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L'isolement, le retrait et l'arrêt d'agir dans les centres de réadaptation pour jeunes

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L'isolement, le retrait et l'arrêt d'agir dans les centres de réadaptation pour jeunes

Julie Desrosiers

Institut de droit comparé, Faculté de droit Université McGill, Montréal

décembre 2004

Thèse soumise à l'Université McGill pour l'obtention d'un diplôme de doctorat en droit civil

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Sommaire

INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1

PARTIE 1 CONTEXTE ET FONDEMENTS DES MESURES D'ISOLEMENT, DE RETRAIT ET D'ARRÊT D'AGIR DANS LES CENTRES DE RÉADAPTATION POUR JEUNES Titre 1 LA RÉADAPTATION OU LA CONFUSION DES GENRES Chapitre 1- L'isolement: mesure clinique ou disciplinaire? ... 21

Chapitre 2- La sanction éducative ... .57

Titre II LES FONDEMENTS JURIDIQUES ET CLINIQUES DES MESURES D'ISOLEMENT, DE RETRAIT ET D'ARRÊT D'AGIR Chapitre 1- Description, motifs d'utilisation et encadrement législatif des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir. ... 97

Chapitre 2- Revue de la littérature sur l'isolement des jeunes ... 140

PARTIE II LA RÉGLEMENTATION ET L' APPLICA TION DES MESURES D'ISOLEMENT, DE RETRAIT ET D'ARRÊT D'AGIR DANS LES CENTRES DE RÉADAPTATION POUR JEUNES Titre 1 ISOLER À DES FINS DISCIPLINAIRES Chapitre 1- L'encadrement législatif et administratif du pouvoir disciplinaire des éducateurs dans les centres de réadaptation ... 188

Chapitre 2- La densité du quadrillage disciplinaire en centre de réadaptation ... .247

Titre II ISOLER À DES FINS CLINIQUES Chapitre 1- Consentir à l'isolement? ... .284

Chapitre 2- L'encadrement législatif et administratif de l'isolement clinique des jeunes ... 325

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 361

ANNEXE 1 Les droits fondamentaux des mineurs dans le cadre de l'imposition d'une mesure disciplinaire ... 370

ANNEXE 2 Les dispositions des règles internes des centres jeunesse portant sur la durée des mesures de retrait et sur les processus d'autorisation requis ... 381

ANNEXE 3 Les extraits des codes de vie ... 400

BIBLIOGRAPHIE ... 431

TABLE DE LA LÉGISLATION ... 449

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Table des matières

RÉSUMÉ ... XII

INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1

PARTIEl CONTEXTE ET FONDEMENTS DES MESURES D'ISOLEMENT, DE RETRAIT ET D'ARRÊT D'AGIR DANS LES CENTRES DE RÉADAPTATION POUR JEUNES ... 14

TITRE 1 LA RÉADAPTATION OU LA CONFUSION DES GENRES Chapitre premier L'isolement: mesure clinique ou disciplinaire? Introduction ... 21

1. Notions préliminaires ... 23

1.1 La mission du centre de réadaptation ... 23

1.2 Le pouvoir disciplinaire des éducateurs ... 27

1.3 Les formes et les qualifications juridiques de l'isolement dans les centres de réadaptation pour jeunes ... 32

2. Position du problème ... 39

2.1 Santé et Justice: deux concepts distincts ... 39

2.2 Recouvrement des concepts Santé/Justice : la thérapie imposée ... 43

2.3 Droit de punir et droit de traiter ... 49

Conclusion ... 53

Chapitre 2 La sanction éducative Introduction ... 57

1. La sanction, une mesure éducative ... 59

(5)

Table des matières IV

1.2. L'autodiscipline et la légitimité de la sanction moderne:

de la punition à la « conséquence » ... 69

2. La part du droit ... 75

2.1. Les fins poursuivies par la sanction éducative ... 75

2.2. Sanction éducative et sanction pénale: points de rencontre ... 80

2.3. Spécificités de la sanction éducative ... 84

2.4. Le droit, garant des fins éducatives de la sanction ... 88

Conclusion ... 94

TITRE II LES FONDEMENTS JURIDIQUES ET CLINIQUES DES MESURES D'ISOLEMENT, DE RETRAIT ET D'ARRÊT D'AGIR Chapitre premier Description, motifs d'utilisation et encadrement législatif des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir Introduction ... 97

1. Le classement sécuritaire des unités de réadaptation ... 98

1.1 Les unités régulières ou globalisantes ... 99

1.2 Les unités d'encadrement intensif ... 100

1.3 Les unités de garde fermée ... 102

1.4 La classification administrative des jeunes ... 103

2. Les mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir ... 106

2.1 La mesure d'isolement. ... 106 2.1.1 Description ...•... 106 2.1.2 Motifs d'utilisation ... 107 2.1.3 Encadrement législatif ... 110 2.2 La mesure de retrait ... 113 2.2.1 Description ... 113 2.2.2 Motifs d'utilisation ... 118 2.2.3 Encadrement législatif ... 121

2.3 Le programme d'arrêt d' agir ... 125

2.3.1 Description ... 125

2.3.2 Motifs d'utilisation ... 126

2.3.3 Encadrement législatif ... 131

(6)

Table des matières v

Chapitre 2

Revue de la littérature sur l'isolement des jeunes

Introduction ... 140

1. Isoler pour contrôler: l'isolement des jeunes à titre de mesure de contrôle du comportement ... 143

1.1 Les facteurs favorisant le recours à l'isolement ... 146

1.2 La perception des enfants et des adolescents à la suite de leur mise en isolement ... 148

1.3 L'efficacité de la mise en isolement ... 151

. 2. Isoler pour discipliner: l'isolement des jeunes à titre de sanction disciplinaire ... 152

2.1 La discipline sociale ... 153

2.2 La thérapie de la réalité ... 155

2.3 La théorie comportementale ... 157

2.4 Seclusion et seclusionary time-out ... 162

3. De la théorie à la pratique: fondements cliniques des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir en centre de réadaptation ... 166

3.1 La mesure d'isolement. ... 166

3.2 La mesure de retrait ... 167

3.2.1 La durée de la mesure de retrait ... 169

3.2.2 Le lieu où se déroule la mesure de retrait.. ... 173

3.2.3 Le programme d'arrêt d'agir ... 176

(7)

Table des matières VI

PARTIE II LA RÉGLEMENTATION ET L'APPLICATION DES MESURES

D'ISOLEMENT, DE RETRAIT ET D'ARRÊT D'AGIR DANS LES

CENTRES DE RÉADAPTATION POUR]EUNES ... 182

TITRE 1 ISOLER À DES FINS DISCIPLINAIRES Chapitre premier L'encadrement législatif et administratif du pouvoir disciplinaire des éducateurs dans les centres de réadaptation pour jeunes Introduction ... 188

1. Le champ d'application de l'article 10 LPI: mesure disciplinaire ou mesure clinique ... 192

2. Le critère de l'intérêt de l'enfant ... 199

3. Le contenu des règles internes ... 204

3.1. La protection contre les traitements cruels et inusités ... 209

3.1.1. Les châtiments corporels ... 210

3.1.2. L'isolement ... 212

3.2. Le droit à la dignité ... 214

3.3. Le droit de n'être privé de sa liberté qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale ... 216

3.3.1. La privation de liberté ... 219

3.3.2. Les principes de justice fondamentale ... 222

3.3.2.1. Le droit de connaître les comportements qui sont interdits et les sanctions susceptibles d'en découler .... 226

3.3.2.2. Le droit d'être entendu ... 232

3.3.2.3. Le droit d'être traité avec impartialité ... 236

4. L'affichage et la transmission des règles internes ... 241

Conclusion ... 244

Chapitre 2 La densité du quadrillage disciplinaire en centre de réadaptation Introduction ... 247

