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Étude des représentations sociales de la violence sexuelle chez les immigrantes africaines à Québec

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Academic year: 2021

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© Adja Diodio Ndao, 2021

Étude des représentations sociales de la violence

sexuelle chez les immigrantes africaines à Québec

Mémoire

Adja Diodio Ndao

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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Étude des représentations sociales de la

violence sexuelle chez les immigrantes

africaines à Québec

Mémoire

Adja Diodio Ndao

Sous la direction de :

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ii RÉSUMÉ

Dans la ville de Québec, les immigrantes africaines fréquentent peu les services d’aide aux victimes de violence sexuelle. Pour comprendre ce phénomène, nous avons élaboré cette étude mixte à perspective constructiviste dont les objectifs étaient de connaitre la représentation de la violence sexuelle chez les immigrantes africaines à Québec et de savoir comment ces dernières se représentent l’aide disponible pour les femmes victimes. Pour y répondre, nous avons utilisé trois instruments de collecte de données, soit le questionnaire sociodémographique, le guide d’entretien individuel semi-dirigé et la technique de l’association libre. Au total, onze immigrantes provenant de huit pays de l’Afrique francophone, âgées de 18 à 30 ans et vivant à Québec depuis moins de dix ans ont participé à l’étude.

Les résultats ont démontré que le viol est pour les participantes la principale forme de violence sexuelle. À cela se sont ajoutées d’autres violences plus spécifiques à leur milieu d’appartenance dont l’excision et le mariage forcé. Elles expliquaient principalement cette violence par des facteurs sociaux. Ainsi, les victimes sont selon elles plus blâmées que l’agresseur, qu’il soit connu ou non dans la société africaine. La peur de disloquer la famille si l’auteur en est un membre proche ou le conjoint ainsi que la banalisation de certaines formes de violence sexuelle sont pour elles des obstacles à leur dénonciation. En ce qui concerne la non-fréquentation des services, les participantes expliquaient que l’aide psychologique est réservée chez elles aux «Blancs» ou aux «fous», donc peu utile. Celle du système judiciaire est présentée comme peu efficace en raison des stéréotypes sur les victimes et de la subjectivité dans le travail des policiers.

Toutes ces informations sont discutées en lien avec la recension des écrits et le cadre d’analyse. Nous avons également suggéré des recommandations pour la recherche et pour l’intervention en service social.

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iii ABSTRACT

In Quebec City, there is a low attendance of African immigrant women in the services for victims of sexual violence. To understand this phenomenon, we developed this mixed study with a constructivist perspective on social representations of sexual violence and the available assistance. Its aims were to find out how African immigrant women in Quebec City represent sexual violence and the available assistance. To answer these questions, we used three data collection instruments: the sociodemographic questionnaire, the semi-directive interview guide, and the free association technique. A total of eleven immigrant women aged between 18 and 30 years participated in this study. They came from eight francophone countries in Africa and lived in Quebec for less than ten years.

The results showed that rape was the main form of sexual violence for the participants. In addition to this, they enumerated other forms of violence more specific to their environment, such as female genital cutting and forced marriage. They mainly explained this violence by social factors. Thus, according to them, in African society, the victims are more blamed than the perpetrator, whether he is known or not. In addition to that, they considered as obstacles to their denunciation: the fear of breaking up the family, if the perpetrator is a close member or the husband, as well as the trivialization of certain forms of sexual violence. Regarding their perception of the psychological assistance, participants believed that it is reserved for «white» or «crazy people» and not very useful in African society. The assistance from the judicial system is presented as ineffective due to stereotypes about victims and subjectivity in the work of the police officers.

We discussed all the study results with both our literature review and analysis framework. We also suggested recommendations for both research and social work intervention.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... ii

TABLE DES MATIÈRES ... iv

LISTE DES TABLEAUX ... vii

LISTE DES ABRÉVATIONS ET SIGLES ... viii

REMERCIEMENTS ... ix

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1. PROBLÉMATIQUE ... 3

1.1 Objet d’étude ... 3

1.1.1 Pertinence sociale de l’étude ... 9

1.1.2 Pertinence scientifique de l’étude ... 11

1.1.3 Démarche documentaire ... 11

1.2 Recension des écrits ... 12

1.2.1 La représentation sociale de la violence sexuelle ... 12

1.2.2 La non-reconnaissance de la violence sexuelle par la victime ... 17

1.2.3 La recherche d’aide des victimes ... 20

1.2.4 L’utilisation des services par les victimes ... 21

1.2.5 Limites des études ... 24

CHAPITRE 2. CADRE D’ANALYSE... 26

2.1 Historique du concept de « représentation sociale » ... 26

2.2 Théorie des représentations sociales ... 27

2.3 Définition des concepts clés ... 29

2.4 Questions de recherche ... 33

CHAPITRE 3. MÉTHODOLOGIE ... 35

3.1 Approche privilégiée ... 35

3.2 Type de recherche ... 36

3.3 Population à l’étude et échantillon ... 37

3.4 Modalités de recrutement ... 37

3.5 Mode de collecte de données ... 39

3.6. Analyse de données ... 40

3.7. Considérations éthiques de la recherche ... 42

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4.1 Analyse des représentations sociales avec la technique de l’association libre ... 44

4.1.1 Analyse de la technique de l’association libre de la représentation de la violence sexuelle ... 44

4.1.2 Analyse prototypique de la représentation sociale de la violence sexuelle .... 47

4.1.3 Conclusion ... 58

4.2 Analyse des représentations sociales de la violence sexuelle avec l’analyse de contenu ... 60

4.2.1 Représentation de la violence sexuelle par les immigrantes africaines à Québec ... 60

4.2.2 Analyse de la représentation de la recherche d’aide par les immigrantes africaines à Québec ... 88

4.2.3 Points de vue des participantes sur la non-fréquentation des services par les immigrantes africaines de Quebec ... 100

4.2.4 Quelques solutions proposées par les participantes ... 104

CHAPITRE 5. DISCUSSION ... 106

5.1 La signification de la violence sexuelle ... 106

5.2 Le silence de la femme africaine victime de violence sexuelle ... 108

5.3 L’aide formelle offerte aux victimes ... 111

5.3.1 Dans le pays d’origine ... 111

5.3.2 Dans le pays d’accueil ... 112

5.4 L’aide informelle offerte aux victimes ... 113

5.4.1 Dans le pays d’origine ... 113

5.4.2 Dans le pays d’accueil ... 114

5.5 Forces et limites de l’étude ... 114

5.6 Recommandations pour la recherche ... 116

5.7 Recommandations pour la pratique ... 117

CONCLUSION ... 120

BIBLIOGRAPHIE ... 123

ANNEXE 01: Association libre ... 132

ANNEXE 02: Guide d’entretien destiné aux participantes ... 133

ANNEXE 03: Questionnaire socio- démographique réservé aux participantes ... 135

ANNEXE 04 : Courriel destiné aux associations ... 137

ANNEXE 05 : Courriel destiné aux participantes ... 138

ANNEXE 06 : Formulaire de consentement ... 139

ANNEXE 07: Liste des ressources d’aide ... 144

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vii LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 Catégorisation des concepts ressortis par les participantes. ... 46

Tableau 2 Analyse des fréquences... 49

Tableau 3 Analyse du niveau d'importance ... 51

Tableau 4 évocations hiérarchisées ... 54

Tableau 5 Liste des 38 mots ... 146

Tableau 6 Score d'importance des 38 mots classé en ordre décroissant ... 146

Tableau 7 Score d'importance des 35 mots classé en ordre décroissant ... 147

Tableau 8 Rang moyen d'importance des 35 mots ... 148

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viii LISTE DES ABRÉVATIONS ET SIGLES

AS : Agression Sexuelle.

CAE : Centre d’Aide aux Étudiants.

CALACS : Centre d’Aide et de Lutte Contre les Agressions à Caractère Sexuel. CIPVACS : Centre d’Intervention et de Prévention des Violences à Caractère Sexuel. CPIMH : Centre de Prévention et d’Intervention en Matière de Harcèlement.

DUC : Déclaration Uniforme de la Criminalité. ESG : Enquête Sociale Générale.

OMS : Organisation Mondiale de la Santé. RAP : Recherche-Action Participative

RQCALACS : Regroupement Québécois des Centres d’Aide et de Lutte Contre les

Agressions Sexuelles.

