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Architecture, environnement et science fiction : les enjeux environnementaux dans les villes de science fiction

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Architecture, environnement et science fiction : les

enjeux environnementaux dans les villes de science

fiction

Guillaume Bourven

To cite this version:

Guillaume Bourven. Architecture, environnement et science fiction : les enjeux environnementaux dans les villes de science fiction. Architecture, aménagement de l’espace. 2018. �dumas-01995986�

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Guillaume Bour

ven

2017-2018

Les enjeux environnementaux dans les villes de science fiction

ARCHITECTURE, ENVIRONNEMENT

ET SCIENCE FICTION

ARCHITECTURE , ENVIRONNEMENT ET SCIENCE FICTION

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Je souhaite remercier tous ceux qui m’ont aidé pour les recherches et la rédaction de ce mémoire. Un grand merci à Virginie Meunier et Christian Marenne pour leurs précieux conseils, leur patience et leur bienveillance. Merci aussi à ma famille et mes amis qui m’ont soutenu tout au long de cette aventure. Petit clin d’œil à ma mère et à Cyril pour leur

investissement et leur bonne humeur.

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Les enjeux environnementaux dans les villes de science fiction

ARCHITECTURE, ENVIRONNEMENT

ET SCIENCE FICTION

Guillaume Bourven

Mémoire réalisé sous la direction de Virginie Meunier et

Christian Marenne

Année universitaire 2017-2018

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

MÉTHODOLOGIE

I. LA VILLE DE SCIENCE FICTION FACE AUX

QUESTIONS DÉMOGRAPHIQUES

I.1. Une explosion urbaine : les mégapoles et les villes-planètes

I.2. Les dérives totalitaires : ségrégation spatiale et contrôle des populations

I.3. Le repli sur soi : vivre en petites communautés I.4. Gigantisme et local

II. L’ÉPUISEMENT DES RESSOURCES ET DES

ÉNERGIES DANS LES VILLES DE SCIENCE FICTION

II.1. L’accaparement des ressources : les mégapoles prédatrices en sursis

II.2. Décroissance économique et « état stable » II.3. Utopies vertes et bio mimétisme

II.4. Centralisation et distribution

P. 6 P. 10 P. 12 P. 12 P. 26 P. 38 P. 52 P. 58 P. 58 P. 72 P. 80 P. 90

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III. LA VILLE DE SCIENCE FICTION FACE AU

RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

III.1. Survivre à la catastrophe : les villes post-cataclysmes III.2. Le changement climatique comme une opportunité pour faire évoluer nos villes

III.3. Ruines et renaissances

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

P. 96 P. 96 P. 112 P. 118 P. 122 P. 126

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Si l’architecte construit dans le présent, il doit aussi se poser la question de l’avenir. En effet, pour tous les bâtisseurs, réfléchir aux mutations et évolutions de la ville est capital pour pouvoir répondre aux besoins présents et futurs de la société. Mais dans quel monde vivrons nous demain ? Et dans un siècle ? Si les architectes se posent ces questions, c’est avant tout par ce qu’ils sont humains. La question de l’avenir est toujours au centre de nos préoccupations. Et ce depuis la nuit des temps car déjà à l’aube des civilisations les plus anciennes, les Hommes cherchaient à connaître et à anticiper leur futur. Mais ne pouvant apporter des réponses, ils se réfugiaient dans la religion et le mystique, alors les seuls à pouvoir soulager un tant soit peu ce besoin existentiel. Pourtant, au fil des âges, de plus en plus de littéraires, d’artistes, de philosophes, de penseurs, vont s’emparer de cette réflexion sur le devenir de l’Humanité. Cet intérêt croissant va même donner vie à un nouveau courant artistique pouvant être qualifié de « fantaisie » ou de « féérie ». On imagine alors ce que pourrait être la société de demain et comment améliorer la condition humaine. L’entrée dans l’ère industrielle et des machines en milieu de XIXème siècle va par ailleurs transformer le genre qui va davantage s’intéresser au progrès technique et aux innovations apportées par la première révolution industrielle. C’est dans ce contexte que Jules Verne va écrire un nombre important de romans où il imagine des machines futuristes et des engins qui révolutionnent les transports et le voyage. Dans « 20 000 lieues sous les mers1 » par exemple, le sous marin du capitaine Nemo est un

