Qubits de spin composés de boîtes
quantiques et de donneurs dans le silicium
par
Patrick Harvey-Collard
Thèse présentée au département de physique
en vue de l’obtention du grade de docteur ès sciences (Ph.D.)
F
ACULTÉ DES
S
CIENCES
U
NIVERSITÉ DE
S
HERBROOKE
Sherbrooke, Québec, Canada
3 mai 2018
le jury a accepté la thèse de Monsieur Patrick Harvey-Collard dans sa version finale.
Membres du jury
Professeur Michel Pioro-Ladrière
Directeur de recherche
Département de physique
Malcolm S. Carroll
Co-directeur de recherche
Sandia National Laboratories
Professeur René Côté
Membre interne
Département de physique
Lieven M. K. Vandersypen
Professeur
Membre externe
QuTech et Kavli Institute of Nanoscience
Delft University of Technology
Professeur Bertrand Reulet
Président rapporteur
Département de physique
iii
“ The most exciting phrase to hear in science, the one that heralds new discoveries, is not
‘Eureka !’, but ‘That’s funny ...’ ”
Sommaire
L’informatique quantique est en phase de transition. De science fondamentale, elle est
maintenant devenue suffisamment mature pour attirer les investissements des géants de
la microélectronique. Il n’en reste pas moins que l’architecture de l’ordinateur quantique
du futur est tout sauf déterminée. Les semi-conducteurs, en particulier le silicium, sont
une plateforme prometteuse pour réaliser des bits quantiques (qubits). Plusieurs approches
sont considérées, chacune atteignant un équilibre différent entre le contrôle, la mesure
et l’isolation de l’environnement nécessaire pour préserver l’information quantique. D’un
côté, les spins électroniques dans des boîtes quantiques sont des systèmes ajustables in
situ
. Ceux-ci peuvent être nanofabriqués en réseaux définis par des électrodes de grille.
Le couplage entre plusieurs qubits a été démontré. Par contre, la fidélité de ces systèmes
n’est pas encore suffisamment au-dessus des seuils de correction d’erreur quantique. D’un
autre côté, les spins nucléaires de donneurs atteignent des fidélités impressionnantes, bien
supérieures aux boîtes quantiques. Cependant, le couplage entre plusieurs spins nucléaires
demeure difficile à cause de la taille atomique de ces systèmes.
Cette thèse démontre le couplage cohérent entre un donneur et une boîte quantique. Le
système hybride forme un nouveau qubit de type singulet-triplet entraîné par l’interaction
avec le spin nucléaire du donneur. Le nouveau qubit est rapide, compact et pourrait permettre
l’accès entièrement électrique au spin nucléaire. L’ajustabilité de la boîte quantique confère
une flexibilité au système qui pourrait permettre de coupler des spins nucléaires entre eux
à travers les boîtes quantiques, sans nécessiter de fabrication atomiquement précise. Pour
effectuer la lecture du qubit, une méthode d’amplification du signal et de verrouillage de
la charge est employée. Les travaux permettent d’identifier les mécanismes de relaxation
de la méthode de lecture. Une fidélité de lecture d’un seul coup supérieure à 99.86% est
démontrée. La méthode de lecture est rapide, génère un grand signal et possède la plus
haute fidélité de lecture à ce jour. Grâce à sa polyvalence, la méthode est par la suite
utilisée pour étudier un autre nouveau qubit singulet-triplet basé sur une double boîte
quantique. Les travaux identifient une grande interaction spin-orbite comme mécanisme
d’entraînement, jetant la lumière sur l’importance sous-appréciée de cette interaction dans
le silicium. Les travaux de la thèse confirment, grâce à deux nouveaux qubits, que le système
métal–oxyde–semi-conducteur en silicium est comparable aux autres matériaux en termes
de bruit de charge et est un système viable pour la fabrication de qubits.
Mots clefs :
Informatique quantique, qubits de spin, boîtes quantiques, donneurs,
silicium.
Abstract
Quantum computing is in a transformation period. From fundamental science, it has now
become mature enough to attract investments from the microelectronics giants. Nonetheless,
the architecture of the quantum computer of the future is far from determined.
Semicon-ductors, and silicon in particular, are a promising platform to realize quantum bits (qubits).
Many approaches are considered, each one reaching a different balance between control,
measurement and the isolation from the environment necessary to preserve quantum
infor-mation. On the one hand, electron spins in quantum dots are in situ adjustable systems.
Quantum dots can be nanofabricated in networks defined by gate electrodes. The coupling
between many qubits has been demonstrated. However, the fidelity of these systems is not
yet sufficiently over the quantum error correction thresholds. On the other hand, donor
nuclear spins reach impressive fidelities, much superior to those of quantum dots. Yet, the
coupling between many nuclear spins remains challenging because of the atomic size of
these systems.
This thesis demonstrates the coherent coupling between a donor and a quantum dot.
The hybrid system forms a new qubit of the singlet-triplet type driven by the interaction with
the nuclear spin of the donor. The new qubit is fast, compact and could allow all-electrical
access to the nuclear spin. The tunability of the quantum dot confers flexibility to the
system which could enable the mutual coupling of nuclear spins through the quantum dots,
without requiring atomically-precise fabrication. To read out the qubit, a method of signal
enhancement and charge latching is used. The work identifies the relaxation mechanisms
of the readout method. A single-shot readout fidelity superior to 99.86% is achieved. The
readout method is fast, generates a large signal and possesses the highest fidelity to date.
Thanks to its versatility, the method is subsequently used to study another new singlet-triplet
qubit based on double quantum dots. The work identifies a large spin-orbit interaction as the
driving mechanism, shedding light on the underappreciated importance of this interaction
in silicon. The work in this thesis confirms, thanks to two new qubits, that the silicon
metal–oxide–semiconductor system is comparable to other materials in terms of charge
noise and is a viable system for the fabrication of qubits.
Keywords:
Quantum computing, Spin qubits, Quantum dots, Donors, Silicon.
Je tiens d’abord à remercier mes parents pour leur soutien tout au long de mes études.
Ils m’ont encouragé à aller à l’université et supporté pour que je puisse aller chercher le
diplôme que je voulais. Savoir qu’ils assuraient mes arrières m’a permis de foncer sans
retenue. J’espère que mon travail les rend fiers.
Je veux ensuite remercier Chloé pour avoir été une partenaire formidable et m’avoir
toujours encouragé au cours de ces longues années d’études. Je ne pourrais imaginer
meilleure compagnie pour toutes les choses de la vie. Au fur et à mesure des déménagements
internationaux, il est difficile de maintenir des ponts solides avec ses amis et sa famille.
