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Les nomades de la porte. Gitans dans les Rhapsodies Gitanes (L'Homme Foudroyé, de Blaise Cendrars)

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Gitanes (L’Homme Foudroyé, de Blaise Cendrars)

Patrick Williams

To cite this version:

Patrick Williams. Les nomades de la porte. Gitans dans les Rhapsodies Gitanes (L’Homme Foudroyé, de Blaise Cendrars). Cahiers de sémiotique textuelle, Centre de sémiotique textuelle, Université de Paris, 1984-1991 - Centre de recherches interdisciplinaires sur les textes modernes (Nanterre), 1989, pp.65-86. �halshs-00087026�

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99

.

"Les

nomades

de la

porte

Gitans dans les

"Rhapsodies gitanes"

Patrick Williams

e u t - 6 t r e n'est-il pas besoin d'évoque l'illustration de couverture de l'éditio en Livre de poche pour faire des Gitans la figure emblématiqu de

L'Homme foudroyd ? Auprè du public, il arrive que Biaise Cendrars passe pour quoi il essaie de se faire passer dans ce livre : un spécialist des mœur e t coutumes des Gitans. Plusieurs fois j'ai rencontrà des gens qui, m'avouant leur fascination pour les "fils du vent", déclinaien les images qu'avaient imprimée en eux la lecture de L !Homme foudroyà ; il n'y avait pas d'autres Gitans que ceux de Biaise Cendrars.

La connaissance des Gitans 1 participe encore largement du romanesque e t de la fantaisie. Il existe pourtant, depuis la fin du 18e siècle une tradition de curiosità scientifique ; des spécialiste de différente disciplines

-

linguistes e t philologues, historiens, sociologues e t ethnologues

...

-

se vouent à étudie e t à présente ces populations hors de toute fantasmagorie. La revue Etudes Tsiganes, à l'occasion du centenaire de la naissance de Blaise Cendrars, a demandà à certains d'entre eux

-

dont j'étai 2 -de porter

une appréciatio sur le portrait qu'il brosse des Gitans. Les avis sont plutbt sévèr à l'égar de Cendrars. Les spécialiste relèven les erreurs, les invraisemblances, ils dénoncen "l'excè d'imagination" e t jugent "peu flatteuse" l'image des Tsiganes ainsi offerte a u public 3. J'ai donc relu

Cahiers de Srniotique Textuelle, 15, 1989 65

Cahiers de sémiotique textuelle n°15, pp. 65-85, 1989 Laboratoire d'anthropologie urbaine (CNRS UPR34)

williams@ivry.cnrs.fr

(3)

L'Homme foudroyé L'erreur serait de confronter les Gitans du texte et ceux que les travaux des spécialiste font connaître comme si L'Homme foudroyà étai ce que tout de suite à l'évidenc on découvr qu'il n'est p a s : un document. Au fil de la lecture, j'ai eu la troublante impression d'apercevoir de manièr concomitante l'irréalit des Gitans de Cendrars e t d'approcher du rée - un rée assez fort pour, sinon se passer de référen s'imposer par- delà toute référen à une authenticità avéré L'interrogation ne porte plus alors s u r la qualità documentaire du texte mais s u r son pouvoir d e fascination. Il nous faut prendre en considératio à la fois l'avis des spécialiste (Les Gitans de Cendrars sont pure affabulation) e t le sentiment des béotien (il n'existe pas d'autres Gitans que ceux de Cendrars) ; dans l'opposition

-

ou la conjonction

-

de ces deux attitudes s'éprouv le pouvoir de l'écritur cendrarsienne.

Pourquoi les Gitans dans L u o m m e foudroyé E t pourquoi ces Gitans

l à E t pourquoi tant de place pour les G i t a n s ?

...

Pour répondr nous cheminerons de la rbalità historique au texte puisque ces Gitans, plus qu'au monde appartiennent à l'œuvr

-

mais, e t c'est bien ce qu'avec tous les autres personnages de L Homme foudroyà ils enseignent, comment rendre compte du monde autrement qu'à travers l'œuvr que quelqu'un invente ?

1. Autour du texte

A. L'illusion de l'autobiographie

L'histoire gitane des "Rhapsodies gitanes" a pour centre la famille de Sawo, un compagnon de Cendrars à la Légio Etrangère durant la guerre de 14-18. Mention est déj faite de "(...) ces gens, dont j'ignore la nationalità mais qui sont de sang gitan. Sawo leur a t a n t parlà de moi qu'ils me considèren comme son frèr aînà E t c'est un grand honneur. J'aurais pu me marier dans la tribu

..."

dans la premièr partie de L H o m m e foudroyé "Dans le silence de la nuit". Outre Sawo, l'ami, "Le Fils", les autres figures de la famille sont "la Mère" "Les Trois Maries", sœur de Sawo, "le Balafré e t "le Grêlà ses deux oncles, frère de la Mère Cendrars raconte qu'au retour du front, aprè son amputation, il avait rejoint cette f a m i l l e . Concubin de la plus jeune des Maries, Marie-Mancebo ou le Mence, il a u r a i t pu s'installer e t vivre a u sein de la tribu s'il n'avait choisi, un certain jour de

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Les nomades de la porte 1917, "en plein midi", de fuir la roulotte-gynécà pour s'adonner à la solitude e t à la créatio poétique Le réci des "Rhapsodies gitanes" (qui n'est aucunement organisà selon l'ordre chronologique) commence bien des année aprè cet épisode en octobre 1923, alors que Cendrars emmèn son ami le peintre Fernand Lége visiter les "Gitanes" de la banlieue sud de Paris. I l retrouve alors la famille Sawo, les "Siciliens", en pleine guerre avec un autre clan, les "Roumanis", mené par Marco le Transylvanien, dresseur d'ours e t d'enfants,

"...

des petits tziganes qui singent Charlot". Nous suivrons, de manièr syncopée les épisode de cette vendetta mouvementé qui s'achèver par la mise à mort du Transylvanien, réussi par Sawo e t ses compagnons. Cette mort qui marque la fin de la vendetta entre les deux clans gitans est aussi la fin du livre. Entrecoupant cette narration, d'autres séquence présenten d'autres rencontres avec la famille Sawo : celle de 1916-17 que nous venons d'évoque ; celle de 1933 ou 34, à Brignoles dans le Var oà Cendrars assiste à une représentatio théâtra donné par la troupe du Grêl (ce qui nous vaut la relation complèt de la pièc joué ce soir-lÃ

La Peau de 1 Ours) et apprend incidemment que la Marie-Mancebo s'est faite

épouse par un lord en Angleterre ("l'Angleterre est le seul pays d'Europe oà il n'est pas rare de voir une gitane afficher une surface financièr e t dans la haute sociét de Londres, on peut voir briller plus d'une Gypsy") ; celle de 1924, "par une chaude nuit de printemps", dans une brasserie parisienne, avec le seul Sawo (qui désormai a rompu avec le milieu gitan comme C e n d r a r s a rompu avec le milieu l i t t à © r a i r 4 ) , devenu t r a f i q u a n t international et qui fait là le réci de la fin de la guerre entre "Siciliens" e t "Roumanis"

-

ainsi la dernièr séquence la 32èm des "Rhapsodies", situé au printemps 24, ferme bien la périod qui s'étai ouverte avec la premièr en octobre 23. Mais dans l'enchevêtremen des épisode e t des époques entre les pages 176 et 336, divers évènement personnages et réflexion ont rappelà le thèm des Gitans

...

