AU SEIN DU MUSEE, DANS LE CADRE DE LA
FUTURE GALERIE DE L'EVOLUTION DU
MUSEUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE
Florence CERCEAU
Cellule de Préfiguration de la Galerie de l'Evolution Muséum national d'Histoire naturelle, Paris
MOTS·CLES : ORIGINES - EVOLUTION - CONCEPTS - OBJETS - MUSEE
RESUME: Les thèmes de l'origine de la vie et de l'univers, difficilement matérialisables par des objets dans un musée, sont deux sujets laissant volontiers la place à l'imaginaire. Intégrés dans 1"'Histoire de vie" (Acte II) de la future Galerie de l'Evolution du Muséum, à Paris, ils conduiront le visiteur, en guise d'introduction, des milliards d'années en arrière,àla recherche de ses origines en tant que matière vivante.
SUMMARY : Origin of life and origin of universe are difficult to exhibit by means of objects usually used in a museum. These are two topics leaving easily a placeteimaginary.
Intregrated into the "Story of life" (Acte II) of the future Gallery of Evolution, in the Museum of Paris, these two themes willlead the visitor back to billion years ago, looking for his origin as living matter.
1. INTRODUCTION
Lemusée est typiquement le lieu où se mélangent science et imaginaire. Une des illustrations devrait être le projet de rénovation, inséré dans les Grands Travaux de l'Etat, de la Grande Galerie de Zoologie du Museum national d'Histoire naturelle. Celle-ci va en effet se transfonner en Galerie de l'Evolution, qui, achevée en juin 1993, traitera des thèmes de la diversité du vivant (Acte l), de l'histoire de la vie (Acte 11), de l'histoire des théories et des mécanismes de l'évolution (Acte III) ainsi que des relations homme/nature (ActeIV).
2. LE THEME DELICAT DE L'EVOLUTION, AU MUSEE
La richesse d'un musée d'histoire naturelle est bâtie, en grande part, sur les spécimens qu'il détient, souvent depuis des siècles, et qui constituent des témoignages non seulement des variétés vivantes dans le monde, mais aussi des espèces disparues ou en voiededisparition.
Au travers des thèmes retenus pour la future Galerie de l'Evolution, il va falloir justifier la présence de ces spécimens à la lumière de leur histoire, des processus et des interactions qui ont conduit à l'émergence du monde vivant qu'ils constituent et que nous observons aujourd'hui.
La difficulté du thème de l'évolution est que chaque objet ou spécimen, placé dans un ordre précis, sera automatiquement relié à un contexte. Celui-ci, nécessairement "ordonné", et suggéré par les spécimens eux-mêmes, représentera la trame historique de l'évolution.
Il faut cependant arriveràtraiter ce thème, éminemment historique, comme une véritable exposition et non comme un livre, ce qui serait la tendance naturelle, puisque l'on va traiter d'un passé, d'un présent, et d'un avenir du vivant, c'est-à-dire d'une origine, d'un "actuel" et d'épilogues probables .... La présentation doit donc être suffisamment bien orchestrée pour que les arguments soient suivis facilement par le public.
De plus, le thème de l'évolution est particulièrement délicat car il se présente un peu, de manière didactique, comme une pyramide inversée: comprendre l'histoire de la vie et la théorie de l'évohition nécessite d'appréhender ce qui se passe depuis les débuts de la vie jusqu'à aujourd'hui, en passant par la complexité chimique du vivant, l'apparition des grands groupes (végétaux et animaux) et en remontant même jusqu'aux mécanismes de formation de la matière dans le cosmos, à l'origine des atomes du vivant.
J'en arrive de cette manière à l'approche muséologique du début de l'Acte
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(l'histoire de la vie), en remontant le temps, en me plaçant aux balbutiements delavie, puis àla recherche de l'origine delamatière.Ces deux thèmes concernant nos origines, qui s'illustrent difficilement par des objets, sont panni les domaines de réflexion scientifique des sujets laissant volontiers la place au domaine de l'imaginaire.
3. L'ORIGINE DE LA VIE AU SEIN DE L'EVOLUTION
Peu de musées ont intégré le thème de l'origine de la vie, sujet de recherches très récent, dans leur présentation classique. Dans la future Galerie de l'Evolution, le visiteur du musée, qui aura été sensibilisé à la diversité du vivant par le biais de l'Acte l, pénètrera dans l'histoire de la vie grâce un voyage imaginaire le conduisant des milliards puis des millions d'années en arrière, au fur et à mesure de sa progression dans l'Acte II.