Heureusement, Chloé est toujours avec moi.
Merci à mes amis de longue date et mon frère. Bien que physiquement séparés, nous
avons néanmoins réussi à garder le stokeness et rester su’a pente montante, comme on
dit ! De nos escapades aux confins de l’Alaska aux rendez-vous alpins en Gaspésie, on a eu
beaucoup de plaisir de tous les types !
J’ai adoré les rencontres brèves mais fort agréables avec mes collègues et anciens
col-lègues de Sherbrooke. Ayant commencé mon baccalauréat en 2006, l’Université de
Sher-brooke est devenue un peu comme une seconde maison. Malgré mon absence de la vie du
campus ces dernières années, ils m’ont toujours fait sentir le bienvenu. Je ne veux pas les
nommer pour ne pas m’embarrasser en oubliant quelqu’un. Ils savent qui ils sont !
Mes amis au Nouveau-Mexique m’ont aidé à me divertir, apprendre des nouvelles activités
et boire beaucoup de bière. Je m’en souviendrai toujours. Merci à Gio, Max, Ben, Justin,
Yadéeh, Joe, et tous les autres !
Ensuite, merci à mes collègues de travail. J’ai eu le privilège de côtoyer des gens brillants
qui m’ont aidé dans mes travaux et ont rendu possible cette thèse. Merci Matt, Toby, John,
Martin, (les) Andrew, Ryan, Clo, Lisa, Mike. Merci à tous les autres que je n’ai pas nommé.
Un grand merci à Malcolm, mon superviseur à Sandia. Grand scientifique et d’une
connaissance élargie, il m’a poussé à donner le meilleur de moi-même. Il m’a fait confiance
et m’a permis de diriger ma recherche là où mon instinct me guidait. Nos fréquents échanges
m’ont permis d’apprendre beaucoup.
Merci finalement à Michel, mon directeur de recherche. Ses conseils et son soutien ont
été importants pour moi. Il m’a introduit au domaine en 2010 lors de ma maîtrise. Pour
mon doctorat, il m’a aidé à prendre du recul et à considérer les choses de différents angles.
Remerciements
ix
Son apport nous a aidé à donner de l’impact à nos travaux.
This work was performed, in part, at the Center for Integrated Nanotechnologies, an Office
of Science User Facility operated for the U.S. Department of Energy (DOE) Office of Science.
Sandia National Laboratories is a multimission laboratory managed and operated by National
Technology and Engineering Solutions of Sandia, LLC, a wholly owned subsidiary of Honeywell
International, Inc., for the DOE’s National Nuclear Security Administration under contract
DE-NA0003525. The views expressed in the article do not necessarily represent the views of the
U.S. DOE or the United States Government.
Sommaire
v
Abstract
vii
Remerciements
viii
Publications et conférences
xvii
1 Introduction
1
1.1 L’informatique quantique
. . . .
1
1.1.1
États de base
. . . .
2
1.1.2
Modèles de calculs
. . . .
2
1.1.3
Décohérence et temps de cohérence
. . . .
3
1.1.4
Correction quantique d’erreur
. . . .
3
1.1.5
Les différents systèmes de qubits
. . . .
4
1.2 Les qubits de spin à accès électrique dans les semi-conducteurs
. . . .
8
1.2.1
Classification selon l’encodage
. . . .
8
1.2.2
Classification selon le type de confinement
. . . 10
1.2.3
Sources de décohérence
. . . 12
1.2.4
Matériaux
. . . 13
1.2.5
Portes à un qubit
. . . 13
1.2.6
Portes à deux qubits
. . . 14
1.3 Enjeux scientifiques et organisation de la thèse
. . . 14
2 Boîtes quantiques, détection de charge et outils de caractérisation
16
2.1 Boîtes quantiques simples
. . . 16
2.2 Boîtes quantiques doubles
. . . 18
2.2.1
Relations utiles
. . . 18
2.3 Puces de qubits
. . . 21
2.4 Montage expérimental
. . . 21
2.5 Caractérisation de base
. . . 24
2.6 Ajustement des boîtes quantiques en transport
. . . 25
2.7 Détection de charge
. . . 25
2.8 Magnétospectroscopie
. . . 27
2.9 Spectroscopie pulsée des états excités
. . . 29
Table des matières
xi
2.9.1
Modélisation des taux tunnel
. . . 30
2.10 Température électronique
. . . 33
2.10.1 Méthode de la rampe en température
. . . 34
2.11 Couplage tunnel inter-boîte
. . . 34
2.12 Encodage singulet-triplet et contrôle du qubit
. . . 36
3 Séparation des vallées dans les boîtes quantiques MOS en Si à un électron
39
3.1 Les vallées du silicium
. . . 39
3.1.1
Levée de la dégénérescence des vallées
. . . 39
3.1.2
État de l’art
. . . 41
3.2 Article publié
. . . 42
3.2.1
Résultats et importance de la recherche
. . . 42
3.2.2
Contribution
. . . 42
4 Lecture du spin d’un seul coup à haute fidélité via un mécanisme de verrouillage
et d’amplification
50
4.1 Méthodes de lecture du spin
. . . 50
4.1.1
État de l’art
. . . 51
4.2 Article soumis
. . . 53
4.2.1
Résultats et importance de la recherche
. . . 53
4.2.2
Contribution
. . . 54
5 Couplage cohérent entre une boîte quantique et un donneur dans le silicium
70
5.1 Un peu de MAJIQ
. . . 70
5.1.1
Encodage et Hamiltonien du qubit
. . . 70
5.2 L’astuce des quatre électrons
. . . 72
5.3 État de l’art
. . . 74
5.4 Article publié
. . . 74
5.4.1
Résultats et importance de la recherche
. . . 75
5.4.2
Contribution
. . . 75
5.5 Article publié
. . . 88
5.5.1
Résultats et importance de la recherche
. . . 88
5.5.2
Contribution
. . . 88
6 Contrôle universel entièrement électrique d’un qubit dans une double boîte
quantique MOS en Si
93
6.1 Interaction spin-orbite
. . . 93
6.2 État de l’art
. . . 94
6.3 Article publié
. . . 94
6.3.1
Résultats et importance de la recherche
. . . 94
6.3.2
Contribution
. . . 95
6.4 Article publié
. . . 100
6.4.1
Résultats et importance de la recherche
. . . 100
6.4.2
Contribution
. . . 100
Liste des tableaux
2.1 Dispositifs et configurations expérimentales.
. . . 21
2.2 Exemples d’indices d’état pour la spectroscopie pulsée des états excités.
. . . 31
2.3 Exemples de taux pour la spectroscopie pulsée des états excités.
. . . 31
1.1 Comparaison de trois principales architectures pour la réalisation d’un
ordi-nateur quantique.
