• Aucun résultat trouvé

La femme : réalité initiatique dans "Michel Strogoff" de Jules Verne

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La femme : réalité initiatique dans "Michel Strogoff" de Jules Verne"

Copied!
143
0
0

Texte intégral

(1)

.

'

I,A FEMME:

RÉALIT~.

I,ITIATIQUE,

D~S

"Hx"CHEL SrtlOGOFF";

D~ JUL,~

VERNE

-

. . . .

. .

-.,; 'BY ,

)

Florence BORDAGE

A thesis submitted to the

Faculty of Graduate Studies and Research r c'

'c,

in partial fulflllment of the tequirements for the degree t, of

Master of Arts'

..

Department of French Language and Literature

l:"

HeGill University, Montreal

December'198~'

~ Florence BOXldage; 1985

.

,)

'II

(2)

",

'1

,

Florence Bordage

LA FÈMME: RÉALIT€ INITIATIQUE" DANS "MICHEL STROGOFF" DE JULES VERNE

Department of French Language and,Lite~ture

H,.A. Theds ·December 1985

Abstraet

)

Though Jules VerDe has long' been eategorhed as a misogynist, he rematns an' author whose symbolism may

.

be conaidered almdst hminift. • ,

~

'.

'

This thests will try to show that the wO,man " as a cha~aeter. la

1" • .

Dot only present in Michel Strogoff, but i8 mostly importai\t. The

.

major role of the heroine will be that of' an 'ini tiaUe companion tq the hero. By means of dI.ffere~t ana~ysises of the three major f~nine

ehat'~cters, the reader will discover the progressi.ve importance of the

woman.

The unveiling of. the womau's role will enable us to emphaslze a new.aspect o~ the "vernian" couple's symbolism. Thus, we vill try"to demonstrate the the "Eternel féminin" reflects itself .in the sacred marriage: the logieal outeome of the protagpnists' 'androgyny.

/

/

..

-.. 1,

,

o "

(3)

i •

f

-J

Florence Bordage

1

LA FEHt1E: REALITE INITIATIQUE DANS "MICHEL STROGOFF" DE JULES VERNE

Departmen t of French Language and Litera ture

H.A. Thesis Oecember 1985

Résumé

, 1

Jules Verne, dont on a longtemps dit qu'il était mhogYlle,

a' av~re en fai t un auteur dont le symbolisme peut € tre colis f.d~ré, au

contraire, comme presque féministe.

Ce mémoire tente de montrer que la femme en tant que personnage n'est pas seulement présente dans Michel Strogoff, mals qu'elle y es t ' surtout nécessaire. Le raIe principal de l'hérohe sera celui de compagne initiatique du .héros. Par diverses analyses des trois personnages féminins principaux, ~ous découvrirons l'importance , ~ progressive de La femme par rapport .au héros.

La' mise ~ jour du rôle de la femme nous portera ~ mettre en relief un aspec t nouveau de l~ symbolique du couple vernien. Ainsi,

.;

nous tenterons de démontrer que l'Eternel féminin se rFflète dans le mariage sacré: aboutissfi!.ment logique de l' androgynie des

protagonistes. •

..

o

"

.

'"

(4)

1

,,','

.

; ~

..

..

.

o

"

,

.

.

...

~ (

!

~~

II

" , , Il

Re1De~riements

'Ii

~ 1.

Je ti-enà l Temerc:ler).e pTofesseuT Axei Maugey

pOUT lion appui et ses" cri tiques innovatTicea

,

,

'. '-".~

..

, .

(5)

L,

'

..

,

"

,

,

TABLE DES MATIÈRES

, La femme: réalité initiatique dans "Michel Strogoff" de Jules Verne'

INTRODUCTION

...

P. 1

..

PREKIÈRE PARTIE: TRANSPOSITION DES STÉRfOTYPES FÉMININS

Chapit~e. 1: Les femmes dans "Kichel\ S trogoftl f

• • • • • • • • • . P. 13

Chapitre II: La m~re - Marfa Strogoff ... . P. 25 Chapitre III: L t orientale· Sangarre •••••••••• "' •••••••••

P. 41

Chapi,tre IV: La Jeune fille - Nadia Fédèir . . . . -P. 52

1

DEUXIÈME PARTIE: LA QUfTE INIATIQUE DE L'ABSOLU PAR L'IDUr. OU LE VOYAGE INIT,IATIQUE DE NADIA ET MICHEL

Chapitre I: Micllel et Nadia, OU Tristan 'et Iseut version

vernienne P. 74

Chapitre II: L' androgynie des héros verniens ••••••••.• P. 101

~

CONCLUSION . . . Il • • • • • • ; • • • • • • • • • r' • • • • • P,. 115

/

/ BIBLIOGRAPHIE ••••••• " •• i ~ •••••••• ( , ' •••••••••••• - :;} ~ •• 'n' •••••

P. 124

~ ,,,. .r '~ ,

-

1 _ i . ' \'

1

(6)

,~

.

:, "

,

d' .

,

" a

() â ,If Il -'c>

1

'-"

"

INTRODUCTION " -,

,

r

~ 1 , \ \

\

' .1

,'-\

lo..

\'

\.

,

"

, '

(7)

, '.

\

"

..

1

\

..

..

'-. ,

-,

~

..

,:

.

,

\

De tous las auteurs du XIXe sl~cle, Jules Verne est caftainament, l '" pramilr" vue, celui que l'on associe le moin~ aux femmes. Il Clst loin d'un

-• -• 1 • •

Gérard de Nerval, d'un Stendhal ou d 'un Victor Hugo, emportés pal:' les

Chal:'m~8 du- sexe di t "faible". Pourtant, i l à sans conteste la fougue

..

stylistique des écrivains romantiques, qui l'ont· d'ailleurs fortement influencé.

- C'est certainement son appartenance l une école littéraire unique: la sienne, celle du roman d'aventure et de science-fiction'qui l'éloigne de

t!'

prime abord de l'élément féminin" Ce genre de récits héro'iques semble s'avérer une forteresse bien gardée don t les hommes, auteurs et héros du XIXe si~cle, en sont les soldats.

En se replaçant dans le contexte socia-historique des années 1$70, on ne !peut nier que la femme paraisse

le

contenter d'un rôle ,secondaire, même

si quelques femmes

extraordinair~~J~~t

réussi l contourner les obliga tians

11' •

et impositions de la société de 1'époque. Ainsi, ces femmes se sont illus tré~s cl' abord dans les domaines dits artis tiques, leur éducation les ayant préparées pour la plupart aux arts plutôt qu'aux sciences. Nous pensons plus particuli~rement à George Sand et à Colette, illustres

romanci~re,S. Il est à noter toutefois, que les hommes major!tairement au

pouvoir dans le domaine littéraire, en laissant libre cOUrt à leur

imagina-•

..

\

\

(8)

, <' 4 • ..J , ()

-2-.

'

.

tion, ont permis -1 la femme, en tant que personnage, de Il exprimer par des 0

,a t ti tudes ,hors de l' ordinai re et des av~n tures romanesques peu communes. En fai t, ces hommes ont certainement semé les bases d'une certa.ine - libération féminine.

En effet, si la femme se voulait dans la réal. Hé, une mat tresse de

~~

maison parfait;e, une bourgeoise oisive ou une simple paysanne travailleuse, eUe pouvait devenir 1 travers les pages des romans 1 la mode: une femme fatale, une Antigon~, peut-êti'e mame une "partenaire" l pat't ••• presque êgale, partageant les' périaéties de son compagnon. Cette derniare perspective s~>âpplique ~insi 1 Michel Strogoff. Ce roman est, en effet, l'un des romans de Jules Verne qui met "en vedette" un nombre intéressant, de personnages -féminins. Et ces personnages tiennent des rôles extr@mement significatifs, comme nous allons d'ailleurs le voir.

Il faut donc rejeter les propos des critiques qui s'ingénient -depui,s trop longtemps à accuser grat~1tement Jules Verne de misogynie. A ce t effet, William Golding* affirme injustement qU'il y a une absence, presque totale de personnages féminins dans l'oeuvre de Jules Verne du fait que l'auteur ne pouvait pas ou ne voulai t pas écrire quoi que ce fOt au sujet

,

des femmes. Ainsi, selon William Golding, son appartenance à un si~cle

conserva t-eur et ses ~mours ma lheureuses l' auraien t pouss é - vers une voie imaginaire reniant les figures féminines.-" I l est intéressant de noter que

c~s "spécialis tes" ne semblen t pas considérer l'oeuvre vernienne en son

__ ._ .. ______ J. _______ _

*

Golding, William. The Hot Gates and Other Oc~asional Pleces. London: Faber & Faber, 1965.

