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Le rétablissement et les représentations sociales de la dépression chez des personnes souffrant ou ayant souffert d'un épisode dépressif : un projet pilote

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Academic year: 2021

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Le rétablissement et les représentations sociales de la

dépression chez des personnes souffrant ou ayant

souffert d'un épisode dépressif: un projet pilote

Mémoire

Alexandra Ouellet

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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Le rétablissement et les représentations sociales de la dépression

chez des personnes souffrant ou ayant souffert d’un épisode

dépressif : un projet pilote

Mémoire

Alexandra Ouellet

Sous la direction de :

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Résumé

L’étude avait pour objectif principal de caractériser comment le concept de représentation sociale de la dépression s’imbrique, évolue ou influence le rétablissement chez des personnes souffrant ou ayant déjà souffert d’un épisode dépressif en élaborant le profil de deux groupes de personnes. Cette recherche a été menée auprès de 25 participants, 12 se déclarant rétablis et 13 se considérant avancés dans leur processus de rétablissement. La collecte de données s’est faite à l’aide de questionnaires quantitatifs évaluant la dépression, l’autostigmatisation, le rétablissement et la disposition à l’espoir. L’étude comprenait également une portion qualitative au moyen de la méthode des réseaux d’associations et de questions ouvertes au sujet de l’expérience de la dépression. Dans l’ensemble, les résultats indiquent que les représentations sociales de la dépression sont connotées majoritairement négativement, mais que celles du groupe composé des individus se considérant rétablis comprenaient toutefois une plus grande part de mots positifs comparativement aux mots neutres. Un épisode de dépression laisse des traces considérant la persistance de certains symptômes, notamment les difficultés cognitives et de sommeil. En ce qui a trait au rétablissement, il demeure que sa définition est assez personnelle. L’élément le plus déterminant du rétablissement soulevé par les participants est le soutien de leurs proches, mettant en lumière l’importance de l’accueil de l’entourage lors du dévoilement d’un trouble mental. De plus, la disposition à l’espoir est la variable la plus corrélée au rétablissement et en serait donc un vecteur important. Enfin, par rapport à la stigmatisation, notons que les personnes vivant ou ayant vécu une dépression présentent un haut degré d’autostigmatisation, notamment en ce qui a trait à la honte, à l’autoblâme et à l’inadéquation sociale, et ce, sans égard à leur avancement dans leur rétablissement. Il est toutefois encourageant de constater que les participants expérimentent peu d’inhibition à chercher de l’aide.

Mots-clés : représentations sociales, dépression, rétablissement, autostigmatisation,

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Abstract

This study had for principal goal to characterize how the concept of social representation of depression fit in, evolve or influence the recovery of people who are suffering or suffered of a depressive episode by elaborating the profile of two groups of persons. This research have been led close by 25 participants, 12 of whom stating they have fully recovered and 13 who considered themselves as advanced in their recovery process. The data collection have been made with quantitative questionnaires that evaluated depression, self-stigma, recovery and hope dispositional. The study also included a qualitative part by the associative network method and by open questions about their episode of depression. Overall, the results point out that the social representations of depression are connoted mainly negatively but those of the group composed of individuals who considerate themselves recovered include a greater part of positive words comparatively of neutral words. Regarding recovery, it remains that its definition is quite personal. The most determinant element of recovery that the participants have recalled is the support of their relatives, which bring out the importance of the openness of the entourage during the unveiling of a mental disorder. Furthermore, the hope dispositional is the most correlate variable with recovery. Therefore, the hope of getting better would be an important vector of recovery. Finally, regarding stigmatisation, the persons living or having lived a depression show a high level of self-stigmatisation, especially regarding shame, self-blame and social inadequateness, regardless of their advancement in their recovery. However, it’s encouraging to note that the participants do not experience much help seeking inhibition.

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Table des matières

Résumé... iii

Abstract ... iv

Table des matières... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des abréviations ... ix

Remerciements ... xi INTRODUCTION ... 1 CHAPITRE 1 : LA PROBLÉMATIQUE... 3 La pertinence scientifique ... 4 La pertinence sociale ... 5 La pertinence disciplinaire ... 6

CHAPITRE 2 : LE CADRE D’ANALYSE ... 8

L’épisode dépressif ... 8

Les représentations sociales ... 10

Le rétablissement ... 12

CHAPITRE 3 : LA RECENSION DES ÉCRITS ... 15

La démarche documentaire ... 15

Les représentations sociales de la maladie mentale ... 15

Les représentations sociales de la dépression ... 17

Les impacts de la stigmatisation ... 19

L’autostigmatisation ... 20

Les limites méthodologiques des études ... 21

Les forces méthodologiques des études ... 21

CHAPITRE 4 : LA MÉTHODOLOGIE ... 23

L’approche privilégiée et le type de recherche ... 23

La population à l’étude ... 24

L’échantillonnage ... 24

Le mode de collecte des données ... 27

Les instruments de mesure ... 28

Le réseau d’associations ... 28

L’inventaire pour la dépression (DID) ... 29

L’échelle d’autostigmatisation de la dépression (SSDS) ... 31

L’échelle d’évaluation du rétablissement (RAS) ... 31

(6)

Le tableau d’opérationnalisation des principales variables ... 33

Les considérations éthiques ... 34

CHAPITRE 5 : LES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE ... 36

Le cheminement d’analyse ... 36

Les caractéristiques des participants ... 37

Les résultats à l’inventaire pour la dépression (DID) et des expériences liées à la dépression ... 39

Les résultats aux autres questionnaires quantitatifs ... 42

L’analyse du réseau d’associations ... 45

Les corrélations significatives ... 50

Les tests-T ... 59

CHAPITRE 6 : LA DISCUSSION DES RÉSULTATS ... 61

Le contenu des représentations sociales de la dépression chez des personnes vivant ou ayant vécu un épisode dépressif ... 61

La dépression : une maladie mentale commune que l’on vit de manière personnelle ... 63

Le processus de rétablissement ... 66

L’autostigmatisation dans un contexte de dépression majeure ... 71

Les limites et les forces de l’étude ... 75

Les retombées et les recommandations pour la pratique en travail social ... 76

CONCLUSION ... 82

Références ... 85

Annexe A : Le dépliant informatif de recrutement ... 97

Annexe B : Le formulaire de consentement ... 100

Annexe C : Le questionnaire ... 106

Annexe D : Évaluation du résultat au DID ... 123

Annexe E : Version anglaise originale de l’inventaire pour la dépression ... 125

Annexe F : Version anglaise originale de l’échelle d’autostigmatisation de la dépression ... 130

Annexe G : Listes de ressources suggérées ... 132

Annexe H : Tableaux détaillés des répartitions des mots des réseaux d’association selon les thèmes ... 134

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Liste des tableaux

Tableau 1. Portrait de l’opérationnalisation des variables ... 34 Tableau 2. Les moyennes, écarts-types, médianes et étendues pour les

différents scores des sous-échelles d’autostigmatisation, de

rétablissement et de disposition à l’espoir selon le groupe ... 44 Tableau 3. Scores modifiés obtenus au RAS (sur une échelle de 20) ... 45 Tableau 4. La liste de mots associés au mot-clé « Dépression » et leur

fréquence ... 47 Tableau 5. Résumé des fréquences des thèmes provenant des réseaux

d’association ... 49 Tableau 6. La matrice corrélationnelle selon les données

sociodémographiques (n = 25) ... 51 Tableau 7. La matrice corrélationnelle selon les données en lien avec la

dépression et le SSDS (n = 25) ... 53 Tableau 8. La matrice corrélationnelle selon les résultats au RAS et à l’ADHS

(n = 25) ... 55 Tableau 9. La matrice corrélationnelle selon les données quantitatives issues

du réseau d’associations (n = 25) ... 57 Tableau 10. Tests-t associés aux variables selon le groupe (n = 25) ... 60

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Liste des figures

Figure 1 Répartition des participants selon le groupe et le domaine

d’occupation ... 38 Figure 2 Répartition des participants selon le groupe et la conformité aux

critères diagnostiques du DSM-IV pour la dépression majeure ... 40 Figure 3 Les éléments considérés les plus importants dans le rétablissement ... 41 Figure 4 Les scores globaux du SSDS, du RAS et du ADHS obtenus en

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Liste des abréviations

ACSM Association canadienne pour la santé mentale APA American Psychiatric Association

CIUSSS Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux CSBE Commissaire à la santé et au bien-être

CSMC Commission de la santé mentale du Canada INSPQ Institut national de santé publique du Québec ISQ Institut de la statistique du Québec

IUSMQ Institut universitaire en santé mentale de Québec MSSS Ministère de la Santé et des Services sociaux OMS Organisation mondiale de la santé

OTSTCFQ Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux du Québec STRATA Service de traitement et de réadaptation ambulatoire des troubles affectifs .

