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Vers une ethnoarchéologie des espaces ligneux L'exemple de la Polynésie occidentale (Uvea et Futuna)

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Environnement, Sociétés, Espaces

Le bois dans tous ses états1

Vers une ethnoarchéologie des espaces ligneux

L'exemple de la Polynésie occidentale

CUvea et Futuna)

Hélène Guiot (UMR ArScAn - Ethnologie préhistorique)

À 'Uvea com m e à Futuna, la question des relations hommes-forêt-bois fut a b o rd é e dans le c a d re restreint de recherches sur les modes de subsistance des Océaniens, l'horticulture et, dans une moindre mesure, l'arboriculture ; elle fut égalem ent évoquée à travers l'im pact de celles-ci sur l'environnement. Le d é ve lo p p e m e n t de l'horticulture serait lié à l'augmentation des populations initiales et à une hiérarchisation croissante de la société. Se pratiquant pour une large part sur brûlis, elle aurait provoqué de graves atteintes au couvert forestier, avec des conséquences sensibles sur le milieu naturel : dégrada tion des sols, érosion, raréfaction des espèces d e la faune et de la flore indigènes. Cette perception du peuplem ent et de la colonisation de 'Uvea et de Futuna s'inscrit dans le m odèle généralem ent a d o p té pour toutes les îles d e Polynésie (Kirch 1997).

En raison d'une colonisation relativement récente de la Polynésie o ccidenta le (début du premier millénaire avant J.-C.), il existe une forte continuité culturelle entre les premiers peuplements et les populations observées au moment du c o n ta ct avec les Européens (fin du XVIIIe siècle). De plus, jusqu'à une d a te récente, 'Uvea et Futuna ont été préservées de contacts importants a ve c les Européens. Dans ce contexte, il devient pertinent de croiser les observations ethnologiques, ethnohistoriques et les informations véhiculées par la tradition orale avec les vestiges archéologiques. C'est dans cette combinaison des sources et des dém arches que s'inscrit notre approche ethno-archéologique qui vise à définir les relations de ces Océaniens avec le dom aine ligneux et à restituer les modalités de l'occupation de leur espace insulaire.

Des recherches sur la construction des pirogues polynésiennes traditionnelles ont fait apparaître qu'un approvisionnement en bois de qualité, d'essences variées, en importantes quantités et sur de longues périodes de temps, était nécessaire à la charpenterie de marine polynésienne (Guiot 1997). Cette activité implique alors une projection dans le temps et une anticipation des besoins futurs. L'arbre n'est pas seulement un pourvoyeur d'aliments mais surtout une source de matières premières, ce qui rend peu vraisemblable que ces Océaniens aient négligé les forêts au point de les détruire par pure im prévoyance. À 'Uvea, l'existence d'une forêt dite taboue, vao tapu, est le symbole même de ce lien qui unit les hommes à la forêt. Strictement protégée par un système de tabous, toute intervention humaine, notamment l'horticulture, y est prohibée et de fortes connotations religieuses y sont associées (Guiot 1999). Uvéens et Futuniens ont d é ve lo p p é un ensemble cohérent de représentations à propos du renouvellement de la fertilité de i'écosystème insulaire (Guiot 1999, 2000): les arbres de la forêt attirent l'humidité atmosphérique et opèrent sa conversion en un principe vital qui permet à l'ensemble des êtres animés de croître et de se multiplier. Un réservoir (le lac d e cratère Lalolalo à 'Uvea et le sommet de la chaîne montagneuse à Futuna) stocke l'eau jaillie des nuages et assure ainsi la régularité de l'approvisionnement en fertilité. Ainsi pour les Uvéens et les Futuniens, il est nécessaire de protéger la forêt. En dehors de ce t espace, les horticulteurs m ettent en oeuvre plusieurs techniques qui favorisent la régénération rapide d'un couvert végétal forestier sur les parcelles mises en jachère : sélection des essences au cours des défrichements, souches non abattues donnant rapidem ent des rejets, plantation de boutures d'arbres à dévelop pem ent rapide (Guiot 1999, 2000). En règle générale, les forêts anciennes ne sont essartées qu'en cas d'extrême nécessité. C'est pourquoi la théorie selon laquelle, dans ces îles, la présence d'une lande à fougères (foafa) serait le résultat de la dégradation de la forêt

1 « Le bois dans tous ses états », groupe de travail sur le bois e t i'archéologie. Com pte-rendu de la journée du 10 mars 2000. Journée organisée par Claire Alix e t Hélène Guiot, dans le ca d re des thèmes 1 et 3 de l'UMR ArScAn.

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Environnement, Sociétés, Espaces

om brophile par une surexploitation horticole (Kirch, 1994) semble peu probable. Elle est d'ailleurs remise en cause par des études phytosociologiques : le toafa se serait formé au cours d'épisodes secs durant le quaternaire et l'homme serait, tout au plus, un facteur de son maintien sans avoir provoqué sa form ation (Brisse et Hoff 1990). D'autres phénomènes naturels aux conséquences sensibles sur l'environnement sont rarement pris en co m p te dans les modèles : séismes violents provoquant le basculement des îles, des glissements de terrain et des détournements de rivières; cyclones et sécheresses récurrentes liées au phénom ène El Nino affaiblissant voire détruisant la végétation.