..

(9)

, '

,

'.

-

, , ,

<, -3- (; ,

entier, mais_ 9' attardent plutôt il trois ou quatrè romans qU'i1'9 croient

"',

.'

a1gnificàtifs de toute la pensée de 1 t auteur. De même~ en ,lisant ces

romaU:s avec l'idée ~réconçue d'une mi"sogyni~ de Jules Verne, il est

évident-... i l : ,

que certains détails importants, exigea'llt ulle lecture approfondie, "leur

.a..

Il faut é,alement rejeter une autre critique

littéraire'~

mienne qui

échappent.

~

• ' p ' 1

dénigre toute importance il la femme en tant qu'h~rotne il part eut lre dans

1

1

les 'romans d' aventures, sous prétexte que l'époque ne se pratai t pas il

• '1 J " ce

style d' écri ture. Nous pensons, . i1:1, plus par t1cuJ,llremen

tI

aux trav'aux de

Hme Simone Vie.rne, qui consid~re le personnage féminin v~rnien '1 comme. une

\ , ' 1

qUànt1té négligeable, du fait qu'elle ne lUi. accj't'4e aucun rôle dgnif,ieatif, autre que celui de récompense du héros. c~tte critique, sans s'en rendre compte, nie assurément des parties important

s

de l ' im,ag iQ4 ire de l'écrivain.,

~En effet, Mme Simone Vierne aff1rm~ que: 'II les emmes sont,

.

il ", une

exception pr~s, visiblement exclues du' monde des init (1), que "les

1

aventures ini tiatiques sont affaire proprement ma$cu~ine" (2), et qu'il

, • 1

1

arrive.à Jules Verne, "pour varier, d'essayer un personnàge féminin dans le

rôle majeur d'initié' - une fois seulement, l vrai

di~e

( ••• ) Miss Paulina

1

~arnett<, dans Le pays des fourrures." (3)

1

, 1

Bien que les analyses de Simone Vierne soient uniques et d'un apport exclusif aux études portant sur l'oeuvre de Jules Verne, nous croyons que

" '

1

cartatnu affirmations, relatives ,au rale de la femme, sont erropé!!, ou mal

, .'''~ p

<.JI

cO,mprises. C'est pourquoi, l'es appl'ofondissemènts qui s'avarent

nécessaires~"font l'objet de ce mémoire. La p,remUre modification qui nous

'- \

~

.

.'

(10)

o i

D

inJ:éresse, a trait' .aux propos

~

....

"

-4-voulant

"

'/"'

1 que Jules J

prodigue" (4) de personnages féminins dans ses romans!' \ , " 'i

....

"- tr-r ,

Verne "n'était pas

Le Centre de ~echerches verniennes 'de l'bniversité de N~ntes. sous la direction de-'"Cécile et Daniel Complu, a pourtant déno~bré quelque cent soixante femiDes dan~ l'oe'uvre de Jules Verne."Certes, toutes n'ont pas un "" rôle important, maiS' i l faut se gardei' de lire superficiellement." (5)

En effet, Jules Verne est 'bien l'auteur dont i l faut se méfier. Car, sous des aspects de conteur et dé p~re de la science-fiction, i l s'affirme un auteur il "message", pour reprendre un terme ft la mode. C'est

'4'

ailleurs ce que nous fait bien comprendre Jean Chesneaux dans ses lectures politiques des romans verniens. Ainsi, le capitaine ~émo sous les apparences d'~~ personnage déséquilibré; voire fou, se cache un homme qui et veut par tous les moyens éliminer 1~oppres8ion. 1.1 ppar,tt aussi que Jules Verne, malgré son affiliation au mégasin cation, tr~s c~nservateur, et son état d'écrivain pour.'uenfant" plus ou moins pris au sérieux, semble un auteur beaucoup moins neutre qu'on ne pourrait le croire. ."ais, peut-être

que

c'est de

l'inconscient et de l'imaginaire de Jule Verne qu'il faut' se méfier davantage. Il nous réserve toujours une surp se, non seulement au niveau r mame du déroulement de l'histoire, mais aussi e surtout au niveau du texte caché: Et si Jules Verne a décidé d'introduire des femmes, dana certains de ses romans, c'est 9u'il voulait sOrem~nt leur donner un rale plus substantiel que décoratif.

Il serait cèrtes intéressant et surtout utile d'analyser la femme dans tous les romans de Jules Verne, mais

Il

n'est pas 'le propos de ce mémoire • Toutefois; nous croyons qu'en nous lntétessant '1 un seul des romans les

.

j I>

.-.' , , .

(11)

-" ~~f~ i~ t ,~~; " .. 5->

pl~s "!ni tiatiques" de la séde des "Voyages Extraordinaires", nous pouvons c déjà ériger certains fondements quan,t à la réali té ini tiatique de l'hérofne

. '1'

vernienne.

A cet effet, Michel Strogoff est, à notTe avis, le roman d~ . Jules

V~Tne on

Ig

femme

y

joue un raIe initiatique de premier ordre. Les autres

-s, on les personnages féminins sont important-s, ne semblent pas offrir' responsabilités

A

l'héroYne, que Michel Strogoff. Dans Les _ _ 1

Capitaine Grant par exemple, Màry protlge son frlre, mais n'est jamais vraiment seule avec lui.

.cons t8mme~ t, du début jusqu'A la

~

Des personnages masculins fin du romen, et bloquent

l'ent01:lrenC ainsi les possibilités de responsabilités que 'pourrait avoir le personnage en d'autres, circonstances. Il en va de même pour Mistress Branican. Oépendant, Nadia, l'héro!ne de Michel St~ogoff-, bien qu'entourée elle aussi

(

de personnages secondaires masculins et féminins, demeure une ~ompagne

unique qui partage sur. une base moitié-moitié, les aventures de Michel Strogoff.

Le roman en lui-même, sans qu'on en cherche la symbolique, est in'té-ressant si nous le replaçons dans le contexte du XIXe si~cle. En effet, il s'agit d'une aventure on normalement la femme fragile et sans défense n'a 'pas son 'raie. Ce roman, écdt en 18'92, nOU8 raconte l'histoire d'un jeune Sibérien, messager du Tsar, qui doit partir en mission s'ecrate pour remettre au gran~. duc, le ,frlre du

';'1

-1(

Tsar, une ,lettre l'informant

.

des agissements révojûtionnaires: des Târtares. Sur

s~n

chemin, Michel Strogoff

, '

alias Nicolas Ko~p.noff, rencontre une jeune fille russe, Nadia Fédor, qui

l,' impres8ionn~ par son sang-froid 1 l~rs d'un accident ferroviaire.

l ,f~

..

-".

(12)

.. 1

,

Arrivés

a

Nijni-NovgbPOd, les deux protagonistes se perdent-de vue. U~

arrêté officiel empêchant ~ tout sujet russe de sortir de la province et donnant ordre aux étrangers d'origine asiatique de quitter la province dans

-!,

les vingt-quatre heures, empêche Nadia Fédor de se déplacer. Ainsi, l'hérofne ne sem~le plus pouvoir rejoindre son p~re, en exil,

a

Irkoutsk. Hais Michel Strogoff, par sa persévéra~ce retrouvera la jeune fille. Nadia est donc sauvée par celui qui deviendra son prorecteur P.t Hiéhe,l tro~-'"

dans cette action un alibi supplémentaire pour mener il ,bien sa mission. Ainsi, grâce au laisser-passer de, 'NIcolas Korpanoff, les deux jeunes gens

Q

partent pour de nouvelles aventures, '

.

Diverses péripéties meubleront le voyage de Nijni-Novgorod

a

Irkoutsk. Advient donc ce qui devait arriver, Nadia'et Michel sont séparés. Michel se retrouve seul chez un paysan

a

la Bui te d'une demi noyade et Nadia se y

,

retrouve prisonni~re des Tartares. Daos son malheur, Nadia rencontrera sans le savoir, la m~re de Michel Strogoff. Elles se lieront toutes les deux d'amitié et la soeur de Nicolas Korpanoff trouvera une m~re en Marfa Strogoff.

