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Aspects psycho-sociologiques de la discontinuite entre générations en milieu québécoise

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UL

L I U

FACULTE DES SCIENCES DE L'EDUCATION

THESE PRESENTEE

A L'ECOLE DES GRADUES DE L'UNIVERSITE LAVAL

PCUP. OBTENIR

LA MAITRISE EN SCIENCES DE L'EDUCATION PAR

GUY LAFONTAINE

ASPECTS PSYCHC-SOCIOLOGIQUES £E.Jé ^CONTINUITE ENTRE GENERATIONS

EN MILIEU QUEBECOIS

NOVEMBRE I972 /

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entre adultes et adolescents et en particulier entre parents et enfants. Nous voulons par cette recherche jeter un peu de lumière sur ce problè-me de la discontinuité générationnelle en essayant de résoudre quelques questions aptes à nous aider dans notre travail professionnel futur,car( se définir comme éducateur, s'est se poser au coeur même de l'écart en-tre les générations.

Les questions que nous nous posons touchent à la nature et â 1' existence de la discontinuité générationnelle, à son étendue et à la perception que les jeunes et les adultes en ont,

A travers ces questions, il s'agit de comparer les adolescents aux adultes, au niveau de leurs perceptions et de dégager par contraste certaines tendances psychologiques et sociales pouvant caractériser l'a-dolescent de notre société québécoise.

Nous sommes conscients de tout ce qu'implique un tel sujet, mais nous le sommes encore plus de nos limites et de celles inhérentes à un tel travail. En définissant la discontinuité générationnelle comme ob-jectif de notre recherche, nous avons voulu mettre de côté l'aspect ten-sion et conflit qui peut survenir à la suite d'un désaccord entre deux personnes ou deux groupes0 Quand nous employerons l'expression " conflit des générations", ce sera donc dans son sens très large.

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Nous nous en tenons dans le corps de ce travail à l'analyse du désaccord entre générations, sans toucher à la conception socio-psycho-logique qui nous amènerait à parler de frustration et d'explosion d'a-gressivité.

Nous analyserons des valeurs fondamentales et des attitudes de base en laissant de côté toute valeur instrumentale et tout comporte-ment, croyant éviter ainsi de discuter de situations éphémères qui

changent selon les époques et qui n'atteignent pas le coeur du désaccord.

Ce travail s'inscrit dans une recherche plus vaste dirigée par KM, Pierre - W, Bélanger et Guy Rocher, sociologues, recherche qui a pour titre: " Aspirations et orientations scolaires et professionnelles des étudiants du secondaire et du collégial et le début de leur carriè-re de travail", ( ASOPE, 1970-1977)

Nous tenons à remercier M, Pierre - W, Bélanger qui a bien vou-lu diriger notre travail au niveau de la recherche théorique et de la méthodologie, ainsi que M. Wilfrid Bilodeau, psychologue, qui nous a assisté de ses conseils dans l'élaboration et la rédaction de cette thèse, comme ce-directeur.

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Page

PREFACE iii LISTE DSS TABLEAUX viii

INTRODUCTION 1 Chapitre

I. CADRE CONCEPTUEL DE REFERENCE 6 1- Le concept de generation • • • • • • • * 7

2- Theories sur le conflit des générations 10 3- Les valeurs • « , , 23

4- Argumentation centrale de la thèse . , . . . . , . . . 30 5- Hypothèses . 32

II. METHODOLOGIE 36 1- Description de l'échantillon . . . , . . , . , . . . . 37

2- Méthode d'analyse de la discontinuité • * • , , . , . • 39 3- Regroupement des données • • • • • • • 41

4- Approches statistiques • • • • • • • • • 41

IIIo PERCEPTION DSS VALEURS ET DE L'ETENDUE DE LA DISCONTINUITE

GENERATIO.niELLE » . . . 43 1- Perception des valeurs . . . . . . o * . 44

2- Hiérarchie des valeurs • • • , * • • • • • • 44

3- Mesure de la discontinuité â partir des valeurs , • • • 52 4- Conditions qui influencent la discontinuité 0 • 0 • . • 54 5- Perception de la discontinuité générationnelle • • • • • 64 6- Mesure de la perception de la discontinuité générationnelle 64

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IV. CONCLUSION

?8

REFERENCES 90

ANNEXE A 95

ANNEXE B 101

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valeurs suivantes, selon leur ordre d'importance . . 44 TABLEAU 2 - Pourcentage de jeunes qui adhèrent fortement aux

valeurs suivantes, selon leur ordre d'importance . . 46 TABLEAU 3 - Pourcentage d'étudiants qui sont en désaccord avec

leurs parents au sujet des valeurs suivantes • • • • 52 TABLEAU 4 - Pourcentage de garçons et de filles qui sont en

dé-saccord avec le3 valeurs de leurs parents • • • • • 54 TABLEAU 5 - Pourcentage d'étudiants, par niveau ds scolarité,

qui sont en désaccord avec leurs parents au sujet

des valeurs suivantes • • • • • • • • . « 5 7 TABLEAU 6 - Pourcentage d'étudiants, selon l'occupation du

p^re, qui sont en désaccord avec leurs parents

au sujet des valeurs . , . . * , , . . , . 58 TABLEAU 7 - Pourcentage d'étudiants, selon la structure du

pouvoir, qui sont en désaccord avec leurs parents

au sujet des valeurs 62 TABLEAU 8 - Pourcentage d'étudiants qui sont en désaccord avec

leurs parents au niveau do la perception de

l'éten-due de la discontinuité générationnelle 64 TABLEAU 9 - Pourcentage de garçons et de filles qui 3ont en

désaccord avec leurs parents au niveau de la per-ception de l'étendue de la discontinuité

généra-tionnelle o 67 TABLEAU 10 -Pourcentage d'étudiants, selon le niveau de

scola-rité, qui sont en désaccord avec leurs parents au niveau de la perception de l'étendue de la

dis-continuité générationnelle • • • • • • 68 TABLEAU 11 - Pourcentage d'étudiants, solon l'occupation du père,

qui sont en désaccord avec leurs parents au niveau de la perception de l'étendue de la discontinuité

générationnelle • • • • • • • • • • • 72 TABLEAU 12 - Pourcentage d'étudiants qui se disent en désaccord

avec leurs parents dans la perception du conflit

des générations selon le style d'autorité familiale , 73

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fance à partir des travaux de Freud et de ses disciples.

Si dans l'histoire de la psychologie et de la sociologie, l'a-dolescence a été étudiée bien après l'enfance, ce n'est pas dû au

ha-sard, La raison profonde est que l'adolescence n'existe pas dans toutes les sociétés. C'est le cas des sociétés primitives où la période puber-taire est accompagnée de rites d'initiation qui visent â l'intégration a la société adulte. Ce passage â l'âge adulte s'effectue brusquement et n'est précédé le plus couvent que d'un bref apprentissage des élé-ments essentiels de la vie adulte. La brièveté de la durée moyenne de la vie, l'abondance et le poids des travaux manuels requis pour la sur-vivance, exige l'incorporation au monde adulte des jeunes pubères.

Dans les sociétés occidentales, au contraire, s'instaure un dé-lai de plus en plus long entre la puberté et la vie adultei c'est l'ado-lescence que Charlotte Buhler ( 1933) définit comme suit: " Youth is an in-between period beginning with the achievement of physiological matu-rity and ending with the acquisition of social matumatu-rity, that is with the assumption of the social, economic, and legal rights and duties of the adult".

D'une part, la prolongation de la durée moyenne de la vie et le progrès technique concourrent a rendre moins urgente l'association des jeunes aux activités preductrices des adultes. D'autre part, les tâches

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professionnelles requièrent une formation plus longue et entraînent la prolongation progressive de la scolarisation. Au début, l'adolescence était un phénomène essentiellement "bourgeois puisqu'il n'y avait qu'un groupe privilégié de jeunes qui étaient scolarisés. Aujourd'hui, avec la scolarisation obligatoire, on peut dire que tous les enfants des pays industrialisés passent par l'adolescence.

Ces dernières années, le taux croissant de la natalité a fait augmenté rapidement le nombre d'adolescents. Vivant dans des villes et ayant de nombreux moments de liberté, ils se sont peu à peu regroupés en gangs pour occuper leurs loisirs, La société les a aussi réunis dans des institutions scolaires gigantesques appelées polyvalentes. Regrou-pés par âge, les adolescents ont commencé à sentir' leurs forces comme groupe social distinct des adultes. Ils ont pris conscience de leurs problèmes, de leurs difficultés, de leurs désirs. Une mentalité de ba-se s'est structurée peu à peu à partir de ces groupes et a donné nais-sance à une culture " jeune " ou plutôt à plusieurs sous-cultures ado-lescentes.