1. Le dossier disciplinaire de Stéphane ... 251

2. Les caractéristiques de l'institution totale ... 253

(8)

Table des matières VII

3.1 L'admission ... 260

3.2 Le remodelage identitaire ... 265

3.2.1 Tenue vestimentaire, bijoux, tatouage, body percing ... 266

3.2.2 Posture corporelle, langage, manières ... 268

3.2.3 Lecture, musique ... 269

3.3 L'absence d' intimité ... 270

3.3.1 Conversations et relations entre jeunes d'une même unité ... 271

3.3.2 Prêts, dons, échanges ... 273

3.3.3 Courrier et visite ... 273

3.4 Le minutieux réglage de la vie quotidienne ... 274

Conclusion ... 280

TITRE II ISOLER À DES FINS CLINIQUES Chapitre 1 Consentir à l'isolement? Introduction ... 284

1. L'autonomie de la volonté et le consentement aux soins ... 287

2. L'isolement, un soin de santé? ... 298

3. L'isolement des jeunes et le consentement aux soins ... 308

Conclusion ... 324

Chapitre 2 L'encadrement législatif et administratif de l'isolement clinique des jeunes Introduction ... 325

1. La définition et la portée du mot « isolement » ... 328

2. Les conditions d'utilisation de l'isolement édictées par la loi et leur respect en centre de réadaptation ... 336

2.1 L'isolement ne peut être utilisé que pour empêcher un jeune de s'infliger ou d'infliger à autrui des lésions ... 340

2.1.1 Un motif d'utilisation unique ... 340

2.1.2 Un risque de lésion physique imminent.. ... 341

2.2 Une utilisation minimale et exceptionnelle ... 346

2.2.1 Utilisation minimale ... 346

(9)

Table des matières VIII

2.3 Une utilisation qui tient compte de l'état physique et

mental de la personne ... 355

2.4 Une mention détaillée au dossier, un protocole d'application et une évaluation annuelle de l'application des mesures d'isolement ... 358

Conclusion ... 359

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 361

ANNEXES Annexe 1 Les droits fondamentaux des mineurs dans le cadre de l'imposition d'une mesure disciplinaire ... 370

Annexe 2 Les dispositions des règles internes des centres jeunesse portant sur la durée des mesures de retrait et sur les processus d'autorisation requis ... 381

Annexe 3 Les extraits des codes de vie ... 400

BIBLIOGRAPHIE ... 431

TABLE DE LA LÉGISLATION ... 449

(10)

Remerciements

J'ai éprouvé un réel plaisir à écrire cette thèse sous la direction de Nicholas Kasirer et la co-direction de Lucie Lemonde, pour plusieurs raisons que je ne manquerai pas de nommer ici. Bien sûr, tout au long du travail, ils m'ont tous deux impressionné par la justesse et l'intelligence de leurs remarques, par l'étendue de leurs connaissances et par leur générosité. J'ai également apprécié plus que je ne saurais le dire le profond respect dont ils ont fait preuve l'un envers l'autre, de même que leur constante collaboration, dans le souci avoué de m'offrir une direction de thèse cohérente. Mais je dirai plus encore.

Quand j'ai rencontré Nicholas Kasirer pour lui demander d'assurer la direction de mes travaux, je lui ai dit, pour le convaincre d'accepter, que j'étais une étudiante facile, qui exigeait peu. Je le revois, me répondant que j'étais en droit de bénéficier du même suivi que celui qu'il accordait à tous ses étudiants. À l'époque, je me suis demandée s'il ne me servait pas là une mise en garde. Je ne connaissais pas encore Nicholas Kasirer. J'ai eu tout l'espace dont j'avais besoin, mais j'ai pu compter sur sa constante disponibilité. Avec gentillesse et conviction, il m'a indiqué certaines pistes de recherche que je n'aurais pas explorées sans lui et qui se sont avérées fondamentales dans la poursuite de mes travaux. Il m'a encouragé à développer davantage mes idées et m'a permis d'explorer de nouveaux horizons intellectuels. Le regard qu'il a porté sur mes travaux m'a apporté une certaine confiance en moi, et une confiance certaine en son jugement. Je le remercie du fond du cœur.

Lucie Lemonde a joué un rôle crucial dans la poursuite de mes études supérieures et dans ma compréhension du rôle social du droit. Ma thèse s'est

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inscrite à l'intérieur d'un de ses projets de recherche subventionnés, qui portait sur les droits des mineurs en centre de réadaptation. C'est donc avec elle et grâce à elle que j'ai pu pénétrer à l'intérieur des murs de certains établissements pour y mener une observation in situ de trente jours. Cet épisode a incontestablement

constitué un point tournant dans mes travaux. Je qualifierais Lucie Lemonde d'intellectuelle d'action. Elle m'a enseigné à bâtir des ponts entre le droit et son application, à chercher la norme ailleurs que dans la loi et la jurisprudence, dans les multiples prescriptions administratives qui régissent la vie en centre de réadaptation. Je lui dois beaucoup et je tiens à lui témoigner ici ma profonde gratitude.

Je tiens également à exprimer ma reconnaissance à mon doyen, monsieur Pierre Lemieux, de même qu'à son équipe, qui m'ont fait confiance en m'embauchant à titre de professeure à la Faculté de droit de l'Université Laval alors que j'étais en rédaction de thèse. Je ne passerai pas non plus sous silence le travail de relecture et de mise en page effectué par Martine Paquet, ma secrétaire.

Merci aussi à Pierre, Danielle, Étienne, Alexis, Florence, Doudou, Robert, Nadine, Carl, Leila, Marc, Jennifer, Audrey et Geneviève, pour les raisons qu'ils connaissent et que j'espère pouvoir leur répéter des années durant.

Mais surtout et plus que tout, merci à Georges, Roxane et Léonard Azzaria, pour tous les jours de cette thèse et pour les suivants.

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(13)

XII

Résumé

Les centres de réadaptation pour jeunes accueillent des enfants en besoin de protection, de même que des jeunes ayant commis une infraction criminelle. Dans tous les cas, le mandat du centre est de les réadapter à la vie en société. C'est dans le cadre de cette mission que les éducateurs du centre utilisent des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir, que ce soit pour des motifs de traitement ou pour des raisons disciplinaires. Toutes ces mesures, indépendamment de leur appellation, peuvent procéder par enfermement. Les jeunes peuvent être enfermés à clé dans leur chambre, dans une salle de retrait spécialement aménagée à cette fin ou dans une salle d'isolement, pendant quelques minutes ou quelques heures. Certains des programmes de réadaptation mis en place, tel l'arrêt d'agir ou le retrait hors service par exemple, prévoient la mise à l'écart du jeune dans une pièce fermée clé à raison d'une vingtaine d'heures par jour, et ce pendant plusieurs jours.

Le droit appréhende les mesures d'enfermement dans une double optique: d'un côté, l'isolement à titre de mesure de contrôle du comportement, qui tombe sous la catégorie des soins, de l'autre, l'isolement à titre de mesure disciplinaire. Les règles de droit qui balisent l'isolement diffèrent ainsi suivant les motivations à la base de l'intervention. Pourtant, dans tous les cas, l'isolement est une mesure coercitive qui engendre des effets punitifs importants. En toute logique, le droit devrait s'adresser de la même manière à l'ensemble des mesures qui procèdent par l'enfermement du jeune. En ce sens, le cadre du droit de la santé, qui renvoie à la doctrine du consentement aux soins, ne correspond pas à la réalité des mesures. La réglementation du pouvoir disciplinaire des éducateurs, plus particulièrement de leur pouvoir de placer des enfants à l'écart dans des pièces fermées à clé, répondrait davantage à la réalité vécue par les jeunes.

