• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les spécificités de la modélisation technique : l'exemple de l'adoption de la résistance des matériaux dans la pratique de construction en bêton armé

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les spécificités de la modélisation technique : l'exemple de l'adoption de la résistance des matériaux dans la pratique de construction en bêton armé"

Copied!
5
0
0

Texte intégral

(1)

LES SPÉCIFICITÉS DE LA MODÉLISATION TECHNIQUE:

L'EXEMPLE DE L'ADOPTION DE LA RÉSISTANCE DES

MATÉRIAUX DANS LA PRATIQUE DE CONSTRUCTION EN

BÉTON ARMÉ

Alain DURE Y, Mustapha GAHLüUZ GD.S.T.C.-L.I.R.E.S.T., E.N.S. Cachan

MOTSCLÉS: MODÉLISATION TECHNIQUE RÉGLEMENTATION BÉTON ARMÉ -RÉSISTANCE DES MATÉRIAUX

RÉSUMÉ : Comparativement au domaine scientifique, les questions de la modélisation dans le domaine technique se posent, non pas autrement, mais dans un contexte technologique différent du contexte scientifique. Ce contexte ne saurait se réduire aux seuls aspects scientifico-techniques stricts. Il y a des considérations liées aux pratiques techniques (en tant que domaine producteur et utilisateur de modèles) qui doivent être prises en charge.

SUMMARY : By comparison with the scientific domain, the issues of modeling in the technicaI field are formulated, not in an other way, but in a technological context different from the scientific context. This context could not be reduced to the only strict scientific and technical aspects. Sorne considerations Iinked with the technical practices (considered as a domain producing and using models) must be taken into account.

(2)

1. INTRODUCTION

Qu'en est-il de l'utilisation des modèles et outils de modélisation d'une discipline dans une pratique sociotechnique donnée? C'est là une des questionsàlaquelle peu de réponses ont été apportées. Elle revêt, pourtant, une grande importance pour l'enseignement de la modélisation. Quelles sont les conditions et les modalités d'adoption des modèles dans les pratiques techniques? Comment est obtenu le consensus à leur propos? Quel est le domaine de validité du modèle adopté? La technique et les performances des matériaux utilisés dans les pratiques techniques évoluent. Il en est de même des savoirs utilisés, d'où l'adoption de nouveaux modèles. Qu'advient-il alors des modèles précédemment adoptés? Y a-t-il rupture ou cohabitation des paradigmes anciens et nouveaux? Ce sont là autant de questions qui nécessitent des réponses que l'on a données à travers une étude historique mettant en valeur les questions liées à l'adoption et l'utilisation des modèles de l'une des branches de la mécanique, en l'occurrence la résistance des matériaux (R.D.M.), dans une des pratiques de construction les plus répandues: la construction en béton armé. Cette adoption s'est concrétisée officiellement dans la première régiemen tation de béton armé de 1906.

2. HISTORIQUE : Le béton armé, une alternative crédible de renouvellement des matériaux et des procédés de construction

L'invention du béton armé que l'on attribue généralementà Joseph Monier!l) prend un réel essor à la fin du XIXe siècle. Un nombre conséquent de systèmes en béton armé voit le jour. Ces systèmes sont appliqués à des constructions diverses et de plus en plus importantes.Lebéton armé commence alors à s'imposer comme une alternative crédible de renouvellement des matériaux. Des constructions de toutes formes, de toutes dimensions, et soumises aux charges les plus variées sont réalisées. Se pose alors une question essentielle: comment déterminer les éléments du béton armé et quel est son degré de résistance?

Deux tendances émergent: celle des constructeurs(2), employant des formules empiriques et celle des théoriciens(3) tentant d'expliquer et de légitimer scientifiquement cette association béton-acier en utilisant et en appliquant les hypothèses de la résistance des matériaux.

Devant l'engouement envers ce nouveau matériau et les premières polémiques qui naissent entre théoriciens et empiristes, l'État français ne peut rester insensible. Il se saisit de la question des ciments armés et trace le chemin de la codification officielle, ce qui lui permettra de «contrôler» et d'avoir un droit de regard sur les activités de construction en ciment armé. En décembre 1900, il nomme une commission"chargée d'étudier les questions relatives à l'emploi du ciment armé et de procéder aux recherches nécessaires pour déterminer dans la mesure du possible, les règles susceptibles d'être admises pour l'emploi dans les travaux publics, de ce mode de construction". Cette commission composée d'ingénieurs et d'entrepreneurs présente six ans plus tard"un projet de règlement des construClions en béton de ciment armé" qui, approuvé, devient la circulaire ministérielle

(3)

