1 ) •
-
.
Jôséd-Doris Larche•
'\.Etude tantasmatique et fantasmaqorique des Contes Cruels
• f' • M.A. French "
/
l'(
i . ",1
.
1..
/
, ' JIVILLIERS nE L'ISLE-ADAM: ETUDE
FA~TASMATIQUE
.
)
ET FANTASMAGORIQUE..
by , -Jo~ée-Doris Larçhe/1
A Thesis Submitted tothe Faculty of Graduate Studies and R~search
McGill University
"
'in p,art.îa1 fu1fi1ment of the requir\~ments
for the degree of'
Master of Arts
,
.
Department of'French Langu_age and Li cera ture,
, , .~ March 1978 1 • 1
cJosee-Doris Larche
1978 J ù ,.
, " " o 1 l ,i.' " l. , ,
.
.
' l, {' ~ ~' N ~l
f
[7 c-pép2rternent de Langue' eL d~ L~ttérature f1ançaises Ma·îtrlse ès Arts Josée-Doris LarcheVILLIER: DE L'ISLE-ADAM: ETUDE
'FANTAS~'
ET FANTASMAGORIQUE
o RESUME
L'ensemble du fravail~qui suit a pour but de ~elier
~ ,
une partie spécifique de l'oeuvre de ,Villiers de l'Isle-Adam
(les Contes cruels) à ce qu'il est désormais?convenu d:appeler
, 0
la littératüre fa~tastique.
/
Le pr~sent mé~qire f9l t donc appe~ à un cQrpus précls
et li,:litéi précis, car il fait,abstraction des formes poétiql,les
et théa tra les de l'oeuvre villi .§renne, lesquelles ne s t appare1\-!
tent
,
fantasmagoriques,. obJet premIer de
notr.e étude i car i l se borne u0lquement aux Contes cruels.
~
Qu'est ce que la Littérature fantastique? Les Contes
.i
cruels de Villier de l'Isle-Adam répondent-ils aux normes du
II-fan tastique" . uels fantasmes se cachent derr ière ces écr i ts?~
voilà les'questions auxquelles nous tenterons de,répon-dre:
~ ... - ,,- -""'-,---. _ _ .. _._IPC ...
_* __
· ... ·
...
-· ....
t ... _ _ _ ... '_.IIIi07I ... m,.."., ... ' ...i._-__ '
, /
o
. l 1
\'
(.
1/ " , ,'Of / Department of French Language and Li j::era ture ... Master of ÀrtsJosée-Doris·Larche
VILLIERS~DE L'ISLE-ADAM: ETUDE FA~ASMATIQUE
ET FANTASMAGO,RIQUE
-!
~
'0
~
The following ,paper's obj~ctive is to relate a specific
part of Villiers de l'Isle-Ada~'s works (contes' cruels) with .
'r
"-what is commonly' named "fantastic ,literature".
rhis thesis is based on'a very precise and limited
..
'1
corpusi precise, because aIl poetic and theatrical forms of,
JI " '--....
Villiers' wor~s-ar~ abstracted and are not,rèlated to
fantas-, ,
.magorical structures, first opject of .our studYi li~ited, for
it i8 only interested in the Contes cruels.
what is fantas'tic literature? Do Villiers' Contes cruels really answer to the "fantastic literature" norms? What
kimd of ,fantasies are hidden bebind these writing? ,
We will try to' answer the~e' questions, in the
follow-ing,
"
i
1
(
,,
, " ' ..-. INTRODUéTION ". .-. . . ': . r
I~C~apitre premier - LA, LITTERATURE FANTASTIdPE.
i 1!
La
l~ttérature fanta~tique §el~n ~. To~orov
\ .
Tentative de définitlon de-la littérat~re
fantastique et de son principal thème: "
la Peur . . ' . .' . . . '.
La fonction sociale de la littérature fantastique • . . . .
•
-.. ;,. "
..
Chapitre deuxième - ETUDE FANTASMAGORIQUE ET ,STRUCTURALE
1 •
1
5
, 14
-~J
DES CONT~ CRUELS. J 32
véra. . . ..- • • I l · • • •
Le Convive des dernières fêtes.
L 1 Int~rsigne. ' . . Duke_~f Portland.
,.~.
2. . . . . Ensemble 1. Ensemble Ensemble 3 • • • • • .A/Bic
..
~ Ensembles t Influence de Po$..
'.
, '.
.
.
,Prolongation et signification culture~le d~s
Contes cruéls _, • . . .
.
.....
CONCLUSION. .
".
BIBLIOGRAPHIE. f i i 36 43 51 , 60 ", 65 72 80 83 94 100 ( 122 p 1 1 J!
r
1
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1
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..---~--...--_
.. ' " " - -..'.
,,..I~
" ,(
"c
\ ", I:NTRODUCTI0;NLorsqu'on
éc~it, que~
que~oit
le sujeton, ne fait que parler de so~-même
"~,
,
..
J. Cette phrase dé Villiers notée sur un
carne~ht~e
,p,
semble le oint de dêpart préféré à toutes les études, les
Il"
biographies 'éerites a ujet de V~lliers de l'Isle-Adam.
, ,
pourquoi? Parce qu'excessivemen 'scret sur 'sa vie privée
et SUL-ses théories littéraires, une "biograp
~ b complète et
défin'itive de villiers de l'I'$le-Adam reste à écrire".l
-..-..----, Ainsi tout ,analyste désirej.Îx de, connaître Vi,lliers
'
-se doit de re'férer èn premier lieu i ---...---_____ .. à' son oeuvre puisque,
1
seion: 'la propre,.pensée
-a:è
---notre auteur,, ,
,~---,
.,
/~~---.
elle est en rapport
direct et absolu avec sa vie'.
-Quel est donc le but de cette, oe'uvre? , 1 Tout d ,'àhord, -,
la dénonciation de la bêtise, de la corruption, de 19 sottisé
lJoseph Bollery, Correspondance générale de Villiers
de i rrsle-Ad4m et documents inédits, Tome premier ~~ercure de
France, 1962), p. 8. ~')
1."
>,
(
, )
2
-
,
et du pouvoir de, l'argent.
,
En second lieu" la révélatl.on de la pQilosqphie idéaliste, du christianisme, de l'occultisme,
du spiritisme, de l'idéalisme mystique. Ce mystiçisme qui
)
élève vers l'Eternité, crée un goQt pou~ l'exceptionnel, le
•
surnaturel à tel point 'que les symbolistes en viendront à
.. J ' ..
l '
considérer Villiers
~omme
unprécurs~ur
du mouvement.Paral-lèle~ent, VillLers annonce qulil s~ met à ,é~ri:e à la manière
'de Poe dont il connaît l'oeuvre de' mémoire gr§ce d' uhe part,'
à la traduction~française qu'en a faite Baudelaire. )
tant
La très grande influence de l'auteur des Histoires
/
dinaLres naît et c ,lest, à ,n'en pas douter ~ à cet
ins-~~
de Villiers de
l'Isle-Adam. Ainsi, en 1883, des Contes cruels
~ dont, nous le ,verrons un peu pl~s
--- '
,
"
!
~~illiers
semble avoir eu quelques difficultés às'i~
un---~
ordre déflnitif de contenu.
f'e présent mémoire aura do?'c pour but d' analyse'r non pas toute 1 "-;oeuvre de Villiers mais dEq la réduire aux Contes cruets tels ,que définitivement classés dàns l'éditton de
1
P. G. Castex. Ces contes seront ~tudi~s selon un point de
vue sélectl.f, c'est~à-dl.re selon l'aspect fantasmatique et
...
\
\
\
(
.'.
