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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Jugement de valeurs, affects et conceptions sur l'élaboration du savoir scientifique : à la recherche d'obstacles à l'enseignement des questions vives

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JUGEMENTS DE VALEURS, AFFECTS ET CONCEPTIONS SUR

LE SAVOIR SCIENTIFIQUE : À LA RECHERCHE D’OBSTACLES

À L’ENSEIGNEMENT DES QUESTIONS VIVES

Hélène HAGÈGE

LIRDEF, Composante : Didactique et Socialisation, Université Montpellier II

MOTS-CLÉS : SAVOIR SCIENTIFIQUE – ÉPISTÉMOLOGIE – DIDACTIQUE – CONCEPTIONS – VALEURS – FUTURS ENSEIGNANTS

RÉSUMÉ : Je tente d’évaluer les valeurs, affects et conceptions épistémologiques d’étudiants qui se destinent à l’enseignement scientifique. Les résultats suggèrent que les conceptions et les valeurs des étudiants seraient favorables pour aborder les questions vives, mais qu’ils redoutent l’erreur d’un point de vue émotionnel. J’interprète cette difficulté comme une dépendance aux certitudes, laquelle peut constituer un obstacle à l’apprentissage des questions vives.

ABSTRACT : Here, I propose a test to evaluate the values, affects and conceptions of students who intent to become science teachers, with regard to the scientific process. Results suggest that their conceptions and values are favourable to learn about vivid questions. However, the students emotionally dread error. I postulate that this difficulty can be considered as an addiction to certainty, and can be a major obstacle to vividquestions learning.

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2 1. INTRODUCTION

Les questions scientifiques socialement vives impliquent, par essence, plusieurs dimensions : scientifique, économique, sociale, morale… (Albe, 2007; Bouras, 2007). La façon dont elles sont abordées dépend des conceptions que les sujets ont de la science, autrement dit de leurs épistémologies individuelles (Albe, 2007; Bouras, 2007; Molinatti, 2007). En effet, un sujet pensant que la science produit des vérités et constitue la voie royale du progrès (pensée positiviste), accordera vraisemblablement plus de poids, plus de valeur, dans le débat aux arguments scientifiques qu’aux réserves éthiques par exemple, ou aux contraintes sociales. Ainsi, ce type de questions soulève le problème des valeurs (Albe, 2007; Molinatti, 2007), et corollairement, celui des implications affectives (Reynaud, à paraître). Dès lors, pour comprendre la façon dont les apprenants ou les enseignants réagissent par rapport à ces questions, il est important de prendre en compte leurs conceptions, valeurs et affects en relation avec leur perception de la science. Dans cette étude, je propose un test d’évaluation de ces trois paramètres.

Pour constituer ce test, nous n’avons pas puisé dans les méthodes typiques des recherches en didactique. En effet ces dernières sont traditionnellement centrées sur l’étude des conceptions, minimisant ou évinçant le rôle des valeurs et des affects, et ce dans une lignée Piagétienne. La méthodologie utilisée ici est issue des recherches en psychologie sociale. En effet, ces dernières visent à modéliser, comprendre et évaluer le comportement social des êtres humains et leurs déterminants, notamment, valeurs, conceptions (appelées « croyances ») et affects. Par ailleurs, les méthodes utilisées dans ce domaine permettent, comme nous le verrons, d’élaborer des tests standardisés et facilement exploitables pour évaluer ces déterminants.

2. PRINCIPE DE L’ÉTUDE

Les valeurs et les attitudes sont des paramètres psychologiques déterminant le comportement. Autrement dit ce sont des éléments faisant partie de ce qui motive le comportement.

Les valeurs représentent « ce qui est important pour nous ». Par exemple, un individu peut prendre parti pour le développement des nanotechnologies en faisant fi du principe de précaution, s’il accorde plus de valeur aux facteurs économiques qu’à la santé. Différents types de valeurs peuvent être distingués ; on peut vouloir défendre ce qui est beau, bon, bien, vrai ou utile par exemple (Reynaud, à paraître). Dans notre test, nous évaluons les valeurs en demandant aux individus de se positionner face à un « objet » auquel on associe un adjectif qualificatif (tableau 1).

