• Aucun résultat trouvé

La reconnaissance internationale de la République du Kosovo (2008-2016) : succès, défis et perspectives de ce nouvel État

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La reconnaissance internationale de la République du Kosovo (2008-2016) : succès, défis et perspectives de ce nouvel État"

Copied!
38
0
0

Texte intégral

(1)

de la République du Kosovo (2008-2016) :

succès, défis et perspectives de ce nouvel

État

Liridon l

ika(1)

Assistant et doctorant au Center for International Relations Studies (CEFIR) du Département de Science politique de l’Université de Liège (ULg)

◆ TABLE DES MATIÈRES ◆

Introduction 532 I. Les débats théoriques sur la reconnaissance des nouveaux États et le cas

de la République du Kosovo 533

A. La notion de reconnaissance : théorie constitutive versus

théorie déclarative 533

B. La reconnaissance internationale de l’État du Kosovo 536

II. La reconnaissance de la République du Kosovo par les États

membres de l’UE 540

A. La position des institutions européennes par rapport

à la République du Kosovo 540

B. La position des États membres ayant déjà reconnu

la République du Kosovo 546

C. La position des cinq États membres qui n’ont pas encore reconnu

officiellement la République du Kosovo 549

III. La reconnaissance de l’État du Kosovo par les autres pays

de la communauté internationale 554

A. La reconnaissance de l’État du Kosovo par les pays voisins frontaliers 554 B. La reconnaissance de l’État du Kosovo par le reste du monde 555 C. Les obstructions russes à l’égard de nouvelles reconnaissances

officielles et de l’adhésion de la République du Kosovo à l’ONU 557

(1) Je tiens à remercier le professeur Sebastian Santander pour la relecture de cet article et ses

(2)

IV. L’adhésion de l’État du Kosovo aux organisations internationales 563 A. L’adhésion aux organisations politiques, économiques et sécuritaires 563

B. L’adhésion aux organisations sportives 565

Conclusion 567

◆◆ ◆◆ ◆

INTRODUCTION

Le 17 février 2008, sur base des recommandations de l’Envoyé spécial de l’Organisation des Nations unies (ONU), Martti Ahtisaari, et sa Proposition glo-bale de Règlement portant sur le statut définitif du Kosovo, ainsi qu’en pleine coordination avec le monde occidental, notamment les États-Unis et les grandes puissances européennes, ainsi que d’autres pays de la planète, le Kosovo pro-clamait son indépendance et faisait appel à la communauté internationale pour être reconnu en tant qu’État indépendant et souverain. Quelques heures suivant la Déclaration d’indépendance, une dizaine d’États membres de l’ONU déci-daient de reconnaître officiellement le nouvel État. Parmi ces premières recon-naissances officielles on compte celles des pays venant de tous les continents de la planète tels que les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Albanie, l’Afghanistan, la Turquie, l’Australie, le Sénégal, ou encore le Costa Rica. D’autres reconnaissances officielles se sont progréssivement poursuivies entre 2008 et 2016.

Cependant, il y a des pays qui refusent ou hésitent, à l’heure actuelle, de reconnaître officiellement l’indépendance de l’État kosovar. Parmi ceux-ci font partie notamment la Serbie et son allié traditionnel, la Russie. Toutefois, suite aux différents accords conclus à Bruxelles entre la République du Kosovo et la République de Serbie, sous l’égide de l’UE et le soutien des États-Unis, l’État serbe a déjà reconnu implicitement l’intégrité territoriale, l’ordre constitution-nel et la souveraineté de l’État kosovar. Par ailleurs, plusieurs autres pays du monde entier ne s’opposent pas à l’indépendance kosovare, mais n’ont tout simplement pas encore pris la décision officielle en faveur de celle-ci. Depuis 2008, outre la stratégie pour la pleine reconnaissance internationale, les auto-rités de la République du Kosovo se sont également engagées pour l’adhésion et la représentation du nouvel État dans les initiatives, les forums et les organi-sations régionales et internationales à caractère politique, économique, sécuri-taire, culturel ou encore sportif.

Cet article a pour objectif d’analyser les succès, les défis et les perspectives de la reconnaissance internationale de la République du Kosovo. Autrement dit, en huit années d’indépendance (2008-2016) quel est le bilan de sa recon-naissance internationale ? Ainsi, nous analyserons dans une première partie le débat théorique en ce qui concerne la reconnaissance d’un nouvel État par la communauté internationale, en nous focalisant plus particulièrement sur le cas

(3)

de la République du Kosovo (I). Ensuite, dans une seconde partie, nous analy-serons la reconnaissance de la République du Kosovo par les États membres de l’UE (II). Puis, dans une troisième partie, nous nous pencherons sur la recon-naissance de ce nouvel État par les pays voisins frontaliers et le reste de la com-munauté internationale (III). Enfin, dans une quatrième et dernière partie, nous nous concentrerons sur l’adhésion de l’État du Kosovo aux organisations et aux institutions internationales politiques, économiques, sécuritaires, culturelles et sportives (IV).

I. LES DÉBATS THÉORIQUES SUR LA RECONNAISSANCE DES NOUVEAUX ÉTATS ET LE CAS DE LA RÉPUBLIQUE DU KOSOVO

A. La notion de reconnaissance : théorie constitutive versus théorie déclarative

Le débat classique sur la reconnaissance de nouveaux États se caractérise principalement par la confrontation de deux théories diamétralement opposées, à savoir la théorie constitutive, d’une part, et la théorie déclarative, d’autre part. Ces deux théories ont un grand écart entre elles parce qu’elles reflètent deux conceptions totalement différentes de la naissance ou de l’existence de l’État.

Tout d’abord, selon la théorie constitutive, la reconnaissance par les autres États est considérée comme l’origine de la naissance d’un nouvel État(2). D’après cette théorie, la reconnaissance par les autres États fait en sorte qu’une entité distincte devienne un État indépendant, tandis que la non- reconnaissance produit un effet contraire, à savoir elle rend l’État inexistant. Cette théorie soutient l’idée qu’en l’absence de reconnaissance internationale, un État ne peut pas naître(3). Autrement dit, selon cette théorie, la reconnaissance est essentielle pour l’émergence d’un nouvel État, car elle, et seulement elle, donne la person-nalité juridique internationale au nouvel État ; par conséquent, pour les adeptes de cette conception, la reconnaissance a un effet constitutif, c’est-à-dire qu’elle crée le nouvel État(4).

Cependant, les pratiques du passé ont fourni des exemples où les États ont fonctionné comme tels et ont bénéficié d’un statut étatique même en l’ab-sence de reconnaissance formelle ou de pleine reconnaissance internationale. C’est pourquoi certains auteurs affirment que la majorité des chercheurs et des commentateurs contemporains favorisent la théorie déclarative(5). Sur base de

(2) T. Grant, The Recognition of States. Law and Practice in Debate and Evolution,

Connecti-cut, Praeger, USA, 1999, p. 2.

(3) Ibid.

(4) P. malancZuK, Akehurst’s Modern Introduction to International Law, Routledge, 1997, p. 83. (5) Pour plus de détails, voy. W. T. worster, « Law, Politics, and the Conception of the State

in State Recognition Theory », Boston University International Law Journal, vol. 27, no 1, 2009,

(4)

celle-ci, la reconnaissance confirme ou constate simplement qu’une unité exis-tante possède tous les attributs étatiques. La reconnaissance est seulement une preuve qu’un nouvel État a déjà été créé. En d’autres termes, la reconnaissance ne crée pas l’État, mais elle confirme simplement que celui-ci existe déjà. Afin de simplifier l’explication, il est possible de tirer un parallèle entre un nouvel État et un nouveau-né. Concrétèment, un enfant qui vient de naître a besoin du baptême des parents afin de trouver sa place au sein de la société. En fait, le baptême ne donne pas naissance à l’enfant, mais il fait simplement de lui un être reconnu par les autres avec son prénom unique(6). C’est également la même chose avec un nouvel État où la reconnaissance n’est pas un instrument de sa création, mais seulement une confirmation que celui-ci est déjà né(7). La théorie déclarative souligne que « […] la reconnaissance présuppose l’existence d’un État : elle ne le crée pas »(8). En 1991, la Commission d’Arbitrage Badinter renforce la théorie déclarative en précisant que « […] l’existence ou la dispari-tion de l’État est une quesdispari-tion de fait ; que les effets de la reconnaissance par les autres États sont purement déclaratoires »(9). La source la plus souvent citée comme un fondement textuel pour un État et donc comme un guide pour la reconnaissance déclarative est la Convention de Montevideo du 26 décembre 1933. Afin de définir la notion d’État ou ses conditions d’existence, cette Convention propose dans son article 1er quatre critères : « [l]’État comme per-sonne de Droit international doit réunir les conditions suivantes : Population permanente ; Territoire déterminé ; Gouvernement ; et Capacité d’entrer en relations avec les autres États »(10). Cette quatrième condition sous- entend que l’État pourra alors conclure des traités avec d’autres États et pourra devenir membre d’organisations internationales. En effet, l’article 1er de la Convention de Montevideo établit la formulation la plus largement acceptée des critères d’État en droit international(11).