Pendant ce temps, Michel Strogoff sera fait prisonnier, l son tour, par les Tartares. Sous les menaces du'trattre Ivan Dgareff, Michel ,Strogoff se dénonce pour éviter toute souffrance l Marfa, connue des Tart,ares comme 'étant la m~re du -messager du Tsar, Cette f4iblesse vaudra 1 Michel Strogoff de subir la vengeance d'Ivan Dgareff, marqué par le fouet que Michel Strogoff lui avait arraché des mains. A la suite de cet

,--r

incident, le m~ssager impérial deviendra aveugle. Il s'agit Il d'une aorte de vengeance d'Ivan Dgareff. C'est" alors que Nadia, voyant Michel

\

(13)

0 ..

-7-impuissant face au destin qui lui est réservé, le guiden vers Bon but qu'il n'a toutefois pas oublié.

..

"

A.lors qu'ils sont ensemble, commence leur vrai voyage. La faim, la soif , la douleur, la f,atigue inhuma'ine marqueron t les 'étapes de leur aventure. Ils réussiront

a

tout traverser ensemble et parviendront

AO

...

rejoindre' le grand duc. Pendant ce temps, Ivan Ogareff réussit

a

se faire passer pour le messager du Tsar. D~couvert par Nadia, le trattre tentera de la tuer. Mais Michel Strogoff arrivera

a

temps et tuera Ivan Ogareff. De ce fait i l rétablira son identité réelle. A la suite de cette confrorita~

tian, Nadia retrouvera Bon p~re, Wassili Fédor, qui sera graeié et nommé général par le grand duc; quant

a

Michel Strogoff, il pourra remettre son vrai message au fr~re du Tsar. Enfin, Michel demandera la main de Nadia l Yassili Fédor et les deux protagonistes se lIIarieront il l'EgUse:devant le pèuple heureux.

Ce roman est donc il la fois typique di la morale ~u XIXe 'si~cl" inculquant le patriotisme, le courage et l'esprit qu'il faut avoir' pour réussir, mais aborde aussi 11\, question du rôle de l,a fe"me. Car Nadia, n'a rien de la petite oie blanche~en robe de.dentell~ ou'de la pauvre paysanne 'peu dégourdie. Elle participe, aux, côtés de Michel,

a

toutes les

\

péripéties auxquelles ils doivent fa~re face ensemble. Cette question nous intéresse particuli~rement. car nous y voyons pl~sieurs solutions touchant l'imaginaire vernien.

Cette présence féminine dans un roman,

a

premi~re vue typiquement mas-culin, justifie en partie le choix de ce roman plutôt qu'un autre. En effet, la présence active d'un ou de plusieurs personnages féminins dans un roman d'aventures s'8v~re des plus intéressants. La ~aison,secondaire en

.

.

< '

1

.,

(14)

..

,

'

--'J

"

.

'. ",

..

.... ,." < • " r " \ l ."j.

'lI

"

est que le lecteur y rencontre trois femmes, tou~ '~ussl fascinantes le~ unes que les'autres,' ,Ceci permet également'une !l-Dalyse pl~s approfondie du roman et des questions qui s'y r~ttachent.

, ,'~

En outre, c'es trois' fe,.es w ,

compagni-e de leu,x- double masculin,\.. nous feront re~iv~e. 80US, la plume

-'-.".'

(

colorée de Jule~ 'Verne, non seulement un grand voyage ini~iatique, diais , la

recon~titutton mod~rne et, v,ernienne de quelques mythes. Nous .;"a.lyseions l

~I

cet effet, la.question du myt~e oédipien, ce~le

k . ' ~ l' t

.. " ..

,

'," \ (lborderons enf'in lë R~oblèDe de

i'

androgYnie.

1>

.

"

C"est ,dunc avec une passion avouée pour ~'le trh curieux Jules' Vëxpe"

'{6) que nous nous porterons à la 'défense' de l'imp.ortance du rôle féminin dans Michel Strogoff. Un roman, t~op longtemps rangé ,-dans la catégorie

, exclusive des aventures dites ",mas~ùl1nes".

Tout en portant une attention particuli~re

~h~m~ même de L'initia-tion, n,ous ten'I;erotls de découvrir divers aspects fiés aux femmes, qui sont

tr~nsposées ~an8 cette histoire mouvementée. Nous.eSBaye~ons aussi de'

m~eux connat tre l' i~ée que Jule,s Ver~e $e f~is4i t de la femme Il idéale". A

ce niveau, i l sera ,intéressant de voir si la ,vision de l'auteur ,reflète le

1

,

conservatisme du dix-neuvi~me si~é1e où si elle s'engage dans une voie plus 0'

.' ,

moderne voire ••• fi~ionnelle.

, J

~ La mé~hode de trayai1 qUe nous utiliserons sera principalement basée

sur Les oeuvres de Léon Cellier, Gilbert Durana, Mircéa Eliade, C'harles Mauron et Michel Serres, sans toutefois rejeter définitivement les ~ravaux

,

de Simone Vierne, essentiels l toute recherche vernienne. La psychocritique établie par Mauron, est, certAin'ement, la méthode qui nou's intéresse le

..

, plllS dans ce set;ls !Ju' elle est aL' origine des travaux d' autres cri tiques.

,,",

Airtsi, la recherche des figures my.thiques nous touchera plus partlcull~-'

\

,

, , 1

.'

.

, .'

(15)

J

\ ,

.

.

' :

\

, ) "

.

" , ~ .. .." ... \ !I ,~ " "

.

, \

"

~~-"

rement. D'~illeursJ cet aspect· a !ntéressé'Michel Serres dans une de ses

é~udes sur Jules Verne.

A

cet'

eUy, .

nous essay.::rons d'sppliqüer) la

citation suivante aux figures mythiques verniennes. "Ce

qÜt'

rend ceS

"

figures vivantes, c'est leur relation par rapport· aux ~utres. Si ces

" ,

relations viennent ~ changer, les personnages se métamorphosent."(7)

. C'est ainsi que le th~me de l'initiation nous intéreSsera lui aussi, ,

c.ar i l aborde la m~ tamorpho'se des héros et des héroYnes. Ce thème approfondi par Simone Vierne, mais d' abor~ étudié par Léon Cellier, sera

" ~ ,

. analysé dans. ce_ mémoire en relation avec le personnage féminin . Il est

--, . Jp.térusan t de remarquer que Léon Cellier ne réjette pas la femme

~ tant

,

qu'initiée (8) alors que Simone Vierne, 'elle, le fait. Xins!, sans tenter imaginaire, nous reviendrons aux principes d,l,analyses plus généraux de Cellier. Nous emprunterons à Gilbert Durand~

ses théories relatives au redoub~ement du héros. IV Quant a\l'x travaux de Hircéa Eliade, ils nous toucheront dans la mesure o~ nous pourrons en ,retirer certaines idé~s de bases~e rapportant

..

~ au thi'!me de l' androgynie.

Toutefois, 'l'ensemble de son travail critique noustintéressera. A cët

e~fet, nous reprenons ici une des affirmations de cet auteur:

, ,

Quelle entreprise exaltante ce serait de révéler le véritaole rôle spirituel du roman du XIXe si~cle qui, en dépi t de toutes les formules scientifiques, ""réalistes, sociales,

a

été

le

grand réservoir des mythes dégradés. (~)

Ce mémoi\e ne' r~vi'!lerR certainement pas le rôle ~u roman du XIXe ,

si~cle, ma~8 il éclaircira, nous l'espéro~s, le rôle symbolique du

,p~rsonna$e féminin dana un rOman d'aventure, typique des canons du

1>

XDÇe sii'!cle. C'est donc en approchant le roman par le biais de s~ aspect \ \ imaginai1:e et mythique que nous esptUons pouvoir aui.ver à délimitel; ce qui

t.

'. , \

.

J \

.

,

.-\ -1

."

' l . , l

(16)

,

,

,-

-

--10-l '

commande l'évolution du 'réci t tout en mettant en -évidence' l' ini tiation -liée

~ -1 la nature fé!l\inine des hérofnes et de leurs relations, à divers niveaux, avec le héros. Nous "ne toucherons qu~.tr~s peu l'aspect psychanalytique de

l '~nalyse; car i l nous apparatt ne pas être adap té au genre de recherche

que nous ,entrepyenoos. Nptre étude porte vraiment 8.lIr le contenu du roman .-....

et sur ~a relation avec l'époque. Nous oe nous a ttardero'ns pas 'h établir

,

de. parallUe entre la vie de l'auteur et son oeuvre, car nous ne croyons ·"",pas en la, p,ertinence de ces affirma.tions.

