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Les effets de la judiciarisation sur l'implication parentale en protection de la jeunesse : perceptions des intervenants

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Academic year: 2021

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LES EFFETS DE LA JUDICIARISATION SUR

L’IMPLICATION PARENTALE EN PROTECTION DE

LA JEUNESSE

Perceptions des intervenants

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en service social

pour l’obtention du grade Maître en service social (M. Serv. Soc. )

ÉCOLE DE SERVICE SOCIAL FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2013

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RÉSUMÉ

La présente étude vise à déterminer quelles sont les perceptions des intervenants en protection de la jeunesse quant aux effets de la judiciarisation des situations sur l’implication parentale. En s’appuyant sur la théorie des représentations sociales, une recherche qualitative de nature exploratoire a été menée auprès de dix intervenants du Centre Jeunesse de Québec-institut universitaire. Un guide d'entrevue semi-structurée et un questionnaire ont servi à la cueillette des données. L'implication parentale, telle que définie par les participants, comporte cinq dimensions, soit, en ordre d’importance : 1) l’intérêt pour l’enfant, 2) la réponse aux besoins de l’enfant, 3) la mise en action, 4) la reconnaissance du problème et 5) la collaboration avec les services. Les intervenants ont perçu différents effets de la judiciarisation sur ces dimensions alors qu'ils pensent qu'elle peut avoir des effets positifs, négatifs ou encore n’avoir aucun effet sur l’implication parentale dépendamment du contexte. Des pratiques d'intervention ont également été répertoriées par les intervenants pour favoriser l'implication parentale.

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TABLE DES MATIÈRES

Résumé ... ii

Table des matières ... iii

Liste des tableaux ... vii

Remerciements ... viii

Introduction ... 1

Chapitre 1 ... 3

Problématique ... 3

Définition de la judiciarisation ... 4

Objectifs escomptés de la judiciarisation ... 5

Efficacité de la judiciarisation pour favoriser l’implication parentale ... 8

Questions de recherche ...11

Recension des écrits ...12

Les lois qui encadrent la pratique en protection de la jeunesse...12

Facteurs liés à la décision de judiciariser ...14

Enjeux liés à l’intervention judiciarisée ...18

L’implication parentale dans l’intervention : un concept multidimensionnel ...20

Implication parentale ...21

Conformité au traitement ...22

Participation ...22

Engagement ...23

Enjeux de l'implication parentale ...29

Facteurs pouvant influencer l’implication parentale ...31

Facteurs liés au cas ...31

Facteurs liés à l’intervenant ...32

Facteurs liés au programme ...34

Limites méthodologiques des études actuelles ...35

Pertinence scientifique et sociale de la recherche ...37

(4)

Cadre d’analyse ...39

Théorie des représentations sociales ...39

Définition ...39

Fonctions des représentations ...41

Théorie du noyau central ...44

Intervention en contexte d’autorité ...46

Définition clientèle involontaire ...46

Continuum de volontariat ...47

Défis liés à la pratique en contexte d’autorité ...49

Chapitre 3 ... 53

Méthodologie ...53

Population à l’étude ...53

Méthode et technique d’échantillonnage ...53

La collecte de données ...54

L’analyse des données ...57

Aspects éthiques ...59

Chapitre 4 ... 60

Résultats ...60

Définition de l'implication parentale ...60

Collaboration avec les services ...60

Mise en action ...62

Intérêt pour l'enfant ...64

Réponse aux besoins de l'enfant ...64

Reconnaissance du problème...66

Importance relative des différentes dimensions ...67

Indices démontrant que l'implication parentale est suffisante ...73

Mise en action ...74

Réponse aux besoins de l'enfant ...75

Collaboration avec les services ...77

(5)

Effets positifs ...79 Mise en action ...79 Reconnaissance du problème ...81 Transparence ...82 Effets négatifs ...82 Désengagement ...83 Opposition ...84 Conformisme ...85

Rejet de la faute sur l'enfant ...86

Aucun effet ...86

Autres facteurs qui influencent l'implication parentale ...86

L'implication est plus difficile à obtenir chez une clientèle judiciarisée...87

Pas d'effets sur les parents ...88

Sommaire des perceptions des intervenants sur l'effet de la judiciarisation ...89

Pratiques d'intervention favorisant l'implication parentale ...91

Créer un lien de confiance ...91

Redonner du pouvoir au parent ...94

Connecter le parent aux ressources ...97

Souligner les forces ...97

Centrer sur les besoins ...98

Chapitre 5 ... 103

Discussion ...103

Définition de l'implication parentale ...103

Indices que l'implication parentale est suffisante une fois judiciarisé ...109

Perceptions des effets de la judiciarisation sur l'implication parentale ...110

Pratiques d'intervention favorisant l'implication parentale ...114

Limites de l'étude ...116

Implications pour la pratique ...117

Pistes de recherche à poursuivre ...118

Conclusion ... 119

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Annexes ... 128

Annexe A: Guide d'entrevue ...129

Annexe B: Formulaire d'engagement à la confidentialité ...131

Annexe C: Questionnaire sur l'implication parentale ...132

Annexe D: Liste de moyens proposés de suivi continu éthique ...135

Annexe E: Formulaire de consentement ...136

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Synthèse des principaux concepts, définitions, dimensions et indicateurs utilisés dans les études examinant la participation des clients ...26 Tableau 2: Nombre de dimensions de l’implication parentale invoquées pas les répondants à travers l'utilisation des mots spontanés ...68 Tableau 3: Nombre de dimensions de l’implication parentale invoquées pas les répondants du début à la fin de l'entrevue ...69 Tableau 4: Indicateurs ayant été jugés centraux à la définition de l’implication parentale par les

répondants ...70 Tableau 5: Nombre moyen d’indicateurs ayant été jugés centraux par les participants selon les

dimensions de l’implication parentale ...72 Tableau 6: Nombre d’indicateurs de l’implication parentale ayant été jugés centraux pour chaque participant ...73 Tableau 7: Nature des effets de la judiciarisation sur l’implication parentale tels que perçus par les participants ...90 Tableau 8: Synthèse du point de vue des participants quant aux différentes pratiques d’intervention permettant de favoriser l’implication parentale en contexte de judiciarisation ...100

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REMERCIEMENTS

Écrire un mémoire de maîtrise, c'est un investissement important de temps et d'énergie. Et même si le temps a parfois failli avoir raison de l'énergie restante à plusieurs reprises, je suis content d'avoir persévéré. J'aimerais donc remercier ces personnes qui m'ont consacré leur temps et celles qui m'ont insufflé l'énergie nécessaire pour me rendre jusqu'au bout de cette épopée.

D'abord, je me dois d'offrir un remerciement spécial à madame Marie-Christine Saint-Jacques, ma directrice qui m'a poussé à persévérer lorsque j'avais l'impression de ne plus voir la lumière au bout du tunnel et qui a aussi réussi à ramener sur le droit chemin lorsque je pouvais m'égarer. Je la remercie pour sa grande patience, pour ses encouragements et pour tout le temps qu'elle m'a consacré dans le cadre de ce projet. Ce fut très apprécié.

Je tiens également à remercier le Centre jeunesse de Québec-Institut universitaire pour m'avoir permis de réaliser mon projet au sein de leur établissement. D'ailleurs, je me dois de dire un grand merci aux intervenants qui ont bien voulu m'accorder de leur temps en participant à ce projet de recherche.

Enfin, il m'apparaît nécessaire de remercier mes proches qui m'ont soutenus pendant toutes ces années. J'aimerais d'abord remercier mes parents André Pleau et Linda Bourque qui m'ont toujours soutenus dans mes choix et dit qu'ils étaient fiers de mon cheminement. Je donnerais d'ailleurs une mention spéciale à mon père qui m'a répété pendant je ne sais combien de temps de ne pas lâcher en précisant que j'avais pratiquement fini. Par moments, je ne sais pas trop si je devais en rire ou en pleurer de découragement, mais il a fini par avoir raison en bout de ligne. Je voudrais aussi remercier mon frère, Cédrik Pleau, d'être là et de partager mes folies, même si ça a très peu de valeur académique. Mon dernier remerciement spécial, mais non le moindre, ira à Richard Létourneau, un bon ami à moi. Son soutien et sa foi ont été indéfectible à mon endroit dans les moments de questionnements et de découragements. C'est une personne pour qui j'ai beaucoup de respect et qui m'a toujours encouragé à maintenir le cap et à me relever les manches pour finir ce que j'avais commencé.

