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La lutte anti-contrefaçon de l’industrie du luxe, à l’ère du numérique et des nouvelles technologies

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Academic year: 2021

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La lutte anti-contrefaçon de l’industrie du luxe, à

l’ère du numérique et des nouvelles technologies

Mémoire

Victoire Lenfant

Maitrise en droit – avec mémoire Maitrise en droit (LL.M)

Sous la direction de :

Charlaine Bouchard, Université Laval

Julie Groffe-Charrier, Université Paris-Saclay

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Résumé

Notre mémoire de maîtrise porte sur la lutte anti-contrefaçon de l’industrie du luxe, appréhendée dans un contexte numérique où le fléau de la contrefaçon atteint son paroxysme. Toutefois, ce travail ne traite pas de la contrefaçon de manière générale mais s’attache plus particulièrement au phénomène de la contrefaçon en ligne de produits issus de l’industrie du luxe. Au regard de la délimitation de ce projet de recherche, il ne s’agira pas de faire une analyse en droit comparé mais de s’attacher au droit français, de rigueur face à une industrie du luxe majoritairement française. Malgré les nombreux éléments d’extranéité dus à certains acteurs internationaux impliqués dans la lutte, aussi bien les intermédiaires en ligne, les services douaniers que les offices de propriété intellectuelle étrangers, ce sujet se limitera territorialement à la France. Les objectifs de recherche sont de comprendre pourquoi les marques de luxe ne réussissent pas à contrer ce phénomène. Celui-ci, bien loin de décliner, au contraire s’intensifie. Quelles sont les causes, difficultés et quelles peuvent être les solutions pour lutter plus efficacement contre la contrefaçon en ligne ?

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Abstract

Our master's dissertation deals with the fight against counterfeiting in the luxury industry, apprehended in a digital context where the scourge of counterfeiting is reaching its peak. However, this work does not deal with counterfeiting in general but focuses more specifically on the phenomenon of online counterfeiting products from the luxury industry. With regard to the scope of this research project, it will not be a matter of making a comparative law analysis but of focusing on French law, which is the law required in the face of a predominantly French luxury goods industry. In spite of the numerous foreign elements due to certain international actors involved in the fight, such as online intermediaries, customs services and foreign intellectual property offices, this subject will be territorially limited to France. The research objectives are to understand why luxury brands fail to counter this phenomenon. This phenomenon, far from declining, is on the contrary intensifying. What are the causes, difficulties and what solutions can be found to fight more effectively against online counterfeiting?

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Avertissement ... vi

Remerciements ... viii

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Les obstacles à l’offensive des marques de luxe contre le fléau de la contrefaçon à l’ère du numérique ... 17

I. Les limites de l’action en contrefaçon sur Internet ... 17

A. Les difficultés de matérialisation du produit contrefait ... 18

B. L’identification d’un adversaire invisible ... 21

II. Le régime de responsabilité allégé des plateformes de commerce électronique 25 A. L’absence de mesures techniques de protection en droit des marques ... 26

B. Une responsabilité limitée au rôle actif de la plateforme ... 29

III. Les préoccupations supplémentaires liées à l’essor de la seconde main sur Internet ... 36

A. Le risque accru d’atteinte à l’image de marque par l’immixtion des produits contrefaits sur le marché secondaire ... 36

B. Le défi de l’authenticité des produits de luxe de seconde main ... 40

Chapitre 2 : Les nouvelles techniques de lutte anti-contrefaçon au bénéfice des marques de luxe ... 45

I. Le renforcement en amont de la stratégie de protection des marques de luxe ... 45

A. L’adaptation de la protection par la propriété intellectuelle aux enjeux actuels .... 46

B. La révision d’un système de distribution sélective obsolète ... 51

II. L’amélioration de la collaboration entre les acteurs impliqués dans le circuit de la contrefaçon ... 57

A. L’importance d’une coopération accrue des acteurs en ligne dans la surveillance des contenus ... 57

B. Le concours indispensable des services douaniers à l’action des marques de luxe à titre préventif ... 62

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III. Le soutien des nouvelles technologies dans la lutte contre la contrefaçon des marques de luxe ... 66

A. Des outils techniques adaptés à la veille sur Internet pour les marques de luxe : faciliter la détection en amont des produits contrefaits ... 67 B. Des solutions d’identification des produits de luxe au service des marques : offrir des garanties d’authenticité supplémentaires aux consommateurs ... 70 C. La technologie Blockchain au service de l’industrie du luxe dans la lutte contre la contrefaçon : assurer l’authenticité des produits de luxe au moyen de la traçabilité .... 75

Conclusion ... 80 Bibliographie ... 83

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Avertissement

En considération de la crise sanitaire et des conséquences engendrées par cette dernière, je me permets de porter à votre connaissance les principales difficultés que j’ai rencontrées. Outre le retour précipité en France, le caractère inédit de la situation a impacté sensiblement mes conditions de travail et m’a contrainte à adopter une autre stratégie de recherche. Je n’ai pas eu accès à l’intégralité des ressources envisagées pour le corpus. Privée du recours aux ouvrages consultés en France et au Canada en début de chaque semestre, je n’ai pas été en mesure d’y accéder à nouveau et de les citer de manière suffisamment précise. Ceux-ci m’ont néanmoins permis de me faire une idée concrète de l’intérêt de mon sujet et des points clés pouvant y être abordés. Enfin, je n’ai pas pu m’appuyer, au moment de la rédaction, sur le manuel relatif à la méthode de citation canadienne requise pour la bibliographie.

Aussi, ce travail intègre principalement des ressources électroniques que je me suis efforcée d’approfondir pour offrir le plus large panel possible de sources relatives à ce sujet. Fort heureusement, du fait de son actualité et de son évolution constante due à l’impact des nouvelles technologies, celui-ci se prêtait plutôt bien à ce cadre de recherches en ligne. Fruit de plusieurs mois d’investissement, ce mémoire n’est sans doute pas aussi abouti que je l’aurais souhaité mais j’ose espérer qu’il apportera sa pierre à l’édifice. Ma motivation n’a, quant à elle, jamais été entamée.

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Remerciements

Je tiens, avant tout, à remercier mes directeurs de recherche, Mesdames les Professeurs Charlaine Bouchard et Julie Groffe pour avoir accepté de diriger mon mémoire et m’avoir guidé durant la réalisation de cette étude. Leurs précieux conseils, leurs remarques et leur bienveillance m’ont été d’un grand soutien.

Je souhaite également remercier Madame le Professeur Sophie Verville pour ses commentaires opportuns et son point de vue nouveau lors de l’atelier de présentation, qui m’a permis d’envisager d’autres approches pour ce mémoire.

Je tiens tout particulièrement à témoigner ma gratitude envers Madame le Professeur Alexandra Bensamoun, directrice du Master 2 Propriété intellectuelle fondamentale et technologies numériques, pour m’avoir donné la chance d’intégrer ce double diplôme et de vivre cette expérience unique.

Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à ma famille qui m’a soutenu dans les moments de doutes et encouragé tout au long de mon parcours, en France comme au Canada.

Enfin, ces remerciements ne seraient pas complets sans mentionner mes camarades de master ainsi que mes colocataires qui m’ont conseillé, motivé et qui ont contribué à alimenter ma réflexion pendant la rédaction de mon mémoire. Je leur suis d’autant plus reconnaissante qu’ils m’ont aidé à affronter les moments difficiles, loin de mes proches, dans ce contexte si particulier. Si le retour anticipé en France a, certes, un léger goût amer, il n’en demeure pas moins que je garde en tête les formidables moments passés au Québec. Je ressors de cette année grandie et pleine d’ambition pour la suite.

