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L'accompagnement des demandeurs d'asile au Québec : quelles possibilités d'empowerment?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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L'accompagnement des demandeurs d'asile au Québec,

quelles possibilités d'empowerment ?

Mémoire

Pascaline Lebrun

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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L’accompagnement des demandeurs d’asile au Québec,

quelles possibilités d’empowerment ?

Mémoire

Pascaline LEBRUN

Sous la direction de :

Stéphanie Arsenault, directrice de recherche Yann Le Bossé, codirecteur de recherche

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Résumé

Les déplacements de populations révèlent les situations économiques et politiques de nos sociétés. En effet, les migrations ont toujours existé que ce soit dû au nomadisme, à l’exode rural, à la migration économique ou encore de protection. Cependant, les migrations questionnent les professionnels en travail social qui côtoient des personnes immigrantes de tous statuts. Les discours politique et médiatique sur les migrations comportent aussi leur lot d’enjeux sécuritaires. Nous constatons ainsi une augmentation des mesures de contrôle aux frontières et plusieurs modifications relatives à la Loi sur

l’immigration et la protection des réfugiés qui ont un impact direct sur la vie des

migrants, en particulier ceux qui recherchent l’asile. À travers ce mémoire, nous explorerons les parcours des demandeurs d’asile au Québec. L’expérience d’être réfugié et en recherche de protection entraîne des enjeux sécuritaires et humanitaires, quel que ce soit le pays de départ ou celui d’accueil. Les populations en recherche de protection, particulièrement les demandeurs d’asile, seraient ainsi soumis à des difficultés d’ordre structurel. C’est dans ce contexte que nous nous questionnons sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile au Québec. Plus précisément, le sujet de ce mémoire porte sur l’empowerment des demandeurs d’asile, à savoir si l’accompagnement offert leur permet des conditions favorables à l’exercice d’un pouvoir d’agir.

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Abstract

Population displacements reveal the economic and political situations of our societies. Indeed, migration has always existed whether due to nomadism, rural exodus, economic migration or protection. However, migration questions social work professionals who work with immigrants of all statuses. Political and media discourse on migration also has its share of security issues. We are seeing an increase in border control measures and several amendments to the Immigration and Refugee Protection Act have a direct impact on the lives of migrants, particularly those seeking asylum. In this master’s thesis, we will explore the paths of asylum seekers in Quebec. The experience of being a refugee and seeking protection raises security and humanitarian issues, regardless of the country of departure or host country. Populations seeking protection, particularly asylum seekers, would thus be subject to structural difficulties. It is in this context that we question the conditions under which asylum seekers are received in Quebec. More specifically, the subject of this thesis concerns the empowerment of asylum seekers, i.e whether the support offered allows them to exercise their power of action under favourable conditions.

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Table des matières

Résumé ... ii  Abstract ... iii  Liste des abréviations et sigles ... vi  Remerciements ... vii  Introduction ... 1  Chapitre 1. Problématique ... 4  1.1 Les migrations de personnes au cœur de la mondialisation ... 4  1.2 Les migrations vers le Canada et le Québec ... 6  1.3 L’accueil de population en recherche de protection ... 12  1.3.1 La situation des demandeurs d’asile au Québec ... 14  1.4 Recension d’écrits ... 18  1.4.1 L’expérience d’être réfugié ... 19  1.4.2 L’accessibilité aux services... 21  1.4.3 Logement ... 22  1.4.4 L’accès à l’emploi ... 23  1.4.5 L’accès aux soins de santé ... 28  1.4.6 Séparation des familles ... 30  1.4.7 Accès à un conseiller juridique ... 32  1.5 Situation de marginalité ... 33  1.6 Utilisation de la détention pour motifs administratifs ... 36  1.7 Enjeux pour la pratique et les accompagnants ... 37  1.8 Les limites des études recensées ... 40  Chapitre 2. Cadre théorique et conceptuel ... 43  2.1 Le constructivisme ... 44  2.2 L’accompagnement en travail social ... 45  2.3 Les demandeurs d’asile ... 47  2.4 L’empowerment ... 48  2.5 Stratégies d’adaptation ... 54  Chapitre 3. Devis méthodologique ... 56  3.1 Approche privilégiée ... 56  3.2 Population à l’étude ... 57  3.3. Échantillonnage ... 57  3.4 Mode de collecte ... 57  3.5 Déroulement de la collecte de données ... 59  3.6 Aspects éthiques... 59  3.7 Instrument de collecte de données ... 61  3.8 Méthode d’analyse de données ... 61  3.9 Difficultés rencontrées dans l’élaboration du projet ... 62  Chapitre 4.  Analyse des données ... 63  4.1 Caractéristiques sociodémographiques des participants à l’étude ... 63  4.1.1 Présentation individuelle des participants et des informateurs clés ... 63  4.2 Présentation des résultats ... 67  4.2.1 Les zones de pouvoir perçues et ressenties par les demandeurs d’asile ... 68  4.2.2 Les zones d’impuissance selon les demandeurs d’asile ... 72  4.2.3 Les zones de pouvoir perçues et ressenties par les professionnels ... 77  4.2.4 Les zones d’impuissance perçues et ressenties par les professionnels ... 78 

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4.2.5 Les caractéristiques d’un accompagnement significatif et favorable à ... 82  l’empowerment ... 82  4.2.6 Les stratégies d’adaptation des demandeurs d’asile pour faire face aux difficultés 85  4.2.7 Les caractéristiques d’un accompagnement favorisant l’empowerment ... 87  Chapitre 5. Discussion ... 90  5.1 Question de recherche et principaux résultats ... 90  Conclusion ... 107  Bibliographie ... 112  Annexe 1. Formulaire de consentement des demandeurs d’asile ... 126  Annexe 2. Formulaire de consentement des leaders d’organismes... 129  Annexe 3. Contenu du courriel envoyé dans les listes de l’Université Laval (employés  et étudiants) ... 132  Annexe 4. Lettre d’entente ... 133  Annexe 5. Invitation ... 134  Annexe 6. Grille d’entrevue des demandeurs d’asile ... 134  Annexe 7. Grille d’entrevue des intervenants et bénévoles ... 137  Annexe 8. Liste des ressources ... 138         

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Liste des abréviations et sigles

CCR : Conseil Canadien pour les réfugiés

CISR : Commission de l’immigration et du statut de réfugiés du Canada ERAR : Examen des risques avant renvoi

FIP : Formulaire d’identification personnelle GRC : Gendarmerie royale du Canada

IFLA : International Federation of Library and Institutions LIPR : Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

LVPSIC : Loi visant à protéger le système d’immigration au Canada MICC : Immigration, Diversité et Inclusion Québec

POD : Pays d’origines désignés

PFSI : Programme fédéral de santé intérimaire

PRAIDA : Programme régional d’accueil et d’intégration des deamndeurs d’asile RAFIQ : Réseau d’action pour l’égalité des femmes immigrées et racisées du Québec SAR : Section d’appel des réfugiés

SPR : Section de la protection des réfugiés

TCRI : Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes

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Remerciements

Cette recherche a pu se réaliser grâce à l’appui et à la collaboration de plusieurs personnes que j’aimerais remercier chaleureusement.

Tout d’abord, je souhaite remercier les participants qui ont pris la parole et offert leur temps précieux pour me partager leur quotidien en tant que demandeur d’asile ou informateurs clés. J’aimerais souligner le courage, la détermination et la résilience dont font preuve les demandeurs d’asile afin d’obtenir la protection du Canada ainsi que l’engagement et le professionnalisme des acteurs clés rencontrés.

De plus, ce projet n’aurait jamais vu le jour sans le soutien, la confiance accordée par ma directrice Stéphanie Arsenault ainsi que mon codirecteur Yann Le Bossé. Je vous remercie d’avoir cru en mon potentiel d’intervenante-chercheuse et de m’avoir proposé plusieurs opportunités professionnelles tout au long de mon processus. Mon identité professionnelle n’en est que plus solide.

Par ailleurs, j’adresse plus personnellement mes remerciements aux membres de ma famille ainsi qu’à mes amis pour leurs encouragements et leur écoute. Je remercie particulièrement ma mère et mon beau-père.

