéroaIde de Verville,Le Tableau des riches inventions couvertesduvoile desfeintes amoureuses, qui sont representees sous le Songe de Poliphile. desvoilees des ombresdusonge et suhtilement erposeesparBeroa/de, Paris, M. Guillemot, 1600.

cDana Zinger,

u

Roman Sléganomorphique. '~eVoyage des Princes fortunezn de

Béroa/t/e de Vervi/le,p. 72.

(37)

28

Ce bel object [le livre] est tel qu'en luy vous avez les elemens, non de particulieres sciences, mais de toutes, exclusive& inclusive, vous pourreztrouver& inventer tout

secret,tantcaché, séparé & admirable soit-il,sivous avez de l'esprit [...].

n

nous suffitdevous raconter& àvous de croire que tout est fort bien caché sous ces énigmes, ainsique le trouveront les enfans de la science, les fils de sages&

heureux predestinezàtrouverla lanterne dediscrétio~ & la lampe de béatitude.1s

Malgré la présence de tous ces motifs alchimiques et stéganomorphiques, le livre de Béroalde de VeM1Ie ne correspondpasaux critères relevésparMarquet et Zinger pour identifier le genre romanesque. En fait, Béroalde de Yerville se livre plutôt à la dérision des genres auxquelsila adhéré dans certaines de ses oeuvres antérieures86•

D'autres commentateurs ont utilisé )'appellation de "roman" sans plus de précision pour désignerLe Moyen de parvenir. C'est entre autres le cas de Daniel

Celee-Murciaquis'est livréàlUle analyse du comique du livre de Béroalde de Verville

ISBéroalde de Yerville,Le Moyen de parvenir,pp.44-45.On retrouve aussi : "Et contez diligemment les jours, parce que d'icyàdeux cents troisans,dixmois, sept jours, dix neufs heures, quarante minutes& trois secondes justement, le grand Steganografique fera une nouvelle translation dece6vre,àcause du changement de religion",p. 19.

116c11 est maintenant possible de préciser le rapport entre leMoyendeparveniretles véritables écrits ésotériques tels que les conçoit Yerville. Le Songe de Poliphile, leVoyagedes Princesfortunésprésentent un sens clair,etséduisant,en fonction de leurre (les "feintes" amoureuses),mais aussi en fonction de moyen d'expression indirecte, pour qui saitlire selon la perspective requise. C'estainsiqu'ils voilentetdévoilentàla fois leur contenu énigmatique. Dans son ouvrage de parodie, Verville désigne ce leurre comme objet réel du discours, ce moyen d'expression comme lieu propre du sens. [...lLa"'stéganographie" se replieainsisur elle-même, laissant à l'écart,comme un mirageàdissiper, le prétendu savoir dont elle aurait transmis les arcanes; reste le plaisir du texte, le plaisir dujeu,ou encore, simplement, le plaisir",

AndréTournon, ' , . parodie de ['ésotérisme dans LeMoyendeparvenirde Béroalde de Yerville", dans Burlesqueelformes parodiques: Actes du Colloque du Mans(4-7 décembre

1986), éd.par IsabelleLandyHouilloRetMaurice Ménard, Paris-Seattle-Tübingen, Papers on French Seventeenth Century Literature. "Biblio 17",1987,pp. 224-225.

(38)

dans sa thèse de doctorat intituléeLe Roman comique au débutdudix-septième siècle (1610-1617)81. Même si sontravail sur les effets comiques dansLeMoyen de parvenir

estdes plusintéressants~ Celce-Murcia n'a pas cm bon de préciser davantage la notion de genre sous laquelleilrange l'ouvrage. Onretrouve sensiblement la même absence de définition générique chez Janis Pallisterqui a procédé àune analyse du baroque dans le livre de Béroalde de Verville88

• Gilles PolizziS9 et Armand A. Renaud90 font

eux aussi partie de ceux qui ont classéLe Moyen de parvenir panni lesromans~ sans nécessairement préciser leur emploi du terme.

Ces critiques n'ont pas nécessairement classéàtortLe Moyen de parvenir au

sein du genreromanesque. Toutefois,ilestimportant de spécifier que le mot "roman'~

à lafinduXVIC siècle n'avait pas nécessairement la même signification qu'au cours des siècles ultérieurs. En effet, le mot ''roman'' est issu de l'adverbe

romanice

du bas latin qui signifie "à la façon des Romains" ou "en langue latine". Au XlIc siècle, on

17DanielCelce-Murci~ Le Roman comique au débutdudix-septième siècle, thèse de

doetora~ Los Angeles, UniversityofCaliforni~ 1976.

"Janis Louise PalIister, The Wor/d View ofBeroalde de Vervil/e Erpressed Through Satirical Baroque Style in"LeMoyendeparvenir",Paris~ Vrin, 1971.