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traitées directement à l’intérieur des familles par le biais de services d’entraide; toute forme d’institution dans cette dimension de la vie des familles était absente (D’Amours, 1986). Toutefois, à travers l’histoire québécoise, la responsabilité de veiller à la santé et à la sécurité des enfants est tranquillement devenue une affaire de communauté. En fonction de l’époque, la famille élargie, la communauté, l’Église, les institutions, mais aussi l’État se sont plus ou moins ingérées dans cette sphère de la vie des gens. Ces pratiques ont évolué jusqu’à en devenir ce qu’elles sont aujourd’hui depuis l’adoption de la Loi sur la protection de la jeunesse en 1979. Au cours de ces différentes époques, deux grandes catégories d’intervention émergent: les interventions dites sociales et celles qualifiées de judiciaires. Les premières sont fondées sur les principes de solidarité et d’entraide face aux plus démunis. Ces interventions viennent principalement porter assistance aux familles dans le besoin sans nécessairement s’ingérer dans la gestion de celles-ci. D’ailleurs, cette aide venait principalement de la famille élargie et des proches pouvant apporter une quelconque aide à ces derniers sans qu’aucune autorité n’ait à intervenir (D’Amour, 1996). Les interventions judiciaires, pour leur part, amènent l’État à s’ingérer dans la vie familiale par le biais de lois et d’ordonnances des tribunaux forçant les parents ou les jeunes à se conformer à certaines dispositions visant la protection de l’enfant ou de la société. Au cours des années, le recours à l’une ou l’autre des formes d’intervention a varié en fonction du contexte social et politique. Avec l’adoption, en 1979, de la Loi sur la protection de la jeunesse, telle que votée en 1977, l'État officialise sa position face à l’importance de protéger les enfants. Au même moment, il affirme la primauté de l’intervention sociale sur l’intervention judiciaire (D’Amour, 1996). Par conséquent, même si le recours au tribunal est possible, l'intervention sociale doit avoir préséance sur l'intervention judiciaire (D'Amour, 1986). Cette dernière procédure, communément appelée judiciarisation, induit le recours au tribunal de la jeunesse pour imposer l’application de mesures de protection aux parents ou à l’enfant. Mais malgré cette intention de privilégier le social, la judiciarisation est encore très largement utilisée pour initier des changements en protection de la jeunesse (Lessard, 2007; ministère de la Justice, 2004; Tourigny, Trocmé, Hélie et Larivée, 2006). Cette procédure est utilisée pour aider à mettre fin à la situation de compromission, notamment en visant l’augmentation de l’implication parentale. Toutefois, peu d’études se sont intéressées à documenter si effectivement la

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judiciarisation permet d’impliquer davantage les parents dans la résolution des problèmes qui ont mené à l’intervention de la protection de la jeunesse.

Le présent mémoire comprend cinq chapitres. Le premier chapitre ouvrira d’abord sur la problématique de la judiciarisation en protection de la jeunesse en la définissant et en élaborant sur ses objectifs et son efficacité. Ensuite s’en suivra une description du contexte légal entourant la pratique en protection de la jeunesse ainsi que des facteurs et des enjeux reliés à l’intervention judiciarisée. Le document se poursuivra alors par une section portant sur l’implication parentale, sa définition, ses enjeux et les facteurs pouvant l’influencer. Enfin, le chapitre conclura sur les limites méthodologiques des études actuelles et la pertinence scientifique et sociale de l’étude. Le deuxième chapitre portera sur le cadre d’analyse de l’étude présentant la théorie des représentations sociales et les particularités de l’intervention en contexte d’autorité. Le troisième chapitre décrira la méthodologie employée dans cette étude, la population à l’étude, les instruments de mesure utilisés ainsi que la procédure de cueillette de données mise en place. Le quatrième chapitre portera sur l’analyse et la présentation des résultats. Enfin, le cinquième chapitre inclura une discussion des résultats et des implications futures pour la recherche et l’intervention.

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CHAPITRE 1

Ce mémoire s’intéresse donc à l’effet perçu de la judiciarisation sur l’implication des parents dans le processus d’intervention. Pour examiner cette relation, cette étude portera plus spécifiquement sur le point de vue des intervenants en protection de la jeunesse. Ces derniers doivent, en vertu de l’article 2.3 de la Loi sur la protection de la jeunesse privilégier les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation de compromission et, autant que possible, favoriser l’implication parentale dans l’intervention (MSSS, 2007). Toutefois, ces deux objectifs peuvent être difficiles à concilier dans la pratique. Les situations familiales dans lesquelles les intervenants sont appelés à agir en protection de la jeunesse sont souvent très problématiques et peuvent nécessiter le recours à la judiciarisation, ce qui implique des défis supplémentaires qui poussent les intervenants à apprendre à concilier leur rôle d’agent d’aide à celui d’agent de contrôle et de surveillance (Palmer, Maiter et Manji, 2006; Roney, 2009; Tourigny et coll., 2006).

Problématique

Au Québec, entre 1994 et 2007, le nombre de cas judiciarisés en protection s’est accru considérablement, passant d’un taux de 39% à 54% parmi les nouveaux dossiers pris en charge (cas retenus par la direction de la protection de la jeunesse et dont la sécurité ou le développement de l’enfant a été jugé compromis) et d’un taux de 56,4% à 78,6% pour ce qui est de la prise en charge totale en mesures judiciaires (Lessard, 2007; ministère de la Justice, 2004). La judiciarisation est donc encore très utilisée comme outil dans l’intervention en protection de la jeunesse, malgré le désir de désengorger l'appareil judiciaire (MSSS, 2007). Par conséquent, il est possible de supposer que, dans plusieurs cas, le recours aux instances judiciaires contribue à mettre fin à la situation de compromission. Toutefois, même si cet objectif est le principal poursuivi, il n’en demeure pas moins que l’implication parentale doit être favorisée, peu importe l’orientation choisie. Toutefois, il est à se demander si la judiciarisation aide réellement les intervenants à atteindre cet objectif. Le but de cette étude est donc d’obtenir la perception des intervenants quant à l’effet de la judiciarisation sur l’implication des parents dans l’intervention.

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Avant même de définir la judiciarisation, il est important de souligner que ce terme a été privilégié à celui de juridisation, terme souvent employé comme synonyme alors que les deux réfèrent à des aspects quelque peu différents. Dans les faits, le terme judiciarisation, dans le langage juridique, est considéré comme une dimension de la juridisation. Selon Arnaud (1993), la judiciarisation réfère à une juridisation qui se réalise à travers un recours accru aux tribunaux. La judiciarisation serait donc apparentée à une tendance, dans un domaine donné, de recourir de plus en plus au tribunal pour arriver à ses fins. Cela s’observe actuellement en protection de la jeunesse, alors que le nombre de cas judiciarisés s’est considérablement accru entre 1994 et 2007 (Lessard, 2007). Toutefois, ce n’est pas spécifiquement cette tendance qui est à l’étude, mais plutôt l’effet du recours au tribunal sur l’implication parentale. C’est donc dans cette optique que le terme judiciarisationsera défini.