Cette méthodologie en tête" nous diviserons notre travail en deux grandes parties. La premi~re partie de ce mémoire, portera Bur les trois ,personnages féminins princip~ux,· soIent Marfa Strogoff, Nadia Fédor et Sangarre la tziga~e~ Dans ceS trois chapitres, les personnages féminins seront analysés dans le respect de leur, lien avec les héros masculins et de' leurs rôles respectifs par rapport au voyage initiatique lui-mê~e. Nous nous \nt~re$serons, par exemple au lien etltre la mare et le fils, ce lien mettant A jour le mythe oedipien. Nous nous intéresserons également, et de

J

façon plus app.rofondie, 2l l 'héro'tne du - roman, Nadia. Nous tenterons de

i"

démont~er

que

~e

personnage est

~

la fois,

m~)e,

soeur et

cjm~agne d~

héros

(

et que c~ ,derni~r évolue, grâce à elle. C'est ainsi qu'en

" deuxHme partie, nous aborderons

.

l~ th~me de la

,

(

quête initia ti<J.Ué vécue par

if

les deux protagonistes ainsi "que' le th~me du màriage S1rnb01)QUe, aboutissant à la théorie de l'and~Og:nie.

pourrons .mlèux cOÙlpr~ndre la métamorphose des peraonnage&,

Par U, nous abordée par Charles Hauron, en tentant d'expliquer le passage du mythe oedip~en au mythe andr,Qgyne. ù

l

• -', "

-.

"

...

~ " ...

"

...

.'

(17)

r '"'.

,

'1 \

\

-11-Cet "élément nouveau qui permettra de mieux comprendre le rôle de la

,

femme dans ce- -roman~dem'eure, nous le croyons, dans la ligne des études verniennes qui se sont ~aites jusqu'à présent, tout en ouvrant de nouveaux horizons. Grâce à ce mémoire, nous souhaitons pouvoir démystifier sinon Jules Verne, tout au mbins l'un de ses !omans les plus c'l~breso

Comme l'a di t Cécile Comp~re dans un de ses nombreux articles des Bulletins de la Société Jules Verne: "il faut étudier attentivement le'

per8onnage.f~minin ~t

son rôle (00.) dans l'oeuvre de Jules Verne (afin " ••• ) de détruire une 'des légendes qui défigurent le grand écrivain." (10')

"

,0

---"

(18)

-1%-•

t

)

No"tes

(1) Simone Vi~e, Jules Verne et le roman initiatique (Paris, Editions du Sirac, 1973), page 453.

(2)~, .page 454.

(3) Ibid., page 454.

(4)~, pages 50-51.

(5) Cécile Comp~re, "Jules Verne et la misogynie" in (Bulletin de la Société Jules Verne, nUMéro 48, 4é trimestre, Avrl'i 1978), page 249.

1

(6) Marcel M~é, Le très curieux Jules Verne (Paris, Gallimard, 1960).

(7) Anne Cl~ncier,Psychanalyse et critique littéraire (Toulouse: Edouard Privat, Editeur, 1973), p. 202.

' . .

(8) Léon Cellier, Parcours'initiatiques, (Neuchatel: Presses Universitaires de Greno?le, 1977), p. IlB~

(9) Ibid., 'p.1l8. (10) Compère, op.cit., p.252. , , .

,

"

-

\

.

.... 1/

(19)

,

,

" , ' " , l , L"

"

, : 1 " \ , "

1

" ,l, " ',- ,g' " 'J

.'

,.

" c'

,.

"

PRElUDE PARTIE

..

.'

.

TRANSPOSITION DES STEREOTYPES FEMININS

.:;.

\

,(\ \ , l-ob:;

,.

.... Il .' (), " ~ ~' .:

-~-... \

4.

J ".

(

GI>

.

, , '

(20)

" " f ,\ ·1 1 "

.

",

,

,"

, ,

CHAPITRE l

Les femmes dans "Michel Strogoff"

"

' 1

,0

..

'

(21)

..

CeTtains affirment

.

' q~e la \fe~e en tant que symbole' et comme per-.sonÎlage; s'avare inexistante dans l'oeuvre de Jules Verne. Ils se

trompent, car une lecture attentive de Michel Strogoff prouve le contraire. En premier lieu, il faut même noter que l'auteur nous

"---

-présente des figures féminines d~s les premi~res pages.

Les grandes-duchesses, couvertes de diamants, les dames d'atour, revêtues de leurs costumes

de gal~, donnaient vaillamment l'exemple aux

femmes des hauts fonctionnaires militaires et civils de l'ancienne "Ville au'x blanches pierres".(l)

Cette présentation en apparence accessoire est au cont~aire bien réfléchie. Même si les femmes en tant que personnœges s'affirment ici

co~e de simples figurantes, elles assument déjà un rôle défini en

donnant l'exemple aux femmes de la bourgeoisie russe. Ne peut-on pas

1

penser que si, dans ce roman, Jules Verne avait voulu faire de la femme un simple personnage secondaire, il se serait contenté de descriptions moins moralisatrices et aurait éparpillé ici et I l quelque visage éploré d'une veuve ou d'une orpheline? Heureusement, ce ne fut pas le cas. Dès le début, Jules Verne donne donc ~ la femme un rôle plus soutenu, que nous croyons fondamental au déroulement de l'histoire ainsi qu'au* actions du héros. "

Dans un premier temps, nous voulons distinguer les trois person-nages féminins principaux et les mettre en parallèle par rapport aux

.téréot~.s ~éminins

du XIX.

si~cl.. D~s

lors, nous pourrons

déterminer les notIons verniennes de.,beauté physique et morale, qui

"

j

(22)

"

l

-(

-14-nous permettrons, au cours des prpchains chapitres, de mieux cerner la 1 symbolique des personnages étudiés.

L'héro!ne est la premi~re femme l nobs être présentée. Elle se nODlDle Nadia Fédor. Son nom es t pddéterminé! Fée d'or, ou "fart d'or"

(2) comme le 8ugg~re Michel Serres dans un article de la revue

téraire Critique. En réalité, Jules Verne, fait réellement d~ Nadia une fée, une je~ne fille modlle de la fin du XIXe siacle. Mod~le en tout cas, au sens physique et moral bien sQr; alors que du point de vue social, l'hé:o!ne, nous le verrons plus loin, n'a rien de la jeune fille "française" du XIXe sncb.

personnage de fiction, voire de rêve.

Elle demeure, à ce niveau, un

"

La description vernienne de l'aspect physique de Nadia est d'ailleurs tr~s intéressante et vraiment idyllique, voire poétique.

Cette jeune fille devait avoir de seize à dix-sept ans. Sa tête, véritablement charmante, présentait le type slave dans toute sa pureté, ( ••• ) qui la destinait l devenir plutôt belle que jolie, ( ••• ) n'une sorte de fanchon qui la coiffait s'échappaient l profusion des cheveux d'un blond doré. Ses yeux étaient bruns avec un

re~ard velouté d'une douceur infinie~ Son nez droit se

rattachai t'à ses joues, un peu maigres et pâles, par des ailes lég~rement mobiles. Sa bduche était finement dessinée, mais il semblait qu'elle eGt, depuis longtemps, désappris de sourire.(3)

Si d'une part, ce visage enchanteu~,se rapproche de l'image d'une certaine Iseult dont les cheveux d'or

pr&sageai~nt déj~

toute la

\

pureté féminine, d'aùtre part, Nadia demeure toutefois une héro~ne bien tlvernienne"(4). En effet, "la jeune voyageuse était grande,

-l" '

'.

(23)

( '

t_

..

..

o

..

-15-

..

\

1 élancée, autant qu'on pouvait jpger de sa taille sous l'ample pelisse

tr~s simple qui la recouvrait.~

(5).

r

Déjl, le lecteur est fixé sur le physique de l'hérolne. Elle est jeune, d'une beau té ':'CI' oil émane l~ douceur et non la pass ion" Ses

.

.