Marthe, l'épous de Gustave Le Rouge, le feuilletoniste, "étai bohémienn d'origine, de ces familles blondasses, filandreuses, boursouflées molles, poussives des bords de l'Aisne e t des marais de la Somme qui forment les vanniers et les écumeur de rivières" E t Paquita, la richissime Sud-américain qui héberg Cendrars e t fait aménage pour lui dans le parc de son château la maison de l'astrologue, la Cornue, e t lui révè le chiffre de l'alphabet aztèque est "une gitane, e t une gitane de Mexico, ce qu'on n'avait encore jamais vu !". Le long d'un mur de cet immense domaine campe une famille de nomades, les femmes échangen un regard complice avec Cendrars lorsqu'à l'insu de tous il vient travailler

Cahier6 de %miotique Textuelle, 15, 1989 67

(5)

au déchiffremen des manuscrits aztèques "Des année après ("après" sans doute, la fin de la vendetta -aucune date n'est indiquée) en plein cœu de la forê brésilienne Cendrars croit êtr victime d'une hallucination en voyant réapparaît Marco le Transylvanien, "mais multiplià à q u a t r e exemplaires

...

q u a t r e vaqueiros en r u t ou q u a t r e b a n d i t s d e g r a n d chemin...". E n f i n , p a r s e m a n t le texte, des notations comme celles concernant Caï e t la malédictio divine qui pès s u r lui, associent le thèm des Gitans e t celui de l'errance

...

Rien n'est donnà comme fiction

-

e t il est plutô étonnan que l a couverture de la premièr édition chez Denoël ait portà la mention "roman, par Blaise Cendrars". La critique cendrarsienne 5 a maintenant établ que L'Homme foudroyé pas plus que les autres titres de la "tétralogie" n'est une autobiographie, pas mêm une autobiographie romancé ; pourtant

-

e t voici qui nous rapproche du mystèr de l'écriture e t donc de la présenc des Gitans

-

le texte utilise des matériau autobiographiques. Mais lorsqu'on parle de Blaise Cendrars, il n'est pas possible de partager ce qui d'un côt serait l'œuvre d e l'autre la vie. La confusion, voulue e t génialemen cultivée est principielle : "Biaise Cendrars", pseudonyme adoptà dè 1911

par Frédér Sauser, est en mêm temps le héro e t l'auteur de ses Å“uvres "Inventeur de son nom, de sa généalogi de sa biographie e t mêm de s a situation littéraire" écri Michel Décaudin Car "Blaise Cendrars" n'est pas un sigle qu'on réserv pour la couverture d'un livre, il est le nom d e l'écrivai qui obstinémen dit "je", il est aussi le nom dans la vie de tous les jours, celui avec lequel on signe des lettres, celui qu'utilisent les amis. E t dans un double mouvement, la vie se dévers dans l'Å“uvr e t la nourrit tandis que l'Å“uvr débord dans la vie e t la métamorphose Au fil des ouvrages, les frontière se brouillent, la figure s'enrichit. "C'est lui-même biographie e t bibliographie mêlée qu'il a métamorphos en figure". (Claude Leroy, "Portrait pseudonyme d'un hors-la-loi"). L'entreprise a s i bien réuss qu'il ne reste bientô plus que le texte. E t qui veut connaîtr l'homme n'a d'autre choix que de s'y reporter 6. D'ailleurs, les termes qui nomment l'individu sont aussi ceux qui définissen l'écritur : "L'écritur est un incendie qui embrase un grand remue-ménag d'idée e t q u i fait flamboyer des associations d'images a v a n t de les r à © d u i r e n b r a i s e s crépitante e t en cendres retombantes". L'auteur nous invite à lire son Å“uvr comme le réci d'une vie

-

de sa vie. E t la majorità des lecteurs de le prendre pour un mémorialist 7. T r a q u e r l e s "exagérations ou l e s "forfanteries" de Cendrars n'est pas plus p e r t i n e n t . Quel i n t à © r à d e

(6)

Les nomades de laporte substituer le mythomane au mémorialist alors que seul l'écrivai compte? Rechercher ce que l'œuvr doit à l'expérienc vécu semble vain s'il ne s'agit que de mesurer les écart du texte par rapport à la "réalit historique" mais une telle entreprise peut nous aider à comprendre le processus de la créatio poétique

Il est peut-êtr exact qu'à la Légio étrangèr Cendrars a i t eu un compagnon gitan. Sawo apparaî à plusieurs reprises dans son œuvre e t notamment d a n s L a Main coupée le moins "rhapsodique" e t l e p l u s traditionnellement autobiographique des titres de la tétralogie "Sawo" c'est peut-êtr tout simplement "cavo" ("tchavo"), "fils", "garçon" e n langue tsigane 8. Que ce compagnon devîn l'ami de l'écrivai e t qu'ils se revissent aprè la guerre, c'est possible. Que Cendrars fréquentà sa famille a u point d'y êtr à la fois un gendre e t un fils adoptif (aucune des deux positions n'étan complètemen assumée) cela, l a connaissance que nous avons aujourd'hui de l a biographie "réelle de Cendrars semble le mettre e n doute. Il est intéressan de remarquer qu'un diagramme de parentà comme les ethnologues ont la manie d'en faire nous montre Blaise Cendrars à la fois a u principe e t à la fin de la descendance de la Mèr :

La Mèr Le Gr616 Le Balafrh

Biaise Sawo Marie Marie Marie Biaise ("ils me -le- -la- -le-Mence ("J'aurais considèren Mordu Cligne ou Mancebo pu me marier

comme son frèr dans la

aîn6" tribu")

Certaines notations ("

...

la roulotte gynécà étai une caquetante volièr de perruches assourdissantes, un enfer fémini oà l'on entendait brailler les petits bébà jour e t nuit e t nuit e t jour aller les langues, a l l e r , aller,

Cahiers de Sémiotiqu Textuelle, 15, 1989 69

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crescendo d a n s le p a r l e r c a r a c t à © r i s t i q u de l a t r i b u d e s S a w o , c e grasseyement, ce zézaiemen exotique qui m'agaçai chez les hommes e t qui, chez les oiselles, si j'avais pu l'endurer plus longtemps, m'eû certainement rendu enragé" peuvent laisser penser qu'il a effectivement connu l a vie des roulottes mais elles ne permettent pas de précise si le degrà de familiarità fut bien celui qu'il indique ; de telles impressions peuvent êtr tirée aussi bien d'une fréquentatio superficielle que d'une intimità prolongée Elles ne permettent pas non plus de savoir s i les rencontres eurent bien lieu a u moment e t selon les modalité décrite dans le livre. Biaise Cendrars a côtoy des Gitans à d'autres période de sa vie dont il ne fait pas mention ici ni, à ma connaissance, dans aucun ouvrage, notamment a u moment mêm de la rédactio de L Ilomme foudroyé à Aix-en-Provence (des photos prises par Robert Doisneau en 1945 le prouvent) e t cela n'a certainement pas ét

sans influence sur la rédactio du texte ne serait-ce que pour l'adoption de "Gitanes" au lieu de "Gitans". Les Gitans du Midi de la France,

-

e n majorità des Gitans "catalans" à l'époqu oà Cendrars a pu les rencontrer

-,

disent en effet qu'ils sont "Gitanes", ce qui n'est pas le fémini de "Gitans" mais l a manièr méridional de prononcer le "Gitanos" espagnol. Le premier mouvement est de dire que sans doute Cendrars a adoptà ce terme pour faire plus "authentique", mais l'indéterminatio e n t r e masculin e t fémini n'est-il pas un thèm qui court dans les "Rhapsodies" ? 9.

De l'adieu à la vie mondaine pour la retraite studieuse de La Pierre, Cendrars a fait plusieurs récit (ici 219-221 et, entre autres, Le Lotissement

du ciel, la séquenc "La Nuit", de "La Tour Eiffel sidérale'? tous ne concordent pas. "La mort n'avait pas voulu de moi. J e revenais du front. J'avais ét réform avec un bras en moins. Il fallait des lits. On m'avait vidà de l'hosto e t depuis un a n déjà j'errais comme un pauvre type dans les rues de Paris, cherchant des sous. C'étai une honte. Ma main coupé me faisait mal e t je buvais trop. Pour ne pas devenir enragé l'homme éprouvai le besoin d'aller se mettre a u vert e t le poèt de s e retirer dans la solitude". Nulle trace des Gitans dans cette version

...