Enfin, j’aimerais souligner la présence et l’écoute inconditionnelle de mon conjoint. Nos discussions et nos intérêts communs pour les sciences sociales n’ont fait qu’amplifier ma motivation à poursuivre ce projet.

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Introduction

Le contexte international actuel caractérisé entre autres par l’augmentation des mouvements de populations questionne les pratiques en travail social (Guilherme Fernandes, 2015). En effet, les migrations sont l’une des constantes de nos civilisations et qu’elles soient dues au nomadisme, à l’exode rural, aux transhumances, aux migrations économiques, humanitaires ou encore de protection, elles ont toutes leurs caractéristiques propres. Elles démontrent, en particulier en raison de leur existence, que la recherche de nouveaux horizons est une frontière inséparable de l’imaginaire humain (Gildas, 2008). Crépeau, Nakache et Atak (2006) soulignent que les migrations comportent aussi leur lot d’enjeux sécuritaires. Ce qui était vu dans les années 1980 comme un phénomène social s’est transformé vers des questions de « sécurité intérieure ». Ainsi, le migrant est davantage perçu comme un danger potentiel par les sociétés démocratiques et d’accueil (Crépeau, Nakache et Atak, 2006). Par ailleurs, les travailleurs sociaux sont en première ligne quant à l’application des programmes sociaux et lois qui encadrent leurs pratiques. Ainsi, la profession que nous exerçons nous amène à rencontrer des populations immigrantes de tous statuts et notamment des personnes réfugiées ou demandeuses d’asile. De nombreux textes soulignent que le vécu des réfugiés se caractérise par une expérience commune de déracinement et de franchissement des frontières (Lacroix, 2012) et que le fait de faire face à l’inconnu et de se confronter au processus décisionnel de leur statut a de nombreuses conséquences sur leur santé et leur quotidien. Lacroix (2004) souligne d’ailleurs les carences concernant les recherches sur l’impact de ce vécu sur les individus et familles concernés. Par conséquent, l’accompagnement offert par les intervenants sociaux auprès de cette population soulève également plusieurs enjeux de connaissances relatifs au projet migratoire et à la situation précaire dans laquelle elle se trouve pour une période indéterminée. Il apparaît nécessaire pour les intervenants de développer leurs connaissances concernant les défis d’ordre juridiques, sociaux-économiques ou encore ceux relatifs à la santé (Lacroix, 2004). Les mouvements migratoires sont également encadrés par des politiques oscillants entre les enjeux d’accueil humanitaire, en raison des obligations internationales, et les enjeux d’ordre sécuritaire de contrôle des entrées aux frontières. La crise syrienne de 2013 a ainsi démontré toute la complexité que représente l’accueil de populations en recherche de protection. Les liens politiques, diplomatiques et économiques entre les pays sur la scène internationale ont un impact

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sur la gestion des crises migratoires. Plus récemment, la nouvelle administration américaine présidée par Donald Trump depuis janvier 2017 s’est montrée menaçante, excluant par le discours ou par les actes un certain nombre de migrants sans-papiers. Malgré des politiques d’immigration de plus en plus restreintes, les migrations persistent et l’ensemble des mesures (pays d’origine désignés, construction de murs, sanctions contre les transporteurs, augmentation du nombre de détentions, politiques de visas) ne réussit pas à empêcher les gens d’entrer dans un pays (Crépeau, 2016). Une plus grande sévérité des contrôles migratoires remet en question les libertés qui sont au cœur des sociétés démocratiques. Les populations en recherche de protection, particulièrement les demandeurs d’asile, sont ainsi soumis à des difficultés d’ordre structurel. C’est dans ce contexte que nous nous questionnons sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile au Québec. Plus précisément, le sujet de ce mémoire porte sur l’empowerment des demandeurs d’asile, à savoir si l’accompagnement offert leur permet des conditions favorables à l’exercice d’un pouvoir d’agir. Cette question est analysée en utilisant le cadre théorique de la notion d’empowerment. Notre question de recherche est ainsi la suivante : en quoi l’accompagnement des demandeurs d’asile au Québec offre les conditions favorables à l’empowerment ? La question sera traitée en répondant aux objectifs suivants :

- Présenter les zones de pouvoir et d’impuissance ressenties et perçues à partir de l’expérience des demandeurs d’asile et des professionnels.

- Mettre en évidence les caractéristiques d’un accompagnement qui soutien de manière significative les demandeurs d’asile.

- Relever les stratégies d’adaptation des demandeurs d’asile afin de faire face aux difficultés rencontrées.

La présente recherche est divisée en cinq chapitres. Le premier chapitre présente la problématique de recherche en précisant notre objet d’étude par une mise en contexte et une recension d’écrits. La pertinence scientifique, sociale et disciplinaire sera ainsi démontrée. Le second chapitre est consacré à la présentation des concepts et des choix théoriques qui guident la compréhension et l’exploration de notre question de recherche. Par la suite, le troisième chapitre fait état de la méthodologie et des positions éthiques nécessaires à la conduite de ce projet. Le chapitre quatre présente les résultats suite à l’analyse des données. Enfin, le chapitre cinq offre une discussion entre les résultats

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issus de l’analyse des données et les constats mis en avant au sein de la recension d’écrits.

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Chapitre 1. Problématique

Le premier chapitre nous permet de situer notre questionnement au sein d’un contexte spécifique et, par conséquent, d’en justifier la pertinence dans le domaine du travail social. D’une part, nous présentons le phénomène des migrations au niveau international et par la suite, nous préciserons l’état des faits en ce qui concerne le Canada et le Québec en rapportant, entre autres, plusieurs faits sociodémographiques et historiques. Plus précisément, nous dresserons un portrait de la situation des migrations de protection et particulièrement celles des demandeurs d’asile au Québec. D’autre part, la recension d’écrits s’oriente vers les conditions d’accueil offertes aux demandeurs d’asile. C’est en se penchant sur les facteurs d’intégration, les obstacles rencontrés et sur l’accès aux droits et aux services que nous pourrons construire notre réflexion et ainsi apporter des précisions sur les zones de pouvoir et les zones d’impuissance rencontrées du point de vue des demandeurs d’asile et des professionnels. Les limites des études recensées et la démonstration de la pertinence scientifique et sociale de la présente recherche clôtureront cette partie.

1.1 Les migrations de personnes au cœur de la mondialisation

Le sujet de l’immigration est présent dans les discours et enjeux politiques et, pourtant, ces débats se font souvent sans les immigrants (Crépeau et al., 2006). Les populations ont souvent migré, que ce soit pour conquérir de nouveaux territoires, pour obtenir un emploi ou pour fuir des conflits (Gildas, 2008). La modernisation des sociétés, caractérisée entre autres par la révolution industrielle, a précipité l’exode rural tout comme la modernisation des transports a permis de compresser l’espace-temps et ainsi, de parcourir des distances importantes rapidement. Nous « pouvons qualifier de migrants internationaux les personnes nées à l’étranger, ayant dû se déplacer au moins une fois de leur pays de naissance vers celui où elles vivent aujourd’hui » (Withol de Wenden, 2009, p.22-23). Le contexte économique et géopolitique mondial, notamment avec le conflit en Syrie, de même que la crise de la dette en Europe du sud et la libre circulation des personnes entre les pays de l’Union Européenne, ont grandement influencé les migrations internationales (Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, 2015). En 2017, un rapport de l’ONU estimait à 258 millions le nombre