(10)

On peut trouver le bonheur même dans les endroits les plus sombres. Il suffit de se souvenir d’allumer la lumière.

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Remerciements

À première vue, la rédaction d’un mémoire peut paraître comme une aventure particulièrement solitaire, voire même recluse. En effet, après avoir passé presque une décennie sur les bancs d’école des études postsecondaires à côtoyer quotidiennement des centaines d’étudiants et d’enseignants, le dernier pas vers l’obtention de la maîtrise semble être une expérience très individuelle. Toutefois, ce long cheminement a été tout sauf solitaire, car sans l’apport de nombreuses personnes, l’écriture des pages qui suivent n’aurait pas été possible, d’où l’importance de profiter de la présente pour les remercier sincèrement.

Tout d’abord, je tiens à souligner l’incroyable travail de mentor de ma directrice de recherche, madame Myreille St-Onge. Merci de m’avoir accompagnée et guidée à chacune des étapes de ce parcours. Votre pertinence ainsi que la rigueur de vos commentaires, toujours teintées de bienveillance, ont grandement contribué au succès de ce projet. En bref, merci pour les opportunités que vous m’avez offertes, qui m’ont permis d’évoluer autant personnellement que professionnellement.

Je souhaite souligner ma gratitude aux deux travailleuses sociales qui m’ont initiée à la pratique au travers de mon stage, mesdames Sylvette Groleau et Isabelle Fillion. Vos précieux conseils ainsi que votre humanité, votre ouverture et votre engagement teinteront assurément la professionnelle que je deviendrai. Merci également, Sylvette et Sylvie, pour votre temps et vos rétroactions pertinentes, alors que mon projet en était encore à ses balbutiements, et qui ont permis de l’orienter en prenant compte de la réalité du terrain. Merci à vous deux, ainsi qu’à madame Dominique Cazeau et monsieur Alain Laganière pour votre générosité et votre aide précieuse dans le recrutement des participants. Je tiens également à remercier l’Institut universitaire en santé mentale de Québec, plus particulièrement l’unité des troubles de l’humeur, la clinique des troubles de l’humeur et l’hôpital de jour. Les personnes y œuvrant ont, de près ou de loin, permis la réalisation de cette étude. Merci également au Comité d’éthique de la recherche sectoriel en neurosciences et santé mentale, plus particulièrement à madame Claire Billet, qui a eu la gentillesse de m’accompagner dans cette étape charnière. Je tiens également à souligner la contribution du Centre de recherche sur l’adaptation des jeunes et des familles à risque (JEFAR).

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Merci à mesdames Lisa J. Barney et Annamaria de Rosa ainsi qu’à messieurs Patrick W. Corrigan, Kamel Gana, Charles R. Snyder, Mark Zimmerman, Jocelyn Bisson et Jean-François Pelletier pour leur apport théorique au moyen de la création et de l’autorisation d’utiliser les outils présentés dans l’étude.

Merci également à messieurs Gaétan Daigle et Maxime Tessier du service de consultation statistique (SCS) de l’Université Laval pour leur expertise ainsi que leurs précieux conseils.

Cette recherche n’aurait pas été possible sans la contribution inestimable des participants qui ont accepté de prendre part à cette étude. Je tiens donc à souligner non seulement leur générosité à partager leurs expériences ainsi que leurs sentiments et opinions qui en ont découlé, mais surtout leur force, leur courage et leur détermination. Vous êtes des modèles de rétablissement et j’ai confiance que, bien que ce processus ne soit pas toujours linéaire, vous réussirez à atteindre le bien-être que vous méritez tous. En somme, merci pour votre apport à la recherche et à la compréhension de la dépression, mais aussi pour m’avoir fait grandir au travers de vos témoignages.

Plus personnellement, je ne peux passer sous silence le support constant, le soutien inflexible et les encouragements réguliers de ma famille et amis, de près ou de loin. Un merci tout spécial à ma mère, Andrée, qui m’a inculqué la valeur du travail bien fait et la persévérance dans l’adversité, à mon père, Carl, qui a su susciter chez moi la curiosité d’apprendre, ainsi qu’à ma grand-mère, Marie-Paule, qui a été pour moi mon premier modèle de résilience et de rétablissement et qui, par son expérience de vie, a su faire émerger en moi les premières réflexions qui ont pavé la voie de ce mémoire. Merci à ma meilleure amie, Laurie, qui a été ma première partenaire de recherche, il y a maintenant 5 ans, et qui m’a soutenue tout au long de ce projet personnel, autant moralement que cognitivement. Je tiens également à souligner l’apport inestimable de Steffi et Keegan, mes deux acolytes du quotidien, sans qui les moments où je rédigeais seule à la maison auraient été bien plus difficiles et monotones. Steffi, merci pour ton amour inébranlable, pour ta présence réconfortante ainsi que ton appui inconditionnel et, surtout, pour ne jamais avoir cessé de croire en moi.

(13)

INTRODUCTION

Au même titre que les maladies physiques, les troubles mentaux1 ont toujours été présents dans la vie des gens de manière directe ou indirecte, et à différents degrés. Toutefois, le sens donné aux maladies mentales diffère singulièrement de celui donné aux affections physiques. Également, la culture et l’époque ont une grande influence sur la manière dont elles sont perçues. Par exemple, au Québec, de la seconde moitié du 19e siècle jusqu’à la Révolution tranquille, il était coutume d’associer les troubles mentaux à la folie ainsi qu’aux asiles. Bien que ces perceptions évoluent avec le temps ainsi qu’au travers d’actions comme la prévention et la sensibilisation, elles peuvent tout de même représenter un obstacle à l’atteinte d’une santé mentale optimale. Dans cette optique, le présent projet a pour thème général les représentations sociales de la dépression chez des personnes vivant ou ayant vécu par le passé un épisode dépressif, dans un cadre plus global de rétablissement.

L’étude a pour objectif principal de caractériser comment le concept de représentation sociale de la dépression s’imbrique, évolue ou influence le rétablissement chez des personnes souffrant ou ayant déjà souffert d’un épisode dépressif en élaborant le profil de trois groupes de personnes2. Plus spécifiquement, je vise à caractériser les représentations sociales de la dépression chez des personnes se trouvant à trois moments de leur processus de rétablissement, à explorer les conséquences négatives et positives des représentations sociales chez ces trois groupes de personnes dépressives ainsi qu’à examiner les différences et les similitudes sur le plan des représentations sociales qu’ont intégrées les personnes souffrant de ce trouble. Ces objectifs peuvent être formulés sous forme de questions qui guideront par la suite l’orientation de l’étude :

 Existe-t-il un lien entre les représentations sociales de la dépression chez des personnes souffrant de ce trouble et leur rétablissement ou la perception de leur rétablissement?

 Y a-t-il des différences quant aux représentations sociales de la dépression entre des personnes qui se trouvent au début de leur processus de rétablissement, qui se considèrent avancées dans ce dernier et qui sont rétablies?