véritable concentré de nouvelles technologies. Mais l’écrivain va plus loin en anticipant la conquête spatiale avec « De la Terre à la Lune2 ». De

l’autre côté de la Manche, le britannique Herbert George Wells se lance lui aussi dans des récits de voyages à l’aide d’étranges machines. Tous deux sont considérés comme les pères d’un genre littéraire nouveau que l’on appellera « science fiction ».

1 Jules Verne, 20 000 lieues sous les mers, édition Pierre-Jules Hetzel, 1870

2 Jules Verne, De la Terre à la Lune, édition Pierre-Jules Hetzel, 1865

INTRODUCTION

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Ainsi, la science fiction s’est développée avec les révolutions industrielles et les innovations qui en ont découlées. Le lien avec la technologie et le progrès scientifique est donc l’essence même de ce nouveau genre qui va prendre de l’ampleur au XXème siècle. En effet, le progrès est alors l’idée motrice du monde occidental qui se persuade lui même que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. On pense alors que la science aura réponse à tout et que le progrès ne s’arrêtera jamais. C’est aussi au début du XXème siècle que la ville fait son apparition dans les récits de science fiction en tant qu’élément structurant du récit (elle n’est plus un simple décor anecdotique).Et si l’espace urbain interroge les écrivains puis les cinéastes, c’est surtout parce qu’il est le miroir de la société qu’il abrite. S’intéresser aux villes revient donc à étudier le monde des Hommes dans sa globalité. Il est donc naturel que l’on s’interroge sur la société de demain en passant par une réflexion sur la cité qu’elle occupera. Dans l’entre-deux guerres, on imagine des villes gigantesques où la technologie et les machines foisonnent. Les mégapoles se peuplent de machines volantes en tout genre et l’Homme colonise les étoiles. Le futur est alors vu comme un monde ultra-mécanisé où le progrès vient tout résoudre. Ce thème de la mégapole technologique est abordé en détail dans « Metropolis3 » de Fritz Lang. Le réalisateur voit alors la ville du

futur comme un espace dense et démesuré où les Hommes interagissent avec robots et machines. C’est donc encore le rapport à la technologie qui reste le sujet majeur de la science fiction en cette première moitié du XXème siècle. A ceci s’ajoutera le thème de la conquête spatiale et des extraterrestres, sujets qui formeront un genre à part de science fiction : le space opéra. Mais là encore c’est la relation entre les Hommes et la science qui sert de sujet principal aux œuvres.

La science fiction est-elle donc uniquement un genre figé qui ne parle que de robots et de machines ? Il n’en est rien, car elle est avant tout le révélateur des préoccupations de la société contemporaine de ses auteurs. La relation entre la science fiction et son contexte est donc très étroite. La présence forte du thème de la technologie dans une bonne partie des œuvres datant d’avant 1960 s’explique donc tout simplement par le fait que celle-ci (la technologie) était au cœur des