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de migrants internationaux, soit 3,4 % de la population mondiale (ONU, 2017). Ce chiffre ne tiendrait pas compte de l’ensemble des personnes déplacées au sein de leur pays (déplacés internes). De plus, nous connaissons actuellement des records historiquement élevés de déplacements. En effet, ce sont 68,5 millions de personnes dans le monde qui ont été obligés de fuir leur foyer, dont 25,4 millions de réfugiés dont plus de la moitié à moins de 18 ans et 3,1 millions de demandeurs d’asile (UNHCR, 2019). Ce sont des personnes déplacées de force suite à la guerre, des persécutions ou encore des violations de droits de la personne. Ce chiffre est le plus élevé depuis la création du HCR au lendemain de la seconde guerre mondiale. En 2016, une moyenne de 20 personnes ont été chassées de leurs foyers toutes les minutes (Edward, 2017). En 2016, la situation du Soudan du Sud a contribué au départ de plus de 737 400 personnes avant la fin de l’année et le chiffre a continué d’augmenter. En chiffres, la Syrie compte toujours le plus grand nombre de personnes déplacées internes ou réfugiées en dehors du pays (65 % de la population totale). En 2016, le nombre de demandeurs d’asile s’élèvait à 2,8 millions et parmi ceux-ci, plus de 75 000 demandes d’asile provenaient de mineurs âgés de moins de 18 ans, seuls ou séparés de leurs parents (Edwards, 2017). Il est important de souligner que la plupart des réfugiés sont installés (84 %) dans des pays en voie de développement ou à revenu moyen et qu’une personne sur trois est accueillie dans un pays riche (Edward, 2017). Ce constat est l’illustration même de la difficulté à s’entendre et à faire consensus sur l’accueil des réfugiés. De plus, on voit la question de l’immigration économique prendre une place importante puisqu’un certain nombre de pays désire attirer des immigrants qualifiés afin de faire face à la pénurie de main-d’œuvre dans des secteurs particuliers, parfois au détriment de l’accueil de population en recherche de protection (Withol de Wenden, 2007). L’immigration est ainsi perçue comme l’une des réponses autant à la pénurie de travailleurs qualifiés qu’au vieillissement de la population (Docquier et Rapoport, 2007).

Ainsi, nous pouvons constater une tendance migratoire forte caractérisée par la recherche de protection. Ceci au sein d’un contexte géopolitique de fermeture des frontières. Qu’en est-il pour les migrations vers le Canada et le Québec ?

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1.2 Les migrations vers le Canada et le Québec

- Portrait historique et législatif

La législation de l’immigration a évolué au fil des années selon les contextes historiques, économiques et sociaux dans lesquels le pays se situait. Le Canada a introduit des lois et différents règlements selon ses besoins. Aujourd’hui et ce depuis le 1 avril 1991, l’Accord Canada-Québec détermine les responsabilités des gouvernements. En effet, l’immigration est un domaine partagé entre les gouvernements fédéral et provincial (Immigration et Communautés culturelles, 2007). En ce qui concerne l’immigration permanente, la province a la responsabilité exclusive de déterminer le nombre d’immigrants qu’elle accueille et de sélectionner les candidats en fonction de critères pré-établis. Le Québec se positionne également en ce qui concerne l’immigration temporaire et tout ce qui est relatif aux permis d’études ou de travail. De son côté, le Canada établit le nombre annuel d’immigrants, en prenant en considération les exigences du Québec, définit et applique les conditions permettant à une personne d’entrer et de séjourner au pays. Le gouvernement fédéral est le seul responsable du traitement des demandes d’asile et des dossiers de parrainage. L’immigration permanente comprend la catégorie de l’immigration économique, du regroupement familial et celle des réfugiés et des personnes à protéger. L’immigration économique comprend les travailleurs qualifiés, les travailleurs autonomes, les entrepreneurs et les investisseurs. La catégorie du regroupement familial a pour objectif de faciliter la réunion au Québec des membres de la famille de personnes citoyennes canadiennes ou résidents permanents. Pour ce qui est de la catégorie des réfugiés et des personnes en situation semblable, il appartient au gouvernement fédéral de déterminer qui est un réfugié au sens de la convention des Nations Unies relative au statut de réfugié (Convention de Genève) et quelles sont les personnes en situation semblables qui ont besoin de protection (Immigration et Communautés culturelles, 2007).

Si nous faisons une rétrospective de l’histoire du Canada pour ce qui relève de l’accueil de nouveaux migrants, nous pouvons constater une certaine instabilité et de nombreuses modifications. En effet, Van Dyk (2015) explique qu’à l’approche dite « portes ouvertes » de la fin du XIXème siècle, plusieurs critères plus restrictifs tels l’origine

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ethnique et nationale des personnes, ont été pris en considération. L’Acte d’immigration de 1869, postérieur à la confédération, ne comportait que peu de limitations quant à l’accueil des immigrants. Il s’agissait surtout, avec l’appui du premier ministre de l’époque, d’encourager le peuplement de l’Ouest du Canada (Van Dyk, 2015). Par la suite, dès le début du XX siècle, les actes et commissions se succèdent afin de revoir les conditions d’admission des immigrants. Par exemple, l’acte de 1910 est un document présentant les immigrants indésirables et offrant au gouvernement un pouvoir discrétionnaire important, autant sur l’aspect de l’admissibilité que de la déportation. On peut d’ailleurs constater dans les archives qu’avant les années 1930, le Canada reçoit un certain nombre de réfugiés mais que l’arrivée des personnes en besoin de protection est très contrôlée. En 1923, le Canada adopte un décret en vue d’exclure les immigrants de toute origine asiatique, comprenant les Arméniens en provenance de Turquie fuyant le génocide (CCR, 2009).

Lors de la Seconde Guerre mondiale, l’antisémitisme domine au sein du gouvernement et le Conseil Canadien pour les réfugiés (2009) rapporte qu’entre 1933 et 1945, tout au long des treize années de régime nazi en Allemagne, le Canada admet environ seulement 5000 réfugiés juifs. Vu l’état des pays en Europe suite à la Seconde Guerre mondiale, le Canada s’engage à participer à l’installation de personnes en besoin de protection. Les contrôles d’immigration deviennent plus serrés mais la porte vers une immigration humanitaire s’ouvre peu à peu (CCR, 2009). Par ailleurs, la loi sur la citoyenneté canadienne est votée en 1947 et les personnes établies au Canada peuvent ainsi envisager d’obtenir la citoyenneté et ne sont plus considérés seulement comme sujets britanniques mais bien comme citoyens canadiens (Van Dyk, 2015). C’est à partir des années 1960 que la Loi sur l’immigration s’est modifiée en prenant davantage position quant à son implication au niveau international. En 1951, plusieurs pays ratifient la Convention de Genève qui définit la notion de réfugiés, leurs droits et les obligations légales des États. Cette convention établit des normes en ce qui a trait au traitement des personnes réfugiées sachant qu’aucune discrimination par rapport à la race, la religion ou le pays d’origine du requérant ne doit être faite. Le Canada signe la convention de Genève dix-huit ans après son adoption et quinze ans après son entrée en vigueur, soit le 4 juin 1969. Entre la Seconde Guerre mondiale et la signature de la convention, le Canada revoit ses modalités d’entrée.

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En 1962, les nouveaux règlements éliminent tout ce qui est relatif à la discrimination raciale. La compétence des individus qui souhaitent s’installer est mise en avant au lieu de l’origine nationale ou encore l’origine ethnique. Le livre blanc de 1966 suggérait de recruter des immigrants qualifiés et conseillait d’augmenter les contrôles pour éviter l’afflux de personnes non formées. C’est à partir de 1967 que l’on introduit de nouvelles normes d’évaluation des candidats à l’immigration grâce à un système de points en dehors de l’origine ethnique ou nationale. Ainsi, on prend en considération le niveau d’éducation, les compétences professionnelles, les perspectives d’emploi, l’âge, la maîtrise de l’anglais et du français ainsi que l’état de santé (Van Dyk, 2015). Si nous revenons à la politique sur l’immigration et la protection des réfugiés, c’est en 1976 que l’on crée distinctement une catégorie de réfugiés (Van Dyk, 2015). Il s’agit ici d’un élément central et progressiste car la loi avait le devoir de « remplir envers les réfugiés, les obligations légales du Canada sur le plan international et de maintenir sa traditionnelle aide humanitaire à l’égard des personnes déplacées ou persécutées » (CCR, 2009). Ainsi, c’est à partir de 1978 qu’un nouveau système de détermination du statut de réfugié entre en viguer sachant que par la suite, différentes modifications seront apportées.