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Introduction

La notion de contrefaçon est en principe caractéristique d’une atteinte portée à un droit de propriété intellectuelle. De manière générale, cette notion concerne donc à la fois les droits de propriété littéraire et artistique que les droits de propriété industrielle. Toutefois, force est de constater que « la contrefaçon épouse de nos jours des visages qui peuvent varier selon la discipline envisagée »1.

Plus particulièrement en droit de la propriété industrielle, la contrefaçon est analysée eu égard à un marché spécifique bien connu sous le nom de « marché du faux ». Ce dernier se destine à la réalisation et la vente de copies de biens de consommation, affectant ainsi principalement les monopoles intellectuels portant sur les dessins et modèles ou encore les marques. Au gré des évolutions, les nouvelles technologies ont, ici aussi, réussi à se faire une place. Dès lors, elles n’épargnent pas le paysage industriel, à la fois porteuses d’opportunités et de risques.

Pari audacieux pour les entreprises, elles sont sources de modernisation mais facilitent dans un même temps la promotion et commercialisation des contrefaçons. Qui plus est, elles revêtent aujourd’hui un aspect si abouti qu’elles engendrent l’obtention de produits contrefaisants aux caractéristiques inégalées. Favorables à l’amplification du phénomène de contrefaçon, celui-ci « connaît, là encore, un essor sans précédent »2 comme le souligne le professeur Tristan Azzi. Véritable fléau pour la société, la contrefaçon a aussi envahi le monde virtuel car la révolution Internet a permis un développement exponentiel de la cyber-contrefaçon s’étendant à tous les secteurs d’activité économique dont l’industrie du luxe3.

Les marques de luxe ont longtemps évité Internet et cette exclusion volontaire semblait s’expliquer par le fait qu’il leur paraissait difficilement concevable d’opérer un rapprochement entre leur univers si particulier et le digital, en raison des risques importants qui y étaient liés. La contrefaçon était la plus grande crainte des marques de luxe,

1 Tristan Azzi, « La loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon » (2008) 11 Recueil Dalloz 700. 2 Ibid.

3 Laurence Dreyfuss-Bechmann, « Paroles d’experts – Lutter contre la Contrefaçon sur Internet » (31 mars

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préoccupées par un potentiel ternissement de leur image de marque, doublé des pertes économiques susceptibles d’en découler.

Toutefois, consciente de l’impossibilité d’ignorer indéfiniment les opportunités offertes par Internet et notamment par le commerce électronique, l’industrie du luxe a su faire preuve d’adaptation. Face à l’évidente « complémentarité entre le digital et le physique »4 , les marques de luxe ont finalement accéléré le processus afin d’être réellement présentes sur la toile et la prestigieuse maison française « Louis Vuitton » a été l’une des premières à y prendre place. Cette immixtion des grandes marques sur Internet a nécessité un renforcement de leur contrôle, impérativement permanent et soigné afin de préserver la part de prestige qui leur est associée.

Le luxe adopte donc, à son tour, des stratégies relationnelles et sociales, similaires à celles des marques de grande consommation, dans le but de se rapprocher au mieux des nouvelles générations de consommateurs, quitte à s’éloigner quelque peu de ses valeurs et son « essence originelle »5. Ainsi, la grande marque « Armani » prend place sur le réseau social

« Twitter » pour communiquer avec les internautes autour de divers sujets liés à la mode, à l’architecture et même au design. La maison de champagne « Moët & Chandon » sollicite les Instagramers pour mettre en valeur leurs produits et la marque « Marc Jacobs » échange des parfums et accessoires contre des posts sur les réseaux sociaux6.

Le luxe s’est donc peu a peu dirigé vers le e-commerce, aujourd’hui essentiel pour l’industrie. Cependant, ce tournant n’est pas sans conséquences et c’est précisément en raison de la multiplication des techniques de commercialisation, et notamment par le recours au commerce électronique qui « accroit les risques de la vente classique »7, que les marques de luxe se retrouvent confrontées à une prolifération de produits contrefaits. Simultanément, le nouvel outil d’Internet a offert la possibilité de développer différentes pratiques et usages de signes totalement inédits8.

4 Ibid.

5 Carmen Turki Kervella, Le luxe et les nouvelles technologies, Paris, Maxima, 2016, aux p 77-78. 6 Ibid.

7 Ibid.

8 Elizabeth Tardieu-Guigues, « État des lieux 2012 : internet, marques, intermédiaires, référencement » (2012)

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Traditionnellement, dans le commerce, la reproduction pure et simple de la marque ne se rencontrait que de façon exceptionnelle. En effet, de manière générale, les contrefacteurs prenaient soin d'introduire une différence avec la marque, aussi minime soit elle. Néanmoins, le développement du commerce international, et particulièrement du commerce en ligne, s'est accompagné d’un véritable essor de la contrefaçon « qui voit fleurir les hypothèses de reproduction pure et simple de marques, le consommateur ne recherchant pas tant le produit, que la marque elle-même »9.

Les comportements se transforment et, face au commerce de contrefaçons, la mentalité des consommateurs change et emprunte, petit à petit, un chemin plus obscur. Leurs choix et achats constituent bel et bien les vecteurs d’une augmentation de la production et de l’offre de biens contrefaits. La situation s’est donc inversée et la contrefaçon revêt un nouveau visage auquel les marques doivent faire face. Ce contexte défavorable induit diverses problématiques relatives à la contrefaçon mais les difficultés ne sont plus les mêmes. On peut valablement constater une accumulation des obstacles rendant la lutte contre les produits contrefaits bien plus complexe et empêchant les marques de lutter efficacement contre ce fléau permanent.

La propriété intellectuelle n’a pas été conçue pour un environnement immatériel. A ce titre, le professeur Elizabeth Tardieu-Guigues prend pour exemple le droit des marques qu’elle introduit comme un droit « territorialisé » et qu’elle confronte à l’environnement si particulier d’Internet qui n’est autre qu’ « un espace virtuel sans territoire, dématérialisé »10. D’emblée, ce constat permet de deviner l’envergure du problème.

L’une des difficultés majeures tient au fait que le numérique complexifie les possibilités de répression des marques de luxe afin de sanctionner les atteintes à leurs droits. Internet laisse émerger des limites à l’action en contrefaçon des marques de luxe car la contrefaçon, désormais immatérielle, est bien plus difficile à appréhender au sein de cet environnement.

9 Sylviane Durrande. « Atteintes à la marque : reproduction et imitation de marque » (2020) Fasc. 7511 JurisClasseur Marques - Dessins et modèles, au point 21.

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Par conséquent, la matérialisation des actes de contrefaçon commis sur Internet est complexe voire quasi impossible or, avant toute action, il est nécessaire de pouvoir détecter les produits contrefaits et d’identifier le ou les contrefacteurs. Les titulaires de droits rencontrent des difficultés pour détecter la contrefaçon à partir de l’image diffusée en ligne, faute de pouvoir analyser en détail le produit ou encore son étiquetage. De plus, l’image utilisée est bien souvent l’image originale du produit11 ce qui ne fait qu’exacerber la tromperie. Face à la multitude des techniques de commercialisation et notamment l’importance grandissante des réseaux sociaux et de la vente entre particuliers, il n’est pas aussi évident de détecter les produits contrefaits circulant sur les différents et nombreux flux de distribution12.