\
(
3
fantasmagorique. Mais pour ce faire, une question de bas~
devait être posée: qu'est-ce q~e la littérature
fantasti-~
que? Pour cette approç~e d'une définition d'u fantastique,
nous insisterons surtout sur l'Introduction
.
à la littérature1
fahtastique de T. Todorov, "Des Formes fantastiqueslaux
,
thèmes fantasmatiques" et "Notes sur le fantas~ique (textes de
é . ) . 'J 2
Th ophile Gauthler " de J. Bellemln-Noêl. Un thème
priori-o
taire, la Peur (rel:j.é au ['Cas Unheimliche" de Freud 3 ), s~ra
issu de cette , ten~e , et d~viendra le/thème-moteur de la
\
littérature .fantastique. _ En dernier lieu, i l s'agira, quant à sa gen'~se, de replacer le fantastique dans sQn· contexte social et d'en découvrir sa fonction.
IT.
Todorov, Introduction à la littératurefantasti-que (poétifantasti-que/Seuil, 1970). u ~
'2
J. Bellemin .. Noêl, "Des Formes fantastiques aux thèmes
fantasmatiques," Littérature nO 2 (mai 1971), pp. 103-118;
"Notes sur le fantastique (textes de T. Gauthier)", Littérature
nO 8 (décembre 19~2), pp. 3-23.
3S . Freud, "L'Inquiéta~te Etrangeté" J"nas Unheimliche")
in Essais de psychanalyse appliquée (Gallimard, coll. Idées, 1971), pp. 163-210.
;
_ _ ... _.'b .... _ ... ~. _ _ ... ?"_= _ _ _ _ _ _ _ . __ ~ __ .. __ _ __" __ ... _~_
-('
..
"-'\'f
'<"
~..
4La dernière partie du présent mémoire aura 'pour but /
d'affirmer ou d'i,nfirmer si Villiers esb un cdnteur
fantas-tique et de dégager la prolongation et signifioation cul tu-
..
l
relIes des Contes'cruels. Nous essaierons alors de savo~r
s ' i l est satisfaisant ou non d'avoir recours au Das
Unheimliche quant à l'interprétation des thèmes fantastiques
de Villiers.
"
, ,
' =
---IAuguste comte de '~
cruels et Nouveaux contes
V.illiers de l'Isle~Adam, Contes
cruels (Ed. de P.-G. Castex,
~~~~~--~~~~--~~---~--~ Garnie'r Frèr~s , 1968) .
l_.~
___ . ___ .
__________
~.
________
~,
~ __ . ~"'d •••
.
, I~, ,'~ :'"1 , \,,~
t : s •• * .. pt; - ..i-1
"q(
(
)
CHAPITRE PREMIER 1 \ LA LITTERATURE FANTASTIQUE " ")
La littérature fantastlqUe selon T. Todorov
Les frontières de la Ilttérat~re fantastique Qnt tou-'
joursoété pàrticulièreH\ent flexibles. Qu'on songe tout
• l . , \
simplement à cette observatlon tirée de la Li~térature
fan-tastlgue en France de Marcel Schnelder~
'[f.-Les pastorales magiques du théâtre, ~aroque,
les cont"es de, fée 1 la croyance aux espr ~ ts
élémentairep, le roman noir, le merveilleux,
le frénétique C • • • ) ont tous en commun avec
le .fantastil\Iue, le mystère e1;; le dépaysement,
sans parler~de la Ilttérature occultiste. l
."
Cette conception peu ~igoureuse de ce genre littéraire ~eut
faire croi,re qu 1 être écrivain fantastlque, et nous
carlcatu-rons à peine, ese synonymé de créer des "situations insolil:es",
introduire des "diables" ou "une nappe de brouillard" dans
le
texte, être troublé de~ant "l'incommensurable" et se sentir
1
.
' . IMarcel Schneider, La Llttérature fantasttque en France (Paris, Fayard, 1964), p. 13.5
•
. ~...
..
" , , ().
•1
6 "~I-des affinités avec les auteurs noirs o~ maudits, tels les
maîtres
~offman,
EdgarA~
Poe et H.P. Lovecraft.Mais p,:mr ,qu l,un recueil ·soit qua;Lifié de recueil
fan~~eL il importe qu'lil soit conforme à une certaine
- -
---norme du ré.e·it fâr;tastiqu-~ 'et -n~ pas tout s implelll~nt qu'il '
1 soit
même
ento'{é d', un
un
Ireu~et
de"halo" 'insolite"t·ou qu'il soit construit à
"mystères," .
Mais comment définir une norme qui caractérise ce
genre l i ttérai:r::.è? q\:lels sont les critères <'qui pe'rmettent
d'apposer le tampon" "fantastique" à un récit qui, ci\rconstan-;;
J
ciellement ou chronologiquement, se relierai,t beaucoup mieux à une aut're école littéraire ou un autre courant, te.l le
sur-''''
réal1sme, le ~ymbolisme ou le ro~antisme?
Dès
i~
début de ,son7l:0ducti~
à la littérature•
~---~---fantastique,l T. Todqrov
procèG~Jà
une sorte de définition)~ 0 ,
formelle du g~nre, défini tiçm qui~"~le rn,ér'i te d'être la
pre-t"
~mière approche systématique' en- ce doma,i."ge. Retenons les deux
\ ITodorov, troduction à la litt~ratur~ faritasti ue .
o , , .... , , '. ---d' ,
..
, 1 of •/
(
,
( ') 1 0' f'.t-/
-~ - , -<, " -1 iJ 7 - t / paragraphes suiva~ts: i -f "..
Dans un monde qui est bien le nOtre, celui que nous connaissons, sans diables, sylphides, ni
. d . J-r é" t ' t
vamp~res 1 se pro u~-e-z
un
venemen qu~ ne peus'expliquer-par les
±~is
de ce même mondefami-lier. Celui qui perçoit l'év~nement doit opter
pour l'une des deux solutions possibles: ou
'bien' il Si agit dl une --X--1lusion des ~ens, d'un
produit de l'imagination et les lois db monde
re~tent alors ~ce qu'elles sonti ou b:be~l'évé- '
nement a véritablement eu lieu, i l est partie ititégrante de la réalité, mais alors cette
J
réalité est régie par des lois inconnues de
nous. Ou bien lp. diable est une illusion, un
être imaginaire: ou bien i l existe réellement,
tout comme, les autres êtres vivants: avec cette
réserve qu'on le rencontre rarement.
1 .. ... :;~
r,'-. Le fantastique occupe l'è temps de cette
inéer-titude; dès qu 'on cho-i'~it il une 'ou l "autre" 1)
réponse,'on quitte le fantastique pour entrer
dans un genre voisin, ~~~trange ou le merveilleux.
Le fantastique, c'est l'hésitation épr,ouvée 'par
un être qui ne connait que les lois na'turellrs 1..,
face à un événement en apparence surnaturel. ,
Jean Bellemin-Noêl écrira par la suite:
p. 29.
L'irrésolution de la situation ou du lecteur es~
le pivot ~u fantasmagorique. Todorov la baptise
"hésitatioI}lI, Freud parlait déjà "d 1 incertitude
intellectuelle". 2 _ -.
-?-•
..:..;.
t
- ... ,t.-.
,
ITodorov, Introduction à la littéràture fantastique~
~
2Bellemin-Noêl, ,rOes Formes fanta"stiques aux thèmes
fantasmatiques 11\ p. 4.
1
(
1 \, !
•
(~
( 1-8, \ \l-'
--.---Tout l'intérêt de la théorie de Todorov est directe-ment r.elié au fait qu'elle définit le fantastique d'après une appr,oche formelle et non point d' après une analyse du
contenu, comme ~e fut le cas antérieurement.