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intérêts de l’époque. Si l’on veut donc s’intéresser à ce que dit la science fiction aujourd’hui sur notre futur potentiel, il faut avant tout chercher à comprendre son contexte. Or celui ci a bien évolué depuis les années 60. En effet, depuis 1970, c’est le devenir de la planète qui est au cœur des préoccupations. La pollution inquiète de plus en plus les spécialistes et tout porte à croire que l’intégrité de la Terre n’est plus garantie. Ainsi, la prise de conscience environnementale marque fortement le passage au XXIème siècle et l’écologie est aujourd’hui bien inscrite dans toutes les sphères de la société. La science fiction contemporaine est donc nécessairement réactive aux enjeux environnementaux. Mais de quels enjeux parle t-on alors ? Si les problèmes sont nombreux, les spécialistes s’accordent pour définir trois enjeux majeurs. Le premier est à l’origine de tout le problème écologique : c’est l’Homme, ou plutôt ses effectifs. En effet, la surpopulation inquiète de plus en plus car elle implique une activité de plus en plus néfaste sur la planète. De plus, l’explosion démographique sera de plus en plus exponentielle. Si nous sommes aujourd’hui un peu plus de 7 milliards d’êtres humains, la population mondiale pourrait atteindre les 10 milliards avant le passage au XXIIème siècle. Rien que le fait de devoir se nourrir va poser problème. La surconsommation et le gaspillage mènent à un épuisement progressif des ressources qui risque de s’accélérer avec l’explosion démographique. Et c’est précisément le deuxième enjeu : comment continuer à vivre alors que les ressources de base comme l’eau vont se faire de plus en plus rares. L’énergie pose aussi problème : les énergies fossiles, autrefois abondantes, fondent à vu d’œil et leur exploitation intensive a causé des dommages irréparables à l’environnement. Le nucléaire pose toujours problème et les énergies vertes restent chères et nécessitent certaines ressources rares, non inépuisables elles aussi. La crise énergétique et le manque de ressources sont donc un enjeu majeur. De plus, ils sont à la base de toute l’activité humaine, qui elle même pose problème. En effet, le réchauffement climatique en est la conséquence directe et lui même commence à impacter de manière inquiétante le climat. La Terre se réchauffe, transformant durablement certaines parties du globe. Les catastrophes naturelles et les phénomènes climatiques néfastes se font de plus en plus nombreux et importants en terme de dommages. La preuve en est la vague de froid qui frappe en ce début d’année 2018 le

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Nord du continent américain. Et si le président D. Trump trouve amusant d’en profiter pour nier un réchauffement de la planète, les spécialistes sont formels : les inondations glacières sont dues à la montée des eaux et au déplacement d’un courant chaud. Il est donc impossible de ne pas accepter l’évidence d’un bouleversement durable du climat.

Ces trois enjeux : surpopulation, épuisement des ressources et énergies et dérèglement climatique sont donc au cœur de la prise de conscience environnementale. Ils sont à l’origine de nombreux débats et projets qui visent à tenter de résoudre la question écologique. Mais que dit la science fiction à ce sujet ? Nous allons donc ici répondre à la question suivante : comment la science fiction s’est elle emparé des enjeux environnementaux pour projeter la ville de demain ?

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Mon mémoire traitant des enjeux environnementaux dans la ville de science fiction (SF), il m’a paru important de commencer par une recherche afin de les définir (de quels problèmes et enjeux va t-on parler en lien avec l’environnement ?). Pour cela je suis allé interroger différents médias abordant ces questions mais c’est surtout un livre qui m’a permis de dégager les trois principaux thèmes mis en avant dans l’introduction du mémoire. Cet ouvrage1 est un atlas qui apporte une

réflexion particulièrement intéressante sur ces enjeux tout en s’appuyant sur des chiffres fiables et une documentation solide. Ce livre est en quelque sorte un révélateur qui met en lumière un certain nombre de questionnements qui seront repris après par les auteurs et artistes de SF. Après avoir identifié les trois problèmes, la suite de mes recherches s’est principalement appuyée sur des ouvrages et des articles s’intéressant à la représentation de la ville en SF de manière générale, puis en lien plus étroit avec les enjeux environnementaux. En plus d’apporter des éléments de réponse, cette recherche bibliographique était un très bon moyen de découvrir de nouveaux exemples et références d’univers qui interrogent la question environnementale.

Les exemples que j’ai pu trouver ont donc complété ceux que je connaissais déjà, offrant ainsi un panel assez large de villes de SF (dans les romans, BD, films et jeux vidéo). En confrontant les exemples et les ouvrages généralistes, l’objectif à terme était donc de dégager différents types de représentation de la cité de demain afin de les regrouper en familles. Chaque famille étant une réaction à un ou plusieurs enjeux environnementaux, on pourra ainsi voir comment ces questions sont traitées par les auteurs et artistes de SF. Chaque famille sera représentée par un ou deux exemples avec lesquels nous pourrons voir concrètement quelles visions se dégagent des différents univers. Les comparer et les mettre en confrontation sera aussi le moyen de voir comment et pourquoi les auteurs développent leurs hypothèses.