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XIII

Abstract

Rehabilitation Centres receive both children in need of protection and youths who have committed a criminal offence. In aIl cases, the Centre' s mandate is to help them readjust to society. In pursuing this mandate, educators resort to measures of seclusion, time-out or withdrawal, whether for therapeutic or disciplinary reasons. AlI of these measures, however one wishes to calI them, may be effected through confinement. The children are thus liable to be locked into their own room, into a speciaIly designed time-out room or into a seclusion room, the time of confinement lasting anywhere from a few minutes to a few hours. Some rehabilitation programs, calling for measures such as time-out or withdrawal, currently aIlow for the possibility of confining a child in a locked room for some twenty hours a day, for several consecutive days.

From a legal standpoint, confinement may constitute a form of therapy, or it may constitute a disciplinary measure. Depending on the reason for its implementation, seclusion therefore faIls under different legal provisions. Yet in aIl cases, seclusion remains a coercive measure with a strong punitive component. It would therefore be logical for aIl confinement measures to be governed by the same set of legal rules. Furthermore, the framework provided by health services legislation, which is based on consent to treatment, does not properly account for such measures. Regulating the disciplinary powers of educators, especiaIly their power to lock up children in closed rooms, would be an approach better suited to the actual needs of children.

(15)

Introduction générale

Cette thèse porte sur les différentes mesures d'isolement utilisées dans les centres de réadaptation pour jeunes. L'expression «différentes mesures d'isolement» est utilisée de manière à englober toutes les mesures qui consistent à enfermer un jeune dans une pièce fermée à clé, indépendamment de l'appellation de ces mesures. Il peut s'agir d'une mesure d'isolement, de retrait hors service, d'arrêt d'agir ou encore d'une programmation spéciale. A vant d'élaborer sur la problématique de départ, il convient de présenter de manière plus générale le sujet à l'étude, ce à quoi s'appliquent les lignes qui suivent.

Le phénomène de l'isolement des jeunes dans les centres de réadaptation est peu documenté. Le premier réflexe du juriste aurait été d'analyser la jurisprudence sur cette question. En effet, dans la mesure où des jeunes sont isolés dans des pièces fermées à clé, il est prévisible que certains d'entre eux s'en plaignent devant les tribunaux au nom d'une violation de leur droit à la liberté. Pourtant, le phénomène de l'enfermement des mineurs ne se reflète à peu près pas dans la jurisprudence1La principale source d'informations provient plutôt des dossiers d'enquête de la

1 Plusieurs éléments peuvent expliquer la quasi absence de jurisprudence sur les mesures

d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir en centre de réadaptation: a) les je~.mes sont peu informés de leurs droits et peu enclins à porter plainte contre les adultes en autorité, b) la clientèle des centres de réadaptation est captive, c) il est loin d'être établi à l'heure actuelle que l'enfant ou ses parents peuvent saisir directement le tribunal d'une requête en lésion de droits suivant l'article 91 de la Loi sur la protection de la jeunesse, certains juristes arguant, décisions judiciaires à l'appui, qu'il revient à la Commission de protection des droits de la personne et de la jeunesse, et à elle seule, de procéder à cet égard. Sur ce dernier point, voir Lucie Lemonde et Julie Desrosiers, « Le droit à un

recours effectif lors de la violation des droits fondamentaux des mineurs privés de liberté ", (2002) 62 Revue du Barreau 205-238.

(16)

Introduction générale 2

Commission de protection des droits de la personne et des droits de la jeunesse2, lesquels, au fil des ans, ont constitué un bassin d'informations

important sur les différentes mesures d'isolement utilisées dans les centres de réadaptation, à tout le moins au chapitre des difficultés qui en résultent.

À cet égard, l'histoire de Jérôme, qui défrayait la manchette il y a une dizaine d'années3, est évocatrice. À l'époque, Jérôme avait 13 ans. Abandonné par sa mère et battu par son père, il s'était retrouvé en centre de réadaptation par le biais de la Loi sur la protection de la jeunesse. Hostile et rebelle, il donnait bien du fil à retorde à ses éducateurs. Alors on l'enfermait, seul, dans sa chambre ou dans la salle d'isolement prévue à cet effet. Et pas qu'un peu: l'enquête de la Commission de protection des droits de la personne et des droits de la jeunesse révélait que Jérôme avait été gardé en retrait 452 heures sur 943 durant les quelques quatre mois passés au centre. L'enfant était donc enfermé 48% du temps, tantôt parce qu'il n'avait pas fourni pas suffisamment d'effort au sport, tantôt parce qu'il n'avait pas pris les bons manuels de cours, ou encore parce qu'il chuchotait à la bibliothèque. La Commission avait conclu que les mesures

2 Suivant la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, L.Q. 1975, c. 6; L.R.Q., c. C-12, art. 57, la Commission de protection des droits de la personne et des droits de la jeunesse a le mandat général d'assurer la promotion et le respect des droits de l'enfant reconnus dans la Charte québécoise, de même que dans la Loi sur la protection de la jeunesse, L.R.Q., c. P-34.1 [ci-après LPJ]. La Commission s'intéresse également au respect des droits des jeunes contrevenants par le jeu de l'article 11.3 LPJ. Le mandat général de la Commission comporte le pouvoir d'enquêter, « sur demande ou de sa propre

initiative, sur toute situation où elle a raison de croire que les droits d'un enfant ont été lésés par des personnes, des établissements ou des organismes» (LPJ, art. 23(b».

3 M. Gagnon, « Un DPJ et un centre d'accueil auraient violé les droits d'un adolescent»,

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Introduction générale 3

de contention, d'isolement et de retrait constituaient une violation des droits de l'enfant.

L'histoire de Jérôme a été racontée en 1991. À cette époque, le phénomène de l'isolement en centre de réadaptation était pour ainsi dire inconnu du grand public. Les journalistes ne s'y intéressaient pas encore. Il a fallu éplucher les dossiers d'enquêtes individuelles en lésion de droits de la Commission de protection des droits de la personne et des droits de la jeunesse, pour savoir que plusieurs autres enfants vivaient des situations similaires. La professeure Lucie Lemonde s'est prêtée

à

cet exercice et a soigneusement étudié les 104 dossiers d'enquête ouverts par la Commission au cours des années 1990 à 19994Elle a constaté que dans

70% des cas, les plaintes portaient sur une procédure d'enfermement en chambre, qu'il s'agisse d'isolement ou de retrait (48%), d'arrêt d'agir ou de programmation spéciale (22%). Les plaintes évoquaient des enfermements de plusieurs jours, pour des motifs variés, allant de l'impolitesse au retour de fugue. Ces plaintes ont été très majoritairement retenues par la Commission. Au terme de l'analyse, l'auteure conclut « qu'en centre de réadaptation, les mesures de confinement représentent la solution

4 Lucie Lemonde, « Note de recherche: les droits des jeunes en centre de réadaptation au Québec - bilan des enquêtes ", (2004) 1 Canadian Journal of Law and Society/Revue Canadienne Droit et société, 85-105. Le corpus de sa recherche se limite aux lésions de droit alléguées dans les services de réadaptation en internat et exclut les cas où la situation dénoncée a fait l'objet d'un règlement immédiat suite à l'intervention de la Commission, sans qu'une enquête n'ait été formellement ouverte. Il semblerait en effet que plus de 75% des plaintes enregistrées par la Commission soient réglées par voie de conciliation, sans besoin d'enquête formelle au sens de l'article 23 b) LPJ (Québec, Ministère de la Santé et des Services sociaux et ministère de la Justice, Rapport du groupe de travail sur l'évaluation de la Loi sur la protection de la jeunesse, La protection de la jeunesse, Plus qu'une loi, 1992, p. 47).