Par ailleurs, l’article 6 de la même Convention stipule que « [l]a recon-naissance d’un État signifie tout simplement que celui qui le reconnaît accepte la personnalité de l’autre avec tous les droits et devoirs déterminés par le Droit international. La reconnaissance est inconditionnelle et irrévocable »(12). Cette

(6) G. Kuqi, « Njohja dhe tërheqja e njohjes së shteteve në të drejtën

ndërkombëtare/Recon-naissance et retrait de la reconndërkombëtare/Recon-naissance des États en droit international », 1er février 2013, http://

reporteri.net/?page=1,7,5675 (consulté le 3 mars 2016).

(7) T. Grant, op. cit., pp. 4-5.

(8) Ibid., p. 5.

(9) A. pellet, « The Opinions of the Badinter Arbitration Committee A Second Breath for the

Self- Determination of Peoples », European Journal of International Law, 3 (1), 1992, [notre traduc-tion], p. 182.

(10) La Convention de Montevideo du 26 décembre 1933, art. 1er. Convention concernant les

droits et devoirs des États, adoptée par la septième Conférence internationale américaine, signée à Montevideo, le 26 décembre 1933.

(11) Pour plus d’informations, voy. M.N. shaw, International law, Cambridge, Cambridge

Uni-versity Press, 2003, p. 178.

(5)

seconde phrase souligne un élément fondamental, à savoir qu’elle précise qu’une fois la reconnaissance officielle accomplie, elle est définitive.Plus encore, la Convention de Montévideo appuie les vues de la théorie déclarative également dans son article 3 : « [l]’existence politique de l’État est indépendante de sa reconnaissance par les autres États. Même avant d’être reconnu, l’État a le droit de défendre son intégrité et son indépendance, de pourvoir à sa conservation et à sa prospérité et, par conséquent, d’organiser comme il l’entendra, de légiférer sur ses intérêts, d’administrer ses services et de déterminer la juridiction et la compétence de ses tribunaux »(13). Par exemple, si nous analysons brièvement le processus de la reconnaissance officielle du Royaume de Belgique, celui-ci cor-respond parfaitement avec les points de vue de la théorie déclarative. Lorsque les Belges ont déclaré leur indépendance le 4 octobre 1830, les Pays-Bas se sont opposés farouchement à la reconnaissance du nouvel État belge. Mais, la Belgique a continué à consolider progressivement son statut d’État indé-pendant et souverain(14). Dès lors, en dépit du refus catégorique des Pays-Bas de la reconnaître officiellement, l’existence du nouvel État belge indépendant ne pouvait en aucune façon être remise en question car le 15 novembre 1831 celui-ci était déjà reconnu par les grandes puissances européennes(15). Ainsi, la Belgique fonctionnait déjà comme un État indépendant et souverain depuis sa Déclaration d’indépendance et avait noué des relations diplomatiques avec plusieurs pays étrangers, mais il a fallu presque neuf ans, à savoir le 19 avril 1839, pour que les Pays-Bas la reconnaissent officiellement en signant le traité des XXIV articles(16).

Par ailleurs, selon Christian Behrendt et Frédéric Bouhon la reconnaissance « […] est une question de droit, c’est-à-dire que pour savoir si un État est reconnu, il est nécessaire d’adopter un système juridique de référence. La question de la reconnaissance n’a donc pas de sens dans l’absolu : on peut se demander si tel État est reconnu dans tel ordre juridique, mais non s’il est reconnu abstrai-tement ; pour pouvoir répondre à la question, il faut toujours se baser sur le droit d’un ordre juridique déterminé »(17). C’est pourquoi, selon ces auteurs, une seule carte politique de la planète n’existe pas(18). En d’autres mots, une carte politique mondiale n’est pas valable dans tous les États du globe, mais il existe une multitude de cartes politiques différentes(19). Par exemple, il existe des États

(13) Ibid., art. 3, al. 1er.

(14) X. maBille, Histoire politique de la Belgique. Facteurs et acteurs de changement, Bruxelles,

Crisp, 1997, pp. 103-125.

(15) J.-H. pirenne, L’Europe et l’indépendance belge ou le triomphe du parlementarisme en

Occi-dent (1830-1839), Bruxelles, Bruylant, 1990, pp. 253-255.

(16) Traité entre la Belgique et la Hollande, relatif à la séparation de leurs territoires respectifs,

signé à Londres, le 19 avril 1839.

(17) Ch. BehrenDt et Fr. Bouhon, Introduction à la Théorie générale de l’État. Manuel,

Bruxelles, Larcier, 2e éd., 2011, p. 94.

(18) Ibid., p. 96.

(6)

qui sont membres de l’ONU, mais qui ne sont pourtant pas reconnus officielle-ment par tous les États du monde. Prenons l’exemple d’Israël qui, bien qu’il soit membre de cette organisation internationale à vocation planétaire, n’est pourtant pas reconnu par plusieurs pays arabo- musulmans et du coup n’existe pas dans leurs cartes politiques. Cela montre que l’adhésion à l’ONU, bien qu’elle pourrait favoriser les reconnaissances officielles, elle ne les remplacerait toutefois pas auto-matiquement. Autrement dit, l’ONU n’a aucune compétence en ce qui concerne la reconnaissance des nouveaux États car selon le droit international, ce sont donc les États existants qui reconnaissent les nouveaux États. Cette constatation nous la trouvons chez James Ker- Lindsay qui précise: « Importantly, it must be stressed that it is not the organization that recognizes the state : according to international law, only states can recognize states. An international organization, such as the UN, cannot recognize a state, even if membership of such an organization can greatly enhance the wider acceptance of a territory’s claim to statehood »(20). Cette constatation renvoie à un autre défi à savoir celui de répondre à la question : com-bien d’États il y a dans le monde ? La seule manière correcte de répondre serait alors, d’après Christian Behrendt et Frédéric Bouhon, de se demander combien d’États existent conformément à tel ou à tel droit(21).

Dès lors, la pleine reconnaissance internationale d’un nouvel État accroît sa légitimité, son efficacité et sa position officielle au sein de la communauté internationale(22). Il existe différentes formes et méthodes de reconnaissance, mais d’une manière générale, la reconnaissance d’un nouvel État se fait par l’émission d’une déclaration officielle des autorités compétentes de la politique étrangère d’un État existant ou par l’envoi d’une lettre officielle annonçant la décision de la reconnaissance. Tout État existant, sur base d’une décision poli-tique et en fonction de ses propres intérêts, est libre de reconnaître un nouvel État. Les États existants sont donc souverains dans le domaine de la reconnais-sance et décident en fonction des critères qu’ils choisissent, à savoir quand et pour quelles raisons reconnaître un nouvel État.

B. La reconnaissance internationale de l’État du Kosovo

Comme nous l’avons déjà démontré quelques années auparavant, la Répu-blique du Kosovo remplit tous les critères définissant la qualité d’un État indé-pendant(23). En d’autres mots, outre le territoire déterminé, la population per-manente, le gouvernement pleinement effectif et fonctionnel, la République du Kosovo « […] conduit activement en son nom propre des relations internatio-(20) J. Ker- linDsay, « Engagement without recognition : the limits of diplomatic interaction with

contested states », International Affairs, vol. 91, Issue 2, 2015, p. 274.

(21) Ch. BehrenDt et Fr. Bouhon, op. cit., p. 96.

(22) Ibid., p. 78.