En effet, l'auteur ~de l ' Introduction à la
littéra-ture fantastigue considère en premier lieu que la
caractéri~-tique de base, la caràctériscaractéri~-tique-substance . qu~ permet de
~ ,
~ 1
décer'ner le qualificatif "fantastique" à un texte ou récit
~\ "
h'est ~utre qu~ l'hésitation face à rin. fait hors de
l'o~di-naire, face à un phénomèn~ ~ Ce phénomène demqnde une" option,
une solution-explication à tendance "naturelle" ou
surnatu-r,elle,fI. Les solutions naturelles regrouperont les réei ts qui
relèvent de l'Etrange' el: les solutions surnaturelles r,elèveront
du Merveilleux, C'est, sur la' ligne de partage où règne
\ #
l'hésitation que se situe le fantastique puisqu'i~ apparaît
.' ,
clairement qu'à r'arr~vée d&,l'étran~e ou du ~erveilleux, il
y a disparition qu fantastique, car le fantastique se situ'e
dans l'entre-deux. Ains'i Todorov:. peut donc conclure que
l'autonomi,e du genr'e fantastique dépend d'un fa,it selon qu'il
, "
relève ou non de la réalité,'
1
•
1
," , '
/
.' I} 9 ", ...,-_tpeux personnages--le narr~teur et lé'protagoniste--,
deux personnages'qui se fusionnent en un seul: l'auteur,
,
font ici leur apparition. Bien que le narrateur et le
pro-tagoniste rôle, ils
aie~t
lam~me
identité, ils ne j)uent'pasl~
même,ont des
caractéristiq~es
distin1tes. Le narrateur,1 l '
explique, ana~yse, commenté d'une certaine distapce tempo-,
"
relIe et spatiale ce que le protagon,iste-victime a vécu. tl
le falt de façon à tromper le lecteur qui doit' croire au fait
.
•vécu et rapporté. Si le protagonis te raconte ce qui lui est
arrivé, .fe changement de temporalité entre le momen-t du fait
vécu et du fait racpnté implique un transfert de rôle :' la
\
victime narrant le fait qu'elle a vécu devient ainsi
narra-- 1
teur. Ce dçmble rôle---!usionné en
~n seul--r~coupe
alorsl'hésitation da,base du fantastiq~e: le narrateur analysant
'Ide sang-froid une, sliuation donnée peut en effet se
permet-,
tre d'apporter les éléments qui orienteront vers une, ,
exp~icatiqn.~ation~elle et qui relèv~?t,de l'Etrange. La
victime, personnage -distinct, émotionnellemertt déséquïlibrée,
ne peut que croire à un rêve, à une hallucination. _Une
j~stification surnaturelle" qui relève du Merveilleux lui
semple la ae~le justification possible d~ ce qui lui arrive.
Bi'eA qu' iss,us1 dE;l la plume du même auteur,
l~~
deuxc~ractères
/ ..--' , 1 i 1
1
1
1
~
•
10.
.
1 \, : ' ) , " , , ,autonomes que sont le narrateur et le protagoniste proposent ,
.'
p~r ieur Il ~onct'ion" différente deux points de vue opposés ~ .
_ '.r~
19 , 1 '
Il Y a donc p~ésence d'hésitation, palancement entre une
:t
réalité et une illusion, oscillation entre deux optio~s: il
y a donc présence ,du fantastique:
.
'"
le cas du fantastique, à 1 'd:pposé est un
cas typique (. • .. ) 9Ù le' narrateur est
-le héros; je m'interroge sdr ce que je
racon te e t qui'~ m'es t a-rr i vé .• 1
.- L '.hésitation face à uné explication à justification
na'turelle ou surnaturelle entraîne, et ce parallèlement, deux
formes ou séries de questions: d'une part, le protagoniste
S 1 interroge" sur le sens -de la situation .émotionnelle, intel ....
- •
'!...-lectuelle, physique, etc. qu'il vit et, d"autre part, le
narrateur st interroge s1:1r la pbssibilité qu'une telle s'i
tua-, \,
tion se présente. Les deux rôles qui procèdent d'une même,
identité par l'autonomie de leurs caractères permettent ~a
o vraisemblance du récit.
Mais si la solution-explicatiQn se justifie d'une . façon très nuancée, Todorov propose un diawramme de quatre
,
.
IBe1lemin-N~~n, "Des Formé's fantastiques aux thèmes
'fantasmatiques," p. 109. ~:--;i' •• / -'-- -~---:--, !
\
ri ,,
,(
1/
-
, ,le
I l
/
d~visions ,(étrange pur, étrange,
fantastique-v , " J
'merveilleux, 'merveilleux pur), qu'il convient de c'omrnente'~,
~;
à l'instar de Bellemin-Noêl, comme une facilité bien
sédui-,f
,sante à s~je,ctiviser les c~itères qe façC?Jl.}l ce qu'ils •
~
caractérisent tout aussi"bien une tendance"SIu'une autre.
,
Ainsi, l'on refuse une ~éfinition bien délimitée d'un genre
spécifiqu'e.
, ,
Tentons maintenant une synthèse de la théorie de
, ~ - Il • 1
Tbdorov. Tenant compte du fait que ,le merveilleux proéède
d'une' justification ~urnatur~lle
et
le fantastique d 'u~ehésitation à choisir telle ou telle forme de justification
aui
P?~n.omènes, empruntqns à BelLemin-Noêl sontableau-- '~, \ . 1 synopsJ.s: ,i IIbid., p,; 114. " \ ' , ,"', 1 \
L ______ . ______ ·"· __ ---'-'
-'i_'
,
'F Il ,- . - j1
(
, !(
• 'f 12.
Fantastique MerveJlleux Science-Fiction
c
" '.
Point de vue je/il (moi) il (= 'on) je (il = il)
.-
-
\Type de ,', coritrapunti- "mon idique" tous t~pes
narration que et et linéaire acceptés ,
alternée
-
,
Rapport fausses
..
J pas de descriptionnarré/écr i t descriptions description d~:mnée par
.
(suggëstion~ (connotation narrationpoétiques) de symboli- ~
1 \ ques)
.
Procédés de coexistehce . pas d'effet tout est effet
réalisation 'des effets de de réel de réel
- réel ou de la 1 fuite dans l'irréel ,
.
l, ."On voit que dans le merveilleux, i l y a
Il'non-_ 'f
représentation du lecteur" 1 les' événements se racontartt
d'eux-mêmes; le fantastique, pour sa part, engenare un.
narrateur dont le héros s'interroge sur ce quï lui es~
arrivé, alors qU'antithétiquement, et nous fe verrons dé
)
'façon plus détaillée plu~ bas, la science~fiction exige un
\ 1
psint de ~ue impersonnel. Ce point de vue demande la
1
représen~ation du lecteur a~tour d'un témoin-rédacteur, ce
f
qui entraine le pa::;sage du subj,ect,if à l'objectif.
( ) .' Il , '" '
, j
,,
'-.' ., " 1 ' ~----'---_ _ ""_"",r''''''''--'';''>' ,L. •• '.",'-_. _______ ' __ " f·
.. ,;/ .'(
/ " '. , -.. ~ ~, \ 13 ,<,( Que peut-un conclure de l'~ntreprise de Todorov?
~
Elle est sans doute un utile exemple d'analyse dans la
-mesure où elle détermine le, genre. fantastique d.'après, n~"~·i').
pas une classification thématïque, selon un cad,re dans
lequel pourrait s'inscrire le discours fantastique. Todorov
.