On observe que le 4 avril 1985, la Cour Suprême du Canada rend l’arrêt Singh, par lequel elle reconnaît que les demandeurs d’asile ont droit à la justice fondamentale, en vertu de la Charte Canadienne des droits et libertés. Le tribunal statue alors qu’une audience orale est donc nécessaire en règle générale dans le processus de détermination du statut de réfugié. Ce qui n’était pas le cas auparavant. En 1986, le Canada se fait décerner la médaille Nansen par le Haut Commissariat pour les réfugiés en reconnaissance de sa participation significative et engagée à la cause des personnes en demande de protection. Dans les années 1970, le Canada accueille des personnes du Tibet et du Chili ainsi que de plusieurs autres provenances. Au début des années 1990, l’arrivée de demandeurs d’asile témoigne des différents conflits dans plusieurs parties du monde dont l’Éthiopie, la Somalie, le Ghana, le Nigeria, le Bangladesh, le Sri Lanka, la Côté d’Ivoire et le Salvador (Jacob, 1991). Les attentats du 11 septembre 2001 marquent un tournant significatif sur la scène internationale et influencent les discours des politiciens, et par conséquent, la manière dont va être appliquée la détermination du statut de réfugié.

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Dans son livre sur le combat contre les trafics des migrants au Canada, Jimenez (2007) souligne qu’à cette époque, le Canada a reçu des critiques en provenance des États-Unis. En vue d’harmoniser les lois sur l’immigration, la sécurité et le fonctionnement des douanes entre les deux pays, l’Entente sur les Tiers-Pays sûrs entre en vigueur en 2004. Selon cette entente entre les États-Unis et le Canada, les demandeurs d’asile doivent solliciter la protection du premier pays sur lequel ils sont entrés. Cependant, cette entente s’applique uniquement aux points d’entrée terrestres officiels et il est malgré tout possible de demander l’asile en franchissant la frontière en dehors de ces points d’enrée (CCR, 2018). Par ailleurs, suite aux attentats de 2001, plusieurs modifications à la loi sur l’immigration ont été apportées. Larose (2004) affirme que le lien entre le terrorisme, la migration et la sécurité a été réactivé dans plusieurs pays. On observe ainsi l’établissement d’une nouvelle « culture de sécurité ». Plusieurs auteurs, dont Didier Bigo (2009) et les penseurs de l’école de Copenhague, reprennent le concept de « sécurisation », c’est-à-dire que le gouvernement décide de l’enjeu politiquement pertinent et en fait un enjeu de sécurité. Le 12 décembre 2001, les États-Unis et le Canada signent la Déclaration du Canada et des États-États-Unis sur la frontière intelligente. Celle-ci correspond à l’établissement de nouvelles équipes intégrées de la police des frontières, à l’établissement d’équipes conjointes d’agents des douanes, à la mise au point d’une carte d’identification biométrique pour les résidents permanents, le contrôle approfondi des réfugiés et des demandeurs d’asile, la coordination des politiques relatives aux visas et plus encore. Viendra aussi s’ajouter la Loi Canadienne contre le terrorisme, appelée « loi antiterroriste » (projet de Loi C-36), le 24 décembre 2001. Cette loi vise « à identifier, à poursuivre et à punir les terroristes, à fournir de nouveaux outils aux organismes canadiens de sécurité nationale et d’exécution de la loi afin de leur permettre de mener des enquêtes plus facilement … » (Larose, 2004, p. 61). C’est à la suite du nouveau plan antiterroriste qu’en 2002 paraît la nouvelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. C’est ici pour la première fois dans l’histoire du Canada, que la loi identifie clairement les réfugiés dans son titre (Conseil Canadien pour les Réfugiés, 2009).

Bien que cette loi ait connue plusieurs modifications, elle demeure la loi-cadre en matière d’immigration et de protection des réfugiés. Au cours des quinze dernières années, les deux principales réformes du système d’immigration permettent d’illustrer

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l’omniprésence du discours sécuritaire. En effet, à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés en 2001 (LIPR), entrée en vigueur en 2002 s’ajoute la Loi visant à protéger le système d’immigration au Canada (LVPSIC) en 2012. Ce sont des modifications justifiées par les discours politiques évoquant les migrations en tant qu’enjeu sécuritaire (Jannard, 2016). Ainsi, il devient plus complexe pour le demandeur d’asile d’obtenir la reconnaissance du statut de réfugié en raison des mesures légales et administratives plus dissuasives.

- Bref Portrait Socio démographique

Au Canada, 1 212 075 nouveaux arrivants se sont établis au Canada entre 2011 et 2016 (Statistique Canada, 2017). Nous pouvons constater qu’une personne sur cinq est née à l’étranger et par conséquent, selon le recensement de 2016, 7 540 830 personnes nées à l’étranger sont venues au Canada en passant par le processus d’immigration. Il s’agit de 21,9 % de l’ensemble de la population canadienne qui s’élève à 34 460 060 personnes. En 2016, selon le rapport annuel au Parlement sur l’immigration, le Canada a accueilli 296 000 résidents permanents ; dont 156 000 personnes relevaient de la catégorie de l’immigration économique et 78 000 pour la catégorie du regroupement familial. Au total, ce sont 62 348 personnes qui ont obtenu le statut de personne protégée grâce au système de l’octroi de l’asile, à titre de réfugiés réinstallés ou en qualité de personnes admises pour des motifs d’ordre humanitaires. Selon le HCR en date du 31 décembre 2016, le Canada a accueilli 46 700 réfugiés réinstallés, dont plus d’un tiers grâce au programme de parrainage privé.

Par ailleurs, le recensement revèle également que l’Afrique est le deuxième continent le plus important pour l’immigration récente (13,4 %) devant l’Europe. L’Asie (y compris le Moyen-Orient) demeure cependant la source première d’immigration récente au Canada. En 2016, la majorité des immigrants étaient nés en Asie. Toronto, Vancouver, Montréal restent les principaux lieux de résidence. Mais de plus en plus d’immigrants s’établissent dans les provinces des Prairies et de l’Atlantique.

Entre 2006 et 2015, l’immigration économique au sein de la province représente 63,4% des immigrants. Le regroupement familial compte pour 20,6 % tandis que les réfugiés

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correspondent à 15,6 % et les autres catégories à 0,3 %. En matière d’immigration, comme nous avons pu le voir, les compétences sont partagées entre le fédéral et le provincial. En effet, depuis 1991, un accord est signé avec le Québec pour qu’il participe à la sélection de ses candidats à l’immigration. Différents plans d’actions sont mis en place afin de répartir géographiquement les nouveaux arrivants. Dans un énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration (MICC, 1990) il est expliqué que l’immigration au Québec répond à des besoins d’ordre démographique, économique, en plus d’assurer la pérennité de son caractère francophone et de favoriser son ouverture sur le monde. Ci-dessous, voici un premier tableau représentant les catégories de l’immigration économique et celle des réfugiées avec le détail concernant les demandeurs d’asile ayant obtenu la résidence permanente et ce pour les années entre 1980 et 2016. Le second tableau nous présente l’évolution des catégories d’immigration telles que l’immigration économique, celle du regroupement familial ainsi que celle des réfugiés et des personnes à protéger pour motifs d’ordre humanitaire.

Répartition des catégories d’immigration 1980-2016

Catégories d’admission Total Période admission 1980 à 1990 1991 à 2000 2001 à 2010 2006 à 2011 2011 à 2016 Immigration économique 2 994 130 428 360 698 040 1136 620 614 605 731 115 Réfugiés 858 850 229 115 242 280 246 940 120 745 140 515 Personnes Protégées (demandeurs d’asile ayant reçu la résidence permanente) 244 885 7 370 95 830 104 110 46 140 37 570

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Répartition des catégories d’immigration (2015-2017)

Source : Gouvernement du Canada, Rapport annuel au Parlement sur l’immigration, 2018

Nous pouvons constater selon ces chiffres, que l’immigration économique en tant que telle a tendance à se maintenir, voire à augmenter. La catégorie des réfugiés de son côté a diminué. La catégorie du regroupement familial connaît une légère augmentation. Selon ses besoins et ses restrictions, le Canada a su malgré tout offrir un système d’octroi de l’asile et de reconnaissance du statut de réfugié sur la scène internationale. Cependant, on parle également d’une immigration sélective où les contraintes d’entrées sur le territoire sont de plus en plus complexes. Qu’en est-il plus précisément des populations en recherche de protection ?

1.3 L’accueil de population en recherche de protection

Il appartient au gouvernement du Canada de déterminer si un candidat est un réfugié ou non au sens de la convention de Genève. Une personne réfugiée, est définie comme

toute personne, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques et qui ne peut, ou ne veut, se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité (Convention relative au statut des réfugiés, 1954) .