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Enfin, en fin de mémoire nous pourrons ouvrir le sujet et montrer en quoi ces villes de SF ont pu impacter la prise de conscience environnementale, donnant même parfois lieu à des projets très concrets. Cette prospective est très importante pour moi car elle illustre bien ce que cherche à faire la SF: accompagner la société dans ses mutations et la faire réfléchir.

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I. LA VILLE DE SCIENCE FICTION FACE AUX

QUESTIONS DÉMOGRAPHIQUES

I.1. Une explosion urbaine : les mégapoles et les villes-planètes

La fulgurante croissance démographique de la population mondiale a pris un véritable tournant dans les années 50. En effet, si pendant longtemps celle ci ne dépassait pas les 2 milliards, le contexte économique post-guerres mondiales et le développement rapide de puissances émergeantes ont depuis fait grimper ce chiffre. Ainsi, nous sommes aujourd’hui plus de 7 milliards d’êtres humains à peupler une planète qui déjà montre ses limites à supporter le poids croissant de nos activités. Et certaines mégapoles mondiales battent déjà des records comme Tokyo (la ville avec l’aire urbaine la plus peuplée à ce jour) avec une population qui frôle les 43 millions d’habitants. Et si pour le moment la population de la Mégapolis Nord Américaine (Boston, New York, Philadelphie, Washington) se stabilise à environ 52 millions d’habitants (chiffres de 2010), il va sans dire que ce chiffre va continuer d’augmenter à l’image de la population mondiale qui devrait dépasser les 10 milliards d’individus après 2050 (estimations de l’ONU). Nos villes déjà très peuplées le seront donc encore plus à l’avenir. Notre planète va t-elle se transformer en une ville totale ? Si la science fiction est riche de scénarios proposant des mégapoles de plus en plus grandes et surpeuplées, arrêtons nous sur une vision particulière : celle de l’univers de «Star Wars». En effet, la saga de Georges Lucas propose un scénario que l’on pourrait qualifier de « paroxysme de la mégapole » puisqu’il donne vie à l’écran à une planète bien particulière qui s’est retrouvée entièrement urbanisée : la ville planète de Coruscant. Ville totale, cette mégapole planétaire joue dans l’univers de Star Wars un rôle très important puisqu’elle est le centre politique (et géographique ; Coruscant est située dans ce qui est appelé par Georges Lucas « les mondes du Noyau galactique) de l’ensemble de la galaxie. Directement inspirée de la planète « Trentor » imaginée par le romancier Isaac Asimov1 , Coruscant est un espace urbain développé

en réaction à la montée en puissance des mégapoles mondiales (et en

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particulier la Mégapolis Nord Américaine, précédemment mentionnée). Et si la ville planète n’est montrée qu’un court instant dans la trilogie originale2 , elle est très présente dans la deuxième trilogie3 et montrée

sous toutes ses formes. Nous allons donc étudier ici la ville planète et voir comment elle est devenue cet espace urbain total tout en mettant en avant les nombreux problèmes et dysfonctionnements que connaît cette mégapole (qui se veut un lointain futur possible de notre planète). La capitale de la galaxie

Dans « la galaxie lointaine, très lointaine » imaginée par Georges Lucas, Coruscant est au centre de tout. En effet, la ville planète, si elle a vu défiler les siècles et les régimes politiques (le passage de la République à l’Empire est au cœur de l’intrigue de la Prélogie, tandis que la Trilogie originale met en scène la rébellion qui renversa ce dernier pour instaurer une nouvelle république galactique) est restée malgré tout la capitale de la galaxie. Il n’est pas précisé depuis exactement combien de temps la planète occupe cette position mais la chronologie de l’univers étendu de Star Wars se compte en millénaires.