.s'est bie~ sÜr permis une classification thématique et ses~
~S'
thèmes SORt groupés sous une fo~me très arbitrair~ et très
-touPIe. Pourtant, cette théorie a le mérite di'être plus
développée que les autres taxinomies qui la précédèrent, ri
précisément parce qu'elle ne définit pas la littérature
fan-,
-tastique d'après le seul critère thématique.
,~~effet, Todorov a t~nté de trouver une origine
~onunune
.
aux différents récits fantastiques (l'l:i.és'itation) et.
de soumettre toJt texte fantastique' à une
~pproche
JIpsycha-na lytique . Ainsi, certains souvenirs~ d' enfance inquiétants
è
. (tension) seront fusionnés incons~iemment à des situations
fictives dans lesquelles, sous le couvert d'instincts
subli-
...".-. més, on laissera resurgir ses pu1...".-.s1onsri les plus refoulées,
les plus secrètes (laxité);' Il Y a donc ·pos;;ibil,i té d 'alliag~
entre le fant~stique 1 le fantasme l'le faptasma'tique et lè
fantasma"gar ique. , 1
l
•
t
1
. !
~---.,.;._ ..._--
,(
/ o l' l ~ ~r
~ ,l ..
t· ~ l, II-" f 'r
~ ~ ~ \fi
i,f
~r
1
.J 14GrâG,e à l'analyse de Todorov, nous pourrons étudi'er, ~ ..
1 - (
'dans la deuxième par~ie de notre thèse ( les Contes <3-ruels de
l !
~Villiers de l i ls 1e-Adam sous un angle à la fois fantasmago-... ,
1
rique- et f~ntasmatique en nous appuya,nt sur le Das Unheimliche
, t
de Freud. La démarche de Todorov, même si nous ne la
sui-vrons pas "in tex:to"! ,
no~s
guidera trèsutileme~t.
Tentative de définition de la littérature, fantastigue
et de son principal thème: la peur
Le fant'astique, c'est l'hésit.ation éprouvée pa-r'
un être - quL,'ne connaît que l.es -1ois naturelles ,i
face à un événenent en apparence su~naturel.l
.
\Dans le deuxième chapitre Ide l'Introduction à la
litté-rature fantastique, Toàorov açcorde une importance primordiale ) ,
à l'hésitation, pierre de touche d'un récit fantastique. Il
semble que, cette initiative soit pertinente, souple, flexible:
~près ,un examen plus minutieux, on doit, cependant constater
qU'elle _.se co-lore d'une 'teinte faussement restrictive ca~ "
i
bien souvent, les ... p.rotp.gonistes qui yivent un phénomène
" \
... ,
ITodorov, Int~oduction â la littérature fantastiq~e,
P,_ 2'9.
~
....
,-- _ _ .. _... _ _ _ _ _ _ 0-... _ - ~T • ~--... -- -~
,-~-"
•
(
15fantastique connaissent les lois Eaturelles et consid~rent
les lois surnaturelles. Les exemples ne manquent point.
Pensons au personnage de Randolph,carter, héros de H. p.
l
Lovecraft. Par le biais de ce héros, Lovecr~ft ne nie ni
.,c:
le naturel, ni -le surnaturel. Il respe<;=te et n'oublie'
jamais ces deux ordr~ de possibilités, mais il ne'voit
•
dans le surnaturel qu'~ne infiltration dans le récit
fantas-tique, in~iltration tout aussi inadéqu~te que le ,naturel.
D'ailleurs, dans E ouvante et surna rel en
litt~ra-~, Loveëraft explique au le'cteur que l'insol'ite se doit
d'être indépendant pour qu~il y"ait fantastique même si
~l '
l'insolite prend pied dans le quotidien:
raturé
h . - 1;
Il fa,ut remarquer que ceux qui croient aux puissances occultes sont ep fin de compte moins "effidaces que ceux qui n'y croient pas,
quand il 's~agit de décrire le monde des
appa-ritions et du fantastique, car il leur est s~
fàm{lier qu'ils en parlent avec moins de terreur ou d'une manière moins marquée ou moins impressionnante que ceux pour qui il constitue une violation absolue et terri-fiante de l'ordre naturel. l
.' '. "
1"
H. P. Lovecraftl Epouvante et surnaturel en litté-i
(10/18, 1969)1 pp. 16 et 17. '----~--... ~ .. ~
,
, 1 j..
'1
,(
! '"
) 16Le fan~astique se dissimule alors dans l 1 événement q~i fuit,
à la fois, le naturel et le surnatur~:d. và11à pourquQ,i il
, 1,1 i' l ,
serait .erroné de réduire le fantastique au jeu du réel et de
lli~agina~re.
A1nsi, 'le fantastique se définirait non potnt'.
-d'après l'hésitation ~tre une option à explication'naturelle
ou su~naturelle, pivot de la théo~ie tod6rovienne, mais de
leur opposition et de leur récusation, in~er,ne et implicite.
Il serait peut-être, bon de'laisser de côté ces·digres-.
sions'théoriques et de tenter de he plus voit dans le
f~n~as-tique qu'une dualité naturel-surnaturel, raison-illusion,-1 •
/ '
lucidit~-folie. Car le problème qui se pose lo~s dlune .
,tentative de circo~scrire·~n genre ~t ~e le définir, cle~t
.
'que l'on abôutit souvent à une théorie 'abusivement dominée
"'
.-:
par un intellectualisme outrahdier. Le fantastique se trouve
, ÎlIII" \ !
donc, dans 'le renversement de l'ordre des choses, que cet
ordre soit n~turel ou surnatur~l: c'est alors, une
impossi-, r
/ ble rupture avec 'les front,ièfes du cdnnu. Le monde n'est
,plus semblable à lui-même: i l se distend verp le haut ou,
le
bas, devient écrasant tellement il est chargé'd'uneinsoutenable présence de ~I~utre:
" ' " ~ 1 , ., , , : '
!
i '1il,
,,'...
•
17Ft
Alors se produira un renversement par
~
leque~ ce qui est ~n haut se,trouvera
Tn
bas, ce qui est en ba~ se trouvera en
haut.:]..
----Cependan~, n'oublions pas que l'auteur qui écrit du
,
fantastique est, comme tout écrivain, prisonn~\er ct· une
épo-que qui a s~s goQts et ses manies. En ce sens, la rupture
que suppose le fantast'ique S '':lpparente à la folie telle que
définie par Michel -Foucault:
•
Le mal qu'on avait tenté d'exclure dans l'internat réapparaît, poûr la plus grande
épouvante du puJ::?'lic 1 sous un aspect
fan-tastiqué. On voit naître et se ramifier , ~
en tous sens les thèmes du mal, physi~ue
et moral tout.ense~ble, et qui enveloppè
dal!S' cette indéci,sion, des pouvoirs:.confus
de cdrroslon et d'horreur (: . . )'
Toute cette brusque conversion de 1.'
imagina-tlon occidentale h'a-t-elle.pas été aut~risée
par le maintien,~t la veille du fantastique
dans les lieux mêmes où la déraison avait été réduite au silence?2
l ' ' . ,
Gustav Meyrink, La Nuit de ~'valpurgis (Bibliothèque
Marabout Fantastique, 1973), p. 83.
j
2Michel Foucault, Histoire de la Folie à l'âge
clas-sique (TEL, Ga}l1màrd, ,1972), p. 376.'