Internet octroie ainsi une plus grande visibilité de l’offre13. Les vendeurs passent par les messageries d'applications comme « WeChat », ou « TikTok »14 mais l’exemple le plus évident reste le réseau social « Instagram » qui serait même devenu l’outil de prédilection des acheteurs et vendeurs d'articles de luxe contrefaits, notamment en raison d'une fonctionnalité mise à la disposition de ses utilisateurs : les stories15. Il s'agit d'un mode de publication éphémère où le contenu « disparaît » au terme d'une durée de 24 heures et les grandes marques seraient particulièrement touchées par cette nouvelle pratique16. De façon plus générale, les « ventes flash », offres promotionnelles de courte durée, témoignent de cette difficulté car le temps que la contrefaçon soit détectée, l’offre a déjà disparu.

De plus, les commandes effectuées sur Internet sont, pour la plupart, acheminées par la voie postale et en très petites quantités17. Le e-commerce conduit à une « fragmentation des

envois », ce qui rend difficile la captation des produits contrefaisants par les services

11 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3. 12 Ibid.

13 Tardieu-Guigues, supra note 8.

14 Enrique Moreira, « Comment les vendeurs en ligne chinois contournent la loi sur les contrefaçons » (18

janv. 2019) en ligne : Les Echos <https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/comment-les-vendeurs-en-ligne-chinois-contournent-la-loi-sur-les-contrefacons-614433>.

15 Florence Meuris-Guerrero, « La contrefaçon sur internet des produits de luxe et des produits règlementés »

(2019) 7-8 Comm. com. électr. 56.

16 Ibid.

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douaniers18, sans oublier qu’il demeure impossible pour les forces de police de contrôler

l’ensemble des colis en provenance de Chine notamment19. Selon un rapport d’enquête de 2019 relatif à « Instagram » et son implication dans le phénomène de la contrefaçon, la Chine reste le pays identifié comme origine principale des produits contrefaits, représentant environ 43% de ces activités illégales sur le réseau social. Viennent ensuite des pays comme la Russie (30%), l’Indonésie (13.5%) et enfin, avec des chiffres bien moins importants, l’Ukraine, la Turquie et la Malaisie comptant chacun entre 4.65% et 3.86%20. De surcroit, l’auteur de l’offre contrefaisante sur Internet est également difficile à identifier, l’adversaire des marques se trouve donc « invisible » sur la toile qui est couverte par un « anonymat quasi total »21. Lorsque l’auteur de l’offre contrefaisante est hébergé par un site tiers, il est alors possible d’agir contre l’hébergeur afin d’obtenir l’identification de l’auteur nécessaire à la mise en œuvre des poursuites. Les titulaires de droits peuvent se référer aux Conditions Générales d’Utilisation et de Vente prévoyant généralement la possibilité de signaler les atteintes. Les plateformes doivent ainsi retirer les contenus lorsqu’elles ont connaissance de leur caractère illicite mais, s’agissant de l’identification de l’auteur de tels contenus, l’hébergeur est libre de ne pas donner suite à leur demande.

En tout état de cause, les titulaires de droit peuvent toujours recourir à la voie judiciaire pour obtenir la communication de ces informations auprès de l’hébergeur22 sur le fondement de l’article 6. II de La loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans

l’économie numérique23 (ci-après : « LCEN »). Sans grande conviction, le professeur

Jérôme Huet dénonce le fait que cet « anonymat se mélange à l'illicite » et ajoute qu’il y a

18 Laurence Duarte, « Comment mieux combattre la contrefaçon » (20 mai 2019) en ligne : Harvard Business Review <https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2019/05/26022-comment-mieux-combattre-la-contrefacon/>.

19 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie » (20 février

2018) en ligne : Les carnets du luxe <https://www.carnetsduluxe.com/grands-formats/groupes-de-luxe-luttent-contre-contrefacon-detournent-ironie/>.

20 Andrea Stroppa, Davide Gatto, Lev Pasha et Bernardo Parrella. Instagram and counterfeiting in 2019: new features, old problems, Rapport d’enquête, 2019, en ligne : Ghostdata,

<https://ghostdata.io/report/Instagram_Counterfeiting_GD.pdf>.

21 Tardieu-Guigues, supra note 8. 22 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3.

23 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), JORF n°0143 du

22 juin 2004, art. 6. II. ; voir aussi : Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil relative à

certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), 8 juin 2000, JO n° L178.

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là « les ingrédients pour toutes les dérives »24. La loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007de

lutte contre la contrefaçon25 a spécifiquement prévu un « droit d’information » pour les titulaires de droits. Renforcée par une loi du 11 mars 201426, son application ne nécessite plus que le litige soit tranché sur le fond pour obtenir de tels éléments de preuve, cependant, la mise en œuvre d’une telle action reste nécessaire au regard de l’article L. 716-4-9 (ancien article 716-7-1) du Code de la propriété intellectuelle (ci-après : « CPI ») relatif au droit des marques27. La gestion de cet anonymat reste donc complexe à appréhender et surmonter en cas d’atteinte aux droits. Cet ensemble de contraintes conduit donc naturellement les titulaires de droits à se tourner vers les plateformes de e-commerce28.

Cela nous amène à envisager un autre problème tenant, cette fois-ci, au rôle des intermédiaires et plus spécifiquement à la problématique des market-place « particulièrement d'actualité et mouvante car la vente en ligne explose et que le système de distribution sélective est ancien » comme le souligne à juste titre Joël Tozzi, rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence29. Le problème tient au fait que leur

responsabilité est particulièrement limitée et que les intermédiaires, in fine, ne sont pas impliqués dans la lutte.

L’exemple type, à l’origine des débats et illustrant parfaitement la complexité du commerce électronique, est probablement l’action anti-contrefaçon du groupe LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton (ci-après : « LVMH ») contre la plateforme « Ebay ». En 2006, LVMH a accusé cette dernière de faciliter la vente de produits contrefaits, de causer des dommages en termes de réputation, d’atteindre à l’image des marques du groupe ainsi que

24 Master professionnel Droit du multimédia et de l'informatique, Paris II. Focus « Propriété intellectuelle :

Internet et la contrefaçon dans l'industrie du luxe » (2007) 3 Comm. Com. électr. Alerte 47.

25 Loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, JORF n°252 du 30 octobre 2007 ; loi

de transposition de la Directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil relative au respect des

droits de propriété intellectuelle, 29 avril 2004, JO n° L157/45.

26 Loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon, JORF n°0060 du 12 mars 2014. 27 CPI, art. L716-4-9.

28 Frédéric Jung et François-Xavier Langlais, « Marques, restez inventives face à la contrefaçon en ligne » (26

février 2019) en ligne : LSA : <https://www.lsa-conso.fr/marques-restez-inventives-face-a-la-contrefacon-en-ligne,311971>.

29 Anne Moreaux, « Le droit comme bouclier des grandes marques » (28 juin 2019) en ligne : Affiches parisiennes <https://www.affiches-parisiennes.com/le-droit-comme-bouclier-des-grandes-marques-9141.html>.