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L’attitude par rapport à un objet correspond au type de relation que l’on a avec cet objet. Selon notre modèle, le type de relation dépend de deux paramètres : les émotions ressenties face à l’objet et la conception que l’on en a – les composants affectif et cognitif (Hagège et al., 2007b). Ces deux composants de l’attitude sont évalués de la même manière que les valeurs (tableau 1). Dans cette étude, nous nous intéressons à l’attitude vis-à-vis de différents objets épistémologiques et aux valeurs qui leur sont attribuées.

science intéressante inintéressante fausse Vraie bonne Mauvaise exacte approximative relative Absolue définitive temporaire agréable douloureuse me fait peur me fait envie

m’apaise me met en colère

Tableau 1 – Principe du test basé sur des couples d’adjectifs antagonistes

La consigne qui figurait dans le questionnaire proposé est la suivante : « Comment percevez-vous le « savoir scientifique », la « science », « l’erreur », « l’apprentissage », « l’enseignement » et la « connaissance » ? Cochez 1 case sur 5 par ligne (pour chaque paire d’adjectif). Cochez la case la plus proche de l’adjectif qui vous semble le mieux caractériser le sujet indiqué en gras. » Plusieurs tableaux sont proposés, où l’objet épistémologique est à chaque fois différent (« la science », « l’erreur »…). Les trois registres sémantiques permettent d’évaluer les valeurs d’une part et les attitudes d’autre part. Les attitudes sont modélisées comme ayant un composant cognitif (cf. les conceptions) et un affectif.

18 Les théories scientifiques sont des inventions. D’accord Pas d’accord 19 La notion d’atome est une invention. D’accord Pas d’accord 20 Les atomes existent vraiment dans la nature. D’accord Pas d’accord 21 La notion d’atome est une découverte. D’accord Pas d’accord 28 Toute théorie scientifique est susceptible d’être

remise en cause dans le futur. D’accord Pas d’accord 30 On peut dire de certaines connaissances scientifiques qu’elles sont vraies. D’accord Pas d’accord 31 Avant, il y avait des théories qui étaient fausses mais

maintenant, on tend de plus en plus vers la vérité. D’accord Pas d’accord 32 Les chercheurs n’utilisent pas leurs croyances pour

faire de la science. D’accord Pas d’accord

35 L’erreur est toujours évitée en science. D’accord Pas d’accord 38 Les scientifiques parviendront ultimement à trouver la vérité s’ils continuent de la chercher. D’accord Pas d’accord 39 La connaissance scientifique est certaine et ne

change pas. D’accord Pas d’accord

Tableau 2 – Principe du test basé sur des propositions

Les sujets doivent cocher plus ou moins près de « D’accord » en fonction de leur degré d’accord. Dans le pôle dogmatique, des propositions relèvent du réalisme (20, 21) ou du positivisme (30, 31, 32, 38, 39). Dans le pôle

valeurs

conceptions

affects

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4 En ce qui concerne les conceptions (i.e. le composant cognitif des attitudes), les adjectifs antagonistes sont choisis comme appartenant à deux pôles opposés. Ainsi, « temporaire », « relatif » et « approximatif » dénotent une position non dogmatique, tandis que leurs contraires correspondent à une vision dogmatique de la science. L’hypothèse est que l’adoption d’une vision non dogmatique permet à l’apprenant de mieux aborder les questions scientifiques vives, desquelles on ne peut attendre de certitudes. Ainsi, l’apprenant saurait qu’il peut être confronté à des savoirs scientifiques non stabilisés ou qui font débat.

Afin de mieux cerner l’épistémologie des apprenants, un deuxième test a aussi été utilisé. Ce test propose des énoncés avec lesquels le sujet doit mentionner son degré d’accord ou de désaccord (tableau 2).