2 Georges Lucas, Star Wars, Trilogie originale, Lucasfilm, 1977-1983

3 Georges Lucas, Star Wars, Prélogie, Lucasfilm, 1999-2005

La capitale de la galaxie « brille de milles feux » littéralement ; ville totale, les lumières de la mégapole planétaire sont visibles depuis une orbite très éloignée ; Georges Lucas,

Star Wars : La Menace fantôme, Prélogie, Lucasfilm, 1999.

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Déjà très peuplée par les natifs de sa surface (majoritairement des humains ; dans l’univers de Star Wars l’origine de l’être humain est inconnue et n’est aucunement liée à la Terre ou à la Voie Lactée), Coruscant compte sa population non pas en milliards mais en trillions ce qui implique une masse titanesque d’individus. Hormis les humains et les indigènes aliens, de nombreuses espèces pensantes en provenance des quatre coins de la galaxie viennent se rajouter à une population plus que cosmopolite. Mais, si vivre entassés les uns sur les autres est considéré comme étant inconfortable, voir insupportable, par la majorité des espèces pensantes de l’univers, toutes sont cependant présentes sur Coruscant. Ainsi, malgré ces conditions de vie peu plaisantes, la ville planète n’en reste pas moins très attractive et ce parce qu’elle demeure la capitale de la galaxie. En effet, la majorité de la population d’une galaxie presque unifiée sous un gouvernement galactique unique considère qu’il est dans son intérêt d’affirmer sa présence au plus près du cœur du pouvoir. Et c’est pourquoi le centre politique de Coruscant est monopolisé par les ambassades et les sièges des grandes corporations qui veulent toutes leur place au plus près du pouvoir. Ainsi, dans la culture galactique, qui veut exister, que ce soit une planète ou une multinationale, se doit d’avoir son ambassadeur ou son représentant dans la Capitale. Ce mode de fonctionnement est en réalité assez proche de notre monde actuel dans la mesure où comme sur Coruscant, nos mégapoles mondiales regroupent les sièges des grandes entreprises et organisations. Surpeuplées ou pas, les villes sont en compétition pour attirer (et influencer) les leviers du pouvoir économique et politique.

Hormis les ambassades et les sièges d’entreprises, le centre de Coruscant (si il doit y en avoir un) est principalement marqué par les édifices officiels du gouvernement. Que ce soit la République ou l’Empire, le même emplacement a été conservé car bien relié aux différents réseaux et bien équipé en infrastructures variées. Les bâtiments officiels se distinguent du reste du paysage urbain de par leurs architectures particulières qui doivent les rendre bien visibles afin de servir de repères (point de marquage visuel) dans une mégapole planétaire aussi bien organisée qu’un labyrinthe généré de manière aléatoire. Différencier ces édifices est aussi un bon moyen pour le pouvoir de marquer sa présence et sa

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Le cœur de Coruscant regroupe la majorité des acteurs politiques et économiques de l’ensemble des organisations de la galaxie ; Georges Lucas, Star Wars : L’Attaque des Clones, Prélogie, Lucasfilm, 2002.

puissance, marque d’une société qui se glorifie d’avoir unifié presque toute une galaxie sous son influence, mais qui semble ignorer ouvertement ses dysfonctionnements et ses problèmes. Le premier d’entre eux étant son propre ravitaillement. En effet, Coruscant s’est intégralement spécialisée dans des activités tertiaires de gouvernance et de gestion, ce qui en fait une planète totalement dépendante du commerce extérieur. L’urbanisation généralisée a rendu impossible toute production agricole ou toute fabrication de biens et matières premières vitales au bon fonctionnement de toute société qui souhaite survivre et se développer. C’est pourquoi le pouvoir central laisse faire les corporations et les consortiums qui se battent à mort pour le monopole d’un marché croissant relatif au ravitaillement de la Capitale. Le gouvernement est donc obligé de faire avec bien qu’il s’y oppose (pour l’image). La corruption latente de la ville planète sera d’ailleurs l’un des facteurs qui permettront à l’Empire de renverser la République.