""Tout ou presque aétédit du caractère exceptionnel de Pouvrag~non seulementdansle cadre, somme toute étriqué, du roman baroque, mais dans toute l'histoire de la littérature sur l'aplat qui estompe les cadres du récit, l'agencement qui en confond les répliqueseten brouille la chronologie, la glose (prétendument) mêlée au discoursetqui anticipe sur sa réception livrée à la fantaisie [...]. Ce sont les signes éclatants de la modernitée~tout compte fait du génie", dans Gilles Polizzi,"LeMoyende(ne pas)parvenir: Béroaide de Verville, auteur mineur ?", Linératllre classique,n° 31 (automne 1997), p. 36.

CXk'LeMoyendeparvenir bas been called a novel. Ifthe work is approached from that perspective one has to examine the author's dilemna and strategy; he his unceasingly at grips with bis interior chaos - the grid - andwiththe chaos ofthestuffto wich he seeks to give a seemingly formless yet not meaningless fonn",dansArmandA.. Renaud,"Questand ProcessinLe Moyen de parvenir', Oeuvres et Critiques, vol. XI (1986), p. 113.

(39)

JO désignaitparle vocable ''roman'' les ouvrages en langue wlgaires traduits ou remaniés à partir d'un texte en langue latine. Au XIve siècle, le terme s'applique aux romans d'aventures en vers et aux romans de chevalerie en prose. Comme le souligne Pierre Chartier: "Lesens moderneestétabli au xvne siècle. fiest fréquemment péjoratif dès cette époque et surtout au siècle suivant, où "roman" signifie "fables", "inventions vaines", "mensonges'''~·H. fi serait donc erroné de désigner des ouvrages du XVIe

siècle comme des "romans" dans le sens où nous l'entendons aujourd'hui. Pourtant, comme nous l'avons vu plus haut avec l'oeuvre de Rabelais, ilest pOSSIble d'utiliser l'appellation "roman" pour des oeuvres de la Renaissanceàla condition que l'on s'en serve pour désigner une fonne littéraire problématique dont le propre serait de réunir les caractéristiques d'une multiplicité de genres. fi est donc convenable, sous cette acception, que les commentateurs duMoyendeparvenir le qualifient de "roman". En

effet, il est indubitable que l'ouvrage de Béroalde de VervilIe se caractérise par sa pluralité générique et qu'il fait partie de ces oeuvres qui témoignent de l'émergence, comme l'a noté Milan Kundera92, d'une forme littéraire nouvelle, apparue à la

Renaissance, traduisant un nouveau rapport de la conscience humaine à la réalité.

91Pierre Chartier,Introduction ara grandes théoriesduRoman,Paris,Dunod, 1996,

pp. 28-29.

~'Quand Dieu quittait lentement la place d'où il avait dirigé l'universetson ordre de valeurs, séparé le bien dumaletdonné un sensàchaque chose, don Quichotte sortit de sa maison etilnefut plusenmesure de reconnaître le monde. Celui, en l'absence du Juge suprême, apparut subitement dans une redoutable ambiguïté; ['unique Vérité divine se décomposa en centaines de vérités relatives que les hommes se partagèrent. Ainsi, le monde des Temps modernes naquit et le roman,sonimageetmodèle, avecIw-n,dansMilanKundera,L'Anduroman. Paris,Gallimar~

(40)

L'ENCYCLOPÉDIE

(...] Messieurs, me leveray je?93

Bemd Renner et Neil Kenny se sont penchés sur ('aspect encyclopédique du

Moyendeparvenir. Os en arriventàdes conclusions assez semblables, mais formulées de façons fort différentes. Kenny a écrit deux longs ouwages qui abordent de manière très détaillée le genre encyclopédiqueàla Renaissance et plus spécifiquement dans l'oeuvre de Béroalde de Verville94

• D'ailleurs, ilnous offie une excellente synthèse

du genre:

From Greek antiquity to eighteenth century, one of the characteristic preoccupations of European high culture was with the possibility ofuniting disciplines by linking them logically to one anotber, thereby creating a circle of leaming, or encyclopedia. This circle was conceived variousiy as knowledge which could he absorbed by the mind of an individual,as knowledgewhich couldberecordedinwriting, or cise as both. The structure of the circle's contents was often considered to mirror the architecture of Gad's created wood And theMOstcrucialdistinguishingfeatureof written

encyclopedias was the order which their contents foUowed. Thisbadto he signifiant rathertitanarbitrary,ifthe circle was to be a united, continuous whole.9S

Toutefois, même si cette définition semble désigner untypede texte à la forme rigide et fixe, Kenny souligne que,àla différence d'aujourd'hui, l'ouvrage encyclopédique àla Renaissance était un genre des plus problématiques. En effet, on retrouvait des

93BéroaldedeVerville~ Le Moyendeparvenir.,p. 4.