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La définition d’un réfugié selon la convention de Genève et le protocole de New York de 1967 est une définition d’ordre social, politique et juridique (Lacroix, 2003). La catégorie des réfugiés comprend les réfugiés pris en charge par le gouvernement, parrainés par le secteur privé, ceux qui sont reconnus comme tel au Canada et les personnes à charge d’un réfugié, admis au Canada qui vivent à l’étranger. En 2014, le Canada a accueilli 23 286 personnes réfugiées (Statistique Canada, 2014) et dès novembre 2015, un effort important a été salué par le HCR puisque le pays a accueilli 40 081 réfugiés par le biais de la réinstallation dont 25 000 Syriens. Il s’agit du plus grand nombre de personnes admises en une année depuis la Loi sur l’immigration en 1976.

Par ailleurs, une personne devient demandeuse d’asile dès qu’elle dépose une demande d’asile et suit la procédure de reconnaissance du statut de réfugié instauré par un État. Un demandeur d’asile au Canada est une personne qui est en quête de protection et qui peut faire une demande d’asile auprès d’un agent d’immigration lors de son arrivée à un point d’entrée (poste frontalier, port, aéroport) ou par la suite dans un Centre d’Immigration, Réfugiés, Citoyenneté Canada, ou encore dans un bureau de l’Agence des services frontaliers du Canada. Ce sont les membres de la Section de la protection des réfugiés (SPR) qui déterminent, lors d’un entretien à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, si le demandeur d’asile est admissible ou non (Hristova, 2012). Le Canada a signé différentes conventions qui font en sorte que le pays assume ses obligations internationales : Convention des Nations unies de 1951 relative au statut des réfugiés, Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) et Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984). La définition de la Convention de Genève est ainsi acceptée par le Canada et fait partie de la loi sur l’immigration. C’est la loi de 1976 sur l’immigration, entrée en vigueur en 1978, qui reconnaît pour la première fois au Canada les réfugiés en tant que classe spécifique d’immigrants.En 1993, le Canada est le premier pays à inclure la persécution basée sur le genre, l’excision et l’orientation sexuelle.

En date du 21 mars 2014, selon un rapport statistique du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR, 2014), on constate que les 44 pays les plus

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industrialisés observent une hausse significative du nombre de demandes d’asile déposées pour l’année 2013. Cette augmentation est dûe principalement à la crise en Syrie. En effet, en 2014, quelque 612 700 individus ont déposé une demande d’asile en Amérique du Nord, en Europe ainsi qu’en Asie et dans la région du Pacifique. C’est le nombre de demandes le plus élevé depuis 2001.

1.3.1 La situation des demandeurs d’asile au Québec

Le nombre de demandeurs d’asile est le résultat des conflits au niveau international et le Canada décide de son ouverture ou de sa fermeture vis à vis les demandes de protection. Ainsi, il peut modifier la loi en vue d’établir des mesures plus restrictives d’entrée au pays. En effet, pendant les mandats du gouvernement conservateur Harper, les chiffres ont considérablement baissé en raison des changements de loi de décembre 2012. Les chiffres sont passés de 25 317 en 2011 à 20 469 demandeurs d’asile en 2012 et à 10 465 en 2013 (Commission de l’immigration et du statut de réfugiés du Canada, 2019). Entre 2000 et 2010, on compte en moyenne 13 000 demandeurs d’asile présentant leur demande au Canada, dont presque 60 % sont des hommes et 40 % sont des femmes. Hristova (2012) souligne également que les fluctuations de chiffres sont évidemment dépendantes des changements de règles, de politiques, d’imposition ou d’abolition de visas. Depuis l’été 2016, les chiffres concernant l’entrée des demandeurs d’asile au Canada ont augmenté. Entre le 1er janvier et le 31 juillet 2017, 21 695 demandes d’asile ont été présentées au Canada. Ce qui représente une hausse significative en comparaison aux années précédentes.

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L’évolution du nombre de demandeurs d’asile au Canada entre 2005 et 2012 :

Source : Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (2016)

À titre comparatif, 23 895 demandes d’asile avaient été présentées au Canada pour l’année 2016, dont 5 505 demandes au Québec. Au cours des derniers mois, le Québec a vu augmenter le nombre de demandes d’asile présentées sur son territoire. Ces demandes sont en majorité soumises par des ressortissants étrangers interceptés par des agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) alors qu’ils traversaient la frontière entre les États-Unis et le Québec de façon irrégulière. Sur l’ensemble des points d’entrées (aériens, terrestres et maritimes) entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017, 24 980 demandes d’asile ont été présentées au Québec, dont 75,3 % ont été déposées par des personnes arrivant par voies irrégulières. Dans l’année 2018, entre le premier janvier et le 31 décembre, 27 970 demandes d’asile ont été déposées au Québec alors que pour la même période en 2017, ce fut 24 980 (Immigration, Francisation et Intégration, 2019). Les entrées se font principalement dans les provinces du Québec et celle de l’Ontario en raison de la frontière américaine. Le nombre de demandes d’asile reçues n’a cessé d’augmenter au cours de l’année 2018. Les demandes d’asiles ont augmenté de 82 % et les appels de 45 % au cours de la période des 12 mois se terminant en juin 2018 (CISR, 2018). Cependant, il s’agit d’une augmentation ponctuelle comparativement à la réduction des demandes déposées les dernières années (CCR, 2017).

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Source : CCR (2017)

En effet, l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs interdit à une personne de revendiquer le statut de demandeur d’asile au Canada en arrivant par voie terrestre des États-Unis. Une personne qui se présenterait à un poste frontalier pour demander la protection du Canada se verrait refuser l’entrée au pays. Ainsi, nombreuses sont les personnes et les familles qui passent la frontière de manière irrégulière pour avoir la chance de présenter une demande d’asile sur le territoire canadien et ainsi tenter d’obtenir la protection du Canada (CCR, 2017). L’augmentation de ces entrées a un impact sur le traitement des demandes et les délais pour obtenir une réponse sont par conséquent plus longs. Depuis les changements de loi de 2012, les délais prescrits sont de tenir une audience au plus tard 60 jours après que le dépôt de la demande d’asile ait été déclaré recevable pour les demandes régulières, mais les délais se sont allongés et peuvent aller jusqu’à deux ans. Pour les demandeurs d’asile en provenance des pays d’origine désignés (POD), le délai est de 30 jours pour les demandes faites à l’interne et de 45 pour celles effectuées au point d’entrée. Les pays d’origine désignée sont des pays qui, aux yeux du Canada, ne produisent pas de réfugiés, respectant les droits de la personne et offrent protection de l’État. L’idée de raccourcir le temps d’attente est très pertinent car avant la loi de 2012, aucune date limite ne s’appliquait à la tenue des audiences. Cependant, ce changement de délai est très court et accentue les difficultés relatives à l’arrivée et la protection de la personne. En effet, durant ce court délai, la personne doit aussi répondre à ses besoins de bases (nouveaux repères, recherche de logement, inscription des enfants à l’école, trouver un conseiller juridique, effectuer leur examen médical) (Centre de santé et des services sociaux la Montagne, 2012). Ces délais peuvent, selon les observations des intervenants psychosociaux, être

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préjudiciables, autant au niveau juridique qu’au niveau psychologique (Laban, Kromproe, Gernaat et De Jong, 2008). Ci-dessous, voici un tableau récapitulant les chemins juridiques possibles lors de la demande d’asile.

Source : Arsenault, S. (2019). Une réalité mouvante et complexe. Dans L’intervention

interculturelle. ( p. 256-285). Montréal : Chenelière Éducation

L’immigration au Canada est importante, cependant, on remarque une tendance à l’augmentation de l’immigration économique au détriment de l’accueil de population en besoin de protection (Sarradet, 2015). Le discours empreint de solidarité à la suite de la Seconde Guerre mondiale s’estompe et de nouvelles catégories de migrants perçues de manière négative émergent (migrants illégaux, réfugiés économiques, faux réfugiés). On peut, tout comme Rachédi (2008), affirmer que ces mouvements migratoires au niveau international répondent à une certaine logique et ne sont pas accidentels, car ils démontrent, par ailleurs, les rapports inégalitaires entre les pays pauvres et les pays riches. L’organisme le Praida (Programme régional d’accueil et d’intégration aux immigrants et aux demandeurs d’asile) situé à Montréal, ainsi que d’autres acteur-clés comme le Conseil canadien pour les réfugiés soulignent les risques à la suite du projet C-31, Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada. Comme le confirme Kinga (2013), les intérêts légitimes des réfugiés et des immigrants en général sont

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menacés par la préoccupation centrale relative à la sécurité nationale. Elle soutient que l’équilibre entre les enjeux sécuritaires et humanitaires reste fragile. Dans la partie suivante, nous allons aborder les différents services offerts à la catégorie des demandeurs d’asile. Il faut garder en tête que la catégorie d’immigration détermine l’accès aux services.