RS : Représentation Sociale.

TCACSM : Table de Concertation sur les Agressions à Caractère Sexuel de Montréal. VS: Violence Sexuelle.

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ix REMERCIEMENTS

La réalisation de ce document n’aurait jamais abouti sans le soutien sans failles de personnes qui me sont importantes.

Tout d’abord je souhaite remercier infiniment Normand Brodeur, mon directeur de recherche pour sa disponibilité, son excellent encadrement et sa patience. Ses commentaires et conseils ont été d’une grande pertinence pour la réalisation de ce document. Je n’aurais pas su demander mieux.

Merci également à Catherine Rossi qui a su me réconforter, m’accompagner et me tendre la main quand j’en avais besoin. Sans elle je n’aurais surement pas eu la chance de travailler avec mon directeur. Merci à toi.

Merci à Waldiodio Seck pour son accompagnement, sa compréhension et son amour infini. Merci d’être l’épaule sur laquelle je peux compter.

Merci à tous mes amis (es) qui sont au Sénégal et à Québec. Je remercie plus particulièrement Ndeye Binta Keita, une amie qui m’est indispensable. Tu m’as accompagnée et réconfortée durant les durs moments.

Enfin, le meilleur pour la fin, merci à ma famille et plus particulièrement mes parents qui m’ont soutenu sur tous les plans durant tout mon cursus académique. Sans vous, je n’aurais pas pu parcourir tout ce chemin et je ne serais pas la personne que je suis devenue aujourd’hui. Malgré la distance, vous avez été là avec moi du début à la fin. Les mots ne suffisent pas pour vous montrer mon éternel reconnaissance. Je vous aime papa et maman.

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1 INTRODUCTION

La violence sexuelle des hommes à l’endroit des femmes n’est pas un phénomène récent. Elle découlerait, d’après quelques auteurs du patriarcat, du sexisme et même de l’hypersexualisation de la société (Poirier et Garon, 2010 :7; RQCALACS, 2006 :5). Pour ces raisons, les femmes qui en sont victimes adoptent souvent la « loi du silence », mais sous la contrainte (menace, pression, manipulation de leurs agresseurs; Salmona, 2014 :4). Un fait à prendre en compte est que, tel qu’expliqué par la Table de Concertation sur les Agressions à Caractère Sexuel de Montréal (TCACSM, 2018), les violences sexuelles « ignorent les barrières culturelles et sociales ». En effet, de nombreuses recherches montrent que les immigrantes font partie des plus vulnérables face à cette problématique (Salmona, 2014 :3). Si nous prenons l’exemple du Québec, le Regroupement Québécois des Centres d’Aide et de Lutte contre les Agressions Sexuelles, dans son rapport de 2006 expliquait que les

immigrantes vivaient plusieurs difficultés, notamment celles « d’adaptation » et « d’intégration à la société d’accueil » ; elles faisaient face à des violences sexistes, racistes

et discriminatoires donnant souvent lieu à une violence sexuelle (RQCALACS, 2006 :6-9). Outre ces facteurs, les intervenantes psychosociales du milieu s’étaient rendues compte d’un fait : si les québécoises ou même celles appartenant à d’autres nationalités (exemple française) fréquentent les structures apportant une aide aux victimes de violence sexuelle, tel n’est pas le cas pour les immigrantes africaines.

Ainsi, ce présent document, qui constitue notre mémoire de maitrise en service social, a été conçu dans le but d’apporter un éclaircissement ou une réponse aux intervenantes sociales de Québec. Elle a consisté à étudier les représentations sociales de la violence sexuelle chez les immigrantes africaines à Québec. Elle a été essentiellement mixte, mais à dominante qualitative et de type exploratoire-descriptif. Le paradigme utilisé a été le constructivisme. Sa particularité d’après Creswell est sa prise en compte du « processus d’interaction parmi les individus », ainsi que les « normes historiques et culturelles » que ces derniers doivent respecter (2013 :25).

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Ce mémoire comprend cinq (05) grands chapitres dont la problématique, le cadre d’analyse, la méthodologie, les résultats et enfin la discussion. Chacun de ces points est expliqué davantage dans l’entame de chaque chapitre. Les différents instruments nécessaires pour mener notre collecte de données sont présentés en annexe.

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3 CHAPITRE 1. PROBLÉMATIQUE

La section qui suit permet d’avoir une meilleure compréhension de notre sujet de recherche qui porte sur la représentation sociale de la violence sexuelle par les immigrantes d’origine africaine à Québec. Elle comprend deux (02) points à savoir : l’objet d’étude, incluant sa pertinence tant dans les domaines social et scientifique, et la recension des écrits qui englobe les différentes études qui tournent autour de l’objet d’étude ainsi que leurs limites.

1.1 Objet d’étude

La violence sexuelle (VS) est un phénomène social qui ne date pas d’aujourd’hui. Il n’existe pas une définition qui lui est unanime parce qu’elle prend en compte plusieurs expériences personnelles ou vécues (Benoit et al, 2015 :4). Généralement, elle est définie comme « un acte sexuel commis ou tenté par une autre personne sans le consentement libre de la victime ou contre une personne incapable de consentir ou de refuser » (Basile et al, 2014 :11). De plus, elle comprend d’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), tous les actes allant du « harcèlement verbal à la pénétration forcée »; à cela s’ajoutent des « formes de contraintes très variées allant de la pression à l’intimidation sociale jusqu’à la force physique » (2012 : 1). D’ailleurs, leur rapport de 2013 avait démontré qu’environ 35% des femmes voire près d’une (01) femme sur trois (03) étaient exposées à une violence physique et/ou sexuelle de la part d’un partenaire intime ou autre dans le monde (OMS, 2013). Ce type de violence découlerait pour certains auteurs du « rapport de force historiquement inégalitaire » entre les deux (02) sexes (Bourgault et Matte, 2009 :5); ce qui inclut le patriarcat et le sexisme. Le patriarcat fait référence d’après Mackay (2012) à une forme de « violence masculine » voire un moyen de contrôle des hommes à l’endroit des femmes. Ces derniers se servent de la menace, de la réalité du viol ou de la VS. Quant au sexisme, il est expliqué par le Regroupement Québécois des Centres d’Aide et de Lutte contre les Agressions à Caractère Sexuel (RQCALACS, 2006 :5) comme le fait de considérer la femme inférieure à l’homme; et ce sur les plans social, économique et politique. Cela représente par conséquent une barrière pour les femmes en ce qui concerne leur pleine participation dans la société. Ces deux (02) facteurs accentuent non seulement la vulnérabilité de la femme face à la VS mais favorisent aussi la peur, le contrôle et la soumission de celle-ci. C’est en ce sens que la Table de Concertation sur les Agressions à caractère sexuel de Montréal a considéré la VS envers

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les femmes comme une violence sexiste mais aussi discriminatoire avec pour objectifs de les contraindre et de les contrôler (TCACSM, 2019).

Force est de constater que la VS est également liée à un phénomène appelé « hypersexualisation de la société » (Poirier et Garon, 2010 :7). Celui-ci fait référence à

l’utilisation du corps féminin dans la société à des fins d’ordre sexiste et commercial (espaces publics, médias). De ce fait, cette omniprésence de la sexualité dans l’espace public favorise non seulement sa banalisation, mais pourrait avoir une influence tant sur notre sexualité que sur notre pensée; et même de façon plus générale sur le comportement des hommes à l’endroit des femmes qui a tendance à être sexuel (Poirier et Garon, 2010 :7). À cela s’ajoute un accroissement du phénomène de non-reconnaissance de la violence sexuelle par les filles/femmes, donc une difficulté « de prendre des décisions responsables quant aux enjeux reliés à une relation intime » (Bouchard, 2007 : ix). Autrement dit, cette association de la sexualité avec le corps de la femme (Gentile, 2010 :6), considérée comme normale, rend plus difficile la reconnaissance d’une relation à risque pour les filles/femmes, et ce parce que l’hypersexualisation « brouille les frontières entre sexualité assumée et violence et obscurcit l’idée même du consentement » (RQCALACS, 2010 :7). Ces différents facteurs constituent une difficulté quant à la prévalence exacte de la VS auprès des femmes.