Pour définir la judiciarisation, le dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit est employé. Selon cette référence, la judiciarisation peut renvoyer à deux définitions : « 1) Un processus peut être décrit comme judiciarisé dans la mesure où il fait l’objet de modes de création ou d’application de règles, ou encore de modes de résolution des conflits, semblables aux processus qui ont cours à l’intérieur du système juridique ou 2) Extension du droit et des processus juridiques à un nombre croissant de domaines de la vie (Arnaud, 1993, p.319) ». Toutefois, selon la même source, le concept est utilisé de différentes façons dans la littérature en fonction du phénomène social auquel il réfère; ce qui peut créer une certaine confusion au niveau de son utilisation. En référence au domaine de la protection de la jeunesse, le sens donné à la judiciarisation se concentre sur le fait que l’enfant s’est vu reconnaître des droits dont le respect pourra être imposé aux autres par une instance judiciaire. Ainsi, la judiciarisation suppose alors l’extension de normes juridiques applicables aux relations familiales, contrairement à la situation antérieure où ces relations étaient laissées à la discrétion de l’autorité parentale (Arnaud, 1993). Ce concept comporte donc un mandat normatif sanctionné par la société et qui semble prendre de plus en plus d'ampleur dans plusieurs pays. Certaines critiques diront d’ailleurs que le concept de judiciarisation renvoie à une extension du droit dans tous les domaines de la vie (Arnaud, 1993).

Pour compléter la définition de la judiciarisation, Noreau (2004) argumente qu’elle comporte deux dimensions, l’une symbolique et l’autre instrumentale. La dimension symbolique sert de mécanisme de reconnaissance sociale. C’est ainsi dire que la protection de la jeunesse est

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socialement légitimée par la société et qu’elle peut faire l’objet d’un investissement qui puise dans les ressources collectives (Noreau, 2004). La composante instrumentale, pour sa part, constitue un outil de gouverne qui peut servir de levier à une action gouvernementale (Noreau, 2004). En protection de la jeunesse, cela se traduit par l’obligation de faire ou de ne pas faire certaines choses pour mettre fin à la situation de compromission sans quoi des sanctions pourront être appliquées. Une incapacité à mettre fin à la situation, par exemple, se trouve associée à une certaine sanction légitimée par la LPJ qui peut aller jusqu’à la perte de la garde de l’enfant. La judiciarisation peut donc être considérée comme un moyen, un levier, permettant d’atteindre certains buts dont le principal est de mettre fin à la situation de compromission affectant l’enfant. C’est cette dimension instrumentale qui recevra une attention particulière dans la présente étude.

Objectifs escomptés de la judiciarisation

S’il est possible d’accorder une valeur instrumentale à la judiciarisation, encore faut-il déterminer à quoi cela va bien pouvoir servir. Pour ce faire, des objectifs doivent être fixés avant même de recourir à l’intervention judiciarisée. Ces objectifs sont principalement déterminés par des dispositions de la LPJ et le jugement de l’intervenant procédant à l’évaluation dans le dossier. La LPJ procure des balises pour déterminer les principaux objectifs à poursuivre dans toutes circonstances, que la situation soit judiciarisée ou non. Selon l’article 2.3 de la LPJ : Toute intervention auprès d’un enfant et de ses parents en vertu de la présente loi doit (MSSS, 2007) :

a) viser à mettre fin à la situation qui compromet la sécurité ou le développement de l’enfant et à éviter qu’elle ne se reproduise;

b) privilégier, lorsque les circonstances sont appropriées, les moyens qui permettent à l’enfant et à ses parents de participer activement à la prise de décision et au choix des mesures qui les concernent.

Et une fois la situation judiciarisée, la LPJ propose également des mesures qui peuvent s’appliquer à la situation. Selon l’article 91 de la LPJ, si le tribunal en vient à la conclusion que la sécurité ou le développement de l'enfant est compromis, il peut, pour la période qu'il détermine, ordonner l'exécution de l'une ou de plusieurs des mesures suivantes (MSSS, 2007):

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a) que l'enfant soit maintenu dans son milieu familial ou qu'il soit confié à l'un ou à

l'autre de ses parents, et que les parents fassent rapport périodiquement au directeur sur les mesures qu'ils appliquent à eux-mêmes ou à leur enfant pour mettre fin à la situation qui compromet la sécurité ou le développement de l'enfant;¸

b) que l'enfant et ses parents participent activement à l'application de l'une ou l'autre

des mesures qu'il ordonne;

c) que certaines personnes qu'il désigne n'entrent pas en contact avec l'enfant; d) que l'enfant n'entre pas en contact avec certaines personnes qu'il désigne;

e) que l'enfant soit confié à d'autres personnes;

f) qu'une personne qui travaille pour un établissement ou un organisme apporte aide, conseils ou assistance à l'enfant et à sa famille;

g) que l'enfant soit confié à un établissement qui exploite un centre hospitalier ou un centre local de services communautaires ou à un organisme afin qu'il y reçoive les soins et l'aide dont il a besoin;

h) que l'enfant ou ses parents se présentent, à intervalles réguliers, chez le directeur pour lui faire part de l'évolution de la situation;

i) que l'enfant reçoive certains soins et services de santé;

j) que l'enfant soit confié à un établissement qui exploite un centre de réadaptation ou à une famille d'accueil, choisi par l'établissement qui exploite le centre de protection de l'enfance et de la jeunesse;

k) que l'enfant fréquente un milieu scolaire ou un autre milieu d'apprentissage ou qu'il participe à un programme visant l'apprentissage et l'autonomie;

l) que l'enfant fréquente un milieu de garde;

m) qu'une personne s'assure que l'enfant et ses parents respectent les conditions qui leur sont imposées et qu’elle fasse rapport périodiquement au directeur;

n) que l'exercice de certains attributs de l'autorité parentale soit retiré aux parents et qu'il soit confié au directeur ou à toute autre personne que le tribunal aura désignée; o) qu'une période de retour progressif de l'enfant dans son milieu familial ou social soit fixée.

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Dans la présente étude, l’ordonnance qui retient l’attention est la b, soit celle qui veut que l'enfant et ses parents participent activement à l'application de l'une ou l'autre des mesures qu'il ordonne. Cette ordonnance est énoncée de façon à favoriser l’atteinte de l’objectif cité précédemment par l’article 2.3 de la LPJ. Toutes les autres ordonnances sont des moyens de mettre fin à la situation de compromission qui se traduisent par des comportements à faire ou ne pas faire. L’impératif alors exprimé par l’ordonnance de participer activement aux mesures vise donc l’implication des parents et des enfants dans la situation par le biais d’efforts concrets pour corriger la situation. Ainsi, cela sous-tend une mise en action et un potentiel changement d’attitude chez le parent qui pourrait être non collaborant ou encore passif.

Par ailleurs, les intervenants ont leur propre vision des buts à atteindre par la judiciarisation. Leur premier objectif sera toujours de mettre fin à la situation de compromission, mais, lorsqu’ils décident d’utiliser les mesures judiciaires, il est possible qu’ils visent des buts que les procédures volontaires ne leur permettent pas d’atteindre. Selon Carrier et coll. (1996), les intervenants poursuivraient principalement trois objectifs spécifiques lorsqu’ils optent pour la judiciarisation d’une situation. Principalement, ils viseraient la clarification du projet de vie de l’enfant, le contrôle des acteurs ou la nécessité de provoquer une réflexion sur le sérieux de la situation. La clarification du projet de vie de l’enfant permettrait de mieux baliser et structurer l’intervention dans le temps. Le contrôle des acteurs réfère à l’utilisation de la judiciarisation pour sanctionner des comportements dangereux ou nuisibles ou forcer les parents ou le jeune à se soumettre à l’intervention. Enfin, la judiciarisation pourrait être utilisée, dans certains cas, pour faire réfléchir les acteurs en cause sur le sérieux de la situation, pour qu’ils prennent conscience que les enjeux sont réels et qu’ils doivent se mobiliser s’ils veulent conserver la garde de leur enfant. Les deux derniers objectifs mentionnés par les intervenants réfèrent encore une fois à la participation active des parents et à une forme de changement d’attitude.

En référence aux écrits sur la question, il est possible de penser que la judiciarisation peut être employée pour tenter de forcer une mise en action et un changement dans l’attitude des parents. Toutefois, Leblanc (2010) argumente que la judiciarisation n’est pas un levier clinique, mais plutôt un moyen de régler les litiges. En ce sens, le tribunal peut ordonner une intervention,

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mais elle ne peut pas garantir une reconnaissance des faits ou une implication du parent dans l’intervention. Cette décision de s’impliquer continuerait donc d’appartenir au parent, mais il demeure pertinent de se questionner à savoir si les intervenants perçoivent que la judiciarisation a des effets sur l’implication parentale.