1

Pour faciliter la compréhension, il est à noter que les termes « maladie mentale » et « trouble mental » sont utilisés comme synonymes dans le présent projet.

2 Il est à noter que l’échantillon final comporte deux groupes. Cet aspect sera approfondi dans la section

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Dans cette optique, je dresserai d’abord dans le présent travail un portrait de la problématique et de la pertinence du projet sur les plans social, scientifique et disciplinaire. Puis la recension des écrits sera approfondie par les sections concernant la démarche documentaire ainsi que par l’état des connaissances sur les représentations sociales de la maladie mentale, et celles plus particulièrement liées à la dépression, ainsi que les impacts de la stigmatisation et de l’autostigmatisation sur les personnes. Les limites et forces relevées des publications recensées dans la littérature scientifique seront également présentées. De plus, je traiterai du cadre d’analyse en présentant les principaux concepts à l’étude, soit la dépression, les représentations sociales et le rétablissement. Les concepts secondaires à l’étude seront également abordés, suivis d’un rappel des objectifs du projet et des hypothèses. Une esquisse de la méthodologie sera introduite, comprenant l’approche privilégiée et le type de recherche, la population à l’étude, l’échantillonnage, les instruments de mesure, le mode de collectes des données, le tableau d’opérationnalisation des principales variables ainsi que les considérations éthiques. Le chapitre suivant traitera des résultats de la recherche. Plus précisément, il sera question du cheminement d’analyse, des caractéristiques des participants, des résultats obtenus à l’inventaire pour la dépression et des expériences liées à la dépression, de ceux obtenus aux autres questionnaires quantitatifs et de l’analyse du réseau d’associations. Enfin, il sera également question des corrélations ainsi que des tests-t significatifs. La partie discussion, quant à elle, présentera une interprétation des données par l’entremise du contenu des représentations sociales de la dépression chez des personnes vivant ou ayant vécu un épisode dépressif, du processus de rétablissement et de l’autostigmatisation dans un contexte de dépression majeure. Finalement, les limites et les forces de l’étude ainsi que les retombées et les suggestions pour la pratique en travail social seront également explorées.

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CHAPITRE 1 : LA PROBLÉMATIQUE

Au cours des dernières années, l’importance de la sensibilisation aux troubles mentaux a pris de l’ampleur. En effet, au Canada, une personne sur cinq sera touchée directement par la maladie mentale au cours de sa vie, tandis que la totalité des Canadiens est touchée de manière indirecte (Association canadienne pour la santé mentale [ACSM], 2012). En d’autres termes, cela représente 6,7 millions de personnes qui, chaque année, composent personnellement avec un trouble mental (Commission de la santé mentale du Canada [CSMC], 2012b). Plus précisément, la dépression, qui est le trouble le plus répandu dans la population, atteint à lui seul entre 8 et 14% des gens et est la deuxième cause d’incapacité au monde (Institut de la statistique du Québec [ISQ]; 2012; Organisation mondiale de la santé [OMS], 2001; Patten et Juby, 2008). Les coûts de santé considérables y étant rattachés, la perte de capital humain au travail ainsi que les impacts psychosociaux sur l’entourage, entre autres, représentent des enjeux de taille auxquels la société se doit de s’attarder.

En ce sens, le gouvernement du Québec a lancé de nombreuses campagnes afin de sensibiliser, d’informer et de faire de la prévention auprès de la population. Toutefois, sensibiliser la population implique de se heurter aux représentations sociales parfois bien ancrées dans la société. Notons que les campagnes de sensibilisation de 2007 à 2013 visaient spécifiquement à combattre les préjugés liés à la dépression (Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2017). En effet, les préjugés représentent un obstacle considérable, notamment quant au fait de demander de l’aide par les personnes atteintes de dépression (Institut national de santé publique du Québec [INSPQ], 2012). En 2009, 37,9% des Canadiens de 15 ans et plus vivant avec un trouble mental ont déclaré être victimes de discrimination ou avoir été traités injustement au cours des cinq années précédant l’enquête, comparativement à 14,2% de la population générale. De ce fait, il apparait que la stigmatisation des troubles mentaux fait partie intégrante des difficultés qu’occasionne l’expérience d’une maladie mentale et qu’elle représente le principal obstacle de la prestation de soins (Sartorius, 2007). Par ailleurs, s’attaquer aux préjugés, aux croyances ancrées dans la population ainsi qu’au manque de reconnaissance de la dépression en tant que maladie représente un moyen d’atteindre des objectifs plus généraux de la sensibilisation, qui a non seulement pour but de réduire la prévalence des troubles mentaux, mais aussi de favoriser le rétablissement des personnes touchées.

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L’approche du rétablissement s’implante largement dans la pratique au Québec et favorise une meilleure qualité de vie (Provencher, 2002, 2008; Provencher et Keyes, 2010). Cette approche se trouve d’ailleurs au cœur du Plan d’action en santé mentale 2015-2020 du MSSS. Le processus de rétablissement, représenté sur un continuum, est unique à chaque personne. Comme il s’accompagne généralement de changements, entre autres d’attitudes et de valeurs, l’importance de se pencher sur un possible lien entre le rétablissement et les représentations sociales dans un contexte d’expérience de dépression pourrait amener des pistes de réflexion et d’intervention intéressantes.

La pertinence scientifique

D’un point de vue scientifique, l’objet d’étude a été peu exploré dans les écrits. En effet, les représentations sociales de la dépression, au Québec plus spécifiquement, n’ont été abordées, à notre connaissance, que dans une seule étude jusqu’à maintenant (Tremblay, 2013). Cet objet d’étude constitue donc une préoccupation nouvelle au Québec. Ailleurs dans le monde, principalement en Europe, des études sur le sujet ont émergé dans la dernière décennie (Angermeyer, Holzinger et Matschinger, 2009; Aromaa, Tolvanen, Tuulari et Wahlbeck, 2011; Cook et Wang, 2010; Davidson et Connery, 2003; Reavley et Jorm, 2014; Shamblay, Botha et Dozois, 2015), mais les résultats demeurent non généralisables à la population québécoise en raison du fait que les représentations sociales se construisent dans un contexte et dans une culture donnés (Jodelet, 1989). Notons également que la plupart des études portent sur les représentations sociales que l’on retrouve dans la population générale (Angermeyer et Matschinger, 2003; Foster, 2001; Munizza et al., 2013; Roelandt, Caria, Defromont, Vandeborre et Daumerie, 2010). Considérant que celles-ci peuvent différer d’un groupe social à un autre (Jodelet, 1989), il est important de se centrer sur les personnes vivant ou ayant vécu un épisode de dépression majeure afin de raffiner notre compréhension de ce phénomène. De plus, la symptomatologie des personnes souffrant de dépression, notamment caractérisée par un fort sentiment de culpabilité et une faible estime de soi, est fertile à l’intériorisation de stigmates (Asmussen et Phelan, 2001; Camp, Finlay et Lyons, 2002; Link, Struening, Neese-Todd, Major et O’Brien, 2005). Il est donc important d’explorer les différences ou les similitudes entre les représentations sociales de la dépression en général et celles qu’ils ont de la leur. Ajoutons que les représentations sociales de la maladie mentale ne sont pas homogènes et se distinguent selon les troubles, ce qui n’a pas vraiment été abordé dans les écrits scientifiques (Foster, 2001). Effectivement, les recherches portent souvent sur la maladie mentale en général, alors qu’il est possible que des manifestations

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propres à chaque trouble apparaissent et qu’elles peuvent être perçues différemment par la population. Par exemple, la schizophrénie est probablement l’un des troubles les plus stéréotypés et stigmatisés, la société ayant tendance à placer ces personnes singulièrement en marge et à les qualifier de dangereuses (Link, Phelan, Bresnahan, Stueve et Pescosolido, 1999).