10. Paquita a-t-elle existé E t Marthe, l'écuyè a u visage coupà en deux, l'épous de Gustave Le Rouge ?

Si c'est le cas, étaient-elle bien gitanes ?

Madame Errazuriz, célèb mécè qui distribua ses largesses à nombre d'artistes, a servi de modèl pour Paquita 11. Gustave Le Rouge a e u deux

épouses la premièr "une écuyè de cirque", la deuxièm "une voyante défiguré (Francis Lacassin, "Gustave Le Rouge, le gourou secret de Biaise Cendrars", Europe, no spécial ; aucune des deux ne s'appelait Marthe. Mais

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Les nomades de la porte ne se fourvoie-t-on pas à prendre les personnages pour des personnes? Marthe e t Paquita ne sont-elles pas "Gitanes" (c'est-à -dir à la fois semblables e t opposées parce que le texte le commande ? Paquita apparaî à deux reprises dans Bourlinguer ; désignà comme "l'Indienne" dans le chapitre "Paris, port de mer", aucune allusion n'est faite à une origine gitane. Quant à Marthe, il n'en est jamais question lorsque Le Rouge est mentionnà dans d'autres œuvres L'effacement de leur trace dans tout autre titre n'indique-t-il pas que les Gitans sont un thèm propre à LTIomme foudroyd? E t pluMt qu'une notation réaliste n'est-il pas pertinent de voir dans le passage sur le "zézaiement des Sawo une apparition du symbolisme de la langue e t de la parole développ tout au long des "Rhapsodies" (avec, dans Le Lotissement d u ciel mais déj annoncée ici, des variations sur les oiseaux qui viendront l'enrichir)?

...

Se révèle en mêm temps l a singularità de L'Homme foudroyà (et plus spécifiquemen des "Rhapsodies gitanes") e t tout ce qui relie ce livre à d'autres de Cendrars. Mais l'énumérati des rapprochements possibles ne l'épuis pas ; et s'il se trouve enrichi des écho et harmoniques qu'éveill l'évocatio d'autres textes, il impose tout autant sa force d'œuvr unique. Qu'on le lise en connaissant tout ou en ignorant tout de l'œuvr de Cendrars, il fascine également A

ceux qui ne veulent voir qu'errements de la mémoir e t outrances de l a mythomanie, l'œuvr de Cendrars, en sa totalità comme en chacun de ses fragments, oppose ainsi s a cohérence Ici, le lecteur attentif n e peut manquer d'êtr sensible aux procédà de composition : phrases reprises mot pour mot, résurgenc périodiqu de thème et d'images, jeux d'oppositions ou de symétrie entre personnages, alternances de rythme (lent-rapide), de texture (lisse-accidenté) de densità (piano-fortissimo)

...

L'idé se fait jour que sous le fatras apparent un ordre existe et qu'à cet ordre, un sens est lié Le moindre fait se trouvant pris dans cette économie la question de la vérit autobiographique cesse d'êtr pertinente.

Dans s a thèse Y. Bozon-Scalzitti s'efforce à la fois de rendre compte de la cohérenc d'ensemble de la créatio cendrarsienne e t de manifester la singularità de chacun de ses moments. Le foisonnement de l'œuvre que ce critique ne méconnaà pas, est tout entier réfé a u "foudroiement"

-

foudroiement de la guerre e t du grand amour. La mutilation, vécu comme castration, a , par-delà la douleur physique, renvoyà l'auteur a u drame de son enfance : effacement de la mèr e t défaillanc du père Les œuvre de Biaise Cendrars ne cesseraient de répét la lutte de celui qui veut extirper cette souffrance : arrachement à l'univers du phre (des hommes en général

Cahiers de Sbmiotique Textuelle, 15, 1988

7

1 7/21

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à l'univers de la mère à la femme aimée L'émancipatio véritabl ne pourrait êtr atteinte qu'à travers l'écriture L'Homme foudroyà dirait "l'initiation à l'écriture"

Il est vrai que les "Rhapsodies gitanes" nous présenten une galerie de maris e t de père insuffisants, irresponsables ou incapables (le mari de Paquita, celui de Madame Caroline la couturière le Grêl

-

lui n'a jamais ét pèr ni mari

-,

les épou

-

qu'ils soient hommes ou ours

-

dans La Peau de l'Ours, et, d'une certaine manière Le Rouge

...

) ; de mère toutes- puissantes, généreus e t énergiques mais rongée p a r une sourde inquiétud (La Mère Paquita, Madame Caroline

...

) ; d'épouse dévorante (Paquita

-

"Paquita est veuve tous les dix ans"

-,

la Mèr -elle a eu quatorze maris

-,

et sans doute la Marie-Mancebo que Blaise fuit

...

) ; e t qu'à travers diverses p à © r i p à © t i e on p e u t voir se r à © p à © t une mêm h i s t o i r e d'arrachement : de Cendrars à la famille Sawo, a u milieu littéraire à Paris,

à l'Europe

...,

de Paquita à son pays, à son enfance, à son peuple

...,

de Sawo Ã

sa famille gitane, etc. etc

...

L'analyse d'Y. Bozon-Scalzitti relèv toutes les correspondances qui se tissent au fil du réci ; rien n'apparaî plus fortuit ni circonstanciel. Pour les "Rhapsodies", les personnages gitans

-

Sawo, Marco, le Grêlà le BalafrÃ

...

-

prennent place dans la logique textuelle comme doubles ou opposé de Cendrars. Mais en référa cette architecture, par-delà Blaise Cendrars, écrivain à l'individu qui a choisi d'écrir e t de s'appeler "Blaise Cendrars" et qui exorciserait ainsi un drame intérieur le critique s'expose a u reproche que pourtant elle formule avec t a n t d e justesse: "il semble que personne n'ait jamais souhaità lire le texte de Cendrars ou Cendrars comme un texte : comme une écritur qui ne serait pas l a transcription d'une "vérità a n t à © r i e u r e t e x t à © r i e u r m a i s l'élaboratio d'un s e n s toujours différ d a n s le procè infini de l a métaphore" S'il parle d'un homme qui a choisi d'écrire ce texte dit au-delà e t avant tout la capacità qu'a l'écritur de restituer

-

ou d'instituer

-

le monde. Si nous envisageons maintenant les "Rhapsodies" comme une chronique, c'est-à -dir comme un fragment du monde, alors que nous savons déj que pas plus qu'une autobiographie elles n'en sont une, c'est afin de mieux apercevoir ce qui, restitution ou institution, en tous les cas opèr une transfiguration.

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Les nomades de la porte B. Les m a n q u e s e t les excks d e l a chronique

Le goû de Cendrars pour la chronique s'exprime dans l'admiration souvent proclamé pour le journalisme, mais tout de suite nous nous trouvons devant une ambivalence équivalent à celle qui empêch de distinguer l'homme e t l'auteur, l a vie e t le texte : l a définitio du journalisme

-

saisie brute du rée

-

est aussi celle de la poési 12. Dans les

"Rhapsodies gitanes", c'est en vue d'écrir une séri d'articles que le narrateur retourne voir les Gitans de la banlieue sud en compagnie de Gustave Le Rouge, responsable de la rubrique des faits divers a u "Petit Parisien" et qu'il se trouve ainsi mêl à la "guerre" opposant "Roumanis" e t "Siciliens". Pourtant, il apparaî éviden que ce n'est pas le souci de fidélit aux faits qui commande la relation ; l'ordre rhapsodique n'est pas celui de la chronique.