Le terme « violence sexuelle » est, d’après l’Institut National de Santé Publique de Québec (2019), un synonyme d’« agression sexuelle » et d’« abus sexuel ». Toutefois, il est important de noter qu’au Canada, celui d’agression sexuelle (AS) est plus utilisé que celui de violence sexuelle. L’AS est définie comme « toute infraction criminelle avec violence allant des attouchements sexuels non désirés aux relations sexuelles violentes non consensuelles, souvent caractérisées de viol » (Rotenberg, 2017 :4). Le Code criminel canadien la classifie en trois (03) niveaux selon les degrés: niveau 1 (art. 271) sans arme ni blessure corporelle; niveau 2 (art. 272) « agressions sexuelles armées, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles » et niveau 3 (art. 273) « agressions sexuelles graves » (blessure, mutilation, défiguration ou atteinte à la vie) (Ministère de la Justice, 2019 : 305-307). Il existe deux (02) sources de données qui permettent de connaitre la prévalence de la VS au Canada. La première est « l’Enquête sociale générale » (ESG). Elle fait part à tous les cinq ans (05) de statistiques liées à la victimisation avec violence déclarée par la population

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canadienne âgée de 15 ans et plus (Benoit et al, 2015 :12; Perreault, 2015 :4). La seconde est la « Déclaration Uniforme de la Criminalité » (DUC). Elle effectue un recensement annuel sur l’auto-déclaration de l’AS à la police (Benoit et al, 2015 :12).

En 2014, l’ESG a montré que sur une population canadienne de 35 540 400 habitants, près de 6,4 millions d’actes criminels avaient été recensés (Statistique Canada, 2014 :1). Parmi ces derniers, l’AS n’en constituait qu’une petite proportion, soit 10%; donc 640 000 (Perreault, 2015: 5-6). Et, dans 9% des cas, les victimes étaient soit intoxiquées, soit manipulées sans menace ni force physique; 20% étaient des AS forcées et 71% constituaient des attouchements. De plus, sur les 640 000 cas d’AS qui étaient retenus, plus de la moitié soit les 555 000 étaient menées à l’encontre des femmes. Conroy et Cotter (2017 :6-7) expliquaient dans ce sens que la proportion des femmes canadiennes qui avait déclaré l’AS était assez élevée durant cette période soit 37 incidents pour 1 000 personnes.

Les données de la DUC quant à elles avaient montré qu’entre 2009 et 2014, dans l’ensemble du Canada, seulement 117 238 affaires d’AS avaient été déclarées à la police; parmi lesquelles 87% des victimes étaient des jeunes femmes et des filles et 13% des hommes. Au total, 98% des affaires furent classées au niveau un (attouchements non consentis, contacts sexuels physiques non désirés; Rotenberg, 2017 :6). L’AS est certes considérée d’après le Gouvernement du Québec comme un des crimes les moins déclarés à la police (1995 :31), mais il serait nécessaire de prendre en considération que toutes les statistiques de la DUC en lien avec les AS ne concernent que celles considérées comme des « affaires fondées », c’est à dire mises en accusation avec la reconnaissance d’une infraction de la loi (Rotenberg, 2017a :4; Rotenberg, 2017b : 5). Dès lors, concernant les AS menées à l’encontre d’une femme et mises en accusation, « la quasi-totalité (99 %) concernait des victimes de sexe féminin agressées par un homme »; et les 1% restant constituaient des femmes, pouvant être inculpées comme « auteures » d’AS à l’encontre d’autres femmes (Rotenberg, 2017 :19-20). De plus, sur les 13% d’hommes victimes d’AS mises en accusation, les 93% constituaient des hommes « auteurs », contre sept (07) pour cent de femmes « auteures » (Rotenberg, 2017a :19). Ces statistiques démontrent que les hommes sont majoritairement les auteurs des AS déclarées. Outre ce phénomène, il est nécessaire de mentionner qu’à la naissance du mouvement « me too, » en 2017, le taux d’AS déclarées à la police (DUC) avait connu une augmentation. Cette

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année-là, la DUC avait dénombré 23 834 victimes d’AS « fondée ». Par rapport à l’année 2016, le taux des AS déclarées avait augmenté de 13% (Rotenberg et Cotter, 2018 :5). Seulement entre octobre et décembre 2017, 6 043 femmes avaient déclarés être des victimes d’AS (Rotenberg et Cotter, 2018 :13).

Au regard des différentes données recueillies à travers la DUC et l’ESG, on pourrait conclure en disant qu’au Canada, les femmes sont plus touchées que les hommes en ce qui a trait aux AS. Ce qui renvoie à notre explication au tout début spécifiant que l’inégalité de pouvoir entre les deux (02) sexes est la source des VS notées à l’endroit des femmes (RQCALACS, 2006 : 5; Bourgeault et Matte, 2009 : 5; Mackay, 2012). Cela a même été confirmé à travers les données de la DUC, avant et après le mouvement « me too ».

Toutefois, on a noté que les données de l’ESG sur les VS à l’encontre des femmes sont supérieures à celles de la DUC. Cela suppose que beaucoup de femmes préfèrent ne pas dénoncer le préjudice subi à la police. On pourrait expliquer cette réalité en deux points : Premièrement, la procédure de l’enquête judiciaire peut s’avérer être longue et douloureuse pour la victime. Elle doit obligatoirement raconter dans les détails cet événement traumatisant qu’elle a eu à vivre au cours de sa vie. Dès lors, en déposant plainte, cette même victime risque de vivre une « victimisation secondaire » due aux multiples questions policières (Smedslund et Risse, 2014 :40). De plus, il est important d’ajouter qu’une insuffisance de preuve pourrait favoriser un arrêt de l’enquête (Faucher, 2007 :17-18). Dans ce cas, son dossier sera considéré comme « non fondé » et classé.

Par contre, si les preuves sont suffisantes et qu’il y’a eu arrestation de l’accusé et comparution, Gunn et Minch (1988 :28) expliquaient qu’il y’a trois (03) facteurs juridiques qui seront pris en considération à savoir : « le consentement, la corroboration et le caractère de la victime ». Pour le premier facteur, la police détermine « si la résistance offerte par la victime est suffisante ou non pour prouver l’absence de consentement » (p. 28). Le deuxième facteur fait référence quant à lui aux « dépositions de témoins » ou « preuves indirectes (blessures de la victime, preuves médicales, témoignage) » (p. 29-30). Et, pour le caractère de la victime, d’après Gunn et Minch (1998 :31-33), il était plus facile de considérer l’accusé coupable de l’agression si la victime est « jeune » ou « vierge ».

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Deuxièmement, la violence sexuelle est un crime lié au genre qui ne respecte pas les normes de la société. Ces normes font référence à « un code moral collectif, une sorte de compréhension populaire qui va influencer l’acceptation ou la désapprobation sociale concernant un phénomène […] » (Baril et Maurice cités dans Bergheul, 2018 :17). Par exemple, la violence sexuelle n’est ni « appropriée », ni « acceptable » dans plusieurs sociétés (Kennedy et Prock, 2018 :512); quoiqu’il y’a néanmoins de multiples stéréotypes sur les victimes. Par conséquent, ces dernières d’après Gunn et Minch (1988 : 20) peuvent non seulement être « incapables de définir une infraction », mais peuvent aussi se considérer responsables de ce qu’elles ont subi parce qu’elles étaient habillées d’une certaine manière ou avaient accepté un rendez-vous. Ainsi, pour quelques auteurs, le déni ou le fait de s’autoblâmer dans de pareilles circonstances sont quelques fois « inévitables »; d’où la représentation de la VS comme un « crime passé sous silence » (Gunn et Minch, 1998 : 20; Benoit et al, 2015 : 5).

