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La communication entre l’équipe de cardiologie et le patient en insuffisance cardiaque en ce qui concerne le pronostic et la préparation de la fin de vie

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Academic year: 2021

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UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

THÈSE PRÉSENTÉE À L’UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

COMME EXIGENCE PARTIELLE DU DOCTORAT EN PSYCHOLOGIE (D. Ps.)

PAR

ANNE-GENEVIÈVE AUGER

LA COMMUNICATION ENTRE L’ÉQUIPE DE CARDIOLOGIE ET LE PATIENT EN INSUFFISANCE CARDIAQUE EN CE QUI CONCERNE LE PRONOSTIC ET

LA PRÉPARATION DE LA FIN DE VIE

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Composition du jury

La communication entre l’équipe de cardiologie et le patient en insuffisance cardiaque en ce qui concerne le pronostic et la préparation de la fin de vie.

Anne-Geneviève Auger

Cette thèse a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes

Gilbert Leclerc, directeur de recherche (Université de Sherbrooke) Marcel Arcand, co-directeur

(Université de Sherbrooke) Thérèse Audet, évaluatrice (Université de Sherbrooke) Audrey Brassard, évaluatrice

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Sommaire

Dans les stades tardifs de l’insuffisance cardiaque, le pronostic de la maladie est très difficile à établir. Les médecins hésitent à aborder ce sujet en raison de l’incertitude du pronostic et du risque de provoquer des réactions négatives chez les patients. De plus, ce ne sont pas tous les patients qui souhaitent en parler. La présente étude qualitative a pour objectifs d’explorer le type de communication qui devrait être instauré entre le personnel soignant et la personne atteinte d’insuffisance cardiaque en ce qui regarde le pronostic de la maladie et la préparation de la fin de vie ainsi que de proposer de nouvelles ressources facilitant la communication. S'appuyant sur les données recueillies lors d'une entrevue de groupe avec sept des membres de l’équipe de la clinique d’insuffisance cardiaque du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) et sur des entrevues individuelles avec douze patients qui y sont traités, une analyse thématique a permis de connaître le contenu et les modalités de la communication qui répondent le mieux aux besoins des deux partenaires de la communication. Les résultats ont révélé l'importance du concept de disponibilité psychologique du patient pour déterminer avec qui et quand, devraient être abordées le pronostic et la préparation de la fin de vie. En plus de mettre en évidence le rôle que pourrait jouer un psychologue au sein de l'équipe de soignants, l’étude a permis d'élaborer des outils : deux livrets d’information sur le pronostic et la fin de vie en insuffisance cardiaque ainsi qu’une fiche-questionnaire sur les besoins de communication des patients de la clinique.

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Table des matières

Sommaire ... iii

Liste des figures ... vii

Remerciements ... viii

Introduction ... 1

Contexte théorique ... 5

Sens donné à la mort ... 7

Divulgation du pronostic ... 12

Préparation à la fin de vie ... 17

Communication en insuffisance cardiaque sévère ... 22

Situation idéale de communication ... 25

Rôle du psychologue ... 33

Objectifs de la recherche ... 36

Méthode ... 38

Devis qualificatif ... 39

Participants ... 40

Analyse des données ... 46

Considérations éthiques ... 50

Résultats... 52

Besoins de communication ... 53

Embûches à la communication ... 69

Disponibilité psychologique du patient ... 73

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Discussion ... 84

Résumé et comparaison des résultats ... 85

Limites et forces ... 91

Retombées de l’étude et pistes d’investigation future ... 93

Recommandations ... 95 Conclusion ... 100 Références ... 104 Appendice A ... 116 Appendice B ... 118 Appendice C ... 121 Appendice D ... 123 Appendice E ... 127 Appendice F ... 131 Appendice G ... 138 Appendice H ... 145 Appendice I... 150 Appendice J ... 156 Appendice K ... 158 Appendice L ... 160

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Liste de tableaux Tableau

1 Répartition des patients selon les critères de sélection……….………...… 43

2 Besoins de communication selon les professionnels………..……. 54

3 Besoins de communication selon les patients……….. 55

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Liste des figures Figure

1 Les trajectoires de la mort selon Glaser et Strauss (1968)……...………... 13 2 Le processus de décision de l’équipe de cardiologie……….…...……... 96

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Remerciements

Je remercie mes directeurs de thèse de m’avoir patiemment accompagnée tout au long de cette étude. Ce projet m’a fait sortir de ma zone de confort, le parcours fut houleux mais ô combien riche en apprentissages.

Merci, Gilbert Leclerc pour votre exceptionnelle habileté à décoder mes idées et m’aider à y mettre du sens. Votre expérience professionnelle et votre sagesse ont illuminé mes réflexions sur le vieillissement et la fin de vie.

Merci, Dr. Marcel Arcand pour votre bienveillance et vos encouragements à poursuivre dans un domaine où il y a encore à faire pour améliorer la qualité de vie des patients. Vous êtes l’exemple à suivre d’un professionnel de la santé centré sur les besoins du patient.

Merci à l’équipe de la clinique d’insuffisance cardiaque : ses responsables Dr. Paul Farand et Dr. Serge Lepage, et tout particulièrement aux infirmiers Jean-Dominic Rioux et Marie-Hélène Verrette qui ont pris le temps de recruter les patients et répondre à mes questions. Je remercie tous les participants de l’étude, j’ai rencontré des patients touchants et des cliniciens motivés à offrir les meilleurs soins possibles.

Finalement, merci à mes parents, je suis très reconnaissante de l’étendue de votre soutien, allant du petit mot d’encouragement jusqu’à la construction de mon pavillon.

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L’insuffisance cardiaque est une maladie grave, évolutive et mortelle qui se caractérise par un risque de mort subite. Au Canada, 1 % de la population générale est atteint d’insuffisance cardiaque et les aînés sont le groupe le plus touché par cette maladie chronique (Chow, Donovan, Manuel, Johansen, & Tu, 2005). Le nombre de cas tend à augmenter drastiquement pour chaque tranche de dix ans après l’âge de 50 ans (Lee et al., 2004). Les experts prévoient une augmentation de la prévalence canadienne de cette maladie en raison du vieillissement et des progrès de la médecine (Johansen, Strauss, Arnold, Moe, & Liu, 2003). Aux stades avancés de la maladie, le pronostic est aussi mauvais que pour certains cancers, en plus de comporter un risque de mort subite (Stewart, MacIntyre, Hole, Capewell, & McMurray, 2001). Le taux de mortalité des personnes sévèrement atteintes est de 40 à 50 % dans la première année suivant le diagnostic d’insuffisance cardiaque de stade III (symptômes présents lors d’exercices faibles) ou de stade IV (symptômes présents en position assise) (McMurray & Stewart, 2000).

Selon une revue de la littérature scientifique des douze dernières années, une majorité de patients atteints d’insuffisance cardiaque prétendent ne jamais avoir discuté de la mort avec un médecin et cette affirmation est partagée par les professionnels de la santé (Barclay, Momen, Cas-Upton, Kuhn, & Smith, 2011). Le pronostic de la maladie est peu abordé (Barnes et al., 2006; Gott, Small, Barnes, Payne, & Seamark, 2008;

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Strachan, Ross, Rocker, Dodek, & Heyland, 2009) ainsi que les éléments spécifiques à la préparation à la fin de vie, tels que les procédures de réanimation (Agard, Hermeren, & Herlitz, 2004; Formiga et al., 2004), les soins en fin de vie (Boyd et al., 2004; Harding et al., 2008; Selman et al., 2007) et les besoins psychosociaux et spirituels des patients (Murray, Kendall, Boyd, Worth, & Benton, 2004). Certains patients souhaitent davantage d’information (Caldwell, Arthur, & Demers, 2007), tandis que d’autres ne sont pas favorables au dévoilement de ces informations qui touchent à des points sensibles (Agard et al., 2004; Murray et al., 2002; Strachan et al., 2009). Cette contradiction est susceptible d’amener de la confusion et de l’incertitude chez les professionnels. Il s'y ajoute des embûches à la communication qui peuvent provenir aussi bien des patients et de la maladie que des professionnels (Momen & Barclay, 2011). La situation actuelle de communication est caractérisée par une ambivalence des professionnels à initier ces conversations, ne sachant pas toujours quoi dire ni comment le dire (Barclay et al., 2011).