(23) L. liKa, « La consolidation internationale de l’indépendance du Kosovo : quelle est la

(7)

nales avec des États du monde entier (de même qu’au sein d’organisations inter-nationales) »(24). Ainsi, l’État du Kosovo existe depuis le 17 février 2008, date de la Déclaration d’indépendance, et ses nombreuses reconnaissances officielles progressives par les autres États renforcent davantage sa souveraineté(25). En effet, en ce qui concerne la souveraineté, tout comme d’autres pays de la région des Balkans occidentaux tels que la Bosnie- Herzégovine et le Monténégro(26), le nouvel État kosovar a aussi connu des faiblesses dans les premières années d’in-dépendance(27), mais depuis lors, d’année en année, il a fait un progrès notable de par le nombre important de reconnaissances internationales, l’adhésion à des organisations et institutions internationales ainsi que le contrôle de son propre territoire étatique(28). À ce jour, l’État du Kosovo est officiellement reconnu par 112 des 193 États membres de l’ONU(29). La reconnaissance officielle par tous les pays du monde peut encore prendre du temps, car selon certains auteurs, la reconnaissance individuelle d’un nouvel État est un processus complexe qui tient compte de raisons politiques, économiques, institutionnelles et norma-tives(30). Toutefois, selon la pratique du droit international, lorsqu’un État exis-tant reconnaît officiellement un nouveau pays, alors il n’y a plus de retour en arrière. En d’autres termes, les reconnaissances officielles de la République du

(24) Cour internationale de justice, « Conformité au droit international de la déclaration

unilaté-rale de l’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo », Contri-bution écrite additionnelle de la République du Kosovo, requête pour avis consultatif, le 17 juillet 2009, p. 27, http://www.icj-cij.org/docket/files/141/15709.pdf (consulté le 9 mai 2016).

(25) Research Institute of Development and European Affairs (RIDEA) and The Center for

Inter-national Studies (Oxford University), « Consolidating Kosovo’s Statehood : Processes, Problems, and Perspectives », Research Report, Prishtina, October 2012, pp. 21-24.

(26) Fl. BieBer, « Building Impossible States ? State- Building Strategies and EU Membership in the

Western Balkans », in Fl. BieBer (éd.), EU Conditionality in the Western Balkans, Oxon, Routledge,

2013, p. 12.

(27) M. calu, « What Makes Kosovo A ‘Weak’ State ? », in Cl. GorDon, M. KmeZic et J. opar -Dija (eds), Stagnation and Drift in the Western Balkans : The Challenges of Political, Economic and

Social Change, Bern, Peter Lang, 2013, p. 164 ; L. liKa, « La consolidation internationale de

l’indé-pendance du Kosovo : quelle est la viabilité de ce nouvel État ? », op. cit., pp. 472-473.

(28) L. liKa, « La République du Kosovo dans son contexte régional. Analyse sur la

reconnais-sance, la souveraineté et les relations de ce nouvel État avec ses pays voisins frontaliers », Cahiers

de Sciences politiques de l’ULg, Cahier no 31, mars 2016, http://popups.ulg.ac.be/1784-6390/index.

php?id=851 (consulté le 31 mars 2016).

(29) République du Kosovo, ministère des Affaires étrangères, « Reconnaissance internationale

de la République du Kosovo », http://www.mfa-ks.net/?page=5,224 (consulté le 16 août 2016) ; Kosovo thanks you, « Who Recognized Kosova as an Independent State ? », http://www.kosovo-thanksyou.com/ (consulté le 16 août 2016).

(30) E. newman et G. VisoKa, « The Foreign Policy of State Recognition : Kosovo’s Diplomatic

(8)

Kosovo par 112 pays membres de l’ONU sont irrévocables(31). Elles sont donc définitives, effectives et bénéfiques pour la souveraineté de l’État du Kosovo. Aussi, bien que la reconnaissance soit une décision politique de chaque État existant, elle crée automatiquement des effets juridiques(32). Ainsi, la reconnais-sance de la République du Kosovo par la majorité des pays de la planète montre que celle-ci a déjà consolidé fortement, de facto et de jure, son statut d’État indépendant et souverain sur la scène internationale.

Par ailleurs, même s’ils ne l’ont pas encore reconnu officiellement, plu-sieurs États du monde traitent en pratique le Kosovo comme un État indépen-dant(33). L’article 7 de la Convention de Montevideo stipule que « [l]a recon-naissance d’un État pourra être expresse ou tacite. Cette dernière résulte de tout acte qui implique l’intention de reconnaître le nouvel État »(34). Le passeport de la République du Kosovo ainsi que d’autres documents personnels sont recon-nus, que ce soit formellement ou informellement, par plus de 170 États dans le monde(35). Dans ce sens, la reconnaissance du passeport de la République du Kosovo constitue également une reconnaissance tacite de l’État kosovar(36). Cet exemple montre que l’existence de la République du Kosovo en tant qu’État indépendant dans les relations internationales a déjà été acceptée dans la pra-tique également par des pays qui n’ont pas encore reconnu officiellement son indépendance. De plus, entre 2008 et 2014, la République du Kosovo a ren-forcé sa personnalité juridique internationale à travers la signature de plus de 100 accords bilatéraux et multilatéraux, dont plus de 70 concernant le pro-cessus de succession des traités(37). La plupart de ces accords internationaux touchent les aspects de la politique, de l’économie, de la justice, de la sécurité et de la coopération sociale.

(31) La République du Kosovo est reconnue officiellement par 112 sur 193 pays membres de

l’ONU, dont 23 sur 28 membres de l’UE, 24 sur 28 membres de l’OTAN, 34 sur 47 membres du Conseil de l’Europe et 7 sur 8 membres du G8.

(32) P. malancZuK, op. cit., p. 82.

(33) Cour internationale de justice, « Conformité au droit international de la déclaration

unilaté-rale de l’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo », Contri-bution écrite additionnelle de la République du Kosovo, op. cit., p. 14.

(34) La Convention de Montevideo du 26 décembre 1933, art. 7.

(35) République du Kosovo, ministère des Affaires étrangères, « La Nouvelle Feuille de Route de

[la] Politique Étrangère du Kosovo », article rédigé par l’ancien vice- Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Hashim Thaçi (actuellement, il est président de la République du Kosovo), pour la London School of Economics, http://www.mfa-ks.net/?page=5,98 (consulté le 10 mai 2016).

(36) L. liKa, « La République du Kosovo dans son contexte régional. Analyse sur la

reconnais-sance, la souveraineté et les relations de ce nouvel État avec ses pays voisins frontaliers », op. cit.

(37) E. hoxhaj, Minister of Foreign Affairs of the Republic of Kosovo, “Smart power of small

states : Kosovo’s approach to foreign affairs”, Lecture at the Institute of International and European Affairs (IIEA), Dublin, Ireland, 14 January, 2014.

(9)

La pleine reconnaissance internationale demeure toujours une priorité des institutions kosovares. Afin d’obtenir celle-ci, le ministère des Affaires étran-gères de la République du Kosovo s’est focalisé sur trois niveaux : « 1) visiter les principales capitales multilatérales, telles que New York, Bruxelles, Genève, Le Caire, et Djeddah ; 2) travailler avec la plupart des États occidentaux influents, tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne ; ainsi que 3) voyager dans certains pays qui n’ont pas reconnu le Kosovo jusqu’à pré-sent »(38). Le ministre des Affaires étrangères de la République du Kosovo, Enver Hoxhaj, nomme cette stratégie comme un smart power kosovar, c’est-à-dire la capacité du Kosovo à attirer l’attention internationale, de générer un soutien, d’être dans la carte des États, ainsi que de jouer un rôle en tant qu’État(39). Cette stratégie est également appuyée par une diplomatie publique et numé-rique proactive et dynamique(40). C’est ainsi que la République du Kosovo a réussi à obtenir une large reconnaissance internationale, à adhérer à de nom-breuses organisations internationales (voy. infra) et à avancer dans le chemin de l’intégration euro- atlantique(41). Par ailleurs, en se basant sur sa riche expérience professionnelle, d’abord en tant que professeur universitaire et puis en tant que chef de la diplomatie kosovare, Enver Hoxhaj, dans son livre intitulé La montée en puissance d’un État. La politique étrangère du Kosovo(42) détaille sa pensée stratégique qui vise à conceptualiser la politique étrangère de la République du Kosovo. Cette pensée stratégique se base sur le passé, le présent et surtout offre une approche réflexive sur l’avenir du pays et plus particulièrement s’interroge sur comment la République du Kosovo doit aborder sa politique étrangère afin de clôturer le processus des reconnaissances officielles et l’adhésion à l’ONU(43).

Dans la partie suivante, nous analyserons les relations entre la République du Kosovo et l’Union européenne (UE) ainsi que ses États membres.

(38) Ibid.

(39) Ibid.

(40) Ministry of Foreign Affairs of Republic of Kosovo, This Is How We Do Soft Power : A

Practi-cal Guidebook in Public And Digital Diplomacy Of A Small Republic, Prishtina, Republic of Kosovo, British Council Kosovo & Ministry of Foreign Affairs of Republic of Kosovo, 2014, pp. 213-214.