-" '

cheveux bloùds qui auréolent son visage, ont l'avantage d'accentuer l'innocence du personnage, conf}rmée d'ailleurs quelques lignes plus loin par le na't'rateur: '~ce fut et;1core unJ "tds jeune fille", dans t.oute la pureté de l' expt'ession" (6). Qui pourrait, en effet, imaginer une douce Nadia aux ,cheveux noirs ou pire encore l la chevelure rousse et abondante! En général, couleurs symboliques de la passion"des tén~bres et ,du feu sensuel. Par ailleurl, 'ses joues maigres et pales nous indiquent concr~tement que la pauvre enfant, ( n'est pas bien riche et que, de ce fait, elle ne peut se

nourr:k-convenablement. Hais, nous pouvons peut-atre également y lire une critique "sociale" des bourgeoises bien en chair de l'époque. Cette

F

pileur conflre enfin l Nadia un trait de faiblesse, qui justifiera, nous le verrons un peu plus tard, la protec~ion future du héros.

Cependant, Jules ,verne nous met imnlédia.tement en garde. Il ne'

-faut surtout pas croire que Nadia est une jeune fille sans défense qui

.

\,

risque de s'évanouir l tout moment. "Son

ir~nt é~~vé,(

• ••

):1

donnait l'idée d'une grande énergie morale,"O) Puis, ajoute-t-il, pour justifier et mieux faire vatoir ce trait de caractère:

Evidemment, cette jeune fil1'e avai t déjl souffert dans J

le paàs'~; et l'avenir " sans dou te, ne 8' offrai t pas l

elle sous des couleurs riantes, mail il était non moins certain qu'elle avait su lu~ter et qu'elle était

r , " • J o

.'

( "

.'

! . ~ ~. 01

(24)

,

'.

,~ , \ =. -" -16-Q JI

résolue l lutter encore contre les difficultés de vie.' Sa volonté devait itré vivace, persistante, son calme inaltérable, même dans des circonstances un lromme sera,rt exposé 1 ~léc,hir ou l s' irrirro (8)

la et oiL

Dans cette detnière phrase, doit-on percevo! r un certain

"fém'i-)

.

• • 0 '"

nhme modéré" ,d~ l'auteur7 Si Jules'Verne n'ac~fentua!t pas cette tendance dans tout le

ro~at,

nous pourrions ré'pondre négativement l 1>

..

cette prop'osi tion 0 Mais, cOlDDle no'u~, le 'démontrerons au cours des'

.

chapitres suivants, i l semble que· l'auteur conçoive ,la femme différemment de ses con,tèmporains,

~t

oCf' au risque de frôler le

fémi~i8me.· Surtout, lorsque cette idéologie prône l'~g,lité .entre

o

l'homme e't la.. femme, suggé\'ant --ainsi que cette dernUre peut alors . accomplir les ,lDêmès tâches que son égal.

plupart; des , écriv~~l1 • du XIXe sUcle,

~t 1 _ ,l - ••

.-En éffet, nous nO,tons que la

\

par le biais d'influences diverses (écrits médlcaux, philosophiques, etc.) ne pouvaient faire

~~:.b

_" ,

t;~

,lI-autreme~~ qÜ~

de ..

~€erire la~'fe~e,

telle qu'elle était perçue.

>.C'es~-,

~..:." ~ .. ' : ~ \ " . . , "

.

• l-dire<;'.-ê~ouc.e, joUe sans ,être trop excitante et surtout, fid~le et

souks~':'''-'~~is J~'l~S 'v~~e,

tout en

conservan~ u~e

grande partie de'

c~tte

àpproche,

s'

engage,

~ans-

une voie 0\1 la femme a un petl

l.

qu~lque

l 1 •

chose de particulier, de plus, qu~ la rend différente des autres

hér~bes de' l'époque.

,

A ce niveau, la pensée de Jules Veme ne tradu1rai!;:,.,9ue .certaines

.,. _ "~_\r "f'

"'Ii

1

, \ • ~ i >.

En effet, b5,.en que <':'~'~(::!emme.", ;~jp'ê de 1892

~, ... \ 1 ~ ' : ~. ~ l,

tend8f?ces de . 1 t époque 0

d~meure

une ..

femm~

d' intérieur, 11 n 1

empieh~,?:~q.~~

dls.',;"#ÙO

la cause

- ~Z~·'~~: ~ .s't,:,"}~-"" ~

AlQr":/mlme :\ qti~', la pens'e

.

; .

, 1 -. r

féministe se fait plus grandissante.

"

conservatriee commenee l se "libéraliseT". ,;'~:L~s 'f~mes ont d'abord

1

..

,

.

"

..

,

.

.

" ;.

.

, o

,

,

.

(25)

1

t ;, r -\, '\

...

'\

-17-accas l la f41culté de Médecine de Paris en 1868 et ensuite l partir de

1 0

1876 le nombre ~e femmes o~,~enant des\ licences dans diverses facultés, augmente régul1~rement chaque année. D!s '1871, l'Assocf:ation des

"

Droits des Felllllles voit le jour, grâce d'ailleurs 1 ... un homme, Léon

...

Richer.

Certes, il cette époque, le fémin;isme n'est pas. encore national, encore moins unive'rsel, mais on ne l'ignore pas non plus. Noua pensons, qu'il es t juste de cro.ire que Jules Ve~ne, en houe averti et curieux, devait être intéressé par ces mouvements.

Et, mame s'il avait l&11oré ces tendances, i l faut alors étudier sa description de Nadia comme un refle t de son imaginaire, de ce

<....

qu'ilbco'nslciérait comme l'idéal fai,tfemme.

Une jeune fille

~o~~ste\ant

dans son

appar~nce

que dans ses

.'

ges tes, dégageant' une force morale énergique, ,et qui Jusqu'l un J certain point peut se passer d~ la prot~ction suprême, d'un homme, 51 : les cireonstances l ' Y obligent. VoHl ce qui semble ressorti r de la'

<::>

,'dèscription que Jules Verne f$it de Nadia. Mais ~adia,~n'est certes (!'

pas - le ~eul personnage de ce roman qui nous intéresse. En effet, comme nous l'avons' mentionné dans l'introduction, Michel Strogoff a ceci de particulier: c'est qu'il met en scane trois personnages

f~m.inins, tous 'aussi inté~essants et symboliques l'es uns

..

que les

,

autres.

. ' ,

.

., La deuxUme fe.e qu~ Jul •• ~.rne }lOUa pr' •• nte daua le roman,

est, quant.a elle, tout a fait diff'rente de la- jeune fille modlle.

t '

v

'.

-/

.

'. _ J~

(26)

/

)

-18-()

'Elle n'entre pas dans la ligne des femmes "idéales", du moins au sens moral généralement attaché l cet adjectif. Il s'agit de Sangarre·, la tsigane, complice du trattre Ivan Ogareff. Dès le début, ce personnage féminin dégage une aura de négation. Sans d'autres indices que son nom et son état, cette femme présente immédiatement l ' imége type de l' ensorcelan te trat tresse. A lui seul, le nom de Sangatte n'est-il pas symbolique du destin malheureux du personnage (sans' garre) et de son caractère impur (sang)? N'est-elle pas l ' anti-vierge, le double négatif de Nadia?

Jules Verne nous la présente comme un êtn fier et imposant. la tsigane Sangarre, femme de trente ans, brune de peau, grande, bien campée, les yeux magnifiques, les

9

cheveux dorés, se tenai1: dans une pose superbe. (9) "Voi11 une effrontée

Strogoff! (10)

bOhémienne!" se dit Michel

,

'

ct

est le contraire de la timide et àouce Nadia. De l'adolesc;ente, Jules Verne pAsse il la femme. De l'innocence, il va l I a volupté. De la beauté douce, i l chemine vers la beau té sauvage. De l'ange, i l

aboutit au démon. Il ne faut rien de plus pour comprendre Sangarre, que cette description d'une femme plus âgée et d'une beauté fantasmatique et dangereuse. D' ailleurs, il es t A noter que dans les romans de Jules Verne, les personnages "négatifs", les trattres, ne semblent pas mériter autan t d' attention que les héros. Nous pouvons le voir dans !ilc'hel Strogoff, mais aussi dana la plupart des autres aventures. Ainsi Sangarre s'avi!re décri te en quelques lignes, alors que Nadia le sera en quelques paragraphes.

r

1

••

,

(27)

Q

"

.