Des Gitans, en nombre, avec leurs roulottes dans la banlieue sud de Paris, dans les année 20, c'est plus que vraisemblable. Il existe de nombreux documents (photos, articles de presse) qui témoignen de leur présenc dans toute la "zone" qui s'étendai alors au-delà des Portes d'Ivry, de Choisy, d'Italie, d'Orléans de Vanves. La distinction entre "Siciliens" et "Roumanis" renvoie possiblement à la distinction entre Tsiganes présent depuis plusieurs siècle en Europe occidentale e t Tsiganes plus récemmen arrivé (fin 19èmeldéb 20ème d'Europe centrale e t orientale. Adoptant le point de vue des "Siciliens", Cendrars traite d'"envahisseurs"

(V

212) les nouveaux venus de l'Est. Peut-on essayer d'êtr plus préci e t proposer l'hypothès que les "Siciliens", représentà par la famille Sawo, seraient des Sinti Piémontai (le Grêl possèd un théât ambulant, spécialit des Sinti 13) et que les "Roumanis", mené par Marco le Transylvanien, seraient des Rom

-

Cendrars amalgamant Curara (la Transylvanie est leur territoire d'origine) et Ursaja ou Bojash (Montreurs d'ours roumains) ? Vers 1920, point n'étai besoin d'une fréquentatio assidue pour percevoir la différenc entre les deux groupes: tout (la langue, le costume, les métier

...

) les séparai et n'importe qui pouvait bien se rendre compte que parmi les "bohémiens" il existait différente catégories De même lorsque Cendrars,

à propos de Marthe, évoqu "ces familles blondasses (...) qui forment les vanniers et les écumeur de rivièr

..."

on peut penser qu'il s'agit des Yénisches nomades d'origine germanique qui se sont répandu dans toute l'Europe occidentale e t qui ont longtemps fait du travail de l'osier une actività privilégié

Cahiers de Sûrniotiqu Textuelle, 15, 1989 73

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Cendrars a trè bien pu brosser un tableau des Gitans sans posséde d'eux une connaissance particulièr ou directe mais à partir simplement d'observations e t d'impressions que tous ses contemporains pouvaient partager avec lui. Il l'a ensuite enrichi de ce qu'il avait glanà d a n s ses lectures

-

la "chronique" se nourrit des faits, elle peut aussi se nourrir d'autres chroniques - e t sans doute aussi lors de rencontres ultérieures En évoquan les Guanches, l'Atlantide, Jean de Béthencour roi des Canaries e t la parentà entre Gitans et Indiens d'Amérique Cendrars reprend a u sujet des "Siciliens" les propositions fumeuses qu'avait soutenues au sujet des Gitanos, le marquis Folco de Baroncelli, notable camarguais protecteur des Gitans - élucubration qui, au-delà de Cendrars, continuent à prospére puisque régulièreme nous les voyons réapparaît dans tel ou tel ouvrage traitant des Gitans e t du "mystèr de leur origine". Ces hypothèse farfelues étaien liée à la question qui longtemps agita la "tsiganologie" de savoir si "Gitans" (ceux de la péninsul ibériqu et du sud de la France) et "Tziganes" (ceux d'Europe centrale) étaien bien de mêm origine. Cendrars fait éch à cette controverse :

"...

les Sawo se disent de famille noble e t tout leur clan étai fier d'appartenir aux tribus du sud-ouest, des marches de la Camargue, d'Espagne, e t d u Portugal, des hommes d e l a mer o u d e l'océan contrairement aux Roumanis, originaires de l'est, venus du Danube

..."

(V

214). Il est possible que les Gitans que Cendrars connut parmi ses "mauvaises fréquentations des année de retraite à Aix-en-Provence aient partagà cette vision. Ainsi aurait-il transposà des informations glanée a u débu des année 40 dans le tableau qu'il fait des année 23-24.

Il est curieux que dans les "Rhapsodies", Cendrars fasse mention d'auteurs qui n'inspirent pas ses considération sur les Gitans, tel George Borrow, et taise le nom de ceux auxquels il emprunte directement. Nous n'avons là rien à ajouter à l'examen minutieux auquel se livre Y. Bozon- Scalzitti 14 a u terme duquel il apparaî que c'est principalement d a n s l'ouvrage de Martin Block, Mœur et Coutumes des Tziganes (Payot, 1936)

que Cendrars puise sa "science gitane". C'est là surtout qu'il trouve les données participant d'ailleurs tout autant du clichà que du compte-rendu, s u r l'organisation de la famille e t la matriarcat qu'il développer e t enjolivera ; Block parle du "pouvoir invisible mais considérabl de la mère" il évoqu le rapt de la fiancée l'électio du roi, la vengeance du sang, il insiste sur le don de conteur e t le géni innà de la musique que possèden les Tsiganes. A plusieurs reprises, Block fait référen à Henri de Wlislocki, auteur de plusieurs ouvrages en langue allemande, qui, aprè avoir épous

(12)

Les nomades de la porte une de leurs femmes, assure avoir partagà la "vie secrète des Rom d e Transylvanie, ce dont il témoign dans plusieurs livres 15. Encore plus que chez Martin Block, Cendrars, s'il a lu ces écrits a pu trouver le mélang d'observations e t d'imaginations qu'il met lui-mêm en œuvre A ces référenc "scientifiques", il faut en ajouter de plus littéraire : J e a n Richepin, chantre romantique de la libertà des "gueux" et qui se prétendai bohémie lui-mêm 16

-

Cendrars tient Miarka, la fille à l'ours pour u n maître-livr ; et Victor Hugo

-

la présentatio des "Petits Charlots", les gosses dressé à voler e t à mendier par les 'eRoumanis" de Marco le Transylvanien, est placé sous le patronage de L'Homme qui rit.

Aussi différent soient-ils les uns des autres, des a u t e u r s comme Richepin, Borrow ou Block adoptent une mêm a t t i t u d e

-

v a n i t à d e scientifique ou pose de littérateu

-

en présentan la vie des Tsiganes : ils sont ceux qui ont eu accè à une vérit privilégié C e n d r a r s prend volontiers place dans cette tradition en nous introduisant dans les détour de l'organisation sociale gitane (mais il a soin de laisser des zones d'ombre e t de nous le faire savoir: il n'est pas parvenu à tout connaître) C'est qu'il s'agit là d'une figure, celle de l'homme qui cherche à percer le secret des choses, qui, comme celle du dépar e t de l'arrachement (mouvements inverses : l'un, d'émancipation libèr e t entraîn loin des choses du monde, l'autre, d'initiation, enchaîn et porte vers l'intérieu des choses), se r6pèt plusieurs fois dans L'Homme foudroyd : Biaise Cendrars pénétra les arcanes de l'organisation sociale gitane, de l'alphabet aztGque, de la forê brésilienne de la banlieue de Paris, du monde de la haute-finance, du Marseille clandestin et nocturne

...

E t si l'on ajoute que, en matièr de "Tziganes", les secrets ainsi révél ne sont le plus souvent que fantasmes des auteurs, on comprend avec quelle allégress Cendrars s'affilie : donner au fantasmatique l'écla du documentaire, cela le connaî !

Devant les coquetteries de Cendrars se défendan de faire ce qu'il appelle de "l'ethnogénie e t alignant aussitô d'un ton docte, comme s'il révéla une vérit connue de lui seul (et c'est bien de cela qu'il s'agit !) les cliché les plus éculà (duels au couteau, lignes de la main, insouciance de la vie a u jour le jour, sens de l'honneur, paresse, mystèr de l'"instinct nomade'

'...