1.4 Recension d’écrits

Afin de réaliser cette recension d’écrits sur la situation des demandeurs d’asile sur le plan international, plusieurs banques de données en sciences sociales ont été explorées. J’ai mené mes recherches autant dans ma discipline en travail social qu’en criminologie, en sociologie, en droit et dans le domaine de la santé. À cela s’ajoutent des recherches au sein des revues scientifiques concernant les réfugiés comme Journal of Immigrant

And Refugee Service, Journal of Migration and Refugee Issue , Journal of Refugee Studies , en plus des consultations des sites de références incontournables comme celui

du Conseil canadien pour les réfugiés et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Il faut aussi mentionner que les bibliographies d’articles pertinents ont fait l’objet d’examen afin d’en tirer d’autres textes scientifiques. Enfin, d’autres informations nécessaires ont été extraites des sites internet gouvernementaux afin de trouver les informations relatives aux politiques, aux programmes sociaux ainsi qu’aux statistiques nécessaires à la compréhension du sujet. De plus, plusieurs mots clés ont été utilisés tels que : Asylum seekeer and Human Rights and Advocacy and Empowerrment et Social work, Refugeeness, Asylum seeker et integration, Asylum seeker and mental health, refugees and housing.

Cette partie décrit dans un premier temps les points communs que l’on retrouve du fait de l’expérience d’être réfugié. Par la suite, vu que l’un des objectifs du travail d’accompagnement auprès des nouveaux arrivants est celui de l’accueil et de l’intégration (Lacroix, 2006), nous verrons quels sont les facteurs qui facilitent ou entravent cette étape. Nous aborderons ainsi les difficultés d’ordre structurel auxquels les demandeurs d’asile mais également les professionnels peuvent se heurter tout au long du processus d’accompagnement. Enfin, nous évoquerons les enjeux soulevés pour la pratique en travail social avant d’aborder la partie du cadre conceptuel.

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1.4.1 L’expérience d’être réfugié

De nombreuses études démontrent que l’expérience du refuge comporte des points communs chez les individus. Ce sont des similitudes qui marquent particulièrement leur parcours de vie. En effet, le « fait d’être réfugié » apparaît tel un cadre d’analyse qui nous permet de mieux comprendre ce vécu. Selon Lacroix (2004), ce sont surtout les domaines relatifs au travail, à la famille et aux interactions avec les institutions de l’État qui sont touchés. Une recherche récente menée auprès des demandeurs d’asile en Jordanie démontre que les problèmes auxquels font face les demandeurs d’asile sont directement liés à leur situation dite de « réfugitude » (Lacroix et Al-Qdah, 2012). C’est-à-dire que quel que soit le pays de départ et celui de l’exil, il existe des obstacles d’ordre structurel que l’on retrouve dans les diverses trajectoires des demandeurs d’asile. Ainsi, ces derniers sont confrontés à des éléments en dehors de leur contrôle tels que la précarité du statut d’immigration, la non-reconnaissance des titres de compétences étrangers, le manque d’accès à un logement adéquat, à un emploi, à une formation et à tout ce qui concerne l’accès aux services de santé et services sociaux (Lacroix & Al-Qdah, 2012). De plus, nous pouvons souligner, en vue d’une meilleure compréhension que l’expérience migratoire :

est une expérience destabilisante qui comporte un projet de vie, un trajet et un parcours. Il s’agit de l’ensemble des phénomènes émotifs et physiques affectant l’individu à partir du moment où il prend la décision de migrer jusqu’à son adaptation dans son nouveau pays (Legault et Fronteau, 2008, p. 44).

Verbunt (2004) ajoute qu’il s’agit d’une expérience qui marque la vie des personnes et de leur milieu puisque la migration change le rapport relationnel qu’entretient le migrant vis-à-vis de sa société et de sa culture d’origine. Cette expérience place également le nouvel arrivant dans une position particulière par rapport au pays d’accueil. Une étude menée en 2007 (Oxman-Martinez, Jimenez, Hanley et Bohard) décrit le régime dit « d’incorporation » du gouvernement canadien à travers ses politiques et ses pratiques grâce aux entrevues menées auprès d’informateurs clés travaillant dans des regroupements d’organismes communautaires, des représentants d’agences municipales, provinciales et fédérales ainsi qu’auprès d’intervenants directement en relation avec les demandeurs d’asile. Les observations soutiennent que

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le délai d’attente, l’incertitude ainsi que l’inégalité dans l’accès aux divers services sociaux et de santé laissent les demandeurs d’asile dans une situation de marginalisation qui accentue le sentiment d’insécurité et d’exclusion. De nombreuses recherches soulignent qu’il s’agit d’une expérience complexe et douloureuse. Mesthenos et Ionnadi (2002) parlent d’une période négative liée aux traumatismes antérieurs, à l’isolement produit par l’exclusion sociale et l’insertion dans une nouvelle culture. Des constats qui illustrent et confirment que cette mise à l’écart affecte les relations entre le demandeur d’asile et la société d’accueil tout comme la capacité des organismes à aider adéquatement les individus. Cette précarité est ainsi reconnue pour ses effets réducteurs puisqu’elle accentue les différences dans les rapports de pouvoir entre le demandeur, l’État et la société civile. Les carences ainsi que les obstacles d’ordre structurels renforcent la vulnérabilité chez les demandeurs d’asile.

La plupart des recherches qui abordent le sujet des demandeurs d’asile soulignent la précarité de ce statut et les conséquences négatives sur les individus. En effet, Lacroix (2004) souligne que peu d’attention a été accordée à l’impact de ce vécu. Toutes les catégories d’immigration peuvent conduire à une certaine précarité ou du moins à un certain déséquilibre en raison de l’expérience migratoire en tant que telle (Legault & Fronteau, 2008). Cependant, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés canadienne de 2002 comporte plusieurs statuts d’immigration de nature précaire : demandeurs d’asile, membres parrainés de la catégorie regroupement familial, les détenteurs de permis de travail temporaire et les aides familiales résidantes (Lacroix, 2004). Cela signifie que les demandeurs d’asile sont conscients de la possibilité de se faire refuser leur demande et par conséquent de perdre leur droit de séjourner au Canada. Cela suppose, soit une nouvelle requête en vue de faire appel à la Commission de l’immigration, soit une déportation, un renvoi vers un pays tiers où la personne a pu transiter ou le fait de vivre dans la clandestinité et par conséquent de rester en marge de la société sans aucun droit. Ces possibilités et cette attente génèrent de l’inquiétude, du stress chez le demandeur. Les changements de loi du 15 décembre 2012 ont conduit à des modifications qui peuvent parfois être une source d’un stress supplémentaire pour le demandeur. En effet, en raison d’une volonté d’amélioration du système et de traitement des demandes, les demandeurs ne disposent, selon leur point d’entrée et le pays d’origine, qu’entre 30 et 60 jours pour rassembler les documents nécessaires en vue de

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préparer leur dossier de revendication de statut (Praida, 2012). L’attente par la suite peut atteindre jusqu’à deux ans.

Par ailleurs, l’objectif de toute intervention au nom des demandeurs d’asile ou réfugiés est leur intégration réussie au pays d’accueil (Lacroix, Baffoe et Liguori, 2015). L’intégration et l’incorporation (Soysal, 1994) à long terme des réfugiés dans la politique d’accueil (Lacroix et Al-Qdah, 2012), est en effet un accès complet aux droits de citoyenneté, c’est-à-dire un accès aux droits de citoyenneté économique, sociale, politique et culturelle. Voyons plus en détails ce qu’il en est de l’accessibilité aux services.