. . . .
5
1.2 Principaux encodages des qubits de spin électronique.
. . . .
9
1.3 Classification des nanostructures selon leurs types de confinement pour piéger
des électrons.
. . . 11
2.1 Blocage de Coulomb et diamants de Coulomb.
. . . 17
2.2 Diagramme de stabilité et double boîte quantique.
. . . 18
2.3 Règle de somme des leviers.
. . . 19
2.4 Règle du ratio des leviers.
. . . 20
2.5 Règle du levier à angle.
. . . 20
2.6 Dispositif de type gated wire.
. . . 22
2.7 Photo du réfrigérateur à dilution sec.
. . . 23
2.8 Montage de la puce.
. . . 24
2.9 Pincement des barrières tunnel en transport.
. . . 25
2.10 Symétrie des barrières tunnel.
. . . 26
2.11 Procédure pour vider une boîte quantique.
. . . 26
2.12 Principe de la détection de charge.
. . . 27
2.13 Comparaison entre transport et détection de charge.
. . . 28
2.14 Magnétospectroscopie et remplissage de spin.
. . . 29
2.15 Spectroscopie pulsée des états excités et magnétospectroscopie.
. . . 30
2.16 Équations de taux pour la spectroscopie pulsée des états excités.
. . . 31
2.17 Interprétation de la spectroscopie pulsée des états excités.
. . . 33
2.18 Modélisation de la spectroscopie pulsée des états excités.
. . . 33
2.19 Détermination de la température électronique.
. . . 35
2.20 Modélisation d’un anti-croisement de charge et formule de DiCarlo.
. . . 35
2.21 Qubit singulet-triplet.
. . . 37
2.22 Énergies propres de l’Hamiltonien du qubit singulet-triplet.
. . . 38
3.1 Bande de conduction du Si.
. . . 40
3.2 Problèmes avec la dégénérescence des vallées.
. . . 40
5.1 Le MAJIQ.
. . . 71
5.2 L’astuce des quatre électrons.
. . . 73
Liste des acronymes
BQ boîte quantique, quantum dot.
7
–
10
,
13
–
19
,
21
,
22
,
25
–
31
,
33
,
34
,
39
–
42
,
50
,
51
,
53
,
54
,
70
–
73
,
75
,
88
,
94
,
118
–
120
CMOS métal–oxyde–semi-conducteur complémentaire, complementary metal–oxide–
semiconductor
.
21
,
24
,
93
,
94
,
118
,
119
CS détecteur de charge, charge sensor.
18
,
22
,
27
,
30
,
50
–
53
,
93
DBQ double boîte quantique, double quantum dot.
18
–
20
,
36
,
37
,
51
,
52
,
93
,
100
,
119
,
120
DC courant direct.
24
EDSR résonance de dipôle électronique de spin, electron dipole spin resonance.
8
ELR lecture amplifiée et verrouillée, enhanced latching readout.
36
,
53
,
54
,
72
,
118
ESR résonance électronique de spin, electron spin resonance.
8
,
9
,
13
,
94
ESTR lecture d’évènement tunnel sélectif en énergie, energy-selective tunnelling event
readout
.
8
,
10
,
50
,
51
,
53
FTQEC correction quantique d’erreur tolérante aux fautes, fault-tolerant quantum error
correction
.
4
,
119
HBT heterojunction bipolar transistor.
24
,
93
MAJIQ metal–oxide–semiconductor (MOS) hyperfine (A) exchange (J) nuclear spin (I)
qubit (Q)
.
53
,
54
,
70
–
72
,
119
MOS métal–oxyde–semi-conducteur, metal–oxide–semiconductor.
10
,
12
,
40
,
100
NMR résonance magnétique nucléaire, nuclear magnetic resonance.
3
,
9
,
37
PCB circuit imprimé, printed circuit board.
21
PSB blocage de spin de Pauli, Pauli spin blockade.
37
,
53
PSBR lecture de blocage de spin de Pauli, Pauli spin blockade readout.
9
,
10
,
51
–
54
,
72
,
75
,
118
QEC correction quantique d’erreur, quantum error correction.
4
RC résistance-capacité.
24
RF radio-fréquence.
24
,
37
SEM microscope électronique à balayage, scanning electron microscope.
22
SET transistor mono-électronique, single electron transistor.
16
,
17
,
22
,
27
,
74
Si-MOS métal–oxyde–semi-conducteur en silicium, silicon metal–oxide–semiconductor.
14
,
39
–
42
,
75
,
93
,
94
,
100
,
118
,
120
SMU unité de source
/mesure, source/measure unit.
24
SNL Sandia National Laboratories.
21
,
42
,
54
,
74
SPAM préparation et lecture d’état, state preparation and measurement.
4
SPEE spectroscopie pulsée des états excités, pulsed-gate excited state spectroscopy.
16
,
29
–
31
,
33
,
42
,
118
ST singulet-triplet.
9
,
10
,
13
,
15
,
16
,
19
,
36
,
37
,
40
,
51
,
70
,
71
,
73
,
93
,
94
,
100
,
118
,
119
STM microscope à effet tunnel, scanning tunneling microscope.
74
UNSW University of New South Wales.
14
,
42
,
54
,
74
Publications et conférences
Publications dans des journaux scientifiques
Cette section contient une liste de mes principales publications scientifiques au cours
de mon doctorat. La liste se limite aux publications auquelles j’ai apporté une contribution
significative en tant que premier auteur ou par une contribution clef telle que des données
brutes ou une analyse.
1. P. Harvey-Collard, D. Drouin, et M. Pioro-Ladrière, “A silicon nanocrystal tunnel field
effect transistor,” Applied Physics Letters 104, 193505 (2014).
[
1
]
Article écrit pendant mon doctorat à propos de mes travaux de maîtrise. L’article
n’est pas décrit dans cette thèse. J’ai fabriqué les dispositifs, collecté et analysé les
données, ainsi qu’écrit l’article avec la collaboration de mes co-auteurs.
2. J. K. Gamble, P. Harvey-Collard, N. T. Jacobson, A. D. Baczewski, E. Nielsen, L.
Maurer, I. Montaño, M. Rudolph, M. S. Carroll, C. H. Yang, A. Rossi, A. S. Dzurak,
et R. P. Muller, “Valley splitting of single-electron Si MOS quantum dots,” Applied
Physics Letters 109, 253101 (2016).
[
2
]
L’article décrit une théorie de masse effective multi-vallée pour calculer et comprendre
la séparation des vallées dans les systèmes MOS en Si et fait l’objet du chapitre
3
.