Au vu de toutes ces informations, on peut dire qu’il y’a une sous-représentation de ce type de violence chez les Canadiennes. Leurs dénonciations de la VS à la police ne constitue que la partie visible de l’iceberg. C’est en ce sens que l’OMS (2002) suggérait qu’il serait intéressant de se pencher sur d’autres sources pour compléter le portrait de la prévalence des AS, à savoir celles des différentes structures assurant une prise en charge aux victimes, comme les « centres médicaux- légaux » ou les organismes d’aide aux victimes d’AS au Canada. Mais, il faudrait néanmoins noter que les AS qui sont déclarées dans les centres médicaux- légaux sont souvent de nature « violente », c’est-à-dire avec des blessures physiques considérées comme graves (OMS, 2002, 167). Puis ce ne sont pas toutes les victimes d’AS qui vont fréquenter les organismes qui pourraient leur apporter une aide. Encore que si cette non-dénonciation est notée chez les Canadiennes, les statistiques montrent que cela est encore plus perceptible chez les immigrantes. En effet, il peut être difficile pour une immigrante, peu importe son origine de dévoiler la VS dans son pays d’accueil; sachant qu’elle est taboue dans plusieurs sociétés. Par exemple, en 2014, les données de l’ESG sur la population immigrante avaient démontré que pour 1 000 femmes immigrantes à l’échelle nationale, seulement 16 incidents de victimisation sexuelle avaient été déclarés. Or pour 1

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000 femmes non-immigrantes, 42 incidents de victimisation sexuelle avaient été déclarés (Hotton et al, 2017 :10., Corroy et Cotter, 2017 :27).

On ne peut émettre l’hypothèse que cette différence notée en lien avec les incidents de victimisations sexuelle est due à un faible taux d’immigrantes au Canada car, si nous nous basons sur le recensement de 2011, 3 544 400 immigrantes avaient été compté au Canada (Hudon, 2015 :3). La majorité d’entre elles résidaient dans les provinces dont le Québec (p. 11). Cela pourrait s’expliquer par le fait que le Gouvernement de cette province, travaillait depuis 2006 d’après la ministre de l’Immigration et des communautés culturelles de l’époque, sur « l’intégration et la pleine participation des citoyens de toutes origines en assurant à chacun l’égalité des chances et le respect des différences » (Ministère de l’Immigration de la Diversité et de l’Inclusion, 2006 :1). Mais, il faut néanmoins noter que cette population, faisait face à la même période d’après le RQCALACS à « une difficulté d’adaptation, d’intégration à la société d’accueil, la méconnaissance des ressources, la peur d’être rejetée par leur propre milieu, l’inaccessibilité des ressources et l’absence d’accommodement universel, la peur de perdre leur statut d’immigration, le faible réseau de soutien, les effets du contexte migratoire, la surcharge de travail et la pauvreté » (2006:09). C’était dans cette optique que toujours à la même année, une « politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination » a été mise sur pied (Ministère de l’Immigration de la Diversité et de l’Inclusion, 2006). S’inscrivant dans le cadre de cette politique, le RQCALACS avait présenté dans ce sens à la même année encore un mémoire intitulé « racisme, sexisme et agression sexuelle : des violences sexospécifiques, des effets dévastateurs ». Le racisme y a été défini comme « l’ensemble des idées, des attitudes et des actes qui visent à inférioriser les personnes des minorités ethnoculturelles, sur le plan social, économique et politique, les empêchant de participer pleinement dans la société » (p. 5). Cependant, le racisme n’est pas la seule discrimination dont les immigrantes sont victimes à Québec. Elles sont également victimes de discrimination systémique, d’où ce constat de l’Action Travail des Femmes (ATF): « La lecture de la synthèse de consultation sur la planification de l’immigration au Québec pour la période 2012-2015 ne démontre aucune volonté du MICC de remédier à une situation d’exclusion systémique touchant les femmes immigrantes » (2011). Ce qui favorise en outre leurs vulnérabilités face à la VS (Salmona, 2014 :3). Elles sont souvent victimes de

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violence physique et/ ou émotionnelle, de stigmatisation, de marginalisation, de racisme, qui, souvent tendent à une VS (Okeke-Ihejirika et al, 2018; RQCALACS 2006 :6-7).

D’ailleurs, la plus récente action pour lutter contre les violences sexuelles a été mise sur pied en 2016 par le Secrétariat de la Condition Féminine en partenariat avec les ministères et organismes. Elle est intitulée: « stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles 2016/2021 » (gouvernement du Québec, 2016). Nous avons cependant remarqué que parmi toutes les actions (55) mises en place pour prévenir et contrer la violence sexuelle, une (01) seule prend en compte la situation des immigrantes victimes de violence sexuelle à Québec. Elle consiste à « examiner les problématiques et les besoins des victimes d’agression sexuelle issues de l’immigration et des minorités ethnoculturelles en ce qui concerne les services d’interprétariat auxquels elles ont recours, et identifier des solutions pouvant résoudre ces problématiques » (Gouvernement du Québec, 2016 :41). Le Québec a certes besoin de plus d’interprètes (femmes) afin de pouvoir apporter une aide aux victimes qui sont immigrantes, car la plupart font face à des barrières linguistiques; mais, est-ce suffisant pour assurer une prise en charge adéquate auprès de cette clientèle? Les réalités culturelles québécoises et les besoins des Québécoises peuvent être différents de celles des immigrantes en raison de leur provenance. Le faible nombre de mesures visant explicitement à soutenir les immigrantes dans la stratégie gouvernementale suggère que la violence sexuelle à l’endroit des immigrantes n’est pas prise en compte comme il se doit dans les politiques mises en place au Québec. Les immigrantes sont considérées comme oubliées par rapport à ce phénomène. Et, au-delà des politiques, il y’a de nombreuses études qui portent sur la violence conjugale, voire familiale, envers les femmes immigrantes; mais peu d’entre elles portent sur les violences sexuelles (Benoit et al, 2015 : 21). Il serait ainsi important mais aussi pertinent de mener des études en lien avec la violence sexuelle et les immigrantes à Québec afin de mieux comprendre ce phénomène et essayer de soutenir ces dernières.

1.1.1 Pertinence sociale de l’étude

La violence sexuelle envers les femmes est une thématique qui a longuement interpellé la population québécoise. En effet, depuis 1975 près d’une quarantaine d’organismes communautaires avaient été créée afin d’assurer une prise en charge à toutes les victimes de violence sexuelle. Ces organismes étaient à la fois « féministes », « autonomes » et avaient

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pour objectif de « défendre les droits » des femmes et filles victimes de violence sexuelle (Boulebsol et Sarroino, 2018 dans Bergheul, 2018 :47). Ils étaient appelés des Centres d’Aide et de Lutte contre les Agressions à Caractère Sexuel (CALACS). Ils sont toujours actuels et plus précisément dans la ville de Québec, il y’a l’organisme communautaire Viol-Secours Calacs de Québec qui offre une prise en charge psychosociale aux femmes victimes d’AS. D’ailleurs, à la suite du mouvement « me too », de multiples dénonciations concernant les agressions sexuelles avaient eu lieu à Québec. L’organisme Viol-Secours dans son rapport annuel d’activité de 2017-2018 montrait qu’en comparaison avec la moyenne annuelle de 2010-2015, il y’avait eu entre le 1er avril 2017 et le 31 mars 2018 une hausse du nombre d’appels téléphoniques de 95%. Toujours, comparativement à la moyenne annuelle 2010-2015, l’organisme avait aussi connu une hausse d’accompagnement psychosocial de 98% (Viol-secours, 2018 :12-19).

Cependant, en dépit du fort taux de dénonciation que les statistiques de l’organisme avaient démontré, et des différentes activités de sensibilisation, de prévention qui avaient été menées à travers les médias, les universités et autres, il n’y avait presque pas d’immigrantes africaines qui avaient eu recours à ce service, bien qu’il lutte contre les agressions sexuelles faites aux femmes à Québec. Or, en ce qui concerne cette population dans la ville de Québec, du point de vue statistique, elle était au nombre de 18 335 en 2016 avec 9 645 hommes et 8 690 femmes (Statistique Canada 2018), ce qui représente une faible proportion de la population totale et plus précisément des femmes. Cela pourrait expliquer d’une part la faible présence des africaines dans les organismes apportant une aide aux victimes d’agression sexuelle à Québec. D’une autre part, comme expliqué antérieurement, les immigrantes sont vulnérables face à la violence sexuelle et cela pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs comme la stigmatisation, la marginalisation, le racisme, le sexisme, la violence physique et/ou émotionnelle, le système patriarcal, la discrimination systémique (RQCALACS, 2006 :5-6-7; Atif, 2011; Salmona, 2014 :3; Okeke-Ihejirika et al, 2016). Il faut également prendre en compte une réalité : parler de la violence sexuelle est tabou en Afrique, car le système patriarcal y est toujours présent. La société africaine est conçue de telle sorte que tout type de problème se règle en famille. La prise en charge psychosociale y est quasiment méconnue. Ainsi, une immigrante africaine ayant vécu de la violence sexuelle, en raison de son

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éducation, de sa culture et de diverses autres raisons a d’énormes difficultés quant au dévoilement de ce qu’elle a eu à vivre.