De ce fait, au regard du caractère novateur du présent mémoire, un projet pilote visant à recruter un petit nombre de personnes a été privilégié. Il s’agira de caractériser le profil de trois groupes de personnes selon leur degré de rétablissement perçu. Le choix d’un projet pilote a été favorisé pour des raisons statistiques et éthiques qui seront détaillées dans les parties subséquentes.

La pertinence sociale

Sur le plan social, la dépression représente un enjeu sociétal en touchant directement plus d’un million de Canadiens et de Québécois. De ce fait, l’optimisation du rétablissement d’un trouble mental est une visée ministérielle (MSSS, 2015). En effet, il est au cœur du Plan d’action en santé mentale 2015-2020. La dépression, plus précisément, engendre de nombreuses conséquences pour les personnes elles-mêmes, tant aux plans financier, personnel et social. En effet, « la dépression est plus commune que la plupart des principaux troubles médicaux et elle compromet tout autant le bien-être et le fonctionnement des gens qui en sont atteints » (Patten et Juby, 2008, p.15). En plus d’altérer le fonctionnement global et d’augmenter la détresse subjective des personnes souffrant d’un trouble dépressif majeur, l’entourage (Hardwick, 1999) et la société ont à composer avec des retombées négatives considérables (CSMC, 2012b). Par exemple, la dépression représente l’une des principales causes de décès prématurés, le suicide emportant au total 850 000 vies par année dans le monde (Patten et Juby, 2008). Selon Goodwin et Jamison (1999), entre 15% et 20% des personnes dépressives mettent fin à leurs jours. Parallèlement, il a été démontré que 50% des personnes qui s’étaient suicidées souffraient de dépression (Puri et Hall, 2004). Également, les préjugés négatifs, les comportements discriminatoires ainsi que les stigmates peuvent avoir de lourdes conséquences sur l’estime de soi (Commissaire à la santé et au bien-être [CSBE], 2012). En effet, il est fréquent qu’une personne s’identifie à la représentation que la majorité se fait d’elle, ce qui altère la vision qu’elle a d’elle-même (Whitley, 2012). L’intériorisation des attitudes négatives de la société retournées contre soi donne lieu à de l’autostigmatisation

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qui a aussi une influence négative sur l’autogestion de sa santé et sur son bien-être psychologique (Schulze et Angermeyer, 2003).

De plus, sur le plan économique, la dépression ainsi que les problèmes de santé physique chroniques que l’on retrouve souvent ensemble représentent des coûts substantiels, liés aux soins de santé et aux médicaments antidépresseurs ainsi que l’absence au travail (Patten et Juby, 2008). Notamment, la perte de productivité représente environ 6,3 milliards de dollars en 2011 au Canada (CSMC, 2012b). Plus récemment, en 2013, on a relevé que 30,4% des réclamations de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada étaient reliées à un trouble mental, comparativement à environ 26% en 2004 (CSMC, 2012a). Cela représente une augmentation considérable, d’autant plus que l’on évalue que ce pourcentage est sous-estimé par rapport à l’ampleur du phénomène, car il exclut les invalidités de courte durée ainsi que les personnes qui n’ont pas versé suffisamment de cotisations au Régime des pensions du Canada (CSMC, 2012a). En définitive, les répercussions économiques en un an sont estimées à au-delà de 50 milliards de dollars, ce qui représente 2,8% du produit intérieur brut de 2011 au Canada (Smetanin et al., 2011).

Dans un autre ordre d’idées, les impacts liés à une dépression non traitée sont d’autant plus préoccupants, car l’absence de recours à une aide professionnelle peut influencer la gravité et la persistance des symptômes, la probabilité de rétablissement diminuant ainsi avec le temps (Patten et Juby, 2008). En effet, une proportion d’environ 50% des personnes atteintes de dépression majeure reçoit actuellement de l’aide professionnelle (Cheung et Dewa, 2007; Rhodes, Bethell et Bondy, 2006; Wang, Langille et Patten, 2003). Selon l’OMS (2001), le manque de ressources qualifiées ainsi que le stigmate social associé aux troubles mentaux en représentent les obstacles majeurs. D’ailleurs, Patten et Juby (2008, p. 21) soulignent qu’en « réduisant le stigmate associé aux problèmes de santé mentale, l’information et la sensibilisation encourageront plus de gens à demander de l’aide professionnelle avant que leurs problèmes ne s’enracinent ». Ainsi, approfondir les connaissances sur les représentations sociales de la dépression peut soulever des pistes de réflexion par rapport à la sensibilisation de la population, afin de favoriser la recherche d’aide par les personnes touchées.

La pertinence disciplinaire

D’abord, le concept de rétablissement fait directement écho aux valeurs et aux principes prônés par le travail social (Carpenter, 2002), tels que la justice sociale, le

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développement du pouvoir d’agir et la croyance dans le potentiel de chaque personne (Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux du Québec [OTSTCFQ], 2012). Également, le rétablissement va de pair avec les principes qui guident le processus d’intervention, dont l’engagement de la personne dans une perspective de pouvoir d’agir (OTSTCFQ, 2011). Depuis les années 2000, les services en santé mentale au Québec orientent de plus en plus leurs pratiques et leurs interventions dans ce sens (MSSS, 2005, 2015); ce courant permettant de développer une vision selon laquelle les personnes vivant avec un trouble mental peuvent avoir espoir d’améliorer leur état (Carpenter, 2002). De plus, les études consacrées aux représentations sociales ne les ont pas incluses dans une perspective du rétablissement. En effet, il est davantage question, dans les études, de succès d’une intervention ou de rémission des symptômes (Tremblay, 2013), ce qui donne un caractère novateur à la présente étude. Enfin, l’angle d’analyse du travail social n’a à peu près pas été abordé dans le contexte des représentations sociales, qui sont explorées majoritairement dans les domaines de la sociologie et de la psychologie.

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CHAPITRE 2 : LE CADRE D’ANALYSE

Avant de se pencher davantage sur les constats émanant de la littérature scientifique, il est primordial de définir les principaux concepts à l’étude, soit la dépression, les représentations sociales et le rétablissement. En effet, c’est à partir du sens donné aux différentes variables qu’il sera possible d’orienter et de structurer la suite du projet. Ajoutons que le cadre d’analyse présenté ci-dessous est composé d’un cadre conceptuel en lien avec la dépression et le rétablissement ainsi que d’un cadre théorique concernant le courant des représentations sociales.

L’épisode dépressif

Au travers de l’histoire des troubles mentaux, la dépression a été l’une de ses premières conceptualisations (Halder, 2015). Depuis que le terme « trouble dépressif majeur » a été introduit dans le Diagnosis and Statistical Manual (DSM-III) en 1980 (Philipp, 1991), la définition la plus courante est celle utilisée dans le domaine de la psychiatrie et répertoriée dans le DSM, élaboré par l’Association américaine de psychiatrie. La définition retenue provient de la plus récente édition de ce manuel, le DSM-5. L’épisode de dépression majeure, qui s’inscrit dans la catégorie des troubles de l’humeur, est caractérisé par la présence d’au moins cinq des symptômes suivants : une humeur dépressive persistante dans la majorité du temps, une perte d’intérêt ou de plaisir générale, une perte ou encore un gain de poids, de l’insomnie ou de l’hypersomnie, un ralentissement psychomoteur notable, une perte d’énergie ou un sentiment de fatigue accablante, un sentiment de dévalorisation ou de culpabilité marquée pouvant être considéré comme excessif ou inapproprié, une diminution de la capacité de prise de décisions et, enfin, des pensées de mort ou des idées suicidaires récurrentes pouvant précéder une tentative de suicide (American Psychiatric Association [APA], 2013). Une souffrance significative découle évidemment de cet état qui crée également une altération marquée du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines de vie importants (APA, 2013). Cela se traduit fréquemment par l’incapacité, par exemple, d’être en mesure d’assumer ses responsabilités professionnelles ou interpersonnelles (APA, 2013). L’équivalent européen du DSM, le chapitre V de la Classification internationale des maladies (CIM-10), présente les mêmes critères diagnostiques en plus d’un dixième, soit la perte de confiance en soi ou d’estime de soi (OMS, 2008). Ainsi, dans le domaine de la psychiatrie, l’épisode dépressif est globalement défini de la même manière dans les pays

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industrialisés malgré le fait que la culture peut influencer d’une part l’expression des symptômes (APA, 2003), et d’autre part, la compréhension et le traitement de la dépression (Estingoy, 2015).