(41) Ministère des Affaires étrangères, République du Kosovo, « Strategji për arritjen e njohjes

së plotë ndërkombëtare të Republikës së Kosovës/Stratégie pour atteindre la pleine reconnaissance internationale de la République du Kosovo », juin 2011, http://www.kryeministri-ks.net/reposi-tory/docs/Strategjia_per_Arritjen_e_Njohjes_se_Plote_Nderkombetare_te_Republikes_se_Kosoves_ SHQ.pdf (consulté le 20 avril 2016).

(42) Voy. E. hoxhaj, Ngritja e një shteti. Politika e jashtme e Kosovës, Tiranë, Botimet Dudaj,

2016. L’ouvrage fut publié en langue albanaise. En ce qui concerne l’intitulé en français, il s’agit de notre traduction.

(10)

II. LA RECONNAISSANCE DE LA RÉPUBLIQUE DU KOSOVO PAR LES ÉTATS MEMBRES DE L’UE

A. La position des institutions européennes par rapport à la République du Kosovo

Le lendemain de la proclamation de l’indépendance du Kosovo, le Conseil de l’UE avait pris acte de cette décision du Parlement du Kosovo et soulignait le cas sui generis de la création de l’État kosovar, tout en précisant également que chaque pays membre était libre de le reconnaître conformément à sa pratique nationale(44). Comme le constate Marc Weller, « the statement only confirmed the inability of the EU to act as a unified entity in the matter of recognition »(45). Cette position de l’UE n’était pourtant pas nouvelle ou différente uniquement dans le cas de la reconnaissance de l’État du Kosovo. Bruxelles avait agi de la même manière dans d’autres situations similaires. À ce titre, quand le Monténé-gro avait déclaré son indépendance en 2006, chaque État membre de l’UE était également libre de reconnaître le nouvel État monténégrin. Il n’y a donc pas eu de reconnaissance collective ni dans le cas de l’indépendance du Monténégro, ni dans le cas de l’indépendance du Kosovo. Dans le cas du Monténégro, étant donné la composition multiethnique du pays, l’UE avait d’ailleurs insisté sur le fait qu’elle respecterait le résultat du référendum sur l’indépendance si et seule-ment si deux conditions étaient remplies : la participation de 50% + 1 de tout le corps éléctoral et si 55% des votes étaient en faveur de celle-ci(46). Le 21 mai 2006, 55,5% des élécteurs du Monténégro avaient voté en faveur de l’indé-pendance(47), qui fut déclarée deux mois et demi plus tard, à savoir le 3 juin 2006. L’indépendance du Monténégro fut reconnue individuellement par les États membres de l’UE, les États-Unis, la Serbie, la Russie, et progressivement par d’autres pays de la région des Balkans occidentaux et du monde entier. Par ailleurs, le 12 juin 2006, le Conseil de l’UE soulignait également que l’UE et ses États membres développeront des relations avec l’État du Monténégro(48). Presque dix ans plus tard, soit en janvier 2016, il restait treize États membres (44) Conseil de l’Union européenne, « Affaires générales et relations extérieures : relations

exté-rieures », Communiqué de presse, 2851e session du Conseil, C/08/41, 6496/08 (Presse 41), Bruxelles, 18 février 2008, pp. 6-7.

(45) M. weller, « Negotiating the final status of Kosovo », Institute for Security Studies,

Euro-pean Union, Paris – Chaillot Article, no 114, décembre, 2008, p. 74.

(46) J. DZanKic, « The role of the EU in the statehood and democratization of Montenegro »,

in S. Keil et Z. arKan (éds), The EU and Member State Building : European foreign policy in the

Western Balkans, Oxon, Routledge, 2015, p. 92.

(47) International Crisis Group, « Montenegro’s Referendum », Europe Briefing, no 42,

Podgo-rica/Belgrade/Brussels, 30 mai 2006, p. 6.

(48) Voy. le communiqué de presse du Conseil de l’UE : « L’Union européenne et ses États membres

ont par conséquent décidé qu’ils développeront leurs relations avec la République du Monténégro, État souverain et indépendant, en tenant pleinement compte des résultats du référendum et des actes parlementaires susmentionnés. Les États membres arrêteront par la suite les mesures d’application de cette décision au niveau national, conformément au droit et à la pratique internationaux », Conseil de

(11)

de l’ONU qui n’avaient pas encore reconnu officiellement l’indépendance du Monténégro, même si cet État avait réussi à devenir membre de l’ONU et à adhérer dans d’autres organisations internationales(49). Cela montre que la reconnaissance individuelle d’un nouvel État est un processus qui peut prendre quelques années car chaque État existant agit en fonction de sa pratique natio-nale ainsi que de ses intérêts et priorités stratégiques.

Dans le cas du Kosovo, cinq pays membres de l’UE, à savoir Chypre, Espagne, Grèce, Slovaquie et Roumanie, n’ont pas encore reconnu officielle-ment son indépendance. Cela a des répércutions directes sur la politique étran-gère commune de l’UE par rapport au nouvel État kosovar(50). Toutefois, la situation a évolué depuis le 22 juillet 2010, suite à l’avis consultatif de la Cour internationale de la justice (CIJ) confirmant la légalité de l’indépendance du Kosovo par rapport au droit international. La CIJ déclarait que « […] l’adop-tion de la déclaral’adop-tion d’indépendance du 17 février 2008 n’a violé ni le droit international général, ni la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ni le cadre constitutionnel. En conséquence, l’adoption de ladite déclaration n’a violé aucune règle applicable du droit international »(51). Le jour même de la prononciation de cet avis par la CIJ, Catherine Ashton, alors Haute représen-tante de l’Union pour les Affaires étrangères, au nom de l’UE, avait rappelé la perspective européenne du nouvel État kosovar et s’engageait à superviser un dialogue pour la normalisation des relations entre la République du Kosovo et la République de Serbie(52). Ce dialogue, qui est toujours en cours à l’heure actuelle, a permis la signature d’une série d’accords entre les deux États. Le premier accord de 15 points, considéré d’historique par les médias et certaines personalités politiques, fut celui du 19 avril 2013 qui dans son point 14 stipule : « [i]t is agreed that neither side will block, or encourage others to block, the other side’s progress in their respective EU paths »(53). Il s’agit donc d’un point

l’Union européenne, « Affaires générales et relations extérieures – Relations extérieures »,

Communi-qué de presse de la 2737e session du Conseil, Luxembourg, 12 juin 2006, p. 8.

(49) Koha, « Malin e Zi s’e kanë njohur edhe 13 shtete/Le Monténégro n’est pas encore reconnu

par 13 États », site officiel du quotidien albanais, 20 janvier 2016, http://koha.net/?id=22&l=94544 (consulté le 3 mars 2016).

(50) L. GreiçeVci, « EU Actorness in International Affairs : The Case of EULEX Mission in

Kosovo », Perspectives on European Politics and Society, vol. 12, no 3, 2011, pp. 299-301. (51) Cour internationale de justice, « Conformité au droit international de la déclaration

uni-latérale d’indépendance relative au Kosovo », Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances, avis consultatif du 22 juillet 2010, rôle général no 141, p. 53, http://www.icj-cij.org/docket/

files/141/15988.pdf, (consulté le 17 mai 2016).

(52) EUROPA, « Déclaration de Mme Catherine Ashton, Haute Représentante, au nom de l’UE,

sur l’avis consultatif de la Cour internationale de justice », Doc. no 12516/10, Bruxelles, 22 juillet

2010.

(53) The Republic of Kosovo, The Office of the Prime Minister, « First Agreement of Principles

(12)

important en ce qui concerne la perspective de l’intégration européenne de ces deux États voisins(54).

Toutefois, la politique de l’UE à l’égard du Kosovo est suivie d’ambi-guïté voire d’ambivalence. D’un côté, l’UE soutient l’adhésion du nouvel État en son sein, et, de l’autre, elle n’est pas encore parvenue à convaincre les cinq pays membres de le reconnaître officiellement. Cette ambiguïté est visible dans les deux institutions européennes, Commission et Conseil européen, lesquelles soutiennent l’indépendance, mais en même temps tiennent compte des posi-tions des cinq pays membres non reconnaissants(55). Toutefois, dès 2011, la Commission a conditionné l’ouverture des négociations d’adhésion de la Serbie à l’UE avec la normalisation des relations avec le Kosovo, en précisant qu’il est indispensable pour les autorités serbes de :

« […] réaliser de nouvelles avancées sur la voie de la normalisation des relations avec le Kosovo, dans le respect des conditions du processus de stabilisation et d’association, en respectant pleinement les principes de la coopération régionale inclusive ; en respectant pleinement les dispositions du traité instituant la Communauté de l’énergie ; en trouvant des solutions pour les télécommunications et la reconnaissance mutuelle des diplômes ; en continuant de mettre en œuvre de bonne foi tous les accords conclus et en coopérant activement avec la mission EULEX pour que celle-ci exerce ses fonctions sur l’ensemble du territoire du Kosovo »(56).