1.1.2 Pertinence scientifique de l’étude

Les recherches en ce qui concerne la violence sexuelle et l’immigration africaine à Québec sont peu nombreuses. De plus, la faible proportion d’immigrantes africaines dans les services assurant une aide aux victimes d’agression sexuelle à Québec est un phénomène à prendre en considération. Toutefois, il serait complexe dans le cadre d’une maitrise de mener une recherche directement auprès des immigrantes africaines victimes de violence sexuelle vivant à Québec. Il serait d’ailleurs d’autant plus difficile de trouver cette population puisque comme nous l’avons expliqué, ces femmes ne fréquentent presque pas les structures; à cela s’ajoutent les contraintes de temps liées à la réalisation d’un programme d’étude.

Quoique, dans l’optique de mieux comprendre le phénomène de la faible proportion d’immigrantes africaines dans les services pour victimes de violence sexuelle à Québec, il serait intéressant d’étudier la RS de la violence sexuelle dans l’ensemble de la population féminine d’origine africaine à Québec. Cela permettra dans un premier temps d’avoir une idée sur la définition que les immigrantes africaines à Québec ont, par rapport à la violence sexuelle. Cette définition pourrait naturellement différer d’une immigrante africaine à une autre, en fonction du pays d’origine. Elle permettra aussi de savoir dans un deuxième temps la représentation que se font les immigrantes africaines des services offrant de l’aide aux victimes d’AS à Québec.

C’est principalement la raison pour laquelle dans cette présente étude, nous avons fait état des représentations sociales de la violence sexuelle, dans un contexte particulier qu’est celui de l’immigration; puis nous avons mené une analyse allant dans ce sens afin de connaitre la représentation sociale que les immigrantes africaines à Québec ont de celle-ci, mais aussi des ressources d’aide aux victimes de violence sexuelle.

1.1.3 Démarche documentaire

La recherche documentaire a été faite à partir de quelques bases de données à savoir : Academic Search Premier, Social Services Abstracts, Proquest, Sage Journals Online, Ariane 2.0 devenu Sophia, ResearchGate, Sage Premier 2012, Taylor and Francis CRKN Social Science and Humanities, EBSCO host Social Science Fulltext. Les mots-clés utilisés pour

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notre recherche documentaire ont été représentations sociales, immigrantes et violences sexuelles. Le concept de représentations sociales a pour synonymes : stéréotypes, idées, pensées, perceptions, impressions, descriptions, visions, opinions, conceptions, ideas, thoughts, feelings, impressions, opinions, descriptions, judgements et social representations. Le concept immigrant a pour synonymes étrangers, migrants et réfugiés, foreigners, non citizens, migrants, minorities et refugees. Enfin, le concept violences sexuelles a pour synonymes sévices sexuels, attentat à la pudeur, agression sexuelle, crime sexuel, viol, harcèlement sexuel et abus sexuel, sexual violence, sexual crime, indecent assault, rape, sexual harassement, sexual abuse, sexual assault or sexting. Outre ces recherches dans les bases de données, quelques rapports d’organismes venant en aide aux victimes d’agression sexuelle de même que des mémoires avaient également été consultés pour mieux appréhender la situation des immigrantes africaines.

1.2 Recension des écrits

Il a été démontré suite à la recherche documentaire qu’un bon nombre d’auteurs avaient élaboré des études tournant autour de notre thématique. Ces dernières ont été regroupées en quatre thèmes à savoir : la représentation sociale de la violence sexuelle, la non-reconnaissance de la violence sexuelle par la victime, la recherche d’aide des victimes et enfin, l’utilisation des services par les victimes.

1.2.1 La représentation sociale de la violence sexuelle

La représentation sociale de la violence sexuelle peut différer d’une culture à une autre, d’une éducation à une autre, d’un pays à un autre. Plusieurs études aux États- Unis portent sur la VS à l’encontre des Afro-Américaines. Nous avons pris en exemple celle de Wyatt, menée en 1992 auprès de 55 Afro-Américaines et Blanches victimes de viol. L’objectif était de connaitre les facteurs historiques liés au viol chez les femmes afro-américaines. L’auteure avait ainsi utilisé un échantillonnage probabiliste stratifié à plusieurs degrés par quotas. Les critères de sélection étaient d’être âgé de 18 ans et plus et avoir au moins passé six (06) des 12 premières années d’enfance aux États-Unis. Au total, 146 incidents de tentatives de viol ou de viol avaient été rapportés par 25% des Afro-Américaines et 20% des Blanches. Aucune différence significative entre ces deux (02) prévalences n’avait été remarquée. Cependant, sur ces 55 femmes, 33% de femmes afro-américaines et 20% de femmes blanches avaient

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rapporté que leur agresseur était un étranger. Cela suggère que les Afro-Américaines sont plus susceptibles de vivre un viol ou une tentative de viol par un étranger. Les résultats avaient également démontré que 31% de femmes blanches et 23% de femmes afro-américaines avaient eu à dénoncer leur expérience à la police ou à un centre de viol. Nous remarquons que le taux de dénonciation des femmes blanches a été 8% supérieur à celui des femmes afro-américaines chez les victimes de viol. Wyatt expliquait cette différence par le fait que la crédibilité de ces dernières était plus susceptible d’être mise en doute contrairement à celle des femmes blanches (p. 85-86). Elle ajoute que « si la crédibilité de la victime n’est pas établie sur des facteurs autres que sa race/ethnicité ou le type de crime commis », naturellement, les Afro-Américaines ne se présenteront pas à la police ou dans les autres services et ne dénonceront point leur cas de viol (p. 87).

De plus, à la suite de la VS subie, les conséquences étaient perceptibles soit sur le plan

physique, psychologique ou sur le fonctionnement sexuel. Sur le plan physique, les « blessures à divers degrés de gravité, troubles de sommeil ou de l’appétit, être infectée par

une maladie sexuellement transmissible (MST), être enceinte » ont été enregistrés auprès de 39% des Afro-Américaines, et 46% des Blanches. Sur le plan psychologique, « la peur, la colère, l’anxiété, la dépression et des préoccupations avec l’incident d’abus » avaient été identifiées dans 85% des incidents rapportés par les Afro-Américaines et 86% des incidents impliquant des femmes blanches. Du point de vue de la sexualité quelques conséquences comme « l’évitement du sexe, une diminution fréquente des activités sexuelles, la diminution du plaisir, le développement de problèmes sexuels spécifiques, l’évitement des hommes ressemblant à l’agresseur », avaient été identifiées dans 48% des incidents rapportés par les femmes afro-américaines et 55 % par les femmes blanches. Aussi, 76% des

Afro-Américaines comparées à 24 % des Blanches avaient expliqués que c’était en raison du « caractère risqué de leurs conditions de vie » (p. 84) qu’elles avaient vécu des incidents

sexuels. La prévalence de 36% chez les femmes afro-américaines et de 17% chez les femmes blanches suggère que les femmes noires étaient plus à risque de subir un viol. Cela témoigne des « mesures dans lesquelles les stéréotypes sont véhiculés dans la société » (p. 85). Pour Wyatt, les femmes noires étaient plus susceptibles de vivre une tentative de viol ou un viol, et ce de manière répétée, en raison de leurs réalités économiques et environnementales. Elle en déduit que « si le droit des femmes à être protégées dépend de la couleur de leur peau, la

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perception de la similitude du viol peut également réduire les efforts des femmes pour le prévenir » (p. 87).

Concernant le dévoilement de l’incidence, il a été ressorti que 26% des incidents chez les Afro-Américaines et 12% chez les Blanches avaient été divulgués auprès d’une personne de confiance. Mais, cette dernière n’était pas aidante ou ne savait pas comment aider. Ainsi, l’auteure expliquait le non-dévoilement de l’agression des femmes afro-américaines par une « anticipation du manque de soutien communautaire, sociétal, en raison de leur statut de victime/survivante » (p. 86). Elle avait ressorti l’hypothèse qu’« il est possible que la sensibilisation des femmes afro-américaines au viol découle non seulement de leur expérience personnelle, mais également de leur appartenance à un groupe ethnique ayant traversé une période de l'histoire américaine où leurs agressions sexuelles n'étaient pas considérées comme des crimes » (p. 88).