1.4.2 L’accessibilité aux services

À la lecture du Guide des Services offerts aux demandeurs d’asile (Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, 2017), le demandeur d’asile a le droit d’accès dès son arrivée à : un hébergement temporaire (liste d’endroits et YMCA pour la ville de Montréal), de l’aide pour la recherche de logement, de l’aide financière (sans ressources financières : admissible à une aide financière de dernier recours du ministère du Travail, de l’Emploi et de la solidarité sociale), l’aide juridique et aux services d’un avocat, l’accès à l’école primaire et secondaire pour les enfants et à l’école pour les adultes ainsi qu’aux cours de français. Cependant, plusieurs textes et auteurs soulignent les obstacles structurels d’accès aux services. Il est important de préciser que les organismes qui reçoivent des subventions du gouvernement provincial ont le mandat de reétablissement et d’intégration des nouveaux arrivants et cela ne comprend pas le soutien auprès des demandeurs d’asile. Lacroix (2003) précise que l’accès partiel aux services publics accentue les difficultés des demandeurs d’asile déjà fragilisés dans leur expérience post-migratoire et aggrave les effets des traumatismes pré-migratoires. Selon Oxman-Martinez et al., (2007), ce sont des obstacles qui entravent la participation civique de cette population dans le processus d’incorporation et accentuent ainsi leur vulnérabilité. Des restrictions majeures peuvent s’oberver dans l’accès aux cours de francisation à temps plein, aux stages, aux services de recherche en emploi, au logement social et au régime de santé québécois.

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Lacroix (2004) explique qu’au délà des éléments structurels, certains facteurs mis en avant dans les recherches représentent des obstacles à l’intégration et peuvent donc servir lors de l’évaluation de la situation du demandeurs d’asile afin d’évaluer et de structurer un plan d’intervention. Nous verrons par la suite l’état des lieux des différentes sphères dans lesquelles évolue la personne : à savoir l’accès à un logement, l’accès à l’emploi, à l’aide juridique, aux soins de santé ainsi qu’à la possibilité de la réunification familiale. Ceci nous permettra de mieux en saisir les conséquences autant pour les demandeurs d’asile que pour le suivi psychosocial.  

 

1.4.3 Logement

L’ensemble des articles qui abordent la situation des demandeurs d’asile souligne l’accès difficile à un logement convenable et abordable. Dans un premier temps, le logement est une structure physique qui correspond à un besoin vital (Murdie, 2008, p. 82). Deuxièmement, le logement est reconnu comme l’une des composantes essentielles à l’intégration d’une nouvelle société puisqu’au delà de répondre à un besoin vital, il représente aussi un point d’ancrage fort pour un nouveau départ (Guay-Charrette, 2010). Rose et Ray (2001, p. 498) confirment que le fait d’être logé dans un environnement stable et sécuritaire est un élément crucial, surtout lorsque sont vécus des grands changements physiques et psychologiques. Murdie (2008, p. 82) et Teixeira (2008, p. 255) mettent également l’accent sur le fait que le logement participe de manière plus large à l’intégration économique, politique et communautaire des nouveaux arrivants. Dans l’une des études sur le logement menée par Rose et Ray (2001), ces derniers reprennent les données de recherche de Renaud et Gingras (1998) qui illustrent la situation socio-économique des réfugiés au cours des trois premières années de leur arrivée. Rose et Ray (2001) soulignent ainsi que pendant la période où les demandeurs d’asile attendent leur réponse pour l’obtention de leur statut, ils se trouvent majoritairement dans une situation financière précaire, ce qui les rend vulnérables sur le marché du logement. Le coût des loyers sont élevés pour 40% des répondants et la méconnaissance du marché touche 24%. De plus, l’absence de moyens de transports pour faire la recherche de logements sont autant d’obstacles qui réduisent l’accès à un logement de qualité. Par ailleurs, les auteurs soulignent que ces ménages ne peuvent satisfaire au besoin essentiel que représente un logement qu’en sacrifiant d’autres

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besoins, ce qui ne fait qu’accentuer leur marginalisation socio-économique. L’article de Murdie (2008) examine l’hypothèse selon laquelle les demandeurs d’asile ont plus de difficultés à se trouver un logement que les personnes ayant d’autres statuts comme les réfugiés pris en charge par l’État. L’étude a été faite à Toronto, cependant, plusieurs éléments sont comparés à d’autres villes comme Vancouver ou Montréal. Si les problèmes d’accessibilité sont tout aussi présents dans les trois villes, il ressort que les difficultés à Toronto et Vancouver sont relatives aux coûts des loyers alors qu’à Montréal, même si les loyers sont plus abordables, c’est la difficulté d’accéder à un emploi qui réduit l’accès au logement. Les recherches (Phillips, 2006), démontrent que les demandeurs d’asile s’appuient davantage sur le secteur de location privé, sur le logement social, les amis et les parents afin d’accéder à un logement. Cependant, ces difficultés d’accès au logement peuvent entrainer un risque d’itinérance pour cette population. Par ailleurs, certains auteurs cités par Guay-Charrette (2010, p. 22) parlent d’un processus « d’intégration différenciée » développé par Kuper et Smith en 1969 et repris par Henry (1994) et Murdie et al., (1999). Celui-ci consiste notamment, à ce que les difficultés pour accéder à un logement et plus largement à leur intégration pleine et entière soient liées à leur différence ethnique.

Si l’accès à un logement adéquat et abordable dépend en grande partie de l’accès à un l’emploi, qu’en est-il de ce domaine ?

1.4.4 L’accès à l’emploi

Au Québec, les immigrants connaissent d’importantes difficultés en termes d’accès à l’emploi (Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, 2015). Au Québec comme ailleurs, l’intégration des personnes immigrantes est un défi important afin d’optimiser leur contribution à la société d’accueil. Ce défi est d’autant plus important au Québec, en raison de la langue française. Au total, le nombre d’immigrants actifs a augmenté de 57% au Québec entre 1996 et 2011 et de 40,1% dans l’ensemble du Canada (Boudarbat et Grenier, 2014). Les auteurs notent également que le tiers de l’augmentation de la population active est attribuable à l’immigration au Québec entre 1996 et 2011 (p. 40). Le taux d’emploi en 2016 de la population totale au Canada est de 81,4 % et de 82,9 % pour la province. En

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ce qui concerne les immigrants reçus, c’est-à-dire ceux qui ont la résidence permanente, ils ont un emploi pour 77,6 % au Canada et 76 % pour le Québec. Le taux de chômage des immigrants demeure sous la barre des 10% en 2017 (8,7%). On constate que le taux de chômage des immigrants diminue avec la durée de la résidence (Institut de la statistique du Québec, 2017). La non reconnaissance des titres obtenus à l’étranger, les expériences professionnelles acquises à l’extérieur ainsi que la discrimination et le racisme envers les immigrants de minorités visibles sont les principaux obstacles à l’intégration (Reitz, 2007). Malgré les efforts fournis par les acteurs de l’intégration, les personnes immigrantes en général font face à des contraintes systémiques d’intégration. Le terme de minorité visible correspond à la définition que l’on retrouve dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

Il s’agit de personnes autre que les Autochtones qui ne sont pas de race blanche ou qui n’ont pas la peau blanche. Il peut s’agir de personnes d’origine chinoise, sud-asiatiques, de noirs, de Philippins, de Latino-Américains, d’Asiatiques occidentaux, de Japonais, de Coréens et autres minorités visibles. (Statistique Canada, 2008).

Malgré les chiffres et les constats, le sujet de la discrimination à l’embauche reste controversé. C’est pour cette raison qu’en 2012, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a effectué ce qu’on appelle un « testing » entre décembre 2010 et mai 2011 afin de mesurer l’ampleur de la discrimination vécue par les minorités visibles au sein de certaines parties du marché du travail à Montréal lors du recrutement (Eid, 2012).

En vue de travailler avec une observation détaillée, la Commission des droits de la personne ne s’est pas basée seulement sur la définition législative rédigée par la Charte québécoise des droits et libertés mais s’est également appuyée sur la définition offerte par la Cour suprême du Canada précisant la portée du droit à l’égalité à l’article 15 de la Charte des droits et libertés. Ainsi :

La discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs reliés à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, obligations ou désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et avantages offerts à d'autres membres de la société (Eid, 2012, p. 2).