Efficacité de la judiciarisation pour favoriser l’implication parentale

Les études portant sur l’efficacité des interventions judiciarisées dans un contexte de protection de l’enfance se font plutôt rares et peu récentes dans la littérature (Famularo, Kinscherff, Bunshaft, Spivak & Fenton, 1989; Cannavo, 2007; Atkinson & Butler, 1996; Rittner & Dozier, 2000; Tourigny et coll., 2006; Carrier et coll., 1996). Par conséquent, il s’avère particulièrement difficile de déterminer, à partir de la littérature existante, si la judiciarisation a un impact positif ou non sur l’implication parentale. D’un côté, certaines études font état d’une efficacité incertaine de la judiciarisation alors que d’un autre côté, certains jugent qu’elle peut avoir certains effets positifs.

D’abord, certains auteurs soulignent que l’implication de la cour à elle seule est souvent insuffisante pour motiver les parents à participer aux mesures (Famularo et al., 1989; Littell et Tajima, 2000). Ainsi, l’étude de Famularo et coll. (1989) fait état de résultats qui questionnent quant à l’efficacité de la judiciarisation. Ils ont étudié les cas de parents (n=218) dont la situation avait été référée au tribunal pour mauvais traitements envers leur enfant. Selon leurs résultats, à peine la moitié des parents ayant reçu des ordonnances de la cour se conforment au traitement d’une façon qualifiée de bonne (être présent à au moins la moitié des rendez-vous fixés). Une ordonnance de la cour n’apparaît donc pas garante de la présence aux rencontres pour les personnes concernées. Pour sa part, l’étude d’Atkinson et Butler (1996) utilise aussi la présence aux rencontres comme indicateur que le parent se conforme ou non à l’ordonnance de la cour et collabore avec les services. Cette étude suggère que les mères qui ne collaborent pas avec les services, à la suite d’une ordonnance de la cour, ont significativement plus de risques de perdre la garde de leur enfant sans toutefois fournir d’explications sur ce qui peut affecter cette dite collaboration. Pour leur part, Rittner et Dozier (2000), ont observé la collaboration des parents à la suite d’une ordonnance du juge demandant que le ou les parents se soumettent à une ou des thérapies dans des cas de protection de l’enfance. Les thérapies pouvaient porter sur la santé

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mentale, la toxicomanie ou encore les habiletés parentales. La collaboration des parents a alors été évaluée après une période de 6 à 12 mois et une autre fois, après une période de 13 à 18 mois. Cette collaboration pouvait être qualifiée de bonne (pour les participants présents à 50% des rendez-vous et qui n’ont pas reçu de résultat positif à un test de dépistage de consommation de drogues ou qui ont eu une évaluation positive de l’institution qui a offert le traitement), passable (participants présents à moins de 50% des rendez-vous, qui ont abandonné le traitement après avoir eu une évaluation positive ou encore avoir reçu un résultat positif à un test de dépistage malgré le fait d’avoir été présent à plus de 50% des rendez-vous) ou faible (ne pas avoir fait d’efforts significatifs pour participer au traitement, avoir reçu un résultat positif à des tests de dépistage sans suivre de thérapies ou avoir exposé un nouveau-né à la consommation). Après une période allant de 6 à 12 mois, le pourcentage de femmes (n = 202) pour qui la collaboration pouvait être qualifiée de bonne était de 40,1% : 11,9% avaient une collaboration passable et pour 48%, elle était faible. Pour les pères (n = 39) ces pourcentages étaient assez similaires avec 39,5% ayant une bonne collaboration, 12,8% une collaboration passable et 41% une faible collaboration. Après une période de 13 à 18 mois, les chiffres sont restés similaires pour les femmes (n = 130), alors que leur collaboration était bonne chez 39,2%, passable chez 11,5% et faible chez 49,2%. Les résultats pour les pères n’étaient pas significatifs puisque l’échantillon était trop petit lors de cette nouvelle évaluation. En somme, cette étude semble suggérer un effet mitigé de la judiciarisation avec un pourcentage de parents ayant une faible collaboration entre 41% et 49,2%, dépendamment du moment de la mesure et du sexe du parent. Toutefois, il serait aussi possible de penser que la judiciarisation favorise la collaboration de certains parents s’il est considéré que celle-ci était nulle avant d’obtenir l’ordonnance. Ce type de résultats peut donc laisser libre cours à une multitude d’interprétations.

Ensuite, lorsqu’un concept est multidimensionnel, il peut arriver que la judiciarisation ait des effets sur l’une ou l’autre des dimensions. Littell et Tajima (2000) ont étudié les facteurs qui influencent la participation en se concentrant sur deux dimensions : la collaboration et la conformité. La collaboration inclut notamment le fait de participer à la planification du traitement et d’être en accord avec le plan d’intervention. La conformité réfère plutôt au fait d’être présent aux rendez-vous, d’accomplir des tâches et de coopérer. Ces auteurs ont noté que de précédentes ordonnances de la cour prédiraient une plus grande conformité au traitement, mais pas

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nécessairement une plus grande collaboration. Ce résultat suggère donc que la judiciarisation a un effet variable selon la dimension du concept à laquelle elle réfère. En ce sens, la judiciarisation pourrait avoir plus d’impacts sur les comportements que sur l’attitude du parent dans l’intervention.

Enfin, il est aussi perçu, par certains, que la judiciarisation a des effets positifs sur l’implication parentale. Carrier et coll. (1996) ont demandé à des intervenants, à l’aide d’un questionnaire, s’ils considèrent que la judiciarisation a un effet positif ou négatif sur diverses dimensions de l’intervention. Bien que près du tiers des répondants n’avaient pas d’opinion particulière sur le sujet, les résultats montrent que les autres répondants (n=87) jugent que la judiciarisation a un effet positif sur l’intervention auprès de l’enfant (83%), l’intervention auprès des parents (74%), le règlement de la situation (84%) et la collaboration des parents (72%). Les résultats suggèrent donc que les intervenants perçoivent un effet positif de cette démarche sur l’intervention en général et sur la collaboration des parents. Cependant, le terme « collaboration » n’est pas spécifiquement défini dans l’étude et il est difficile de bien saisir ce qu’il inclut dans ce contexte. Aussi, un point intéressant amené par Cannavo (2007) est que la supervision effectuée en contexte judiciaire peut avoir des effets positifs lorsque les participants sont récompensés pour leurs efforts. En ce sens, Cavano (2007) mentionne que les participants ayant reçu des sanctions en cours de programme ont significativement plus de chances d’échouer le programme alors que ceux qui ont été récompensés pourraient avoir jusqu’à 15 fois plus de chances de réussir comparativement à des participants qui n’auraient reçu aucune récompense. Cela revient, en quelque sorte, à souligner les efforts du parent et de reconnaître le cheminement qu’il a fait, malgré le contexte judiciaire. Les résultats de Cannavo (2007) indiquent donc que la judiciarisation pourrait avoir des effets positifs ou négatifs, mais qu’ils pourraient être exacerbés, dans un sens ou dans l’autre par certaines pratiques comme les sanctions et les récompenses.

En résumé, il est difficile de déterminer, à partir de ces résultats, l’impact précis de la judiciarisation sur l’implication des parents. De plus, parmi les différentes études, aucune n’utilise le terme implication parentale à proprement parler. Il est donc difficile de comparer des études qui utilisent des termes différents comme la collaboration, la coopération ou la conformité au traitement. Dans le même ordre d’idée, Tourigny, et coll. (2006), soulignent, en se basant sur la littérature actuelle, qu’il n’est pas certain que ce processus produise réellement les effets

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escomptés sur les parents et les enfants. Il s’avère donc pertinent d’en savoir plus sur la perception qu’ont les intervenants des effets de la judiciarisation sur l’implication des parents puisque cela est un objectif important dans toute intervention en protection de la jeunesse et qu’il s’agit d’une procédure très utilisée.