Le terme sous-culture est utilisé d'après Yinger ( 1970), to point to the normative systems of groups smaller than a society, to give emphasis to the ways these groups differ in such things as language, values, religion, diet, and style of life from the larger society of which they are a part. Perhaps the most common referent in this usage is an ethnic enclave ( French Canadians in Maine) or a region ( the sub-culture of the South), but the distinctive norms of much smaller and more temporary groups ( even a particular friend-ship group) may be described as a subculture.

Lorsque le groupe est en conflit avec la culture globale, Yin-ger ( 1970) préfère lui donner l'appellation de " contra-culture ", le

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L'apparition des sous-cultures et des contra-cultures serait due', selon Gottlieb ( I963)• au besoin de consistence cognitive que les

jeunes ressentent face à un monde différent d'eux. Par exemple, le jeu-ne, face au vêtement, recherche telle valeur, et ses parents, telle au-tre valeur. Il y a alors dissonance cognitive, pour employer l'expres-sion de Festinger ( 1957), et le jeune va essayer de réduire cette dis-sonance en se regroupant auprès de jeunes qui pensent et agissent com-me lui et qui ont les mêcom-mes besoins que lui.

C'est a ce niveau, que le jeune entre souvent en conflit ou en opposition avec l'adulte, car ce dernier voudrait parfois le motiver pour qu'il agisse selon certains besoins " d'adulte " et non selon ses besoins de " jeune ". Le système hiérarchique des besoins de Maslow

( 19^3 ) est éclairant sur ce point. Un jeune, par exemple, qui cherche a répondre â ses besoins d'affiliation ( affiliative drives), n'est pas toujours motivé au même moment par un besoin de connaître ( cognitive drives). Des catégories plus fondamentales de besoins ( love and belong-ing) doivent être satisfaits avant des catégories plus élevées ( know and understand) selon la hiérarchie des besoins de Maslow.

Si cette hiérarchie des besoins engendre des conflits entre jeunes et adultes, qu'en sera-t-il au niveau des valeurs qui se déga-gent de ces besoins?

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différents des adultes, qu'ils se réunissent en groupes pour répondre à certains de leurs besoins, et que ces groupes participent au proces-sus de socialisation de l'adolescent, jouant alors un rôle complémentai-re et parfois concurcomplémentai-rent a celui de la famille.

Nous nous intéresserons plus particulièrement dans cette recher-che a vérifier si les adolescents ont le même cadre de référence que leurs parents au niveau de certaines valeurs en mesurant la disconti-nuité qu'il y a entre leur perception des valeurs et leur perception de l'étendue du fossé générationnel.

Notre perspective se situera d'abord à l'intérieur de la socio-logie de la jeunesse pour étudier les rapports et les interactions que des étudiants du secondaire et du collégial ont avec leurs parents à

l'intérieur de l'institution sociale qu'est la famille.

L'écart qui s'est creusé entre, d'une part, la socialisation par la famille et par l'école et, d'autre part, l'évolution de l'ensem-ble du système social, a entraîné chez les adolescents et les adultes, le sentiment de l'existence d'une discordance entre les générations, selon Rosenmayr ( 1972). Cette cassure a son origine profonde dans la société elle-même qui a vu se transformer sa capacité de socialisation,

La perspective psychologique qui suivra ne pourra être séparée, ici plus qu'ailleurs, du contexte sociologique qui lui sert d'objet. Elle nous permettra de tracer les tendances générales des adolescents qui ont participé â notre recherche.

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nous permettra de dégager un cadre théorique a partir duquel nous pour-rons définir les concepts de génération, de valeur, de rébellion filia-le et de désengagement» Nous construirons notre argumentation centra-le à partir des théories analysées plus tôt, nous définirons nos hypo-thèses et nous choisirons parmi les recherches empiriques étudiées, les variables qui nous semblent les plus importantes pour notre travail. Suivra ensuite la description du cadre méthodologique qui nous donne-ra les instruments nécessaires à l'analyse de nos données. Nous expo-serons nos résultats, les analyexpo-serons et les interpréterons dans un troisième chapitre. En conclusion, nous tenterons de dégager les gran-des lignes qui ressortent de notre travail, de présenter une synthèse du problème analysé, et de suggérer une politique d'action éducative appropriée au problème rencontré.

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CHAPITRE I

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que générale. Notre revue de la littérature nous amènera a définir le concept de génération et de valeur et nous permettra d'analyser quel-ques théories d'auteurs qui se sont spécialisés dans l'étude de " Gene-rational Gap", Nous en tirerons ensuite notre cadre conceptuel de réfé-rence, en dégageant les variables dont nous nous servirons dans notre étude, et en formulant les hypothèses qui dirigeront notre travail,

LE CONCEPT DS GENERATION

Le concept de génération a subi une importante évolution au cours des âges. Depuis l'Antiquité, il a toujours été pris dans un sens biologique, donc généalogique. Puis, au 19 ème siècle, on a développé un concept social et historique des générations qui comprenait â la fois la structure des sociétés et celle de l'histoire. Une génération est a-lors une variation humaine et chaque génération manifeste une certaine attitude vitale ( Ortega y Gasset, 1968),

On en est ensuite arrivé à donner deux définitions de ce con-cept. L'Ecole positiviste ( Bengtson, 1970) lia le mouvement de l'his-toire au fait que les personnes grandissent dans une période marquée par les mêmes événements sociaux. Une nouvelle génération se lève avec la régularité prévisible à tous les 25 ou 30 ans et produit une ère historique identifiable qui sert de lien dans la chaîne du progrès.

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8

L'Ecole romantique définit les générations, non pas en terme de temps qui passe, mais en terme de partage commun des expériences d* une façon purement qualitative. Une génération est donc définie par un " shared geist ", un " esprit partagé " d'une ère qui colore tous ses produits et est, en un sens, indépendante du temps historique. Une gé-nération dure donc aussi longtemps qu'une forme d'expression prévaut.

Nous croyons que le concept de génération doit garder de l'Eco-le positiviste l'idée que l'Eco-les mêmes événements sociaux marquent l'Eco-les per-sonnes qui grandissent dans cette période, et que ce partage commun des expériences donne un certain esprit de corps, comme l'entend l'Ecole romantique.

Si nous appliquons ces définitions à l'adolescence, nous voyons que ce terme doit se référer a l'âge, car l'adolescence est la période où l'individu laisse le monde de l'enfance pour se préparer à sa vie d'adulte. Ce temps de maturation rapide est rempli par des événements biologiques et psychologiques qui marquent les jeunes et qui leur don-nent un esprit commun qui les différencie des autres groupes d'âge. Le concept de génération ainsi compris peut alors devenir utile dans l'a-nalyse de phénomènes culturels.

Mais en plus de la dimension temporelle, Bennet M. Berger (i960) suggère de compléter la notion de génération en ajoutant des variables structurales qui localisent le groupe d'âge dans une occupation ou fonc-tion précise. C'est ainsi que pour deux groupes d'adolescents dont les uns sont ouvriers et les autres étudiants, en aura une même dimension temporelle révélant une certaine maturité physique par exemple, que la

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Il est bien connu que la conscience générationnelle de la jeu-nesse n'est pas assez forte en général pour lier ensemble étudiants et jeunes travailleurs. La différence psychologique entre travailleurs et étudiants du même âge s'explique par le fait que le jeune travailleur doit lutter très tôt avec les problèmes de la vie et qu'il y investit beaucoup d'énergie. Il devient responsable de lui-même et parfois des membres de sa famille, sur le plan financier. A dix-sept ou dix-huit ans, il est un jeune adulte, préoccupé d'améliorer son sort.

Par contre, l'étudiant peut être encore dépendant de 6es pa-rents sur le plan financier à vingt-cinq ans et ressentir une certaine irritation de cette situation. Contrairement au jeune travailleur, il provient souvent d'une classe assez aisée sur la plan matériel. Ses é-tudes lui donnent l'occasion et le temps de réfléchir et de discuter de grands thèmes généraux tels que la justice et la paix, et de juger les adultes et leur société » Ces considérations morales de-viennent alors le moyen de condamner les plus vieux et l'instrument de la lutte des générations.

Enfin, nous pourrions dire que les jeunes travailleurs sont en-gagés dans la lutte des classes et les étudiants dans le conflit des générations. Voilà pourquoi ce sont les étudiants qui retiendront notre attention dans l'étude de la discontinuité générationnelle et dans le choix des auteurs qui ont traité le sujet.