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Introduction générale 4

d'intervention de premier choix tant au plan disciplinaire que clinique, et parfois même administratif. »

C'est à ce tableau que s'ajoute les trois enquêtes systémiques menées par la Commission dans différents centres jeunesse du Québec, au cours des années 1997, 1999 et 20005Ces enquêtes ont été entreprises à la suite de la réception de plusieurs plaintes individuelles en provenance de mêmes unités de réadaptation. Les rapports d'enquête de la Commission décrivent des situations d'abus difficilement tolérables: celles d'enfants enfermés pendant des semaines dans leur chambre, dépouillés de leurs objets personnels, obligés de porter une robe de chambre et des pantoufles de phentex; d'enfants qui dorment en salle d'isolement à même le sol, sans matelas ni couverture; d'enfants envoyés en retrait pendant plusieurs heures pour des motifs anodins.

Ces situations, mises en lumière par les enquêtes de la Commission, promues à l'avant-scène par quelques articles de journaux, dressent un portrait probablement trop noir de la réalité du centre de réadaptation. Dans le même temps toutefois, elles reflètent une culture institutionnelle de traitement qui participe de la mise à l'écart et de l'enfermement des enfants et adolescents difficiles. Les jeunes ne sont pas tous isolés dans leur chambre des jours durant, mais plusieurs d'entre eux sont enfermés à un moment ou l'autre au cours de leur passage en centre de réadaptation, que ce soit pour des motifs disciplinaires ou cliniques.

5 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Rapport et conclusion

d'enquête - Pavillon Bois-Joly, septembre 2000; Conclusion d'enquête - Relais Saint-François,

CDPDJ, août 1999; Les centres de la jeunesse et de la famille Batshaw - Campus Prévost - Unité La Chapelle - Conclusions d'enquête, CDPDJ, mai 1997.

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Introduction générale 5

Malgré leur juridicité certaine, la majorité des mises en isolement ou en retrait n'ont pas d'existence juridique, faute de plainte. Combien de Jérôme demeurent silencieux? S'intéresser à l'enfermement des mineurs, c'est bien sûr, dans un réflexe naturel, interroger l'ampleur du phénomène. Pourtant, il ne sera pas question ici de chiffrer ou de quantifier l'utilisation des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir, ce qui aurait exigé une importante enquête empirique que nous n'avions pas les moyens de mener. Notre étude a toutefois été considérablement enrichie d'une observation in situ de trente jours, effectuée au printemps

2002 dans trois unités de réadaptation sécuritaires des Centres jeunesse de Montréal.

Cette observation, menée dans un contexte exploratoire, visait à jeter les bases d'un projet de recherche plus large sur les fondements cliniques et juridiques des mesures privatives de liberté6 Il va sans dire que l'échantillonnage d'unités observées et de jeunes rencontrés à cette occasion est trop étroit pour fonder des conclusions scientifiques sérieuses. L'expérience s'est toutefois avérée extrêmement précieuse dans la mesure où elle a permis d'appréhender de manière concrète la réalité des mesures d'enfermement en centre de réadaptation. Nous étions trois observatrices pour mener notre tâche à bien. Pendant trente jours, nous avons partagé le quotidien des jeunes à raison de huit heures par jour, réparties à des moments différents de la journée, de manière à observer

6 Ce projet de recherche a été présenté au CRSH par les professeurs Lucie Lemonde (sciences juridiques, UQAM) et Denis Lafortune (École de criminologie, UDM). Le projet de recherche a reçu l'assentiment de l'organisme subventionnaire et le financement demandé a été octroyé. Pour l'heure, la progression de l'étude est toutefois entravée.

(20)

Introduction générale 6

l'ensemble de la journée, du réveil au coucher. Ces trente jours se sont découpés en trois blocs de dix jours: le premier dans une unité d'arrêt d'agir7, le second dans une unité d'encadrement intensifS et le troisième dans une unité de garde fermée9Dans chacun de ces centres, nous avons visité des salles d'isolement et des salles de retrait, et nous avons pu observer à de nombreuses reprises l'imposition de mesures de retrait disciplinaires.

Plusieurs constats, ou, à tout le moins, plusieurs impressions découlent de cette observation. L'encadrement architectural frappe l'imaginaire: hautes clôtures, fenêtres grillagées, contrôle des déplacements et ainsi de suite. Dans les centres de réadaptation sécuritaires, de très nombreuses portes sont munies d'un dispositif de verrouillage automatique: la porte de l'unité, la porte menant sur la cour intérieure, la porte menant au corridor, la porte du bureau des éducateurs, mais surtout, toutes les portes des chambres des enfants. Il n'est pas besoin de déroger aux règles pour se retrouver enfermé dans sa chambre, porte barrée. Il s'agit au contraire d'une pratique de fonctionnement usuelle dans les unités de réadaptation sécuritaires, où tous les jeunes sont enfermés à clé dans leur chambre durant certaines périodes ciblées de la journée: la nuit, bien sûr, mais également le jour, lors des périodes de transition entre chaque activité, lors des changements de quarts de travail des éducateurs ou lors des périodes obligatoires d'études ou de réflexion. Le récent rapport de recherche du Conseil permanent de la jeunesse, intitulé Les jeunes en

7 Unité l'Intervalle, centre de réadaptation Dominique-Savio-Mainbourg.

8 Unité lnouik, centre de réadaptation Cité-des-Prairies. 9 Unité La Relance, centre de réadaptation Cité-des-Prairies.

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Introduction générale 7

centres jeunesse prennent la parole!, fait largement état des remarques des

jeunes sur la grisaille des lieux, les clôtures et les fenêtres grillagées, les restrictions de liberté, l'omniprésence des règlements et le temps passé seul, enfermé dans sa petite chambre. Pour les jeunes, le centre de réadaptation équivaut à une prisonJO •

Les périodes obligatoires en chambre (nuit, transition, changement de quarts de travail des éducateurs et ainsi de suite) cumulent déjà en un nombre considérable d'heures passées en chambre, mais il faut encore y ajouter les périodes de retrait imposées à la suite d'un manquement aux règles internes du centre. Ici, deux impressions fortes. La première, c'est qu'il est extrêmement facile, voir inévitable, de déroger aux règles dans un milieu où elles sont omniprésentes et encadrent tous les aspects de l'existence. La seconde, c'est que l'envoi d'un enfant dans sa chambre à la suite d'une dérogation aux règles est fréquent, banal et quotidien.

Le retrait en chambre n'est pas le seul moyen de mettre un jeune à l'écart du groupe dans une pièce fermée, et il y aurait encore beaucoup à dire sur le strict plan factuel. Il existe tout un jargon spécialisé en centre de réadaptation et une foule de vocable pour nommer l'enfermement: encadrement intensif, période d'arrêt d'agir, programme d'arrêt d'agir, retrait en chambre, retrait hors service, conséquence, isolement, programmation spéciale ... Nous aurons amplement l'occasion d'y revenir. Pour le moment, il faut aborder un aspect fascinant et incontournable de l'univers de la réadaptation juvénile, celui du rationnel clinique.

JO Conseil permanent de la jeunesse, Les jeunes en centres jeunesse prennent la parole!, Rapport de recherche, juillet 2004, particulièrement aux pp. 16-21.

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Introduction générale 8

Les intervenants rencontrés ont tous affirmé agir dans une optique de réadaptation. Selon eux, si les mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir briment la liberté de l'enfant, elles visent bien plus encore à assurer sa sécurité et son développement. Plusieurs commentaires ont été formulés en ce sens: le jeune aurait besoin de limites claires, d'un milieu sécurisant et apaisant, d'être contenu. Dans son discours, dans son rationnel fondateur, dans son idéal aussi, l'univers de la réadaptation juvénile appartient au domaine du traitement clinique. Les intervenants en place visent à provoquer une prise de conscience chez le jeune, à lui permettre d'acquérir de nouveaux modes relationnels et un certain nombre d'habiletés sociales qui lui permettront de cheminer vers une réadaptation réussie. Mais dans les faits, l'univers de la réadaptation juvénile est coercitif et les jeunes sont souvent contraints à leur chambre parce qu'ils n'agissent pas comme leurs éducateurs le souhaiteraient. Si les intervenants enferment et isolent à des fins cliniques, leurs interventions s'inscrivent dans une logique disciplinaire que le jeune perçoit comme étant punitive.