L’étude de Singleton et al (2018) montrait que la représentation de la violence sexuelle envers les femmes noires aux États-Unis différait de celle des femmes de l’Afrique. Elle portait sur la représentation sociale du viol et du Sida dans cinq pays de l’Afrique (Sénégal, Burkina Fasso, Nigeria, Kenya, Swaziland) entre 2005 et 2014. Les données avaient été recueillies à partir d’un concours de rédaction de scénarios. Nous considérons cette étude importante, car elle a permis d’avoir un regard critique sur la représentation que les africaines de différents pays se font de la VS. Ce qui constitue en partie l’objet de notre mémoire.

Les résultats démontraient que sur les 1 446 échantillons de narrations recueillis, 174 portaient sur le viol. Ce concept a été utilisé 1,5 fois plus par les auteurs de sexe féminin que par ceux de sexe masculin et ce, au Sénégal, Nigeria et Swaziland. Par ailleurs, la pauvreté a été reconnue par les auteurs comme facteur facilitant le viol. Les auteures (femmes) avaient été beaucoup plus explicites en décrivant le viol à travers des personnages féminins qui ne bénéficiaient plus de soutien familial ou étaient obligées d’« entretenir des relations d’inégalité (avec des employeurs) » (p. 115).

Cette étude avait également démontré que la RS face au viol et au VIH diffère d’un pays à un autre. Le concept de viol ne figurait presque pas dans les récits des auteurs burkinabés (5%). Ils ne condamnaient pas « explicitement les actions des personnages (victime ou auteur) conduisant au viol » (p. 118). Ceux provenant du Kenya, à travers leurs récits,

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soulignaient cependant une réelle victimisation à l’encontre des personnes qui avaient subi un viol. Les nigérians et une minime proportion de ceux provenant du Kenya soulignaient aussi une représentation stigmatisante du viol (habillement indécent, se rendre sexuellement disponible dans les fêtes, marchés, espaces publics, bars). Ainsi, les victimes étaient considérées comme responsables en raison de leurs mauvaises conduites. Ils décrivaient souvent le viol comme commis par plusieurs auteurs. Un des auteurs expliquait dans son récit que le traumatisme était moindre si la victime a été intoxiquée ou en état d’ébriété puisqu’il y’avait une absence de violence même si le viol subi était non consensuel.

D’ailleurs, Guimelli expliquait que la représentation « recouvre l’ensemble des croyances, des connaissances et des opinions qui sont produites et partagées par les individus d’un même groupe à l’égard d’un objet social donné » (dans Rouquette et Rateau, 1998 :2). Dans ce cas, d’autres personnes dans son entourage, voire sa communauté ou son pays, pouvait avoir cette même représentation du viol. Singleton et al (2018 :118) considéraient en ce sens le mythe du viol comme une « forme de représentation sociale ». Ce mythe, de manière générale, constitue « une ressource socioculturelle essentielle à laquelle les jeunes africains font appel pour donner un sens au viol » (Singleton et al, 2018 :118). Il est souvent confondu avec le « she asked for it myth » (p. 118) qui normalise le comportement des agresseurs et blâme la victime. Ce mythe met l’accent sur la « perception (féminine) d’un comportement inapproprié de genre ». Singleton et al disaient dans ce sens que « dans certains récits, la luxure et le désir sexuel motivaient le viol de femmes victimes; dans d'autres, la description du viol inclut la séduction » (2018 :115). Enfin, quant aux auteurs swazis et sénégalais, ces derniers mettaient l’accent sur l’impuissance de la victime face à l’agresseur, mais aussi sur une forte présence de soutien social malgré le viol et les conséquences qui pouvaient en découler comme le VIH. Entre autres, le viol avait été considéré par ces derniers dans leurs récits comme une « violation de l’intégrité personnelle » (p. 118) de la victime.

Dès lors, en raison de ces multiples représentations de la VS auprès des Africaines, ces dernières pouvaient être victimes de « stigmatisation » et/ ou de « discrimination » de la part de leur entourage (Abrahams et Jewkes, 2010 :477., Byrskog et al, 2014 :6., Singleton et al, 2018., Yohani et Okeke-Ihejirika, 2018). Les résultats de l’étude qualitative de Byrskog et al (2014) sur la violence dans les zones de conflit menée auprès des 17 immigrantes

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somaliennes en Suède avaient confirmé cette réalité. Les participantes à l’étude avaient en effet subi des viols (collectifs ou non) ou des harcèlements sexuels de la part de « soldats » ou de « milices nationaux et internationaux » (p. 4) . Les résultats démontraient que d’après les participantes, même si en Somalie les communautés étaient conscientes des actes de VS, l’attitude des membres se caractérisait par une « ambigüité » et le « potentiel volontaire de la femme était également une question à méditer » (p. 6). Or, si cela était arrivé dans leur pays d’accueil, la Suédoise d’après une participante aurait bénéficié d’un soutien social (p. 6). Une autre étude qualitative menée en Afrique du Sud par Abrahams et Jewkes en 2010 montrait d’ailleurs que 11 femmes sur 29 ont été blâmées parce qu’elles avaient subi une AS au cours de leur vie. Reste à savoir si cette stigmatisation continuait même après leur immigration vers un autre pays. En ce sens, l’étude exploratoire (qualitative) de Yohani et Okeke-Ihejirika (2018) sur l’expérience de réfugiées africaines au Canada, survivantes de violences sexuelles dans des pays en conflits suggérait que oui. Cette étude avait été menée auprès de prestataires de services de santé mentale (psychologues, travailleurs sociaux et conseillers) dont six (06) femmes (quatre africaines et deux blanches) ayant au moins cinq (05) années d’expérience dans le milieu. Ces dernières expliquaient que les victimes, en plus de la VS qu’elles avaient subie, étaient stigmatisées, voire discriminées par leur communauté et ce que cela soit avant ou après leur migration. Une participante l’expliquait en affirmant que « la perte de la pureté sexuelle est une violation d’une valeur culturelle importante dans la plupart des communautés africaines » (p. 387). Une autre expliquait aussi que certaines femmes luttaient contre la honte et intériorisaient ce sentiment de stigmatisation (p. 389). Ces femmes, arrivées au Canada étaient séparées de leur communauté et vivaient une stigmatisation à la suite du dévoilement de la VS; ce qui influe sur leur intégration (p. 388). En effet, dans la plupart des communautés africaines, « la pureté sexuelle » est un élément primordial. La représentation que certaines communautés africaines ont sur la défloration de la femme avant le mariage est négative. Elle constitue une honte non seulement pour la femme concernée, mais aussi pour son entourage (Byrskog et al, 2014., Yohani et Okeke-Ihejirika, 2018: 387). La femme n’était plus considérée comme pure, mais « usée » (Byrskog et al, 2014 :6). En raison de ces croyances, la majeure partie des victimes africaines préféraient garder le silence sur les AS (Byrskog et al, 2014 :6., Yohani et Okeke-Ihejirika,

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2018). D’après les prestataires de services de santé mentale, ce silence est un « moyen de survie physique et psychosocial dans le pays d'origine et de survie psychosociale dans le contexte de la réinstallation » (Yohani et Okeke-Ihejirika, 2018 : 389). Il est perçu comme normal, voire stratégique pour les victimes de violence sexuelle dans un pays en contexte de guerre. Les résultats de l’étude de Byrskog et al (2014 :6) cité ci-haut montraient que les compétences du système de santé, de même que du système juridique étaient limitées, donc faibles dans un pays en contexte de guerre; de même, l’aide psychologique y était méconnue (Byrskog et al, 2014 : 6). Il pouvait dès lors arriver que ce silence soit dû à une non -reconnaissance de la violence sexuelle subie par la victime.