La présente étude vient donc combler une lacune importante dans le domaine de la communication en cardiologie. Elle vise à identifier le type de communication qui devrait être instauré entre les patients atteints d’insuffisance cardiaque et le personnel soignant, en ce qui regarde le pronostic de la maladie et la préparation de la fin de vie. De plus, elle propose de nouvelles ressources facilitant cette communication.

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La thèse se divise en cinq chapitres. Le premier aborde le contexte théorique de l'étude. Y sera présentée la revue de littérature scientifique sur les principales thématiques reliées au sujet de recherche. Le second porte sur la méthode choisie pour atteindre les objectifs de recherche. Il s'agit d'une recherche qualitative ayant recours à une analyse thématique. Dans la troisième partie, les résultats de l'étude seront exposés. Le quatrième chapitre, celui de la discussion, se propose de comparer les résultats obtenus avec ceux des études antérieures et de signaler les limites, les forces et les principales retombées de la recherche. Enfin, les principales conclusions de l’étude seront présentées dans le dernier chapitre.

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Jusqu’à présent, la communication en insuffisance cardiaque semble avoir été étudiée surtout par des chercheurs provenant des sciences infirmières et cliniques. Cette recherche s’inscrivant dans le cadre d’une thèse de doctorat professionnel en psychologie clinique, elle se différencie des autres en traitant la problématique avec l’aide de concepts propres à son domaine. C'est pourquoi la divulgation du pronostic et la préparation à la fin de vie sont présentées en relation avec les attitudes face à la mort, les réactions psychologiques face au pronostic et le modèle d’adaptation par tâches du psychologue Charles Corr (1992). De plus, en ce qui a trait au contenu idéal de la communication, non seulement l’aspect médical est abordé mais également les aspects psychosociaux, faisant ainsi du patient et de ses besoins le centre de la communication. Finalement, tel que recommandé par la Société Canadienne de Cardiologie (2006, 2011), l’idée d'intégrer un psychologue à l’équipe de cardiologie est examinée.

La revue de la documentation se divise en sept parties. Les deux premières seront consacrées à la présentation des études sur le sens donné à la mort et sur les attitudes face à la mort dans la population générale. La troisième partie sera dédiée à la divulgation du pronostic, dans le but d’approfondir sa définition et les réactions psychologiques qu’il suscite. Cette partie se terminera par une brève discussion sur la pertinence de son dévoilement. Dans un quatrième temps, la préparation à la fin de vie sera définie en tenant compte des caractéristiques d’une bonne mort. La cinquième partie

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dressera le portrait de la situation actuelle de communication en insuffisance cardiaque et de ses embûches. Suivra ensuite la description de la situation de communication idéale, soit un type de communication qui favorise un contenu et un style de communication centrés sur le patient. Finalement, sera dévoilé le rôle du psychologue clinicien dont la clientèle est composée de patients atteints de maladies chroniques telles que l’insuffisance cardiaque. Une place importante sera accordée aux interventions possibles du psychologue en ce qui a trait à la communication sur la fin de vie en insuffisance cardiaque.

Sens donné à la mort

Depuis la fin des années 1950, les études consacrées à la fin de vie se sont multipliées. Le sens donné à la mort étant une problématique essentiellement psychologique, la psychologie a été amenée à contribuer de manière importante au développement de ce champ multidisciplinaire. Herman Feifel (1959) a été le premier psychologue à utiliser une méthode scientifique pour étudier les attitudes face à la mort. Au cours des années qui ont suivi, plusieurs ouvrages sur les réactions psychologiques et les mécanismes d’adaptation des mourants et de leur famille ont été publiés (Glaser & Strauss, 1965, 1966, 1968; Kübler-Ross, 1969; Saunders, 1967). S'appuyant sur ces nouvelles connaissances et s'inspirant des valeurs humanistes et existentielles, les psychologues de l’après-guerre ont souligné que la mort n’est pas une menace mais une étape normale de la vie qu’il faut apprendre à accepter (Frankl, 1959; Kübler-Ross, 1969, 1975; Yalom, 1980). Cette conception est à l’origine du mouvement social et

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académique du Death Awareness Movement, dont le but est de faire régresser le tabou de la mort (Doka, 2003).

Toute la question est de savoir quand et comment aborder la question de la mort pour aider la personne à lui donner un sens. Or ce sens dépend de plusieurs facteurs et en particulier des attitudes de chacun face à la mort. Les attitudes font en effet potentiellement partie des réticences des patients à aborder la fin de vie ou elles influencent leurs besoins de communication.

Attitudes face à la mort

Il existe autant de sens donnés à la mort que d’individus. Comme la plupart des attitudes, celles que chacun développe face à la mort font partie des idiosyncrasies (Hayslip, Ward, & Hansson, 2009). Bien que la science puisse révéler les causes biologiques de la mort, elle est incapable de lui attribuer un sens. Seule la personne est en mesure de lui donner un sens et de transcender l’issue fatale de la vie (Byock, 2002). Il semble que les individus qui n’ont pas intégré la mort au sens de la vie perçoivent la mort de manière négative, l’acceptant et la comprenant peu ou pas du tout (Holcomb, Neimeyer, & Moore, 1993). Selon ces auteurs, les représentations de la mort diffèrent significativement selon le sexe, l’état de santé, les antécédents suicidaires, le degré de peur et la philosophie personnelle face à la mort. Selon le psychologue Gordon Allport (1935) une attitude est un état mental et neuropsychologique de préparation à répondre à une situation de vie, organisée sur la base de l’expérience exerçant une influence

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directrice ou dynamique sur la réponse de l’individu à tous les objets et à toutes les situations qui s’y rapportent. Par exemple, la peur de la mort incitera un individu à imaginer les circonstances de son décès. Selon Feifel (1959), les attitudes face à la mort amènent à poser un regard sur sa propre conception de la vie. De leur côté, Wong, Rekek et Gesser (1994) ont construit le plus complet des instruments de mesure portant sur les attitudes face à la mort. Le questionnaire Death Attitude Profile-Revised (DAP-R) permet d’identifier les attitudes face à la mort (acceptation, peur, évitement) de toute la population adulte et non seulement des individus en fin de vie.

Acceptation de la mort

Selon l’état actuel des recherches sur les attitudes face à la mort, l’acceptation de la mort est reconnue comme un concept à deux dimensions : cognitive et émotionnelle (Klug & Sinha, 1987). La première renvoie à l'idée de confrontation : c'est la prise de conscience de la fatalité de la vie. La deuxième est reliée à l'idée d'’intégration : c'est une réaction positive ou neutre face à cette réalité. De leur côté, les auteurs du questionnaire DAP-R (Wong, Rekek, & Gesser) sur les attitudes dans la population générale proposent trois types d’acceptation de la mort.

Acceptation existentielle. Il s'agit d'une attitude d’acceptation et de neutralité face à la mort, celle-ci est perçue comme une réalité de la vie. Elle n’est ni désirée, ni crainte.

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Acceptation fuite. Les auteurs font référence ici à une attitude d’acceptation de la mort qui exprime le désir de fuir la vie lorsque celle-ci est jugée trop souffrante et trop pénible. La mort est perçue comme un échappatoire et un soulagement aux problèmes de la vie.