-19-I l se

d~gage,

en. tout

ca~,

de Sangarre,

~'ontr,air'ement

l Nadi4, une sensud! té flagrante, trop voyante même. Ce nt est 'pas 11 l'artifiée conV'enable d'une femme de 1892 •. C'est pourquoi le mauvais rôle lui sied' 'parfaJ,tement. Mais 7 comme nous le délllontrerons plus

tard. tout bon "western" ou '''c~nte de fée" ~ néèessitè la présence d'un bandit ou d'une sorcière. L'une des fonctions de S~ng!lrre sera alors, celle de faire-valoi r de Nadia.

La troisième et derni~re héro'lne de' Mlchel Strogoff est p~rsd~-niftée par Karfa ~ S trogoff, la m~re du· héros. To~t d" abord, ~eite.

veuve est dépeinte pat Jales Verne comme . "une femme énergique ( ••• >

vaillante."(11) En~uite, une femme qui ."sait souffrir"(12) et qui "n'a pas peur. '1(13) Enfin, une m~re qui ferai t

le

"6acrifice de sa

(14) pour 'sauver •

vieil celle de son . fils. Bref,

" "1"

image ,même 4e la

m~re "oed'ipienne" • Nous exploiterons d'ailleurs cette symbolique au

cours du deuxième chapitre réservé à ce personnage coloré. D'ailleurs

.

Marfa Strogoff ne st avère pas le moindre person~age féminin du roman, car elle possede une influet;tce unique sur le héros.

,

Marfa, reflèt,e-'t-ell.:; tou,tefois, l t image de la mère de famille, _ contl!mpordine de Jules Verne? Dans un certain sena" oui. En .effet, elle représente cette m~re ue famille idéale qUi s~ sacrifierai t pour ses enfants. L'auteur n'hésite pas, à profiter de ce personnage . oférninln po~r dénoncer la

/

1

société bourgeoise dUI XIXe siècle Hi imposai t l toute m~re respec table de faire élever ses enfants par une

, , , - " , ~' / , , !

(28)

ç, " " , i" , .' " -~20-' ).. ,

gouvernant.:!. Marfa reptésente dans ce c,fls précis. l'ant·ithbe de la ,

réalité existante.

Jean Chesneaux (*) a raison}d'aft1rmer que l'on peut également lire Jules Verne de .façon politique. Michel Strogoff, en plus d"être un roman initiatique des plus intéressants, s'avi!re aussi un éloge de -... la simplicité familÎale dont la force, émane li la fois d'une souffrance commune et 11 la fo:Ï.s d'une absence totale d'hypocrisie, donc de 'lI!'ensonge.

Pour ceux qui voient un reflet de l' intim~ de l'auteur dans ces romansr cette affirmation les touchera particuli~rement. N'oublions

pas la jeuness.e confortable de Jules ,Verne et la réaction choquée de ,

.

sa famÙle lors~u' il

Ses quelques r~es Infl uencé et marqu'€.

.fit parattre ses premi~res pncell de théâtre èt

o

po~mes • Cet te hypocrisie l'a certainement

Il ne faut toutefois pas voir dans l'oeuvre de

Jules Verne une simple retransposition de sa- vie. - Sa façon de peindre 'les femmes ne semble pas

.

-

influencée par ses écheès sentimentaux • AffirJIler le contraire, ne serait pas rendre justice au ,talent de l'auteur. Certes, si comme pour la plupart des créatetrs, le passé dicte une ~ertaine forme de pensée, 11 ne hante cependant pas tout son aspect créateur; i l y a une marge que Jules Verne ne fJ:.a.nchit pas.

Tout cela pour dire que les trois personnages féminins principàux

(*J

Chesnea~~x, Jean; Une lecture pQlitique de Jull!s Verne. (Paris:

Haspero" 1982). " ", "

,

.

'

.,j'" ,-- ,

-)

" , \

(29)

-.

,

,

, ' ... ,.,

'-\ ,;

-21-,,,,\ .

..

.

..'

et Marfa Strogoff. nous intére~sent de que 80~ t Nadia Fédor,' Sangarre'

,

façon, plus "mys tique" :et certainement' moins biographique. D'ailleurs,

,

" ' 1....

contrairement à d'autres ,auteurs de cette époque, dont les héro!nes romanes9ues ?,euven~ être .facilement associées aux maîtresses, m'ères ou

.' soeurs des écrivains, le~ héro'lnes de Jules

'Z

el7t1e, dans MicheL

, ,

Strogoff, ne semblent pas ê tre .~es caricatures qe femmes qu t i l aurai t

connues. Ainsi dO}lc, t~S hérofnes de' Jules Verne n'ont .~as, "la

transparence bi9graphique de celles d1un Stendhal 'o~;d'un Benjamin Constant. Si nous neus en tenons aux expér~encès sentimentales malheureuses de J~les Verne,' un personnage tel que N~dia. refl~te

.'

alotB tout le contraire de la cousine don.t l'auteur fut amoureuX:

pend~nt Bon adolescence. Cette jeune femme semble~d'ailleurs faire

l'objet d'une sorte de critique o~sessionnelle., En effet, la plupar; des biographes de Jules Verne insistent pour accorder il Caroline une. importance 'qui nous apparatt superflue. Sans pour autant nier l'influence de cette d~ception sentimentale chez Jules Verne, nou~

croyons qu'elle ne fut pas toutefois traumatisante aù poi~t de rendre l'auteur de Michel' Strogoff, misogyne. , E,t., ' c t est en analysant Nadia, que nous nous rendons comp te que ce personnage, es t l '~lDti tli~se·

,

cette Caroline trop ~oquètte et préoccupée de son pouvoir"

séduction. ~

de

. C'e,st ainsi que, d~s ce premier ch~pitre; nous pouvons voir.que

(

l~s' notions vernlennes de beauté: PhY8iqu~ et morale., ~éjl bien ancrées, refl~tent les iitOts' personnels de \.. l ' aute";;r, son ,"

, imaginaire ,

.

,'. " -. I l .1

.

' ~

.

,

(30)

; .: ' ., ' : " ,

.

'.

,> ,

..

"

,f!

,

\ '

a1ns-1 que c:'ërtaines ten'dances de l'époque. La douceur, la force et, li!

\

saèrifice 'préd~inent comme quali tés essentiell~s de la femllle idéale:

jeune fille ou femme.

Safis plus tarder no.us analyserons ~onc sous cet angle

particu-\"

lier, chaque. femme, e~ tant qù,'héro!ne A part enti~re: qu'elle soit

t-'compagne de voyage, mare syll!bolique ou réelle ou bl~n complice du

trat tte.

\.

o'

,

~ \

.

1#

..

o /t '. .' .' " f ' ' ' ' • 1 1 ~ \, , Jo

j. " '" '. t

(31)

~, , \

.

,

.'

o ,. " "

.

"-\

.

.

tl

-23-.

,~

"

'(1) Jules Verne, Michel Strogoff (Paris: Edit~ons Hachette,.

(2)

1 ~ 66), p. 2 • / . '

Michel Serres, "Oedipe-messager

~'Tr,oisnme vOy8~e

-' :1\l1es ,";>

Verne, Michel Strogoff" dans Critique (Parisi 'EdItions ";',' 'de Minui..., Janvier 1970, numéro 272, Tome~:O p.16 ~p(' ,(3) Vene, op.dt., B.58 • • '

(4) B).en que Simone Vierne établisse ~s 'données par rapport au~ hommes seulement, nous croyons quNes remarques peuvent tout aussi bien s'appliquer 'aux personnages féminins verniens. Ainsi, les' héros sont grands, d'unè taille au-dessus de la moyenne' ~I~' es t-A'-4ire 0 au-dessus de celle des profanes".

De même, cette 'grandeur doit, être considérée il l!1 fois phys.ique et 'morale. "

(5)

(6) ,(7) (8)

"Ces êtres humains $e sép .. arent non entre eux, mais d' avec l'humanité moyenne profane. Auss i leur maigreur éventuelle

s.' accomp!1gne de vigueur, tantô t d 13 tinguée ~ .•• ). tan tô t fortement campée, comme chez Strogoff,,"

t ~

o

Les héros, et les héro'!nes ont une noblesse grave, légèrement teiptriie de tristesse, voire froide. La pâleur

toujours le physique des ini tiés, sauf, dans l'émotion .

accompagne

,

En dernier lieu, Simone Vierne remarque que la mobilité du visage s'avè:ç-e importante dans ,la co'nstitut.ion des héros verniens. Ainsi les ~!ailes mobiles du" n~z (... trahissent) mieux' les sentiments' d'humanité". Ces 'caràctéristiques physiques retrouvées chez Michel S trogoff &,ont également celles de Nadia.