) e t les plus énorme g r a t u i t à © (infibulation d e s femmes, migrations des Gitans comparée à celles des anguilles...), on se dit que l'agacement de ceux qui ont une connaissance directe des Tsiganes n'est pas toujours injustifié Ce poseur qui profêr des ânerie en se donnant des airs d'affranchi ! L'hostilità que suscite le texte est à la mesure de sa force même

Cahiere.de S6miotique Textuelle, 15, 1989 7 5 11/21

(13)

elle est signe de la réussit de l'écrivai : sa créatio est reçu comme un document. Mais Biaise Cendrars ne prend dans les ouvrages des autres que ce qui s'accorde a u symbolisme mis en œuvr dans son propre texte. C'est par exemple éviden pour le matriarcat e t l a figure d'une mèr toute- puissante

-

mais d'un pouvoir, nous l'avons dit, quasi occulte. Il n'hésit pas

à grossir les t r a i t s (les m a r i s tsiganes n'ont r i e n , chez Block, d e s personnages falots que peint Cendrars), voire à inventer (le "calignare" ou "cajoleur", "cet amoureux transi dont le rôl est indéfinissable" e s t totalement de son cru). Pris dans l'économi du texte, emprunts, notations documentaires e t affabulations, "clichés e t "gratuités perdent, tout comme les élémen authentiquement biographiques, leur caractèr propre. Les Gitans descendants de l'Atlantide ? Cela met e n correspondance plusieurs thème qui courent dans les "Rhapsodies": les Gitans, les Indiens e t les écriture aztèque ; le déchiffremen de ces écriture renvoyant lui-mêm aux poupée de Paquita, c'est-à -dir à la fois à l a Révolution la banlieue en souffrance, l a guerre, l'arrachement à la famille e t à l a t e r r e natale, l'Amériqu du sud, le Brési

...

tandis que le terme "ville sainte" qui désign les lettres de cet alphabet appelle toutes les citations des textes sacré e t ramèn par d'autres voies aux Gitans ("Vouloir tracer les itinéraire de l a Mère c'est pour moi comme de feuilleter l a Bible, chaque station de l a roulotte fait image...") dont les femmes sont associée aux femmes d e s Saintes Ecritures ("

...

en pensant à la roulotte pleine de femmes e t d'enfants que j'avais abandonnés j'avais l'impression d'avoir connu les femmes des Ecritures

..."

1,

les thème de la parole e t de l'écritur se trouvant ainsi conjoints

-

parole des Gitans, écritur de Cendrars. L'allusion à George Borrow (Cendrars aurait plusieurs fois traduit The Bible in Spain, qui est l a relation d'une tourné d'évangélisati parmi les Gitanos) n'est rien d'autre qu'un rappel de cette union. La parole est aussi bien le caquetage des Trois Maries que le Verbe de Dieu (qu'évoqu la citation de Saint-Augustin dans le premier chapitre de la premièr "Rhapsodie"), parole associé aux Gitans de manièr essentielle (ils sont peuple de tradition orale, la fidélit à la parole donné est chez eux valeur cardinale) mais aussi anecdotique (le restaurateur qui sert à Cendrars e t à Le Rouge le plat de Lucullus e s t Gitan) ; on pense alors à la Tite, la cuisinièr à la langue coupé du "Vieux Port" e t à Marie-Madeleine, au rameau de fenouil qui éclà de sa langue, dans l a séquenc "La fêt de l'Inventiont' ; on pense à Le Rouge qui a "châtr le verbe"

(V

182) e t mêm a u Grêl qui "n'étai guèr causant" (V 238)

...

"L'abondance d u cœu fait parler la bouche", est-il écri à propos de l a Mère

(14)

Les nomades de la porte mais la Mèr meurt d'un cancer à la langue : "Le triomphe de la vie est un mal sans rémission" Certainement il existe un lien entre la générosi de parole de la Mèr e t l'infibulation, cette mutilation qu'elle a subie dè son adolescence

...

L'idïrmit de la Mèr renvoie à la cicatrice qui défigur Marthe ("cette fente semblait contenir entre ses bordures mal jointes e t qui souvent se distendaient une bourre sanguinolente...") e t lui fait un visage de lépreux Avec le lépreux nous voici entraînà vers "Gênes de Bourlinguer, tout comme avec les "langues de merles, de rossignols, d'alouettes e t mêm de colibris

..."

vers Le "Jugement dernier" d u Lotissement d u ciel

...

C'est définitif nous ne sommes plus dans la chronique. Leur enchâssemen dans la chaîn symbolique unique qui en constitue la trame installe les Gitans dans l'œuvr de Cendrars

-

et nous dirions même pour les pages qui nous occupent, a u c a u r de cette muvre. Ils n'existent pas en dehors d'elle. Voici la roulotte solitaire arrêtà en pleine campagne, "à la croisé des chemins"

(V 224 e t 231), le chromo par excellence ; serait-il aventureux de proposer que, stationné à "la limite entre deux communes, une roue s u r chaque territoire", la roulotte est semblable à la créatio cendrarsienne qui ne ressortit vraiment ni à la fiction (ce n'est pas un roman) ni a u document (ce n'est ni une autobiographie ni une chronique) mais est l'une e t l'autre à la fois ?

II.

Au cmur

du

texte

A. "L'actività b r u y a n t e d u monde"

et "la m a r c h e silencieuse de l a pensée

"Pourquoi l e s G i t a n s d a n s L7Iomme f o u d r o y e ? " ; n o u s s a v o n s maintenant que pour répondre il nous faut d'abord à ª t r attentifs (sans prétendr révél la signification ultime de cette présenc

-

chez Cendrars, nous le verrons, il ne peut y avoir de fin-mot), à la faço dont les Gitans prennent place d a n s cette création La "vérità d e s G i t a n s d a n s l e s "Rhapsodies gitanes" doit à ª t r cherché dans ce qui les lie à tous les personnages e t évènemen qui apparaissent d a n s le texte : P a q u i t a , l'alphabet aztèque le peuple de la banlieue de Paris e t les solitaires de la forê brésilienne Manolo Secca e t son Chemin de Croix automobile, les mannequins de Monsieur Jean, Gustave le Rouge e t Marthe, Antoinette la fille du scaphandrier e t le Pèr Françoi avec son fouet, les abeilles de

Cahiers de %miotique Textuelle, 15, 1989 77

(15)

Blaise ; les fatigues de Madame Caroline, Marie et Madeleine ses filles qui ont mal tourné sainte Marie-Madeleine, les opération immobilière douteuses du mari de Paquita, les ours de Marco le Transylvanien, la Bible e t les écrit de Saint-Augustin, etc. etc

... toutes "réalité

e t "inventions" mêlée Le principe qui organise les rapports entre ces élémen n'est pas u n mystère le texte qu'écri l'auteur Blaise Cendrars obéi aux règle de l'alphabet aztèqu que décrypt le personnage Blaise Cendrars dans la séquenc "Les nuits et les jours" - ainsi, si l'on tient "Blaise Cendrars" pour une entità unique, apparaît-i comme celui qui en mêm temps chiffre e t déchiffre

"Etant donnà une caverne demi-circulaire, on pose à l'intérieu de ce cadre le buste d'un personnage mortel que l'on déplace que l'on interprèt et que 1 'on lit par rapport à l2volution des élémen de la nature qui ont pris pied, racine, ou reposent, ou s 'écoulen sur la voût de la caverne, à l'extérieu et qui sont les attributs éternel de la vie : le soleil, l'eau vive, le maï et le yucca (qui sont le pain et le vin du pays) et le serpent à plumes perchà sur u n nopal ou oponce qui est la mort posé sur la folie des sens. Tel est le principe fondamental de l'abécédai aztèqu dans lequel Paquita avait appris à lire, chaque lettre étan à limage d'une grotte et finissant par êtr surpeuplé car le buste initial n'est jamais seul mais s'accompagne de son double et de son plus proche voisin (la trinità de l'homme : le corps, l'esprit et le cœur) égalemen figuré en buste, si bien que chaque grotte s'adjoint des grottes adjacentes (comme une grande ville ses banlieues), ce qui complique terriblement l2criture chaque buste satellite étan à son tour spécifi par une caverne secondaire dont il est le personnage central, oà il évolu à son tour en compagnie de son double propre et de son plus proche voisin à lui et par rapport aux élémen permanents qui encadrent la nature, et, ainsi de proche en proche et d image en image, à 1 'infini, le microcosme se mire dans le macrocosme et dans u n mouvement contraire, le macrocosme d a n s le microcosme, et ce jusqu ti la notion de Dieu, et c'est pourquoi chaque lettre de cette écritur est appelé "une ville sainte"

(V

262)

.