Acceptation religieuse. C'est une attitude d’acceptation de la mort parce que celle-ci représente une ouverture vers un monde heureux. Certains individus considèrent la mort non comme une fin mais un passage (Jeffers, Nichols, & Eisdorfer, 1961). Cette attitude implique une croyance en Dieu et en l'existence du paradis après la mort (Epting & Neimeyer, 1984). Fait intéressant, les individus croyant à une vie après la mort acceptent davantage la mort et en ont moins peur (Wong et al., 1994).

Peur de la mort

La peur et l’anxiété face à la mort sont souvent des termes interchangeables, pourtant ils sont distincts (Wong et al., 1994). La peur de la mort est une émotion dont la source est concrète et spécifique tandis que l’anxiété est un sentiment général de peur et d’appréhension. Celle-ci provient de l’ensemble des pensées négatives associées à l’idée de mort (Neimeyer, Wittkowski, & Moser, 2004). Dans le DAP-R, cette dimension réfère à la peur et à l'anxiété causées par la pensée de la mort et par les incertitudes engendrées par son caractère final et le mystère qui succède au décès. Il est communément estimé que la peur de la mort est universelle mais présente à divers degrés dans la population (Becker, 1973; Feifel, 1961). Les études empiriques révèlent

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plusieurs raisons de craindre, d’appréhender et de s’inquiéter face à la mort (Feifel & Nagy, 1981; Fry, 1990). Les psychologues Kastenbaum et Aisenberg (1972) ont regroupé les sources de la peur de la mort en trois catégories. La première catégorie rassemble les peurs reliées au processus du mourir comme la souffrance et la perte de la dignité. La deuxième concerne la période de l’après-vie et comprend les peurs d’être rejeté et châtié dans l’au-delà par Dieu. La troisième est la peur de l’extinction, la peur fondamentale. Cette forme de peur est en quelque sorte un mécanisme de survie puisqu’elle serait à l’origine de toutes les autres peurs dont la source est perçue comme une menace à la vie (les endroits clos, les maladies, etc.) (Hétu, 1994).

Évitement de la mort

Pour Wong et son équipe (1994), l’évitement de la mort est le fait de rejeter toute pensée la concernant ou de refuser d’aborder le sujet afin d’éviter l’anxiété. Selon la théorie de Becker (1973) sur le déni, tous les humains éprouvent une angoisse du fait du caractère inéluctable de l'événement. Selon cet auteur, si les individus devaient être perpétuellement conscients de la menace de mort, les conséquences seraient néfastes pour leur qualité de vie. Alors, pour être soulagés de ce fardeau, ils organisent des défenses inconscientes de répression telles que la dénégation de la mort et le transfert à des peurs moins anxiogènes. Dans le même but, la société joue un rôle protecteur en tentant de rendre la mort moins menaçante par les rituels funéraires. En effet, malgré les efforts du mouvement social de prise de conscience de la mort, il semble que des attitudes de déni et d’évitement règnent dans la société moderne occidentale. Selon

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l’historien Philippe Ariès (1975, 1981) l’effritement des valeurs traditionnelles, le culte de la jeunesse, les avancées médicales et le vieillissement de la population ont expulsé la mort de la réalité du quotidien. Ainsi, l’historien avance qu’une attitude de déni à l’égard de la mort s’est installée dans la société, à un point tel que l’homme en oublierait sa condition de mortel. Les conséquences de cette attitude sur la communication et la perception de la maladie mortelle seront abordées dans la section sur les embûches spécifiques au patient.

Divulgation du pronostic

Cette partie tente de comprendre le processus physique qui conduit à la mort et sa prise de conscience par le patient atteint d’une maladie mortelle afin de permettre aux professionnels de mieux intervenir lorsqu'ils doivent décider du moment et de la manière de communiquer le pronostic. Dans le contexte médical, le pronostic est une prévision de ce qui arrivera au patient. Il consiste à établir et communiquer l’évolution et l’issue d’une maladie (Christakis, 2000).

Trajectoires de la mort

Comprendre le processus du mourir ne peut se faire qu’en observant ce qui arrive aux autres. Selon Glaser et Strauss (1968), il existe quatre trajectoires conduisant à la mort, présentées dans la Figure 1. Ces trajectoires sont construites à partir de deux variables : la durée et la forme. La durée constitue le temps prévu entre le début de la fin de vie et l’arrivée de la mort. Selon Pattison (1977), il s’agit de la durée s'écoulant entre

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la prise de conscience de la mort et son imminence. La forme de la trajectoire désigne la manière dont se déroulera le processus conduisant à la mort. Par exemple, la détérioration ou l’amélioration de l’état du patient, la prévisibilité ou non de la mort, etc.

Figure 1. Les trajectoires de la mort selon Glaser et Strauss (1968).

La première trajectoire est celle d’une mort soudaine, inattendue et brimant la préparation à la fin de vie. La deuxième est un déclin lent et progressif qui accompagne le cours normal de la vie, ce qu’on appelle habituellement mourir de vieillesse. La troisième se rencontre lorsque certaines étapes de l'évolution vers la mort peuvent être prévues comme dans le cas d’une maladie cancéreuse avec possibilités de rémission en raison de l’intervention médicale réussie, ou encore dans le cas d'un déclin rapide et prévisible vers la mort. La quatrième est caractérisée par une période de déclin lent avec des épisodes de crises se terminant par un épisode fatal. Habituellement, cette dernière trajectoire est celle de la fin de vie en insuffisance cardiaque (voir Appendice A). Ce parcours fluctuant est l’une des causes de la difficulté de communiquer le pronostic de cette maladie et surtout de prédire le moment de la mort (Gott et al., 2007).

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Réactions du patient

Le mouvement de prise de conscience de la mort exige une communication ouverte avec les patients ayant à affronter un pronostic d’incurabilité. De ce fait, différents modèles tentent d’expliquer les réactions du patient à l’annonce d’un pronostic de maladie incurable. Dans ce contexte, Glaser (1966) a remarqué que survient, chez les patients, un état de tristesse dont la plupart se relèvent. Cependant, pour certains, il s’accompagne d’un repli sur soi et d’un sentiment de désespoir. À ce moment-là, la communication est difficile puisque le patient est absorbé par l’émotion de cette nouvelle. Toujours selon ce modèle, la deuxième étape est le « choix » entre l’acceptation de la nouvelle ou le déni.

Selon les observations d’Elizabeth Kübler-Ross (1969, 1975), cette opposition entre le déni et l’acception est également présente mais sous la forme de stades. Dans ce modèle, l’acceptation de la mort est le but ultime du processus psychologique du mourir. Ce stade est atteint après avoir vécu le déni, la colère, le marchandage et la dépression.