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sera ainsi amené à se poser certaines questions, assurément pas les mêmes que le scientifique. Il faudra alors guider sa curiosité en le faisant s'interroger sur des problèmes simples concernant nos lointains ancêtres, notre origine en tant qu'être vivant.La nature et la diversité des questions relativesàl'origine de la vie font de ce problème, placé dans le cadre de l'évolution, une science à caractère multidisciplinaire. Elle fait en effet intervenir, non seulement la plupart des sciences de la vie, mais aussi les sciences physiques et chimiques, géologiques ainsi qu'astronomiques. Le thème de l'évolution va donc conduire à regrouper des disciplines, habituellement isolées physiquement et même intellectuellement dans le musée, et en faire la synthèse, en particulier dans cette approche muséologique de la recherche de notre origine.
L'imaginaire a été à la base des premiers concepts relatifs à l'origine de la vie. En effet, l'histoire des concepts concernant une origine de la vie intégrée dans l'évolution, dans sons sens le plus global, est très récente. C'est sans doute une des raisons qui fait de ce thème un sujet peu souvent diffusé, au moins jusqu'à ces dernières années.
Pendant de nombreux siècles, l'imaginaire a remplacé le raisonnement scientifique pour défmir nos origines. Nos ancêtres pensaient que la vie pouvait surgir en pennanence de la matière inerte, de manière tout à fait soudaine. Pour Aristote, un des premiers naturalistes, les gros animaux étaient généralement issus d'organismes identiques, mais, les petits naissaient de la boue, du fumier, ou de la vase...
Pendant la longue période de pénombre scientifique que fut le Moyen·Age, chacun va ajouter son détail et son interprétation du vivant
Au XVIIème siècle, les théories "audacieuses", celles qui remettent en question tout l'imaginaire de l'Occident de l'époque, sont violemment réprimées: pour avoir soutenu des thèses telles que "l'espace et l'univers sont infinis, il existe une infinité de mondes analogues au nôtre, ces mondes innombrables sont habités", le moine Giordano Bruno périra sur le bücher, condamné par l'Inquisition. Mais, alors que 30 ans plus tard, Galilée, en corroborant les idées de Copernic, déchoît la Terre de sa place centrale dans l'univers, la croyance en la génération spontanée du vivant persiste, même dans l'esprit d'éminents savants. Pourtant, le médecin et biologiste Francesco Redi tente, dès le XVIIèrne siècle, de faire admettre que si la Terre, à ses débuts, a donné naissance aux animaux et aux plantes sur l'ordre d'un créateur suprême, cet événement n'a pu se reproduire une nouvelle fois ... Il faut bien, alors, quelavie soit issue d'une vie préexistante. Quelques années plus tard, Van Leeuwenhoek découvrira et décrira un monde jusqu'alors insoupçonné, celui de la vie invisible: les micro·organismes.
bouleversement découlant de ces découvertes concernant l'origine de ces microbes.ilfaut attendre un siècle de plus (les travaux de Pasteur) pour que la théorie de la génération spontanée, pour les petits commepourles gros organismes, soit définitivement réfutée.
Dès lors, la question se pose de manière rationnelle: Comment la vie a-t-elle commencé? La question est évitée jusqu'à ce que Darwin, dans son "Origine des espèces", démontre que les formes vivantes descendent les unes des autres avec des "modifications qui ne se produisent qu'au cours de très grands intervalles de temps".
C'est alors la découverte du facteur tempsàgrande échelle, du temps historique, celui qui s'ajoute et entraîne les changements durables, et non plus du temps qui "coule", depuis longtemps apprivoisé et mesuré par les Hommes. Forcé par la logique même de la notion d'évolution de remonter le temps vers des formes de vie de plus en plus simples, on aboutissait enfin, nécessairement, à la première cellule vivante.
Les idées vont faire leur chemin encore un demi siècle pour arriver à des tentatives d'élaboration de concepts rationalisés et d'expériences. Dans les années 50, le jeune Stanley Miller, en reprenant la théorie élaborée par Oparin vingt ans auparavant, réalisera le premier montage expérimental sur l'origine de la vie. Simulant les conditions physiques et chimiques régnant sur la Terre primitive,ilobtiendra, à partir de composés atmosphériques très simples, les petites "briques" du vivant que sont les acides aminés. C'est le premier pas vers la recherche concrète de notre origine en tant que matière vivante.