L’article est écrit par J. K. Gamble. Ma contribution a été de fournir une nouvelle
série de données expérimentales sur la séparation des vallées servant à valider le
modèle. Notre travail a permis de confirmer que la séparation des vallées est grande
et ajustable dans les systèmes MOS en Si, un élément vital pour les boîtes quantiques.
3. P. Harvey-Collard, B. D’Anjou, M. Rudolph, N. T. Jacobson, J. Dominguez, G. A.
Ten Eyck, J. R. Wendt, T. Pluym, M. P. Lilly, W. A. Coish, M. Pioro-Ladrière, et M. S.
Carroll, “High-fidelity single-shot readout for a spin qubit via an enhanced latching
mechanism,” arXiv:1703.02651 (2017). Accepté dans Physical Review X.
[
3
]
L’article étudie une méthode de lecture du spin via un mécanisme de verrouillage de
charge et d’amplification du signal et fait l’objet du chapitre
4
. Ma contribution a été de
comprendre l’importance et le fonctionnement du mécanisme pour la lecture du spin,
la prise des données, l’analyse et l’écriture de l’article. B. D’Anjou et collaborateurs
ont contribué au modèle théorique de fidélité et à la compréhension de certains
mécanismes. Les résultats de cet article ont été instrumentaux pour tout le travail de
la thèse.
4. P. Harvey-Collard, N. T. Jacobson, M. Rudolph, J. Dominguez, G. A. Ten Eyck, J. R.
Wendt, T. Pluym, J. K. Gamble, M. P. Lilly, M. Pioro-Ladrière, et M. S. Carroll, “Coherent
coupling between a quantum dot and a donor in silicon,” Nature Communications 8,
1029 (2017).
[
4
]
L’article démontre pour la première fois le couplage cohérent entre un donneur
(système atomique) et une boîte quantique (système mésoscopique). Il fait l’objet
du chapitre
5
. Ma contribution a été de participer à la conception de l’expérience, la
prise des données, l’analyse et l’écriture de l’article. Notre travail démontre une étape
vitale pour l’utilisation des spins nucléaires comme qubits dans des nanostructures et
introduit un nouveau type de qubit singulet-triplet. Les résultats de cet article sont
les principaux de la thèse.
5. M. Rudolph, P. Harvey-Collard, R. Jock, N. T. Jacobson, J. Wendt, T. Pluym, J.
Domín-guez, G. Ten-Eyck, R. Manginell, M. P. Lilly, et M. S. Carroll, “Coupling MOS quantum
dot and phosphorous donor qubit systems,” dans 2016 IEEE International Electron
Devices Meeting (IEDM) (2016) pp. 34.1.1–34.1.4.
[
5
]
L’article est une suite de l’article précédent et constitue une reproduction de plusieurs
résultats à l’aide d’une nanostructure différente. L’article a été écrit et présenté
à l’IEDM par M. Rudolph. Ma contribution a été dans l’analyse des résultats en
collaboration avec les autres co-auteurs.
6. R. M. Jock, N. T. Jacobson, P. Harvey-Collard, A. M. Mounce, V. Srinivasa, D. R. Ward,
J. Anderson, R. Manginell, J. R. Wendt, M. Rudolph, T. Pluym, J. K. Gamble, A. D.
Baczewski, W. M. Witzel, et M. S. Carroll, “A Silicon Metal-Oxide-Semiconductor
Electron Spin-Orbit Qubit,” Nature Communications 9, 1768 (2018).
1[
6
].
L’article introduit un nouveau qubit singulet-triplet entraîné par l’interaction
spin-orbite. Le qubit est utilisé pour étudier l’interaction spin-orbite dans le système
MOS en Si. Le bruit magnétique et le bruit de charge sont étudiés ; ils sont trouvés
comparables aux autres matériaux, contribuant à établir le MOS comme un système
compétitif. Ma contribution a été d’avoir conçu l’expérience avec R.M.J. et M.S.C.,
d’avoir réalisé des mesures complémentaires sur un dispositif similaire établissant
la reproductibilité des résultats, et d’avoir analysé et discuté les résultats avec les
co-auteurs.
7. P. Harvey-Collard, R. M. Jock, N. T. Jacobson, A. D. Baczewski, A. M. Mounce, M. J.
Curry, D. R. Ward, J. M. Anderson, R. P. Manginell, J. R. Wendt, M. Rudolph, T. Pluym,
M. P. Lilly, M. Pioro-Ladrière, et M. S. Carroll, “All-electrical universal control of a
1. Publié précédemment sur arXiv sous le titre “Probing low noise at the MOS interface with a spin-orbit qubit.”
Publications et conférences
xix
double quantum dot qubit in silicon MOS,” dans 2017 IEEE International Electron
Devices Meeting (IEDM) (2017), pp. 36.5.1–36.5.4.
[
7
]
Cet article démontre l’utilisation de l’interaction spin-orbite pour contrôler un qubit
singulet-triplet de façon universelle et entièrement électrique, sans l’aide de
compo-sants externes comme des microaimants qui pourraient compliquer l’intégration. La
lecture d’un seul coup est utilisée pour montrer le contrôle DC et AC du qubit. La
technologie présentée est complètement basée sur le CMOS et pourrait simplifier
la réalisation des qubits de spin. Mes contributions à l’article sont d’avoir conçu
l’expérience avec M.S.C., d’avoir réalisé l’expérience, d’avoir analysé les résultats
avec N.T.J., R.M.J. et A.D.B., et d’avoir discuté des résultats et écrit le manuscrit avec
M.S.C.
Présentations orales dans des conférences
Cette section contient une liste de mes principales présentations orales dans des
confé-rences de calibre international en tant qu’auteur-présentateur.
1. P. Harvey-Collard, “Singlet-triplet donor-quantum-dot qubit in silicon.” American
Physical Society March Meeting. San Antonio, TX, United States. March 2–6, 2015.
2. P. Harvey-Collard, “Nuclear-driven electron spin rotations in a coupled silicon
quan-tum dot and single donor system.” Southwest Quanquan-tum Information and Technology
Workshop. Albuquerque, NM, United States. February 18–20, 2016.
3. P. Harvey-Collard, “Nuclear-driven electron spin rotations in a coupled silicon
quan-tum dot and single donor system.” American Physical Society March Meeting.
Balti-more, MD, United States. March 14–18, 2016.
4. P. Harvey-Collard, “Coherent control of spin interaction between a quantum dot and
a donor in silicon.” Silicon Quantum Electronics Workshop. Delft, Netherlands. June
13–14, 2016.