Le modèle de Weisman (1972, 1979) s’oppose à ce modèle. Il définit le déni comme un état mental inconscient considéré comme sain et normal au moment du diagnostic. Il peut être utile à un moment donné pour gagner du temps ou rassembler des ressources (Zimmerman, 2007). Le patient peut également faire des allers-retours entre le déni et la conscience du pronostic pour se distancer de pensées trop perturbantes (Weisman, 1972). Weisman soutient que l’acceptation et le déni ne se présentent pas

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comme des opposés linéaires. Selon lui, la conscience du patient envers sa situation oscille entre différents degrés de déni et de reconnaissance, ce qu’il appelle middle knowledge. Cependant, il arrive qu’un patient tout à fait conscient de son pronostic d’incurabilité choisisse de ne pas aborder sa situation avec l’équipe traitante et sa famille (Baider, 2008; Pery & Wein, 2008). Certains résultats révèlent la présence d’un conflit chez le patient entre son désir d’être informé et la peur de recevoir de mauvaises nouvelles, cette résistance étant liée au besoin de conserver l’espoir (Clayton et al., 2008). Certains patients atteints de maladies mortelles ne souhaitent tout simplement pas connaître leur pronostic sans exprimer de raison précise (Fried, Bradley, & O’Leary, 2003). Parfois, la situation physique du patient est une contrainte lorsque le patient est trop faible ou qu’il préfère garder son énergie pour d’autres tâches (McNaramara & Rosenwax, 2007). D’autres patients ne sont tout simplement pas prêts à pousser plus loin la connaissance de leur situation et la préparation à la fin de vie (Fried, Bullock, Iannone, & O’Leary, 2009). Cette équipe a remarqué, du côté des patients, des embûches à la planification à la fin de vie, tel que le manque de connaissances du patient sur le sujet, son état psychologique, ses croyances religieuses et l’absence de soutien social. En outre, les réactions psychologiques décrites ci-dessus alimentent le débat sur la nécessité de dévoiler le pronostic d’incurabilité au patient.

Aborder ou ne pas aborder le pronostic

Certaines personnes atteintes de maladies chroniques graves ont des réticences à connaître le pronostic et certains des médecins qui les soignent n’approuvent pas l’idée

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d’initier les discussions sur le pronostic avec tous les patients. En effet, certains professionnels sont d’avis que les patients qui le désirent ont droit à la meilleure information concernant le pronostic comme ils ont le droit de l’ignorer (Blackhall, Frank, Murphy, & Michel, 2001). Cet avis s’oppose à la théorie de Glaser et Strauss (1965) sur les contextes de conscience quant à la divulgation du pronostic de fin de vie. Selon les auteurs, le patient doit connaître son pronostic et rien ne doit lui être caché, ils appellent ce contexte open awareness. Cette promotion du discours de vérité s’oppose à la stratégie de rétention de l’information présente dans les trois autres types de contexte du modèle. Le premier contexte qu’ils identifient se nomme closed awareness : le patient ignore sa condition, en raison du silence de l’équipe médicale. Le deuxième contexte est nommé suspicion awareness : le patient désire confirmer auprès de l’équipe ou des proches le doute qui l’habite quant à l’imminence de sa mort. Le troisième contexte est quant à lui qualifié de mutual pretence : tous les partis en cause connaissent la situation mais ne reconnaissent pas la menace et prétendent que tout est normal. Ces contextes de rétention de l’information opprimeraient l’autonomie du patient et menaceraient la confiance qu’il accorde à l’équipe (Field & Copp, 1999).

Selon Harding et ses collaborateurs (2008), l’accès à l’information favorise l’empowerment du patient, soit une meilleure prise en charge de sa destinée par le patient lui-même. Un contexte ouvert favoriserait l’acceptation de la maladie, la préparation à la fin de vie et le bien-être psychologique par une diminution de l’anxiété (Glaser et al., 1965). L’argument stipulant que le pronostic est essentiel à la planification

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des soins en fin de vie ne fait pas l’unanimité (Blackhall, 2013). D’abord, parce qu’il n’existe pas de définition claire qui délimite ce qu’est un pronostic terminal (Hui et al., 2012). De plus, il est difficile d’établir un pronostic précis en termes de temps (Christakis & Lamont, 2000). Lorsque la situation s’aggrave, il serait davantage pertinent de s’intéresser aux soins qu’au pronostic (Blackhall), en révélant au patient la trajectoire envisagée de la maladie, les limites des traitements, les soins disponibles, les effets secondaires et non le temps qu’il reste (Murray, Kendall, Boyd, & Sheikh, 2005). De plus, le pronostic, seul, n’apparaît pas suffisant pour la planification du futur et des traitements (Dougherty, Pyper, Au, Levy, & Sullivan, 2007). Steinhauser et ses collègues (2000, 2001) ont vérifié auprès des patients et des professionnels de la santé l’importance accordée aux enjeux reliés au pronostic. Les résultats indiquent que le besoin de connaître les conséquences de la maladie sur la condition physique et de savoir que, si nécessaire, le médecin est à l’aise de parler de la fin de vie, sont des thèmes plus importants que la connaissance de l’espérance de vie. Cette étude démontre qu’il est possible de préparer la fin de vie sans aborder un pronostic précis.

Préparation à la fin de vie

La fin de vie est un épisode intime et unique plus ou moins étendu dont le terme est la mort (Echard, 2006). Si plusieurs espèrent une mort rapide et soudaine, ils souhaitent également avoir l’opportunité de s’y préparer. Une majorité de professionnels et de patients accordent de l’importance à préparer la fin de vie (Steinhauser et al., 2000, 2001). Dans la littérature scientifique, il n’y a pas de définition précise et consensuelle

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de l’expression : « la préparation à la fin de vie » (Hebert, Prigerson, Schulz, & Arnold, 2006). Il faut rappeler que la divulgation du pronostic n’est pas synonyme de la préparation à la fin de vie. Il s’agit d’un élément, parmi plusieurs autres, permettant de s’y préparer. La connaissance du pronostic n’est pas suffisante pour achever cette tâche complexe, tout comme l’acceptation de la mort ne veut pas dire être complètement préparé à la fin de vie (Hinton, 1999). La préparation à la fin de vie ne doit pas être confondue avec la planification des soins, tâche qui peut être accomplie à différents moments de la vie. Depuis 2012, la campagne de sensibilisation « Parlons-en : dialogue sur les décisions de fin de vie » menée par l’Association canadienne de soins palliatifs encourage la préparation d’un plan préalable pour tous les adultes, car personne ne peut prédire quand et comment la mort se manifestera. La préparation à la fin de vie ne se fait pas seul. Il s’agit d’un processus social qui se fait avec les proches et des personnes ressources dans les quatre domaines mentionnés : médecin, notaire, prêtre, psychologue, etc. (Singer et al., 1998).

Mécanisme d’adaptation

Le mécanisme d’adaptation (coping) est l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources d’un individu (Lazarus & Folkman, 1984). Dans le contexte de la fin de vie, le pronostic d’incurabilité et les incertitudes envers l’avenir et la mort constituent la menace. La préparation à la fin de vie permet au patient de s’adapter à sa situation (Larson & Tobin, 2000). L’approche de Corr (1992)

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définit un ensemble de tâches cognitives, affectives ou comportementales préparatoires à la fin de vie. Cette approche conçoit la mort comme un problème qui ne peut être résolu qu'en effectuant certaines tâches. Ce modèle a émergé à la suite des critiques du modèle de Kübler-Ross qui ne serait pas considéré comme un modèle d’adaptation à la mort mais plutôt comme la description d’une série de réactions psychologiques ou de réponses automatiques (Shneidman, 1973). Selon Corr, le patient tente de s’adapter à la mort en entreprenant des tâches qui correspondent aux quatre dimensions de la vie humaine : physique, psychologique, sociale et spirituelle. En situation d’adaptation, les tâches ne sont pas synonymes de « besoins », puisqu’elles ont un objectif et, comme dans le cas d'un travail, les individus ont le choix de les faire, d’arrêter et de recommencer, ce qui favorise leur empowement (Corr & Corr, 2012). Dans le contexte de la fin de vie, l’empowerment est un processus par lequel le patient développe sa capacité à identifier et satisfaire ses besoins, résoudre ses problèmes et mobiliser ses ressources, et ce, de manière à avoir le sentiment de contrôler sa vie (Gibson, 1991). Cela montre que, malgré un pronostic d’incurabilité, les patients peuvent être des acteurs de leur vie et ne font pas que réagir passivement ou automatiquement. La préparation à la fin de vie en est un exemple, puisqu’elle permet au patient d'exercer un certain contrôle sur la mort (Larson, 2005).