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d’occasionner des dommages financiers30. Pour atténuer sa responsabilité, le site d'enchères

a invoqué sa qualité d'hébergeur en s’appuyant sur l’article 6.I de la LCEN. Au regard de la définition donnée de la qualité d’hébergeur et des contours de sa responsabilité, il apparaît que celui-ci n'est effectivement pas tenu à une obligation générale de surveiller les informations qu'il transmet ou stocke, ni à une obligation générale de procéder à des recherches en la matière31. De ce fait, il ne peut engager sa responsabilité civile s’il n'avait pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître un tel caractère. Qui plus est, sa responsabilité ne peut être engagée s’il s’avère qu’il a agi immédiatement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible, dès le moment où il en a eu connaissance sauf si le destinataire du service agit sous son autorité ou son contrôle32. En l’espèce, la Cour rejette cette qualification d’hébergeur et vient ici mettre fin aux débats relatifs à la qualification de l'activité du site aux enchères. « Ebay » a donc été condamné à payer 40 millions de dommages et intérêts au demandeur, une somme ramenée à 5,7 millions d’euros en 200833.

Bien que, cette solution paraisse favorable aux titulaires de droits, il n’en demeure pas moins qu’elle repose sur l’appréciation d’une condition de taille : le critère du « rôle actif ». La chambre commerciale vient utiliser ce critère retenu par la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après : « CJUE ») dans sa décision du 23 mars 2010, mettant un point final à un ensemble d’affaires jointes impliquant la société Google34. Elle reprend également la motivation développée par la CJUE dans son arrêt L’Oréal c. eBaydu 12 juillet 201135. Si

elle représente une petite victoire pour l’industrie du luxe, cette solution rappelle toutefois le caractère particulièrement limité de la responsabilité des intermédiaires, ainsi réduite à la démonstration d’un rôle actif dans leur appréhension des cas de contrefaçons par exemple.

30 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie », supra note 19. 31 Laurence Mauger-Vielpeau, « eBay n’est pas un simple hébergeur ! » (2012) 26 Recueil Dalloz 1684. ; LCEN, art. 6. I.

32 LCEN, art. 6 I.

33 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie », supra note 19. 34 CJUE, 23 mars 2010, aff. jointes C-236/08 à C-238/08, Google France SARL c/ Louis Vuitton Malletier SA et autres.

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Le professeur Pierre-Yves Gautier signale cette responsabilité « excessivement limitée des professionnels de l’internet » alors que selon lui, celle ci est « particulièrement sérieuse36 ». En ce sens, la Cour des comptes dénonce, dans son rapport de février 202037, le régime actuel qui ne prévoit aucune obligation légale « de veiller à prévenir la diffusion de contenus illicites, et notamment contrefaisants ». Les intermédiaires n’ont « pas de mesures proactives à mettre en place pour traquer, surveiller, épier les éventuelles contrefaçons mises en ligne par les utilisateurs38 ». Leur inertie est une difficulté de plus pour les marques de luxe dans leur combat contre la contrefaçon.

Enfin, on ne peut ignorer le nouveau risque qui se profile à l’horizon : la progression de la seconde main. Les Français s’offrent de plus en plus de vêtements et chaussures d’occasion et le marché est largement tiré par Internet. Après s’être démocratisé dans les années 2000, l’achat d’occasion de textile et de chaussures est devenu un véritable phénomène de société. Ainsi, en 2019, 32% des Français ont effectué un achat de seconde main en mode, contre 16% en 2018 et 41% déclarent vouloir le faire dans les prochains mois, comme le souligne Frédéric Valette, directeur à l’institut Kantar (leader mondial des études marketing)39. Cette croissance va inévitablement continuer et d’ici 2021, le marché secondaire du luxe pourrait même atteindre 31 milliards d'euros40. Ce phénomène d’ampleur prend des proportions qui étaient inenvisageables auparavant puisqu’il était d’usage de ne posséder qu’un seul sac de marque de luxe par exemple et de le conserver tout au long de sa vie. Désormais, la tendance est visiblement inversée, en cause, la volonté grandissante d’alterner et de choisir selon l’envie. Avec l’essor de la vente en ligne et des sites de seconde main, nombreux sont donc les consommateurs qui choisissent de revendre

36 Pierre-Yves Gautier, « De l'influence des réseaux sociaux sur l'édiction du droit » (2019) 9 Dalloz IP/IT

492.

37 Cour des comptes, La lutte contre les contrefaçons : Une organisation et des outils pour mieux protéger les consommateurs et les droits de propriété́ industrielle, Communication au comité d’évaluation et de contrôle

des politiques publiques de l’Assemblée nationale, février 2020, en ligne : <https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-03/20200303-lutte-contre-les-contrefacons_0.pdf >.

38 Marc Rees, « Propriété industrielle : la Cour des comptes veut une obligation de vigilance des hébergeurs »

(5 mars 2020) en ligne : Next inpact < https://www.nextinpact.com/news/108756-propriete-industrielle-cour-comptes-veut-obligation-vigilance-hebergeurs.htm>.

39 Cécile Crouzel, « Habillement : la folie des achats d'occasion froisse les enseignes » (23 janvier 2020) en

ligne : Le Figaro < https://www.lefigaro.fr/societes/habillement-la-folie-des-achats-d-occasion-froisse-les-enseignes-20200122>.

40 Loÿs de La Soudière, « Le luxe d’occasion face au défi de la traçabilité » (28 mai 2019) en ligne : Stratégies <http://www.strategies.fr/blogs-opinions/idees-tribunes/4029815W/le-luxe-d-occasion-face-au-defi-de-la-tracabilite.html>.

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leurs produits de luxe pour en acquérir de nouveaux. Le succès fulgurant de « Vinted » en témoigne. Cette plateforme de revente de vêtements et d’accessoires compte 11 millions d’adeptes en France, qui représente son premier marché en Europe41. Les marques et les groupes de luxe n’hésitent donc plus à investir massivement dans la lutte contre la contrefaçon car l’essor du marché du luxe de seconde main est, lui aussi, « conditionné à la lutte contre les articles contrefaits »42.

En définitive, leur défi actuel repose sur traçabilité de leurs produits. S’ils sont présumés être d’occasion, des doutes émergent quant à leur authenticité et celle-ci doit pouvoir être prouvée. Les acheteurs souhaitent voir leurs achats garantis, cependant, il n’existe que quelques prestataires spécialisés dans l’expertise de ces articles d’exception. Dans leur quête de l’authentique, être capable d’identifier le vrai du faux nécessite de passer par un expert, dont l’examen est particulièrement long et couteux. Aussi, la certification repose généralement sur une simple authentification papier, qui peut donc être facilement copiée et falsifiée43. Dès lors, des plateformes se rangent aux côtés du secteur du luxe pour certifier

les produits revendus par ce biais44. Les marques de luxe sont souvent partenaires de ces sites afin d’apporter les « garanties de réassurance » aux futurs acheteurs45. Somme toute, ces difficultés tenant à la garantie de l’authenticité conduisent à l’émergence d’un enjeu de taille pour les marques de luxe : assurer la traçabilité de leurs produits.

Par conséquent, il convient de se demander quels outils sont à disposition des marques de luxe pour faciliter la matérialisation de l’acte de contrefaçon et ainsi leur permettre de détecter les produits contrefaits et d’en identifier l’origine. Il s’agit également de s’interroger sur le moyen adéquat qui serait susceptible d’accroitre l’implication des intermédiaires dans la lutte contre la contrefaçon, dont la responsabilité est particulièrement limitée au regard de la législation encadrant le commerce électronique.

41 Crouzel, supra note 39.

42 Emilie Besse, « 22e Journée Mondiale Anti-Contrefaçon » (10 juin 2019) en ligne : Les carnets du luxe

<https://www.carnetsduluxe.com/business/22e-journee-mondiale-anti-contrefacon/>.