5. P. Harvey-Collard, “Towards ultra-high single-shot readout fidelity of an electron
spin qubit through an enhanced latching mechanism.” American Physical Society
March Meeting. New-Orleans, LA, United States. March 13–17, 2017.
6. P. Harvey-Collard, “All-electrical universal control of a double quantum dot qubit in
silicon MOS.” IEEE International Electron Devices Meeting (IEDM). San Francisco,
CA, United States. December 4–6, 2017.
7. P. Harvey-Collard, “Implications of the spin-orbit effect for singlet-triplet qubit
ope-ration.” American Physical Society March Meeting. Los Angeles, CA, United States.
March 5–9, 2018.
Chapitre 1
Introduction
“We never experiment with just one electron, or atom, or molecule. In thought
experiments, we sometimes assume that we do; this inevitably entails ridiculous
consequences.
[. . . ] In the first place, it is not fair to say that we are
experi-menting with single particles any more than we raise ichthyosauri in the zoo.”
— E.
Schrödinger
, Brit. Jour. for the Phil. of Sci. (1952)
Il est facile, à force de longues heures de travail, de s’habituer et de se convaincre que
manipuler des particules uniques et des états quantiques est routine. Pourtant, en 1952,
nul autre qu’Erwin Schrödinger doutait qu’on puisse un jour expérimenter de la physique
quantique dans le laboratoire comme on le fait dans nos expériences de pensées
[
8
]. Même si
de nos jours nous pouvons « voir » les atomes et manipuler des électrons uniques, il n’en reste
pas moins que les défis technologiques sont considérables et requièrent toute l’ingéniosité
dont nous pouvons faire preuve pour isoler et contrôler des systèmes quantiques.
Ce chapitre introduit les principales notions qui servent de base et de motivation pour
les travaux de cette thèse. Dans la section
1.1
, la motivation des travaux est placée dans
le contexte de l’informatique quantique. Une brève énonciation des concepts reliés y est
donnée et les différentes approches pour réaliser un ordinateur quantique discutées. Dans
la section
1.2
, l’emphase est mise sur les qubits de spin et l’état de l’art du domaine. Dans la
section
1.3
, les travaux de la thèse sont énoncés et placés en contexte.
1.1
L’informatique quantique
L’intérêt scientifique pour l’information quantique a sans doute été popularisé par Richard
Feynman dans sa fameuse présentation de 1982 sur la simulation des lois de la physique à
l’aide d’ordinateurs
[
9
]. Dans ce texte, Feynman argumente que pour simuler efficacement
les lois de la nature, qui sont quantiques, il vaudrait mieux utiliser un ordinateur soumis
aux mêmes lois, soit un ordinateur quantique.
Beaucoup de travaux depuis ce jour ont cherché à préciser cette idée et à déterminer si,
effectivement, un ordinateur quantique pouvait effectuer certaines tâches plus efficacement
qu’un ordinateur classique. Un ordinateur classique en est un pour lequel on peut (en
prin-cipe) observer l’état du système à tout moment sans perturber son évolution. Le consensus
actuel est que oui, il existe certains problèmes (tels que définis en théorie de la complexité
de calcul) pour lesquels on connaît des algorithmes quantiques jusqu’à exponentiellement
plus rapides que les meilleurs algorithmes classiques
[
10
–
15
].
Notons à ce point que les technologies de l’information quantique englobent non
seule-ment l’informatique quantique, mais aussi la communication quantique et la cryptographie,
pour lesquelles la supériorité des systèmes quantiques est aussi prisée (voir p. ex.
[
16
]). La
communication quantique n’est pas discutée ici.
1.1.1
États de base
En informatique quantique, l’information est encodée de façon binaire, tout comme en
informatique classique, soit à l’aide d’états logiques de base « 0 » et « 1 »
[
17
]. Les états
quantiques sont représentés en mécanique quantique par des kets,
|0〉 et |1〉.
Tout système physique à deux niveaux, tel un spin 1
/2, peut servir à représenter un bit
quantique, ou « qubit ». En pratique, il peut être suffisant de se restreindre à un sous-espace
d’un système quantique de dimension plus grande si les opérations et la lecture de l’état
préservent le sous-espace. Une telle représentation ou encodage peut toutefois introduire
des erreurs dites de fuite, qui doivent être traitées différemment
[
18
,
19
].
La difficulté de réaliser un ordinateur quantique réside dans le fait qu’on doit pouvoir
contrôler et mesurer un système quantique sur demande, tout en étant capable de l’isoler
complètement de l’environnement afin de préserver la nature quantique des états, comme
les superpositions et l’intrication.
1.1.2
Modèles de calculs
Il existe plusieurs modèles de calcul en informatique quantique : ce sont différentes
façons de manipuler un système physique pour réaliser un calcul. Parmi les plus populaires,
on retrouve le modèle de circuit quantique, le modèle de calcul basé sur la mesure et le
modèle de calcul adiabatique.
Dans cette thèse, les discussions sont articulées en fonction des exigences du modèle de
circuit quantique et d’un ordinateur programmable universel. Ces exigences se traduisent
informellement comme suit pour un ordinateur à N qubits logiques
[
20
] :
1. Capacité d’initialiser et mesurer tous les qubits logiques indépendamment.
2. Capacité de réaliser un ensemble universel de portes logiques à N qubits. En pratique,
cela signifie par exemple de pouvoir réaliser n’importe-quelle rotation sur la sphère
de Bloch à un qubit, et une porte intriquante telle qu’un CNOT entre deux qubits
adjacents
[
21
].
1.1 L’informatique quantique
3
3. Les erreurs et la connectivité du système de qubits physiques (plusieurs qubits
physiques par qubit logique) doivent permettre la correction d’erreur quantique
tolérante aux fautes.
En pratique, pour les petits prototypes de qubits et d’ordinateurs non-corrigés, comme dans
cette thèse, les qubits physiques et logiques sont les mêmes.
Mentionnons que le modèle adiabatique a reçu beaucoup d’attention médiatique à cause
des activités de la compagnie D-Wave. Leur calculateur n’est cependant pas universel et
certains de leurs résultats ont fait l’objet de débats.
1.1.3
Décohérence et temps de cohérence
L’accès à l’information du qubit par l’environnement cause les états quantiques à devenir
progressivement classiques, un phénomène appelé décohérence (ou perte de cohérence). On
utilise le concept de temps de cohérence, T
2⋆, une mesure du temps moyen pendant lequel
une superposition d’état reste pure. T
2⋆est parfois appelé temps de déphasage, représentant
une perte d’information de la phase du qubit. Il est parfois possible de renverser l’évolution
incohérente de phase par des techniques de découplage dynamique ou d’écho
[
22
]. Le
temps de cohérence après ces corrections est noté T
2. Ces nomenclatures sont héritées du
domaine de la
résonance magnétique nucléaire (NMR)
, un système dans lequel fut réalisé
les premières expériences d’informatique quantique
[
23
–
25
].