Contribution à une bonne mort

Avec le développement des soins palliatifs, les efforts pour assurer la qualité de vie aux patients et le mouvement « Mourir dans la dignité », une nouvelle question a

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émergé : « Comment mourir dans les meilleures conditions possibles? » Les chercheurs ont tenté de rendre opérationnel le concept de bonne mort. Cependant, les résultats de cette entreprise n’ont donné qu’une définition très générale. Une bonne mort ou une mort convenable est celle qui est : 1) exempte de toute détresse ou souffrance susceptibles d’être évitées pour les patients, les familles et les soignants; 2) respectueuse des désirs des patients et des familles; 3) conforme aux normes cliniques, culturelles et éthiques (Field & Cassel, 1997). Pour préciser cette définition, Kehl (2006) a mené une méta-analyse des études publiées depuis les années 1990 en ce qui a trait aux termes reliés au concept d’une « bonne mort ». Le résultat le plus notable de cette analyse est l’importance accordée au confort du patient et au contrôle des douleurs, tel que mentionné dans la définition de la « bonne mort » ci-dessus. La mort est synonyme de perte pour le mourrant et une bonne mort permettrait de récupérer en quelque sorte une certaine forme d’actualisation de soi, beaucoup de gens accordent de l’importance à demeurer en contrôle, faire des choix et savoir qu’ils seront respectés. Selon cette étude, les concepts de « bonne mort » et de « préparation à la fin de vie » sont liés. L’avantage de planifier la fin de vie est d’éviter des situations où en raison de l’absence de préparation, les souhaits des patients ne sont pas connus, les membres de la famille sont confus à propos des choix à faire et les médecins s’engagent dans des traitements non désirés ou futiles (Steinhauser et al., 2000, 2001). Par exemple, nommer un mandataire est une tâche faisant partie du plan préalable des soins. Aussi, le sentiment d’avoir bouclé la boucle donne la possibilité de pouvoir partir l’esprit tranquille (Steinhauser et al., 2000). Selon Hétu (1994), il est plus facile d’entrevoir sa mort lorsque ses projets

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sont complétés. Le processus du bilan de vie aide à arriver à ce sentiment. Régler des conflits, avoir fait ses derniers adieux, être en paix avec Dieu, minimiser le fardeau pour la famille et avoir mis ses affaires financières en ordre pourraient entrer dans cette catégorie. De plus, l’affirmation de soi comme personne ayant toute son intégrité est un autre critère qui veut dire que le patient a le droit de conserver sa dignité jusqu’à la fin. Les patients rapportent que le temps qu’ils auront pour préparer la fin de vie aura une incidence ou non sur le fait d’avoir ou non une bonne mort (Steinhauser et al., 2000).

Finalement, de manière générale, s’être préparé à l’issue finale au cours des derniers temps d’une maladie chronique terminale permet au patient d’avoir une meilleure qualité de vie et une tranquillité d’esprit, et de faciliter ses choix en tenant compte de ses besoins et de ses valeurs. Cela permet également aux proches de vivre le deuil plus facilement (Hebert, Schulz, Copeland, & Arnold, 2009; Steinhauser et al., 2008).

En résumé, la préparation à la fin de vie est un ensemble de tâches qui permet au patient d’être préparé aux plans cognitif, émotionnel et comportemental pour faire face à la mort et aux incertitudes qu’elle suscite. De cette façon, le patient peut être préparé à différents degrés dans chacune des dimensions des enjeux de la fin de vie (médicale, pratique, psychosociale, religieuse) (Hebert et al., 2006, 2009).

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Communication en insuffisance cardiaque sévère

La Société canadienne de cardiologie fonde ses lignes directrices de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque sur la recherche scientifique (Arnold et al., 2006). Conséquemment, depuis 2006, elle recommande à ses membres d’initier avant la phase terminale de la maladie les conversations portant sur la divulgation du pronostic et la préparation à la fin de vie. La planification préalable des soins devrait comprendre un plan incluant les choix et préférences du patient en ce qui a trait aux directives médicales en fin de vie, ce qui inclut, entre autres, la question de la réanimation, les préférences en fin de vie et le nom du mandataire en cas d’inaptitude du patient. D’abord, ce processus permet à l’individu de réfléchir sur ses valeurs et ses options. Cette planification préalable des soins est un processus dynamique de communication continue entre les patients, les familles, les professionnels de la santé et tout autre individu important pour le patient, en matière de soins de santé et personnels advenant le moment où celui-ci n'est plus apte à prendre de décisions (Singer et al., 1998). Cette planification devra être revue et réévaluée selon la progression de la maladie, tout comme le pronostic et les besoins psychologiques et sociaux du patient. La Société canadienne de cardiologie (2006) suggère l’utilisation de l’approche centrée sur le patient et l’intégration d’un psychologue à l’équipe de cardiologie afin d’améliorer le dévoilement du pronostic et la planification de la fin de vie.

Ces recommandations ont été réitérées en 2011 (McKelvie et al.) en ajoutant cette fois une recommandation sur le développement d’une approche palliative en

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insuffisance cardiaque. En effet, aux stades tardifs de la maladie, l’insuffisance cardiaque engendre des symptômes très inconfortables, notamment des difficultés respiratoires, la sensation de chercher son souffle, de la fatigue chronique et des œdèmes persistants (Arcand et al., 2007). L’approche palliative favorise la qualité de vie du patient. Lorsque les patients atteints de maladies chroniques sont davantage informés, ils ont tendance à choisir des thérapies palliatives de contrôle des symptômes au lieu de traitements agressifs (Wright et al., 2008). Toutefois la transition vers ce type de soins est un processus délicat qui demande au patient et à son entourage de prendre des décisions importantes comme les procédures de réanimations en cas d’arrêt cardiaque, l’arrêt ou non du fonctionnement du défibrillateur implantable, le choix de passer ses derniers moments de vie à la maison ou à l’hôpital et autres directives anticipées. Elles dépendent, notamment, d’une bonne communication avec les professionnels.

Embûches à la communication en insuffisance cardiaque

L’équipe du chercheur anglais Richard Harding (2008) a proposé quatre hypothèses pour expliquer les obstacles à la communication entre l’équipe de soin et le patient dans le cas de l’insuffisance cardiaque chronique : des embûches spécifiques à la maladie, à la spécialité médicale, au manque de ressources et aux patients eux-mêmes. Ces embûches seront présentées successivement.

Embûches spécifiques à la maladie. Tout d’abord, les embûches peuvent être engendrées par la maladie elle-même. Le pronostic de l’insuffisance cardiaque est

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extrêmement variable. Même lorsque l’état du malade est précaire, celui-ci ne réalise pas le peu de temps qu’il lui reste à vivre et le médecin l’ignore également (Arcand et al., 2007). Comme le pronostic est incertain, les médecins généralistes semblent craindre d’alarmer inutilement le patient, de le rendre anxieux ou d’engendrer un état dépressif (Barnes et al., 2006). Les symptômes de l’insuffisance cardiaque comme la fatigue et l’essoufflement étant souvent associés à des signes de vieillesse, peu de patients ont été avertis qu’ils pouvaient décéder de la maladie subitement (Barnes et al.).

Embûches spécifiques à la spécialité médicale. La culture organisationnelle de la cardiologie est fondée sur une approche curative et technologique. Elle est encore néophyte en matière de programmes valorisant la communication et la préparation à la fin de vie. Manquant de confiance dans leurs habiletés à aborder la fin de vie, les spécialistes ont peur de démoraliser le patient et ne savent pas toujours quand passer à une approche davantage palliative. La mort pour les médecins est souvent considérée comme l’ennemi et l’aborder serait comme admettre l’échec du combat (Morrisson, 1998). Certains anticipent que cette discussion engendrera des conflits avec le patient et les proches. La peur de causer du tort au patient et à la famille, la crainte d’éteindre l’espoir du patient, le manque d’habileté pour annoncer une mauvaise nouvelle et le manque de connaissance sur les obligations à dévoiler l’information sont les principaux obstacles à la divulgation du pronostic.