Sans vouloir entrer dans les détail de cette lente et progressive initiation qui devait durer une dizaine d'années pour en revenir a u thèm de la Roue, je suis obligà de constater que c'est Puquita qui me fit remarquer que chaque lettre de l'alphabet maya est mobile et que chaque "ville saintel"est u n horoscope. Elle me disait "Si idéographiquemen vous placez sous la caverne demi-circulaire par exemple, le signe de l'eau, vous verrez que le buste premier, et les personnages secondaires, et 1 'extérieu de la caverne avec ses

(16)

Les nomades de l a porte signes, ses accents, ses symboles éternel s'y mireront fatalement (ce qui est l'aspect nocturne des choses, et non pas le monde à l 'envers) ; mais si vous inscrivez tout cela plastiquement, c'est-à -dir en pictographie, vous fermez le cercle de la caverne et obtenez une roue, la roue de IUniuers, qui est l a signature des choses

...

"(V 288).

Le mouvement est contenu d a n s les principes même de l'écritur cendrarsienne.

La Roue de l'Univers.

La vie est un mouvement, le texte est mouvement ("une écritur e n mouvement perpétuel 18)

-

nous commençon à mieux comprendre l a présenc des Gitans.

Toutes choses sont brassées emportées bousculées Ce mouvement de la vie auquel on ne peut attribuer de signification ultime parce qu'il ne s'arrêt jamais (Paquita, qui a "le goû du fini", meurt de désespéranc n'est cependant pas un mouvement fou. Sous "l'actività bruyante du monde" court "la marche silencieuse de la pensée ; il y a parfois des histoires qui ont une fin.

Dans les "Rhapsodies", à travers l'enchevêtremen des épisodes l a vendetta suit son cours e t arrive à son terme 19 : Marco le Transylvanien est proprement nettoyà (tout comme dans "Gênes de Bourlinguer, à travers l a remonté arborescente des souvenirs d'enfance, les confidences d'auteur e t les réminiscence littéraire

-

Nerval, Virgile, Kipling

...

-

le meurtre du lépreux le roi de la Calade, finit par advenir). Le géni de Cendrars est de donner l'impression que si la vengeance de Sawo s'accomplit

-

si un sens s'établi sur la folie des choses

-

c'est par une nécessità sans rapport aucun avec la chronologie, à laquelle tous les élémen du récit mêm ceux qui paraissent les plus éloignà de l'histoire gitane e t qui n'avaient cessé semblait-il, de la parasiter, concourent. Comme si la confection des poupée de Paquita rendait possible l'attaque des ours ou comme si l'incinératio des mannequins de Monsieur Jean préparai l a mise à mort de Marco

...

Mais la fin du Transylvanien n'en est pas une

-

comment pourrait-il y avoir une fin quand tout tourne?

-

puisqu'avant mêm qu'elle nous soit racontée Marco est réappar

-

e t en quatre exemplaires !

-

en pleine forê brésilienne "au bord d'une rivièr dont j'ai oublià le nom", à des milliers de kilomètre de l'arbre a u pied duquel les "Siciliens" l'ont saigné Sur la Roue de l'univers, toutes choses sont brassées emportées bousculées Il n'y a pas de fin 20.

Cahiers de %miotique Textuelle, 15, 1989 79

(17)

Pour autant, le mouvement des choses n'est pas celui d'un éterne retour. Rien ne revient identique à soi, mais transformé multiplié ruinà ou métamorphosà Mêm les refrains

-

phrases reprises mot à mot à des pages de distance ("la terrible banlieue en travail dont je n'étai sépar que par l'épaisseu d'un mur")

-

dont est parsemà le texte e t qui semblent e n endiguer le flot ou au moins instaurer une régularit dans ses soubresauts finissent par se disloquer e t disparaître

Les livres de Cendrars sont pleins d'affirmations, mais s'arrête à l'une d'elles, c'est immanquablement se tromper. Ç tourne. Aussi les Gitans (mais aussi tous les autres personnages e t l'auteur lui-même peuvent-ils êtr à la fois tout e t le contraire de tout : maître du silence e t maître de la parole, lâche e t courageux, brutes e t charmeurs, leurs femmes saintes e t prostituée

...

E t la lecture provoque-t-elle les sentiments les plus mêlé agacement, sympathie, admiration, curiosité perplexité jubilation, colèr

...

Bousculés mélangé opposés les élémen du texte finissent par entrer en connivence, se modifiant a u contact les uns des a u t r e s : d a n s l'aura de Marie-Madeleine, la prostitution prend un autre visage e t l'évocatio de l'Annonciation éclair le mystèr des femmes gitanes

...

Parfois la relation est aisémen déchiffrabl : de part e t d'autre de la cathédral de Chartres, la banlieue de Paris e t la forê brésilienn se regardent comme, d a n s la Bibliothèqu de l a maison de l'astrologue, livres à © r o t i q u e e t l i v r e s mystiques; parfois plus mystérieus : il semble que le déchiffremen des papyrus aztèque remédi à la misèr de la banlieue, que la joie créatric de Manolo Secca console les peines de Madame Caroline

...

Le lecteur suit un "fil secret" e t il a l'impression que derrièr ce qu'il lit, e t qui pourtant est foisonnant, il y a autre chose. Cendrars ne dit pas ce qu'il nous fait lire : "A travers les larmes brûlante (saletà des maringouins !) {'entrevis, vibrant d'amour, la pampa qui m'étai interdite...". Tout éléme devient indice e t Ã

ce titre fait question, mais indice d'une révélati qui reste en attente. La "signification", la "vérità sont bien là (et Cendrars sait nous donner le sentiment de leur proximité mais toujours déportà ou différà (et il nous donne le sentiment de leur fuite) 21.

La lecture de ces textes n'est jamais achevé e t en cet inachèvemen résid l'essentiel. Quelle est l'unità ? la séquenc ? la partie ? le livre ? la "tétralogie" l'Å“uvre l'Å“uvr e t la v i e ? l'Å“uvre la vie e t l'époque l'Å“uvre la vie, l'époqu e t les livres des bibliothèques l'Å“uvre la vie, l'époque les livres des bibliothèque e t les livres qui n'existent que dans la têt de ceux qui ne les ont pas encore écrits (Dans un article intitulÃ

(18)

Les nomades de la porte 'Manuel de la bibliographie des livres jamais publié ni mêm écrit par Cendrars", C. Leroy montre comment la mention, s u r la page de garde, de ces ouvrages en attente laisse la créatio suspendue e t empêch de fixer des limites à l'œuvr cendrarsienne)

...

Les limites sont toujours repoussées Il n'y a pas de limites. En outre, a u cœu du dispositif qui règl les rapports entre les élémen du texte pour en faire une totalità achevée l'auteur a ménag un certain nombre de failles qui e n t a m e n t c e t t e cohérence Manques dont la fonction positive apparaî alors (mais du point de vue de la poési e t non de la chronique ou de la biographie) : erreurs documentaires, approximations d a n s les citations e t les référenc ("je me méfi des référenc qui, quand on les contrôle sont, neuf fois sur dix, fausses ou inexactes, e t erronée e t mal interprété dans les commentaires dont on les accompagne" V 268), ignorances avouées défaillance de la mémoir dénoncée enjolivements manifestes, invraisemblances purement ludiques (qui font entendre le rire du créateu : "Souvent des coquilles, des lapsus, des oublis, des distractions ou la simple ignorance des copistes ou des secrétaire à qui l'on dicte (et qui sont souvent un peu durs d'oreilles) ont fait loi à force d'avoir ét cité e t répét e t reproduits tels que", V 268) qui invitent à se reporter à la "vraie" chronique, au "vrai" savoir, à la "vraie" vie

-

mêm si c'est pour découvri à chaque fois que ce détou n'est d'aucun secours pour appréhende le texte. Et tout autant qu'à l'intérieu de son texte, l'auteur, d e l'extérieur si l'on peut dire, d a n s ses déclaration publiques, commentaires e t interviews, s'applique à égare critiques e t lecteurs, différan ainsi la découvert d'un sens ultime jusqu'au moment oà le sens ne peut plus êtr qu'interprétation c'est-à -dir multiple, ondoyant, incertain, contradictoire

...