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THEORIES SUR IS CCNFLIT DSS GENERATIONS

Nous croyons que les théories de ceux qui ont traité du conflit des générations peuvent se ramener â deux modèles d'analyse de ce conflit mis en lumière par Friedenberg ( 19&9 )• L e premier modèle répond à la question! " Qui devrait conduire? " et il se caractérise par la rébellion filiale. Le deuxième modèle répond au mot d'ordre suivant: " Quittons la barquei " Il se manifeste par le désengagement.

LA RB3SLLICN FILIALE

Nous parlons de rébellion filiale quand les jeunes veulent rem-placer les plus vieux dans la société, parce qu'ils se sentent supérieurs a leurs aînés. Ils veulent conduire les destinées de la société avant que l'incompétence de leurs aînés ne la conduise à la ruine.

Quatre auteurs surtout semblent avoir mis en relief cette pre-mière tendance chez les jeunes. Le premier, Kingsley Davis ( 1940 ), dans une étude théorique, part d'une comparaison entre notre culture et celles d'autres régions où la jeunesse est plus docile que rebelle, et en arrive à se demander quels sont les facteurs particuliers à notre société qui nous occasionnent de tels conflits avec les jeunes. Sa ré-ponse est faite d'une distinction entre les facteurs universels dans les relations parents-enfants et les variables, qui diffèrent d'une so-ciété à l'autre. Pour lui, le conflit entre groupes est inévitable à cause des trois constantes universelles suivantes: ( 1 ) le cycle de base de la naissance. Quand l'histoire de la famille est marquée par un rapide changement social, il se produit un écart entre les

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généra-tions, ( 2) Le taux décroissant de socialisation avec la venue de la maturité. Ce ralentissement est dû à la fois à l'âge et au caractère cumulatif de l'expérience sociale, ( 3 ) les différences intrinsèques sur le plan physiologique: l'adolescent est en train d'atteindre sa pleine capacité physique alors que l'adulte est en train de la perdre à mesure qu'il vieillit, La société élimine la compétition entre jeunes et vieux en se servant des positions sociologiques comme agent neutra-lisant. Mais la compétition inter-âges se produit de plus en plus alors qu'on met l'accent sur le potentiel de la jeunesse tout en ne lui don-nant pas la possibilité de se manifester. Sur le plan psycho-sociolo-gique, il souligne le réalisme pratique de l'adulte face à l'idéalisme théorique du jeune. Sur le plan sociologique, l'autorité parentale et le pouvoir de situation mettent le jeune en position d'infériorité et favorisent les occasions de révolte.

Les quatre variables majeures de Davis sont les suivantes: (l) le taux de changement social, (2) l'augmentation de la complexité de la structure sociale, (3) le degré d'intégration dans la culture et (4) la rapidité de la mobilité dans la structure et sa relation aux valeurs culturelles. Ces variables donnent aux constantes universelles, qui sont fortement ancrées dans la génération biologique, une signification socio-politique.

L'article de Davis est un classique dans l'étude du conflit pa-rents-enfants. Le point de vue anthropologique sur lequel il se base pour distinguer entre les constantes et les variables lui procure un mo-dèle d'analyse et de compréhension du phénomène qui, â mon sens,

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renfer-12

me les éléments essentiels.

Il y a danger cependant de considérer le taux décroissant de socialisation avec la venue de la maturité comme un phénomène absolu et inévitable qui empêcherait l'adulte d'évoluer et de se transformer en même temps que l'adolescent, selon les circonstances. Dans une so-ciété orientée vers le changement continuel, il n'existe plus de statut d'adulte " arrivé ", L'adulte doit acquérir sans cesse des connaissances complémentaires, revisées ou nouvelles, pour s'adapter aux changements technologiques et aux mutations de valeurs. Une théorie de la socialisa-tion devrait en arriver à parler de puberté non seulement pour l'adoles-cent mais aussi pour l'adulte qui découvre un nouvel aspect de son iden-tité.

Pour sa part, Kenneth Keniston ( 1968 ) a observé une douzaine de jeunes radicaux, engagés dans le National Office of Vietnam Summer,

Il a interviewé ces garçons et filles d'une vingtaine d'années sur leur engagement politique et sur leurs relations avec leurs parents. Keniston a trouvé qu'il y avait continuité chez ces derniers avec les valeurs centrales reçues par l'éducation familiale. La discontinuité se manifes-tait au niveau des valeurs formelles, au niveau des moyens concrets, pratiques pour réaliser les valeurs centrales. Les valeurs centrales sont pour lui des hypothèses de base concernant ce qui est désirable dans les relations humaines, dans les sentiments et les motifs. De tel-les valeurs _ honnêteté, déférence, succès, bonté, - sont plus souvent implicites et s'expriment en comportements plutôt que d'une façon for-mellement articulée. Les valeurs formelles sont des énoncés plus

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intel-lectuels concernant les attitudes envers la société plus large, les convictions religieuses formelles et les croyances politiques articu-lées,

Keniston, en centrant son étude sur les jeunes radicaux, dépas-se les généralités de Davis pour nous apprendre quelque chodépas-se de nou-veau. Les radicaux ne sont pas en rébellion contre toutes les valeurs de leurs parents, mais uniquement au niveau des valeurs formelles. Nous trouvons que cette distinction aurait eu avantage à être définie plus précisément et appliquée â l'intérieur de son ouvrage. Une meilleure 0-pérationalisation faciliterait son utilisation dans des recherches futu-res.

Dans son exploration des racines de la protestation étudiante, Richard Flacks ( I967 ) constate dans ses entrevues avec une centaine d'étudiants, garçons et filles de la région de Chicago, que les activis-tes partagent tout un complexe de valeurs avec leurs parents, tout com-me les jeunes radicaux de Keniston ( 1968), L'activiste vient de famil-le à statut éfamil-levé et est éduqué dans un styfamil-le de relation familiafamil-le dé-mocratique où les relations interpersonnelles et égalitaires et un haut degré de permissivité favorisent l'auto-discipline. C'est pourquoi les activistes trouvent très difficile de s'adapter aux attentes institution-nelles requérant soumission â l'autorité, respect des distinctions entre statuts et haut degré de compétition. Ils se sentent isolés dans la so-ciété et se révoltent non contre les valeurs de leurs parents mais con-tre un système qui n'appuie pas ces valeurs dans lesquelles ils ont été éduqués•

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Les jeunes activistes ne démissionnent pas face à ces

diffi-cultés. Ils veulent libérer la société de son conformisme, de son in-personnalisne et de son esprit de compétition. Nous croyons que cet é-tat d'esprit se retrouve de plus en plus chez la jeunesse d'aujourd'hui.

Lewis Feuer ( 1969 ) s'attaque à l'analyse des mouvements étu-diants dans une perspective psycho-historique. Il dégage deux sources de motivation dans l'histoire de ces mouvements! (1) l'amour du peuple et (2) la révolte des générations. Il nous décrit ces mouvements comme porteurs d'une haute éthique de reconstruction sociale et d'altruisme et en même temps comme incubant en eux un élément irrationnel qui pro-duit les germes de leur destruction et trahit leurs idéauxt la violence et l'humiliation dirigées contre les générations adultes.

Les mouvements étudiants sont, d'après la psychanalyse, un rejet du père, sais pour Feuer, ils ne sont pas un ingrédient néces-saire pour réaliser un changement social de base, car il y a eu des chan-gements révolutionnaires qui se sont faits sans le conflit des généra-tions. Il cite conme exemple la Guerre Civile aux Etats-Unis.

Les mouvements étudiants surgissent dans des sociétés géronto-cratiques ou les plus vieux possèdent une sonne disproportionnée de pou-voirs et les jeunes, s'y sentant inutiles, critiquent les plus vieux en leur disant qu'ils ont failli à la tâche et, rêvant d'une juvénocratie, ils se révoltent en espérant les remplacer, pour satisfaire ainsi à des

impulsions agressives.

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étu-diants sont aujourd'hui la principale expression du conflit des géné-rations. Cependant, Feuer se distingue de ses confrères, en ce qu'il analyse le conflit des générations uniquement au niveau de la société, alors que les deux autres auteurs mettent l'accent sur les relations parents-enfants et indiquent plus précisément où se situe le conflit.

De plus, Feuer semble caractériser les mouvements étudiants a partir de quelques leaders étudiants radicaux ayant une tendance au suicide et au terrorisme pour donner à ces mouvements une signification " nihiliste ", Tout mouvement social attire une variété de personnalités mais seulement quelques-unes d'entre elles réussissent à marquer le mou-vement de leurs prédispositions psychologiques et sociales particuliè-res.