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Embûches spécifiques aux patients atteints d’insuffisance cardiaque. Il y a aussi des barrières propres au patient sur le plan cognitif et émotif. Dans le cas de l’insuffisance cardiaque, il semble que dès l’annonce du diagnostic par le médecin généraliste, les personnes atteintes vivent des difficultés de compréhension de leur situation médicale (Barnes et al., 2006). Souvent les patients se sentent malhabiles pour poser des questions. Les malades étant souvent âgés, il y a fréquemment la présence de comorbidités et de problèmes cognitifs (Dickson, Tkacs, & Riegel, 2007). Il est important de rappeler que les attitudes face à la mort et les réactions psychologiques d’évitement, de déni, de peur et de dénégation peuvent également être des obstacles à la communication.

Manque de ressources. La dernière hypothèse de Harding et de son équipe de recherche (2008) porte le manque de ressources en cardiologie telles que l’absence d’outils, la faiblesse de la formation et la rareté d’intervenants spécialisés. Aussi, il semble que les professionnels n’ont pas à leur disposition le temps nécessaire pour entamer une communication de qualité avec le patient et sa famille sur les enjeux de la fin de vie.

Situation idéale de communication

Face à leurs propres résistances, à l’absence de question du patient, à l’ambivalence ou à la résistance du patient à aborder les mauvaises nouvelles, les

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professionnels font face à un dilemme et se questionnent sur leur rôle. Le pronostic et la fin de vie doivent-ils nécessairement être abordés avec tous les patients?

Théories sur le transfert de l’information

La recherche en science de l’information est dirigée par deux paradigmes qui s’opposent Le premier, celui centré sur le système (system-centered), considère l’information comme une entité objective que le récepteur, passif et dénué d’unicité, consomme mécaniquement (Shannon & Weaver, 1949). De ce fait, il stipule qu’une même information peut satisfaire un groupe hétérogène. Au contraire, le paradigme centré sur le bénéficiaire (user-centered) n’ignorant pas l’impact des différences interpersonnelles, alloue un rôle de première instance au destinataire de l’information, à son vécu et à ses caractéristiques personnelles (Dervin & Nilan, 1986). Une approche centrée sur le bénéficiaire vise à comprendre les motivations à chercher et à vouloir de l’information, les comportements d’évitement, les barrières à l’accessibilité de l’information et comment le patient utilise cette information (Dervin, 2005).

Modèles de recherche d’information. Parmi les modèles expliquant la relation

des individus avec l’information, certains s’appliquent au domaine de la santé (Harland & Bath, 2008). Deux modèles de conduites de recherche d’information ont inspiré la présente étude : celui de T. D. Wilson (1999) et celui de B. Dervin (1983).

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Le modèle de Wilson (1999) explique qu’une conduite de recherche d’information apparaît lorsqu’un besoin d’information est perçu par un utilisateur et que, pour combler ce besoin, celui-ci entreprend une démarche auprès d’une source ou d’un service d’information qui peut le satisfaire partiellement ou pleinement. S’il a trouvé l’information pertinente, il en fait usage et peut se rendre compte ensuite si son besoin a été comblé ou non. Dans la négative, il doit recommencer le processus de recherche. Le modèle prévoit aussi que l’information peut être transmise à d’autres.

Le modèle de Devin (1983) permet de comprendre la manière dont les individus recherchent et construisent les connaissances à des moments précis dans l’espace et le temps. Le modèle est basé sur la conception qu’une situation peut ébranler le registre des certitudes d’un individu au point d’engendrer une perte de sens. Devant cette situation, la personne aurait recours à ce que Dervin appelle le « pont informationnel ». Ce pont est le résultat de l’analyse et de l’interprétation d’idées, de connaissances et d’expériences que la personne effectue dans l'espoir de combler le besoin de trouver du sens. Le processus peut inclure des boucles de rétroaction, si la perception de la discontinuité initiale persiste ou change.

Contenu spécifique de la communication sur la fin de vie

Dans les années 1960, Glaser faisait la promotion d’un discours de vérité totale : open awareness. Depuis, les chercheurs en science de l’information proposent que le contenu et la forme des conversations soient adaptés aux besoins des bénéficiaires et non

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pas imposés par le système de santé (Mead & Bower, 2000). Dans les années 1990, une approche davantage centrée sur les patients affrontant un pronostic d’incurabilité a été développé par Field et Copp (1999). Ils l'appellent conditional awareness. Il s’agit d’un processus de divulgation de l’information reconnaissant les droits du patient à avoir accès à toute l’information, mais qui reconnaît que ce ne sont pas tous les patients qui souhaitent être mis au courant. Les conséquences de cette approche sont : les patients ont davantage de choix et de contrôle; le dévoilement se fait progressivement; le patient ne subit pas un choc émotif; et la décision est partagée. Ce changement de paradigme s’avère donc positif.

D’autres arguments en faveur d’une information adaptée au patient découlent des études sur la planification et les besoins d’information sur la fin de vie. Les motivations des personnes âgées à planifier la fin de vie peuvent dépendre de considérations pour eux et leurs proches, les attentes envers cette planification et les expériences personnelles (Levi, Dellasega, Whitehead, & Green, 2010). La quantité d’information nécessaire aux personnes atteintes de maladies chroniques terminales varie selon l’âge, le niveau d’éducation, la perception du patient de son espérance de vie, la progression de la maladie et la fréquence de ses symptômes (Parker et al., 2007). De plus, ne pas être confus mentalement, être conscient de la fatalité du pronostic et faire partie d’une classe sociale élevée favorisent l’ouverture à aborder la fin de vie (Seale, Addington-Hall, & McCarthy, 1997). La diversité de ces éléments et des motivations justifie une transmission de l’information centrée sur le patient et non sur l’organisme. En plus

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d’adapter le contenu sur le pronostic et la préparation aux besoins du patient, il est important que le professionnel tienne compte de certains enjeux tels que, l’ouverture à l’information, l’espoir, les inquiétudes et les enjeux non médicaux.

Vérifier si le patient est prêt. La première étape d’une transmission de l’information centrée sur le patient est de prendre l’initiative et d’évaluer si le patient est prêt à participer à une telle conversation, s’il désire aborder le pronostic, la fin de vie et sa préparation (Sudore & Fried, 2010). Dans le contexte où le patient n’est pas intéressé, Back et Arnold (2006) ayant étudié la divulgation du pronostic en cancérologie, proposent de refléter et valider le refus du patient. Dans le cas où il serait nécessaire d’aborder le pronostic, ils suggèrent d’en dire le moins possible ou de discuter avec son proche. Lorsqu’un patient semble ambivalent, le professionnel peut l’inviter à peser les avantages et les inconvénients. Ces auteurs suggèrent également de tenir compte du non-verbal des patients. Certains disent « oui », mais leur corps envoie des signes d’anxiété. Dans tous les cas, il est important que le professionnel fasse preuve d’empathie et de respect envers la décision du patient.