43 La Soudière (de), supra note 39. 44 Ibid.

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En outre, il est pertinent de comprendre en quoi il est nécessaire de revoir la stratégie de protection des marques de luxe par le droit de la propriété intellectuelle et de la distribution sélective afin de l’adapter aux difficultés du monde virtuel. Enfin, il est adéquat d’envisager quelle solution permettrait d’assurer une meilleure traçabilité des produits de luxe pour garantir leur authenticité face à l’essor de la seconde main.

Notre première hypothèse est qu’a priori, les marques de luxe doivent anticiper davantage, renforcer leur protection et l’adapter aux nouvelles difficultés. Le principe est d’anticiper sa protection afin de pouvoir agir le plus efficacement possible. Cela signifie que l’industrie du luxe doit être dans « l’action » et non dans la « réaction »46. Pour cela il est nécessaire de mettre en place des mesures anti-contrefaçon avec une meilleure protection du produit, rendant plus difficile la copie47. Le réflexe de la propriété intellectuelle est essentiel car il est plus simple de protéger en « amont » qu’en « aval »48. C’est un véritable investissement et pour parvenir à lutter contre la contrefaçon, les marques de luxe doivent redoubler d’inventivité et de solutions novatrices. Pour devancer les contrefacteurs elles doivent procéder à l’enregistrement de leurs actifs en tenant compte des variations susceptibles d’intervenir et, notamment, s’appuyer sur l’autodérision. Parodier la contrefaçon est un moyen pour les marques de combattre la contrefaçon et la tourner à leur avantage49. Au regard de la marque, il est vital de procéder à un dépôt à l’international ou plus spécifiquement en Chine car le marché asiatique est « le roi de la contrefaçon »50. La stratégie de protection des marques de luxe doit également être appréhendée au regard du droit de la distribution. Il est nécessaire de mettre à jour le système de distribution sélective dont elles bénéficient et qui se trouve être, aujourd’hui, obsolète. Les entreprises de luxe doivent adapter leurs méthodes classiques de distribution et mettre en place des critères restrictifs permettant de limiter le nombre de revendeurs. Il convient donc de choisir avec soin les distributeurs pour que ceux-ci puissent devenir des partenaires de choix, permettant

46 Claire Domergue, « Cyber contrefaçon : un fléau pour l’industrie du luxe » (Interview d’Emmanuelle

Hoffman), en ligne : <https://5af95f36-ac2e-4209-957d-c34fd3b80206.filesusr.com/ugd/ffd882_ec6d7f706a3640f8aa25cfabf57a28f1.pdf>.

47 Duarte, supra note 18. 48 Moreaux, supra note 25.

49 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie », supra note 19. 50 Moreaux, supra note 25.

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une surveillance accrue de la distribution et empêchant les contrefaçons de pénétrer dans les canaux légitimes51.

La seconde tient au fait que les outils de droit positif ne seraient pas les seuls à venir au soutien de l’industrie et les marques peuvent également s’appuyer sur la coopération et collaboration de nombreux acteurs de la répression. Les marques de luxe ne pourront, à elles seules, assurer une veille efficace et vaincre ce fléau. Dans un souci de réactivité, il est nécessaire de bénéficier d’un « effort de mutualisation » des différents acteurs52. Les marques de luxe doivent trouver un terrain d’entente et s’appuyer sur la collaboration des acteurs en ligne tels que les plateformes, les réseaux sociaux ou moteurs de recherche. De nombreux accords ont été conclus et les intermédiaires redoublent de vigilance en mettant dorénavant en place leur propre système de surveillance. Il est également essentiel de mentionner le rôle prépondérant des douanes pour lesquelles Internet est aussi devenu « une nouvelle frontière »53. Les services douaniers français ont modifié leurs pratiques et ont même créent un service « Cyberdouane » afin de recueillir et d’exploiter toute information utile sur Internet dans le cadre plus général de la lutte contre la cybercriminalité. De même, les douanes de l’Union européenne ont mis en place une coopération interétatique afin d’uniformiser leurs pratiques54.

De plus, si la coopération avec d’autres acteurs est primordiale, le recours à d’autres outils modernes complémentaires apparaît également indispensable. Les nouvelles technologies viennent au soutien de l’industrie du luxe dans leur lutte contre la contrefaçon. Ainsi, la veille sur Internet est facilitée par des outils techniques capables de surveiller les moteurs de recherche, les réseaux sociaux ou encore les sites de vente55. Webdrone, par exemple, est une plateforme de détection automatique d’information sur la cybercriminalité́ et les contrefaçons56. L’identification des produits est simplifiée par l’utilisation de marquages

51 Duarte, supra note 18.

52 Meuris-Guerrero, supra note 15. 53 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3. 54 Ibid.

55 Duarte, supra note 18. 56 Domergue, supra note 46.

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intelligents tels que des procédés d’inscription au laser57, des tags, des hologrammes ou

encore des traceurs58. Enfin, récemment, le groupe de luxe français LVMH s’est vu décerné un prix pour souligner son implication dans la lutte contre les articles contrefaits. Il s’intéresse fortement aux nouvelles technologies et notamment au dispositif de Blockchain. Son objectif est de l’adapter aux « contraintes de traçabilité des objets de luxe », et particulièrement de la maroquinerie59, nouvel enjeu pour l’industrie. La Blockchain, donnerait la possibilité d’enregistrer un certificat d’authentification digital infalsifiable. Ainsi numérisé et protégé, il garantirait l’authenticité du produit tout au long de sa vie, et ce, même s’il change plusieurs fois de propriétaires60.

Enfin, si ces différents éléments sont autant de moyens de renforcer la protection des marques de luxe, il appert que la législation encadrant le commerce électronique est inadaptée aux nouvelles réalités et qu’elles accroit les difficultés pour les marques de luxe de lutter efficacement contre la contrefaçon en ligne. De ce fait, comme le préconise la Cour des comptes, le régime de responsabilité des intermédiaires mériterait d’être révisé faute de quoi le phénomène ne pourra jamais être véritablement maitrisé. Les intermédiaires n’ont pas de mesures proactives à mettre en place pour traquer et surveiller les éventuelles contrefaçons mises en ligne par les utilisateurs L’absence de mesures techniques de protection, est un frein pour la lutte des marques. De plus, les plateformes ne sont pas suffisamment réactives et leur inefficacité a même conduit à se tourner vers les fournisseurs d’accès à Internet. En effet, pour la première fois en propriété industrielle par une ordonnance de référé du 8 janvier 2020, le tribunal judicaire de Paris a admis la compatibilité des demandes de blocage de l’accès à des sites de ventes de produits contrefaisants des marques avec l’article 6. I. 8 de la LCEN61. S’appuyant sur cette loi, les demandeurs n’étaient donc pas tenus d’introduire une action au fond telle qu’imposée par l'article L. 716-4-6 du Code de la propriété intellectuelle62, relatif au droit des marques. En

57 Perrine Signoret, « Huit nouvelles technologies pour lutter contre la contrefaçon » (28 Avril 2015) en

ligne : Le vif <https://trends.levif.be/economie/high-tech/huit-nouvelles-technologies-pour-lutter-contre-la-contrefacon-en-images/diaporama-normal-391855.html>.

58 Duarte, supra note 18.

59 Besse, « 22e Journée Mondiale Anti-Contrefaçon », supra note 42. 60 La Soudière (de), supra note 39.

61 TJ Paris, réf., 8 janv. 2020, n° 19/58624, Richemont c/ Bouygues Telecom et a.

62 Julie Groffe-Charrier,« Atteinte à la marque et demande de blocage fondée sur la LCEN » (2020) Dalloz actualité. ; CPI, art L.716-4-6.