La relaxation ou l’excitation du système peut aussi causer une perte irréversible de
l’information. Le temps caractéristique associé est dénoté T
1.
Par exemple, pour un état quantique mixte de matrice densité
ρ après un temps t, le
déphasage peut générer l’évolution
ρ(t) =
ρ
11ρ
12e
−(t/T ⋆ 2)nρ
∗ 12e
−(t/T ⋆ 2) nρ
22.
(1.1)
Ou encore, la relaxation peut causer l’évolution
ρ(t) =
ρ
11+ ρ22(1 − e
−t/T1) ρ12
e
−t/2T1ρ
∗ 12e
−t/2T1ρ
22e
−t/T1.
(1.2)
Pour le déphasage, on peut avoir n
≥ 1, selon le mécanisme. Notons la relation générale
T
2≤ 2T1
.
(1.3)
1.1.4
Correction quantique d’erreur
En général, les systèmes quantiques qui sont faciles à contrôler et à mesurer sont souvent
exposés à l’environnement pour la même raison. Il s’ensuit que la clef du contrôle quantique
est d’atteindre un équilibre entre contrôle, mesure et erreurs.
La notion de fidélité est souvent employée pour quantifier les erreurs en informatique
quantique. Pour un système ayant une matrice densité
ρ et un état pur cible |ψ〉, la fidélité
de l’état est F
état= 〈ψ| ρ |ψ〉 [
26
].
On distingue plusieurs classes d’erreurs, dont : les erreurs de
préparation et lecture d’état
(SPAM)
, les erreurs de contrôle et les erreurs dues à la décohérence. La meilleure approche
pour mitiger ces erreurs dépend en général des mécanismes en cause.
Sans
correction quantique d’erreur (QEC)
, il serait en pratique impossible d’effectuer de
longs calculs avec un taux de succès acceptable, celles-ci s’additionnant et se propageant
au fur et à mesure des étapes du calcul. Heureusement, il existe une grande quantité de
travaux qui analysent comment réaliser de la
correction quantique d’erreur tolérante aux
fautes (FTQEC)
. L’objectif de la
FTQEC
est de détecter et corriger toute erreur (unique) de
SPAM
, de contrôle ou de décohérence et de prévenir la propagation d’une erreur dans le
circuit. Cette tâche est considérée possible à condition que la probabilité d’une erreur p
entre deux rondes de correction d’erreur soit inférieure à un seuil, p
< p
th. Les meilleurs
codes de
FTQEC
ont un seuil p
th∼ 1% [
27
].
Le principe de la
FTQEC
est qu’un qubit logique avec un taux d’erreur arbitrairement
faible peut être atteint en augmentant la taille du circuit et
/ou en imbriquant plusieurs
couches de correction d’erreur. Par exemple, pour un code imbriqué, la probabilité d’erreur
après correction est p
f∝ p
2. Notons que la probabilité d’erreur p doit être inférieure au
seuil par la plus grande marge possible, sans quoi la complexité de la correction d’erreur
requise peut être faramineuse. En pratique, on vise plutôt (de façon un peu arbitraire) un
facteur 10 sous le seuil, soit p
< 0.1%. Certains groupes comme IBM visent même un facteur
100, soit p
< 0.01% [
28
].
1.1.5
Les différents systèmes de qubits
Plusieurs systèmes physiques (ou « architectures ») sont à l’étude pour réaliser un
ordina-teur quantique. À l’heure actuelle, il n’est pas clair lequel de ces systèmes est l’architecture
du futur. Ces systèmes sont à différents stades de maturité et ont tous des avantages et des
inconvénients.
Un aperçu des architectures les plus populaires pour réaliser un ordinateur quantique
est donné dans les paragraphes suivants. La figure
1.1
résume les caractéristiques de trois
de ces architectures.
Résonance magnétique nucléaire
Qubit physique Ensemble de spins nucléaires 1
/2 [
26
,
29
] dans un ensemble
macro-scopique de molécules à l’état liquide. Le couplage entre les atomes d’une molécule
permet le couplage entre les qubits.
1.1 L’informatique quantique
5
Architecture
p
, 1 q
p
, 2 q
T
2Processeur
Ions piégés (I)
≲ 10
−4≲ 10
−3∼ 1 s
5 q
Supraconducteurs (II)
≲ 10
−3≲ 10
−2∼ 100 µs 5 q et plus
Semiconducteurs
200 nm SET CS QD QD 1 cm≲ 10
−3≲ 10
−1∼ 10 ms
2 q
Figure 1.1. Comparaison de trois principales architectures pour la réalisation d’un ordinateur
quantique. Ici p est la probabilité d’erreur, T2le temps de cohérence et q signifie qubits. Droits : (I)
État de l’art Démonstrations d’algorithmes quantiques
[
25
,
30
], de techniques de
to-mographie
[
31
], et de découplage dynamique.
Forces Maturité et simplicité des techniques expérimentales (
> 60 ans). L’architecture
a servi à établir plusieurs preuves de concepts dans le domaine.
Faiblesses Il est généralement reconnu que le système ne peut se généraliser à plus de
∼ 10 à 20 qubits. Incapacité à bien initialiser les qubits et à générer de l’intrication à
loisir.
Supraconducteurs
Qubit physique État de charge (transmon) ou de flux magnétique (flux qubit)
[
28
].
Architecture basée sur de l’électronique supraconductrice planaire (ou parfois dans
des cavités 3D) à basse température (
∼ 100 mK). Les qubits sont contrôlés avec des
impulsions micro-ondes. Le couplage entre qubits se fait principalement avec des
résonateurs
[
32
,
33
].
État de l’art Temps de cohérence T
2∼ 100 µs. Portes à un qubit p ≲ 10
−3(probabilité
d’erreur). Portes à deux qubits p ≲ 10
−2. Processeurs à 5 qubits
[
34
].
1Forces Robustesse de fabrication. Facilité de couplage entre qubits.
Faiblesses Faible protection énergétique contre la température. Temps de cohérence
limités par la relaxation. Lecture d’un seul coup à haute fidélité difficile. La large
taille des composants rend l’intégration à grande échelle difficile.