Dans un ordre d’idées connexes, notons que la dépression peut prendre diverses formes selon la présence de certains symptômes, cette affection pouvant s’exprimer différemment d’une personne à l’autre. De ce fait, Zimmerman et ses collaborateurs (2015) ont mis en lumière qu’il existe théoriquement 227 façons différentes de satisfaire les critères diagnostiques de l’épisode dépressif majeur. En d’autres termes, comme certains critères ont de multiples composantes, deux personnes peuvent satisfaire les mêmes critères de différentes façons sans toutefois présenter les mêmes symptômes. Il est donc juste de dire que le trouble dépressif majeur est caractérisé par une hétérogénéité de sa population (Haslam et Beck, 1994; Zimmerman, Ellison, Young, Chelminski et Dalrymple, 2015), malgré qu’il s’agit du trouble psychiatrique le plus commun de nos jours (Halder, 2015).

Néanmoins, malgré le consensus existant quant à la définition de la dépression en psychiatrie, cette pathologie demeure un concept difficile à définir clairement compte tenu de la pluralité des définitions au regard des domaines d’étude (Tremblay, 2013). Par exemple, la manière de concevoir la dépression majeure, tout comme les causes et les interventions privilégiées pour cette dernière, diffère entre les disciplines de la pharmacologie et de la psychothérapie. Du point de vue du travail social, une attention particulière est portée aux atteintes significatives à la sphère sociale des individus touchés par la dépression. En effet, rappelons que cette dernière est typiquement caractérisée par du retrait et de l’isolement social (Brown, Silvia, Myin-Germeys et Kwapil, 2007; Kupferberg, Bicks et Hasler, 2016; Wade et Kendler, 2000), des compétences sociales réduites (Gable et Shean, 2000), un désintéressement social (Silva et Kwapil, 2011), une réduction de la qualité des relations interpersonnelles (Kronmuller et al., 2011) ainsi qu’une altération dans la perception et la compréhension des autres (Csukly, Czobor, Unoka, Takács et Simon, 2009).

Dans une optique multifactorielle et hétérogène, retenons que la dépression résulte de l’interaction complexe entre des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux (Deacon, 2013; Halder, 2015; Patten et Juby, 2008; Zimmerman, McGlinchey, Young et Chelminski, 2006). Finalement, au regard de la littérature scientifique, il est essentiel de donner une importance prépondérante à l’expérience d’un épisode dépressif ainsi qu’au

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sens y étant donné par ceux qui le vivent ou l’ont vécu (Kaite, Karanikola, Merkouris et Papathanassoglou, 2016). En effet, même s’il est pertinent de se baser sur l’épidémiologie élaborée dans le DSM, notamment en raison du fait qu’il s’agit d’un consensus qui s’actualise dans le système de santé moderne, il demeure que les gens adoptent différents modèles de compréhension qui font du sens pour eux afin d’expliquer ce qui leur arrive et qu’ils ont le droit de définir eux-mêmes leurs expériences (Bailey, 2015). D’ailleurs, sur le plan thérapeutique, il est plus aidant qu’un clinicien travaille avec la vision du patient plutôt que d’insister sur le fait que sa propre compréhension est juste (Bailey, 2015), cette manière de voir les choses allant de pair avec l’approche du rétablissement qui sera approfondie un peu plus loin dans le présent document. De ce fait, il sera retenu dans cette étude que l’épisode de dépression majeure est, avant tout, un concept socialement construit.

Les représentations sociales

Ce concept a été introduit en 1961 par Serge Moscovici et a largement été approfondi par la suite; le courant des représentations sociales étant non seulement très populaire en Europe, mais également en pleine émergence en Amérique. Elles se définissent comme étant un savoir commun dans un contexte et un temps donnés se rapportant à une construction consensuelle de la réalité sociale en fonction de l’interaction et de la communication (Moscovici, 2004). Ainsi, ce savoir traduisant l’état de la réalité est structuré par divers éléments (dont certains ont été abordés de manière isolée), soit des éléments informatifs, cognitifs, idéologiques ou normatifs ainsi que des croyances, des valeurs, des attitudes, des opinions et des images (Jodelet, 1989). Par conséquent, les représentations sociales forment une totalité signifiante, socialement élaborée et partagée, permettant d’interpréter l’environnement social et physique (Jodelet, 1989). De plus, les représentations sociales véhiculées dans la société peuvent différer d’un groupe social à l’autre et orienter les comportements des individus, ceux-ci étant l’expression de l’image sociale qu’ils ont intégrée (Jodelet, 1989).

Dans un même ordre d’idées, les représentations sociales sont un concept de croyances partagées faisant écho aux stigmates ainsi qu’aux attitudes véhiculés par la société. À la lumière du relevé des écrits sur le sujet, ces trois concepts sont souvent utilisés comme synonymes en raison de leur proximité sur le plan conceptuel (Major et O’Brien, 2005; Phelan, Link et Dovidio, 2008; Stuber, Meyer et Link, 2008). Toutefois, les attitudes appartiennent au domaine de la psychologie tandis que les représentations

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sociales s’inscrivent dans la branche de la psychologie sociale et que les stigmates ont été élaborés dans une perspective sociologique. Les représentations sociales ainsi que les stigmates peuvent faire le pont entre divers angles d’analyse et, surtout, s’inscrire dans l’optique du travail social en mettant de l’avant l’interaction ainsi que l’interinfluence entre un individu (ou un groupe d’individus) et son environnement. Sur le plan conceptuel, les stigmates et les attitudes sont modulés par des jugements de valeur et des croyances qui forment des préjugés propices à la différenciation sociale ainsi qu’à la discrimination. Plus précisément, les attitudes sont une prédisposition mentale à agir d’une façon donnée découlant d’un état d’esprit envers un groupe ou un individu reposant sur une généralisation de croyances (Allport, 1935). Ces dernières, selon Moscovici (1973), se différencient fondamentalement des représentations sociales. En effet, les représentations sociales permettent de considérer les attitudes comme socialement partagées, dotées d’un contenu et formant un système, bien qu’il admet toutefois que ces deux concepts sont très proches.

Les stigmates, quant à eux, se définissent comme une construction sociale exprimant les attributs personnels qu’une société désigne comme indésirables dans un contexte et un moment donnés (Goffman, 1963). Ainsi, un stigmate est l’écart entre un attribut de tout ordre et les idéaux devant la façon d’être et de se conduire, la différence étant considérée comme déviante. En bref, la stigmatisation se différencie de la stéréotypie en revêtant un caractère négatif, les stéréotypes pouvant quant à eux être positifs (Crocker et Major, 1998). Ajoutons que, selon Howarth (2006), les stigmates jouent un rôle quant aux tensions et aux conflits à l’intérieur des représentations sociales, parlant alors de représentations stigmatisantes. D’ailleurs, notons que la souffrance liée aux symptômes dépressifs est augmentée par les stigmates (Jönsson, Wijk, Skärsäter et Danielson, 2008; McCann et Clark, 2004; Thompson et al. , 2008). De nombreuses études suggèrent que le stigmate public associé à la dépression continue d’exister malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation (Barney, Griffiths, Jorm et Christensen, 2006; Link, Phelan, Bresnahan, Stueve et Pescosolido, 1999; Perry, Pescosolido, Martin, McLeod et Jensen, 2007). Dans le même ordre d’idées, la sensibilisation ciblant les stigmates associés aux problèmes de santé mentale encouragerait davantage de personnes à demander une aide professionnelle avant que leurs problèmes ne s’enracinent (Patten et Juby, 2008). De manière appliquée, le stigmate public peut résulter en une sympathie réduite dans la population générale face aux souffrances des individus vivant une dépression ainsi qu’une tendance à invalider les impacts des symptômes

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dépressifs (Pyne et al., 2009). Effectivement, l’idée que la dépression est une faiblesse personnelle qui pourrait être réglée par la volonté fait largement partie du stigmate associé à la dépression (Pyne et al., 2009). Ce type d’opinion est également perçu par les personnes vivant un épisode de dépression majeure. Notamment, parmi les répondants de l’Enquête sur la santé des collectivités canadiennes de 2002, 37,5% d’entre eux disent avoir perçu que les autres avaient une opinion négative d’eux ou qu’ils avaient l’impression d’être traités injustement en raison de leur trouble (Patten et al., 2015).