Ces remarques s'adressent aussi aux études de Keniston (1968) et de Flacks ( 1967 ) qui nous présentent des radicaux psychologique-ment sains, ayant eu de bons parents, plus idéalistes que nihilistes, plus réformistes qu'apocalyptiques, selon l'expression de Robert Endle-man ( 1972 ) , mais qui ne décrivent pas l'ensemble de ce qu'il est con-venu d'appeler les Radicaux,

En somme, d'après les auteurs que nous venons de mentionner, les jeunes qui se rebellent contre le Père ( que ce s0it les parents ou la société), constituent une partie importante de la jeunesse, La société, d'après Feuer, semble avoir toujours connu ce type de rébellion visible qui favorise à long terme, malgré d'apparentes contradictions, la so-cialisation des jeunes. En effet, en cherchant à défaire les plus vieux sur leur propre terrain, la jeunesse embarque dans le jeu et le perpétue.

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LE DESENGAGEMENT

Ce deuxième modèle décrit les jeunes qui se désengagent face à la société et face à leurs parents. Nous distinguerons deux degrés de.désengagement. Le plus faible désengagement se caractérise par le rejet des modèles que les parents essaient de transmettre aux jeunes â l'intérieur d'une socialisation progressive. Le désengagement total re-jette les valeurs de base de la grande société et ses adeptes lancent un défi réel pour la continuité sociale,

Margaret Mead ( 1970), dans une étude théorique, nous démontre l'existence d'une discontinuité entre parents-enfants en retraçant l'é-volution des trois types de culture qui reflètent l'histoire de notre époque: la culture postfigurative, d'une époque révolue, dans laquelle les enfants étaient instruits avant tout par leurs parents; la culture cofigurative, d'un passé plus récent, dans laquelle les enfants comme les adultes apprennent de leurs pairs; et la culture préfigurative,dans laquelle les adultes tirent aussi des leçons de leurs enfants, les rô-les dans la socialisation étant inversés.

Le conflit entre générations est pratiquement absent d'une cul-ture postfigurative dans laquelle le changement est si lent et imper-ceptible que le passé des adultes façonne l'avenir de chaque génération qui monte.

Dans les cultures cofiguratives, les aînés gardent une situation de pouvoir en définissant les limites à l'intérieur desquelles la cofi-guration peut s'exprimer dans le comportement des jeunes. Dans cette

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culture, l'expérience de la jeune génération est assez différente de celle de ses parents. La première rupture avec le style parental se produit en liaison avec l'éducation. Lorsque les jeunes sont nombreux, ils deviennent des modèles les uns pour les autres et, rejetant dans leur nouveau milieu les modèles de comportement adulte, ils traitent professeurs et administrateurs comme des membres ennemis qu'il convient de déjouer et non pas d'imiter. Mais lorsque le nombre d'étudiants est faible, c'est le comportement de la majorité adulte qui l'emporte,

La génération des adultes dans la culture cofigurative suppose qu'il existe encore un consensus sur les transcendantaux tels que le bon, le vrai, le beau, que la nature humaine est immuable et qu'elle possède des manières innées de percevoir, de penser et d'agir. De tel-les croyances sont,pour Mead, incompatibtel-les avec tel-les découvertes an-thropologiques des dernières années. Les découvertes scientifiques et technologiques affectent le caractère culturel des peuples et ce sont les jeunes qui, grâce à leur plasticité, en sont les plus affectés, de telle sorte qu'ils peuvent dire à leurs parentst " Vous n'avez jamais été jeune dans le monde où, moi, je suis jeune, et vous ne le serez jamais". ( Mead, 1971 )

Les jeunes sont alors amenés a rejeter tout modèle parental pour découvrir par eux-mêmes leurs propres modèles sans l'assistance des parents ou des pairs. C'est l'avènement d'une culture

préfigurati-ve qui, selon Margaret Mead, commence à s'instaler dans nos sociétés.

Margaret Mead doit penser aux sociétés primitives qu'elle con-naît bien lorsqu'elle parle de culture postfigurative. Ce genre de

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so-18

ciété n'a jamais existé d'une façon aussi amplifiée dans les sociétés occidentales et ces dernières n'ont jamais été protégées contre le con-flit générationnel, comme le mentionne Feuer, même si ces sociétés é-taient traditionnalistes. Le fossé entre générations existait alors, ne serait-ce que sous la forme des trois constantes universelles dont par-le Davis ( 1940),

Quant â la culture préfigurative, nous sommes d'accord pour af-firmer qu'aujourd'hui les parents peuvent apprBndre et ont besoin d'ap-prendre de leurs enfants et adolescents l'adaptation au changement. Mais cela n'exclut pas, et Margaret Mead semble l'oublier, la possibilité que les jeunes peuvent continuer d'apprendre certaines choses de leurs parents et de leurs pairs. Les rôles de socialisateur se jouent dans les deux sens.

Deux valeurs essentielles, en particulier, devront toujours ê-tre apprises des parents par leurs enfants: c'est la confiance et l'a-mour vécus à travers le climat familial. Margaret Mead le suggère elle-même d'ailleurs lorsqu'elle parle d'un nouveau moyen de communication a inventer, pour qu'au-delà des perceptions différentes du monde, parents et enfants puissent dialoguer. C'est le sens de l'identité de l'adoles-cent qui en dépend comme le souligne. Erickson ( 1963)*

Bennis et Slater ( 1968 ) rejoignent les vues de Margaret Mead lorsqu'ils parlent de la famille démocratique comme seule réalité capa-ble de réintégrer les individus non engagés avec le statu quo, La famil-le démocratique sera capabfamil-le de faire face au changement accéléré dans

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notre société parce qu'elle est basée sur l'attente que demain sera différent d'aujourd'hui. La famille démocratique est l'institution qui

peut le mieux réunir jeunes et parents parce qu'elle augmente le doute des parents au sujet de leurs propres valeurs et coutumes; elle les dé-barasse de l'autoritarisme, source de conflit, et les met en dialogue avec les jeunes qui s'adaptent alors avec plus de succès au changement,

Bennis et Slater croient que les jeunes ne s'engagent pas par-ce que justement les adultes s'imposent à eux alors que leur vieux sa-voir est dépassé et que l'adolescent a une meilleure connaissance des réalités de la vie. Les auteurs insistent sur l'abîme expérientiel qui existe entre les groupes d'âge. Selon eux, les parents n'ont pas expé-rimenté ce qui est important pour l'enfant ou du moins, pas de la même façon, ni à la même époque, et ils provoquent une coupure profonde en essayant de s'imposer à lui.

Rares, croyons-nous, sont les adultes qui aujourd'hui encore se voient comme la sagesse par excellence. De plus, nous sommes persua-dés que le jeune est loin de posséder en tout une meilleure connaissan-ce des réalités de la vie. Il critique justement l'école de ne pouvoir lui donner ce genre de connaissances qui ne s'apprennent pas dans les livres. Théoriquement, le jeune peut en arriver à connaître plus de cho-ses que l'adulte, mais il aura besoin d'apprendre de l'adulte le sens de la réalité concrète.

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Dans The Uncommitted,Kenneth Keniston ( 1965 ) a fait l'étude de deux cents cas d'étudiants sous-gradués au Center for Research in Personality à Harvard. Les étudiants étaient divisé en trois groupes: un premier groupe a été identifié par des tests psychologiques comme très aliéné, un autre groupe comme pas du tout aliéné et le troisième groupe n'appartenait à aucun extrême. L'étude de ces cas se fit durant trois ans. Pendant ce temps, les étudiants eurent a écrire une autobio-graphie et a faire une évaluation de leur philosophie de la vie et de leurs valeurs de base. Ils passèrent tous plusieurs tests psychologiques dont le Thematic Apperception Test ( T.A.T.) et ils furent interviewés régulièrement. L'auteur n'a utilisé aucune statistique pour supporter ses analyses et ses arguments,

Keniston en arrive à présenter les jeunes aliénés comme totale-ment désengagés face à la société américaine. Ils ont une vision de la génération adulte comme étant dépassée et non adaptée au monde d'aujour-d'hui.

La rébellion filiale lui apparaît psychologiquement plus facile pour le jeune. Le rebelle s'oppose a une personne mais le jeune qui trou-ve ses parents simplement dépassés est soutrou-vent perdu et confus. De ses parents, l'enfant a traditionnellement appris le sens de l'adulte, de la masculinité, de la féminité, du travail et du jeu. En s'identifiant à ses parents, il apprenait à devenir adulte. Quand il y a discontinui-té entre les générations comme maintenant, l'identification est très compliquée et parfois interrompue, Keniston a de fait trouvé chez les étudiants aliénés une inhabilité à s'identifier à leurs parents.