/
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1
l
-~ -- ---~ ... , .... - _ .... "":_; _tAm..,""... - .(
\
18
~"
dans le fantastique, la situ~tionode départ est toujours réaliste et actuelle ou encore placée dans un
, ,
passé récent. ce n'est qu'une fois posé c~ contexte connu
, ,
et daps une certaine mesure rassurant, que l'épouvante, dont on analysera plus loin la naturre,' fait progressivement ou brutalem;nt son irruption. De~même, la progresslon
de'l'ac-tion est enregistrée par un narrateur ou par un hérbs
'\
spectique. Quoiqu'il en soit, le fantastique
bouscule-.-le-,
---réel et l'ir---réel et, par cette b~usculade, i i donne naissance
à la 'p'eur. ,/
La représentation de la peur est devenue
nécessaire-)
ment très approximative: symbolique ou allégorique l,elle ne'
, ~
renvoie qu'à une tératologie baroque, frileusement répertoriée par les imposteurs du fantastique,' l~nventeurs de récits
c '
qui cqnfondent volontiers l'Imaginaire avec le~, imagination.,
""
,~ ;~
Il peut sembler aUdaciveu~:re mêler à ce poin,t. lè
~
__ FantastiqUe et lape~r. pourta~i;'
ni le Merveilleux, ni le Surnaturel ne sont capables,d'en donner un équivalent, même~~~
assourdi. A~si, l'angoissel»lépouse pas la forme
minutieu-~ ' f
"-, , \ , . --~
'1 ... ..i.~ ~
-sement déc;r i te du èa.f~d de la9'Mê"Eamorphose. Car l'insecte
... l ,'" .... f
Kafkalen qui pourrait
cré';;r~ffroi,
serév~lJ'!_
un'~ ~" : 1 '~ ~'''-t! .~ . ... _ - - . . ... _ " . . , . . _ _ 1
'ri
,
r i , \ l fl
, ,(
(
•
1 ~ ,19intarrissable bavard dont ~'existence n'a
J
I-d'autre laison que 1
à la c~éa tion
fI
o •
de mieux conna1tre "une condition antérieure {.
.,
du morde" . D'ailleurs, nl Drac~21 ni la Mprt Rouge n'offrent
'1
1 1.
\ "
une image satisfaisante de l'effroi i l'un et l'autre sont
le rés~ltat d'une construction cérébrale qui vise,
consciem-~ ,
ment od non, à polariser autour ~e ces fictions' un faisceau
de prés?mptions mythologi es.
1
Pl~ s analystes
---
et p~usieurs \ auteurs ont tentéde
dé~ini~
les différentes\
nuance~ de la peur, d'en
classi-fier les divergences et de
constr~ire
une échelle deIdistinc-" tion entrel l'épouvante, la terreurj, l'horre-ur, e;:tc. ~.
"
Pourtant) sans définir exactement ce qu'est la peur, nous
"':-r
pouv;ons conc~ure qu'elle n'est pas le résultat de' la
mytho->r'
logie, non plus que"d'une exploration de l'~me. Elle e's t: le
•
résultat d'une vision ou d'un pressen~~iment. Elle 5e situe
\
t ""':
au dehors, exis~t.e dans un autre temps, une autre dimension.
~ ,
Ainsi la peur d~Qs le ~écit fantastique ne doit pas
.
son existence du rapprochement de~' inéluctahili té de la mort .
.
-~lle provient plutOt·du contact avec la surnature. De la
redécouverte d,'une valeur Autre qui se, situe au-dessus d'un
renversement et dont la mort est l'occasion. Pourtant, cette
Q ,
-
-~---_
...
---::
...---,----)
'-, "
(
'.(
l"~ 1 ) -,\
,.
20valeur Autre peut aussi se matérialise~ dans la vie. _ En
fait, la-peur est essentiellement produite par le manque
de référents. t Il n'y a guère lieu dé s'étonner que.la peur
,
.
soif la principale et la plus fidèle compagne ,de la littéra-o ' 0 _
ture fantastique.
Le lecteur du conte fantastique frisonne à
l'intru-sion d'une surnature ou d'une valeur transcendante qu'il - \
croyait avoir oubliée et dont il se croyait libéré. La peur
\
. devient miroir dans l'oubli apparen~ de la surnature et d'un
système de valeur. A~nsi, lorsque la conscierrc& du
protago-niste , sa c_onception expl,ici te du !TI0nde ne peut acsepter ou
assimiler un phénqmène, i l y a renv~rsement et étirement du
haut vers le bas et du bas vers le haut. La ~aissance de là
peur devient proportion,nelle' au pouvoir ou a-ti -non-pouvoir
e r
d'intég'rer l'Autre.
Il arrive que le héros ne découvre jamais la natùre
a~ sa peur, ~ais ,+e lecteur la connait. Ainsi
définissons-nou~ la peur comme la terreur particulière qu~ fait nattre
q "
en un ~personnage un p'nénom~ne qu 1 il ne peut absolument pas
intégrer à sa conscience, à sa conception e~{~1icite du monde.
- 'DanJ\
~~
fantastique, .1 'épouvante est un moment particulier1#' , 0
\
\
(
-.
21 ,et paroxystique de la peur, celui de la réi,ntégration
for-cée dans la conscience Cl 'un j'donné n oublié ou refoulé,
surnature ou valeur transcendante.
Dans la science-fiction, la peur 'est présente mais
1
elle n'est pas dominante comme dans le fantastique. Elle
apparaît au même'rang que les autres thèmes classiques tel
l'amour, la so.lidar ité " etc. La terreur, dans la science~
fiction, se développe par rapport
a'
u~ être, un objet etrejoint la terreur de destruction, de la dissolution, de la
\
folie, de la mutilation. si i'on règle le problème, on
o
règle pa~allèlement le ~as de l'existence de la peur.
ailleurs, si on ne le réso~t poiht, alors le héros" est
'détruit et i l laisse le lecteur face au problème.',
Jï>ar
Dans le récit fantastique, le héros ne craint pas un
refoulement qui rev,ient dan~V(e conscient, il ne craint 'pas
vr;tdmen,t la mort, la' folie, bfen souvent, au contraire, l'une
,
et l'autre signifient une délivrance, un moyen bien commode d'en fànir avec l'horreur.
Si quelquefois .la connaissance de sa nature peut sus-·
<1
.
'","citer la naissanc~ de la pe~r, la véritable peur dans la
.
, o\
---~---....---~--:-~, ~ç,---;-~'--'-' ~ ."'IItt./
" IIII
i
(
.(
r' , ,
.
22
science-fiction est souvent celle d~ l'indivïdu q~i se sait ,~
limité dans le temps et q~i 'sait que la mort l'effacera
-~)
irrémédiablement et lui ôtera rétrospe,ctivement toute valeur.-)
Toutefois, la ~cienceïfiction représente non moins souvent
deux réponses originales à cette peur de la mort. La
pr~-mière est que le problème non résolu qui entraine la mort de
l'individu, voire du héros, peut être~résolu.par la
sollec-,y
civité ultérieurement. La vie de 1lindividu, même effacée,
.
-conserve ainsi une certaine valeur transindividue11e. _ .... A _
La seconde réponse, q~i prend la forme d'un nouveau
problème, est que la mort en question peut menacer une,
collectivité entière et non plus seulement un individu. Alors
/
.
la crainte ind;ividuelle se dlssout dl elle-même dans une terreur plus vpste et non moins explicite.
Sans en faire une caractéristiqùe ~ncondltionnelle'
du genre, on remarque tout de même que le "fantastique"
,"
axprime',généralement ses convictions d lune manière
senten-cieuse, donnant alors l'impression de se référer à un système
'"
de valeurs fig~e~, inébr~nl~ble:
. ,
Les héros de Poe sont tous d'une, grande culture, d'une grande intelligence. Un'
héros d~ films d'horreur ne doit pas
o , j
..
.