Enfin, il est important de retenir que l’intériorisation des stigmates découlant des représentations sociales négatives chez les personnes stigmatisées peut avoir des conséquences considérables sur elles, notamment sur les plans identitaire, psychologique et social (Livingston et Boyd, 2010). Ces représentations sont des portraits socialement construits de la réalité et sont propices à la discrimination, au développement de préjugés, ainsi qu’à l’intériorisation de stigmates (Jodelet, 1985; Moscovici, 2004).

Le rétablissement

L’approche du rétablissement est au cœur des plans d’action en santé mentale de divers pays (Slade, Amering et Oades, 2008). Le Québec n’en fait pas exception, le rétablissement étant l’un des principes directeurs du Plan d’action en santé mentale 2015-2020 (MSSS, 2015). Dans le cadre de cette étude, la définition privilégiée est celle de William Anthony (1993, p. 527) :

Le rétablissement est un processus unique et profondément personnel de changement d’attitudes, de valeurs, de sentiments, de buts, d’aptitudes ou de rôles. Il s’agit d’une façon de vivre une vie satisfaisante, pleine d’espoir et enrichissante malgré les limitations causées par la maladie. Le rétablissement implique le développement de nouveaux sens et d’objectifs dans la vie alors qu’un individu évolue au-delà des effets […] de la maladie mentale. (traduction libre).

De plus, ce sont à la base des définitions émanant de l’expérience même de personnes utilisatrices de services qui ont par la suite été reprises et approfondies par de nombreux chercheurs (Andresen, Caputi et Oades, 2006; Silverstein et Bellack, 2008; Spaniol et Koehler, 1994). Bien que le rétablissement est un processus unique à chaque personne, quatre composantes principales du processus de rétablissement ont également été mises en lumière, soit de trouver et maintenir l’espoir, de rétablir une identité positive, de découvrir le sens de sa vie ainsi que de prendre la responsabilité de celle-ci (Andresen, et al., 2006). De manière plus appliquée, Corrigan et ses collaborateurs (1999) ont relevé

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cinq facteurs qui servent à définir le rétablissement, soit la confiance en soi et l’espoir, la volonté à demander de l’aide, les buts et l’orientation vers le succès, la dépendance envers les autres et ultimement ne pas être dominé par ses symptômes.

Également, l’approche du rétablissement fait écho à la manière de concevoir la santé. En effet, Keyes (2002, 2005, 2007) propose un modèle en deux axes de l’état de santé complet. Le premier représente la santé mentale, défini sommairement comme un fonctionnement positif opérationnalisé par des mesures de bien-être subjectif (Keyes, 2002). Selon l’OMS (2001), la santé mentale fait référence à un état de bien-être permettant à une personne d’être en mesure de réaliser ses habiletés, de faire face au stress normal de la vie quotidienne, de travailler de façon productive et épanouissante en plus de contribuer à sa communauté.

Le second axe, quant à lui, représente la maladie mentale. De ce fait, la santé mentale va plus loin que l’absence de maladie (Keyes et Grzywacz, 2005) et devrait être perçue comme un état complet composé de la présence ou non de ses deux dimensions (Keyes, 2005). En outre, se rétablir n’est pas un synonyme de guérir, qui est davantage pour les situations spécifiques où le processus se fait en un temps. Dans le contexte de la dépression, entre autres, le rétablissement représente un processus qui peut continuer toute la vie pour certains, car il va au-delà de la rémission, c’est-à-dire de la disparition des symptômes (Oostelbos, 2016). Autrement dit, le rétablissement n’implique pas la disparition de la souffrance et des symptômes ni même la restauration complète du fonctionnement; il est plutôt intimement lié au fait de vivre une vie significative au-delà des restrictions de la maladie (Anthony, 2000; Deegan, 1996).

Le bien-être, facteur clé de la santé mentale florissante, a été conceptualisé et divisé en trois composantes (Keyes, 2006; Provencher et Keyes, 2010; Ryan et Deci, 2001; Westerhof et Keyes, 2010). D’abord, le bien-être émotionnel correspond au sentiment de bonheur et à la satisfaction qu’un individu peut ressentir par rapport à sa vie. Ensuite, l’acceptation de soi, la croissance personnelle, le sens donné à la vie, la perception de maîtrise de l’environnement, l’autonomie ainsi que les relations positives avec autrui se rapportent au bien-être psychologique. Enfin, le bien-être a également une dimension sociale composée de la cohérence, de l’acceptation, de l’actualisation, de la contribution et de l’intégration sociales. En prenant en compte ces définitions, l’atteinte d’une santé mentale dite florissante est tout à fait possible pour tout individu, qu’il vive ou non avec un trouble mental. Enfin, l’approche du rétablissement est également très près

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du concept de citoyenneté, qui est caractérisé par une liberté de vivre sans discrimination, exclusion et oppression ainsi que de la capacité de définir sa propre identité et de la célébrer de différentes façons (Bailey, 2015; Pelletier et al, 2015).

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CHAPITRE 3 : LA RECENSION DES ÉCRITS

La recension des écrits a été possible grâce à une démarche documentaire rigoureuse, qui est résumée. Brièvement, il sera par la suite fait état de quatre thèmes principaux reliés à la problématique à l’étude, soit les représentations sociales de la maladie mentale, celles de la dépression, les impacts de la stigmatisation et l’autostigmatisation.

La démarche documentaire

Afin de faire une revue des écrits scientifiques, plusieurs bases de données ont été interrogées, notamment PsycNet (incluant PsycInfo et PsycArticles), Social Work

Abstracts, MedLine, SocIndex et Science Direct ainsi que quelques bases francophones

telles que Repère, Érudit et Cairn. Une série de mots-clés relatifs aux concepts de dépression, de représentations sociales et de rétablissement a donc été déterminée à l’aide des Thesaurus. En effet, les mots-clés utilisés pour le premier concept sont major

depression (dépression majeure), major depressive disorder (trouble dépressif majeur), mood disorder (trouble de l’humeur) ainsi que major depressive episode (épisode

dépressif majeur). Pour le concept de représentations sociales, plusieurs mots-clés ont été sélectionnés, soit social representation(s) (représentation(s) sociale(s)), stigma (stigmate), stigmatisation, stereotype(s) (stéréotype(s)), prejudice(s) (préjugés(s)), social discrimination (discrimination sociale), attitude(s), label(s) (étiquette(s) sociale(s)), social identity (identité sociale) ainsi que mental illness (attitudes toward) (trouble mental

(attitudes)). Enfin, les mots-clés recovery (disorders) (rétablissement) et remission

(disorders) (rémission) ont servi de moteurs pour la recherche d’articles scientifiques pour

le troisième concept. L’état des connaissances actuelles a servi par conséquent de point de départ pour l’orientation définitive de la suite de cette recherche. Lors de la sélection des articles selon leur pertinence, la complétion de fiches de lecture a permis de dresser un portrait des éléments clés à la présente étude.