Ions piégés
Qubit physique Niveaux électroniques hyperfins d’ions comme
171Yb
+. Les ions sont
piégés dans un piège électromagnétique (en chaîne) et refroidis dans l’état
fonda-mental de mouvement avec un laser. Les qubits sont contrôlés et mesurés avec des
lasers. Le couplage entre qubits s’effectue à travers les états de mouvement de la
chaîne et est activé avec des impulsions laser.
État de l’art Temps de cohérence T
2∼ 1 s. Portes à un qubit p ≲ 10
−4(probabilité
d’erreur)
[
36
]. Portes à deux qubits p ≲ 10
−3[
36
]. Processeurs à 5 qubits [
34
].
Forces Meilleure connectivité entre petits groupes de qubits. Longs temps de cohérence
et haute fidélité.
Faiblesses La taille des chaînes est limitée (≲ 14 ions). Les systèmes plus grands
né-cessitent de déplacer les ions sur des rails microfabriqués et souffrent encore de
problèmes de fiabilité.
1. Au moment d’écrire cette thèse, Intel, Google et IBM[35] testent des puces de 16 à 50 qubits, mais les
1.1 L’informatique quantique
7
Spins à accès optique
Qubit physique Spin électronique d’un défaut chargé dans un matériau comme le
diamant (centre NV) ou le carbure de silicium (vacance de Si). Le qubit est contrôlé
avec des impulsions micro-ondes magnétiques et mesuré optiquement avec des lasers.
Le qubit peut souvent interagir avec des spins nucléaires qui sont en contact avec
la fonction d’onde de l’électron, formant de petits groupes de qubits
[
37
–
39
]. Les
qubits peuvent être opérés à la température ambiante ou à froid (∼ 4 K).
État de l’art Temps de cohérence T
2∼ 1 ms. Portes à un qubit p ≲ 10
−4. Portes à deux
qubits p ≲ 10
−2[
39
]. Couplage entre 3 qubits [
40
].
Forces Opération à température ambiante. Haute fidélité à un qubit. Accès optique pour
couplage longue distance (par example
[
41
]). Accès aux spins nucléaires avoisinants
comme ressource.
Faiblesses Couplage optique difficile et non-déterministe entre différents défauts (sites).
L’ensemble limité de spins nucléaires limite fondamentalement la taille des systèmes
à quelques qubits.
Spins à accès électrique dans les semi-conducteurs
Par la suite nommés simplement « semi-conducteurs » par soucis de simplicité.
Qubit physique Spins électroniques dans des
boîtes quantiques (BQs)
. Le qubit est
contrôlé électriquement ou avec des impulsions micro-ondes magnétiques. Le
cou-plage entre qubits s’effectue par interaction d’échange (chevauchement des fonctions
d’onde) ou capacitive
[
42
,
43
]. Les
BQs
peuvent être remplacés par des donneurs.
Dans ce cas, le spin nucléaire peut aussi être utilisé comme qubit. Le tout est opéré à
basse température (
∼ 100 mK).
État de l’art Pour les
BQs
: Temps de cohérence T
2∼ 10 ms [
44
]. Portes à un qubit
p ≲ 10
−3[
45
]. Portes à deux qubits p ≲ 10
−1[
46
]. Processeur à 2 qubits [
47
]. Pour
les donneurs
/spins nucléaires : Temps de cohérence T2
∼ 30 s. Portes et mesure à un
qubit p ≲ 10
−4[
48
,
49
]. Pas de portes à deux spins nucléaires, mais couplage entre
le spin électronique et nucléaire du donneur
[
50
].
Forces Le spin nucléaire est le meilleur qubit simple. Les
BQs
peuvent être fabriquées
en réseau, sont compactes et peuvent tirer profit des technologies d’intégration à
grande échelle de la microélectronique. La mesure est facile et rapide.
Faiblesses Les donneurs ne sont pas faciles à coupler directement entre eux. La fidélité
des portes à deux qubits est mauvaise dans les
BQs
et n’est pas encore démontrée
pour les donneurs ou spins nucléaires. Les portes à deux qubits exposent les qubits
au bruit de charge, malgré l’isolation du spin.
Tous ces systèmes ont déjà permis des applications satellites. Par exemple, un centre NV
dans le diamant (NV pour nitrogen-vacancy) peut servir à détecter localement de faibles
champs magnétiques
[
51
]. Une
BQ
peut servir comme émetteur de photons uniques
[
52
,
53
]
ou comme détecteur de charge
[
54
,
55
]. La simulation quantique est aussi un domaine en
essor
[
56
].
1.2
Les qubits de spin à accès électrique dans les
semi-conducteurs
Cette section fait la revue de l’état de l’art des qubits de spin à accès électrique dans
les semi-conducteurs. Par souci de simplicité, ceux-ci seront désignés simplement « qubits
de spin », sans faire référence aux spins à accès optique. L’emphase est mise sur les spins
électroniques, mais il est aussi possible d’utiliser des trous. Les systèmes les plus discutés sont
les
BQs
« latérales » dans le Si, dans le GaAs, et les donneurs dans le Si. Les autres systèmes
sont brièvement discutés par la suite. Les articles de revue de Hanson et al.
[
42
], Zwanenburg
et al.
[
43
] sont un bon point de départ pour s’introduire au domaine.
On peut classifier les qubits de spin selon leur encodage et selon la nature du confinement
électronique.
1.2.1
Classification selon l’encodage
Il existe plusieurs encodages pour les qubits de spin basés sur un ou plusieurs électrons.
L’encodage du qubit (à différencier des codes correcteurs d’erreur) consiste à utiliser un
sous-espace à deux dimensions de l’espace de Hilbert du spin de un ou plusieurs électrons.
La figure
1.2
résume les principales classes.
Spin 1/2 électronique L’encodage le plus simple est le spin 1/2 d’un électron [
57
].
L’électron réside dans une
BQ
simple
[
58
,
59
] ou sur un donneur [
60
,
61
]. Étant un système
à deux niveaux idéal, il n’y a pas de problèmes de fuites. Le contrôle du qubit doit se
faire avec des champs magnétiques oscillants (de type
résonance électronique de spin
(ESR)
[
62
]). Ce contrôle est plutôt lent, ce qui limite la fidélité des opérations [
44
,
60
–
66
].
Alternativement, on peut déplacer l’électron dans un champ magnétique effectif (de type
résonance de dipôle électronique de spin (EDSR)
[
67
–
69
]). Ce contrôle est beaucoup plus
rapide
[
70
,
71
], mais expose le spin à la décohérence de charge [
45
]. Il existe aussi d’autres
propositions de contrôle
[
72
,
73
]. La lecture de l’état se fait typiquement via la méthode de
lecture d’évènement tunnel sélectif en énergie (ESTR)
(voir la section
4.1
).