Les énoncés ont été choisis comme symptomatiques d’un pôle dogmatique ou d’un pôle non dogmatique. Ainsi le positionnement des apprenants, plus proche d’un pôle ou de l’autre peut-être mesuré en fonction de leur degré d’accord avec les différents énoncés. Le thème des énoncés est basé sur des notions philosophiques qui paraissent cohérentes avec un pôle. Une vision positiviste et réaliste de la science, selon laquelle des certitudes sont attendues de la science, correspond ici au pôle dogmatique. Pour un positiviste, le savoir scientifique est composé d’unités additives d’informations et constitue une vérité « externe » à tout sujet. La notion de réalisme indique quant à elle que le savoir scientifique reflète le monde en soi, tel qu’il est (en opposition avec une vision idéaliste, qui prône que le monde n’est pas intimement connaissable). Une vision de la science idéaliste et constructiviste est assimilée au pôle non dogmatique. Selon une conception constructiviste, toute connaissance, qu’elle s’élabore au sein de la communauté scientifique ou chez un individu lambda, est liée au sujet qui connaît, donc a une nature profonde subjective (Fourez et al., 1997). Ainsi, l’opinion, les croyances et les contraintes sociales jouent un rôle dans la science et dans l’apprentissage (Bachelard, 1971; Kuhn, 1962). D’autre part, comme le nom « constructivisme » l’indique, toute connaissance est issue d’un processus de construction, qui consiste en une réorganisation qualitative de la structure initiale des connaissances (Lonka et al., 1996) et qui peut s’assimiler à un changement de conceptions (Strike and Posner, 1992). Ce test nous permet donc de mieux cibler les épistémologies des sujets (et évalue de façon complémentaire avec le test précédent les composants cognitifs des attitudes face à la science).

Revenons à présent sur le but du premier test. Nous y ciblons les attitudes et les valeurs face à la science en proposant « science » comme objet à qualifier. Cependant, pour comprendre comment des apprenants peuvent se comporter face à l’enseignement des questions scientifiques vives, nous avons également évalué leurs attitudes et valeurs face à différents « objets épistémologiques », parmi lesquels le « savoir scientifique » et « l’erreur ». Il a déjà été montré dans notre groupe, que la confrontation à l’erreur provoque en général des émotions négatives et désagréables qui ont pour

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conséquence que les apprenants n’ont pas envie d’y être confrontés (Favre, 1995). Ce point pourrait constituer un obstacle à l’apprentissage des questions scientifiques vives, desquelles on ne peut attendre de certitude. Ici les attitudes et valeurs face à l’erreur, la science, le savoir scientifique, etc. sont mises en regard pour déterminer les facteurs importants dans un tel apprentissage. Comme, selon notre modèle, elles entrent toutes en jeu dans le comportement face aux questions vives et interagissent, un critère est nécessaire pour déterminer quel facteur serait primordial. Ce critère a été inspiré des notions de systèmes de motivation de Daniel Favre (Favre, 2007). Le principe est que le comportement est avant tout motivé par la recherche du plaisir et de la sécurité affective. Deux types de motivation sont distingués. La « motivation de sécurisation » conduit à rechercher des situations connues. Elle entre en jeu dans les cas de dépendance à des comportements ou à des produits. Dans la motivation d’innovation, « le plaisir a pour origine les conduites par lesquelles un être humain gagne de l’autonomie (physique, intellectuelle ou affective), surmonte des difficultés, résout des problèmes (…) » (Ibid, p. 47). Ces accomplissements nécessitent un dépassement préalable des difficultés ; le plaisir vient après. C’est ce système de motivation qui intervient dans l’apprentissage.

La prise en compte de ce modèle conduit à considérer les affects comme des facteurs permissifs ou inhibiteurs fondamentaux des comportements, qui primeraient même sur les valeurs. Par exemple, si un apprenant considère que c’est bien de défendre ses opinions dans un débat (valeur) et s’il a peur de parler devant tout le monde (affect), il privilégiera son confort affectif et son sentiment de sécurité en n’intervenant pas (comportement). Ainsi, les affects et les jugements de valeurs pourraient entrer en conflit, avec une domination des premiers. Nous allons donc également rechercher, à travers les résultats obtenus, les facteurs affectivement sécurisants ou déstabilisants qui pourraient intervenir dans l’enseignement des questions scientifiques vives.

3. RÉSULTATS ET INTERPRÉTATION

Ce questionnaire a été proposé en janvier 2007 à 42 étudiants en Licence 3 « Sciences de la Vie, de la Terre et de l’Univers » (SVTU) se préparant à être enseignants dans cette discipline. Aucun n’avait suivi de cours d’épistémologie et de didactique auparavant. Leur âge était 21 ± 1,2 ans et ils étaient composés à 65 % de femmes.