Les données actuelles nous permettent d'aller beaucoup plus loin, au sens propre comme figuré: les expériences en laboratoire facilitent la compréhension des étapes de la chimie "prébiotique" ; l'exploration spatiale (vers Titan, le satellite de Saturne possédant une atmosphère riche en composés organiques qui ressemblerait à celle de la Terre primitive, et vers la comète de Halley, dont le noyau contiendrait des composés d'intérêt prébiotique) a foumi récemment beaucoup d'informations sur la chimie organique extraterrestre, résultats qui contribuent à essayer de résoudre l'énigme de l'origine de la vie.
Les différentes théories et expériences sur l'origine de la vie feront l'objet d'une présentation, en tout début d'Acte
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résumant les données récentes sur ce sujet.4. POURQUOI L'ORIGINE DE LA MATIERE ?
Dans notre quête des origines, nous pouvons nous interroger sur l'origine de la matière qui nous entoure et nous constitue. Ainsi, dans la Galerie, le public sera également amené à se poser des questions sur les grandes lois de complexification de la matière, depuis les premiers instants de l'univers jusqu'aux premiers organismes vivants.
La matière est faite d'environ 80 éléments chimiques. Ces éléments, toujours les mêmes, nous les retrouvons jusqu'aux limites de l'univers observable.
La majorité naît au coeur des étoiles. Cependant, ilya deux exceptions notables: il s'agit de l'hydrogène et de l'hélium.Lathéorie la plus couramment admise aujourd'hui nous montre qu'il faut remonter jusqu'aux premières minutes de l'univers, après le fameux Big Bang, pour comprendre leur formation. En effet, dans la chaleur des premiers instants apparaîtraient les particules primordialesà l'origine de toute la matière existant aujourd'hui dans la cosmos. On admet que 9 atomes d'hélium sur 10 proviennent du Big Bang; le lOème seul aurait été fabriqué par les étoiles, beaucoup plus tard, grâce au processus de nucléosynthèse, sorte "d'alchimie cosmique" aboutissantàla formation des éléments chimiques, dont ceux du vivant (carbone, azote, oxygène, phosphore), excepté l'hydrogène, déjà fabriqué par le Big Bang.
L'ensemble de ces données scientifiques, très admises de nos jours, font appel, comme pour l'origine de la vie,àdes concepts très récents. Au début de ce siècle, parler d'autres mondes dans d'autres galaxies, ou de l'univers dans sa globalité, relevait encore de la science-fiction. L'univers du XXème siècle deviendra celui du Big BangL'émergence de cette nouvelle vision de l'univers sera fulgurante. En un demi siècle, l'univers statique aux étoiles fixes et immobiles est devenu un univers dynamique, en expansion, fait de mouvements et de violence. L'immuabilité de jadis s'est transformée en évolution perpétuelle.
C'est cette évolution de l'inanimé vers l'animé que l'on va esquisser, au sein d'une présentation sur l'origine de la vie, intégrée dans l'histoire de la vie (Acte II) de la Galerie de l'Evolution: naissance de l'univers, apparition de la matière avec les premiers atomes d'hydrogène et d'hélium, formation des premières structures stellaires et, avec elles, d'atomes plus complexes issus de l'évolution même des étoiles, tels ceux qui constituent les molécules du vivant. Ces atomes, qui, se regroupant et se complexifiant pour devenir molécules organiques, fabriqueront cette matière animée dont il nous reste toujours bien des choses à comprendre...
Ainsi, la Galerie de l'Evolution aura l'intérêt de chercher à rassembler, à la fois sur le plan muséographique et intellectuel, des éléments souvent épars dans des musées habituellement spécifiques, destinésàl'histoire naturelle, la géologie et minéralogie, l'espace etc....
Une des originalités de cette présentation, centrée sur le thème de l'évolution, sera donc l'intégration, de l'ensemble de ces données en seul lieu prouvant physiquement l'unité de l'évolution depuis les premiers instants de l'univers jusqu'à aujourd'hui: l'espèce humaine s'interrogeant sur l'origine, le passé, le présent et l'avenir de la vie.
5. BIBIOGRAPHIE
Pour Information:
DE ROSNAY (J.), 1988. -L'aventure du vivant.Editions du Seuil, Paris.
ORGEL (E.L.), 1973. -Les origines de la vie, desfossUes aux extra-terrestres.Ed. Elsevier, Paris, 214 p.