Comment réglementer cet univers? Comment inscrire le droit dans le monde de la réadaptation juvénile? Nous avons voulu réfléchir l'encadrement juridique des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir en intégrant leur dimension première: éduquer, rééduquer, réadapter. Cette problématique a traversé l'ensemble de la thèse.

D'emblée, deux cadres d'analyse juridique s'offrent à l'esprit: le premier est celui des soins, le deuxième est celui de la coercition disciplinaire. Le

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Introduction générale 9

premier cadre renvoie au droit de la santé, le deuxième au droit à la liberté et aux principes de justice fondamentale, typiquement invoqués en matière répressive. À l'heure actuelle, le législateur se réclame tour à tour de ces deux cadres. En effet, l'envoi d'un enfant dans une chambre porte barrée peut être envisagé comme un soin, ou comme une mesure disciplinaire. La réalité de la mesure est la même dans les deux cas, mais les règles juridiques qui gouvernent son imposition diffèrent. Lorsque l'isolement est utilisé à titre de soin, certaines balises juridiques s'appliquent, mais elles ne prévalent pas en matière d'enfermement disciplinaire. On peut dire que le législateur est intervenu avec beaucoup d'aplomb pour limiter l'utilisation de l'isolement dans le domaine clinique, mais qu'il est demeuré à peu près muet sur cette question lorsqu'elle se pose dans un contexte disciplinaire. La résultante, c'est que les mesures qui procèdent par isolement resurgissent avec force dans le champ de l'action disciplinaire, où elles ne sont pour ainsi dire pas réglementées.

Cette thèse s'est construite autour d'une hypothèse de départ, à savoir que le modèle du droit de la santé n'est pas le cadre de référence approprié lorsqu'il est question de l'isolement des mineurs. L'isolement, peu importe son appellation, peut difficilement se réclamer de la notion de soin, d'une part parce que son efficacité thérapeutique est douteuse, d'autre part parce que la logique du consentement au soin n'opère pas en centre de réadaptation, et ne pourrait d'ailleurs pas opérer sans d'importantes distorsions. Et pourtant, de manière tout à fait paradoxale, c'est par le biais du droit de la santé que le législateur est intervenu pour baliser et encadrer l'utilisation de l'isolement. Néanmoins, cette action paraît

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Introduction générale 10

insuffisante, dans la mesure où elle omet de poser des limites précises à l'enfermement disciplinaire des jeunes, qui perdure sous différentes appellations.

La méthodologie utilisée s'articule essentiellement autour de deux axes. Le premier renvoie à la méthode juridique classique, laquelle repose sur une étude des sources de droit et une analyse documentaire: analyse des textes de loi, y compns des textes constitutionnels et des textes internationaux, analyse de la jurisprudence (quasi inexistante, comme nous l'avons vu) et de la doctrine juridique (pour ainsi dire inexistante, elle aussi). La principale source d'informations a toutefois été, sans contredit, les documents internes des centres jeunesse portant sur l'isolement, de même que ceux portant sur les mesures disciplinaires. L'étude de nombreux « codes de vie », soit les prescriptions normatives émises à l'intention des jeunes vivant en centre de réadaptation, s'est également révélée d'une grande richesse. Trois séries de documents internes ont donc été analysés:

1) Les règles internes des Centres jeunesse sur l'isolement, que les Centres jeunesse ont l'obligation d'adopter suivant l'article 118.1 de la

Loi sur les services de santé et les services sociauxll;

2) Les règles internes des Centres jeunesse sur les mesures disciplinaires, que les Centres jeunesse ont l'obligation d'adopter suivant l'article 10

de la Loi sur la protection de la jeunesse12;

3) Les codes de vie de certaines unités de réadaptation, qui découlent eux aussi de l'article 10 de la Loi sur la protection de la jeunesse.

11 Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., c. S-42. 12 Loi sur la protection de la jeunesse, L.R.Q., c. P-34.1.

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Introduction générale 11

Ces documents ont été long à obtenir. Il a fallu se montrer insistant et écrire à plusieurs reprises aux centres jeunesse. Mais le jeu en valait la chandelle: c'est la première fois qu'une chercheure se penche sur ces textes et l'analyse juridique qui en résulte est entièrement nouvelle et inédite.

Il est utile de préciser qu'à cause du faible échantillonnage sur lequel reposait l'observation in situ, les données recueillies à cette occasion n'ont pas été intégrées à la thèse, faute de validité scientifique. Néanmoins, à l'occasion, ces données ont permis d'illustrer concrètement le propos.

Le deuxième axe méthodologique repose sur une revue de la littérature scientifique sur les fondements cliniques et thérapeutiques de l'isolement des jeunes. Est-ce que l'isolement des jeunes participe d'un nécessaire traitement en vue d'une réadaptation réussie? Et, dans l'affirmative, la littérature trace-t-elle les limites temporelles d'une telle intervention? La question, incontournable, devait être posée. Car sur le strict plan juridique, il est nécessaire de s'interroger sur l'efficacité thérapeutique des mesures pour décider si elles sont dans l'intérêt de l'enfant, si elles sont éducatives et ultimement, si elles se justifient au nom de son droit à la sécurité. La synthèse des écrits effectuée dans le cadre de cette thèse apporte, ici encore, un éclairage nouveau et inédit sur les mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir en centre de réadaptation.

Peut-être faut-il également noter qu'à l'occasion, la réflexion proposée effectue certains détours par l'histoire des sanctions, de même qu'elle renvoie parfois à certains écrits contemporains sur la sanction éducative,

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Introduction générale 12

notamment à ceux d'Eirick Prairat13 En ces domaines toutefois, nous n'avons pas la prétention d'avoir enrichi les connaissances, si ce n'est en établissant des liens ici et là entre les lectures et les observations effectuées.

Cette thèse se découpe en deux parties. La première porte sur le contexte et les fondements des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir, qui s'inscrivent toutes dans un milieu qui entend réadapter les jeunes à la vie en société. Pour bien penser l'encadrement juridique de l'enfermement des mineurs, il faut prendre le pouls des tensions qui résultent du frottement entre le modèle de la réadaptation et celui de la justice. Le choc des paradigmes est violent et doit être dépassé pour qu'un dialogue puisse naître. Car si le droit participe du concept de sanction éducative, son rôle ne se donne pas d'emblée et mérite d'être soigneusement réfléchi.

Comment, à l'heure actuelle, le droit circonscrit-il les mesures cliniques et éducatives qui participent de l'enfermement du jeune? Un portrait réaliste des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir en centre de réadaptation (description des mesures utilisées, motifs d'utilisation et encadrement législatif actuel) mettra en lumière les incongruités du régime actuel, qui réglemente des mesures similaires de manière différente, suivant leur rationnel clinique ou disciplinaire. Comme nous le verrons, la revue de la littérature sur }' isolement des jeunes n'autorise pas cette division. Plus encore, le potentiel thérapeutique et éducatif des

13 Érick Prairat, Sanction et socialisation. Idées, résultats et problèmes, Paris, P.U.F., 2001;

Penser la sanction. Les grands textes, Paris, Éditions L'Harmattan, 1999; La sanction. Petites médiations à l'usage des éducateurs, Paris, Éditions l'Harmattan, 1997; Éduquer et punir. Généalogie du discours psychologique, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1994.

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Introduction générale l3

mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir paraît fragile, pour ne pas dire inexistant. À travers l'ensemble du propos, nous aurons l'occasion de démontrer que l'isolement, peu importe son appellation, n'est pas un soin et que malgré tous les rationnels cliniques dont il s'entoure, il est toujours vécu sur le mode punitif par le jeune qui le subit.