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La culture aliénée constitue un rejet total des valeurs asso-ciées depuis longtemps à la culture américaine. Il y a dans l'air ac-tuellement, dans ce qu'on pourrait appeler le climat culturel du temps, des gens qui adhèrent à quelques points de la culture aliénée, de telle sorte qu'on en retrouve sur toute la longueur du continuum " aliénés-non aliénés".

Cela est particulièrement vrai de ce qu'on appelle la " culture adolescente", ou mieux " les cultures de la jeunesse". Ces sous-cultures sont toutes plus ou moins reliées aux thèmes majeurs de l'a-liénation.

Deux tendances se dessinent donc dans ce qu'il est convenu d* appeler le fossé des générations, et chacune de ces tendances comporte divers degrés. Parmi les théoriciens de la rébellion filiale, nous a-vons vu que Feuer( I969 ) analysait au moyen d'une méthode psycho-his-torique les Mouvements Etudiants comme une révolte émotive de la Jeu-nesse envers le Père ( la Société), impuissant à résoudre ses problè-mes, Keniston ( I968 ) et Flacks ( 1967 ) nous ont fait découvrir dans des recherches empiriques des jeunes activistes et des radicaux en ac-cord avec les valeurs fondamentales de leurs parents, mais en rébellion contre une Société qui ne véhiculait pas les valeurs parentales centra-les ou de base. Ces jeunes se distinguaient cependant de leurs parents dans des comportements relevant de valeurs formelles, selon la termino-logie de Keniston, Pour sa part, Davis ( 1°40 ) nous signalait sur un plan plus général, les constantes et les variables que l'on retrouve dans les diverses cultures et qui expliquent le fossé entre générations,

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Les causes de ce fossé se retrouvent à la fois dans la famille à cause de sa structure et dans la grande société en constant changement.

Mead ( 1970), Bennis et Slater ( 1968), à partir d'études théo-riques de type hypothétique, nous ont parlé de jeunes, séparés de leurs parents principalement par un abîme expérientiel, et voient comme solu-tion à ce fossé entre générasolu-tions une éducasolu-tion démocratique basée sur l'amour et la confiance où chacun accepte de dialoguer et de recevoir de l'autre. Les jeunes aliénés étudiés par Keniston ( I965) se désenga-geaient complètement de la société globale sans pour autant entrer en rébellion ouverte contre leurs parents et la société. Ce sont des jeu-nes qui ne se laissent pas intégrer par le système après s'être rebel-lé contre lui, comme c'est le cas chez les activistes, mais qui sem-blent ne devoir jamais ressembler aux plus vieux, parce que leurs "feelings" face à la Société sont trop différents. C'est pourquoi on retrouve chez les aliénés un problème d'identité.

En somme, d'après la typologie que nous avons utilisée, il sem-ble y avoir conflit d'intérêt et une distance sociale et psychologique qui séparent les deux groupes d'âge, ces distances variant en intensi-té selon chaque individu. Ce dernier risque donc de ne pas toujours se reconnaître à l'intérieur de cette typologie. Si la réalité sociologi-que et psychologisociologi-que ne se laissent pas emprisonner dans une typologie, cette dernière est cependant très utile pour l'analyse et la compréhen-sion de la réalité. C'est dans cette optique que nous nous en servirons, dans notre étude.

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LES VALEURS

Nous venons de constater en faisant un tour d'horizon des au-teurs qui ont traité du conflit des générations que les valeurs prenaient une place centrale dans ce type de conflit. Nous analyserons donc le con-cept de valeur dans ses dimensions qui nous intéressent, et nous recueil-lerons le résultat de recherches importantes portant sur les valeurs des jeunes,

LE CONCEPT DE VALEUR

Le langage populaire a donné au mot " valeur " plusieurs défini-tions. Techniquement, le terme " valeur " se définit d'une façon diffé-rente selon que l'on s'adresse à la philosophie, à l'économique, à la sociologie, à l'anthropologie et à la psychologie. Il n'y a pas de con-sensus d'établi et le terme signifie selon les disciplines envisagées, attitudes, motivations, quantités mesurables, objets, comportements, coutumes ou traditions aussi bien que des relations entre individus, groupes ou événements, Clyde Kluckhohn ( 1962 ) nous fait remarquer qu' il y a cependant un point en commun: c'est que les valeurs sont considé-rées comme normatives par comparaison â des énoncés existentiels.

Parmi toutes les définitions proposées, c'est la notion de va-leur en psycho-sociologie qui retient notre attention, parce qu'elle est en étroite relation avec notre travail.

Selon Guy Rocher, la valeur est " une manière d'être ou d'agir qu'une personne ou une collectivité reconnaissent comme idéale et qui rend désirables ou estimables les êtres ou les conduites auxquels elle est attribuée ", ( 1968, p. 56 )

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2k

On remarque que la valeur se situe dans l'ordre idéal et qu' elle se rapporte à une réalité qui transcende et qui devient pour les personnes ou les groupes, source d'inspiration ou modèle à imiter. C'est l'aspect cognitif de la valeur, A ce niveau, elle n'est pas directement observable, mais elle se fonde sur ce qui est dit et fait par les indi-vidus.

L'aspect affectif est compris dans la définition par l'intermé-diaire du mot désirable ou estimable et s'exprime dans la réalité par un jugement de valeur: ceci est bon, cela est mauvais.

Les gens adhèrent donc aux valeurs avec une certaine affectivi-té et n'aiment pas les remettre en question, car elles s'imposent à eux comme une évidence et un absolu, même si objectivement, elles possèdent un caractère relatif. En effet, les valeurs appartiennent toujours â u-ne société particulière, dans le temps et dans l'espace. Elles varient avec les civilisations, à l'intérieur d'une même civilisation, avec les groupes et les catégories sociales.

Quand les valeurs se heurtent à l'intérieur d'un même groupe ou sous-groupe, la tension monte et la charge affective que revêt la valeur en fait un puissant facteur pouvant causer désaccord et conflit.

Même si la société essaie d'imposer un système de valeurs à ses membres, elle peut difficilement y réussir parfaitement, car chaque per-sonne a sa façon d'adhérer aux valeurs. Tantôt elle accepte une chose, tantôt elle en rejette une autre; elle reconnaît une hiérarchie entre telle et telle valeur. C'est la personnalité qui se manifeste dans ces divers choix-, sous l'influence du milieu social environnant.

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Les valeurs jouent un rôle important pour l'unité de la per-sonnalité psychique. Elles contribuent à la cohésion et à l'intégration de la perception de soi et du monde, Gordon Allport ( 1937 ) a montré que cette unité de la personnalité se réalise chez les personnes dont l'ensemble du style de vie est inspiré par certaines valeurs dominan-tes.

L'univers des valeurs constitue enfin un élément puissant pour réaliser ce que Comte a appelé le " consensus social ", En effet, les individus doivent partager certaines valeurs, se rattacher è, certains modèles communs s'ils veulent être capables de participation collecti-ve. Mais l'intégration sociale opérée par les valeurs reste relative parce que les individus et les groupes ne partagent pas tous les valeurs communes avec une égale intensité. On peut voir dans cette relativité, la source et de la solidarité sociale et des désaccords sociaux, comme le fait remarquer Guy Rocher ( 1968, p.68 ) dans le passage suivant: " ... la division et l'opposition entre tenants de valeurs opposées ou différentes n'est en réalité que l'envers de la solidarité qui se crée être ceux qui adhèrent aux mêmes valeurs; la solidarité dans des va-leurs partagées peut donc être en même temps une source d'unité sociale et, parce qu'elle engendre une telle unité, une source de conflits so-ciaux, ou à tout le moins de diversité sociale".

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LES VALEURS Ç-ÎEZ LES JEUNES

Richard Flacks ( I967 ) a isolé quatre modèles de valeurs chez les activistes et leurs parents: le romantisme, l'intellectualisme, 1' humanitarisme, et finalement, le moralisme et le contrôle de soi.

Le romantisme,- Cette valeur est définie comme une recherche de l'expres-sion personnelle, d'une vie libre, d'intérêts sensibles et esthétiques; elle se caractérise aussi par un rejet marqué des poursuites scientifi-ques et rationnelles, par le désir de connaître et d'expérimenter toute chose. Il est rare qu'un activiste ne soit pas romantique, et qu'un non activiste le soit.

