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Le grand bluff de l’emploi Michel Husson,

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Le grand bluff de l’emploi

Michel Husson, Regards Mars 2006

Le gouvernement de Villepin se vante d’avoir fait diminuer le nombre de chômeurs de 127000 entre décembre 2004 et décembre 2005. Cette baisse est d’ailleurs toute relative, puisque l’Anpe recense 2,4 millions de demandeurs d’emploi en décembre 2005. Si on y ajoute les catégories qui ne figurent pas dans la statistique officielle, on arrive à un total de 3,8 millions.

Mais il n’y a eu que 64800 créations d’emplois au cours de la dernière année, et la baisse du chômage est donc un mystère. Les chiffres de l’Anpe montrent qu’elle correspond à des sorties du chômage plus nombreuses. Mais pour quels motifs ? En gros les sorties supplémentaires sont, pour un quart, des reprises d’emploi ou des entrées en stage et pour les trois quarts des absences au contrôle. Celles-ci ont ainsi augmenté de 18 % au dernier trimestre de 2005 : elles enregistrent l’effet dissuasif du renforcement des contrôles sur les chômeurs, qui ne passe même plus par les radiations administratives enregistrées.

Le gouvernement prétend qu’il s’agit de chômeurs qui ont retrouvé un emploi ailleurs. Il mène d’ailleurs une offensive sans précédent de dénigrement de ses services statistiques, taxés d’incompétence dans la défense et l’illustration de l’optimisme officiel. Pourtant aucun des outils disponibles ne permet de repérer cet effet.

La dernière note de conjoncture de l’Insee indique par exemple que la hausse des nouveaux contrats aidés du secteur non marchand « ne parvient pas à compenser la baisse des anciens ». Quant aux 278000 CNE, ce chiffre a été inventé à partir de coups de sonde aléatoires et ne porte que sur des déclarations d’intention.

Autre piste : avec le départ à la retraite des « baby boomers », la population active progresse moins vite (de 67000 en 2005 contre 108000 en 2004). Il ne s’agit pas pour l’instant d’un pur effet démographique mais du résultat des dispositifs de retraite anticipée, qui ont concerné 75000 personnes en 2005. Le bilan ne pourra être vraiment dressé que dans plusieurs mois. Mais le tableau d’ensemble qui se dégage est déjà suffisamment précis : le recul du chômage ne provient pas de créations d’emplois engendrées par les nouveaux contrats mais de sorties accélérées de la population active, en partie par durcissement des contrôles sur les chômeurs et en partie par des retraites anticipées.

Le cynisme des libéraux atteint aujourd’hui des sommets : ils ont le culot de prétendre, contre toute logique, que la multiplication des contrats précaires va créer des emplois et que la généralisation de la précarité va la faire reculer. On ne peut en réalité comprendre la politique du gouvernement en la prenant au mot. Elle ne vise pas réellement à améliorer la situation de l’emploi : l’austérité salariale et budgétaire ou l’encouragement à une augmentation de la durée du travail vont manifestement dans la mauvaise direction.

Le but est en réalité de transformer la structure de l’emploi dans le sens d’une précarisation généralisée, et l’« effet d’aubaine » va jouer à plein. Entre recruter un CNE ou un CPE plutôt qu’un CDI ou même un CDD, les patrons ne vont pas y regarder à deux fois. Les nouveaux contrats vont donc forcément faire du chiffre et, comme le souligne l’Insee, ils « pourraient entraîner une plus grande volatilité de l’emploi, avec des créations plus nombreuses lorsque la demande croît et des destructions elles aussi plus nombreuses lors des phases de ralentissement ou de baisse de la demande ». Quant à une éventuelle hausse du niveau de l’emploi, « son ampleur est difficile à estimer ». En clair : si la croissance repart, les embauches précaires vont augmenter, puis se dégonfler encore plus vite au prochain ralentissement.

Le gouvernement voudrait bien tirer parti électoralement de la baisse du chômage. Mais ses intentions vont beaucoup plus loin : les ordonnances du mois d’août dernier, le CNE, le CPE - sans oublier le contrat senior et les nouveaux emplois-services – dessinent une véritable stratégie d’encerclement du CDI. Cette tactique de grignotage est certes redoutable, mais elle a son talon d’Achille : il faut bien qu’elle débouche un jour sur une remise en cause globale des contrats de travail, et le projet de « nouveau contrat » devrait d’ailleurs être prêt pour l’été. Or cette globalisation risque de faire naître une riposte tout aussi globale. C’est pourquoi l’élargissement de la mobilisation contre le CPE à une riposte unitaire de l’ensemble des salariés revêt aujourd’hui une importance cruciale.

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