,.
j it ,
1
J
) , j i,---'1. ;
o(
, "", o,J .. -f,/
! 23 ,."être une sombre brute. Je crois que les
l ,
gens identifient l'horreur avec quelque chose qui est au-dessus d'eux, avec une force supérieure, une intelligence, une
culture dont ils peu~ent se moquer mais
qu'ils craignent e~ fait. l
De la sorte, la fascination fantastique,repose sur un
. ,
préjugé indiscutable ,et correspond à "un ordre des choses"
•
quasi immuable; somme. toute, cet emioûtement est la réédition
,
d'un néo-~ogmatisme·qui, devenu profane, n1en demeure pas
" moins sacré.
/
Mais cette fascination est aussi leçon de
modestie puisqu 'el1e conduit fO,rcément à
mesurer la relativité de la puissance humaine. ,Délimiter le champ d'action de l'homme, c'est en effet aussi' forcément - détecter un domaine incontrôlable de
forces' côntre lesque~le9 l'homme seul ou
même l ' humani té en,ti~re ne peuvent rien.,2
Cette :E?erception, fataliste en soi, s·emble l'aboutissem~nt
inévitable' de l'endoctrinement fantastique: l'homme ne peut
rien sinon prendre conscience de son impuissance.
~-IR. Cormant propos recu.eiilis dans la revue Positif {
nO 59, mars 1964.
2R• Préda1, Le Cinéma f~ntastique (Seghers, 1970);
p~ 11. ,
..
.-!
1
:
1,
. ,1
·1 1(
(
24
Dès lors, on ne peut plus se surprendre de la
conte-,
nance du hérosfnarrateur." On ne peut que c~:mstater que la
peur naît de la découverte de la dissolution des valeurs de
l'homme, de son absence d'importance, de sa "minima l i:t€J) face r:t1
~f!
.... ~ Tl "
à un monde qu'il croyait maîtriser.
Et c'est cette peur qui constitue le véritable thème
,
du, ~antas-tique puisqu"'elle procède du rênversement
nat~re-,
surnature, raison-illusion, refuse toutes dualités, naît d'une
,cohabitation discordante, qui change le réel ~t l'irréel:
Faisant fi de toutes considérations spatio-temporelles, la
peur relie ainsi lés auteurs fantastiq~es entre eux qu'ils
1
soient irlandais tels Maturin, Le Fanu StoKer, ou anglais tel Beckford ou français tels Maupassant, Villiers' de l'Isle-Adam
ou ,Maurice Renard~
,
La fonct;ion sociale de la littérature fantastique
j
Lorsque l~on abord~ la fon~tion de la littérature
fantastique, on doit mettre en avant la no,tion de "social".
En' effet, 'la· sociologie du récit fantastiqu~ cha~rie avec' elle
la connotation d'individu. Cette dualité individu-société
nous conduit à étudier la th~orie ,freudienne ,du Das Unheimliche.
,
,
1
.{
(
o 1 • j 25Cela_c~mplètéra notte brève étude du fantastique en tant qùe
ge~re littéraire.,
1
Lucien Goldman consid~re que le véritable suje! d'une
oeuvre importante est le gro~pe social auqu~l appartient
l'auteur. - L'intérêt du récit n'est alors que le problème auquel se trouve confronté ce groupe social, problème dont
1'oeuvre se présente comme ~ne expression.
.\
La fonction de la littérature fantastique, comme
la-"
fon~tion de ~ous les genres litté~~ires, se d~finit ainsi selon l'évolution,de la société -qui lui es't contemporaine
et dans le rapport entre les différents g~pupe~ soçiaux qui
la constituent. l ,
La littérature fantastique ~ppara!t en effet, dans
-.
la culture occidentale, pendant la seconde moitié du l8e
si~cle et résulte d'une dégradation des val~urs religieuses'
ou encore médiévales.
On
co~çoit aisément qU'il f~il~e unecertaine dégradation des valeurs religieuses ou encore de la
relation de l'homme avec le surnaturel pour que la
litté~a-ture fantastique puisse naître.
,
Mais il faut en même ot'emps admettre encore suffis am-ment les valeurs religieuses ou leur substitut dégradé ou au
\ / , -, !
~---
_ _ _ _ _ iiii'i iôiii-_ _ ff i I I I ' . , _ _ _ 0 ... '« .... ' ... ..:., ... ""~~-~-_"-f_-'~-'-."-_
"',-. -_ ....
~~',
1
'(1
(
26. l
.'
.. ,moins les rsconnattre culturellement pour qu'une littérature
fantastique .soit possi?le. Une soc~été intégralement
reli-,
gieuse ou intégralement matérialiste serai~ incapaRlé de ~,~
comprendre l'intérêt du fantastique.: Ces sociétés pourrai.ent
• , - 1
f
,comprendre intellectuellement le récit fantastique! mais ne
pourraie~t ressentir la peur ou,~épouvante.
De même, dans une sociéte purement religieuse,
li
, ,
récit p~endrait une tournure hlasphématoire et ne
parvien-drait p~s à éveiller l'angois~e .
.
"La naissance de la littérature fanta~tique témqigne
donc d'une 'crise profonde des valeurs médiévales. D'une
, ' J
manière plus précise, la naissance de la littérature
fantas-tique est reliée au dévelôppement de' la société anglàise,
j ~
libérale et bou;rgeoise. , , En effet, Maturin, Le Fanq, Stoker
,et surtout BeckfQrd illustrent bien cette perte des valeurs
médiévales dont nous parlions plus haut.
En'France, la bourgeoisie née de l'industrialisation
'ne s'implante véritable~ent que dans la seconde moitié du
siècle; Villi~rs de l'Isle-Adam sera un des principaux
repré-sentaDts des ~uteurs fantastiques is~us de cette société.
c'
l
0\ 1 il
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11
,l,
(
o 1.(
)}
" t...
27Que démontre alors le récit fantastique?
-Que l'homme
est menacé dans son au~onomie, qu'il a perdu ses valeurs
individuelles posi'!iv:es et que sourd au .. tréfond. de son être
une ihquiétante étrangeté?
.
Dansson Das Unheimliche, Fr~ud accorde une grande
importance à ce "retour du refouléll q"!i inquiète et terrorise.
Pr~nant comme exemple'Hoffman, Freud tente d'expl~quer que
~'émotion s~ transforme en ahgoisse par le refoulement.[ Cet,
J état psychique provoque une tension qui
Je
nourrit volontiers\
de la fiction fantastique. rI revient donc à diré que Clll
même coup, le refoulé fait surface et inquiète étrangement par
J
son imprévisibilité. 1\
--Il ne faut pas, pour
a~tant,lse lai~ser
entrainer'dans. uile, confusio~fac.J.le qui nous pdrterait à croire que le
,II fa'lltastique " (stricto .sensu) n'est qU'une vari.ante ~u Das
Unheimliche ou vice-versa: Bien souvent, dans' un récit qui
s'avère formellement fantastique, on retrouve des th~mes et
une façon de les ~~ploiter qui est étrangement inqu.iétante:'
.' ,
la réciproque ne s'effectue pas automa~iquement. Ainsi, le
Das Unheil)lliche se retrouve dans plusieurs é,crits qui ne relè-,
vent pas nécessairement-du "fantastique".
- \
1
,] 1
f 1 i' o
!
!
i
(
(
- f , 'i;' " 28 " iA titre d'exemple, '\ pensons à la fiction
ghel~ojri-dien~e, plus précisément à ~ortil~ges oü le héros réu~sit,
\ 1
dans la grande maj ofi té des \ contes, à "s 1 expliquer" Ion
\ !
,
.
aventure,
à
se re~onsti,tuero \un "équili~re" éliminan~ :(oucontournant) du même coup
Itl~'inquiétante
étrangeté".\
'Ainsi, le Das Unheimliche demeure. manifes.te dans la
1
1
plupart des cas, mais ces retours du refoulé correspondent
i
-1
1
à des "éléments internes" du récit, à de's séquences
refer-mées sur elles-mêmes.