Préserver l’espoir en fin de vie. Hope for the best, prepare for the worst est l’expression qui décrit le mieux le message sous-jacent de la préparation à la fin de vie, soit reconnaître la sévérité de la maladie et soutenir les espoirs du patient (Back, Arnold, & Quill, 2003). Les discussions sur la fin de vie doivent favoriser un juste équilibre entre ces deux concepts. Si l’accent est seulement mise sur un aspect, il manque alors

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l’opportunité de discuter d’enjeux importants tels que la douleur et les peurs (Larson, 2005). L’espoir est un mécanisme de d’adaptation (Herth, 1990). Garder un sentiment d’espoir est un facteur de protection pour le bien-être psychologique des patients en fin de vie (McClement & Chochinov, 2008). L’espoir en fin de vie n’est peut-être pas celui de la guérison, mais peut être, par exemple, l’espoir de mourir sans souffrance.

Investiguer les incertitudes et enjeux non médicaux. Par définition, la préparation s’oppose à l’incertitude puisque se préparer est une façon d’y pallier (Hebert et al., 2006, 2009). Mishel (1988) a étudié le phénomène et conceptualisé un modèle d’incertitude en situation de maladie. Elle définit l’incertitude comme l’incapacité de donner un sens aux évènements reliés à la maladie. Selon cette auteure, le patient l’expérimente lorsque la situation médicale est ambiguë, complexe ou incompréhensible, ou encore lorsque l’information n’est pas disponible ou inconstante.

En sciences cliniques, les chercheurs se limitent souvent à étudier la planification préalable des soins, en anglais advance care planning. Dans le cadre de cette étude psychosociale, étant à la recherche d’un modèle de communication qui puisse intégrer les dimensions médicales et non médicales de la préparation à la fin de vie, il est apparu judicieux de s’inspirer du modèle de Hebert et de son équipe concernant la communication et la préparation à la fin de vie chez les proches de mourants (Hebert et al., 2006, 2009). Ce modèle tient compte de la caractéristique multidimensionnelle (cognitive, affective et comportementale) de la préparation à la fin de vie. De plus il

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intègre les quatre types d’incertitudes (médicales, pratiques, psychosociales et spirituelles) de Mishel (1988). En voici les principaux éléments : 1) niveau médical : pronostic et diagnostic, traitements, testament biologique, soins palliatifs, etc.; 2) niveau pratique et matériel : finances, arrangements funéraires, dernières volontés, etc.; 3) niveau psychosocial : relations, famille, conflits, etc.; 4) niveau religieux/spirituel : dimension existentielle, questions et incertitudes par rapport à sa foi, etc.

L’obtention de réponses aux questions soulevées dans ces quatre domaines d’incertitudes répond à la dimension cognitive de la préparation. Puis, ce processus se poursuit par la dimension affective : la communication et la relation avec le professionnel doivent permettre au patient d’exprimer ses émotions. Finalement, la dimension comportementale : les réponses obtenues lui permettront de poser des actions concrètes. Ce modèle s’inspire d’une approche centrée sur le patient et représente un idéal car toutes les sphères de la personne sont évaluées. Les discussions sur la fin de vie permettent de verbaliser les préoccupations et inquiétudes du patient et de son entourage. Le rôle du clinicien n’est pas que d’assurer un contenu de qualité. Son attitude et la confiance qu’il dégage doivent permettre de rassurer le patient et de le soulager le mieux possible face aux incertitudes.

Style de communication centré sur le patient

La psychologie humaniste, particulièrement l’approche centrée sur la personne de Carl Rogers (1961), et l’introduction des concepts d’empathie et d’écoute ont modifié le

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style de communication des médecins envers les patients. De plus, l’approche de communication centrée sur le patient de Stewart et ses collaborateurs (1995) s’est avérée efficace pour aider les patients en cancérologie (Stewart, 1995). Cette avenue est donc envisageable en insuffisance cardiaque. Ses objectifs sont de permettre de bien se représenter les problèmes de santé, de comprendre le vécu du patient qui y est lié et d’intégrer cette compréhension à l’ensemble de la démarche de soins (Richard & Lussier, 2005). Parmi les critères d’une communication centrée sur le patient selon Stewart et ses collaborateurs (1995), voici ceux qui semblent pertinents dans le contexte de la présente étude.

Explorer l’expérience de la maladie vécue par le patient. Il est essentiel d’évaluer les connaissances que possède la personne sur sa maladie et sur les modalités de son traitement. Il revient au professionnel de s’intéresser à la perception de la maladie par le patient, le sens qu’il lui donne et à ses connaissances sur celle-ci car il existe deux maladies, celle que vit le patient et celle que conçoit le médecin.

Comprendre le patient dans sa globalité biopsychosociale. Au lieu de se concentrer uniquement sur la maladie pour établir un diagnostic médical, la nouvelle approche tente de comprendre le patient dans son ensemble pour établir un diagnostic plus global (Balint, 1957). Selon le modèle biopsychosocial d’Engel (1977), un problème de santé doit être analysé à partir de trois dimensions qui s’interpénètrent : les contextes médical, psychologique et socioculturel.

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Établir et développer la relation médecin patient. De plus, contrairement au modèle traditionnel, cette approche croit en la capacité du patient de prendre le contrôle des décisions qui le concernent. Cependant, cette autodétermination nécessite une bonne communication entre le patient et le personnel soignant. En ce qui a trait au style de communication en fin de vie, selon Tulsky (2003), le professionnel de la santé doit être à l’écoute et favoriser le questionnement. Il doit offrir également des clarifications, un soutien et démontrer de l’empathie envers les réponses du patient. Finalement, le professionnel doit montrer de la franchise et utiliser une terminologie que le patient est en mesure de comprendre.

Rôle du psychologue

La psychologie clinique contribue à la qualité de vie des patients en fin de vie en offrant des services de psychothérapie. Ces services encouragent les professionnels, le patient et ses proches à parler ouvertement de la mort (Bass, 1985). Pour les patients atteints de maladies chroniques sévères, le psychologue s’avère une ressource importante puisque sa formation lui permet d’offrir au patient et à sa famille le soutien et les outils nécessaires pour favoriser la meilleure adaptation possible. Dès l’annonce du diagnostic, son rôle est d’aider le patient à trouver un sens à la vie compatible avec le diagnostic ainsi que de gérer les symptômes psychologiques et la détresse émotionnelle reliés à la maladie (Harley, Larson, Kasl-Godley, & Neimeyer, 2003). La maladie engendre parfois une perte de sens et de rôle social, ce qui peut déclencher de l'anxiété (Murray et al., 2004).

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En insuffisance cardiaque, la sphère psychologique du patient ne doit surtout pas être négligée et le professionnel doit être à l’affût des signes de détresse. En effet, la souffrance physique et psychologique associée au stade avancé de l’insuffisance cardiaque est importante. En raison des incertitudes quant au pronostic, les patients vivent les hauts et les bas de la maladie comme des montagnes russes (Arcand et al., 2007). Les symptômes limitent les activités quotidiennes et les personnes atteintes risquent davantage de souffrir de dépression, d’anxiété et d’isolement social (Selman, Beynon, Higginson, & Harding, 2007). De plus, les malades ont l’impression d’être un fardeau croissant pour leur entourage (Horne & Payne, 2004). Le rôle du psychologue est d’aider les patients et leurs proches à faire face aux conséquences de la maladie, d’informer les cardiologues de la présence de symptômes dépressifs ou de l’influence des facteurs psychosociaux sur la maladie (Jaarsma, 2005).