1.2.2 La non-reconnaissance de la violence sexuelle par la victime

L’acceptation et la reconnaissance de la violence sexuelle subie varient d’une victime à une autre. L’étude comparative sur la reconnaissance du viol et des AS de Donde et al (2018) auprès de 174 femmes dans une université métropolitaine du Nord-Est américain expliquait cela. Ces auteurs avaient pris la définition du viol des US Departement of Justice et du National Institute of Justice (2016). Il était considéré comme une « pénétration orale, anale ou vaginale non consensuelle par la force, la menace de force ou d'incapacité due à l'usage de substances psychoactives par la plupart des lois des états » (p. 1720). Pour l’AS, ils avaient pris la définition de Young et Maguire (2003) qui la considéraient comme « un large éventail d'incidents de victimisation sexuelle que les gens peuvent subir, y compris le viol » ( p. 1720). Les résultats de cette étude démontraient que 75% des participantes étaient blanches ou caucasiennes. Toutes étaient victimes d’une pénétration orale, anale ou vaginale. Cette dernière a été faite soit par force et/ou accompagnée de menaces ou inconsciemment (drogues). Sur les 174 participantes, plus de la moitié, soit 89 femmes, n’avaient ni reconnu la VS subie ni le viol. Seulement 41.4% des victimes avaient reconnu avoir été victimes d’AS et 25.3% de viol (p. 1730). À travers l’analyse de la régression multinomiale multivariée, les résultats avaient spécifié que les chances de reconnaissance de l’AS augmentent si l’agresseur fait usage de sa force et si l’impact émotionnel est grand. Tandis que les chances de reconnaissance du viol augmentaient avec la présence de trois (03) variables que sont l’âge, la force de l’auteur et l’impact émotionnel. L’âge était donc retenu dans cette étude comme une variable « unique » de la reconnaissance du viol (p. 1731) car plus la femme était âgée, plus elle était susceptible de reconnaitre le viol. Deux (02) variables pouvaient y être

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ajoutées à savoir l’impact émotionnel et la force de l’abuseur. Tel n’ avait pas été le cas pour la reconnaissance de l’AS. Elle requérait une prise en compte de seulement deux (02) variables que sont la perception de l’impact émotionnel puis la force de l’abuseur. Plus l’impact était grand et plus la force utilisée était grande, plus la femme la reconnaissait. Uniquement l’utilisation de la force par l’abuseur pourrait dès lors permettre une reconnaissance du viol ou de l’AS. Cependant, sur les 89 participantes n’ayant pas reconnu l’AS ou le viol subi, 10.1% avaient déclaré ne pas être affectées émotionnellement à la suite de l’acte, et 30.3% le contraire (p. 1732). Ainsi l’hypothèse selon laquelle l’impact émotionnel permet de reconnaitre le viol ou l’AS n’était pas effective. Une autre hypothèse des auteurs était que « les femmes reconnaissent un viol ou une agression sexuelle que s’il y’avait « une pénétration sexuelle non désirée par la force, la menace de la force ou l’incapacité due à la toxicomanie » (p. 1731). Ils avaient aussi émis l’hypothèse selon laquelle, « la reconnaissance du viol peut-être plus influencée par la gravité de l’agression sexuelle » (p. 1731).

Mais, force est de constater que la reconnaissance de la VS par les femmes pouvait également différer selon le milieu. Cela a été beaucoup plus perceptible en Afrique. En effet, Odwe et al (2018) avaient mené une enquête transversale durant l’année 2015, de mai à juin, avec pour objectif d’« examiner » le lien existentiel entre les attitudes face à la recherche d’aide et la perception des hommes et des femmes de la violence sexuelle et sexiste (VSS) (p. 01). Cette étude a été menée dans un contexte humanitaire auprès de 601 chefs de ménages de réfugiés de Rwamwanja dans le sud-ouest de l’Ouganda, dont 340 hommes et 261 femmes. Les participants étaient âgés de 15 à 49 ans. Toutes les personnes qui avaient moins de 15 ans furent exclus. Ce qui a constitué un total de 599 participants à l’étude. Les résultats ont montré que les hommes (340) étaient plus enclins à diriger les ménages que les femmes (259). De plus, parmi les 599 participants, 109 avaient admis avoir été victimes de VSS (72% d’hommes et 32% de femmes) de la part de leur partenaire intime ou non (p. 06). À cela s’ajoute le fait que 22,4% d’hommes et 24,3% de femmes pensaient que la VSS était perçue comme tolérée dans leur communauté; ce qui veut dire que 77,6% d’hommes et 75,7 % de femmes la considéraient comme non tolérée. C’est en ce sens que les auteurs expliquaient que les attitudes des participants concernant la recherche d’aide pouvaient être soit progressistes (perception positive de la recherche d’aide) ou régressives (perception négative

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de la recherche d’aide). Il a été ressorti que les femmes qui considéraient que la VSS n’était pas tolérée dans la communauté étaient 2,03 fois plus susceptibles de rechercher de l’aide à la police ou dans les services de santé (p. 06).

Concernant les attitudes des participants vis-à-vis de la VSS, ces dernières pouvaient également être progressistes (non- tolérance face à la violence sexuelle basée sur le genre, elle n’est pas normale) ou régressives (tolérance face à la violence sexuelle basée sur le genre, elle est normale). Dès lors, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la proportion des hommes avec une attitude progressiste face à cette dernière était supérieure à celle des femmes (79,7%/43,6%) (p. 06). Cela signifie que 56,4% de femmes et 20,4% d’hommes toléraient la VSS. D’ailleurs, ces femmes toléraient, normalisaient la violence et la justifiaient par un mauvais comportement de leur part incitant l’homme à être violent s’il était en colère ou si elles refusaient d’avoir des relations intimes avec leur partenaire ou pour des raisons de nourriture et d’argent (p. 07). En d’autres termes, ces dernières d’une part n’étaient pas conscientes de la violence qu’elles subissaient et se considéraient comme responsables du fait de leur mauvais comportement et méritaient de subir de la violence.

En ce qui concerne les immigrantes, nous avons remarqué que leur situation était plus complexe. En effet, Bungay et al (2012) avaient mené une étude mixte dont l’objectif était de favoriser une prévention sur le VIH et les infections sexuellement transmissibles (IST/ITS) auprès des travailleuses du sexe et même de leurs clients dans l’ouest du Canada; plus précisément à Vancouver. Un total de 129 femmes a participé à cette étude dont 49 canadiennes et 80 immigrantes (50 provenaient de la chine et les 30 autres d’autres pays). Une grande partie des participantes (31 canadiennes et 75 immigrantes) à cette étude avaient déclaré avoir rencontré des clients violents qui les agressaient dans le cadre de leur travail. Les conséquences pouvaient être un « risque accru d'ITS et de grossesses non planifiées, ainsi que de blessures physiques et de traumatismes psychologiques associés aux agressions » (p. 270). Cependant, ces dernières affirmaient que cette violence faisait partie de leur réalité quotidienne professionnelle. Elles normalisaient ce qu’elles enduraient du fait de leur travail. Parmi les 129 participantes, 66 affirmaient que leurs « managers » (proxénètes) leur apportaient une grande aide comme du soutien par rapport à leur agression; ces derniers étaient en ce sens flexibles par rapport aux horaires de travail (p. 273).

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20 1.2.3 La recherche d’aide des victimes

Afin de connaitre les raisons de la non-utilisation des services d’aide des campus, Hollande et Cortina (2017) avaient mené une étude mixte auprès de 840 étudiantes âgées de 18 à 22 ans, dans une université américaine qui se trouve dans le Midwest. Les résultats avaient démontré que parmi les 284 victimes d’une AS, 139 avaient subi des contacts sexuels non désirés, 76 une tentative orale, anale et /ou une pénétration vaginale et 69 une pénétration orale, anale et/ou vaginale. L’accompagnement pour les victimes d’AS était gratuit à l’université et malgré cela elles étaient réticentes pour la recherche d’aide. Au total, quatre (04) grandes raisons avaient été enregistrées : a) l’accessibilité; b) l’acceptabilité ; c) la pertinence et d) les stratégies d’adaptation alternatives.

L’accessibilité faisait référence à l’accès aux services d’aide. Sur ce point, 33 participantes avaient signalé des difficultés d’accès en identifiant deux (02) barrières à savoir le manque de temps pour consulter les services et le manque d’informations sur les services.