3. LES SPÉCIFICITÉS DE LA MODÉLISATION TECHNIQUE

Leprincipe général des constructions en béton armé admis au départ par tous fut le suivant: combiner le béton et l'acier de façon que dans une même pièce, les efforts de traction soient absorbés par l'acier et les efforts de compression par le béton. Le raisonnement consiste donc en la connaissance des charges supportées par une poutre,àla détermination des tractions qui doivent être équilibrées par l'armature. Cependant, l'objection fondamentale relevée contre le béton armé est son hétérogénéité. Elle est posée comme suit: les matériaux, fer et béton, envisagés séparément ont des coefficients d'élasticité très différents; et si, le fer peut s'allonger de façon notable au-dessus de sa limite d'élasticité,lebéton, lui, ne peut se permettre presque aucun allongement, l'association de ces deux matériaux ne formerait qu'un matériau hétérogène difficileàappréhender sur les plans théorique et expérimental. Or, en raison des hypothèses simplificatrices qui servent de base à l'établissement de ses formules, le domaine d'application de la RD.M. se limite aux seuls matériaux considérés comme homogènes et isotropes. Pourtant, la limitation de l'application de la R.D.M. aux seuls matériaux considérés comme homogènes a du être transgressée par son adoption au béton armé. En effet, bien que matériau hétérogène, le béton armé a bénéficié de l'extensionà son profit des hypothèses et méthodes de calcul de la résistance des matériaux et a dû être fictivement homogénéisé ou rendu homogène pour que la R.D.M. lui soit applicable. La section transversale d'une pièce en béton armé comporte les fibres de béton et les fibres d'acier. Ces demières peuvent être remplacées par des fibres de béton équivalentes en multipliant les aires des premières par le rapport des modules d'élasticité(4l. Comment peut-on expliquer celle transgression? quelles justifications peut-on apporteràcelle adoption de la R.D.M. pour le béton armé? quelles oppositions a-t-elle suscitées? Finalement, comment peut-on comprendre l'articulation de la RD.M. au champ de références auquel elle s'articule ici,àsavoir la pratique de construction en béton armé?

À travers la recherche des conditions, des modalités d'adoption de la R.D.M., nous avons relevé que la pensée technique s'y manifesteà travers une rationalité dont les caractéristiques sont les suivantes: - un souci de rentabilité en termes de simplicité des calculs: la résistance des matériaux est une restriction de la théorie de l'élasticité dont on a renoncéà résoudre les équations compliquées. - l'adoption d'approximations que justifient des considérations économiques comme c'est le cas pour la justification du positionnement des armatures par la possibilité de réplication et de production en quantités industrielles. L'état de contrainte par exemple d'une poutre simplement appuyée soumiseà la flexion simple est caractérisé par des familles d'isostatiques de traction et de compression. Si nous nous reportonsà ce que nous avons dit à propos du complexe béton-armatures, dans lequel on confieàl'acier le soin d'absorber les efforts de traction, il est logique de disposer les armatures d'une pièce en béton armé suivant les isostatiques de traction.

Cependant, au lieu d'adopter le tracé rigoureux de ces contraintes qu'il serait très compliqué et coûteux de suivre, on se contente de formes approchées qui offrent la possibilité d'une réplication plus simple et plus rapide.

(4)

2S

J

JI

fig 1 : trajectoires de contraintes principales de tracùon. fig 2 : schéma simplifié de ferraillage longitudinal.

Ces approximations qui sont appliquées aux pièces prismatiques qui sont le groupe d'application qui a le plus d'importance du point de vue industriel sejusùfient donc par la possibilité de les produire en grandes quantités::

. une forme de rationalité : la sécurité

Il est incontestable que les pratiques évoluent, il en est ainsi aussi des savoirs qu'elles utilisent. Nous nous sommes préoccupés de ce qu'il est advenu de la résistance des matériaux dans la pratique de construction en béton armé. On a pu constater que la résistance des matériaux, même après un développement considérable de la technique et des perfonnances du matériau, n'a pas été évacuée. Le choix spontané d'options simples de préférenceàdes options rigoureuses caractérise la réflexion technique. Comme une loi démontrée satisfaisante dans un champ limité le reste (c'est le cas de la loi de Hooke pour les calculs aux états limites de service(S») quelles que soient les découvertes ultérieures, le technicien adopte spontanément la loi la plus aiséàmanier!6).