L'intellectualisme.- Il se définit comme une implication au niveau des idées, un désir de réaliser et de valoriser ses capacités intellectuel-les, une appréciation de la théorie et du savoir et une grande partici-pation aux activités intellectuelles. Cette catégorie caractérise beau-coup d'activistes.

L'humanitarisme.- C'est un désir d'aider les autres. C'est la valorisa-tion de la compassion, de la sympathie et de l'égalitarisme, dans le sens d'opposition aux privilèges basés sur des différences sociales et économiques. L'humanitarisme est fortement relié à l'activisme.

Moralisme et contrôle de soi,- Ces valeurs consistent à accorder de 1' importance à un contrôle rigoureux des impulsinns personnelles, à s'op-poser au comportement spontané ou impulsif, à adhérer à l'autorité con-ventionnelle, à la morale traditionnelle, à se gouverner dans son

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com-portement moral per des règles extérieures et rigides; à mettre l'em-phase sur le travail ardu, sur l'ambition. C'est le cas des non-acti-vistes.

Le sens communautaire,- Nous retenons une cinquième valeur dans l'arti-cle de Flacks, où l'accent est mis sur un fort désir de relations hu-maines, sur l'expression des émotions, sur le refus d'accepter les nor-mes conventionnelles concernant le contact interpersonnel et sur la lut-te contre les normes bureaucratiques.

Parmi les valeurs que Philip Jacob ( 1957 ) a analysées dans son étude exploratoire Changing Values in College, nous retenons les suivantes, qui selon l'auteur, sont partagées par les trois quarts des étudiants américains. Il faut noter cependant que cette recherche date et qu'elle a été faite en un temps où les jeunes étaient engagés davan-tage dans le " fun subculture " que dans les mouvements socio-politi-ques.

Confiance en soi,- Chacun doit déterminer son propre destin; l'impor-tance est mise sur l'effort personnel. Le succès s'obtient par le travail ardu et, pour le tiers des étudiants, les " connections " sont im -portantes pour roussir.

Intérêt -personnel.- Il est naturel de tirer profit de toute occasion favorable qui améliore son bien-être. Le premier devoir dans la société est de se protéger. Les aspirations au pouvoir économique prédominent sur les valeurs sociales. Le jeune recherche une vie pleine, remplie de variété, d'intérêt; il fuit la monotonie et l'ennui, La sécurité n'est

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pas une motivation dominante chez les étudiants. Pour eux, la possibili-té d'être créatif et original dans le travail est la chose la plus im-portante pour considérer un travail comme épanouissant. Une famille heu-reuse est importante; également, le mariage l'est pour 8k% des filles,

Privatisne.- La plupart des étudiants américains désirent se couper du contexte social et politique. Ils fuient les responsabilités civiques et ont peu d'intérêt personnel dans les affaires publiques.

Les résultats de l'étude de Robert E. Mogar ( 1964 ) concordent avec les autres recherches dans ce domaine, Cn constate une forte orien-tation privatiste chez les étudiants Freshman, Il n'y a qu'une contra-diction avec le rapport Jacob cité plus haut. Les étudiants de Mogar

sont anxieux face au futur. Devenant cyniques face à l'humanité, ils se résignent a cultiver leur propre jardin.

Presque tous les étudiants signalent une absence de conflit avec leurs parents, même quand ils dévient des valeurs parentales. Mogar cons-tate une absence de rébellion et d'engagement passionné parmi la jeunes-se contemporaine. Les jeunes mettent l'accent sur l'expérience personnel-le et l'exploration plutôt que sur un radicalisme politique.

Dans Th? Uncommitted , Keniston ( 1965 ) nous trace un tableau de la culture des " alienated youth in American Society ", culture qui était annoncée déjà par les étudiants dont nous parlait Mogar, il y a un instant.

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Ils rejettent l'intimité et les activités de groupe. Ils hésitent â agir et considèrent futile les activités civiles et politiques.

Existentialisme pessimiste,- Les aliénés sont pessimistes face au fu-tur et anxieux face au monde. L'univers est sans signification, la véri-té est subjective et arbitraire, La vraie communication est impossible.

Le mépris.- Ils admettent et justifient le ressentiment, le rejet, l'in-tolérance, le mépris de soi. Ils sont égocentriques.

Recherche esthétique.- Ils veulent expérimenter, vivre au jour le jour, créer, exprimer leurs passions, leurs émotions et leurs sentiments. Ils rejettent le succès.

Pour leur part, les Young Radicals ( Keniston, 1968 ) tentent d'exclure de leur vie l'artificiel, la manipulation, l'hypocrisie tant reprochée aux adultes. Pour eux, l'expression sexuelle devient de plus en plus possible en dehors du mariage alors que la sexualité elle-même se dégage de la crainte, de la prohibition et de la culpabilité. Le per-sonnalisme de ces jeunes exige que l'expression sexuelle se produise dans un contexte de bonnes relations, d'intimité. Si la morale tradition-nelle voit l'expression sexuelle en dehors du mariage comme illicite, les jeunes radicaux voient la nouvelle moralité dans la ligne de rela-tions significatives. Le mariage est de plus en plus vu comme une ins-titution destinée à la procréation, alors que le sexe fait partie des relations entre amis. L'exploitation d'autrui est tabou dans cette sphère comme dans les autres.

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A R G U I : E : ? A T I C N C E N T R A I S D E LA T H E S E

La synthèse de la pensée des principaux théoriciens du conflit des générations que nous venons d'esquisser, va nous aider maintenant à établir le cadre conceptuel dans lequel entreront nos données pour leur analyse, â préciser nos propres hypothèses et à décrire la démar-che que nous allons suivre pour vérifier ces hypothèses.

Nous avons vu que deux grands courants de pensée s'affrontent pour essayer d'expliquer le conflit des générations. Pour certains, il s'agit d'une rébellion filiale, pour d'autres, d'un désengagement face aux parents et à la société.

La rébellion filiale, telle qu'elle nous est rapportée par les études sur les activistes, porte à critique, car elle ne tient compte que d'un petit groupe de jeunes radicaux, psychologiquement sains, et qui, ayant eu de bons parents, réalisent les idées et les rêves d'enga-gement politique que ces derniers n'ont vécu que sur le plan intellec-tuel.

La rébellion filiale se fait ordinairement soit dans un contex-te d'émulation où le jeune désire remplacer son aîné parce qu'il se croit plus compétent que lui, soit dans un contexte de rejet où le père devient une menace active pour le fils. Dans les histoires classiques de rébel-lion filiale, le fils est en réel danger d'être forcé de devenir comme son père, et il se rebelle plutôt que d'accepter cette définition de lui-même.

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Cette rébellion filiale tient compte de la théorie freudienne de l'ambivalence qui permet de concilier la continuité des modèles pa-rentaux et l'identification du jeune à son père avec le rejet plus ou moins violent de ce père. La socialisation comme processus d'apprentis-sage et d'identification est assurée dans un tel contexte.

Mais nous croyons que le jeune d'aujourd'hui n'entrevoit plus la possibilité de devenir comme ses parents, parce que leur façon d'en-visager le monde ne correspond plus aux défis que doit relever un jeune qui veut s'adapter aux transformations de la société.

D'après nous, Margaret Mead ( I970 ) rend davantage compte de la réalité actuelle, avec sa notion de " culture préfigurative ", En période de changements rapides et continus sur le plan de la technique, de l'organisation, de la vie sociale et économique, le comportement des jeunes ne peut plus s'appuyer sur des valeurs et des normes élaborées au temps d'une culture postfigurative et même cofigurative. Nous voyons donc les jeunes délaisser les valeurs parentales pour élaborer leurs pro-pres valeurs et devenir ainsi, à certains égards, des facteurs de socia-lisation pour leurs parents. Ils se désengagent des modèles que les pa-rents essayent de leur transmettre, sans pour autant se révolter contre eux. La notion de culture préfigurative suppose cependant une attitude homogène a l'intérieur de la génération des jeunes. Cette notion ne pour-ra donc expliquer les différentes sous-cultures qui existent à l'intérieur de 1 A génération étudiante.

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HYPOTHESE GENERALE

Cette réflexion nous amène à émettre comme hypothèse générale qu'il y a discontinuité générationnelle au niveau des valeurs dans la famille entre parents-adolescents. Cela signifie pour nous que le con-flit des générations ne consiste pas en une rébellion visible des ado-lescents contre leurs parents dans leurs comportements, mais bien en un désengagement où les jeunes rejettent les modèles et les valeurs parentales et en développent de nouvelles.