Questions de recherche

Le but premier de l’intervention en protection de la jeunesse est bien entendu de mettre fin à la situation de compromission, mais elle doit aussi privilégier, dans la mesure du possible, l’implication des parents. Dans l’espoir d’atteindre ce but précis, la judiciarisation pourra être utilisée comme un instrument ou un levier pour amorcer des changements dans la situation familiale visant à mettre fin à la compromission. Mais dans les faits, si la judiciarisation permet de mettre fin à la situation de compromission, il est difficile de déterminer si elle aide réellement à favoriser l’implication parentale. D’ailleurs, comme les intervenants ont la responsabilité de déterminer si les parents s’impliquent dans les mesures déterminées, il est important de savoir ce qu’ils entendent par implication parentale. L’examen des écrits sur la question montre aussi qu’il sera intéressant d’examiner sur quoi se basent les intervenants pour déterminer qu’il y a eu un changement d’attitude et qu’il est suffisant. Le simple fait de poser cette question souligne l’importance des représentations des intervenants et du caractère quelque peu subjectif de ce que constitue l’implication parentale. Aussi, il peut s’avérer utile de porter attention aux pratiques des intervenants qui favoriseront l’implication parentale une fois la situation judiciarisée, considérant qu’ils sont eux aussi engagés par l’ordonnance de la cour. La littérature actuelle dans le domaine de protection de l’enfant apparaît donc justifier l’intérêt de mieux comprendre le phénomène de la judiciarisation. En regard de ces constats, la présente étude s’articulera autour des questions spécifiques suivantes:

1) Qu’est-ce qu’un parent impliqué du point de vue des intervenants en centre jeunesse? 2) Sur quoi les intervenants en centre jeunesse se basent-ils pour juger que les parents sont

suffisamment impliqués une fois la situation judiciarisée?

3) Quel est, selon les perceptions des intervenants en centre jeunesse, l’effet de la judiciarisation sur l’implication des parents dans le processus d’intervention?

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4) Dans la pratique, quels comportements et attitudes privilégient les intervenants en centre jeunesse pour impliquer davantage les parents dans l’intervention une fois la situation judiciarisée?

Recension des écrits

Dans le but de mieux étayer le sujet à l’étude, la présente recension des écrits s’articulera en quatre sections distinctes. La première section fait un survol du contexte légal encadrant l’intervention en protection de la jeunesse. La seconde se concentre principalement sur la judiciarisation, sur les facteurs qui mènent à la décision de judiciariser ainsi que sur les enjeux qui y sont liés. Ensuite, la troisième section s’intéresse à l’implication parentale, sa définition, les enjeux qui sont liés à un manque d’implication et les facteurs qui peuvent l’influencer. Enfin, une quatrième section fera état des limites méthodologiques des études actuelles et de la pertinence scientifique et sociale de l’étude.

Les lois qui encadrent la pratique en protection de la jeunesse

Pour qu’une situation puisse être judiciarisée, un cadre légal doit exister afin de délimiter les principes et les limites qui sous-tendent l’utilisation d’un tel recours. Dans le domaine des services aux jeunes en difficulté, trois lois distinctes encadrent la pratique soit la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS), la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA) et la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). Dans le cadre d’une intervention judiciarisée toutefois, seules la LPJ et la LSJPA sont concernées, la LSSSS restant toujours en toile de fond, mais encadrant plus particulièrement les services offerts sur une base volontaire. Dans le contexte de la présente étude, la LSJPA ne fera pas l’objet d’une attention particulière puisqu’elle vise principalement à responsabiliser l'adolescent âgé entre 12 et 17 ans ayant commis une infraction inscrite au Code criminel en rapport avec le délit et la protection de la société (ministère de la Justice du Canada, 2002). Dans ces cas, l’implication parentale pourra être favorisée, mais elle ne constitue pas une priorité comme c’est le cas avec la LPJ. La prochaine section s’attardera donc à la présentation de cette loi et de ses principes qui encadrent les mesures en protection de la jeunesse.

La LPJ est une loi qui s’applique dans un contexte d’exception et qui touche une clientèle cible très précise : les jeunes de 0 à 17 ans dont la sécurité ou le développement est compromis.

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Selon l’article 38 de la LPJ, la sécurité ou le développement d'un enfant est considéré comme compromis lorsqu'il se retrouve dans l’une des situations suivantes : a) abandon; b) négligence: soit sur le plan physique, sur le plan de la santé, ou sur le plan éducatif; c) mauvais traitements psychologiques; d) abus sexuels; e) abus physiques ou encore f) troubles de comportement sérieux (MSSS, 2007). De plus, selon l’article 38.1, la sécurité ou le développement d'un enfant peut être considéré comme compromis: a) s'il quitte sans autorisation son propre foyer, une famille d'accueil ou une installation maintenue par un établissement qui exploite un centre de réadaptation ou un centre hospitalier alors que sa situation n'est pas prise en charge par le directeur de la protection de la jeunesse; b) s'il est d'âge scolaire et ne fréquente pas l'école ou s'en absente fréquemment sans raison; c) si ses parents ne s'acquittent pas des obligations de soins, d'entretien et d'éducation qu'ils ont à l'égard de leur enfant ou ne s'en occupent pas d'une façon stable, alors qu'il est confié à un établissement ou à une famille d'accueil depuis un an (MSSS, 2007). Le but ultime de la LPJ, telle que nous la connaissons aujourd'hui, est de mettre fin à la situation de compromission et d’éviter qu’elle ne se reproduise afin d’assurer la sécurité et le sain développement des enfants (MSSS, 2007). Toutefois, si cet objectif constitue le cœur de la LPJ, l’intervention devra, en tout temps, tenir compte de certains principes particuliers.

Ces principes réfèrent principalement à l’importance d’une intervention qui se déroule dans l’intérêt de l’enfant et le respect de ses droits, reconnaît la primauté de la responsabilité parentale, vise autant que possible le maintien dans le milieu familial, privilégie la participation de la communauté, est diligente, respecte les particularités des communautés autochtones et respecte les personnes et leurs droits en contexte d’autorité (MSSS, 2007). Ces différents principes orientent la pratique des intervenants, que la situation soit judiciarisée ou non. Toutefois, la judiciarisation peut quelque peu changer la nature des attentes liées à ces principes de pratique. Par exemple, une ordonnance d’hébergement établit des balises assez précises en ce qui concerne l’intervention diligente qui demande à l’intervenant d’essayer d’initier des changements parfois très rapidement chez le parent. En vertu des délais de placement, mis de l’avant par la dernière modification de la LPJ, l’article 53.0.1 prévoit maintenant des délais maximaux d’hébergement pour les jeunes placés : 12 mois pour un enfant de moins de 2 ans, 18 mois pour un enfant 2 à 5 ans et 24 mois pour les enfants de 6 ans et plus (MSSS, 2008). Ainsi, pour pouvoir maintenir

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l’enfant en milieu familial et pouvoir pleinement exercer leurs responsabilités parentales, il faut que les parents corrigent la situation de compromission en un temps restreint qui débute lorsque tribunal impose une mesure d’hébergement. En ce sens, la loi et le recours au tribunal de la jeunesse requièrent une action relativement rapide des parents et, par le fait même, de l’intervenant devant lui assurer les services appropriés dans les délais prescrits. Par conséquent, même si la judiciarisation ne change pas les principes de la LPJ, elle peut affecter la manière dont l’intervenant devra négocier avec ceux-ci dans sa pratique. L’intervenant se doit d’assurer des services de qualité en respectant ces principes tout autant que les parents doivent être en mesure d’assurer qu’ils peuvent veiller à la sécurité et au sain développement de leur enfant.