23

B. "Les femmes m e s ~ u r i a i e n t . . ~ ;"

V 265 :

"...

une famille de nomades campait à quelques pas de la porte e t avait allumà un feu qui léchai le mur d'enceinte; c'étai un rétameur entourà d'autant de gosses que de vieux chaudrons ; sa femme me fit un salut complice quand j'introduisis la petite clà d'argent dans la serrure...".

V 286: "Le soir, quand je rentrais à la Cornue, il y avait toujours une famille de romanichels devant la porte. Si ce n'étai le rétameu du premier soir, c'étai le vannier ou le tondeur de chiens, ou l'herboriste qui est aussi rebouteux. Un feu brûlai contre le mur e t sur une centaine de mètre Ã

droite e t à gauche l'enceinte du châtea portait traces de foyers anciens. (...)

Cahiers de Srniotique Textuelle, 15, 1989 8 1

(19)

La marmaille s'ensauvait à mon approche car ces enfants vagabonds sont farouches, mais les femmes me souriaient quand j'introduisais l a petite clà d'argent dans la serrure. Elles avaient l'air complice...".

V 288 : "le soir, quand je rentrais à la Cornue, il y avait toujours une famille de romanichels devant la porte. Si ce n'étai pas le rétameu du premier soir, c'étai le vannier, ou le tondeur de chiens, ou l'herboriste qui est aussi rebouteux. Un feu brûlai contre le mur. Les femmes avaient l'air complice..

.".

V 314 :

"-

Mais ce sont surtout les nomades de la porte qui chantent vos louanges.

- J e sais Paquita

...".

Les Gitans sont ceux qui passent. Aucune station n'est jamais pour eux assurée aucun a r r à ª ne constitue une fin. Tout comme le s e n s chez Cendrars, on les dit installé dans le provisoire. On ne peut les peindre qu'en mouvement. Fidèle à eux-mêmes ils reviennent toujours : mais différent Ã

chaque passage. Multiples, divers, changeants, on ne peut fixer les contours de leur image. Ils sont ceux dont on a toujours l'impression qu'ils sont a u t r e chose que ce que l'on voit, que ce qu'ils laissent voir. Ils promènen leur énigm dans le monde sans jamais apporter eux-même de répons

-

faille toujours rouverte dans l'achèvemen des connaissances. Mais ils sont aussi ceux qui savent sans avoir e u besoin d'apprendre ("les f e m m e s m e souriaient

..."

)...

E n recensant par approximations, à partir du repérag de quelques relations existant entre les élémen du texte, les caractère de l'écritur cendrarsienne dans les "Rhapsodies gitanes", nous avons énumé un certain nombre de traits qui traditionnellement, c'est-à -dir d a n s un horizon oà s e mêlen donnée objectives, fonds commun de cliché e t fantasmes personnels, sont ceux que l'on prêt aux Gitans (désormais la confusion ne peut êtr levé : quand nous disons "Gitans", il s'agit tout à la fois des Gitans de la réalità des Gitans de l'imaginaire collectif e t des Gitans de Blaise Cendrars). Y. Bozon-Scalzitti voit en Lflomme foudroyÃ

"l'initiation à l'écriture" Dans le récit à chaque fois que le personnage "Blaise Cendrars" rencontre les Gitans, il est question d'écritur ou de livre. E n 1917, c'est aprè une anné passé au sein de la famille Sawo qu'il connaî sa "plus belle nuit d'écriture" En 23, lorsqu'il emmèn Le Rouge chez les "Gitanes" du Kremlin-Bicêtre il a en vue une séri d'articles de journaux. Lorsqu'en compagnie du mêm Le Rouge, il dégust le plat de

(20)

Les nomades de la porte Lucullus, servi par un cuisinier gitan, il se prépar à signer un contrat d'édition " En 33 ou 34", à Brignoles, il retrouve "une caravane qui n'étai pas fière : le Grêl e t ce qui reste de la famille et, tandis qu'il est lui, Blaise, "maîtr de son univers" (tout comme le Grêl à l'apogé de son a r t théâtral l'éditeu Grasset, qui l'héberge "chiale". Une famille de nomades fait toujours du feu le long du mur de l a Cornue alors qu'il s'initie à l'alphabet aztèque Quand, en l'espèc de "quatre vaqueiros en rut", Marco l e Transylvanien réapparaà dans l a forê aux marches du Brési e t d u Paraguay, c'est "comme dans je ne sais plus quel conte des Mille e t une nuits" (V 306). Dans le souvenir, les femmes gitanes se confondent avec les femmes des Saintes Ecritures. Enfin, c'est à Sawo, le frèr gitan, qu'il revient d'"écrire la fin du livre : la dernièr séquenc toute e n t i à ¨ r rapporte ses paroles. E t si, dans l'évocatio que fait Sawo à la table du Critério de l a tradition orale des Gitans, nous remplaçon à chaque fois "raconter" ou un de ses synonymes par "écrire ou un de ses synonymes, c'est bien l'écrivai Blaise Cendrars que nous voyons apparaîtr derrièr le messager gitan.

A l o r s ? l e s G i t a n s , i n c a r n a t i o n d a n s l e monde d e l ' à © c r i t u r cendrarsienne ? "écritur énigmatique androgyne e t gitane, qui ne se fixe nulle part, qui erre perpétuellement (Bozon-Scalzitti) ? Mais exactement, les Gitans ne coïnciden pas avec l'écritur ; ils sont là juste avant, "à la porte". Campant le long du mur, "silencieux amants du secret des choses", ils savent e t regardent entrer Blaise. Les Gitans ont la clé Mais mêm si un jour, ils lui ont ouvert la route, ce n'est pas d'eux que Cendrars l a tient.

'

E t c'est parce que la cadette des sœur de mon copain Sawo avait un défau dans l'œil ce qu'en médecin on appelle un colobome, un défau de l'iris e n forme de trou de serrure, qu'appliquant mon esprit à ce trou je crois aujourd'hui avoir pénét dans l'âm mêm de la pénitent de la Sainte- Baume e t pouvoir écrir le livre24 de s e s noces mystiques e t d e s a vie contemplative" (V 223).

Maintenant qu'il est entré qu'il est de plain-pied d a n s sa création Cendrars se retourne e t ce qu'il voit en regardant les Gitans, c'est une image de l'écritur qu'il invente, mais aperçu comme dans un miroir

-

ou mieux, dans un rétroviseur

Patrick Williams (CNRS)

(21)

Notes

Cendrars emploie le terme "Gitane" - nous essaierons d'en donner l'explication. Nous choisissons "Gitans" comme terme génériq pluîh que "Tsiganes" pour êtr plus proches d e Cendrars. Aujourd'hui encore, alors que "Tsiganes" s'impose d a n s l a s p h à ¨ r scientifique, "Gitans" reste plus usità en françai courant. En outre, d a n s un passage d e L'Homme foudroyà (V 334), Cendrars oppose les "Gitanes" e t les "Tziganes".

J e suis ethnologue. Voir Patrick Williams, Mariage Tsigane, L'Harmattan-Selaf, Paris, 1984, e t P.W. (ed), Tsiganes : Identité Evolutwn, Etudes Tsiganes - Syros Alternatives, Paris, 1989.

Etudes Tsiganes (2, rue d'Hautpoul, 75019 Paris), n03, XXXIII, 1987.

Il e s t possible de poursuivre le parallèl : Sawo a quittà l'univers gitan qui est celui de la parole mais il reste un homme de parole (V 334), Cendrars a rompu avec le monde des lettres mais il reste un homme d'écriture

Nous avons principalement ét attentifs à Yvette Bozon-Scakzitti, Blaise Cendrars ou la passion de l k r i t u r e (l'Age d'Homme, 1977) ; a u no spécia Biaise Cendrars de la revue Europe, 1976 ; e t a u no 5-6 de la Revue Littérair Internationale [vwal(230l. 1.a Chaux-de- Fond-Suisse), 1985.