Simone Vierne,Le roman, initiati 'ue c.hez Jules Verne (Par~: Edi tions du Sirac" 1973 , Pp. 370-371.

l ' , " Verne,op.Cit, p.58. ~, p.S8. Ibid. , p.5a. ,

.

Ibid. , p.58. '1

.

" , 1 ""

..

(32)

\ " ,-24-(~) t-bid. J. p.108.

.

;. e, .; / (10) ~, p.~10. (11) ~, p.190. (12) Ibid. ,

P~l~O

•. (13) Ibid. , ,

p.l1..?O.

,.

'"

3 ,~

....

"\

,

.

~.

-.lIA -, '.

/

"

" "

-

, ~

.'"'

l , JO

..

,.

'/'

t'

1

"

..

~~' -'-~'

..

..r' f;,- r

...

<" " .: \ l' , , ," :

(33)

.

' , " \

..

"

"

,

,

.

.

,. ,

.

"

.

.; J CHAPITRE II Marfa St.rogoff . ' ,

..

t

.

,

.--1 •••• " .1/ "

(34)

'\ -, 1

1"

.

,

,

,

.

~~ "-ria S trogoff , ! •

J:

,

.

,

le p,re"ier personnage féminin que nous. analy8e~ rous en détail, joue en fai t un rôle aussi important que celu~ de

l'héro!ne, Nadia. Bien que différent et 1_ premi~re vue secondaire,

ce rôle présente toutefois une c"rtaine supériorité par rapport 1 celui de l'héro!ne. Expliquons-nous ~

.r

1 ~evien t vite évident que

Marfa Strogoff s'av~re le ,seul' per,sonnagè 'qui influence Michel \ Sttogoff. Tout au long de ce chapitre, nous verron;! ~ quel titre, la .. , mère .influenc~ le fils.

Mais avant tout, présentons le personnage féminin tel que peint,

par Jul~s Verne. D'emblée, Marfa Strogoff, comme nous l'avons'·

(

remarqué dans le premier cha1)itre, est décrite comme une femme qui dégage une énergie exceptionnelle. Il apparatt intéressant,

a

cet

.

effet, de noter la récurrence de certains adjectifs attachés h cette figure féminine. Jules Verne utilise h son endroit des adjec tifs

, ~

qualificatifs ou d,es substantifs < de force, tels que: "énergique"(!),

"vaill~nte"(2), "assurée"(3), "~ude"(4), "indomptable"(5) . ain~i que

des termes rappelant la tranqu i l li té, le "calme" (6), et 1 f ilIIIDobil ité (7) dans 'la souffrance.

\

,

.

\

(35)

,

".

.'

~

.

ù

-26-.~.

Bien qu f au départ opposés, ces termes descriptifs des carac

téris-tiques morales de la màre du héros, se rejoignent logiquement et de façon -Pôsi tive. ,En effet, si Marfa était constamment éne.rgique et indomptable, sa sagesse en tant que femme âgée, et m~re, ne serait pas tout

a

fait plausible. Les êtres posés ne sont pas des excités. S1'non, elle aurait L'attitude d'une jeune fille qui agit instincti-vement sans dfl,achir aux conséquences de ses actes. Nous croyons que les adjectifs plus doux, apaisent cette forte personnalité en

justi~-fiant l'intelligence et le jugement du personn.age féminin.

Phénomàne curieux, la description phYlJique de ce personnage es t assez confuse, pour ne pas dire inexistante. S'il n'y avait pas les dessins de Férat, illustrateur de quelques volumes des Voyages Extraordinaires, nous ne, pourrions nous imaginer cette vieille Sibérienne. Si l'on en crott les propos de Simone Vierne, ce manque de description de la part de Jules Verne est tout à fait normal,

~ puisque la femme joue un rale insignifiant dans les romans de cet auteur.

Quan t

a

nous, nous croyons plutôt que l'aspect physique de ce personnage clé es t volontairement ignoré pour des raisons moins ','radicales". Marfa Strogoff, n'a' rien d'une jeune premi~re, c'est une vieille femme, et nous pouvons imagin~r que les vieIlles femmes ont à peu près toutes la rnêr~e allure, surtout lorsque elle ont souffert, cOlllllle c'est le cas pour Harfa Strogoff (8). Avant tout pour l'auteur, ce -qui doi t ressortir de ce personnage, Cl es t sa "force morale" (9) •

(36)

) ,

0'

-27-•

. Car, 11 se trouve son point fort, celui qui d'terminera 1 la fois son atti tude individuelle ainsi que celle du h'ros. Nous pouvons donc supposer qu' une description physique amoindrirai t les carac téris-tiques morales du personnage.

Il en sera de même d' ailleurs, dana le cas de la tsiganne S41lgarre, que nous analyserons dans Le 'trQisUme ch~pi tre. Pour en revenir l Marfa Strogoff, donc, il re,ssort, dh les premiers mots, que Jules Verne lui consacre,

naturellement que s'ajoute

qu'il s'agit d'une femme de tate. I l faut

)

1 cette carac tédstique un "riabit conve-

,

nable'~, une image représentativ-e. Quoi de mieux que celle de la m~re.

Une m~re exceptionnelle qui sacrifierait sa vie pour la

sauve-garde de Son fils. Le passage tragique durant le voyage de Michel Strogof.f lorsque ce dernier rencontre, par hasard, sa m~re l un relais de poste, nous rév~le 1 la fois l ' attach~me~t du héros pour sa m~re,

et la culpabilité de Marfa Strogoff.

Une révélation subite s'était faite dans son esprit. Elle, reniée par son fils! Ce n'était pas possible! {", Quant l s' atre trompée et l prendre un autre pour lui, impossible également. c'était bien son fils qu'elle venait de voir, et, s'il ne

l'

avai t pas reconnue, c' es t qu'il ne vou lai t pas, c 'es t qu'il ne devai t pas la reconndtre, c'est qu'il avait· des raisons terrib,les pour en agir ainsi! Et alors, refoulant en elle ses sentiments de m~re, elle n'eut plus qu'une pensée:' "L'aurai-je perdu sans le vouloir?" (10)

Mieux qu'aucune autre, cette scène dépeint la culpabilité d'une

. m~t'8, dh que la vie de son fils est en danger. No tons tou tefois

qU'il s'agit, en fait, d'une erreur initiatique de H!chel Strogoff. Il avait promis au czar de ne pas revoir sa dre (même involontaii'e

l

(37)

..

-28-ment) .... C-ette attitude, ou plutàt celle qui suivra;

?il

Max:.fa crie l tous qu'elle est folole, ressemble l l'attitude de Jocaste qui apprenant qu'Oedipe es t l la fois son fils ,~ et le meurtrier de, son

, , .

premier mari, se suicide. Ici, Marfa "refoulant en,elle ses sent;iments de m~re", renie son identité maternelle,.,!> c'est don'c dire qu'elle rejette t,mporairement son propr,e enfant. Jules Vérn~ insi,ste 'sur ce point.

( \ \ ',\

Ne meurt-elle pas, elle aussi, mais de façon, symbolique en annihilant ses instincts et son amour maternels? : Notl9bs ic'l:, que la

, "

mort, même symbo lique de l'un ou l'au tre des personnag~, ~onfirme' ,

.

la

(.... ')'

, , ,\

,

,

th~se de l'amour interdit. Celui qu'éprouve le fils pour sam~r,è. Ce

dernier n'a la possibilité d'aimer sa m~re que par le biai.s de son âme, l'amour charnel étant interdit. Ainsi l'âme joue un rôle d'écran protecteur. L'amour impossible demeure et, dans le cas de Michel Strogoff, se transcende vers un autre personnage: Nadia, m~re

symbolique.