3.1. Conceptions sur la science

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6 aux propositions indiquent que les sujets semblent majoritairement réalistes (pôle dogmatique). C’est-à-dire qu’ils pensent que la science révèle des éléments sur la structure du monde tel qu’il est. L’analyse des corrélations entre propositions laisse penser que cette vision réaliste est intimement liée avec la conception suivant laquelle la science produit des vérités. L’étude complémentaire du test basé sur les qualificatifs fournit quant à elle l’image générale que, pour les étudiants, le savoir scientifique est plutôt « vrai », « réaliste », « objectif », « universel », « réaliste », « issu de la raison » et « exact ». Par contre, de façon inattendue, certains traits à caractère non dogmatique apparaissent en même temps ; le savoir scientifique serait plutôt « relatif », « temporaire » et « créé ». L’analyse des réponses aux propositions montre qu’en majorité « le savoir scientifique peut être remis en cause » et que « l’erreur fait partie du processus scientifique ». À quoi peut être due cette contradiction apparente dans les conceptions des sujets ?

L’interprétation proposée pour ces données est que l’aspect dogmatique concerne le savoir stabilisé, qui contiendrait des vérités, tandis que les conceptions non dogmatiques s’appliqueraient aux questions scientifiques vives. Ainsi, les étudiants penseraient en majorité que le savoir scientifique peut être remis en cause, qu’il procède par essai-erreur, mais qu’une fois qu’il est stabilisé, ce sont des vérités qui sont conservées, vérités qui nous apportent des connaissances sur le monde tel qu’il est (et qui sont enseignées dans l’institution scolaire). C’est ici la notion de vérité qui semble être accommodée : elle peut être universelle, exacte, etc. pour le savoir stabilisé, mais temporaire et relative pour les questions vives. Cette différenciation entre savoir stabilisé et savoir au front des connaissances, qui nécessiterait toutefois d’être spécifiquement testée, a déjà été mise en avant par la philosophe des sciences Isabelle Stengers [(Stengers, 1987), p. 11 à 22].

Les conceptions des étudiants semblent donc plutôt favorables à l’abord des questions vives, puisque les résultats suggèrent qu’ils savent que le savoir scientifique peut être remis en cause. Cependant, sont-ils prêts à le remettre en cause eux-mêmes ?

3.2. Valeurs et affects associés aux objets épistémologiques

Pour répondre à cette question, examinons d’abord les valeurs associées aux objets épistémologiques. Les résultats montrent qu’aucun étudiant n’associe de valeur négative au savoir scientifique ou à la connaissance et que ces valeurs sont en majorité positives. Un tel résultat était attendu de la part d’étudiants se destinant à l’enseignement scientifique. Les valeurs envers l’apprentissage et l’erreur sont également en majorité positives (graphique 1). Ainsi, l’erreur est plutôt « belle », « positive », « intéressante ». Il est d’ailleurs surprenant que l’erreur soit perçue comme « positive ». À la quasi-unanimité, l’erreur et la connaissance sont « utiles ». Ces résultats indiquent que les valeurs des étudiants sont en majorité favorables à l’apprentissage des questions scientifiques vives. Notons toutefois qu’une majorité plus timorée se dégage pour désigner l’erreur

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comme « bonne ». Ce dernier point nous semble tout à fait significatif et nous l’interpréterons en discussion. 0 25 50 75 100 positive utile intéressante

bonne beau vrai bon

négative neutre positive

Graphique 1 - Répartition des réponses obtenues avec les couples de qualificatifs du registre axiologique (valeurs) concernant « l’erreur » et « l’apprentissage ».

Ici sont représentés les pourcentages de réponses en faveur d’une valeur positive (gris clair), négative (gris foncé) ou d’une absence de choix (gris intermédiaire ; les sujets ont coché la case médiane). En gras est indiqué le qualificatif du couple auquel la majorité des sujets a adhéré.

Graphique 2 – Répartition des réponses obtenues avec les couples de qualificatifs du registre

affectif concernant « la connaissance » et l’erreur ».

Pour la légende, se reporter à l’annexe.