\
Dans l'utilisation du Das Unheirnliche (stricto
sensu)lune grande. discipline s'impose donc afin de tenir
"ompte de l'irrésolution interne propre au récit
fantasti-que.
, Après ce bref expo'sé, qui avait p~u'r but de tracer
;
l'es frontières délimitant le réci t fantas't~que, se dessine
/"
une 'voi~, unè conclusion que nous essaierQns de-synthétiser.
• 'e
Cette conclusion deviendra l'outil que nous 'emploierons pour
analyser les Contes cruels
de
Villiersdê
l'Isle-Adam.vu,
\
l'
,
La peur reliée au Das Unheimliche s'avère, nous l'avons
' . l,
le, thème-moteur de la littérature fantastique pu~sque ~ous
.
,"
(
(
29
,.--'.
,
les autres thèmes sont communs aux autre~ genres
littérai-res. >
Si Todorov considère que l'hésitation du héros, narrateur et lecteur forme le pivot de sa thèse,
Bellemin-•
No~l, pour sa pa~~, sans refuser cette notion, la complète
en y~~l'élément indispensabl~ q~'est l'inquiétante
é~rangeté.
~~
"
---~
Pourtant, il est impossible de relèver_~une taxino,mie
---
---.
de l'épouvante. Ceci Tevient donc à dire que, dans tout
récit fantastique, le le~teur, -,. face à un phénomène, devant les
(,
données fournies par le héro~ et le narrateur,> peut hésiter à,
,
solutionner naturellement ou surnaturellement le prob~ème qui
se pose. Mais cette hésitation se définit d'une façon théori,
quement, arbitraire, voire intellectüellejTIent subjective.
Ainsi, le récit fantastique n'a encore pas une e~haustive
défi-1/
nition~objective de ,son "genre".
Parallèlement, et l'écrivain ne peut jamais connaître
1
le pr,Oduit de son oeuvre, une p~ur sourde peut envahir.le
lecteur~ mais ce qui' terrifie, terrorise, inquiète, ne relève
p~s d'un procédé invariable si bien qu'après lecture du même
/, , '/ " , t !.
l'
- _____
0 _ . , ';
--.,--~---
...
---. , .,\
30
(
Il
récit, pIusieurs émotions peuvent appara1tre, émotions
qui, dans certains cas, n'ont rien à voir avec'la peur.
Un récit serait donc fantastique selon la peur
res-sentie ou non du lecteur (peur au sens auparavant expliqué)?
~ '"No,n, bien sllr. Un récj.t "est" fantastique, et si le lecteur
ne ressent pas l'épouvante, ce n'est p~s la "faI}tastici;té" ,
' \
-du texte qui doit être refutée, mais la sympathie littéraire
,
du lecteur pour ce genre.,
Une constante doit donc être relevée: tout récit
fantastique se construit autour du héros-pro~agQniste, du
narrateur et du lecteur.
Le
narrateur, position objective,peut ou non, croire au phénomène et ress,entir l'épouvante:
la "fantastic·ité" clu récit n'est pas mise en-dou,te.
, l '
Pour sa,part, le héros-protagoniste, position
subjee-/
.
~, doit croire au phénomène qui se présente à lui, hésiter
,
,
.
devant l'option qui se pose et, de cette hésitation, sentir
,
--
" ,une émotion -qui produit chez lui,' lune épouvante inquiétante' (1
et étrange. Cette peur dont le héros est la victime n'a pas
, 1
1 . ,d'explication et remet en question tout son équilibre émot~f,
1
, \
,
met en jeu sa vie ou sa mort, moralè, intellectuelle, physique,
\ etc. ',1 '1 II
II
1j
l ," '
.
'(
Cette notion qe héros~protagonista-victime, qui croit
'sans aucun doute au 'phénomène qui lui apparaît, est terrorisé
.-<'
par lui, s~av~re le ,critère de base, nous ,semble-t-il, pour
établir le caractère fantas~ique d'un récit. ,~
ressentir les émotions ou le; considérer à distan:e •. Mais il
ne pourra tn~ttre' en doute le désir de l'écrivain d'avÇJir voulu
créer un héros fantastique envahi par le fantastique à
l'inté-~
rieur d'une oeuvre fantast~que.
\ .' ,
.
1 ""(
1 i ~ 117. , ~ " t 1 ,J
j t ! ,Jî
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1
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' 1 -_ \, J., • ,.
, E'l'UDE ',' CHAPIT~ , II ~ t ... FANTÀSMAGORIQUE" ET STRUCTURALE DE CONTES~CRUELS •Dans un premier volet, nous essaierons d'analyser
et.de classer les élément~ de Contes cruels.' Pour cette
morphologie des contes, nous nous référons principalement à
l'Introduction à la littérature ~antastique de Todorov et
"NoteS' sur le fantastique /1 ~e J. Bellemin:"'No~n. Nous
insiste-rons sur ces deux études puisqu'elles concernent
spécifique-ment notre propos. Dans un deuxième temps, nous tenterons
d'interpréter l'écriture "fantastique" des contes dè villiers
de l'Isle-Adam. Pour ce faire, il faudra à la fois--ces d~ux
pro3ets ne nous paraissant pas inconciliables--démontrer que , ,
. les Contes cruels subissent l'influence de Poe
et
qu'ils ont'~I
une prolongation et une signitication culturelles. P.arallèle-,
/
ment, nous essaierons de dégager ',les "thèmes fantastiques" qe
- \
.
ces récits, e'n nous reliant cette fois au "Das Unheimliche" de
'J
Freud.
•
r. <.,
33
Dès le' début de n'1;tre "mém':)ire, 1 nous avions constaté
quê.r. Todorov dans son
Introàuci1~n
à la littéra/.
.--
,-tique prOCédaitjt, .. 'e
définitio~
formelle u genr;e dont lesthèmes ce.ntraux é ent /le thème de
'l~~incerti
tude, de l 'hési-, .,.r '~
tation. Bellemin-Noêl venait recouper ~ètte idée en
, ~>-
,...--.~. Il'
•
qualifiant l'irrésolution comme pi.errè angulaire du
fantasma-~orique.
1 . '
Or, cornm~nt' se manifeste l'irrésolution dans les
Contes cruels? Pour répondre à cette question. il sernble-tout
~~
d'abo ~saire de faire figurer les contes dans un
clas-~
sement géné'ral puisque "une classification exacte [est] un des
'.
o 1.i .
prê~iers pas de ~a description sCiéntifique"~:J', Il faudra.
/ ' é ' : 1 t ~ ;
î
\
.,.:-~ --..._ .. ,~.donc regroupgr les récits des 'Côntes cruels, en so~~igner,~l~e~s~ ________ ~
l
"
1
1
l 'techniqL\es narratives communes et tenter ci f en dégager
l~
______~"""---_---~--îTIuà:eé!1Snd:lee""if:co51nc:ïC"ttji:LojJnnn:'ïie~mreemni1t:..~---v;----~----
, , ,-Dès 1865, Villiers se propose d'écrire à la manière
de Poe. Il çrée alors Tribu'lat Bonh':)met héros de ,Clai~
Lenoir, Yseul t d' yeus9l, ,Cléo la Cendré~ et Diane d' Aubel que
r
~. Propp, Morph~:>loqie
.
du copte (poétique/Seuil,1970), P. 12.
, - '«
, li"
i 'i' r r " ,1 t.
t
,1
, 11
f
If) 34nous retrouverons plus tard dans le Convive des dernières \f&te~.