Les quelques vestiges comme ceux publié sous le titre Inddits Secrets dans l'éditio des

à Ž u v r e compl&tes a u Club Françai d u Livre, qui témoignen de l'existence d'un écrivai qui n'est pas encore "Blaise Cendrars" ne font qu'attester la réussit de la métamorphose Faut-il penser qu'à la fin Blaise Cendrars a regrett4 la trop parfaite réussit d e son escamotage: personne donc ne lirait ses Å“uvre autrement que comme l'odyssé d'un aventurier ? A Michel Manoll (Blaise Cendrars vous parle, entretiens rbalisé en 1950) qui s'émerveill d e s épisode relaté d a n s L'Homme foudroyé il répon e n a t t i r a n t malicieusement l'attention sur les qualit46 formelles d u livre : les quatre "Rhapsodies" comportent toutes le mêm nombre de pages ; avant de commencer A écrire il a v a i t établ une liste de mots qu'il souhaitait employer ; eh bien, le manuscrit achevb, il s'est rendu compte qu'il les a v a i t effectivement tous utilisés Edouard Peisson confirme : "Il construisait d a n s son esprit ses nouvelles e t ses romans avec une rigueur e t une minutie telles qu'il a u r a i t pu commencer le récit m'affirmait-il, A n'importe quel point. Aprbs cela, il établissai une liste de chapitres avec quelques référence Encore, notait-il certains mots rares dont il userait

..."

(cità par Y. Bozon-Scalzitti).

Les Manouches disent : "cauo" (''tchavo") ; les Sinti disent "cauo" égalemen ; les Gitans, andalous ou catalans, ont : "chaval" ;les Rom disent "sav" ("shav").

Lors des débat qui ont suivi la présentatio de cette communication dans le séminair

consacrà A L'Homme foudroyd, Adrien Roig confirme que les Gitans du Pays catalan e t d u Roussillon se disent bien "Gitanes". Il précis qu'en espagnol, mancebo, s u b s t a n t i f masculin signifie "jeune homme, garçon cblibataire" ; mancebia évoqu la prostitution et, sustantif féminin signifie "maison de tolérance bordel" ; manceba, substantif féminin dbsigne la "maitresse", l a "concubine". Dans un courrier qu'il m'adresse, M. Roig ajoute

que ces trois termes sont utilisé dans la langue populaire mais qu'ils sont égalemen

attesté dans le Diccwnario de la Real Academa E s p a n o h ; dans la langue archaïqu mancebia signifiait "jeunesse" e t manceba "demoiselle", "jeune fille". On voit tout le parti que peut tirer de ces informations l'interprétatio appliqube a u texte de Cendrars. Ainsi Marie-Mancebo ou Marie-Le-Mence, l'"épouse g i t a n e d e Cendrars, conjugue-t-elle, comme tous ceux de s a race, les principes masculin etfbminin.

Nous ne suivrons pas Y. Bozon-Scalzitti lorsqu'elle signale (note 174) que dans L'Homme foudroyé Cendrars indique deux d a t e s différente a y a n t chacune d e s implications

symboliques particulibres pour cet évbnement 1917 (V 177-178) e t 1916 (V 219). 1916

(22)

Les nomades de la porte marque, "au retour du front", le débu du concubinage avec Marie-Mancebo, situation qui a durà un a n , comme il est précis :"ce qui m'avait fait fuir la cadette aprè un an" (V 217). L'adieu à la famille gitane est donc bien situé dans tous les cas, en 191 7.

Signalons par contre une invraisemblance chronologique qui, de manièr surprenante, semble avoir échapp à Cendrars. La Marie-Le-Mence ne peut e n mêm t e m p s à ª t r l'épous d'un lord en Angleterre e t rosser Fernand Lége au Kremlin-Bicêtr :

-fin 23 -débu 24 "je montai d a n s la rouloutte couleur courge, le gynécà des femmes o b m a fille, la petite Mariamné alors &gé de sept a n s e t élevà en Angleterre, à © t a i née

(V 218).

-débu 24, réci de Sawo,

"...

on envoya les filles,. Elles m'ont dit quelles l'avaient assez mal arrangé ton type (...) Marie-Mence lui a chipà son chapeau"(V 329).

- printemps 24

"...

les filles éparpillbes t a Marie marié en Angleterre, à un Lord, à ce qu'il paraft" (V 332), ce que confirment les propos d u Grêl lors de la rencontre à Brignoles e n 33-34 (V 239).

11. t'stertevens, L'Homme que fui Biaise Cendrars, Denoël 1972.

12. Ambivalence qu'au sens propre Cendrars a mis e n œuvr : on sait que certains des poème qu'il a signé sont fabriqué avecdes phrases découpé dans des articles de journaux. 13. Cf. Françoi de Vaux de Foletier. Les Bohémien en France a u 19eme sikcle, J.C. Lattes,

1981.

14. Les notes 175,210 et214 de l'ouvragede Bozon-Scalzitti.

15. Les t4moignages de Heinrich von Wlislocki : Vom wandernden Zigeunervolke. Bilder a u s dem Leben der Siedenburger Zigeuner, Hambourg, 1890. Ans dem inneren Leben d e r Zigeuner. E t h d o g i s c h e Mitteilungen, Berlin, 1892 sont, par les spécialistes considérà comme sujets d caution.

16. S u r Richepin e t les bohémiens cf. de Vaux de Foletier, ouvrage cit4, pp. 216-220.

17. Y. Bozon-Scalzitti propose pertinemment de parler d'"écritur aztèque p o u r l a "tétralogie"

18. "Thhme capital, on le sait, pour Cendrars",écri Claude L'eroy.

19. "La vendettam- titre de la 32èm e t ultime séquenc - e s t pourtant par définitio un cycle d e vengeance qui ne connait pas de fin.

20. La différenc e n t r e C e n d r a r s le poèt e t Le Rouge le feuilletoniste ( m a l g r à toute l'admiration que celui-là éprouv pour celui-ci), c'est que l'un écri des histoires qui n'ont pas de fin, ainsi il capte le réel alors que l'autre s'illusionne en croyant qu'"il f a u t une fin Ã

une œuvr d'art" ("Un pneude Le Rouge", V 234). On sait que le recueil Documentaires est composà de poèmes morceaux de rbalit6, découpb dans la prose, extraits de roman, du Mystkrieux Docteur Cornklius.

21. C. Leroy :

"...

d a n s le texte que nous lisons, la présenc d'un autre texte qui s e dérob e t dont nous ne saisissons que la fuite". Y. Bozon-Scalzitti parle aussi de "mouvement de fuite" et, pour l'illustrer, ne résist pas a u plaisir de fabriquer une phrase cendrarsienne (tentation à laquelle cèden beaucoup de commentateurs) : '"l'ous ces décalage d'un ordre

à l'autre e t à l'intérieu de chaque ordre, ces retours en arrièr e t ces retombée a u cours m6me de l'éla vers l'avant e t de l'élévatio imposent l'idé d'une initiation s a n s fin, qui tend toujours a u repos final d a n s l'unit4 enfin maitrisée s'en approche, la perd, s'en approche de nouveau, s a n s jamais l'atteindre, mouvement perpétuel oscillation, course brisé qui sont préciséme ceux de l'bcriture "rhapsodique" e t "labyrinthique" d e L B o m m e foudroyk : assemblage de fragments, interrogations, digressions, f a t r a s , distribution d'éclats agrégatio instable de pièce détaché que relient pourtant un fil, plusieurs fils, des fils multiples tissant tout un résea de relations si subtiles e t s i complexes que la lecture du texte, lui aussi "labyrinthe éblouissant à l'éga des Mille et une Nuits qui lui s e r t de référenc doit êtr un perpétue décryptage à la recherche du secret qui n'est jamais dit en clair, de l'issue qui s e dessine e t se dérob à la fois".

23. D'autres l'ont remarquà Je-C. Blanc :"Le champ cendrarsien semble contenir des anticorps efficaces contre toute tentative de critique réductrice Biaise C e n d r a r s cultive d a n s l'écritur la passion de s e rendre insaisissable par les concepts".

24. Nous soulignons.

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