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ce sens, la Cour des comptes recommande une réforme encore plus ambitieuse, visant à revoir la directive sur le commerce électronique63. L’idée mise en avant consisterait à contraindre les hébergeurs à une obligation de vigilance renforcée64, à l’image de ce qui est prévu en droit d’auteur.

Face à cette insuffisance du droit et à défaut de pouvoir être réactives en ligne, les marques de luxe doivent anticiper, trouver des solutions et adapter leur protection pour pallier les obstacles. Pour cela, elles disposent de divers outils de droit positif avec la protection offerte par le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la distribution65 mais également de moyens issus de la soft law. Les accords et les efforts combinés des différents acteurs pouvant être impliqués sont autant de moyens sur lesquels les marques peuvent s’appuyer. Cependant, l’enjeu est tel qu’il est nécessaire de s’intéresser à toutes les techniques possibles et envisageables pour lutter contre la contrefaçon. A l’ère du numérique et des nouvelles technologies, de nouvelles solutions semblent donc venir au soutien de l’industrie du luxe, leur permettant de renforcer leur protection face à ce fléau et de pallier les difficultés du droit.

D’un point de vue méthodologique, ce mémoire comporte des incursions en droit comparé, à l’appui du droit français. En effet, il s’agit de tenir compte de la législation française en matière de commerce électronique, du droit de la propriété intellectuelle et du droit de la concurrence mais ce projet prévoit également des incursions en droit canadien avec la législation en matière de marques de commerce et de droit d’auteur. Il s’agira de se pencher tout particulièrement sur le droit des marques qui constitue le dénominateur commun à toute l’industrie du luxe. Cette recherche s’axe dans une logique de méthodologie herméneutique. En effet, en se basant sur des textes légaux pour déterminer si des pratiques nouvelles peuvent donner lieu à leur application, une interprétation de ces derniers est nécessaire au regard d’un contexte où les nouvelles technologies sont de plus

63 Directive sur le commerce électronique, supra note 21. 64 Rees, supra note 38.

65 Annabelle Gauberti, « Pourquoi la distribution sélective a du sens pour une maison de luxe ou de mode

premium ? » (22 octobre 2014) en ligne : Village de la justice <https://www.village-justice.com/articles/Pourquoi-distribution-selective,18098.html>.

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en plus présentes. Par ailleurs, nous recenserons les législations et jurisprudences actuelles afin d’en analyser les lacunes. Au regard de ces différents éléments, cette recherche relève de l’analyse exégétique traditionnelle. Enfin nous adopterons une certaine pensée critique au regard des débats autour des nouvelles technologies, la démonstration relèvera ainsi de la théorie du droit.

De façon plus générale, cette analyse est majoritairement exégétique puisqu’il s’agit de caractériser le droit face à la contrefaçon, ses outils de lutte et de protection mais également ses lacunes. Un part importante est pareillement accordée à l’interdisciplinarité puisqu’ il est nécessaire de mettre en avant des éléments économiques en raison des impacts et retombées de ce phénomène sur l’industrie du luxe, ainsi que des éléments technologiques dans le but d’étoffer les nouvelles techniques de lutte.

Ce projet a une pertinence sociale en ce qu’il apporte valeur ajoutée pour la société et plus spécialement pour l’industrie du luxe, seconde industrie la plus touchée par la contrefaçon66. Les risques pour l’image de marque ainsi que les retombées économiques font de ce projet un travail nécessaire au soutien des marques, leur permettant une appréhension globale des techniques dont elles disposent. De plus, la contrefaçon est souvent considérée comme une « fraude sans victime » et cela « ne favorise pas une juste appréhension de son ampleur et de ses multiples effets dommageables » comme le souligne la Cour des comptes pour qui une telle vision est bien trompeuse67. En effet, au delà des

risques et préjudices pour les titulaires de droits, leur image ou réputation, le consommateur s’apparente lui aussi à une cible à la portée des contrefacteurs et susceptible de subir les conséquences dommageables de ces biens contrefaits. Outre leur perte de confiance en la fiabilité des produits, la tromperie est à même de mettre en danger leur sécurité et leur santé68. Si l’on évoque régulièrement le cas des médicaments contrefaits, les parfums et cosmétiques, notamment de luxe, sont en bonne place au sein de cette catégorie de produits

66 Unifadmin., « Edition française de la journée mondiale anti-contrefaçon le 6 juin 2019 ! Dossier de presse »

(29 mai 2019) en ligne : UNIFAB <https://www.unifab.com/edition-francaise-de-la-journee-mondiale-anti-contrefacon-le-6-juin-2019/>.

67 Cour des comptes, supra note 37 à la p 8.

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potentiellement dangereux. N’étant pas développés ou conçus par la marque, ils échappent à toute forme de contrôle. L’Union Européenne est particulièrement touchée et compte parmi ses importations une proportion toujours plus importante de tels produits nocifs69. Les risques encourus ont inéluctablement participé à la prise de conscience de ce fléau pour l’industrie70.

De même, l’intérêt de ce sujet tient au fait qu’il est en lien étroit avec l’actualité. La contrefaçon est un fléau permanent qui a pris une dimension considérable, amplifié par la révolution Internet et la multiplication des techniques de commercialisation. Les produits contrefaits foisonnent sur les plateformes de e-commerce mais également sur les réseaux sociaux, devenus les canaux d’écoulement privilégiés pour les contrefacteurs de produits. Ainsi, pour exemple, l’entreprise « Ghost Data » estime ainsi que près de 20% des posts sur Instagram mettraient en scène des contrefaçons. Dans son rapport de 2019, l’étude à permis l’identification de 56 769 comptes contrefaits actifs sur le réseau social, soit une augmentation de plus de 171 % par rapport à 2016 (20 892 comptes contrefaits)71. Internet

pose donc de nombreux problèmes et notamment la matérialisation de l’acte de contrefaçon au regard de la détection du produit contrefait et de l’identification du contrefacteur. Tout cela accroit les difficultés pour agir en contrefaçon, invitant les victimes à se tourner vers les intermédiaires, ce qui ne semble pas efficace en l’état actuel du droit. Plus récemment, de nouveaux enjeux sont apparus avec la démocratisation de l’achat d’occasion, amenant à son tour son lot d’inquiétudes pour l’industrie72. Les marques peinent à assurer la traçabilité

et à garantir l’authenticité de leurs produits à leurs clients.

Ce projet a également une pertinence scientifique car cette recherche permettrait de combler certaines lacunes en examinant ce qui n’a pas encore été véritablement étudié et en mettant en avant des techniques nouvelles aussi bien issues du droit que des outils technologiques. Depuis peu, ces derniers semblent prendre place au sein de l’industrie du luxe qui mise sur plusieurs d’entre eux pour pallier les limites du droit face à la « nouvelle

69 Cour des comptes, supra note 37 à la p 14. 70 Buisson, supra note 68.

71 Stroppa, Gatto, Pasha et Parrella, supra note 20.

72 Aurélien Condomines, « Le point sur la distribution sélective » (2020) en ligne : Aramis publications

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frontière d’internet »73. Les moyens de protection des marques apparaissent presque

obsolètes et inadaptés au vu de leur inefficacité.