~ei1 Kenny,Béroa/de de Vern/le, Transformation ofPhi[osophica/ Writing in the late Renaissance, thèsede doctorat, Oxford, Oxford University, 1987,357p.,et The Palaceof

Secrets:BérOQIdJ!de Vervi//e and theRenaissance Conceptions ofKnow/edge.,Oxford, Oxford Press/Clarendon Press, 1991, 30Sp.

~eilKenny., The Pa/ace ofSecrets. Béroa/dedeVervi/leandRenaissance Conceptions ojKnow/edge,Oxford, Oxford University Press/Clarendon Press, 1991,p. 12.

(41)

32

encyclopédies de toutes sortes: poèmes,traités,dialogues, etc. Ces différentes formes d'ouvrage de nature encyclopédique pouvaient rendre le "cercle de connaissance" qu'üs contenaient plus ou moins latent.

[...] problems of order can emerge in any genre of encyclopaedic writing. A further complication arisesfrom the

ract

thatsorne texts appear disorderedonthesurface, but canbecome orderedifreadinacertainway. In otherwords, it is difficult to categorize them as either encyclopaedic or no1.96

Kenny expose exactement le problème que fait surgirLe Moyen de parvenir. Par sa fragmentation et son apparence de désordre, le livre de Béroalde de VervilIe peut difficilement être catégorisé au sein ou hors de la catégorie des ouvrages encyclopédiques. Kenny identifie un grand nombre detraits propreàl'encyclopédisme

dansLeMoyen de parvenir,maishésite à le classerparmicetypede textes. Selon lui, l'ouvrage témoignerait davantage de l'émergence, à lafinde la Renaissance, du genre du mélange, dont nous traiterons un peu plus loin, qui est attnbuable àla faillite de l'encyclopédisme et au questionnement des concepts de vérité et de connaissance.

Thisshifttowardspolymathyis one indication ofthe graduai disintegration of Béroalde's encyclopaedism. Another indication is bis subversion of encyclopaedic ideals in bis

MOst famous and puzzIing work, Le Moyen de parvenir

(1610-201). Thismocksymposium isusually considered to have Iittleifanythingincommon with Béroalde~s orthodox philosopbical texts. Infacl, however, itraises manyof the issues and themes to wbich he has devoted bis "beaux ouvrages et plus sérieuxn

(p. 512). For one thing, he now constantly parodies encyclopaedic rhetoric. This text is a circular "globe d'infinie doctrine" (p.33)~ an "epitome" (p. 42), and a handbook of method: "en peu de parolesil

~eilKenny, The Palace o/Secrets. Béroa/dede Vervi/leandRenaissance Conceptions ofKnow/edge, p.40.

(42)

enseigne toutes sciences" (pp. 42-43). [...) The very phrase "le moyen de parvenir" bas strong associations with encyclopaedism [...

l.

97

Renner, quantàlui, s'est basé sur les titres des chapitres du livre de Béroaide de Yerville.

La seule table des matières de Béroaide constitue une encyclopédie en eDe·même carils'agit,àquelquesexceptions près,d'un recueilde tennes techniquesetde mots clés pris des

différentes catégories du savoir universel de l'époque : rhétoriqu~grammaire, linguistique, mathématiques et religion pour n'en énumérer que les plus importantes.9I

Renner décèle dans les titres des chapitres la présenced'un systèmed'encodage qui

tendàrendre impossible l'identification de tout système dans l'ordre des sections du livre. Cependant, son intéressante démonstration s'appuie entièrementsurcequ'il appelle "la première partie" (c'est-à-dire les soixante-deuxpremiers chapitres) du livre,

alorsque l'imprimé originalduMoyen de parvenirn'est pasdiviséen parties. Renner a mené son analyse en se référant uniquementàl'édition de 1896de Charles Royerqui compteeneffet plusieurs transformationsparrapportàl'édition originale de la veuve Guillemot. Néanmoins, Renner en arrive à la même conclusion queKenny, c'est-à-dire que le texte de Béroalde de Yerville se révélerait plutôt être une encyclopédie "anti-encyclopédiste'''J9 témoignant du phénomène de mise en doute de toutes certitudes,sansdoutesurvenuantérieurement,maisqui5'estcristalliséàlatin du XVIe siècle.

~eil Kenny, The Palace ofSecrets: Béroalde de Vervi/leandRenaissance Conceptions ofKnowleJge,p.82.

~emdRenner,"le Moyen de parvenirdeFrançoisBéroaldedeVerviIIe :une encyclopédieàl'envers",Cincinnati Romance Review,no 14 (1995), p. 16.

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