Enfin, les réponses concernant les couples appartenant au registre affectif révèlent en majorité que la connaissance est « agréable » et « fait envie », au contraire de l’erreur qui est « douloureuse » et « fait peur », bien qu’un cinquième à un quart des étudiants ne tranche pas (Graphique 2). Ces derniers résultats mettent en évidence un obstacle affectif potentiel à l’apprentissage en général, qui peut se révéler particulièrement nodal pour aborder les questions vives.

3. DISCUSSION

Cette étude présente une évaluation des conceptions, valeurs et affects mis en jeu dans 0

25 50 75

CO_agréable CO_envieER_douloureuse ER_peur

négatif neutre positif

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8 rapide et surtout standardisée de ces paramètres. Les résultats suggèrent que les étudiants ont une vision réaliste et positiviste qui concernerait le savoir stabilisé. Cette conception positiviste est également décelée chez certains chercheurs (Molinatti, 2007). D’autres travaux menés auprès d’enseignants et d’étudiants en sciences sont parvenus à la même conclusion (Boulton-Lewis et al., 2001; Lemberger et al., 1999; Waeytens et al., 2002). Mon analyse permet aussi de mettre en évidence une contradiction apparente avec des conceptions moins dogmatiques, qui prendraient en compte le rôle de la subjectivité dans la construction du savoir (Hagège et al., 2007a), conceptions qui seraient attribuées au savoir au front des connaissances, c’est-à-dire aux questions scientifiques vives. Les valeurs concernant le savoir scientifique sont majoritairement positives et ceci n’avait pas été évalué auparavant à notre connaissance. Ces deux types de résultats indiquent la présence d’éléments psychologiques potentiellement favorables à l’enseignement des questions scientifiques vives. Par contre, l’étude du composant affectif de l’attitude face à l’erreur suggère l’existence d’un obstacle affectif majeur à un tel enseignement. En effet, dans le cadre théorique de cette étude, j’interprète cette peur de l’erreur comme une dépendance aux certitudes, qui inscrit donc la motivation d’apprentissage dans un système de motivation de sécurisation. Un tel obstacle affectif issu du statut de l’erreur avait déjà été étudié à l’aide d’autres outils (Favre, 1995). Dans l’environnement social des apprenants, constitué par l’institution scolaire ou universitaire, la charge affective négative associée à l’erreur peut être envisagée comme l’intériorisation d’une sanction sociale - la note. En effet, la norme institutionnelle est de donner « la bonne réponse » et la conformité à cette norme est sanctionnée par l’attribution d’une « bonne note ». Ce comportement normé, jugé comme bon (cf. « bonne note » et non pas « note élevée »), va être associé par l’étudiant à des valeurs explicites ce qui peut expliquer le moindre élan de celui-ci à qualifier l’erreur de « bonne » (figure 3).

Si les sujets ont effectivement tendance à être en dépendance externe (motivation de sécurisation), ils vont rechercher la bonne réponse à l’extérieur (et ont besoin, en général, que l’enseignant la leur donne pour se conforter). Dans le cas des questions scientifiques vives, et particulièrement lorsqu’elles sont socialement vives, un des buts de l’enseignement est que l’apprenant identifie les valeurs en jeu et surtout les siennes propres pour qu’il puisse se positionner de façon responsable : il faut qu’il soit en référence interne (c’est-à-dire avec un système de motivation d’innovation). Il est à noter que cette position sur les buts de l’enseignement des questions socialement vives est celle que nous partageons dans notre groupe de travail. Les buts et moyens d’un tel enseignement font en effet débat dans la communauté de spécialistes (Albe, 2007).

Nous suggérons donc que l’enseignement devrait valoriser le doute et l’erreur et les accompagner affectivement, tout particulièrement lorsqu’aucune certitude ne peut être enseignée, comme c’est le cas dans l’enseignement des questions scientifiques vives. Encourager les apprenants à s’exprimer,

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à tâtonner, en valorisant d’éventuelles non conformités à la réponse attendue, serait un premier pas. Institutionnaliser le fait que l’erreur fait partie du processus d’apprentissage, c’est-à-dire qu’il est positif de se tromper, et laisser le temps de réfléchir aux causes de ce cheminement, a déjà fait ses preuves. En effet, une expérience pédagogique menée en lycée professionnel, a montré une amélioration de la réussite scolaire, une diminution de l’absentéisme et une meilleure ambiance générale indiquant un nouveau plaisir d’apprendre (Favre, communication personnelle).