L’engagement et l’investissement massif du groupe LVMH en 2019 pour la protection des marchés pose probablement les prémisses d’un accroissement des recours aux nouvelles technologies au sein de l’industrie du luxe74. A l’instar du groupe et de son fameux dispositif de Blockchain (la plateforme Aura)75, c’est l’industrie du luxe dans son ensemble qui semble disposer d’autres outils pour renforcer sa protection et la rendre la plus efficace. Les nouvelles technologies viennent au soutien de la lutte anti-contrefaçon et présentent un ensemble d’outils différents et plus aptes à pallier les problèmes liés à la détection ou même à l’authentification des produits. L’efficacité de ce système de Blockchain reste à démontrer mais les solutions techniques semblent constituer un recours complémentaire intéressant au soutien des marques de luxe.

Après avoir démontré quelles sont les difficultés rencontrées par les marques de luxe pour lutter de façon efficace contre le phénomène de la contrefaçon et enrayer ce fléau accru par le commerce électronique (chapitre I), nous étudierons les nouvelles techniques de protection à disposition des marques en nous interrogeant sur la complémentarité des outils juridiques et technologiques (chapitre II).

73 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3.

74 Besse, « 22e Journée Mondiale Anti-Contrefaçon », supra note 42.

75 Nathan David, « Quand LVMH et l’industrie du luxe utilisent la blockchain » (16 mai 2019) en ligne : Cryptonews <https://fr.cryptonews.com/news/quand-lvmh-et-l-industrie-du-luxe-utilisent-la-blockchain-3484.htm>.

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Chapitre 1 : Les obstacles à l’offensive des marques de

luxe contre le fléau de la contrefaçon à l’ère du

numérique

Les marques de luxe sont confrontées à de nombreux obstacles et, force est de constater que ceux-ci sont des freins dans leur lutte obstinée contre ce fléau. Avant toute chose, l’action en contrefaçon classique, outil privilégié en cas d’atteinte aux droits, se retrouve complexifiée face à l’immatérialité de l’environnement et laisse émerger des limites et problématiques sérieuses pour les marques (I). Cette difficulté est accentuée par l’inertie des plateformes de e-commerce qui bénéficient d’un régime souple et particulièrement allégé alors que celles-ci représentent les intermédiaires privilégiés des contrefacteurs (II), et sans oublier les préoccupations supplémentaires liées à la progression de la seconde main. Trouvant à s’affirmer sur Internet, ce nouveau phénomène de société est porteur de grands risques pour les marques de luxe qui appréhendent les conséquences de ce nouveau levier pour les faussaires (III).

I.

Les limites de l’action en contrefaçon sur Internet

La contrefaçon connaît un accroissement inévitable sur Internet de par la mondialisation des échanges commerciaux et le développement des nouvelles technologies rendant son appréhension bien plus difficile dans un tel environnement immatériel76. Nombreuses sont les entraves à l’offensive des marques de luxe, responsables de l’inefficacité de leurs recours en cas de contrefaçon en ligne. Le produit comme le contrefacteurs sont difficilement perceptibles sur la toile. La matérialisation du produit contrefait (A) et l’identification du véritable contrefacteur (B) sont des enjeux de taille pour les marques de luxe.

76 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3.

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A. Les difficultés de matérialisation du produit contrefait

Face à la multiplication et diversification des techniques de commercialisation les produits contrefaits sont mis en circulation sur différents réseaux de distribution. Ces réseaux sont nombreux et diversifiés, passant de la simple plateforme de commerce électronique aux réseaux sociaux. Aujourd’hui, particulièrement sollicités, les contrefacteurs tirent profit de ces nouvelles opportunités pour écouler leurs biens contrefaits.

Ainsi pour exemple, le réseaux social « Instagram » serait devenu un l’outil de choix des acheteurs et vendeurs d’articles de luxe contrefaits77. De par la fonctionnalité innovante qu’il propose et met à disposition des utilisateurs (les stories), le réseau accroît les difficultés pour les titulaires de droits. Ce mode de publication éphémère est contraignant pour la détection des produits contrefaits car les contenus disparaissent au terme d’une très courte durée78. Cette fonctionnalité se trouve particulièrement incitatrice pour les contrefacteurs qui y trouvent une opportunité de plus pour proposer leurs articles. Les grandes marques telles que « Louis Vuitton », « Chanel », « Gucci », « Fendi » et « Balenciaga » seraient les plus touchées par cette nouvelle pratique79. Une autre technique est également largement utilisée et n’est autre que le passage par la messagerie de l’application. Les vendeurs tirent parti des réseaux tels que « WeChat », « TikTok » et « Instagram » afin de vendre en ligne leurs biens contrefaisants80.

De façon plus générale, en dehors de ces réseaux sociaux, il est d’usage de mentionner les « ventes flash »81. Ces ventes sont des offres promotionnelles de produits en ligne, dont la durée est à nouveau limitée, et celles-ci témoignent, une nouvelle fois, des difficultés

77 Meuris-Guerrero, supra note 15.

78 Stroppa, Gatto, Pasha et Parrella, supra note 20. 79 Meuris-Guerrero, supra note 15.

80 Moreira, supra note 14.

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auxquelles doivent faire face les marques de luxe. L’offre disparaît avant même que la contrefaçon ne soit détectée82.

Qui plus est, les titulaires de droits rencontrent des difficultés pour identifier la contrefaçon à partir de l’image diffusée en ligne83, dépourvus de toute possibilité d’analyser en détail le produit ou son étiquetage. Il s’agit très souvent de l’image originale du produit qui est diffusée en ligne alors que le produit vendu est contrefaisant.

Somme toute, le numérique rend la tâche du demandeur bien plus difficile lors d’une action en contrefaçon de marque. Il existe deux voies ouvertes à une telle action engagée dans le but de faire protéger ou de défendre une marque contre une attaque ; sur le plan civil, elle permet d’engager la responsabilité civile du contrefacteur et sur le plan pénal elle constitue un délit où les titulaires de droits bénéficient de la présomption de l’intention coupable du défendeur. Ce délit octroie la possibilité d’aboutir à des sanctions pénales s’ajoutant aux civiles84.

Dans le cadre d’une telle procédure le demandeur doit, toutefois, être en mesure de prouver les actes de contrefaçon qu’il allègue85. Ces actes étant de simples faits, ils peuvent être prouvés par tout moyen86. Qui plus est, le Code de la propriété intellectuelle prévoit en son article L. 716-4-7 (ancien article L. 716-7) un mode de preuve privilégié de la contrefaçon, en faveur du titulaire de marque : la saisie contrefaçon:

A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers87.

82 Ibid.

83 Ibid.

84 Catherine Verneret, « L'action en contrefaçon de marque » (2020) Fasc. 7540 JurisClasseur Marques - Dessins et modèles.

85 Joanna Schmidt-Szalewski, « Marque de fabrique, de commerce ou de service : action en contrefaçon de

marque » (2020) RDC, au point 596.

86 CPI, art. L. 521-4, L. 615-5 et L. 716-4-7 al 1. 87 CPI, art. L. 716-4-7 al 2.

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La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou fournir les services prétendus contrefaisants

Cette saisie permet d'apporter les éléments de preuve suffisants mais permet également de mettre un terme au préjudice subi. Afin de pouvoir procéder à une telle saisie, il convient de solliciter une autorisation auprès du président du tribunal de grande instance du lieu où celle-ci doit être effectuée. En fonction des cas, par la production du certificat de dépôt ou du certificat d'enregistrement de la marque, le président du tribunal va alors rendre une ordonnance sur requête88. Par la suite, il revient à nouveau au président d’apprécier si la procédure en question doit relever d’une simple « saisie-description » ou bien d’une « saisie réelle » des produits contrefaisants89. La loi n° 2007-1544 du 29 octobre 200790 de lutte contre la contrefaçon a apporté des modifications et prévoit désormais que le saisissant doit agir au fond dans un délai maximal de trente et un jours ouvrables, à peine de nullité de cette saisie91.

