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Carole Potvin, <em>Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir : deux solitudes et un duo<em>

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Texte intégral

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Carole Potvin, Jean-Paul Sartre

et Simone de Beauvoir : deux solitudes et un duo

Québec, Nota bene, 2010, 170 p.

Christian Milat

Université d’Ottawa

L’ouvrage de Carole Potvin s’appuie principalement sur la correspondance que Sartre et Beauvoir ont échangée pendant la guerre. L’auteure a consulté les passages retranchés par Beauvoir des Lettres au Castor, mais n’a hélas pas été autorisée à en faire état.

Son objectif est d’aller au-delà des images conçues au fil de la légende qui s’est constituée autour des deux écrivains. Ainsi, en sus du Sartre communément présenté comme

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www.revue-analyses.org, vol. 5, nº 2, printemps 2010

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« cérébral » (p. 11), Carole Potvin perçoit un homme aux « blessures d’une sensibilité exacerbée » (p. 12) et, chez Beauvoir, elle décèle une femme moins « cérébrale et froide » (p. 11) que « sensuelle » (p. 12).

Les images simplistes et réductrices que cet essai se propose de nuancer ou de compléter existent peut-être chez le grand public, mais elles ne sont certainement pas le lot des universitaires. Qui parmi ceux-ci ignore, par exemple, les tourments causés à Sartre par sa passion non partagée pour Olga Kosakiewicz ou les aveux amoureux faits par Beauvoir à Nelson Algren? C’est pourquoi Deux solitudes et un duo n’apporte rien de vraiment nouveau à qui connaît quelque peu les biographies, les correspondances et les œuvres des deux écrivains.

« Bien qu[e cet essai] repose sur des informations qu’on retrouve dans la thèse [de doctorat qu’elle a soutenue] », note l’auteure, « il en [sic] est très différent de lui [sic], tant par l’approche, que par le regard… » (p. 15) On regrette que l’essai ne se hisse pas au niveau atteint, on l’espère, par la thèse.

On aurait ainsi apprécié qu’un lien soit, si ce n’est analysé en profondeur, du moins simplement mentionné entre tel ou tel comportement de Sartre et les thèses du philosophe. S’agissant par exemple de sa « distance sexuelle » (p. 36) par rapport à Beauvoir, on lit seulement : « le corps paraît devoir être jeté, rejeté de cette relation qu’il profanerait. […] Le corps et l’intellect, pour Sartre : deux zones assez distinctes, sans points de rencontre ou presque… » (p. 36-37) Il aurait été intéressant de signaler que la philosophie sartrienne voit dans le désir sexuel une chute du pour-soi vers l’en-soi, c’est-à-dire une chute de la conscience au niveau du corps.

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CHRISTIAN MILAT,« Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir : deux solitudes »

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Des erreurs factuelles auraient également pu être évitées. Ainsi, prétendre « qu’ils ne cherchent pas à obtenir des affectations dans les mêmes villes ou des villes rapprochées (tous les deux enseignent) lors des premières années de leur engagement » (p. 43), c’est oublier qu’au moment où Beauvoir est affectée à Marseille tandis que Sartre l’est au Havre, le futur romancier propose le mariage à son amour « nécessaire », les couples mariés pouvant bénéficier d’une mutation pour rapprochement de conjoints.

L’essai, prévient l’éditeur, adopte une « forme souple et libre », sans doute pour en distinguer le style de la rhétorique censément plus austère des thèses de doctorat. Il est vrai que le texte est de part en part saturé de comparaisons — des « intuitions, pénétrantes comme un dard » (p. 39), une « sensibilité pénétrante comme un matin de glace » (p. 96), « des discours de la raison léchés comme une flamme » (p. 43) — et de métaphores — « une sensibilité de charbons brûlants, ardents » (p. 109), la « jalousie, dard sourd et lancinant » (p. 125), « les brûlures de feu de son âme » (p. 91), « les émotions à chaud, presque de la lave coulante » (p. 114), « Beauvoir : la femme de la foudre, des volcans. L’indomptable. » (p. 110), le « [r]adar du cœur jaloux de Sartre » (p. 127), « le regard pénétrant, passionné d’intelligence de Sartre. Le cœur féminin est sa maison, son antre » (p. 47). Hélas, ce style fleuri va de pair avec des formulations dont le sens est difficile à saisir — Sartre est « un maître du tremblement, du frémissement des cœurs » (p. 45), « Lorsque son âme vibre sous les assauts d’une intelligence lumineuse et pure, Sartre brille, Sartre respire. » (p. 47) —, avec des truismes — « Sartre est un passionné, un être de fougue et

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d’appétit intellectuel insatiable » (p. 93), Beauvoir est « une femme superbement incarnée et vivante » (p. 99) —, ou avec des outrances — « La science des corps n’est pas pour lui. Mais celle de l’âme, il la maîtrise. Comme un dieu, presque. » (p. 97)

On aurait enfin aimé qu’à l’étape de la révision, les fautes de langue qui entachent le texte aient été corrigées : « quoiqu’ » (p. 13 et 160) pour « quoi qu’ », « défloraison » (p. 83) pour « défloration », « lorsque interrogé » (p. 108) pour « lorsqu’il est interrogé », « toute entière » (p. 114) pour « tout entière », « compétitivité » (p. 151) pour « compétition », « gestes posés » (p. 152) pour « actions effectuées ».

Bref, tout porte à croire que cet essai a été publié en visant le grand public, qu’il pourrait effectivement initier aux imbroglios sentimentaux d’un « couple légendaire » (p. 151).

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