La deuxième partie consiste en une analyse en profondeur de ce qui aura déjà été esquissé à propos de l'encadrement législatif des mesures. La classification juridique existante, qui oppose l'isolement disciplinaire et l'isolement clinique, sera reprise de manière à mieux en faire voir les limites. Ainsi, la marge discrétionnaire dont jouissent les éducateurs au chapitre de l'isolement disciplinaire contraste fortement avec la densité et la multiplicité des règles qui encadrent le comportement du jeune. Il faut également interroger les assises des notions de soin et de consentement pour mettre en lumière leur discordance dans le cadre de l'imposition d'une mesure d'isolement en centre de réadaptation. Au terme de cette traversée, il apparaît clairement que l'isolement s'appréhende dans une optique disciplinaire et que le pouvoir d'enfermement dont jouissent les intervenants doit être encadré de manière plus étroite. Une intervention législative en ce sens permettrait de lever bien des équivoques, notamment quant à la durée des mesures, au processus décisionnel y donnant lieu, aux conditions dans lesquelles elles peuvent se dérouler, et aux motifs susceptibles de les fonder.

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PARTIE 1

CONTEXTE ET FONDEMENTS DES MESURES D'ISOLEMENT, DE RETRAIT ET D'ARRÊT D'AGIR DANS LES CENTRES DE RÉADAPTATION POUR JEUNES

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PARTIEl

CONTEXTE ET FONDEMENTS DES MESURES D'ISOLEMENT, DE RETRAIT ET D'ARRÊT D'AGIR DANS LES CENTRES DE RÉADAPTATION POUR JEUNES

Les mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir ne peuvent être comprises indépendamment de leur contexte, celui d'un milieu qui entend réadapter des jeunes à la vie en société. Dans les centres de réadaptation, ces mesures se justifient et se comprennent en termes cliniques, parce qu'elles participent de la réadaptation du jeune. Les textes de loi qui visent à encadrer leur utilisation renvoient également à cette dimension, tantôt en référant à la sécurité du jeune ou d'autruP4, tantôt en renvoyant à la notion d'intérêt de l'enfant15• Il était donc impératif de retracer tant les fondements cliniques que les fondements juridiques de ces mesures.

Le premier titre, intitulé « La réadaptation ou la confusion des genres », s'attache à décrire le contexte d'utilisation des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir et met en lumière l'ambiguïté qui entoure la qualification juridique de ces mesures.

Les centres de réadaptation pour jeunes reçoivent des jeunes en difficulté d'adaptation (consommation de drogues, absentéisme scolaire, refus de répondre à l'autorité parentale, vie sexuelle débridée, commission de délits et ainsi de suite) dans le but de les réadapter à la vie en société. Le programme de réadaptation du centre se fonde essentiellement sur la participation obligatoire du jeune aux activités qui lui sont proposées (fréquentation de l'école, prise de repas en commun, bibliothèque, match

14 Loi sur les services de san té et les services sociaux ,supra, note 11 , art. 118.1. 15 Loi sur la protection de la jeunesse, supra, note 12, art. 10.

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Partie 1 / Contexte et fondements des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir 16

de football, douche ... tout est obligatoire), et à son respect des règles de vie en vigueur (fumer aux moments et aux endroits prescrits, ne pas consommer de drogue ou d'alcool, ne pas injurier, ne pas se battre et ainsi de suite). Entre la prison et l'hôpital, le centre de réadaptation impose un traitement à des jeunes récalcitrants, qui n'ont pas demandé d'y séjourner. Dans un contexte où l'application de la discipline fait partie de la médecine prodiguée, comment faut-il qualifier les mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir, utilisées en réponse aux comportements violents ou oppositionnels du jeune? Comme on le verra dans le cadre du premier chapitre, la réponse à cette question est mitigée. La mesure d'isolement serait purement clinique et tomberait sous le coup du droit de la santé, alors que les mesures de retrait et d'arrêt d'agir, où le jeune est maintenu seul dans une pièce qui peut être fermée à clé, seraient des mesures disciplinaires, bien qu'elles puissent à l'occasion relever elles aussi du domaine clinique. Entre thérapeutique et disciplinaire, le centre de réadaptation amalgame ainsi le modèle de justice et le modèle médical pour défier les catégories juridiques et conceptuelles qui nous sont familières.

Le deuxième chapitre porte sur la sanction éducative, sur les mots qui la nomment et sur les principes qui la balisent. Les éducateurs récusent fortement l'idée qu'ils puissent punir les jeunes qui sont sous leur responsabilité. Lorsqu'un éducateur enferme un jeune dans sa chambre, porte fermée à clé, il ne dit pas qu'il le punit, mais qu'il s'agit d'une conséquence à l'acte, ou encore qu'il s'agit d'une réflexion s'insérant dans le cadre de sa démarche thérapeutique. Pour être compris du juriste, ce discours doit s'inscrire dans le cadre d'une réflexion sur la sanction

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Partie 1 / Contexte et fondements des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir 17

éducative. Car s'il est possible de concevoir l'enfermement d'un mineur comme une contrainte, une entrave à sa liberté et une potentialité d'abus,

il ne faut pas perdre de vue le fait que la discipline fait d'abord et avant tout partie de l'acte éducatif ou rééducatif. Au bout du chemin, l'enfant doit avoir acquis suffisamment d'autodiscipline pour ne plus avoir besoin d'être contraint par un adulte à se comporter comme il se doit. Et pour permettre à la sanction d'être, précisément, éducative, il faut admettre l'individualisation de la mesure disciplinaire, le flou entourant la détermination des conduites prohibées et la posture engagée de celui qui punit. Ces prises en compte ne sont pas nécessairement étrangères au droit, toutefois. Il existe plusieurs points de rencontre entre la sanction pénale et la sanction éducative. Surtout, l'application de certains principes juridiques de base, qui sont aussi des principes éducatifs, permet de restreindre le domaine du punissable et d'éviter l'arbitraire.

Le deuxième titre s'attache aux fondements des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir. Il convenait d'abord de décrire avec précision les mesures en question, de comprendre les raisons qui sous-tendent leur utilisation et d'étudier leur cadre d'application juridique. C'est à cette tâche que s'attelle le chapitre ayant pour titre «Description, motifs d'utilisation et encadrement législatif des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir». Malgré leur différence d'appellation, les mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir consistent toutes à placer un enfant ou un adolescent seul, dans une pièce d'où il ne peut sortir de lui-même, et qui peut être fermée à clé. Pourtant, ces mesures ne s'adossent pas aux mêmes rhétoriques et n'obéissent pas aux mêmes règles de droit. La mesure d'isolement répond à des impératifs de sécurité et est réglementée

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Partie 1 / Contexte et fondements des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir 18

par le biais de l'article 118.1 de la Loi sur les services de santé et les services

sociaux, alors que la mesure de retrait est essentiellement utilisée à des fins

disciplinaires et tombe sous le coup de l'article 10 de la Loi sur la protection

de la jeunesse. Les centres jeunesse affirment toutefois que la mesure de

retrait peut également être utilisée à des fins purement cliniques, sans définir les règles de droit qui devraient alors la gouverner. Quant à l'arrêt d'agir, son utilisation n'est pour ainsi dire pas réglementée à l'heure actuelle.