Parmi les institutions européennes, le Parlement européen a déjà reconnu publiquement l’État du Kosovo et constitue en effet l’institution européenne la plus active en ce qui concerne le soutien de ce pays vers sa consolidation inter-nationale ainsi que vers son adhésion à l’UE(57). Depuis 2008, cinq résolutions furent adoptées par les députés européens invitant tous les pays membres à reconnaître l’indépendance du Kosovo. La dernière de ces résolutions est celle du 4 février 2016 qui fait appel à tous les États membres de reconnaître offi-ciellement l’indépendance du Kosovo le plus rapidement possible pour que l’UE puisse adopter une politique unifiée autour du nouvel État en particulier (54) L. liKa, « Un pas en avant vers la reconnaissance officielle de l’indépendance du Kosovo

par la Serbie ? », Perspectives Internationales, 8 juin 2013, http://perspectivesinternationales. com/?p=795 (consulté le 10 avril 2016).

(55) E. hoxhaj, Ngritja e një shteti. Politika e jashtme e Kosovës, op. cit., p. 246 ; G. Krasniqi

et M. musaj, « The EU’s ‘limited sovereignty – strong control’ approach in the process of Member

State building in Kosovo », in Fl. BieBer (ed.), EU Conditionality in the Western Balkans, Oxon,

Routledge, 2013, pp. 146-159.

(56) Commission européenne, « Avis de la Commission sur la demande d’adhésion de la Serbie

à l’Union européenne », Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, (SEC(2011) 1208 final), Bruxelles, 12 octobre 2011, COM(2011) 668 final, p. 13.

(57) Lors des visites des autorités kosovares au Parlement européen, le drapeau de la République

du Kosovo est toujours présent à côté du drapeau européen. Le drapeau kosovar est également présent lors de chaque déclaration médiatique entre les représentants kosovars et ceux du Parlement européen.

(13)

et de la région des Balkans occidentaux en général(58). Par ailleurs, la Serbie, en tant que pays candidat à l’adhésion, doit d’abord normaliser entièrement ses relations avec le nouvel État voisin avant de pouvoir adhérer pleinement à l’UE. Ceci a été confirmé le 5 mars 2016 par l’autrichienne Ulrike Lunacek, vice- Présidente du Parlement européen et rapporteur sur le Kosovo au sein de la même institution. Ulrike Lunacek déclarait, une fois de plus, que la Serbie doit reconnaître l’État du Kosovo si elle souhaite adhérer à l’UE : « Serbia knows that the EU will not – after Cyprus – accept any other member state whose borders are not clearly defined. Of course, I have also been urging the five reluctant EU member states to give up their resistance and to recognise Kosovo. In February the European Parliament adopted my report on Kosovo and MEPs have once more called on the EU member states to complete their official recognition of Kosovo. The EU’s positive influence in Kosovo would be stronger with all EU Member States acting united »(59). Ainsi, la normalisation des relations entre les deux pays est cruciale. Selon Ulrike Lunacek, cela signifie que la Serbie ne pourra et ne devra pas faire obstacle à l’adhésion de la République du Kosovo au sein des organisations internationales(60). Cette idée est également partagée par l’Allemagne qui considère que la normalisation des relations interétatiques doit aboutir avec l’adhésion de l’État kosovar à l’ONU(61).

Par ailleurs, Eurostat ou l’Office des statistiques de l’UE qui collecte des informations au niveau européen a déjà répertorié l’État du Kosovo sur sa liste. Cela a été fait après que l’Agence des statistiques du Kosovo (ASK) ait rempli tous les critères nécessaires pour devenir membre de ce bureau de statistiques de l’UE. Le drapeau kosovar se trouve déjà sur le site officiel d’Eurostat où tout le monde peut obtenir des informations sur la République du Kosovo(62).

En effet, les institutions européennes et les pays membres, y compris les cinq qui n’ont pas encore reconnu officiellement son indépendance, sou-tiennent l’adhésion de la République du Kosovo à l’UE. La preuve de cet appui est la négociation, ensuite la signature et puis la ratification de l’Accord de Stabilisation et d’Association (ASA) entre la République du Kosovo et l’UE(63).

(58) Parlement européen, « Processus d’intégration européenne du Kosovo », Résolution du

Par-lement européen du 4 février 2016 sur le rapport 2015 sur le Kosovo (2015/2893(RSP)), Point G.8, p. 5.

(59) U. lunaceK, Interview with Jelena Vukić from Kurir Magazine, « Should Serbia Recognise

Kosovo ? Yes, of course! », 6 mars, 2016, http://www.ulrike- lunacek.eu/should- serbia-recognise-kosovo-yes-of-course/ (consulté le 7 mars 2016).

(60) Ibid.

(61) Telegrafi, « Gjermania e prerë : Pa Kosovën në OKB, Serbia nuk mund të jetë pjesë e

BE-së/L’Allemagne décisive : Sans le Kosovo à l’ONU, la Serbie ne peut pas faire partie de l’UE », Jour-nal albanais du Kosovo, Prishtina, 13 juin 2016.

(62) EUROSTAT, Commission européenne, http://ec.europa.eu/eurostat/help/support (consulté

le 25 février 2016).

(63) Parlement européen, « Les députés ratifient l’accord d’association entre l’UE et le Kosovo »,

Communiqué de presse, séance plénière, 21 janvier 2016 ; Conseil de l’Union européenne, « Accord de stabilisation et d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de

(14)

l’éner-En effet, après plusieurs années de négociations, la signature de cet accord international a eu lieu à Strasbourg, le 27 octobre 2015. La signature s’est faite, au nom de l’UE, par Johannes Hahn, commissaire européen à l’Élargissement et à la Politique européenne de voisinage et Federica Mogherini, Haute repré-sentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, et au nom de la République du Kosovo, par Isa Mustafa, Premier ministre, et Bekim Çollaku, ministre kosovar à l’Intégration européenne. Les Parlements kosovar et européen l’ont ensuite ratifié respectivement le 2 novembre 2015 et le 21 janvier 2016(64). En vertu du Traité de Lisbonne, qui a conféré la per-sonnalité juridique à l’UE, seule la ratification par l’État concerné, c’est-à-dire par la République du Kosovo, et par le Parlement européen était nécessaire(65). Ainsi, la ratification de cet accord bilatéral montre que le processus d’intégra-tion est également soutenu en permanence par les cinq pays qui ne l’ont pas encore reconnu officiellement. La ratification de cet accord, qui est déjà entré en vigueur le 1er avril 2016, est une réalisation majeure pour la République du Kosovo car il s’agit du premier accord contractuel entre le nouvel État et l’UE.

Depuis le Conseil européen de Feira (2000), tous les pays des Balkans occidentaux qui sont engagés dans le Processus de stabilisation et d’association (PSA), y compris donc le Kosovo, sont considérés comme des candidats poten-tiels à l’adhésion(66). Dès lors, afin de pouvoir entamer la procédure d’adhé-sion au projet commun européen, ceux-ci doivent signer et ratifier l’ASA. De manière générale, l’ASA est un traité international qui se conclut entre l’UE et les pays des Balkans occidentaux dans le cadre de la stratégie de préadhésion(67). Cet accord individuel, à savoir entre l’UE et chaque État des Balkans occiden-taux séparément, a pour objectif de faciliter l’adhésion future des pays concer-nés. Il convient de préciser que seulement les États peuvent conclure un tel accord avec l’UE. Cela est prévu par le Traité de Lisbonne dans les articles 216 et 218. L’article 216 spécifie deux catégories de parties avec lesquelles l’UE peut conclure des accords internationaux, à savoir les pays tiers et les organisations internationales(68), tandis que l’article 218 prévoit que l’un des accords interna-gie atomique, d’une part, et le Kosovo, d’autre part », 10728/1/15 REV 1, Bruxelles, 2 octobre 2015.

(64) L. liKa, « La pénétration turque dans les Balkans occidentaux. Quels défis pour le projet

d’élargissement de l’UE ? », in S. santanDer (dir.), Concurrences régionales dans un monde

multipo-laire émergent, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2016, p. 245.

(65) Ibid.