De 1865 'à 1873, Villiérs écrit toujou~s seloh l'esthétique
d'Edg~r Poe et ce n'est qu'à la fin de l'année 73 qU'il tente
de regrouper ses réaits dans un unique recueil. L'agence~ent
des contes' s' ordonnèra et variera p::irallèlement à la recherche
d'un éditeur, sera mis en veilleuse pendant l,'affaire périnet
Leclerc et lè procès qui s'y rattache.
-l'~ .,..- r.."·i
"
Ce n'est qû'en 1~83 qu'il y'aura pùblication du volume
intitulé Contes cruels et don~ l'ordre des récits varie de
celui d 'Histoires philosophiques. , Les variations de tit.res
(Histoires moroses, Contes au' fer rouge, Histoires philosophi-1
gues, Histoire,s mystérieuse,s) soulignent bien la difficulté de
Villiers à définir l'unité de son oeuvre.
ce manque d'unité nous a gênée quant à l'ordre d'étude
.1
".J
des' textes.
~.:;"-t
Pour la lecture des ~ontes dè Villiers, nous avons
~
proQédé se}on 1.' ordre propos.é dans l' édi tion Castex. Quant à
ll'otre analyse, il es·tt à rema~que~ qu'elle se ,fera selon 1
'.ori-)
'ginalité ',I2!t le regroup!3ment. A'insi.r;. Véra, 'le Convive ~~
\
dernières !êtes, l'Intersigne, 'Quke of Portland sont étudiés' 01
!
particulièrement parce q~'ils o~t une technique harrative
Originale-relevant' du fantastique;
d'autr~ pa~,
l'Inconnu,o \
•
35
As' y méprendre , (ensemble 1), Souvenirs occultes Jt l'Annon:
ciateur (ensemble 2), l'Affichage céleste, la Machine à
glQire, l'Appareil pour l'analyse chimique du dernier soupir,
o "
-"
le Traitem§nt du docteur Tristan (ensemble 3) seront étudiés
;; .
par en&emble p~isquè c~s ~6ntes qui forment des groupes
relèvent d'une même. technique. Il s'agira de savoir après
,
-.. f, ~
r
étude si l'ensemble 'A> (les Demoiselles de Bienfilâtre, Vox
populi, Deux' augures, Antonie, Virginie et Paul; l'I~atience
de la foule, le Secret de l'ancienne musi~ue, Sentimentalisme,
te plus beau diner du monde. Le désir d'être un homme, Fle~
•
d~ ténèbres, Sombre récit, Conteur plus sombre, Maryelleregroupe des "oeuvres fantastiques 11 •
Q
" Quant à l'ensemble B (T.les Bri2I!ds, La Reinj!: Ysabeau) .
@
ne se rapproche-t-il pas du-récit cruel beaucoup plus que du
récit fantastique? conte d'amour ne sera pas analysé puis~
qu'il appartient à la poésie st non à la pr~e.
~I Il nous semble p~u· utile d' établj<r une structure-type
..,.f,
des contes de Villiers de l'Isle-Adam à ce stade de la
recherche et d'en préparer prématurément ~ne classification'
syst~m~tique. I l ser~ p+us intéressant. 1 à la fin du chapitre
(
der'elr~~
, res intuitions de départ et l'élab::>ration d'une ~taxinomie des récits' de Contes cruels.
---,,/
--.;
1
l ,l
(
" , " o(
r 36 VéraPrenons comme point de dépar.t le demxième conte du
recueil, Véra, et'tentons de mettre en l~mière les événements
insolites, tout en nous attardant plus spécifiquement aux
fonctions des personnages. Précisons que par "fonction, no~s
entendons l'action d'un personnage défini du point de vue de
1
sa signification dans .le déroulement de l'intrigue JI. En
quoi les fonctions (ou la simple présence) des pers0nnages
À
de Véra favor isent-élles ou non une forme de déterminisme
fantastique? , Il s'agira de vérifier cet;.te 'intuition de
départ, à savoir, ~es personnages n'ont aucune consfstance
spécifique et qu'ils n'existent que pour donner plus
d'enver-J "
gure à l'évenement insolite.
ç "
Mais qui sont les personnages de ce premier conte et
~ 1
comment le narrateur nous les présente-t-il? Reportons-nous
,.
au tex-te:
"
a) Athol, Véra
c'étaient deux êtres doués de sens merveilleux, mais exclusivement terrestres. Les sensations
1 .
Propp, Morpholoqie du conte, p. 3l~:
- , , ' . ' -,- , -J
1
1 1 1,
- i(
1
"
37
se prolongeaient en eux avec une intensité
inquiétante. Ils s'y oubliaient 'eux-mêmes
~ /
à force de les éprouver. Par contre,
cer-t
taines idées, celles de l'a:me, par exemple"
,. ... ~ .. "
J
e oilées à leur entendement. 11 Infini, de Dieu même, étaient comme La foi d'un ! 'rand nombre de vivants
~~x chos~s
surnatulrelIes n'était pour eux qu 1 un sujet de vagJes ,"'_,
étonnements (0 • • )1 '
b) Raymond le servit'eur
Un serviteur parut: c'était un'vieillard
l ,
-vêtu de noir i ( . . . ) i l vit'son mattre
debout et souriant comme si rien ne se fUt
passé. ( . . : ) Le serviteur pensa d'abord
que la douTeur trop lourde, trop désespérée,
avait égaré l'esprit de son maître. Il le
connaissait depuis l'enfance; il ca'mprit, à
l'instant, que le heurt d '\un réveil trop
sou-dain poyvait être fatal à ce somnanbule. Son
devoir, d'abord, était le respect dlun tel
seeret.2
'c) r Le na.rrateur: ni est autre que Villiers qu~ se profile
'à la fois dans Athcl et Raymond mais dont le rôle ne
.::::onsiste qu 1 à 'rapporter le réei t.
Si tuons maintenant les.. trois personnages dans le déroulement de l'i!ltrigue "fantastique" de ce conte.
IVilliers de l'Isle-Adam, ~ontes eruels~ p. 18. \
2 • Ibid., p. 20. .", . ...
--.qJ.
--.---:---_
..
' /,(
.'
vC'
~ \ 38( l-a) Le narrateur introduit le l.ecteur dans u~ forme de
l'ieu-clos, le vieux, sombre et luxueux hôtel qu' Athol d~cide,
ap~ès la mort de l'épousée,
n
1isoler de toutes servitudes• géQgraph~ques et humaines. Ainsi, la barre du' portail est
fermée, i l Y a congédie~ent des serviteurs àcl'exception de
Raymond auquel Athol, est attac::hé depuis l'enfance. Cet
iso-lement est total puisqu'il affirme: "nous ne recevrons 1
l
personne à l'avenir". Le silence, la solitude, le
clair-obscur, la particularité de l'endroit et l'a~titude coopé~
rante de Raymond qui se laissera gagner par la singularité
l'
de l'environnement favorisent donc l'intrusion du surnaturel: la gêne des.premiers jours s'effaça vite.
Raymond, d'abord avec stupeur, puis avec une sorte de déférence et de tendresse,
s'était ingénié si bien à être n~turel,
,
que trois semaines ne s'étaient ,écoulées qu'il
se sentit, p~r mom~mts, presque dupe lui-même '
de sa bonne volonté. ( . . . ). et oubliait à
ohaque instant la réalité. 2
."
Le narrc;tteur met l'accent sur Raymond, 'effigie ou
repré~entatj~n de la réalité. C.e·lui-ci devient peJ.. à peu'
complice d'Atho'l dans sa crsation d'un mirage terrible. ~
---.---2 I bid. i p. 21.
1
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