Ainsi, cette preuve peut être relativement aisée à obtenir et d’autant plus quand il s’agit d’un achat directement auprès du contrefacteur, personne physique, puisqu’ il suffit de faire constater cet achat par une facture ou même par de simple témoignages92. Il en va de même dans le cadre d’une préconstitution de preuve par l'intermédiaire d'un huissier93.

Cependant, au regard de la contrefaçon en ligne, il appert que ces solutions sont bien moins envisageables à raison de l’immatérialité du délit. Dans ce contexte, les commandes sont effectuées par Internet et sont, la plupart du temps, organisées de la même façon ; elles sont acheminées par voie postale et en très petites quantités afin de contourner toute manœuvre ou contrôle des services douaniers94. Ce fractionnement des envois brouille les pistes pour

88 Schmidt-Szalewski, supra note 85, au point 599. 89 Ibid. au point 600.

90 Loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, supra note 25. 91 CPI, art. L716-4-7 al 4.

92 Schmidt-Szalewski, supra note 85, au point 596.

93 Alain Blanchot, Albert Chavanne et Daniel Hangard. « Contrefaçon », en ligne : Encyclopædia Universalis,

<http://www.universalis-edu.com.acces.bibl.ulaval.ca/encyclopedie/contrefacon/ >.

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les titulaires de droits95. La captation des produits est difficile et complique ainsi

l’obtention de la preuve de la contrefaçon, nécessaire pour assurer une répression efficace. La preuve de la contrefaçon semble être compliquée à présenter par celui qui s’en prétend victime. Les services douaniers jouent un rôle important a posteriori grâce aux saisies et mesures d’urgence mais ceux-ci peinent à assurer leur mission. Les stratégies d’envoi des contrefacteurs en est une cause mais l’internationalisation des échanges ne fait qu’accentuer ce problème.

En effet, il parait impossible pour les forces de police de contrôler l’ensemble des colis en provenance de l’étranger et plus particulièrement de Chine, d’où sont originaires environ 60% des contrefaçons arrivant en Europe, ou d’autres pays d’Asie96. Autant de difficultés font obstacles à la procuration des éléments essentiels d’une action en contrefaçon. S’ajoute à ces contraintes, le constat de l’imperceptibilité du contrefacteur. Pour le titulaire de droits, cette action en contrefaçon est également rendue nébuleuse à raison de l’invisibilité de l’adversaire, aggravant le sentiment d’impuissance des marques de luxe.

B. L’identification d’un adversaire invisible

Il n’est pas toujours possible ou envisageable de remonter à l’origine de l’offre proposant des produits contrefaits et pour cause, Internet perturbe l’identification du véritable contrefacteur. Les nouvelles techniques de vente ne permettent pas de s’assurer de la provenance des produits de façon claire et non équivoque. L’auteur de l’offre contrefaisante est particulièrement difficile à identifier97 et cette difficulté se trouve bien évidemment accrue par l’existence des offres éphémères.

Cet anonymat se trouve largement dénoncé et comme le souligne le professeur Jérôme Huet, celui-ci « se mélange à l'illicite ». Il évoque un défaut intolérable et même anormal en

95 Duarte, supra note 18.

96 « Comment les groupes de luxe luttent contre la contrefaçon… et la détournent avec ironie », supra note 19. 97 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3.

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matière de commerce électronique car les acheteurs ne sont même pas en mesure de savoir si le vendeur est un particulier ou un professionnel, étant susceptible de remettre en cause la confiance qu’il pourrait lui être accordé du fait de sa responsabilité. Le plus surprenant tient au fait que le site, lui, connaît l’auteur de l’annonce98. Lorsque l’auteur de l’offre contrefaisante est hébergé par un site tiers, il est donc possible d’agir contre l’hébergeur afin d’obtenir l’identification de l’auteur, nécessaire à la mise en œuvre des poursuites99. Si l’hébergeur est libre de coopérer ou non, confrontés au bon vouloir de ce dernier, les titulaires de droits disposent malgré tout d’une solution prévue par la loi : ils peuvent recourir à la voie judiciaire pour obtenir la communication de ces informations auprès de l’hébergeur sur le fondement de l’article 6. II de la LCEN100. En effet, cet article énonce que :

II.- Les personnes mentionnées aux 1 et 2 du I détiennent et conservent les données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires.

Elles fournissent aux personnes qui éditent un service de communication au public en ligne des moyens techniques permettant à celles-ci de satisfaire aux conditions d'identification prévues au III.

L'autorité judiciaire peut requérir communication auprès des prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I des données mentionnées au premier alinéa.

Les dispositions des articles 226-17,226-21 et 226-22 du code pénal sont applicables au traitement de ces données.

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, définit les données mentionnées au premier alinéa et détermine la durée et les modalités de leur conservation101.

A l’instar de cette disposition, la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007de lutte contre la contrefaçon102 a prévu un « droit d’information » pour les titulaires de droit. Celui-ci

98 Master professionnel Droit du multimédia et de l'informatique, Paris II, Focus « Propriété intellectuelle -

Internet et la contrefaçon dans l'industrie du luxe », supra note 24.

99 Dreyfuss-Bechmann, supra note 3. 100 Ibid.

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permet au juge d’ordonner à la personne poursuivie ou à « tout tiers en possession de produits contrefaisants ou encore à tout intermédiaire » de produire et fournir des documents pouvant être utiles au titulaire pour appuyer sa demande. Ainsi, il donne accès à divers éléments susceptibles même d’être délivrés par des tiers au procès diligenté103. Il a été jugé à plusieurs reprises que cette disposition s'appliquant à celui qui « fournit des services utilisés dans des activités de contrefaçon » pouvait bel et bien concerner une plateforme d'intermédiation en ligne104. Ce fut notamment le cas lors d’une affaire de 2008, opposant eBay contre l’Oréal105. La société L’Oréal a pu obtenir grâce à eBay, tiers au procès mais intermédiaire dans la diffusion des produits contrefaits, les différents et multiples pseudonymes employés par la personne physique en cause ainsi que les quantités et prix pratiqués par cette dernière pour la commercialisation de faux parfums sous des marques détenues par la société106.

Par la suite, cette loi de 2007 a été renforcée par la loi du 11 mars 2014107. Si une telle procédure ne pouvait être ordonnée par le juge qu’une fois le litige tranché sur le fond, pour obtenir des éléments de preuve complémentaires relatifs à la détermination de l’origine et des réseaux de distribution des produits jugés contrefaisants, l’article L. 716-4-9 du Code de la propriété intellectuelle (ancien article 716-7-1) relatif au droit des marques prévoit désormais que ;

Si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services.

102 Loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, supra note 25.

103 Pascale Tréfigny, « Droit des marques : quoi de neuf sous l'angle de l'accès à la preuve de la contrefaçon

en France : une avancée ? » (2013) 1 Propr. industr. Dossier 4.

104 Cédric Manara, « Application de la loi de lutte contre la contrefaçon au commerce électronique » (2008) Dalloz actualité.

105 TGI Paris, ord. JME, 25 juin 2008, RG n° 08/06929, eBay c/ L'Oréal, Lancôme. 106 Ibid.

Références

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