Facteurs liés à la décision de judiciariser

Comme il l’a été dit précédemment, la judiciarisation est une procédure qui vise des objectifs précis et qui obéit à certains principes. Toutefois, ces éléments, à eux seuls, ne suffisent pas à expliquer pourquoi le recours au tribunal est parfois privilégié aux mesures volontaires. Plusieurs facteurs peuvent influencer la décision des intervenants, qui se retrouvent à l’étape de l’orientation en centre jeunesse, de recourir aux mesures judiciaires plutôt qu’aux mesures volontaires une fois que les faits sont jugés fondés et que la sécurité et/ou le développement sont jugés compromis. Il est toutefois à noter que la judiciarisation pourra tout de même avoir lieu à l’étape de l’application des mesures si le recours à une mesure volontaire ne suffit pas. Les raisons pour recourir à la judiciarisation pourront être liées de près à l’une ou plusieurs caractéristiques de la situation et dépendront, en grande partie, de l’évaluation psychosociale effectuée auprès de la famille. Certaines de ces raisons auront d’ailleurs une plus grande incidence que d’autres sur le choix de la mesure. Devant la hausse importante du nombre de cas portés en cour, trois études recensées, dont deux menées au Québec, se sont intéressées aux facteurs associés à la décision de recourir au tribunal de la jeunesse (Carrier et coll., 1996; Karski, 1999; Tourigny et coll., 2006). Ces facteurs seront plus amplement développés selon la catégorisation de Carrier et coll. (1996) qui se sont spécifiquement intéressés au cheminement décisionnel des intervenants en matière de judiciarisation en protection de la jeunesse. Selon ces derniers, quatre types de facteurs sont associés à la décision de judiciariser soit les facteurs légaux, situationnels, organisationnels et personnels.

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Les facteurs légaux réfèrent à des situations prévues dans la loi où les intervenants doivent automatiquement saisir le tribunal. Selon la LPJ (MSSS, 2007), le tribunal de la jeunesse devra donc être saisi dans les circonstances suivantes : une mesure de protection immédiate est demandée et les parents ou l’enfant s’y opposent (art.74), aucune entente n’est survenue dans les 10 jours et le développement ou la sécurité de l’enfant demeure compromis (art.52), la durée maximale d’hébergement prévue pour l’enfant a été excédée et le développement ou la sécurité de l’enfant demeure compromis (art.53.0.1), l’enfant de 14 ou plus ou l’un des parents impliqués se retire de l’entente alors que la situation est toujours compromise ou que la nouvelle entente est expirée (art.53.1). Auparavant, il était également nécessaire de judiciariser automatiquement lorsque la limite du nombre d’ententes sur mesures volontaires, conclue en deux ans, était dépassée, mais ce n’est plus le cas depuis l’entrée en vigueur des dernières modifications de la LPJ.

Les facteurs reliés à la situation, quant à eux, dépendent plutôt de la nature et de la gravité du problème. Ces facteurs sont liés directement au problème présenté et sont souvent ceux qui auront le plus de poids dans la réflexion (Carrier et coll., 1996). L’étude de Tourigny et coll. (2006) en met plusieurs en évidence sur la base de ses données provenant de l’étude d’incidence québécoise des signalements. Leurs résultats montrent que douze facteurs seraient plus fortement associés à la décision de recourir au tribunal, soit en ordre d’importance : 1) le recours à des mesures d’urgence; 2) le degré de coopération des parents; 3) des poursuites criminelles ont été entreprises; 4) l’enfant a déjà été pris en charge au cours des dernières années; 5) la famille a déménagé deux fois ou plus dans les 12 derniers mois; 6) le signalement concerne un enfant de moins de deux ans; 7) l’enfant signalé présente un plus grand nombre de besoins; 8) l’enfant vit dans un milieu substitut; 9) au moins un des parents vit de l’aide sociale; 10) une situation de compromission dure depuis plus de 6 mois; 11) le signalement concerne une situation d’abandon; et 12) il y a un conflit de garde (Tourigny et coll., 2006). Ces différents facteurs indiquent que certains types de problématiques ainsi que des caractéristiques liées aux parents, au milieu de vie et à l’enfant peuvent toutes prédisposer le recours à des mesures judiciaires. Ainsi, d’une part, il y a des éléments liés directement au motif de compromission, mais d’autre part, il y a aussi des caractéristiques particulières qui n’ont pas nécessairement de liens avec les motifs de l’intervention de la protection de la jeunesse au départ. En ce sens, l’instabilité (nombre de

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déménagements) et le fait qu’au moins un des parents vit de l’aide sociale sont deux facteurs qui n’ont pas lien avec la rétention d’un signalement, mais qui peuvent être associés à un plus grand risque de judiciarisation. Ces facteurs semblent associés à une plus grande vulnérabilité de la famille, mais n’expliquent pas nécessairement d’où provient cette vulnérabilité. Ainsi, il y a potentiellement des caractéristiques personnelles et des éléments de l’histoire socio-familiale qui pourraient être liés à la fois au fait de vivre de l’aide sociale et à un plus grand risque de recours à la judiciarisation. Pour compléter ces résultats, l’étude de Karski (1999), quant à elle, a identifié quatre facteurs liés à la référence au tribunal : la coopération avec l’agence, la confirmation de la compromission, l’usage confirmé de drogue et le soutien familial. Cet auteur met en évidence que la coopération réduit la probabilité d’être référé au tribunal, tandis l’usage de drogue et le manque de soutien familial semble l’augmenter. Toutefois, selon Karski (1999), le type de mauvais traitement n’affecterait pas la décision de recourir au tribunal en vertu de la LPJ. Dans les deux études, il est important de noter que la coopération des parents est d’une grande importance, soulignant la priorité accordée à l’implication des parents dans le processus de décision. De plus, la gravité de la situation variable importante.

Selon Carrier et coll. (1996), l’aggravation des troubles de comportement du jeune et les risques de récidives, l’alcoolisme du parent qui entraîne la négligence, le rejet de l’enfant par le parent, les tentatives de suicide, les fugues, les abus physiques et sexuels sont tous des exemples de facteurs qui peuvent précipiter le recours à la judiciarisation. D’ailleurs, les situations où il y a abus sexuel, mauvais traitement physique important et une absence de soins menaçant la santé immédiate de l’enfant sont souvent considérées comme étant particulièrement graves. C’est pourquoi elles font l’objet d’un protocole d’entente multisectoriel prévoyant des dispositions particulières pour offrir une intervention concertée visant à protéger l’enfant. (MSSS, 2001). Le recours plus fréquent aux instances judiciaires dans ces cas avérés d’abus sexuel, de violence physique ou d’absence de soins est lié au fait que ces gestes peuvent non seulement faire l’objet d’une ordonnance de la Chambre de la jeunesse, mais aussi de poursuites criminelles (MSSS, 2001). Dans le cas d’un père ayant abusé sexuellement sa fille, par exemple, il plus probable que la situation fasse l’objet de poursuites criminelles et que l’implication parentale ne soit pas privilégiée.

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Aussi, Leblanc (2010) rappelle qu’il y a trois éléments essentiels à prendre en considération dans le choix de la mesure à privilégier. En ce sens, la judiciarisation pourra être privilégiée devant : 1) toute négation des faits et comportements problématiques soulevée par la DPJ, 2) tout refus de s’engager pour atteindre le résultat visé par l’intervention, 3) toute opposition aux mesures proposées et que la DPJ estime essentielles à l’atteinte du résultat (Leblanc, 2010). Par conséquent, il est bien important que les motifs d’intervention et les moyens proposés soient bien compris et acceptés. Ainsi, une situation pourrait être judiciarisée même si un parent dit vouloir s’engager à faire ce qui lui est demandé, mais qu’il ne reconnaît pas le problème qu’on lui demande de corriger.

Les facteurs organisationnels, pour leur part, réfèrent à des éléments contextuels qui favorisent le recours à la judiciarisation. Par exemple, Carrier et coll. (1996) rapportent que certaines places d’hébergement ou de thérapie peuvent être disponibles uniquement après judiciarisation; ce qui pourrait avoir une incidence sur le choix des mesures. Par exemple, il faut nécessairement une ordonnance du juge pour obtenir le placement d’un jeune en famille d’accueil à majorité et cela, même si le parent est en accord avec la mesure. Cela va de même pour certains placements prolongés en centre de réadaptation qui ne peuvent pas être reconduits indéfiniment par mesures volontaires.