Le deuxième chapitre, intitulé « Revue de la littérature sur l'isolement des

jeunes», retrace les fondements cliniques des mesures privatives de liberté. Dans les univers psychiatrique et psychopédagogique, les mesures

de contrôle du comportement se distinguent des mesures de modification

du comportement. L'isolement, tout comme la contention, peut participer des premières. Il s'agit alors de retirer un individu désorganisé pour le placer dans une pièce fermée d'où il ne peut sortir de lui-même, dans le but de l'empêcher de se blesser ou de blesser autrui. L'utilisation de l'isolement à des fins de contrôle du comportement est largement remise en question aujourd'hui, tant auprès des populations d'adultes psychiatrisés qu'auprès des mineurs, principalement à cause de ses inévitables effets punitifs. Il s'agirait d'une expérience traumatisante et son effet thérapeutique n'aurait pas été démontré. L'isolement peut également être utilisé dans le but de modifier le comportement d'un enfant. Le fait de confiner temporairement un enfant à la solitude, que ce soit pour lui permettre de se calmer ou d'entamer une réflexion, fait alors partie d'un programme éducatif plus large. Différents systèmes disciplinaires préconisent l'utilisation de courtes périodes d'isolement

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Partie 1 / Contexte et fondements des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir 19

dans le but d'éduquer ou de rééduquer l'enfant. Mais tous proscrivent l'utilisation de locaux austères à cette fin, de même que les périodes d'isolement qui s'étirent sur plusieurs heures. D'où la fragilité thérapeutique des mesures de retrait prolongés, de retrait hors service et d'arrêt d'agir.

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Titre 1

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Introduction

Chapitre premier

L'isolement: mesure clinique ou disciplinaire?

[D]ans sa fonction, le pouvoir de punir n'est pas essentiellement différent de celui de guérir ou d'éduquer.

Michel Foucault, Surveiller et punir, p. 309

À prime abord, l'encadrement juridique des mesures disciplinaires dans les centres de réadaptation pour jeunes ne devrait pas poser problème. Les mesures disciplinaires participent du maintien de l'ordre dans l'établissement. Le cadre d'analyse juridique applicable est connu et participe du droit de punir, il n'y aurait donc qu'à suivre le chemin déjà tracé par le pénitencier: règlement intérieur précis, détermination de la responsabilité en fonction d'un processus impartial, sanction disciplinaire proportionnelle à la gravité de l'infraction commise. Pourtant, cette logique n'opère pas dans les centres de réadaptation. Les éducateurs la refusent ouvertement, arguant qu'ils ne cherchent pas à punir l'enfant fautif lorsqu'ils lui imposent une mesure disciplinaire, mais qu'ils mettent en place les conditions nécessaires à l'amorce d'un processus de réflexion et d'intériorisation des normes de vie en commun, dans le but de traiter ses troubles de comportement. Dans leur discours, la mesure disciplinaire participe du traitement.

Cette rhétorique a de quoi désarçonner le juriste. Déstabilisé, il est possible qu'il tente une nouvelle grille d'analyse, celle du droit de la santé. Dans la mesure où il s'agit de traiter l'enfant, la position se défend. Mais le

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Partie 1, titre 1, chapitre 11 L'isolement, mesure clinique ou disciplinaire? 22

raisonnement tourne rapidement à vide. En effet, qu'il s'agisse d'administrer des soins de santé physique ou psychologique, la protection de la liberté et de l'intégrité physique de la personne se fonde sur la doctrine du consentement aux soins. L'illogisme de la piste d'analyse est patent: si l'administration de la discipline relevait purement et simplement du traitement, il faudrait recueillir le consentement libre et éclairé de l'enfant avant de pouvoir' lui administrer une mesure disciplinaire, à défaut de quoi l'autorisation du tribunal serait requise.

Le régime juridique qui entoure les mesures d'isolement dans les centres de réadaptation pour jeunes reflète ces difficultés. Malgré leur similitude, les mesures d'isolement en salle d'isolement, en salle de retrait ou en arrêt d'agir ne sont pas soumises à la même réglementation. Tantôt envisagées dans une optique purement clinique, tantôt dans une optique disciplinaire et éducative, elles n'obéissent pas aux mêmes règles. De surcroît, le législateur hésite à tracer les contours du pouvoir disciplinaire des éducateurs dans le souci de préserver leur marge de manœuvre clinique. Au bout du compte, la réglementation des mesures est floue.

Comme on le verra, la mission du centre de réadaptation n'est pas étrangère à l'ambiguïté qui entoure la qualification et la réglementation des mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir. Dans le cadre d'une thérapie imposée, des jeunes sont contraints à suivre un programme de traitement qu'ils n'ont pas choisi. À travers leur parcours institutionnel, différentes mesures les forceront tantôt à collaborer, tantôt à respecter les règles en vigueur dans l'établissement, tantôt à adopter de nouvelles manières de s'adresser aux adultes, de s'habiller, de manger. Éducation,

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Partie 1, titre 1, chapitre 11 L'isolement, mesure clinique ou disciplinaire? 23

rééducation, traitement, discipline, les concepts se fondent et se chevauchent. S'il faut réglementer pour éviter les abus, il faut aussi permettre la souplesse, l'individualisation, le traitement différentiel et l'exception.

Le présent chapitre interroge les catégories juridiques conventionnelles pour mieux mettre en lumière le contexte dans lesquelles s'insèrent les mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir. Il s'agit d'esquisser les contours juridiques d'un nouveau mode d'intervention coercitif, celui de la thérapie imposée.

1. Notions préliminaires

1.1 La mission du centre de réadaptation

Il existe une cinquantaine de centres de réadaptation au Québec, regroupés administrativement dans l'un ou l'autre des centres jeunesse des dix-huit régions socio-sanitaires16 La très grande majorité de ces centres reçoit des jeunes âgés de 12 à 18 ans17 suivant la Loi sur la protection

16 Centre jeunesse [ci-après CJ] Bas-Saint-Laurent (région 01), CJ Saguenay-Lac-Saint-Jean (02), CJ Québec (03), CJ Mauricie - Bois-Francs (04), CJ Estrie (OS), CJ Montréal (06),

CJ Outaouais (07), CJ Abitibi-Témiscamingue (08), CJ Côte-Nord (09), CJ Nord-du-Québec (10), CJ Gaspésie-Iles-de-la-Madeleine (11), CJ Chaudière-Appalaches (12), CJ

Laval (13), CJ Lanaudière (14), q Laurentides (15), q Montérégie (16), CJ Nunavik (17), CJ Terres-Cries-de-la-Baie-James (18).

17 Une très petite minorité de centres se consacre aux enfants de moins de 12 ans. Dans ce dernier cas, il s'agit uniquement de jeunes en besoin de protection, les enfants de moins de 12 ans n'étant pas responsables sur le plan pénal: Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C 2002, c. l, entrée en vigueur le 1er avril 2003 et abrogeant la Loi sur

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Partie 1, titre 1, chapitre 11 L'isolement, mesure clinique ou disciplinaire? 24

de la jeunesse18 et la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents19 et,

dans une très moindre mesure, la Loi sur les services de santé et les services sociaux20

La mission générale du centre de réadaptation est définie par l'article 84 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux21:

84. La mISSIOn d'un centre de réadaptation est d'offrir des services d'adaptation ou de réadaptation et d'intégration sociale à des personnes qui. en raison de leurs déficiences physiques ou intellectuelles, de leurs difficultés d'ordre comportemental. psychosocial ou familial ou à cause de leur alcoolisme ou autre toxicomanie, requièrent de tels services de même que des services d'accompagnement et de support à l'entourage de ces personnes.

À cette fin, l'établissement qui exploite un tel centre recoit, sur référence, les jeunes en difficulté d'adaptation et les personnes présentant une déficience et, principalement sur référence, les personnes alcooliques ou les autres personnes toxicomanes et les mères en difficulté d'adaptation, il s'assure que leurs besoins soient évalués et que les services requis leur soient offerts

à l'intérieur de ses installations ou dans leur milieu de vie, à l'école, au travail ou à domicile ou, si nécessaire, s'assure qu'ils soient dirigés le plus tôt possible vers les centres, les organismes ou les personnes les plus aptes à

leur venir en aide. [Je souligne.]