(66) Commission europénne, « Élargissement – Candidats potentiels »,

http://ec.europa.eu/enlar-gement/policy/glossary/terms/potential- candidate-countries_fr.htm (consulté le 1er mars 2016). (67) A. elBasani, « The Stabilisation and Association Process in the Balkans : Overloaded Agenda

and Weak Incentives? », EUI Working Paper SPS, European University Institute, Italy, no 2008/03,

pp. 10-11.

(68) Article 216 : « 1. L’Union peut conclure un accord avec un ou plusieurs pays tiers ou

orga-nisations internationales lorsque les traités le prévoient ou lorsque la conclusion d’un accord, soit est nécessaire pour réaliser, dans le cadre des politiques de l’Union, l’un des objectifs visés par les traités, soit est prévue dans un acte juridique contraignant de l’Union, soit encore est susceptible

(15)

tionaux, parmi d’autres, que l’UE peut conclure est celui d’association(69). À cet égard, d’un point de vue juridique, le Kosovo sur base de l’article 216 fait partie de l’accord comme État indépendant. Pour ce qui est du point de vue politique, les ASA sont des accords conclus avec le seul but d’une éventuelle adhésion des pays candidats potentiels à l’UE. En fait, Bruxelles a conclu ce type d’accord avec tous les pays des Balkans occidentaux, un par un, afin de les mettre sur le chemin de la pleine adhésion au projet européen. L’ASA a ainsi offert un cadre formel et contractuel pour que les relations bilatérales entre la République du Kosovo et l’UE s’approfondissent et s’étendent davatange. Il garantit la perspec-tive européenne de la République du Kosovo comme suit :

« […] considérant la volonté de l’UE de prendre des mesures concrètes afin de réaliser les aspirations européennes du Kosovo et le rapproche-ment entre celui-ci et l’UE conformérapproche-ment à la perspective de la région en intégrant le Kosovo dans le courant politique et économique général de l’Europe, par la poursuite de la participation du Kosovo au PSA en vue du respect des critères applicables ainsi que des conditions du PSA, sous réserve de la bonne mise en œuvre du présent accord, notamment en ce qui concerne la coopération régionale ; ce processus fera progresser les aspira-tions européennes du Kosovo et le rapprochement entre celui-ci et l’UE si les circonstances objectives le permettent et si le Kosovo remplit les critères définis les 21 et 22 juin 1993 par le Conseil européen de Copenhague ainsi que les conditions susmentionnées »(70).

La mention de la perspective européenne du Kosovo et notamment des critères de Copenhague montre clairement que le but de cet accord est la pré-paration de la République du Kosovo à l’adhésion à l’UE. En d’autres termes, l’UE lui a clairement ouvert le chemin de l’adhésion. À cet égard, afin d’appuyer les réformes nécessaires, Bruxelles a également mis à disposition du Kosovo, pour la période 2014-2020, une aide financière de préadhésion qui s’élève à 645,5 millions d’euros(71). L’application intégrale de l’ASA peut prendre quelques années mais, après sa mise en œuvre ainsi que l’évaluation positive par la Commission européenne, le Gouvernement de la République du Kosovo peut présenter la demande pour obtenir le statut de pays candidat. L’exemple de l’ASA, parmi d’autres, montre que l’État du Kosovo conduit activement, en d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée ; 2. Les accords conclus par l’Union lient les institutions de l’Union et les États membres », Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (version consolidée), J.O.U.E., 26 octobre 2012.

(69) Pour plus de détails, voy. l’article 218 du Traité sur le fonctionnement de l’Union

euro-péenne (version consolidée), J.O.U.E., 26 octobre 2012.

(70) Conseil de l’Union européenne, « Accord de stabilisation et d’association entre l’Union

euro-péenne et la Communauté euroeuro-péenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Kosovo, d’autre part », op. cit., p. 5.

(71) Conseil de l’Union européenne, « Signature de l’accord de stabilisation et d’association (ASA)

entre l’Union européenne et le Kosovo », Communiqué de presse, 762/15, Bruxelles, 27 octobre 2015.

(16)

son nom propre, des relations internationales avec des États ainsi qu’au sein d’organisations internationales.

B. La position des États membres ayant déjà reconnu la République du Kosovo

Les 23 pays membres de l’UE qui ont déjà reconnu officiellement l’État du Kosovo continuent de renforcer les relations bilatérales avec ce dernier. Ceux-ci ont déjà signé des accords bilatéraux avec le Kosovo dans différents domaines. Certains d’entre eux ont également ouvert leurs ambassades à Prishtina, comme c’est le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Belgique, de la Bulgarie, de la Croatie, de la Finlande, de la France, de la Hongrie, de l’Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la République tchèque, du Royaume-Uni, de la Slovénie et de la Suède(72). De l’autre côté, les autorités kosovares ont aussi ouvert leurs ambassades auprès de nombreux pays membres de l’UE tels que l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, la France, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Slovénie et la Suède(73).

Les grands États membres de l’UE comme l’Allemagne, l’Autriche, la France, le Royaume-Uni ou encore l’Italie soutiennent constamment la consoli-dation internationale de la République du Kosovo. Ces États répètent régulière-ment que la Serbie ne peut pas adhérer à l’UE sans reconnaître officiellerégulière-ment la République du Kosovo(74). L’UE et ses pays membres souhaitent ainsi pacifier et réconcilier la région des Balkans occidentaux avant de faire adhérer tous les États balkaniques dans le projet européen(75). C’est la raison pour laquelle l’UE et ses pays membres insistent pour que la normalisation complète des relations avec la République du Kosovo se fasse en parallèle avec l’avancement de la République de Serbie vers son adhésion européenne(76). En effet, pour qu’un État puisse

adhé-(72) Ministry of Foreign Affairs, Republic of Kosovo, « Foreign Missions in Kosovo », Ministry

of Foreign Affairs of the Republic of Kosovo, 2015, http://www.mfa-ks.net/?page=2,50 (consulté le 27 février 2016).

(73) Ministry of Foreign Affairs, Republic of Kosovo, « Embassies of the Republic of Kosovo »,

Ministry of Foreign Affairs of the Republic of Kosovo, 2015, http://www.mfa-ks.net/?page=2,49 (consulté le 27 février 2016).

(74) Balkaninsight, « Serbia Must Recognise Kosovo, German MEP Says », 28 mars 2013, http://

www.balkaninsight.com/en/article/german-mep- reveals-last-condition-for-serbia/1589/70 (consulté le 9 septembre 2016) ; Final Declaration by the Chair of the Conference on the Western Balkans, Berlin, 28 août 2014, p. 2 ; Final Declaration by the Chair of the Vienna Western Balkans Summit, Vienna, 27 août 2015, pp. 1-2 ; Final Declaration by the Chair of the Paris Western Balkans Sum-mit, Paris, 4 juillet 2016, p. 2.

(75) L. liKa, « Risques et défis sécuritaires de la (non)-intégration des Balkans occidentaux

dans l’Union européenne », in S. wintGens, G. GranDjean et S. Vanhaeren (dir.), L’insécurité en

question : définition, enjeux et perspectives, Liège, Éditions Presses Universitaires de Liège, 2015, pp. 123-127.

(76) European Commission, « Enlargement Strategy and Main Challenges 2010-2011 »,

Com-munication from the Commission to the European Parliament and the Council, COM (2010) 660, Bruxelles, 9 novembre 2010, p. 17.

(17)

rer à l’UE, il faut qu’il résolve d’abord tous les conflits avec ses pays voisins(77). La coopération régionale entre les pays des Balkans occidentaux est donc une condi-tion primordiale(78). Ainsi, depuis quelques années déjà, les grandes puissances européennes exigent que la Serbie traite le Kosovo comme un pays indépendant et souverain. Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne et du Royaume-Uni rappelaient déjà aux autorités serbes, lors de leurs visites respectives à Bel-grade en 2011, que le statut définitif du Kosovo a été définitivement scellé suite à la déclaration d’indépendance de 2008(79). Ces deux pays ont clairement condi-tionné le chemin de la Serbie vers l’UE et demandent aux autorités serbes de nor-maliser les relations interétatiques avec la République du Kosovo. L’Allemagne s’est d’ailleurs opposée temporairement à la candidature de la Serbie à l’UE le 9 décembre 2011, en l’invitant à s’engager plus sérieusement dans le dialogue sur la normalisation des relations avec la République du Kosovo(80). Le message de la chancelière allemande, Angela Merkel, au cours de sa visite le 24 août 2011 à Belgrade était très clair puisqu’elle avait précisé que Bruxelles n’acceptera pas l’adhésion de la Serbie à l’UE sans la normalisation complète de ses relations avec l’État du Kosovo(81). Depuis le mois de novembre 2015, la situation a davantage évolué car la normalisation des relations avec la République du Kosovo se trouve officiellement dans le chapitre 35 des négociations sur l’adhésion de la Serbie à l’UE(82). En d’autres mots, le chemin de l’intégration européenne de la Serbie passe donc par la reconnaissance officielle de l’indépendance du Kosovo. Ainsi, le 14 décembre 2015, Bruxelles ouvrait les négociations d’adhésion avec Belgrade sur deux chapitres, à savoir le chapitre 32 concernant le contrôle financier, et le chapitre 35 qui dans son premier point mentionne la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo(83).