Enfin, les facteurs personnels réfèrent à toutes attitudes, perceptions, ou jugements qui sont propres à l’intervenant. Ces derniers sont liés au bagage intellectuel, émotionnel, culturel et environnemental de l’intervenant (Carrier et coll., 1996). Leur style d’intervention et leur position par rapport à l’utilisation de la judiciarisation pourraient donc influencer leur tendance à recourir au système judiciaire ou non.

Bref, même si c’est loin d’être le seul facteur impliqué dans la décision de judiciariser, il faut retenir que la coopération des parents est une variable importante influençant ce processus. De plus, le fait de judiciariser ne signifie pas que la collaboration sera présente lorsque des mesures seront ordonnées. D'ailleurs, il est à se demander si la contrainte est un moyen qui peut permettre d’obtenir cette coopération. Il apparaît donc essentiel de mieux comprendre l'implication parentale en contexte de judiciarisation qui peut être motif et objectif lié à l'utilisation de la judiciarisation.

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La judiciarisation présente des enjeux importants à considérer autant pour les parents que pour l’intervenant en protection de la jeunesse. Dans la littérature quatre grands enjeux ont été identifiés et font référence à : la transformation du rapport entre l’intervenant et la famille, l’augmentation du temps consacré à la préparation des audiences, l’incertitude que la judiciarisation mènera au jugement escompté et l’expérience traumatisante que peut constituer le passage en cour pour la famille (Conseil de la famille et de la jeunesse, 2005; Healy et Darlington, 2009; Palmer, Maiter et Manji, 2006; Tourigny et coll., 2006; Tremblay, Moisan, Laquerre et Faugeras, 2002).

Un premier enjeu de la judiciarisation se manifeste par une transformation du rapport entre l’intervenant et la famille, l’intervenant pouvant devenir une source de menace pour la famille (Tourigny et coll., 2006). Il devient donc difficile de marier le rôle d’intervenant social devant aider la famille et celui d’agent de contrôle et de surveillance qui doit utiliser les informations recueillies contre les parents si la situation l’exige. Cette situation peut affecter négativement le développement d’une alliance thérapeutique entre le client et l’intervenant qui est l’objet d’une plus grande méfiance. Comme le soulignent Healy et Darlington (2009), des tensions peuvent survenir lorsque l’on impose la notion de participation ou « travailler avec » à celle de protection qui exige d’exercer un pouvoir et de « travailler contre » le parent et ses désirs. Les pressions organisationnelles et politiques affectent constamment les pratiques dans ce milieu et il devient pertinent de déterminer comment les intervenants gèrent cette situation et ce double rôle. Souvent, les pressions plus bureaucratiques sont peu concordantes avec les valeurs initiales du travail social qui peuvent alors être mises de côté par ces derniers (Palmer, Maiter & Manji, 2006). En ce sens, il faut comprendre qu’une ordonnance du tribunal demande à l’intervenant (pour autant qu’il soit travailleur social) d’agir à l’encontre de l’une des valeurs fondamentales de sa profession, soit la promotion de l’autodétermination. Il peut donc s’avérer intéressant d’en apprendre davantage sur les pratiques d’intervention de ceux qui œuvrent dans le domaine de la protection de la jeunesse et qui arrivent à négocier avec tous ces impératifs de pratique parfois conflictuels.

Un second enjeu concerne le fait que les intervenants passent de plus en plus de temps à préparer les dossiers pour la cour. Les intervenants doivent donc réserver du temps aux audiences devant le Tribunal de la jeunesse et à la préparation de documents; ce qui diminue le temps qu’ils

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peuvent consacrer à l’intervention. Cette problématique est d’ailleurs reconnue par le MSSS (2006) qui est conscient des pertes de temps occasionnées autant par la famille que par les intervenants. Il est aussi nécessaire de rappeler tous les enjeux liés au temps et aux coûts de la mobilisation du système judiciaire. Selon Noreau (1993), le recours croissant aux instances judiciaires a pour conséquence première de provoquer l'engorgement et la paralysie partielle du système judiciaire en plus d’en augmenter significativement les coûts. Cela peut donc augmenter considérablement le temps d’attente pour obtenir une audience au tribunal de la jeunesse.

Un troisième enjeu est lié à la croyance que la judiciarisation amène le juge à prononcer les mesures favorisées de l’intervenant. En effet, même si cette démarche peut constituer un levier puissant pour favoriser un changement, cela peut également s’avérer être une arme à double tranchant. Dans leur module pédagogique à l’intention des intervenants, Tremblay, Moisan, Laquerre et Faugeras (2002) soulignent que le juge peut rendre une ordonnance qui ira dans une direction différente de celle souhaitée au départ par l’intervenant. Dans cette situation, à la fois les parents et l’intervenant pourront se retrouver avec des contraintes qu’ils ne souhaitent pas avoir.

Un quatrième enjeu concerne le fait que le passage devant le tribunal peut constituer une expérience douloureuse et déstabilisante pour les familles (Conseil de la famille et de la jeunesse, 2005). Leur vie personnelle et leurs difficultés se voient exposées devant toute la cour et cela est non seulement gênant, mais aussi humiliant pour plusieurs familles. Cela revient à aller plus loin dans l’intrusion dans la vie privée de l’évaluation en exposant leurs problèmes et en imposant des solutions. Il ne faut donc pas oublier que la judiciarisation peut, non seulement affecter la relation thérapeutique, mais aussi constituer un évènement difficile à vivre sur le plan émotionnel.

En bref, même si l’intervention en protection de la jeunesse garde souvent une certaine composante non volontaire, les enjeux particuliers liés à la judiciarisation justifient une adaptation de l’intervenant par rapport à l’intervention en mesures volontaires. Face à ces défis supplémentaires, il est possible de penser que la judiciarisation demande aux intervenants de développer des stratégies particulières pour favoriser l’implication parentale. Mais avant de pouvoir établir un lien plus précis entre les deux concepts, il s’avère nécessaire de s’intéresser de plus près au concept d’implication parentale.

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L’implication parentale dans l’intervention : un concept multidimensionnel

En se fiant uniquement à l’article 2.3 de la LPJ, l’implication parentale pourrait se résumer par la participation active des parents à l’application des mesures pour mettre fin à la situation qui compromet la sécurité ou le développement de leur enfant et pour éviter qu’elle ne se reproduise. Cette définition peut sembler claire, mais au final, elle en dit peu sur ce qui est attendu en termes de participation active.

Dans la littérature, très peu d’études se sont attardées à tenter de définir ce concept précis. Seulement deux études québécoises recensées se sont intéressées spécifiquement à la perception des intervenants de la protection de la jeunesse de ce qu’est l’implication parentale (Saint-Jacques, Lessard, Beaudoin et Drapeau, 2000, et Villeneuve, 2010). Les autres études recensées s’intéressent plutôt au concept «d’engagement» (Altman, 2008; Dawson & Berry, 2002; Headman & Cornille, 2008, Staudt, 2007; Yatchmenoff, 2005) participation (Healy et Darlington, 2009; Littel & Tajima, 2000; Littel, 2001; Littell, Alexander, et Reynolds, 2001) ou encore de «conformité au traitement» (Famularo et coll., 1989). Lorsque vient le temps de définir l’implication parentale, il peut donc être difficile de déterminer si ces dimensions se rapprochent plus ou moins de ce qui est attendu en termes d’implication parentale. Selon une revue de littérature de Littell, Alexander et Reynolds (2001), plusieurs termes vagues et interchangeables existent dans l’univers du service social tels que : engagement, implication, participation, conformité ou encore coopération, le terme « implication parentale » n’étant apparemment utilisé qu’au Québec. Ces différents termes sont utilisés pour référer à des dimensions comportementales (conformité), cognitivo-comportementales (engagement) ou encore relationnelles (collaboration). Dans cette optique, la présente section reprendra donc les définitions existantes de l’implication parentale ainsi que des différents autres concepts qui peuvent s’y apparenter dans la littérature.