En ce qui concerne la préparation à la fin de vie, le psychologue peut aider le patient à donner du sens à son expérience, à accepter ses incertitudes et à définir ses questions, ses besoins et ses préférences afin de faciliter les discussions avec l’équipe traitante (Harley et al., 2003). Selon une étude, les divergences d’attitudes et de comportements de personnes âgées envers la planification de la fin de vie font que les patients diffèrent dans leur degré d'ouverture à l'information (Fired et al., 2009). Sur la base de ce résultat, cette équipe de recherche fait le rapprochement entre l’état d’être prêt ou non et le modèle transthéorique de Prochaska (Prochaska & Velicer, 1997). Dans le domaine de la santé, ce modèle de changement de comportement explique les raisons

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de s’engager dans un certain comportement (Taylor, 1990). Les cinq phases du modèle de Prochaska sont les suivantes. À la phase de « pré-réflexion », l’individu n’a pas l’intention de changer le comportement dans un futur proche. En l’appliquant au cas de la préparation à la fin de vie, cela voudrait dire que les inconvénients de débuter ce processus l'emportent sur les avantages. Ensuite, la phase de « réflexion » vient au moment où l’individu pense à changer le comportement dans un futur proche puisque les avantages prennent dorénavant de l'importance. En troisième lieu, l’individu qui atteint la phase de « préparation » s’est engagé à changer très bientôt puisque les avantages l'emportent sur les inconvénients. Dans un quatrième temps, dès que l’individu fait un changement de comportement, il est dans la phase nommée « action ». Finalement, la phase de « maintien » a lieu lorsque le comportement se poursuit. Par exemple, le patient serait complètement investi à préparer sa fin de vie.

Il semble exister peu d’études sur l’application concrète de ce modèle à la démarche de préparation à la fin de vie, sauf pour l’étude américaine de Rizzo et son équipe (2010). Les résultats obtenus ne portent pas sur la réussite à atteindre la phase de maintien mais ils soutiennent la valeur et la faisabilité d’utiliser ce modèle comme outil motivateur de la planification de la fin de vie avec des patients qui ne sont pas complètement fermés en raison d’idéologies personnelles ou religieuses. Certains échanges ont permis non seulement de donner de l’information au patient mais aussi de comprendre ses réticences. Ce dialogue personnalisé a engendré un changement d’attitude envers la planification, soit la première étape vers le changement de

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comportement. Les interventions étaient menées par des professionnels de la santé, mais pas par un psychologue. En raison des compétences associées à ce métier, il serait envisageable que le psychologue utilise ce modèle dans le contexte de la préparation à la fin de vie avec des patients atteints de maladies chroniques mortelles.

Objectifs de la recherche

Cette étude poursuit deux objectifs : 1) explorer le type de communication qui devrait être instauré entre le personnel soignant et la personne atteinte d’insuffisance cardiaque en ce qui regarde le pronostic de la maladie et la préparation à la fin de vie; 2) proposer de nouvelles ressources facilitant la communication.

Ces deux objectifs s’expriment en quatre questions spécifiques : 1) Les contenus et les modalités de la communication entre l’équipe de cliniciens et la personne atteinte d’insuffisance cardiaque répondent-ils aux besoins de communication des patients et de l’équipe en ce qui regarde le pronostic de la maladie et la préparation à la fin de vie? 2) Quels sont les principaux obstacles à la communication? 3) Selon les professionnels et les patients en quoi l’aide d’un psychologue pourrait-elle faciliter la communication sur les enjeux reliés à la fin de vie? et 4) Selon les professionnels et les patients quels nouveaux outils pourraient faciliter la communication?

Un besoin de communication est un élément considéré nécessaire, par un individu ou un groupe à la réalisation de la situation de communication désirée (Dervin,

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1983). Il sera possible de déterminer ces besoins à partir de la description de l’expérience actuelle de communication des patients et de l’équipe soignante comparée à celle qu’ils désirent. Spécifiquement, les besoins seront définis par : 1) le contenu de la communication, soit l’ensemble des informations à aborder ou à éviter avec le patient; 2) les modalités de la communication, soit les éléments répondant à des questions du type : « Quand, par qui, comment ?

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Cette section présente la méthode de la recherche. Elle débute par l’explication des motifs justifiant l’utilisation d’un devis qualitatif. Elle précise ensuite les caractéristiques des participants à l’étude, la stratégie de collecte de données et la méthode d’analyse employée. Enfin, les considérations éthiques seront abordées à la fin de cette section.

Devis qualificatif

La communication entre l’équipe soignante et le patient à propos de la fin de vie est un phénomène complexe impliquant plusieurs acteurs et pouvant s’étendre dans le temps sur une assez longue période. Dans un tel cas, le devis de recherche qualitatif s’avère approprié puisque la finalité des études qualitatives est précisément de comprendre en profondeur des processus complexes à partir du sens que lui donnent les acteurs impliqués directement dans le phénomène (Kaufmann, 1996; Mucchielli, 1996; Poupart et al., 1997). De plus, la présente étude porte sur la fin de vie et la recherche qualitative est à privilégier lorsque l’objet de recherche est un sujet sensible. La visée de la démarche scientifique est donc descriptive et explicative (Trudel, Simard, & Vonarx, 2007).

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Participants

La population ciblée était les cardiologues et les infirmiers spécialisés qui traitent et suivent les patients de la clinique d’insuffisance cardiaque du CHUS et, d’autre part, de leurs patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique sévère.

Équipe médicale de la clinique d’insuffisance cardiaque du CHUS

Pour le recrutement des professionnels, le Dr. Farand, directeur de la clinique s’est chargé de réunir les membres disponibles de son équipe, soit deux infirmiers et cinq cardiologues qui pratiquent en alternance à la clinique d’insuffisance cardiaque du CHUS. Le choix d’inclure les infirmiers à la recherche a été motivé par le fait qu’ils sont amenés autant que les cardiologues à discuter de la préparation à la fin de vie avec les patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique sévère. Il n’y avait pas de critères d’exclusion.

Sélection des patients atteints d’insuffisance cardiaque

Pour le choix des patients, quatre critères d’inclusion ont été pris en considération : un nombre égal d'hommes et de femmes, un diagnostic sévère d'insuffisance cardiaque, une bonne diversité d'âge et une variabilité dans le degré d’ouverture face à l’information sur le pronostic et la fin de vie.

Il fallait d’abord des patients des deux sexes à cause des différences importantes entre hommes et femmes quant au contenu et à la manière de communiquer. Il fallait

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aussi des patients atteints sévèrement, parce que c'est principalement avec ces patients que se posent les questions de divulgation du pronostic et de la préparation à la fin de vie. Lorsque les patients sont pris en charge à la clinique, ils ont nécessairement un mauvais pronostic (50 % de chance de mourir d’ici deux ans), ce qui s’exprime par un diagnostic d’insuffisance de classe III avec une hospitalisation dans l’année ou de classe IV selon les critères de la classification de la New York Heart Association (NYHA). En ce qui regarde l'âge, deux groupes de patients atteints par la maladie fréquentent la clinique. Des patients plus jeunes dans la soixantaine et des plus vieux de 70 ans et plus. Il fallait donc que ces deux groupes de patients soient représentés. Quant au degré d’ouverture à recevoir de l’information, il fallait que l'échantillon soit composé d'autant de patients ouverts à recevoir de l’information que de patients réticents ou même très réticents à en obtenir. Ce critère a été évalué informellement par les infirmiers de la clinique responsables du recrutement, ceux-ci les connaissant bien et sachant aussi quels sujets avaient été abordés ou non avec eux. Les personnes souffrant de maladies de type Alzheimer ou d’autres troubles cognitifs qui pourraient nuire au bon déroulement de l’entrevue ont été exclues de l'étude.

La situation médicale des patients étant précaire, il était primordial de limiter leur déplacement. Les participants devaient être rencontrés la même journée que leur rendez-vous médical. L’infirmier prenait d'abord contact avec les participants potentiels par téléphone et leur expliquait les objectifs de l'étude et les conditions de leur participation, Par la suite, si le patient était intéressé, il venait rencontrer la chercheure principale,

Figure

Figure 1.  Les trajectoires de la mort selon Glaser et Strauss (1968).
Figure 2. Processus de décision de l’équipe de cardiologie.

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