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Le Dôme du Sénat Galactique : le cœur du pouvoir et un symbole majeur de Coruscant (à la fois à l’échelle de la planète et à l’échelle galactique) ; Georges Lucas, Star Wars : L’Attaque des Clones, Prélogie, Lucasfilm, 2002.

Ce problème du ravitaillement et d’une dépendance au monde extérieur est une situation que connait déjà la majorité de nos grandes villes mondiales. Dans la mesure où les mégapoles ne cessent de croître et de s’étendre, il devient difficile d’envisager une politique du laisser faire comme la bonne solution sinon au sacrifice des terres cultivables. Le lien étroit entre gouvernance et grands acteurs du commerce et aussi au cœur du dilemne de notre société contemporaine. Aujourd’hui le jeu du libre échange prévaut mais le risque que les villes se spécialisent pour devenir des mini-Coruscant déboucherait sur un profond déséquilibre. Le Coruscant impérial ira encore plus loin en organisant la spécialisation de certaines planètes pour ses propres besoins se rapprochant ainsi du comportement prédateur que nous verrons plus tard.

Qui dit commerce et ravitaillement dit transport. En effet, Coruscant est une ville de tous les flux, commerciaux, migratoires et financiers. Des milliers de vaisseaux font chaque jour le lien entre la ville planète et le reste de la galaxie ce qui impose une très bonne gestion des réseaux de transports et un nombre conséquent d’infrastructures. C’est pourquoi des quartiers entiers de la mégapole se sont spécialisés dans des activités de fret et d’accueil des flux. Si l’échelle de ces équipements peut nous paraître titanesque, elle suit pourtant une logique et un fonctionnement similaires aux hubs de nos grandes villes modernes. Mais dans le cas de

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Coruscant, ville planète, la gestion de ces flux reste un défit quotidien très gourmand en ressources et énergies. De fait, être efficace sans être source de problèmes est virtuellement et physiquement impossible à une telle échelle. Et ce sans compter le trafic permanent de véhicules civils volants en files interminables, se faufilant entre les gratte-ciels. Les bouchons de Coruscant, source de pollution environnementale et sonore sont au paroxysme de ce qui peut être envisagé en terme de trafic routier (faisant au passage passer les bouchons du périphérique parisien et de la rocade nantaise pour une aimable plaisanterie !). Et si les habitants de la ville planète s’en accommodent, l’impact sur leur santé et leur mode de vie est considérable. Seule une petite élite peut se vanter de vivre hors de la pollution et des problèmes des « fourmis » prolétaires.

Un hub de fret dans un quartier spécialisé dans le transport ; la gestion des flux est vitale à la survie de la mégapole planétaire ; Georges Lucas, Star Wars : L’Attaque des Clones,

Prélogie, Lucasfilm, 2002.

Un urbanisme planétaire total

Si Coruscant n’a pas toujours été ainsi, l’univers étendu de Star Wars nous apprend que la ville planète s’est développée avec l’arrivée massive de nouveaux immigrants, attirés par le statut de capitale galactique de la planète. A un moment non daté de son histoire, les différentes mégapoles qui occupaient la surface de Coruscant se sont étendues pour pouvoir accueillir une population en croissance accélérée. L’étalement urbain généralisé et non contrôlé de ces villes a formé avec les siècles de grands

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réseaux qui ont par la suite fusionné en une seule et même ville. Cependant, ce développement urbain s’est fait sans planification réelle ni cohérence globale ce qui fait du Coruscant que nous connaissons une mégapole titanesque décousue et chaotique. Il n’y a pas vraiment de centre ou de périphérie puisque toute la planète est occupée par l’espace urbain. Un centre symbolique a été choisi pour accueillir le district gouvernemental et les administrations mais celui-ci ne sert que de cœur politique. La ville est divisée en différents quartiers (ou secteurs) en suivant une logique de spécialisation fonctionnelle : secteurs d’habitations, secteurs de transports, secteurs de loisirs, secteurs industriels, etc.