Le dialogue qui se déroule toujours actuellement entre la République du Kosovo et la République de Serbie, sous l’égide de l’UE à Bruxelles, n’a pas pour objectif la réouverture de la question du statut du Kosovo car le statut (77) J. rupniK, « The Balkans as a European Question », in J. rupniK (dir.), The Western Balkans and

the EU: ‘the hour of Europe’, Institute for Security Studies (EUISS), Chaillot Paper, juin 2011, p. 26.

(78) S. KeuKeleire et T. Delreux, The Foreign Policy of the European Union, Basingstoke,

Pal-grave Macmillan, 2014, Second Edition, pp. 242-247.

(79) S. lehne, « Kosovo and Serbia : Toward a Normal Relationship », Carnegie Endowment for

International Peace, Bruxelles, mars 2012, pp. 6-7.

(80) European Council, « European Council conclusions », EUCO 139/1/11 REV 1, Bruxelles,

9 décembre 2011, p. 5 ; European Voice, « Serbia’s candidate status postponed. Germany leads opposition because of situation in Kosovo », 14 décembre 2011, http://www.politico.eu/article/ serbias- candidate-status-postponed/ (consulté le 9 septembre 2016).

(81) International Crisis Group (ICG), « Kosovo and Serbia : a little goodwill could go a long

way », Europe Report, no 215, 2 février 2012, p. 10.

(82) Conférence d’adhésion à l’Union européenne – Serbie, « Position commune de l’Union

euro-péenne. Chapitre 35 : Autres points – Point 1 : Normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo », AD 12/15, Bruxelles, 30 novembre 2015, pp. 2-8.

(83) Conseil de l’Union européenne, « Conférence d’adhésion avec la Serbie : ouverture des deux

(18)

définitif a déjà été tranché suite à son indépendance et confirmé par la CIJ(84). Toutefois, le dialogue est en train de se développer pour normaliser les rela-tions entre les deux États voisins ; il vise également à les préparer à l’adhésion au projet européen à travers la coercition, la pression et la surveillance étroite de la part de l’UE et de ses États membres(85). En effet, « la normalisation est la première étape après la paix fragile et un chemin vers une paix durable. Ainsi, la normalisation est un processus de transition : le passage d’un type de relations vers un autre type de relations interétatiques meilleures. En tant que telle, la normalisation en général sert à effectuer des changements, des compromis et trouver des solutions aux questions que les deux parties consi-dèrent actuellement comme anormales »(86). En d’autres termes, le dialogue se déroule entre les représentants des deux États indépendants et égaux et son but ultime est de parvenir à une reconnaissance mutuelle officielle entre la République du Kosovo et la République de Serbie(87). Par conséquent, la conclu-sion de plusieurs accords entre les autorités kosovares et serbes à Bruxelles montre que la Serbie est déjà dans le processus de la reconnaissance officielle de l’État du Kosovo. En fait, Belgrade a déjà reconnu implicitement l’intégrité territoriale, l’ordre constitutionnel et la souveraineté de l’État kosovar(88). À titre d’exemple, la conclusion de l’accord sur la gestion intégrée des frontières (Integrated Border Managment – IBM) et son application dans les six points de passage frontaliers permanents entre le Kosovo et la Serbie illustrent qu’il s’agit là d’une reconnaissance implicite de l’indépendance du Kosovo par les autorités serbes. D’ailleurs, après la conclusion de cet accord, Catherine Ashton, alors Haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères, avait précisé à la délégation kosovare que ceci était « une reconnaissance bilatérale et juridique de la frontière interétatique »(89). De plus, depuis 2013, la République du Kosovo dispose d’un bureau de liaison à Belgrade et réciproquement la République de Serbie se représente également par son bureau de liaison à Prishtina ; cela peut être considéré comme un premier pas vers l’établissement des relations diplo-matiques et l’ouverture des ambassades respectives.

Par ailleurs, depuis aôut 2014, à l’initiative de la chancelière allemande, le Processus de Berlin vise à donner un nouveau soutien aux pays des Balkans occi-dentaux afin de renforcer la coopération politique et économique entre eux et

(84) International Crisis Group (ICG), « Kosovo and Serbia after the the ICJ opinion », Europe

Report, no 206, 26 août 2010, p. 1.

(85) S. Keil et Z. arKan, « The limits of normative power ? EU Member State building in the

Western Balkans », in S. Keil et Z. arKan (éds), The EU and Member State Building : European

foreign policy in the Western Balkans, Oxon, Routledge, 2015, pp. 22-23.

(86) E. hoxhaj, Ngritja e një shteti. Politika e jashtme e Kosovës, op. cit., p. 200.

(87) Interview réalisée avec un diplomate de la République du Kosovo, Bruxelles, mars 2014. (88) L. liKa, « Un pas en avant vers la reconnaissance officielle de l’indépendance du Kosovo par

la Serbie ? », op. cit.

(19)

avec l’UE(90). Celui-ci prévoit la tenue des conférences ministérielles régulières et des sommets annuels où tous les Premiers ministres des Western Balkans 6 (WB6) y participent. Lors du sommet de Vienne (août 2015), il fut convenu de mettre en œuvre avec le cofinancement de l’UE plusieurs projets économiques à carac-tère régional entre 2015-2020(91). Ces événements ont favorisé l’établissement de contacts entre les autorités kosovares et serbes. Par exemple, les ministres de la République du Kosovo ont participé à la conférence ministérielle des WB6 tenue à Belgrade (octobre 2014), et vice versa, ceux de la République de Serbie à celle organisée à Prishtina (mars 2015). Cela a donné une plus grande poussée à la normalisation des relations entre les deux pays. Dans toutes les réunions régio-nales des WB6, les Présidents, les Premiers ministres et les ministres du Kosovo et de la Serbie représentent leurs pays respectifs et dialoguent d’égal à égal. C’était également le cas, le 4 juillet 2016 lors du sommet de Paris où le drapeau de la République du Kosovo flottait à côté des drapeaux des autres pays des Balkans occidentaux. D’ailleurs, même l’appellation de ces sommets et réunions sous le nom de « Balkans occidentaux 6 », qui comprend donc les six pays de la région (Albanie, Bosnie- Herzégovine, Kosovo, Macedoine, Monténégro, Serbie) montre clairement que la République du Kosovo a pleinement trouvé sa place parmi les autres États balkaniques.

C. La position des cinq États membres qui n’ont pas encore reconnu officiellement la République du Kosovo

Comme nous l’avons évoqué précédemment, seuls 5 sur les 28 pays membres de l’UE n’ont pas encore officiellement reconnu l’État kosovar, et ce malgré les demandes récurrentes du Parlement européen et de nombreuses per-sonnalités politiques des grandes puissances européennes. Les cinq pays ont une incidence défavorable sur l’adoption d’une politique commune et unifiée de l’UE à l’égard de la République du Kosovo et des Balkans occidentaux(92). Cette attitude a créé une situation paradoxale parce que ces pays, qui ne disposent pas d’un grand poids politique et économique au sein de l’UE comparé à l’Allemagne, à la France ou au Royaume-Uni, ont néanmoins provoqué des divisions internes. Dans ce cas-là, la politique étrangère de l’UE en relation avec la République du Kosovo est dictée dans une certaine mesure par ces cinq États également, et non pas seulement par les États les plus puissants, connus comme les moteurs de l’UE. Dès lors, en ce qui concerne la question de la reconnaissance, l’image de

(90) Final Declaration by the Chair of the Conference on the Western Balkans, Berlin, op. cit.,

pp. 1-2.

(91) Final Declaration by the Chair of Vienna Western Balkans Summit, op. cit., p. 4.

(92) D. papaDimitriou et P. petroV, « State- building without recognition : A critical retrospective

of the European Union’s strategy in Kosovo (1999-2010) », in A. elBasani (éd.), European

Integra-tion and TransformaIntegra-tion in the Western Balkans : EuropeanizaIntegra-tion or business as usual?, London, Routledge, 2013, p. 122 et p. 136.