Dans son article "Oedipe-messager", Michel Serres confirme ~ette

théorie voulant que Michel Strogoff soit une reconstitution moderne du mythe d'Oe~ipe. En évoquant la sc~ne bouleversante oil Michel Strogoff est sur le point de devenir aveugle, Michel

se~res

affirme:

La~ sc~ne

seconde inverse la primi t i

v~

La mhe, vue, tout à l'heure, :~~ passive, est Il présent le sujet du regard. Le fils, trop voyant, est vu puis aveuglé. La prisonnière et" le prisonnier. Passe l'épée de feu, Michel est il jamais dans les Ténèbres. Admirez 0 comment

se recompose 0 la légende oedipienne. Voici l'ordre

, canonique: meurtre du p~re, rencontre avec le sphinx et • 8o~ution de l' .snigme, union avec la m~re, découverte de

l'i~eutité perdue au moyen des cicatrices, aveuglement,

"

, ,

,

.

..

(38)

./

..

,

.

"

'" -29-"

départ pour de longs et pénibles " voyages en compagnie d'Antigone. (11)

On. nè peut nier effectivement que tout le l'oman rappèlle ce mythe

-de la Gr~ce an,tique. Il n'en est, toutefois pas une copie conforme. Laissons 1 jules Verne _~e

.

pl'iviUge de quelque - imagina tion! Finalement, 'daùs ce chapitre, ce qui ROUS intéresse le plus par

"rapport au mythe oedipien et"l Marfa Strogoff, 'c'est ce lien qui unit

le

fila

et la m~re. Bien que ce chapitre soit consacré

,

il la" m~re,

" ,

nous croyons qu'q est impossible de dissocier le personnage féminin du personnage masculin. c'est 1 dire que nous croyons po,!voir mieux

...

comprendre la m~re ett connaissant le fils. Nous nous permettons donc

o

'1

ici de faire une digression portant sur le héros. Nous croyons que cela permettra une mel11eure"compréhension du ~ôle de la m~re.

Michel Strogoff s'avare en ef~et, un héx:o's, "dans tout le sens mythique du terme. . "Le propre du héros <étant> d'êtTe doué d ',une force physique peu commune, d'u~e adresse extraordinaire ( ••• ) et d'un,

.

()

courage il ~toute ép,Teuve." (12) Hais, 11 faut souligner que ce héros est il la fois fori: et vulnérable" justement parce qu'il adore sa mère" qualité exceptionnelle qui ne va pas tqujours de pair avec l'image que l'on se fait d'tin héros. Cette adoJ:at!on, décrite de façon si fougueuse par Jules Verne, nous semble même &.11er jusqu'il' l'obsession, débouchant sur une sorte d'hypnotisme de l'esprit. La citation qui - su:&.t le prouve aisément:

,

''L'unique passion de Michel Strogoff était pour sa m1re,

l,_

vieille Marfa. ( ••• ) <Lorsqu'il> la quitta, ce fut le coeur gros."

l, \ :' \

"

\

,

,

.

(39)

"

..

,

-30-(13) De mlme,. lorsque le Tsar lui ordpnne de ne pas voir sa m'ère, "Michel Strogoff eu.t .une seconde d'hésitation. II' (14) On note

égalem~nt que lors de ses co~gés'ou de seS permission~ prolongées, "jamais il ne (néglige) ,de les consacrer il sa vieilie m~re -, fut-il

,

.

séparé d'elle par des milliers de,verstes et l'hiver rendit-il les routes impraticables." (1S) Et quand.ll! narrateur nous'indique que le héros n'a pas revu sa m~re depuis trQis ans, il s'empresse d'ajouter

1

"depuis trois ancles!" (16). Il est évident que ce dernier voue il sa

m~re un amour extr@mement fort qui confirme notre th'èse d'un mythe

oe~ipien.

Dans Michel Strogoff, trois grandes scènes sont d'une émotivité grandiose, digne aujourd'hui ~'un mélodrame filmé. Il est il remarquer que ~es trois sc~nes on la tension sentimentale s'affirme la plus ,forte, se rév'èl~nt toutes être liées aux relat~ons entre le {ils et la m'ère. Si, il partir. de la deux.t~me sebe, Michel Strogoff pense l

Na~ia, elle passera tôujours après la m~re.

c'est sa m~r; qui, compte avant tout. D'ailleurs, la première grande scène met ces d~ux personnages en action. Elle se déroule, comme nous l'avons déjà mentionné, au relais d'Ichim à Omsk où Marfa Strogaff y voit s~n fils par hasard •• Comme nous pvons déjil fait mention de la réaction du personnage féminin, vo~~ns donc maintenant celle du héros.

Tout il coup. un cri le fit tressaillir, un cri qui le pénétra jusqu'au fond de l'ame, et ces deux mots fureut pour ainsi dl~e jetés il son oreille:

"Mon fils!"

(40)

,

\

-31-~re:

la vieille Marfà, était devant lui! Elle lui

;~u~ait,

toute tremblante!

El~e

lui tendait les bras!

( ••• ) Michel Strogoff se leva~ Il allait s'élancer ( ••• ) La pensée du devoir, le danger sérieux qu'il y avai t pour sa m~re et pour lui dans cette regrettable rencontre, l'arrêtèrent soudain, et tel fut son empire sur lui-même, que pas un muscle de sa figure ne remua. ( ••• ) Michel Strogoff ne bougea pas.

"Michel! s'écria sa m~re.

-Qui êtes-vous, ma brave dame? demanda Michel Strogoff, balbutiant ces mots plutôt qu'il ne les prononça. -Qui suis-je? tu le demandes! Mon enfant, est-ce que

tu ne reconnais plus ta m~re?

-Vous vous trompez! ••• répondit froidement Michel Strogoff. Une ressemblance vous abuse ••• " '\ La vieille Marfa alla droit à lui, et là, les yeux dans les yèUK: "Tu n'es 'pas le fils de Pierre et de Marfa Strogoff1" dit-elle. Michel Strogoff aurait donné sa vie pour pouvoir serrer librement sa m~re dans ses bras! ••• mais s'il cédait, c'en était fait de lui, d'elle, de sa mission, de son serment! ••• Se Gominant tout entier, il ferma les yeux pour ne pas voir les inexprimables angoisses qui contractaient ,le visage vénéré de sa m~re, il retira ses mains pour ne pas étreindre les mains frémissantes qui le cherchaient. "Je ne sais, en vérité, ce que vous voulez dire', ma bonne femme, répondit-il en reculant de quelques pas. -Michel! cria encore la vieille m~re.

-Je ne me nomme pas Michel! Je n' ai jamais été votre' fils! Je suis Nicolas Korpanoff, marchand l

Irkoutsk! ••• I l

Et, brusquement, il quitta la salle comm~e, pendant que ces mots retentissaient une derni~re fois:

"Mon fils! mon fils!"

Michel Strogoff, à bout d'efforts, était parti. (17)

Quel épisodel De cette citation, ne retenons que quelques expressions comme: "tressaillir", "cri - fond de l'âme", "empire sur lui-même", "balbutia" et "à bout d'efforts". Avant d'émettre une opinion sur cette première scène, lintéressons-nous d' abord aux deux ,autres. La seconde scène, elle, se passe au camp tartare des

Figure

TABLE  DES  MATIÈRES

Références

Documents relatifs

Chef de ser- vice de l ’ Oncologie-Radiothérapie à l ’ hôpital Princesse- Grace, il aura participé indiscutablement au rayonnement médical de cette ville, non seulement par

C’est sur la base de cette distinction entre emplois et tâches qu’une récente étude de l’OCDE [13] arrive à un chiffre très inférieur (5 fois moins) aux prévisions

Les nouveaux contrats vont donc forcément faire du chiffre et, comme le souligne l’Insee, ils « pourraient entraîner une plus grande volatilité de l’emploi, avec des

Mais ce rôle est encore expérimental et la condamnation des Etats-Unis va constituer un test éclairant, selon qu’ils vont se plier à la loi internationale qui est censée être la

Cette perspective fait tout à fait partie des possibilités ouvertes par cette nouvelle phase du capitalisme, même si les suites du 11 septembre la brouillent provisoirement.. A quand

Elle a même introduit de nouvelles perspectives de transformation sociale, par exemple avec la réduction du temps de travail, non dans la version frelatée des lois Aubry, mais comme

L’essentiel de la loi est contenu dans son article 1, qui annonce une réduction de la durée légale du travail à 35 heures hebdomadaires, à compter du 1er janvier 2000 dans

Ils sont répartis dans toute la province de Narbonnaise avec un maximum pour Nîmes (221) et un minimum pour Saint-Paul-Trois-Châteaux (2). C’est une concentration du même