HYPOTHESES PARTICULIERES

Pour mieux mettre en lumière notre hypothèse générale, nous ferons intervenir quelques variables-contrôles qui vont nous indiquer quelles conditions influencent la discontinuité chez les jeunes. Ce sont le sexe des étudiants, leur niveau de scolarité, l'occupation du père, le style d'autorité et de pouvoir dans la famille. Ces variables qualificatrices définissent l'état social et psychologique de nos

su-jets adolescents au moment où l'enquête a été faite et nous permettent d'élaborer quelques hypothèses particulières.

Le sexe est une variable qui, dans notre société, joue encore un rôle discriminatif, Nous croyons que les garçons contestent davanta-ge que les filles les valeurs de leurs parents dans une société où 1' homme domine et détient encore la majorité des pouvoirs, la femme devant être plus soumise.

Le niveau de scolarité et l'âge qui s'y rattache sont pour nous un moyen de mieux connaître les différences entre les jeunes adolescents

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et les adolescents plus âgés. Ces derniers devraient manifester un plus grand désaccord avec leurs parents, dû à leur personnalité plus dévelop-pée en raison de leur âge et de leurs études.

L'occupation du père est une variable sociologique sur laquel-le il y a beaucoup de recherches et dont laquel-les résultats sont concordants. Les couches sociales différencient la jeunesse davantage peut-être que le concept général de " génération ", Et comme les parents des strates supérieures favorisent généralement l'autonomie chez leurs enfants par une éducation libérale, nous pensons retrouver à ce niveau un plus grand désaccord entre parents-enfants.

De même, un style d'autorité rermissif et de pouvoir démocrati-que à la maison, nous permet de penser démocrati-que le désaccord sera plus grand dans ces familles parce qu'un climat permissif et démocratique favorise chez les jeunes une plus grande indépendance.

Nous essayerons de saisir la discontinuité générationnelle â l'intérieur de la famille en mesurant le taux de désaccord parents-en-fants, d'une part au niveau de la perception de certaines valeurs, et d'autre part, par la perception de l'étendue de la discontinuité entre générations.

La discontinuité au niveau des valeurs se manifeste par la per-ception différente qu'ont jeunes et adultes de dix valeurs choisies par-mi celles que mentionnaient les auteurs étudiés précédemment. Ces valeurs ont capté notre attention parce qu'elles touchaient à la fois à des per-spectives psychologiques et sociologiques qui nous permettaient

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d'at-34

teindre les objectifs que nous nous sommes fixés dans ce travail.

A l'étude de Flacks ( 1967 ) sur les activistes, nous avons emprunté les variables suivantes: (1) Moralisme et contrôle de soi, parce qu'elles touchent à l'autorité et à la morale conventionnelles. Dans notre recherche, elles sont devenues: souhaits de libéralisation face au mariage et face au nouvoir. (2) L'Humanitarisme s'opposant aux privilèges basés sur des distinctions sociales et économiques devient: souhait de libéralisation face à la société. (3) La variable Sens com-munautaire . exprimant un fort désir de relations humaines, demeure in-changée dans notre étude. 'o"

Du Rapport Jacob ( 1957 ), nous retenons:(l) la confiance en soi, où chacun peut et doit déterminer son propre destin par ses ef-forts personnels.

Les valeurs suivantes étudiées par Keniston ( I965 ) retiennent aussi notre attention: (1) Activisme : faut-il agir? Est-ce que ça en vaut la peine? (2) Optimisme face au futur et face à la société: faut-il voir tout en noir? L'avenir sera-t-faut-il mefaut-illeur que le présent? La so-ciété va-t-elle s'améliorer? (3) Optimisme face à la technologie: la technique détruit-elle la créativité et l'expression personnelle?

Pour sa part, l'étendue du manque de consensus se mesure par la perception que les parents et les enfants ont du fossé qui sépare leur vision du monde, par la perception qu'ils ont de l'entente-père, et par la perception qu'ils ont du conflit des générations dans notre société.

Le lecteur trouvera une operationalisation de ces variables et des variables-contrôles à la fin de la thèse, en annexe B,

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Le premier thème porte sur la vision du monde des parents et des enfants et touche un aspect central de leur personnalitét les va-leurs. Il est important de savoir si la perception du monde des valeurs correspond à ce qui existe dans la réalité pour voir jusqu'à quel point jeunes et adultes ont des perceptions différentes qui pourraient être sources de désaccord.

La perception que la famille a de l'entente avec le père nous aidera à mesurer le degré de respect qu'on a les uns pour les autres. De plus, si l'entente avec le père est bonne, on ne pourra parler de rébellion visible entre père-enfants.

Le troisiène thème porte sur la perception du conflit des gé-nérations. Au niveau de la sodiété, il est considéré comme un problè-me majeur, si le3 jeunes perçoivent les adultes comproblè-me étant ineffica-ces et dépassés par les grands problèmes du monde. Sur le plan fami-lial, le conflit des générations se manifeste entre parents-enfants si l'autorité et le pouvoir des parents, par exemple, s'exerçaient d'une façon non démocratique.

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CHAPITRE I I METHODOLOGIE

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à partir d'une pré-enquête qui eut lieu durant l'hiver et le printemps 1969-1970, dans des Cégeps et des écoles secondaires de Montréal. Il comporte des questions fermées qui ont été distribuées lors d'un pré-test en mai-juin de l'année 1971• Ce sont les résultats de ce pré-pré-test que nous utilisons,

DESCRIPTION DE L'ECHANTILLON

L'échantillon théorique était composé de quatre cents étudiants et de deux cents parents répartis à travers le Québec, Les entrevues complétées furent de trois cent soixante-quinze chez les élèves et de cent soixante-dix-huit chez les parents.

Quatre régions administratives furent choisies, soit: Québec, Montréal, Sherbrooke et Hull, Chaque région choisie comprenait une gran-de agglomération urbaine. Les écoles sélectionnées dans ces villes é-taient considérées comme urbaines, et les écoles situées en dehors des grands centres étaient considérées comme rurales.

Il devait y avoir cent entrevues au niveau 1, cinquante au ni-veau 3i cent au nini-veau 5 et cent cinquante au Cégep, réparties égale-ment entre garçons et filles à chaque niveau, dans chaque région, rura-le ou urbaine.

A l'exception de Montréal où des classes anglophones et des classes francophones ont été retenues, toutes les écoles étaient

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fran-38

cophones,

L'enumeration des écoles a été préparée sur imprimé d'ordina-teur pour chaque strate, La liste des écoles et le nom des principaux ont été obtenus du Ministère de l'Education, Des lettres de demande de collaboration ont été envoyées à tous les principaux des écoles choi-sies.

Au moment de faire les entrevues, l'interviewer se rendait a-lors à l'école qui avait accepté de coopérer. Se servant des listes of-ficielles des classes du niveau sélectionné, il choisissait d'abord u-ne classe dans la liste à l'aide de la table des nombres aléatoires et ensuite, toujours au hasard, cinq noms comme étant les premiers choix, et trois noms supplémentaires en cas d'absence parmi les cinq premiers.

Deux cents parents de ces enfants ont ensuite été choisis au hasard. Un questionnaire sur deux recevait alternativement le code P ou M pour indiquer que le parent à interviewer était le père ou la mère.

En résumé, l'échantillon a été fait au hasard avec l'aide de la table des nombres aléatoires et les régions ainsi que les écoles, ont été stratifiées.

Notre échantillon a été sélectionné en vue d'un pré-test et il faudra en tenir compte au moment de la discussion des résultats et de la conclusion, car le nombre d'informateurs demeure assez restreint par comparaison avec ceux qui participeront à l'enquête.

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METHODE D'ANALYSE DE LA DISCONTINUITE

Pour mesurer l'accord ou le désaccord entre parents-enfants, nous nous sommes servi de l'analyse par panel en l'appliquant d'une fa-çon, analogique au problème de la discontinuité générationnelle. Cette méthode d'analyse avait pour nous plusieurs avantages car elle nous permettait d'abord d'analyser les tendances des jeunes et des adultes et ensuite de connaître l'accord et le désaccord des parents avec leurs enfants au sujet des valeurs.

L'analyse par panel est une technique qui a pour but principal de connaître les caractéristiques de ceux qui changent d'opinion. Pour cela, on doit interroger à deux ou plusieurs reprises un ensemble déter-miné d'individus.