Les difficultés d'adaptation des jeunes qui peuplent les centres de réadaptation se manifestent de différentes façons. Certains jeunes peuvent commettre des crimes, d'autres s'absenter à répétition de l'école, faire un usage abusif de drogue, être en conflit ouvert avec les autorités parentale,

18 Loi sur la protection de la jeunesse, LR.Q., c. P-34.1.

19 Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.e. 2002, c. 1.

20 Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., c. 5-42. Les admissions sur cette base légale demeurent marginales. Elles étaient de 3% en 1991. Voir Camille Messier et Jean Toupin, La clientèle multiethnique des centres de réadaptation pour les jeunes en difficulté,

Québec, Commission de protection des droits de la jeunesse, 1994, p. 249. 21 Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., c. 5-42.

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Partie 1, titre 1, chapitre 1/ L'isolement, mesure clinique ou disciplinaire? 25

scolaire et communautaire, et ainsi de suite. Mais peu importe la manière, tous ces comportements peuvent mener aux portes du centre. Dans une logique de réadaptation, les comportements dérangeants du jeune, qu'ils soient ou non criminalisés, ne sont que les symptômes plus ou moins aigus de son désordre intérieur. L'existence du centre de réadaptation repose sur l'hypothèse que la délinquance, entendue dans son sens large, révèle un problème psychologique plus profond qu'il faut traiter22 •

Bon an mal an, la population des centres de réadaptation pour jeunes se compose de jeunes contrevenants dans une proportion d'environ 25% et de jeunes en besoin de protection dans une proportion d'environ 75%23. Les jeunes contrevenants y sont mis sous garde parce qu'ils ont commis une infraction criminelle, révélant ainsi des difficultés d'adaptation24

• Les enfants sous protection cumulent généralement plus d'un motif de compromission, mais sont majoritairement hébergés en centre de

22 Voir notamment Maurice Cusson, Le contrôle social du crime, Paris, PUF, 1985, p. 22. 23 Ces données sont conformes au portrait provincial de la clientèle dressé par Camille

Messier et Jean Toupin, La clientèle multiethnique des centres de réadaptation pour les jeunes en difficulté, Québec, Commission de protection des droits de la jeunesse, 1994, p. 249. Malgré l'absence de statistiques provinciales annuelles, les données fournies par les Centres jeunesse de Montréal et les Centres jeunesse de Québec témoignent de la constance de cette proportion. Voir Centre jeunesse de Montréal, Rapport annuel 2001-2002 et 2000-2001 ; Centre jeunesse de Québec, Rapport annuel 2000-2001.

24 Ministère de la Santé et des Services sociaux, Cadre de référence sur l'orientation et

l'organisation des centres de réadaptation pour jeunes en difficulté d'adaptation, Québec, Ministère de la Santé et des Services sociaux, 1990, pp. 29-30: ({ Selon leur gravité, leur

intensité, leur intégration dans une façon d'être, [les agirs délictueux] peuvent indiquer

que le jeune présente des difficultés graves d'adaptation ou qu'il s'agit de comportements circonstanciels ou situationnels. Cette conception des comportements délinquants du jeune les fait apparaître comme des indices de difficultés d'adaptation chez le jeune. Il ne se comporte plus de la façon normalement attendue par notre société chez un jeune de son âge. C'est dans cette optique typiquement sociale que le gouvernement québécois a choisi de confier aux centres de réadaptation la responsabilité de la garde et de la responsabilisation du jeune. »

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Partie 1, titre 1, chapitre 11 L'isolement, mesure clinique ou disciplinaire? 26

réadaptation parce qu'ils présentent des «troubles de comportement sérieux »25. En centre de réadaptation, un adolescent sur quatre cumule un dossier de protection et un dossier de délinquance, ce qui représente les deux tiers des jeunes contrevenants admis26

Les jeunes qui peuplent les centres de réadaptation n'ont pas choisi d'y entrer. Les jeunes contrevenants et la grande majorité des enfants sous protection s'y retrouvent par le biais d'une ordonnance judiciaire27

• Tous ces jeunes subissent leur traitement et sont contraints à suivre un programme de réadaptation. Ce sont ce que Rooney appelle des clients involontaires: ils ont été forcés d'entrer en relation avec un professionnel (un éducateur) à cause d'une ordonnance judiciaire ou des pressions d'une agence étatique (la Direction de la protection de la jeunesse)28.

La mission générale du centre de réadaptation est de traiter les enfants dont les comportements dérangent, qu'ils soient ou non auteurs de délits.

25 En 1991, 84% des jeunes avaient été admis en centre pour troubles de comportement sérieux; de ce nombre, 39% d'entre eux étaient gardés par une personne dont le comportement risquait de créer pour eux un danger physique ou moral, 21% étaient soumis à des abus physiques, 21% étaient victimes de négligence affective, 12% étaient abandonnés ou orphelins, et ainsi de suite. Voir Camille Messier et Jean Toupin,

La clientèle multiethnique des centres de réadaptation pour les jeunes en difficulté Québec, Commission de protection des droits de la jeunesse, 1994, pp. 97-99.

26 Id., p. 87.

27 Une minorité des enfants sous protection se retrouve en centre de réadaptation par le biais de mesures volontaires. En pareil cas, il est permis de questionner l'adhésion réelle du jeune au placement. Voir notamment Violaine Lemay, Jean-Guy Belley, Andrée Laberge et Claude St-Martin, Rapport de recherche. Protéger en négociant: le défi de l'entente sur mesures volontaires avec les jeunes en troubles de comportement sérieux, juin 1998 [rapport inédit].

28 Ronald H. Rooney, Strategies for Work with Involuntary Clients, New York, Columbia, 1992, pp. 4-7.

(41)

Partie 1, titre 1, chapitre 11 L'isolement, mesure clinique ou disciplinaire? 27

L'adhésion de l'enfant au traitement est purement accessoire; dans la grande majorité des cas, le traitement est d'ailleurs imposé par le tribunal. Le but de ce traitement n'est pas le mieux-être du sujet, mais la cessation de ses comportements perturbateurs.

C'est dans le cadre de cette thérapie imposée que s'inscrivent les mesures d'isolement, de retrait et d'arrêt d'agir. Le praticien les utilise pour contrôler ou modifier le comportement du jeune dans le but de le réadapter à la vie en société.

1.2 Le pouvoir disciplinaire des éducateurs

L'exercice temporaire du droit de garde emporte la prise des décisions courantes relatives au soin, à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, ce qui comprend nécessairement l'exercice d'une saine discipline à son égard29 Les éducateurs et éducatrices du centre de réadaptation étant chargés de façon immédiate de l'éducation et de la rééducation des jeunes en utilisant les actes de la vie quotidienne, pour reprendre les termes de leur description de tâches, ils assument de facto le pouvoir disciplinaire normalement exercé par les parents au jour le JOUI"30.

29 Voir notamment Protection de la jeunesse - 753, [1995] R.D.F. 355 (C.Q.); Protection de la jeunesse -738, [1995] R.D.F. 372 (C.Q.).

30 Titre d'emploi d'éducateur (2691), document « MSSS, DGPMO, 26/10/01, Éducateur.doc» du Ministère de la santé et des services sociaux: «Personne qui, de facon immédiate, assure l'éducation et la rééducation des bénéficiaires en milieu institutionnel ou externe selon les programmes d'intervention établis en collaboration avec l'équipe de professionnels en place, en vue de la réadaptation de l'individu et/ou de sa réinsertion dans la société. Elle applique des techniques d'éducation en utilisant les actes de la vie quotidienne, en organisant, coordonnant et animant les activités prévues au programme du service, pour assurer l'apprentissage et l'acquisition d'attitudes et de comportements adéquats. Elle observe et analyse le comportement des bénéficiaires,

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