(20)

l’UE au Kosovo est gravement compromise, alors que les perceptions déjà très pro-États-Unis se sont davantage renforcées chez les Albanais du Kosovo(93).

Par ailleurs, avant même la Déclaration coordonnée de l’indépendance du Kosovo, les opposants du nouvel État spéculaient en ce qui concerne un soi- disant possible précédent kosovar, en évoquant les cas de la Belgique, de la France ou du Royaume-Uni. Le temps a démontré le contraire. La Belgique, la France et le Royaume-Uni figurent parmi les premiers pays ayant reconnu officiellement l’indépendance du Kosovo. Ces reconnaissances n’ont pas fait un précédent pour ces trois pays européens, puisque les régions comme la Flandre, la Corse et l’Écosse font toujours partie de ces États. L’histoire politique et le contexte actuel de chacune de ces régions sont totalement différents de la République du Kosovo. Ainsi, la reconnaissance de l’État du Kosovo qui n’a pas constitué une menace pour la Belgique, la France et le Royaume-Uni, n’en constitue pas non plus une pour Chypre, l’Espagne, la Grèce, la Roumanie et la Slovaquie, ni pour aucun autre pays du monde. Autrement dit, l’indépendance du Kosovo n’est pas un précédent pour d’autres régions du monde, mais au contraire, il s’agit d’un cas sui generis ou unique en son genre(94). La question qui se pose c’est quelles sont les raisons ou les arguments qui prouvent que l’in-dépendance du Kosovo est unique en son genre ou sui generis ? Tout d’abord, la création de l’État du Kosovo a connu un long processus historique qui a com-mencé plusieurs décennies auparavant, à savoir depuis l’occupation violente du Kosovo par la Serbie en 1912/1913(95). Depuis lors, les Albanais du Kosovo ont sans cesse tenté, de manière pacifique et armée, de se libérer de l’occupation serbe/yougoslave. Ces efforts permanents ont fait qu’en 1974, le Kosovo accède au statut d’unité fédérale de la Yougoslavie et se met ainsi sur le même pied d’égalité que les républiques yougoslaves. En d’autres mots, à partir de 1974, le Kosovo était une unité de la fédération yougoslave et ne faisait pas partie de la Serbie(96). La Serbie ne pouvait donc pas interférer dans les affaires internes du Kosovo. Mais en 1989, le président serbe Slobodan Milosevic abroge, par la force, l’autonomie du Kosovo en violant ainsi la Constitution fédérale you-goslave et la Constitution du Kosovo(97). C’est le début de l’éclatement de l’ex- Yougoslavie. Dès lors, si la Yougoslavie disparaissait – ce qui arriva – le Kosovo (93) Kosovar Centre for Security Studies (KCSS), « Kosovo Security Barometer. Special

Edi-tion : Public PercepEdi-tions on Kosovo’s Foreign Policy and Dialogue with Serbia », Report by KCSS, Prishtina, février 2016, pp. 15-16 et pp. 21-22.

(94) Kosovar Institute for Policy Research and Development (KIPRED), « Kosovo : The

Unprece-dented State », Policy Brief Series, no 6, Prishtina, juillet 2007, p. 14.

(95) N. malcolm, Kosovo : A Short History, Great Britain, Pan Books Édition, 2002, pp. 239-263. (96) M. Kullashi, « Vers l’indépendance ? La question du statut du Kosovo », Le Centre de

recherches internationales (CERI), Paris, mars 2006, pp. 5-7 ; J. BuxhoVi, Kosova V : 1945-1999,

Houston, Prishtinë, Jalifat Publishing, Faik Konica, 2015, pp. 117-128 ; N. malcolm, op. cit.,

p. 327.

(97) P. GarDe, Fin de siècle dans les Balkans, Paris, Édition Odile Jacob, 2001, p. 170 ; E. staVi -leci, « Constitutional Changes and the Abolition of Autonomy », The Kosova issue – a historic and

(21)

en tant qu’entité fédérée de cette fédération avait également le droit de devenir un État indépendant et souverain tout comme les républiques qui composaient l’ancien État fédéral yougoslave. L’État du Kosovo est donc né dans le contexte de la dissolution violente et non consensuelle de la Yougoslavie. Ainsi, aucune autre solution n’était envisageable pour les Albanais que celle de l’indépendance immédiate et définitive du Kosovo.

En outre, il est important de noter aussi que suite à la résistance pacifique du président Ibrahim Rugova au début des années 1990 et plus tard celle de l’Armée de Libération du Kosovo (ALK)(98), ainsi qu’après la violation grave des droits de l’homme pendant la guerre du Kosovo de 1998-1999 par le régime anti- démocratique et répressif de Slobodan Milosevic, l’indépendance était la seule et unique solution possible pour les Albanais. Rappelons qu’entre janvier 1998 et juin 1999, à travers une politique de la terre brulée, le régime criminel de Slobo-dan Milosevic a commis de très nombreux crimes contre la population civile alba-naise du Kosovo(99). Aussi, dans le cadre de sa stratégie d’épuration ethnique, plus de 850 mille albanais furent expulsés de force en dehors du Kosovo, notamment en Albanie, en Macédoine et au Monténégro(100). Pour tous ces crimes et viola-tions graves des droits de l’homme, non seulement l’État serbe n’a pas encore présenté des excuses publiques, mais au contraire a toujours essayé par tous les moyens de les cacher, de les minimiser voire de les nier complètement.

Par ailleurs, après l’intervention armée de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en 1999 pour mettre fin à la catastrophe huma-nitaire causée par le régime dictatorial de Slobodan Milosevic, et la mise du Kosovo sous protectorat international, il était clair que la seule solution pos-sible et définitive était l’indépendance du Kosovo, c’est-à-dire la création d’un État indépendant et souverain(101). Cette idée a été soutenue par le Groupe de contact composé du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, des États-Unis et de la Russie. Celui-ci déclarait en 2006 trois points clés pour la résolution du statut définitif du Kosovo, à savoir : « il ne devra y avoir ni retour du Kosovo à la situation qui prévalait avant 1999, ni partition du Kosovo, ni

(98) Pour plus d’informations sur l’Armée de Libération du Kosovo (ALK), voy. les ouvrages

suivants : J. pettiFer, The Kosova Liberation Army. Underground war to Balkan Insurgency

(1948-2001), London, C. Hurst & Co., 2012, 379 p. ; J. Krasniqi, Kthesa e madhe : Ushtria Çlirimtare e

Kosovës, Prishtinë, Buzuku, Botimi i dytë, 2007, 318 p.

(99) Pour plus de détails, voy. : The Independent International Commission on Kosovo, The

Kosovo Report : Conflict, International Response, Lessons Learned, Oxford, Oxford University Press, 2000, pp. 2-3 ; Human Rights Watch, Under Orders. War Crimes in Kosovo, United States of America, Human Rights Watch, 2001, pp. 119-120.

(100) United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR), « Kosovo emergency »,

UNHCR Global Report, 1999, p. 345.

(101) Le rapport de suivi sur le Kosovo par la Commission internationale indépendante sur le

Kosovo présidée par Richard GolDstone et Carl tham, « L’indépendance conditionnelle :

Références

Documents relatifs

1 S’excusent Boris Bajić, le Président de Nova Generacija qui a eu un souci de voiture la veille et n’a pu se rendre sur place, ainsi que Boris Makarić membre du

Il faut donc travailler auprès des bébés et dans des structures qui permettent de toucher le plus grand nom- bre possible d'enfants qui n'auraient pas accès à la

Les travaux concernant les articles publiés sont [76], sur effets de l’anthropisation sur la diversité de l’avifaune des galeries forestières de la forêt classée des monts

» Dans cet article, il a désigné l’Iran comme la nation islamique la plus puissante de la région, et a posé la question : « Pouvez-vous imaginer la puissance que [les

Aux termes de la législation en vigueur dans les deux Entités et dans les dix cantons, un nombre considérable de compétences sont exercées et gérées par les communes (voir

http://www.numdam.org/.. La Population de la Bosnie et de l'Herzégovine. Nous venons de recevoir un fort volume imprimé en trois langues, contenant les résultats officiels

Le pavage de Penrose peut être obtenu de cette façon avec d=2, n=5 : la maille de R est ici un cube de dimension 5, et la symétrie d'ordre. 5 s'obtient en faisant tourner ce cube

Nous voulons mettre à profit nos forces et aligner globalement notre organisation pour concrétiser notre vision:.. “Etre le