Implication parentale

Une première conception de l’implication parentale provient de l’étude de Saint-Jacques et coll. (2000). Cette étude qualitative s’est intéressée à l’opinion des intervenants de la protection de la jeunesse quant à leur définition de l’implication parentale ainsi qu’aux différentes pratiques qui pourraient influencer celle-ci. Cette étude s’est inspirée d’une définition initiale de Blumental

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(1984) qui définissait l’implication parentale comme « l’inclusion et/ou la participation active du père et/ou de la mère dans les activités, les tâches, les services et les prises de décision tout au long de l’intervention des services de protection de la jeunesse. Cette implication doit permettre aux parents d’être en interaction avec toutes les personnes appelées à intervenir auprès de leur enfant ». Par la suite, ils ont effectué des entrevues de types focus group auprès de 38 intervenants travaillant au sein du Centre jeunesse de Québec. Les résultats ainsi montrent que certains intervenants peuvent concevoir comme impliqué le parent qui demeure le principal acteur dans la vie du jeune, qui reconnaît ses difficultés et ses responsabilités, qui est ouvert et transparent, qui collabore ou encore qui agit et travaille à l’atteinte de ses objectifs (Saint-Jacques et coll., 2000). Ces divers éléments de réponse suggèrent alors que le concept d’implication est multidimensionnel ou qu’il existe une très grande disparité au sein des intervenants quant à leur perception de ce qu’est l’implication parentale. De plus, certains intervenants voient l’implication comme une caractéristique fixe qui est présente ou non au départ alors que d’autres la conçoivent plutôt comme une caractéristique qu’il est possible de développer avec le temps (Saint-Jacques et coll., 2000). Pour sa part, dans son mémoire, Villeneuve (2010) s’est également intéressé à la perception qu’ont des intervenants de l’implication parentale. Pour se faire, 16 entrevues semi-dirigées ont été réalisées auprès d’intervenants du Centre jeunesse du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Villeneuve (2010), constate que les participants s’attendent à retrouver les éléments suivants chez les parents impliqués : l’ouverture, l’honnêteté, la transparence et l’acceptation de la problématique. Bien qu’il soit exprimé par l’auteur qu’il est difficile d’obtenir une définition claire et concise par les participants, celui-ci propose tout de même que l’implication parentale puisse être définie en fonction des deux composantes suivantes : 1) une volonté des parents d'amorcer des changements individuels qui répondent aux besoins de leurs enfants et a leurs propres besoins et; 2) une participation active au déroulement du processus d'intervention. Cette perception de la définition de l’implication parentale trouve certains points en commun avec celle de Saint-Jacques et coll. (2000). Toutefois, dans les deux cas, ces études ne proposent pas de mesure de l’implication parentale et n’apportent pas d’éclairage sur l’importance relative des différentes dimensions mises de l’avant par les intervenants. D’autres concepts connexes sont utilisés dans la littérature et peuvent contribuer à définir ou à spécifier ce qu’est l’implication parentale.

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Conformité au traitement

Certaines études utilisent la conformité au traitement comme concept ou comme un élément composant un concept plus général, c’est-à-dire, une dimension (Dawson et Berry, 2002; Famularo et coll., 1989 Littel et Tajima, 2000. Pour ces derniers auteurs, l’implication dans l’intervention est vue sous un angle strictement comportemental. Pour mesurer ce qu’ils appellent le niveau de conformité au traitement (treatment compliance) des clients aux ordonnances de la cour, ces auteurs se sont uniquement centrés sur la présence aux rendez-vous fixés. Selon cette perspective, les clients impliqués seraient ceux qui se conforment au traitement d’une façon qualifiée de bonne. Par conséquent, être présent à au moins la moitié des rendez-vous prévus pourrait suffire, par exemple, à être considéré comme impliqué dans l’intervention. Certaines études utilisent encore ce type de conception comme Headman et Cornille (2008) qui considèrent les familles engagées dans le traitement lorsqu’elles ont participé à quatre séances ou plus de thérapie et que le jeune ainsi qu’au moins un parent ont été impliqués dans la réalisation du plan d’intervention. De tels types de mesures, qui conduisent à des variables dichotomiques, ont l’avantage d’être plus faciles à opérationnaliser dans une recherche. Toutefois, selon Staudt (2007) qui s’intéresse à l’implication dans le cadre d’une relation thérapeutique, les définitions qui sont centrées sur les comportements des clients ne renvoient pas, comme elles le devraient, à un processus interactif incluant à la fois le client et l’intervenant.

Participation

La participation est, quant à elle, un peu plus utilisée que la conformité au traitement dans la littérature. Les études suivantes se sont donc intéressées au concept de participation, bien que ce concept puisse être perçu différemment d’une étude à l’autre.

Premièrement, pour Healy et Darlington (2009), la participation réfère principalement à l’implication dans le processus de décision au niveau de l’intervention. Un bon niveau de participation sera fonction du respect du rythme du client, de la capacité à déterminer le niveau approprié d’implication requis et de la transparence de l’intervenant.

Deuxièmement, Littell et Tajima (2000), pour leur part, conceptualisent la participation comme un état résultant de l’amalgame de deux dimensions, la collaboration et la conformité au

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traitement. La collaboration désigne la composante de la participation du client liée à la planification du traitement et à son acceptation. La conformité au traitement (compliance) s’attarde plutôt à la présence aux rendez-vous, à l’accomplissement de tâches et à la coopération avec l’intervenant.

Troisièmement, la revue de littérature de Littell, Alexander et Reynolds (2001) présente la participation comme un phénomène dynamique qui prend sa source dans les décisions que prennent les clients en fonction de leurs croyances, leurs buts, leurs contraintes externes et leurs expériences antérieures de traitement. Selon ces auteurs, une pleine participation des clients est à la fois un objectif et un but d’une intervention efficace qui ne serait ni immuable, ni fonction de caractéristiques préalables au traitement. La participation serait donc quelque chose qui se travaille, une condition préférable qu’il est possible de viser et d’atteindre dans différents contextes. Ils ont également construit un modèle conceptuel où la participation d’un client peut être vue à travers deux dimensions soit le degré d’activité (passif ou actif) ou encore selon la valeur de cette activité (positive ou négative) (Littell, et coll., 2001). Ce modèle forme deux axes permettant de classifier les clients selon leur niveau de participation : acquiesçant, résistant, coopératif et hostile. Ce modèle prend son importance dans le fait qu’il met en évidence le fait que le client peut participer ou non et qu’il peut aussi le faire d’une façon positive ou nuisible. Il ne s’agirait donc pas seulement d’impliquer le parent à tout prix, mais surtout de s’assurer qu’il le fera de façon constructive et de concert avec l’intervenant. Cette considération est d’une grande importance dans le travail avec les clientèles non volontaires.

Engagement

Parmi les études anglophones recensées, plusieurs utilisent le terme engagement plutôt que celui d’implication (Altman, 2008; Dawson & Berry, 2002; Headman & Cornille, 2008; Staudt, 2007; Yatchmenoff, 2005). Après un survol de la littérature récente, ce concept s’avère d’ailleurs être l’un des plus utilisés actuellement.

La première définition de l’engagement est celle de Dawson et Berry (2002) qui est très proche de la conception de la participation de Littell et Tajima (2000). Ces derniers voient la participation comme un mélange de collaboration (participation du client à la planification du traitement et à l’acceptation de ce dernier) et de conformité au traitement (présence au

Figure

Tableau 1 : Synthèse des principaux concepts, définitions, dimensions et indicateurs utilisés  dans les études examinant la participation des clients
Tableau 2 : Nombre de dimensions de l’implication parentale invoquées pas les répondants à travers  l'utilisation des mots spontanés
Tableau 3 : Nombre de dimensions de l’implication parentale invoquées pas les répondants du début à  la fin de l'entrevue
Tableau 4 : Indicateurs ayant été jugés centraux à la définition de l’implication parentale  par les répondants
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Références

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