Quant à l’acceptabilité, ce concept a été utilisé afin de donner les différentes raisons expliquant la non-utilisation des services d’aide des campus par les étudiantes; entre autres les « pensées, croyances et réactions affectives liées à l’agression qui rendaient l’utilisation d’un support inacceptable » (p55). Plusieurs des participantes avaient soulevé des problèmes allant dans ce sens. Ainsi, l’analyse des données avait ressorti cinq (05) sous-thèmes en lien avec l’acceptabilité: émotions (30 participantes) - conséquences (21 participantes) - caractéristiques contextuelles (63 participantes) - minimisation des impacts (82 participantes) et minimisation des comportements (167 participantes). Ces femmes n’étaient pas en mesure de faire appel aux structures d’aide parce que « leur santé mentale ou leur vie personnelle [et] sociale pouvaient en souffrir » (p56). Certaines ne voyaient pas non plus l’utilité de dénoncer cet acte et d’aller dans une structure d’aide, soit parce qu’elles ne connaissaient pas l’agresseur (il y’a de fortes chances qu’il n’y ait pas de suite par rapport à la procédure); parce que l’agresseur était une personne de leur entourage et qu’elles avaient peur des retombées que la dénonciation pourrait avoir (leur vie pourrait être en danger après la dénonciation); ou, soit parce que l’incident s’est passé hors du campus. Concernant leurs ressentis après l’acte, elles expliquaient qu’elles n’étaient pas trop traumatisées et affectées. Elles ne voyaient pas l’utilité de rechercher de l’aide si les conséquences n’étaient pas graves.

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Pour la pertinence de la recherche d’aide, les participantes affirmaient qu’elles avaient peur de ce qui pourrait leur arriver si toutefois il n’y avait pas de suite pour l’agresseur. Elles avaient peur par rapport à la confidentialité et n’étaient pas à l’aise d’en parler à des inconnues.

C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’elles étaient hésitantes à chercher de l’aide formelle. Leurs stratégies consistaient surtout à utiliser des ressources informelles ou à passer à autre chose (déni- oubli).

1.2.4 L’utilisation des services par les victimes

Weist et al avaient mené une étude en 2014 aux États-Unis sur l’expérience des femmes afro-américaines et blanches en rapport avec la VS et les services. L’objectif était d’avoir une meilleure compréhension « des besoins des afro-américaines par rapport aux blanches victimes d’agression sexuelle, de leur utilisation des services et des ressources traditionnelles en matière d’agression sexuelle et de l’utilisation de ressources alternatives » (p. 904). Ainsi, 213 femmes du Maryland dont 133 Afro-Américaines et 80 Blanches avaient accepté volontairement d’y participer. Les auteurs s’étaient cependant basés sur sept (07) hypothèses qu’ils avaient émises dans leur rapport de 2007 intitulé : « sexual assault in Maryland : the African American experience ».

Les résultats de l’étude ont démontré que concernant la première hypothèse, qui stipulait que les Afro-américaines seront plus susceptibles de vivre une AS par un étranger, les 69% connaissaient leur agresseur et les 31% restant le considéraient comme un étranger. Parmi ces dernières, les Afro-Américaines représentaient les 33% et les blanches 26%. La différence n’était que de 7%. Cette hypothèse n’était pas valide pour les auteurs (p. 908). La deuxième hypothèse stipulait que les AS à l’encontre des Afro-Américaines seraient plus intenses. L’intensité de l’AS a été mesurée sur la base des blessures subies par les victimes et l’utilisation d’armes. Les résultats ont démontré qu’elle n’était pas non plus valide car les femmes blanches étaient plus susceptibles de subir des blessures internes.

La troisième hypothèse stipulait que peu d’Afro-Américaines vont déclarer leur AS à la police. Les résultats avaient révélé que sur les 213 participantes, 105 d’entre elles n’avaient

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pas dévoilé l’agression sexuelle subie à la police. Il n’y avait pas de différence significative sur les races des participantes. Cette hypothèse n’était pas non plus valide.

La quatrième hypothèse quant à elle stipulait que les Afro-Américaines étaient moins susceptibles que les Blanches d’avoir recours aux services médicaux et psychologiques. Une mesure des traitements médicaux et psychologiques pour les victimes avait été faite à travers « le traitement médical réel recherché et reçu », l’« utilisation des centres de crise d’agression sexuelle », et l’utilisation des « services de conseil fournis par d’autres sources » (p. 909). Les résultats ont montré que 212 femmes sur 213 avaient reçu des traitements médicaux. Ainsi, aucune différence avait été notée concernant ce point. Par contre, en faisant un lien entre le niveau d’éducation et la recherche d’aide, les chercheurs avaient constaté que, comparées aux afro-américaines avec un faible niveau d’étude, les blanches avec un faible niveau d’éducation étaient moins susceptibles de mener une recherche d’aide. Par ailleurs, concernant l’utilisation des centres de crise d’AS et des services de conseil; sur les 213 femmes ayant bénéficié de ces services, on avait noté de prime abord qu’un total de 158 femmes dont 105 afro-américaines sur 53 blanches avaient déclaré ne pas avoir bénéficier de ces services. Ensuite, 123 femmes (85 Afro-Américaines sur 38 Blanches) sur 209 ayant reçu des services de counseling dans un autre site avaient déclaré vouloir recevoir de l’aide que dans un centre de crise pour AS. Enfin, 26 femmes sur 85 (18 Afro-Américaines et huit (08) Blanches) ayant bénéficié de l’aide d’un thérapeute ou d’un conseiller, avaient déclaré être moins susceptible de recevoir des services d’un thérapeute ou d’un conseiller. En somme, pour les auteurs cette hypothèse pourrait être soutenue dans la mesure où à travers cette étude, les afro-américaines avaient soulevé un certain nombre de limites concernant ces services à savoir : la non-connaissance des centres de crise aux victimes d’agression sexuelle, la perception qu’elles étaient trop jeunes au moment de l’agression pour demander de l’aide, la crainte de la confidentialité et leur préférence quant à l’utilisation du soutien familial (p. 912). Quoique, celles ayant reçu l’aide de ces différents services avaient montré une « grande satisfaction » dans leur évaluation ( p. 912).

En ce qui concerne l’hypothèse cinq (05), elle stipulait que les Afro-Américaines signaleront des obstacles raciaux et culturels quant à la recherche et l’offre des services médicaux et psychologiques après une AS. Les résultats avaient révélé que les Afro-Américaines, lors de

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leurs recherches faisaient face à des obstacles qui étaient en lien avec les limites notées dans l’hypothèse quatre (04). Les auteurs expliquaient en ce sens qu’« il n’existe aucune différence raciale dans la perception de ces obstacles » ( p. 910); et que ces différences n’étaient pas très différentes de celles présentées en 2007. Force est de constater que plus de 51% des femmes avaient attendu plus d’un an avant d’avoir recours aux centres de crises; plus de 62% avaient aussi attendu plus d’un an pour se rapprocher des services offrant du counseling et plus de 85% avaient déclaré ne pas connaitre l’existence de ces centres avant leur agression. Pour la sixième hypothèse qui stipulait que les Afro-Américaines signaleront moins de satisfaction et plus de problèmes en ce qui concerne l’offre des services psychologiques, les résultats avaient montré que sur les 85 femmes ayant bénéficié de soins psychologiques, contrairement aux 26 qui avaient déclaré être moins susceptibles de recevoir des services d’un thérapeute ou d’un conseiller, les 59 restantes avaient déclaré être satisfaites de l’offre des services. Comme explication, 93% des Afro-Américaines, et 88% des Blanches avaient évalué leurs expériences dans ces centres comme bonnes, voire très bonnes. De plus, 95% de ces mêmes participantes ont évalué l’offre des services individuels comme bonne/ très bonne (p. 910). Cette hypothèse n’était pas valide.

Et enfin, la dernière hypothèse stipulait que les Afro-Américaines seront plus susceptibles d’utiliser des ressources informelles comme la famille, les amis (es) ou les communautés religieuses pour leur aider à faire face aux conséquences de leur victimisation sexuelle. Les résultats avaient montré que ces femmes étaient plus sujettes à divulguer leur expérience d’AS à un membre de leur entourage, un (e) ami (e) ou plutôt à personne; contrairement aux femmes blanches qui le divulguait à un ami en premier. Cependant, les Afro-Américaines comme les Blanches, ne voulaient pas trop recevoir de conseils de la part de leurs communautés religieuses. Cette hypothèse était donc plus ou moins valide (p. 911).

Ainsi, à travers cette étude, nous pouvons émettre l’hypothèse que pour les femmes ayant eu l’opportunité de recevoir une prise en charge face à leur expérience d’agression sexuelle, qu’elles soient noires- américaine ou blanches, la représentation qu’elles se font des services qui sont plutôt positifs ne diffère pas selon la race.

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