BIBLIOGRAPHIE

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- Boulton-Lewis, G. M., Smith, D. J. H., McCrindle, A. R., Burnett, P. C., et Campbell, K. J. (2001). Secondary teachers’ conceptions of teaching and learning. Learning and Instruction, vol. 11, 35-51.

Bouras, A. (2007). « Les nanotechnologies : une analyse sociale des controverses ». Actes des XXVIIIes Journées Internationales sur la Communication, l'Éducation et la Culture Scientifiques, Techniques et Industrielles, Chamonix : Giordan, Martinand, Triquet, éds. Favre, D. (1995). Conception de l'erreur et rupture épistémologique. Revue Française de

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Favre, D. (2007). Transformer la violence des élèves. Dunod (www.transformerlaviolencedeseleves.com).

Fourez, G., Englebert-Lecomte, V., et Mathy, P. (1997). Nos savoirs sur nos savoirs. De Boeck Université coll. Pédagogies en développement, 169 p.

Hagège, H., Dartnell, C., et Sallantin, J. (2007a). Positivism angainst constructivism : a network game to learn epistemology. Discovery Science, In press.

Hagège, H., Reynaud, C., Caussidier, C., et Favre, D. (2007b). New conceptualisation of

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Kuhn, T. (1962). La structure des révolutions scientifiques. Champs Flammarion.

Lemberger, J., Hewson, P. W., et Park, H.-J. (1999). Relationships between prospective secondary teachers’ classroom practice and their conceptions of biology and of teaching science. Science

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10 ANNEXES

Statistiques descriptives des items de registre axiologique associés à l’erreur (ER), à la connaissance (CO), au savoir scientifique (SS) et à l’apprentissage (AP) et des items supposés

affectifs liés à l’erreur et à la connaissance.

item registre couple objet moyenne écart-type gauche % neutralité % droite %

1 V négative - positive CO 1,47 0,67 0 9,30 90,70 2 V laide - belle CO 1,53 0,74 0 13,95 86,05 3 V mauvaise - bonne CO 1,21 0,77 0 20,93 79,07 4 V inintéressante - intéressante CO 1,65 0,57 0 4,65 95,35 5 V inutile - utile CO 1,72 0,59 0 6,98 93,02 6 V laid - beau SS 1,07 0,75 0 23,26 74,42 7 V mauvais - bon SS 1,05 0,75 0 25,58 74,42 8 V inutile - utile ER 1,77 0,61 2,33 2,33 95,35 9 V inintéressante - intéressante ER 1,55 0,55 2,33 2,33 95,35 10 V mauvaise - bonne ER 0,51 1,24 16,28 34,88 48,84 11 V négative - positive ER 1,16 0,90 2,33 25,58 72,09 28 V mauvais - bon AP 1,53 0,70 0 11,63 88,37 29 V laid - beau AP 1,30 0,89 2,33 20,93 76,74 30 A douloureux - agréable CO 1,05 1,09 6,98 20,93 72,09 31 A fait peur - fait envie CO 1,05 1,23 6,98 30,23 62,79 32 A douloureuse - agréable ER -1,19 0,85 76,74 20,93 2,33 33 A fait peur - fait envie ER -1,14 0,80 74,42 25,58 0

Ici sont reportés les items identifiés comme relevant des valeurs (items 1 à 11, tableau 1), ainsi que les items associés à l’apprentissage (28 et 29). Une ACP (non montrée), réalisée avec l’ensemble des items relevant a

priori du registre V présentés ici, indique un seul axe majoritaire (expliquant 32 % de la variance). Ces treize

items ont une coordonnée supérieure à 0,4 sur cet axe. De plus figurent quatre items du registre a priori affectif (30 à33).

Figure

Tableau 1 – Principe du test basé sur des couples d’adjectifs antagonistes
Graphique 1 - Répartition des réponses obtenues avec les couples de qualificatifs du registre  axiologique (valeurs) concernant « l’erreur » et « l’apprentissage »

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