Voici la description qu'en donnent Boudon et Lasarsfeld ( 1970): Chaque entretien - comme dans le cas de tout sondage

conduit en un temps tl - nous permet de connaître le nombre de gens qui possèdent simultanément la proprié-té i et la propriéproprié-té j, c'est-à-dire l'effectif n ^ . Mais grâce à la répétition de l'interview, nous sommes aussi en mesure de déterminer le nombre de gens qui possèdent les deux propriétés i et j à la fois en tj_ et en t? . Plus précisément encore, nous sommes en mesure d'étudier, d'un moment à l'autre, la variation dans la distribution de l'une et de l'autre propriété à travers notre population.

Reprenons ces notations sous la forme d'une table.

Marginaux

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40

Le symbole n' désigne les effectifs au temps i^. ï et 3 désignent bien sûr, l'absence de la propriété i et de la propriété j.

Les marginaux, c'est-à-dire chacun des totaux des nombres inscrits dans une même rangée ( ligne ou colon-ne ), représentent, dans un cas, les effectifs à l'ins-tant t p dans l'autre, les effectifs relevés en ±2» Dans le cas d'une étude de tendance, portant sur des échan-tillons qui ne sont pas identiques, l'analyste ne peut que comparer des effectifs de ce type. Le panel, repo-sant sur l'observation des mènes individus dans le temps, apporte des indications supplémentaires : il sépare en premier lieu les personnes stables qui, comme l'effectif r^J, sont placés sur la diagonale joignant le sommet su-périeur gauche au sommet inférieur droit, et les person-nes qui changent, dispersées de part et d'autre de la dia-gonale. Plus encore, il permet de déterminer le taux d'ins-tabilité et dans l'insd'ins-tabilité même de distinguer les proportions relatives de ses divers modes, autorisant ainsi une connaissance approfondie de ces phénomènes as-sez complexes auxquels l'on donne le nom de rotation.

Dans notre cas, le temps t± représente les parents et le temps tp les enfants des parents qui ont telle opinion sur une valeur i, par exemple. Pour nous, la diagonale indique le nombre de parents et de leurs enfants qui sont en concordance ou en accord avec telle façon de penser. Les personnes en désaccord se situent de chaque côté de la dia-gonale.

Dans un tableau dichotomise, comme c'est le cas pour nos ta-bleaux, l'accord brut est la somme des effectifs situés sur la diagona-le principadiagona-le qui part du sommet supérieur gauche au sommet inférieur droit, et le désaccord brut, la somme des effectifs qui se répartissent

sur la diagonale opposée. C'est l'analyse de rotation simple.

Les marginaux indiquent des tendances. Ils nous permettent de voir ici le nombre d'adultes qui ont telle caractéristique par

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comparai-son aux effectifs d'adolescents, à l'intérieur de la société québé-coise.

REGROUPEMENT DS5 DONNEES

Cette étape de notre travail a consisté dans la création d'in-dex et de typologies et dans la dichotomisation de tous nos tableaux.

Comme nous voulions mettre en évidence le pourcentage des jeu-nes qui étaient fortement en désaccord avec leurs parents, nous avons divisé nos variables en regroupant ensemble les individus qui étaient peu et moyennement favorables à telle valeur d'une part, et ceux qui étaient très favorables à ces valeurs, d'autre part.

Il est bien évident que le taux de désaccord aurait été beau-coup plus fort si nous avions regroupé ensemble les dimensions moyen-nement et très favorables. Mais nous avons préféré analyser ce taux de désaccord basé sur des individus situés à l'extrémité, pour être sûrs de la validité et de la fiabilité de nos résultats,

APPROCHES STATISTIQUES

Dans cette recherche, aucun test statistique de signification n'a été utilisé, nous basant pour appuyer notre démarche sur les

ar-guments utilisés par Lipset, Trow et Coleman dans Union Democracy (1956),

Les raisons avancées par ces auteurs sont les suivantes: (l) un test de signification d'une contingence simple vérifie des hypothèses isolées, indépendantes les unes des autres. Mais quand les hypothèses

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sont reliées comme c'est notre cas ici, c'est tout le travail qui con-firme les hypothèses et non pas une seule table qui, elle, ne vérifie qu'une seule hypothèse. (2) Le fait de ne pas nous servir d'un test de signification nous permet de conserver des tendances très faibles et non significatives statistiquement mais qui pourraient le devenir si notre échantillon avait été plus large. (3) Et dans une recherche com-me la nôtre, le relevé de tendances est plus important que l'élimination du hasard.

Nous nous sommes cependant fixé une limite arbitraire dans l'acceptation d'un désaccord entre jeunes et adultes au sujet des va-leurs. Nous ne tenons pas compte des différences égales ou inférieures à 5# • Les tendances qui pourraient se manifester à l'intérieur de cet-te limicet-te ne nous intéressent pas.

Nous nous appuyons en cela sur un consensus qui existe en so-ciologie lorsqu'on fait une étude de tendance. Une erreur de 5% dans une expérience nédicale serait inacceptable alors qu'ici une différence de 1% serait trop faible et qu'une différence de 10# laisserait tomber des ten-dances qui dans un échantillonnage plus large pourraient devenir signi-ficatives.

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ET DE L'ETENDUE DE LA DISCONTINUITE GENERATIONNELLE

(54)

PERCEPTION DES VALEURS

Que pensent les parents et leurs adolescents dans notre socié-té sur les valeurs que nous avons retenues pour cerner leur perception de la réalité sociale? Sur quelles valeurs les deux générations en pré-sence sont-elles en désaccord et quelles sont les conditions qui favori-sent le désaccord entre parents-enfants? Voilà les questions qui sur-gissent à notre esprit et auxquelles nous essayerons de répondre dans la première partie de ce chapitre.

HIERARCHIE DES VALEURS

Les parents considèrent un certain nombre de valeurs comme plus ou moins importantes pour eux. Ces valeurs sont placées selon leur or-dre de pourcentage dans le tableau 1 . D'après ce tableau, les valeurs les plus hautement appréciées et désirées par les adultes de notre so-ciété sont: la primauté d'emploi, l'optimisme face à la soso-ciété, la con-fiance en soi et le souhait de libéralisation face au socialisme,

TABLEAU 1

POURCENTAGE D'ADULTES QUI ADHERENT FORTEMENT AUX VALEURS SUIVANTES, SELON LEUR ORDRE D'IMPORTANCE

VALEURS POURCENTAGE

Primauté d'emploi 68 Optimisme face à la société 58

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TABLEAU 1 ( suite ) :

VALEURS POURCENTAGE

Confiance en soi 44 Optimisme face au futur 42

Souhaits de libéralisation face au mariage 41

Sens communautaire 40

Activisme 31 Souhaits de libéralisation face au pouvoir 21

Optimisme face à la technologie 21

D'après ce tableau, nous avons l'impression que les adultes ont une hiérarchie des valeurs qui favorise grandement leur intégra-tion et leur épanouissement dans la société actuelle. Ils recherchent fortement le succès dans le monde du travail et ils acceptent de lutter dans ce monde de compétition afin d'améliorer leurs conditions de vie et celles de leur famille. Satisfaits de la société, ils croient en ses possibilités d'évolution car ils peuvent participer activement à sa construction. Face au futur en général, les adultes ont aussi l'impres-sion que l'avenir a de fortes chances d'être meilleur que le présent. Ils portent peut-être un regard vers l'avenir,rapide et superficiel, parce que cet avenir ne leur appartient plus tellement. La confiance en soi que les adultes manifestent semble être une disposition de base qui permet aux valeurs précédentes de s'exprimer. En effet, il faut croire à l'importance des efforts personnels pour valoriser le succès et

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l'am-46

bition au travail; il faut croire à la possibilité de contrôler son propre avenir pour espérer en celui de la société.

Les jeunes idéalisent d'autres valeurs que celles des adultes, du moins parmi celles qu'ils considèrent comme très importantes pour eux. C'est sans contredit leurs trois désirs de libéralisation face au mariage, au pouvoir et au socialisme qui les différencient principale-ment des adultes comme nous le voyons dans le tableau 2 ,

TABLEAU 2

POURCENTAGE DE JEUNES QUI ADHERENT FORTEMENT AUX VALEURS SUIVANTES, SELON LEUR ORDRE D'IMPORTANCE

VALEURS POURCENTAGE

Souhaits de libéralisation face au mariage 78 Souhaits de libéralisation face au socialisme 64 Souhaits de libéralisation face au pouvoir 51

Sens communautaire 49 Optimisme face à la société 43

Optimisme face au futur 38

Primauté d'emploi 32

Activisme 30 Optimisme face à la technologie 27

Confiance en soi 24

A l'opposé des adultes, les jeunes semblent moins intégrés à leur société. Le monde du travail n'est pas plus important que celui

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