4. CONCLUSION

De cette investigation, il est ressort aussi que les modèles utilisés (notamment les modèles scientifiques) dans les pratiques techniques, le sont en fonction de considérations techniques et dépendent des phénomènes, des conditions de fonctionnement et du comportement des objets, ainsi que des procédés techniques auxquels ils s'appliquent. Une fois adoptés dans le cadre technologique, ces modèles deviennent en quelque sorte des modèles techniques qui s'expliquent et se justifient par des théories technologiques. Celle du béton armé en est une. Les éléments d'explication et de justification des modèles, leur domaine de validité doivent être cherchés aussi dans la théorie technologique qui les a adoptés et non strictement dans la théorie scientifique dont ils sont issus. Un des objets d'enseignement qui s'érige en référence parfois incontournable est une théorie technologique fixée dans une réglementation. Par le biais de cette réglementation se révèle aussi un type de savoir sur lequel les possibilités de transfonnation sont quasiment nulles. Son élaboration par des commissions spécialisées représentant les différents intervenants dans la construction (il y a en effet consensus sur ce savoir) ne dépend pas de considérations scientifico-techniques strictes mais s'étend aux activités, à leurs acteurs etàleur contrôle.

(5)

La question posée pour l'enseignement de la modélisation est son autonomie vis-à-vis d'une modélisation réglementaire qui lui est en quelque sorte imposée par la réglementation. En fait, il s'agit de répondre à deux questions: cette autonomie est-elle possible? ensuite, doit-elle être cherchée ? - Cette autonomie est possible du fait que la modélisation est liée aux objets et phénomènes auxquels l'on est confrontés, et au degré d'approximation à la solution que l'on veut donner au problème posé. La seule question qui se pose pour l'enseignement est celle de la légitimité et de l'utilité du savoir qu'il dispense, le respect de la réglementation étant une oeuvre de socialisation.

- Cette autonomie doit être cherchée parce que le savoir contenu dans la réglementation se présente sous une forme synthétisée et de prêt à l'emploi qui ne met pas toujours en évidence les simplifications opérées, les approximations admises.

Enfin, la prolifération des matériaux nouveaux et de pratiques sociotechniques de plus en plus spécialisées et non réglementées incite à une prise en charge conséquente de la question de la modélisation dans l'enseignement.

NOTES

1 L'invention de Monier se résume en ceci: Jardinier de son état, il entreprit de remplacer ses caisses

àfleurs, ses cuves en bois et ses tonneaux d'arrosage qui pourrissaient souvent, par des matériaux qui duraient beaucoup plus. Il eut alors l'idée d'utiliser le ciment en minces parois et de rendre celles-ci fibreuses en y incorporant un treillis métallique.

2 HENNEBIQUEF., Troisième congrès de béton de ciment armé. Le béton armé. Organe des concessionnaires et agents du système Hennebique,1899, 1-4.

3 CONSIDÈRE L., Rapport présentéàl'appui des propositions de la commission de ciment armé, in Ministère des Travaux Publics, des Postes et des Télégraphes,Commission de ciment armé,Paris: H. Dunod et Pinat Éd., 1907, 369-407.

4 Dans la pression d'un prisme carré, chaque centimètre carré de l'armature longitudinale supporte une charge "m" fois plus grande que ne le ferait un centimètre carré de béton occupant la même place, et ce nombre "m" serait théoriquement le rapport entre les modules d'élasticité du métal et du béton, appelé coefficient d'équivalence.

5pour lesquels les critères sont des contraintes admissibles (sauf pour le cas des états-limites de déformation). Les calculs sont de type élastique et donc les modèles de la résistance des matériaux, la loi de Hooke notamment, restent valables, de même que le principe d'homogénéisation des sections avec le coefficient d'équivalence égalà15).

6 CAMBARNOUS M., Comprendre les techniques et la technicité,Paris: Messidor/ Éditions sociales, 1984.

Références

Documents relatifs

Production fruitière et gestion durable de la population de Haematostaphis barteri populations dans la zone sahélienne du Cameroun : Même comme le nombre moyen

In adult male of Callinectes amnicola, paired vasa deferentia constitute the internal tract and serves in driving spermatophores toward the external organs, which are

Formulation et évaluation de l’aliment de complément : Quatre formulations ont été constituées à partir du voandzou sain, du voandzou attaqué par les bruches à

[r]

entiers (non décortiqués), un à base de grains décortiqués, un avec des grains brisés et le dernier avec de la farine en poids respectivement (10g). L’élevage vise

Attention : Lorsque la solution de l’erlenmeyer prend une couleur jaune paille, verser quelques gouttes d'empois d'amidon (L'amidon s'associe au diiode, pour former un «complexe»,

 Le rétroprojecteur donne du document une image agrandie sur un écran (ou sur un mur) vertical, le rendant ainsi visible simultanément par un grand nombre de personnes.  La tête

Ainsi, dans la majorité des pays européens (en Angleterre, aux pays de Galles, aux Pays-Bas, au Portugal et en Suède), toutes les actions civiles sont ouvertes aux recours