Les représentations sociales de la maladie mentale

Dans la littérature scientifique, les concepts d’« attitude » et de « stigmate » sont davantage étudiés que le concept de « représentation sociale ». En effet, bien que la théorie des représentations sociales s’applique et ait été étudiée dans de nombreuses situations, la stigmatisation semble demeurer un concept plus facile à saisir rapidement, plusieurs chercheurs ne pouvant se permettre d’approfondir le processus et se centrant

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davantage sur la mise en évidence d’un problème social (Hinshaw et Cicchetti, 2000; Link et al., 2001; Rosenfield, 1997). Malgré tout, plusieurs auteurs tentent davantage de comprendre le mécanisme de formation et de cristallisation des représentations sociales à partir de la théorie initialement élaborée par Moscovici (2004).

D’abord, les représentations sociales de la maladie mentale ont, selon De Rosa (1987), évolué depuis les derniers siècles à travers les grands jalons de l’histoire, notamment les transformations dans le domaine de la psychiatrie, donnant lieu à un « polymorphisme » de son image sociale. Toutefois, bien que l’on dénote une amélioration vis-à-vis des conceptions de la maladie mentale (Phelan, Link, Stueve et Pescosolido, 2000), plusieurs recherches ont fait la preuve qu’il existe des attitudes négatives par rapport aux gens présentant une maladie mentale, ces derniers vivant également de la stigmatisation (Feldman et Crandall, 2007; Hinshaw et Cicchetti, 2000; Link et al., 2001; Murray, Pullman et Rodgers, 2003; Ottati, Bodenhausen et Newman, 2005). Par exemple, la représentation sociale du « fou » fait référence, dans l’imaginaire collectif, à des caractéristiques en lien avec la dangerosité et l’inadaptation au monde, à la société ainsi qu’à la réalité (Roelandt et al., 2010). En effet, entre 65 et 90% des répondants d’un échantillon représentatif de la population générale française (n=900) considèrent que le fou est exclu des sphères sociale, familiale ou professionnelle (Roelandt et al., 2010). Dans cette même étude, il est également soulevé que les maladies mentales sont, pour la population générale, associées à la déviance, d’où la problématique de stigmatisation. En ce sens, la marginalisation des troubles mentaux serait le résultat de l’imposition de normes par les instances médicale et psychiatrique.

Dans le même ordre d’idées, Foster (2001) a exploré les représentations sociales de la maladie mentale auprès de 17 étudiants universitaires londoniens par l’entremise de rencontres de groupes. Les résultats ont révélé que les représentations sociales n’étaient pas totalement homogènes chez ces étudiants. En effet, bien que les aspects d’imprévisibilité, de persistance du trouble et de violence soient centraux à la représentation sociale des troubles mentaux en général, les résultats de cette étude font ressortir qu’il existe également un processus de différenciation entre les divers troubles. Il en ressort également que la différenciation basée sur l’approche médicale est priorisée quant aux caractéristiques des types de troubles mentaux, soit les causes, les effets, les traitements, le pronostic, les effets sur autrui et la responsabilité de l’état mental. En d’autres termes, selon l’auteure, les représentations sociales d’un trouble en particulier

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seront plus négatives si, selon l’approche médicale, le trouble est génétique, qu’il provoque des effets violents et de la déviance sociale, qu’il ne peut être traité que par de la médication, qu’il ne peut être guéri et qu’il provoque de la peur chez autrui, par exemple.

Les représentations sociales de la dépression

Peu d’études empiriques traitent directement des représentations sociales de la dépression spécifiquement. Toutefois, il est possible de remarquer l’émergence du phénomène depuis les deux dernières décennies sur le plan international (Angermeyer, Holzinger et Matschinger, 2009; Aromaa, Tolvanen, Tuulari et Wahlbeck, 2011; Cook et Wang, 2010; Davidson et Connery, 2003; Reavley et Jorm, 2014; Shamblay, Botha et Dozois, 2015). Munizza et ses collaborateurs (2013) se sont penchés sur les croyances sociales et les attitudes en lien avec la dépression en Italie. Ils ont rejoint 1 001 personnes par l’intermédiaire d’une enquête téléphonique où un court questionnaire leur était administré afin d’explorer leurs connaissances de la dépression, des stigmates, des croyances causales de la maladie et de ses traitements ainsi que des attitudes de recherche d’aide. Dans cette étude, lorsque les chercheurs demandaient aux participants laquelle des quatre définitions de la dépression proposées ils endossaient, il s’est avéré qu’elle était davantage perçue comme une maladie situationnelle qu’un signe de faiblesse, malgré que 58% des répondants croient que les gens souffrant de dépression devraient être embarrassés d’en discuter avec un professionnel de la santé. C’est donc dire qu’il existe toujours un écart de perception au sujet des croyances dans la population générale. Notons également que les gens souffrant de dépression sont jugés généralement plus négativement que ceux chez qui une étiquette générale de « maladie mentale », « trouble mental » ou « problème de santé mentale » a été attribuée (Szeto, Luong et Dobson, 2013). Dans cette étude, l’échantillon était composé de 124 étudiants en psychologie et ceux-ci devaient répondre à une série de questionnaires sur les attitudes, les croyances, la distance sociale, les intentions comportementales, et les stigmates perçus. Les chercheurs expliquent cette différence d’attitudes entre les termes plus vagues et celui de dépression, plus spécifique, par l’hypothèse que les gens comprennent mal les troubles mentaux et ne reconnaissent pas la dépression comme une maladie en tant que telle, car la différence entre un état transitoire de tristesse et la dépression est peu évidente pour eux.

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De plus, selon Deacon et Baird (2009), l’attribution des causes de la dépression aurait un effet sur les attitudes subséquentes, la conceptualisation de causes biopsychosociales étant davantage sujette à des attitudes stigmatisantes que la conception uniquement biologique, soit un débalancement chimique dans le cerveau. Retenons également que les conceptualisations non biologiques sont associées à des attitudes de blâme et d’attribution de la responsabilité (Weiner, 1995) du trouble aux personnes dépressives (Deacon et Baird, 2009; Rusch, Kanter et Brondino, 2009; Szeto, Luong et Dobson, 2013). Bien que la dépression soit un concept que la population générale a du mal à définir (Angermeyer et Matschinger, 2003), les résultats de l’étude québécoise de Tousignant et Denis (1977) auprès de 1 158 participants font ressortir que les participants la décrivent comme « une forme de désistement général, une incapacité à remplir normalement un rôle; c'est l'état d'une personne qui pleure pour rien, qui ne réagit plus aux stimulations » (p.353).

Enfin, Hsu et ses collaborateurs (2008) ont conclu que la formation ainsi que la gravité des stigmates étaient déterminées par la peur, la honte, les distorsions cognitives, la communication sociale, les consensus et les sanctions.

Au Québec, à notre connaissance, seul Tremblay (2013), dans le cadre de ses études doctorales en psychologie, s’est penché sur les représentations sociales des causes et des interventions relatives à la dépression, explorant celles-ci auprès de trois catégories différentes de groupes, soit des personnes dépressives (n=43), des professionnels de la santé mentale (n=92) ainsi que des étudiants universitaires (n=350). Un questionnaire sur les représentations sociales était remis à l’ensemble des participants, tandis qu’un second questionnaire mesurant l’état dépressif, soit la version traduite de l’inventaire de dépression de Beck (1961 par Gauthier, Morin, Thériault et Lawson, 1982), était administré uniquement aux patients dépressifs. Le premier questionnaire était divisé en deux parties, soit l’une portant sur les causes, regroupées autour de quatre principes organisateurs (stress sociaux, hérédité et réalités hors de contrôle, traumatismes et isolement ainsi que Dieu, spiritualité et foi) et l’autre sur les interventions, composé de trois principes organisateurs (prendre soin de soi/travailler sur soi, interventions professionnelles ainsi que moyens extérieurs et contexte de vie). Les participants devaient situer l’importance de chacune des affirmations sur une échelle de type Likert allant de 1 (pas du tout important) à 7 (très important). Dans ce même questionnaire, les participants dépressifs devaient répondre aux affirmations en se

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référant à leur propre dépression puis à la dépression en général. À la suite des analyses, il a été démontré que les patients accordaient davantage d’importance aux causes et à l’utilité des interventions comparativement aux deux autres groupes. De plus, il existe des différences significatives entre les positionnements des patients et des professionnels, ces derniers accordant, entre autres, moins d’importance aux stresseurs et à l’utilité de moyens extérieurs pour le traitement de la dépression. Ainsi, selon Tremblay, l’établissement d’une compréhension mutuelle de la dépression serait nécessaire à la construction de l’espace thérapeutique au regard du succès de l’intervention.