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Alors que les minorités visibles constituent la majorité des nouveaux arrivants (en 2006 par exemple 64 % des immigrants du Québec arrivés entre 2001 et 2006 déclarent appartenir à une minorité visible), le rapport d’étude démontre « qu’à caractéristiques et à compétences égales, un candidat au patronyme québécois a au moins 60% plus de chances d’être invité à un entretien d’embauche qu’une personne qui a un nom à consonance africaine, arabe ou latino-américaine » (Eid, 2012, p. 20). L’étude conclut que « tant pour les postes qualifiés et non qualifiés, le taux net de discrimination (…) est d’environ 35 %, ce qui signifie qu’en moyenne, un peu plus du tiers des refus essuyés par les candidats des minorités racisées pourraient être attribuables à la discrimination » (Eid, 2012, p. 20). Pour des postes qualifiés, « l’analyse a mis à jour des taux de discrimination d’ampleur comparable pour les candidats arabes (33,3 %) et latino-américains (30,6 %) mais sensiblement élevés chez les candidats aux noms à consonance africaine (38,3 %) » (Eid, 2012, p. 20).

Nous pouvons ajouter à ces constats que la concentration de l’immigration se trouve en effet dans les grands centres urbains tels que Vancouver, Toronto, Montréal. Les villes de Vancouver et de Toronto disposent d’un plus grand bassin d’emplois sur le marché du travail, ce qui en facilite l’accès mais par conséquence, accentue la concurrence et les exigences des employeurs (Reitz, 2007). En parallèle, viennent s’ajouter d’autres difficultés d’ordres structurels auxquels font face toutes les catégories d’immigration. Dans une certaine mesure, on peut confirmer que les obstacles à l’emploi des demandeurs d’asile rappellent ceux des immigrants récents (Jackson et Bauder, 2013). En effet, il est fréquemment souligné par exemple que les individus n’ont pas assez d’expérience en emploi au Canada. La plupart des études démontrent que l’expérience acquise à l’étranger n’est pas reconnue (Reitz, 2007), ainsi un employeur peut se questionner sur la validité de cette expérience professionnelle en dehors du contexte culturel. On souligne également la déqualification des titres professionnels (Boudarbat et Grenier, 2014). Alors que les qualifications des personnes immigrantes sont dans l’ensemble supérieures à la population née au pays, elles sont dévalorisées (Reitz, 2007). En ce qui concerne les revenus, les personnes appartenant aux minorités visibles ont également un revenu inférieur à celui d’une personne immigrante, résidente permanente (Bastien et Bélanger, 2010). Même si nous affirmons que les obstacles rencontrés par les demandeurs d’asile sont semblables à ceux rencontrés par d’autres

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d’immigrants, il est essentiel de souligner que ces obstacles sont plus complexes à dépasser (Jackson et Bauder, 2013). Le fait de fuir son pays dans l’urgence conduit souvent les individus à quitter sans leurs documents administratifs et scolaires exigés pour la reconnaissance de leurs formations (Coates et Hayward, 2005). Au Québec par exemple, les frais d’inscription en tant qu’étrangers dans les institutions de formation, dans les programmes de transition ou encore des études universitaires peuvent également en limiter l’accès. Jackson et Bauder (2013) ont mené une étude auprès de 17 demandeurs d’asile au Canada qui confirme que ceux-ci, en plus de rencontrer des difficultés relatives à l’emploi, en cumulent d’autres en raison de la précarité de leur statut d’immigration. Cette étude visait à développer les connaissances sur les expériences en emploi des demandeurs d’asile, peu documentées dans la littérature. Tous les participants ont déclaré n’avoir trouvé que du travail temporaire, à temps partiel ou à contrat même s’ils sont restés au Canada pendant plusieurs années. Selon ces auteurs, il s’agit ici du caractère singulier de l’expérience du demandeurs d’asile sur le marché du travail. En effet, les demandeurs d’asile continuent d’entrer au pays et malgré leur arrivée en raison principalement d’un besoin de protection et non d’immigration économique, ils continuent de combler des postes précaires et temporaires.

De plus, 14 des 17 participants de cette étude ont déclaré que leur manque de permanence et les stéréotypes associés à leur statut les relèguent à certains postes que la population active canadienne refuse. La recherche de Jackson et Bauder (2013) indique que les représentations et les attentes a l’égard des demandeurs d’asile les conduisent souvent à occuper des postes indésirables, de court terme, souvent sales, dangereux et exigeants. Il est pertinent également d’ajouter que pour obtenir certains postes dans la fonction publique, il est nécessaire d’être résident permanent. Les numéros d’assurance sociale commençant par « 9 » laissent aussi savoir aux employeurs potentiels que les personnes sont au pays temporairement.

Le fait de percevoir cette population en fonction de représentations négatives dirige également les demandeurs d’asile vers un marché du travail secondaire. Jackson et Bauder (2013) affirment que les demandeurs d’asile sont une population vulnérable et exploitable au sein de l’économie canadienne et que nombre d’entre eux sont conscients

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des stéréotypes et des discours à leur égard. Suite à une étude rétrospective auprès de demandeurs d’asile ayant déposé leur demande de statut de réfugié en 1994 et qui l’ont obtenu en 1997, Renaud (2005) démontre que l’obtention du statut de réfugié ne permet pas davantage de trouver un emploi de qualité. C’est particulièrement par l’acquisition de la résidence permanente et donc du changement de catégorie juridique et administrative que les individus se voient offrir de nouvelles possibilités. Plusieurs études dont celle de Pozniak (2009), se concentrent sur les idées et les images prépondérantes qui offrent des réponses à la population sur le rôle et la nature de l’immigration au Canada. En faisant l’analyse de journaux canadiens, il fait ressortir au moins deux modèles conceptuels attribués aux personnes immigrantes. On retrouve les « bons » immigrants, ceux qui sont sollicités par le gouvernement en raison de leurs compétences, considérés comme des atouts et donc perçus comme méritants. Puis, il y a ceux qui ne sont pas sollicités, c’est-à-dire les réfugiés, davantage perçus comme un fardeau pour l’État. Selon l’auteur, ces discours hégémoniques ont un impact sur l’ensemble de la population canadienne et bien évidemment sur les personnes touchées par les discours négatifs, voire dénigrants. D’autres études à propos du traitement de l’information relative aux réfugiés démontrent que les médias concourent au fait de « déshumaniser » ce groupe d’individus (Esses, Median et Mawson, 2013). En effet, les discours à propos des politiques d’immigration, du traitement offert aux immigrants et réfugiés sont parfois conflictuels et peuvent créer un climat agité. Les réfugiés peuvent être présentés comme des « ennemis à la porte » qui tentent d’envahir les nations occidentales. En 2013, les auteurs Esses et al. ont effectué plusieurs observations relatives au rôle des médias sur la déshumanisation des immigrants et des réfugiés. Parmi les éditoriaux analysés, certains contenaient des termes et caricatures péjoratives à l’endroit des réfugiés et d’autres éditoriaux étaient plus objectifs ne comportant pas de jugements de valeurs. Ces études suggèrent qu’en effet, l’incertitude en lien avec l’immigration associée aux nouvelles négatives plutôt que positives peuvent entraîner des réactions fortement néfastes à l’égard de ces groupes, voire leur exclusion du groupe dominant. En percevant les réfugiés comme ne faisant pas partie du groupe, on peut ainsi croire qu’ils méritent la situation dans laquelle ils se trouvent et par conséquent refuser le changement en vue de les inclure. Rousseau (2000) parle de double traumatisme en ce qui concerne les réfugiés. D’une part, elle l’explique en raison du danger et des menaces qu’ils subissent au sein de leur pays d’origine et dans un second temps, en raison du déni présent dans le pays d’accueil par la banalisation de

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Tableau sociodémographique des participants
Tableau récapitulatif des résultats  Zones de  pouvoir  perçues par  les D.A  Zones  d’impuissance perçues par les D.A  Zones de pouvoir  perçues par les I.C  Zones  d’impuissance perçues par les I.C  Stratégies  d’adaptation des D.A  Caractéristiques d’un

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