Spin 1
/2 nucléaire L’encodage du spin nucléaire 1/2 [
74
] est complètement analogue
à celui du spin électronique. Quelques différences existent au niveau du contrôle et de
1.2 Les qubits de spin . . .
9
number of electrons per logical qubit
single electron singlet-triplet exchange-only 1 2 3 J Bz |Si |T0i Jl Jr |0i |1i Bac > 20 GHz Bext ∆B Bext Bext |"i |#i B0 BESR antenna, micromagnet micromagnet
Figure 1.2. Principaux encodages des qubits de spin électronique. Pour l’encodage singulet-triplet,
|S〉 = (|↑↓〉 − |↓↑〉) /p2 et|T0〉 = (|↑↓〉 + |↓↑〉) /p2. Pour l’encodage d’échange uniquement,|0〉 = |S〉 |↑〉 et |1〉 =p2/3 |T+〉 |↓〉 −p1/3 |T0〉 |↑〉.
la lecture. Le contrôle conventionnel est de type
NMR
(donc similaire à la
ESR
)
[
64
]. Un
ensemble de spins nucléaires peut en principe être manipulé électriquement
[
75
], bien
que ce n’ait pas encore été démontré pour un donneur unique. Les spins nucléaires sont
lents à contrôler, mais sont excessivement bien isolés de l’environnement ; ils ont la plus
haute fidélité à un qubit de tous les encodages présentés
[
48
,
49
]. La lecture du spin
nucléaire s’effectue différemment de celle du spin électronique et nécessite à ce jour un
qubit électronique comme sonde
2(voir la section
4.1
).
Singulet-triplet
L’encodage
singulet-triplet (ST)
encode le qubit entre l’état singulet et le
triplet non-polarisé de deux électrons (voir la section
2.12
)
[
76
]. De façon moins commune,
un triplet polarisé peut aussi être utilisé
[
77
,
78
].
3La paire d’électrons réside dans une
BQ
double
[
79
]. Le contrôle du qubit se fait à l’aide d’une différence d’énergie Zeeman
entre les deux spins causant une précession différentielle et avec l’interaction d’échange
[
80
]. L’interaction d’échange expose le qubit à la décohérence de charge. La précession
différentielle est causée par l’interaction avec les spins nucléaires du réseau cristallin
[
81
–
84
]
ou d’un donneur unique
[
4
,
85
], par un microaimant [
86
], ou par l’interaction spin-orbite
[
6
]. La lecture se fait typiquement avec la méthode de
lecture de blocage de spin de Pauli
(PSBR)
.
2. La lecture étant non-destructive, le qubit électronique n’a pas besoin d’une grande fidélité, mais seulement de distinguer les états nucléaires avec une probabilité raisonnable. La répétition de la mesure augmente par la suite la fidélité de la lecture.
Échange uniquement
L’encodage d’échange uniquement (exchange-only) encode le
qubit dans un sous-espace de trois spins
[
87
,
88
]. Les trois électrons résident dans une
BQ
triple
[
89
]. Il existe quelques variations de l’encodage, comme l’échange uniquement
[
87
], l’échange résonnant [
90
], l’échange-uniquement toujours-actif [
91
], et
l’échange-uniquement singulet-l’échange-uniquement (4 spins, quadruple boîte)
[
92
]. Le contrôle se fait de
façon complètement électrique grâce à l’interaction d’échange
[
93
–
95
]. Cependant, le qubit
est ainsi exposé à la décohérence de charge. La méthode de lecture est la même que pour
l’encodage
ST
.
Hybride spin-charge
L’encodage hybride spin-charge encode un qubit à trois électrons
dans deux
BQs
[
96
].
4Il est similaire en certains aspects à l’encodage
ST
. L’encodage expose
modérément le qubit à la décohérence de charge,
5mais son opération est complètement
électrique et rapide
[
98
,
99
]. Le qubit peut être désensibilisé (jusqu’à un certain point) à la
décohérence de charge
[
100
]. La lecture peut se faire par une méthode analogue à la
PSBR
[
98
], ou par une méthode analogue à la
ESTR
[
101
].
Charge
L’encodage de charge encode un qubit dans l’état orbital (position) d’un ou
plusieurs électrons dans une
BQ
double (p. ex. un électron dans la boîte de gauche ou la
boîte de droite). Bien que l’encodage n’en soit pas un de spin, il est intéressant pour établir
des comparaisons. L’encodage expose grandement le qubit à la décohérence de charge. Le
contrôle du qubit se fait électriquement
[
102
–
104
]. Des travaux récents suggèrent un point
d’opération optimal (sweet spot) pour un quadrupôle de charge
[
105
].
1.2.2
Classification selon le type de confinement
L’article de revue de Zwanenburg et al.
[
43
] classifie les structures selon le type de
confinement utilisé pour piéger les électrons (figure 1 de l’article). Les différentes façons
de confiner un électron (ou un trou) dans une nanostructure incluent le confinement
de Coulomb (p. ex. un donneur), le confinement matériel (c.-à.-d. via la structure de
bande, comme une hétérostructure ou un système
métal–oxyde–semi-conducteur (MOS)
)
et le confinement électrostatique (c.-à.-d. via un potentiel de grille modulant le potentiel
chimique).
Les différentes structures se distinguent par les différentes combinaisons de confinement
utilisées pour piéger un électron dans les trois dimensions spatiales. Ceci est illustré à la
figure
1.3
.
Les différentes combinaisons confèrent différents avantages et inconvénients à chaque
système.
4. Il existe un autre encodage portant le nom de spin-charge[97], mais celui-ci n’a pas été démontré
expérimentalement.
1.2 Les qubits de spin . . .
11
Schematic of material Material confinement potential Schematic of device Device confinement potential
Dopan ts Dopant atoms 0D structur es Self‐assembled nanocrystals 1D structur es Etched or self‐assembled nanowires 2D st ru ct u re s Si (backgate) substrate EF D EF D0(1e–) D–(2e–) S D (backgate) substrate S D Si/SiGe hetero Si MOS 2DEG Si EF S D (backgate) substrate S D D S Si G S D G D S Si z y,z x x,y,z x,y y x z y x z y x z y x z x,y,z Si oxide metal Si1‐xGex Si Si1‐xGex EF G G
G Gate Si S Source D Drain
G Gate Si S Source D Drain
G Gate Si S Source D Drain
G Gate Si S Source D Drain G S D G G E E E E µS µD µS µD µS µD
Figure 1.3. Classification des nanostructures selon leurs types de confinement pour piéger des
électrons. Reprinted figure 1 with permission from[43]. Copyright (2013) by the American Physical