Les impacts de la stigmatisation

Une étude ciblant les effets des étiquettes sur les attitudes de la population générale vis-à-vis des personnes ayant des troubles mentaux a montré que dans le cas de la schizophrénie, les stigmates reliés principalement à la dangerosité modulent négativement les attributions personnelles, les réactions émotionnelles ainsi que la distance sociale (Angermeyer et Matschinger, 2003). En effet, il ressort des écrits que l’adaptation aux stigmates ainsi que le degré de stigmatisation perçu par les personnes selon l’étiquette de « malade mental » façonnent leurs relations sociales, et inhibent par conséquent le soutien de leur entourage (Link, Cullen, Struening, Shrout et Dohrenwend, 1989). Cela est également associé à un sentiment de démoralisation face aux traitements (Link, Cullen, Frank et Wozniak, 1987). Ainsi, l’étiquette représente un stresseur qui augmente les symptômes dépressifs (Link et al., 1989). En d’autres termes, les stigmates et la perception de ceux-ci sont des prédicteurs significatifs de la recherche d’aide, ayant un effet négatif important sur cette recherche d’aide (Link et Cullen, 1992).

Ces mêmes conclusions sont retrouvées dans l’étude menée par Barney et ses collaborateurs (2006), qui ont envoyé 7 000 questionnaires par la poste à une sélection aléatoire de résidents du sud de l’Australie. Le questionnaire incluait une vignette qui décrivait les symptômes et les comportements d’une personne qui satisfaisait les critères minimaux du DSM-IV pour une dépression majeure. Après la lecture de la vignette, les participants étaient invités à se mettre à la place de John, la personne de la vignette, et à répondre sur une échelle de type Likert à des affirmations en lien avec leurs intentions d’aller chercher de l’aide, l’autostigmatisation et les stigmates perçus. Les symptômes dépressifs étaient également mesurés à l’aide du Primary Care Evaluation of Mental

Disorders Patient Health Questionnaire et les participants devaient également indiquer

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questionnaire rempli parmi lesquelles 55% avaient personnellement vécu une dépression. Après analyses des résultats, il est ressorti que les attitudes face à la recherche d’aide de ces dernières étaient plus négatives, plus particulièrement chez les jeunes hommes ayant une 12e année d’étude ou moins. Les résultats suggèrent également que les stigmates ainsi que la perception de ceux-ci créent des situations propices à l’intériorisation de préjugés, soit l’autostigmatisation, qui a également un effet sur les comportements de recherche d’aide tout comme l’accès difficile à un soutien professionnel.

L’autostigmatisation

Selon Freidl, Spitzl et Aigner (2008), la peur grandissante des stigmates, les symptômes dépressifs et le manque d’estime de soi sont une barrière au rétablissement et représentent un risque quant à la durée de la maladie, ces éléments pouvant retarder l’adhésion à un traitement. En effet, notons que l’autostigmatisation est caractérisée par une application sur soi des indices de stéréotypies retrouvés chez autrui, les personnes souffrant de troubles mentaux se faisant vivre elles-mêmes de la discrimination et des préjugés (Goffman, 1963). Dans l’étude de Freidl et ses collaborateurs (2008), 115 patients du département de psychiatrie de l’Université médicale de Vienne ont rempli le questionnaire des stigmates perçus (Link, 1987) ainsi que l’inventaire de dépression de Beck (1961). Près de 75% des répondants croient que la majorité des employeurs privilégieraient une candidature d’une personne ne souffrant pas de trouble mental et que, par conséquent, il est plus difficile pour eux d’obtenir un emploi. Ainsi, le fait de croire que ses chances sont grandement réduites peut amener de l’évitement et, ultimement, de l’isolement sur de nombreux plans.

Dans une optique similaire, l’étude menée par Manos, Rush, Kanter et Clifford (2009) qui s’intéressait à l’autostigmatisation des personnes souffrant de dépression a mis en évidence son rôle médiateur dans la relation entre la gravité de la dépression et l’exacerbation des comportements d’évitement. En effet, les analyses des questionnaires

Center for Epidemiologic Studies Depression Scale, Depression Self-Stigma Scale, Cognitive Behavioral Avoidance Scale et une question sur leur utilisation passée ou

présente d’un traitement quelconque de 167 personnes se considérant dans un état dépressif laissent croire qu’une plus grande attention portée à l’autostigmatisation de la dépression pourrait prévenir leur évitement à demander de l’aide. Effectivement, les résultats laissent croire que les attitudes stigmatisantes liées à la dépression provoquent l’évitement de comportements sociaux qui mènent à de l’isolement, exacerbant par le fait

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même les symptômes dépressifs et la durée de ceux-ci. Toutefois, la crainte des répercussions sociales de stigmates ainsi que l’isolement peuvent provoquer de l’autostigmatisation chez les personnes dépressives. Ainsi, un approfondissement du phénomène serait bénéfique sur les comportements de recherche d’aide, d’autant plus que les traitements liés aux stigmates apparaissent comme ayant une influence sur le fonctionnement social.

Les limites méthodologiques des études

Les principales faiblesses des études se trouvent majoritairement sur le plan méthodologique et plus spécifiquement à la formation de l’échantillon qui crée des limites quant à la possibilité de généralisation des résultats (Barney et al., 2006; Foster; 2001; Muzinna et al., 2013; Tremblay, 2013). De plus, la réplicabilité des études menées sur le sujet dans différents pays n’est pas possible en contexte québécois en raison du fait que les représentations sociales se construisent dans un contexte et dans une culture donnés et diffèrent donc entre elles (Angermeyer, Holzinger et Matschinger, 2009; Aromaa et al., 2011; Cook et Wang, 2010; Davidson et Connery, 2003; Munizza et al., 2013; Reavley et Jorm, 2014; Roelandt et al., 2010; Shamblay, Botha et Dozois, 2015). Il ressort également l’utilisation d’une diversité de théories qui ne sont pas toujours adaptées aux objectifs de l’étude (Friedl et al., 2008). Au contraire, certains ne posent pas clairement leurs assises théoriques (Roelandt et al., 2010). Enfin, considérant que les études impliquent l’investigation de croyances, il est important de considérer les possibles biais de désirabilité sociale.

Les forces méthodologiques des études

Globalement, les principales forces des études se trouvent sur le plan des questions qu’elles soulèvent (Barney et al., 2006; Manos et al., 2009; Roelandt et al., 2010; Tremblay, 2013). En effet, leurs résultats ainsi que leurs suggestions d’orientation de recherches futures permettent de pousser les réflexions plus loin afin, ultimement, d’avoir une meilleure compréhension des phénomènes à l’étude. Également, nombre d’entre elles avaient des échantillons de grandes tailles, ce qui apporte plus de puissance statistique aux résultats obtenus (Barney et al., 2006; Munizza et al., 2013; Roelandt et al., 2010; Tremblay, 2013).

En résumé, il ressort de la recension des écrits que bien que les représentations sociales de la maladie mentale évoluent avec le temps, il demeure qu’elles ne sont pas homogènes et se différencient selon les différents troubles. Étant donné que la dépression

Figure

Tableau de la répartition des mots des réseaux d’association de l’échantillon  1. Symptômes (94)
Tableau de la répartition des mots des réseaux d’association du groupe 2  1. Symptômes (49)

Références

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