Suite à ces observations, l'objectif fut de rechercher sur le terrain les traces d e c e tte gestion d e l'environnem ent: en 1998, une prospection a permis de localiser les vestiges du mur délimitant le vao tapu (Guiot 1998) ; en 1999, au lieu-dit Laulua, au coeur du vao tapu, a été relevé un site (plate-form e rectangulaire empierrée, pentes am énagées) qui présente toutes les apparences d'un espace lié à l'ancienne religion, peut-être à des rites de fertilité, en toute cohérence avec les faits déjà établis sur le fonctionnem ent des espaces forestiers de c e tte région (Guiot 2000).

Il s'agit à présent de déterminer l'ancienneté et l'histoire du vao tapu et des structures afférentes, témoins d'une gestion des espaces forestiers. Des fouilles archéologiques (mur encerclant le vao tapu, p la te ­ forme et structures adjacentes de Laulua), des sondages et des prélèvements (pédolog iques, géom orphologiques, anthracologiques, palynologiques...) tenteront d'a p p ro ch e r l'histoire de ce tte forêt et de reconstituer la flore et l'évolution du paysage. Enfin, la collecte de tém oignages de la tradition orale se rapportant au vao tapu sera poursuivie.

Éléments bibliographiques

Brisse H. et M. Hoff 1990. Contribution à l'étud e des g ro up em en ts v é g é ta u x des îles Wallis et Futuna. D o c u m e n ts

p h y to so c io lo g iq u e s , N. S., Vol. XII, Cam erino.

Di Piazza A. 1992. Les bâtisseurs d e jardins. E thn o-arch éo log ie du p a y s a g e d e Wallis e t Futuna. D o cto ra t d'U niversité (N o uve au R égim e) en Préhistoire-Ethnologie-Anthropologie, Paris l-Panthéon-S orbonne.

□ Piazza A. e t Frim igacci D. 1991. A thousand years o f g a rde nin g : a history o f subsistence on Futuna. Indo-P acific Prehistory

A ssociation Bulletin n°U , p. 124-140.

Frim igacci D. 1990. Aux tem ps d e la terre noire. E thno-archéologie des des Futuna e t A lofi. Peeters-Selaf, LCP, Paris. Frim igacci D e t ai. 1995. Un poisson n o m m é Uvea. Eléments d'ethnohistoire de Wallis. HIS 12, CTRDP, N o uve lle -C aléd onie. Guiot H. 1997. W aka e t co n s tru ctio n n a v a le : m obilisation d e l'e n viro n n e m e n t e t d e la s o c ié té che z les a n c ie n s

Polynésiens. A p p ro c h e e th n o -a rc h é o lo g iq u e . D octorat d'Université (N ouvau R égim e) en Préhistoire, Ethnologie e t

A nth ropo lo gie , Poris l-Panthéon-S orbonne.

Guiot H. 1999. Forêt ta b o u e e t représentations de l'en viro nne m en t à 'Uvea (Wallis). A p p ro c h e e th n o -a rc h é o lo g iq u e .

Journal d e la S ociété des O céanistes, n°107, 1998, p. 179-198.

Guiot H. à paraître. G estion traditionnelle des espaces forestiers à Futuna (Polynésie o c c id e n ta le ) : co n te n u idéel e t pra tiq u e s associées, Journal d e la S ociété des O cédnistes, juin 2000.

Kirch P. V. 1994. The W et a n d the Dry : Irrigation a n d Agricultural Intensification in Polynesia. The University of C h ic a g o Press, C h ica g o , London.

Guiot H. 1997. The La p ita Peoples, Ancestors o f the O cea nic W orld. Blackwell Publishers, C a m b rid g e , USA.

Discussion

Les nombreuses questions suscitées par cette première intervention ont am ené la discussion à s'orienter selon deux axes qui, sans trop de surprise, reprenaient les deux thèmes du jours : dans un premier temps, le matériau et, dans un second temps, les espaces forestiers.

Sur le matériau bois les questions ont concerné les niveaux des sélections (m écanique, sym bolique, individuel) effectuées dans le choix des bois de construction des pirogues (I. Théry, A. Dietrich, C. Orliac, C. Tardy), les techniques de construction (A. Billamboz), les types de matériaux végétaux utilisés (bois, feuilles, fibres : C. Orliac), la consommation en bois (I. Théry) et autres produits végétaux de la charpenterie de marine (durée de vie et d'utilisation des pirogues : A. Dietrich) et des autres activités polynésiennes (construction des maisons, combustible, pharm acopée, production d'étoffe : S. Thiébault, C. Orliac).

Les questions ont abordé égalem ent la nécessité d'une gestion des matières premières ; son a s p e c t symbolique par l'existence de forêts taboues et protégées, expressions même de la relation hom m e-bois (C. Kariin); com portem ents et pratiques liées à ces forêts taboues (y effectue-t-on des prélèvements d e végétaux à fin de plantation (C. Tardy) ? S'y fournit-on en matériaux végétaux ? Dans quelle mesure ces prélèvements sont-ils destructeurs (C. Alix)?); biomasse ligneuse et proportion d'essences utilisées (S. Thiébault, M.-C. Marinval, C. Orliac); pratiques horticoles et déboisement (le défrichem ent est-il fonction du statut foncier de la terre, des besoins ou des essences ? Quel usage fait-on des bois abattus ? S. Thiébault),

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