La planète étant totalement occupée par du bâti, une expansion horizontale n’est plus possible et c’est donc le choix de la verticalité qui s’impose. Ainsi, pour des raisons évidentes de manque d’espace et pour plus de rationalité, la mégapole se développe en adoptant le modèle de la tour. Coruscant est donc une ville constituée quasiment exclusivement de gratte-ciels. La ville planète reprend donc un modèle déjà largement répandu dans nos mégapoles contemporaines avec un clin d’œil adressé plus particulièrement à New York. En effet, la ville imaginée par Georges Lucas emprunte une bonne partie de ses codes à l’architecture de la cité Nord Américaine que ce soit par les formes mais aussi par les dispositifs spatiaux. Mais si le record de hauteur est pour le moment détenu par la tour Burj Khalifa de Dubaï (avec ses 830m), les gratte-ciels de Coruscant se mesurent en kms. La course à la hauteur est de plus en plus frénétique car l’enjeu est crucial : avoir plus de soleil que son voisin et échapper à l’air pollué qui stagne entre la surface et les nuages.

En se transformant en ville totale, la capitale de la galaxie a sacrifié pour toujours son environnement. Une croissance urbaine non contrôlée a eu raison du peu de milieu naturel qui subsistait à la surface. A présent, seuls demeurent des îlots de verdure artificiels maintenus dans les hauteurs de la ville, privilège accordé aux citoyens les plus riches et aux élites (la nature est devenue une ressource rare, un luxe). Autre conséquence de cette urbanisation totale : la pollution. En effet, pour se débarrasser des déchets produits par ses milliards d’habitants, Coruscant a eu recours à une méthode dangereuse d’incinération qui, poussée à grande échelle a

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Toujours plus haut ; la ville planète semble vouloir se fuir elle-même en se réfugiant dans les nuages ; Georges Lucas, Star Wars : La Menace fantôme, Prélogie, Lucasfilm, 1999.

fait grimper la pollution de manière significative. Lorsque les déchets ne sont pas brûlés de la sorte, ils sont expédiés vers des planètes décharges qui servent de dépotoirs à une société qui ne peut plus soutenir son activité ou subvenir seule à ses besoins. Ainsi Coruscant importe ce qu’elle a détruit (ses ressources) et exporte ses problèmes vers le reste de l’univers.

La pollution a envahi la surface de la planète, seul l’air purifié des tours les plus hautes en reste exempté ; Georges Lucas, Star Wars : L’Attaque des Clones, Prélogie, Lucasfilm,

2002.

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Une société verticale

Suite à son expansion incontrôlée et fulgurante, la mégapole de Coruscant est devenue une cité totalement verticale. Et si son architecture cherche à repousser les limites des cieux, il en va de même pour la société qui l’habite. En effet, bâties pour loger de plus en plus de monde, les tours de la ville planète ont accompagné une nouvelle forme d’organisation sociale. Ainsi, la capitale de la galaxie suit une hiérarchie verticale. Il faut tout d’abord noter que comme nos mégapoles contemporaines, certains quartiers de Coruscant sont plus valorisés que d’autres mais étant donné qu’il n’y a ni centre ni périphérie, la fracture sociale ne suit plus une logique d’opposition centre/périphérie mais une opposition haut/bas. C’est donc la position dans les niveaux de la cité qui marque le statut de l’individu : plus on monte dans les étages, plus la population est aisée tandis que les défavorisés et les déclassés sont oubliés dans la pénombre de la surface. Dans chaque building et gratte-ciel, ce sont les mêmes modes de fonctionnement que l’on retrouve : les plus riches vivent dans les étages supérieurs où il profitent d’un air purifié et de la lumière naturelle. Des passerelles leur permettent de se déplacer dans la ville sans avoir à descendre dans les niveaux inférieurs (quand ils ne disposent pas de leur propre voiture volante). La plus grande partie des tours est occupée par les classes moyennes qui ne vivent et travaillent que dans un seul but : monter de quelques étages ; et surtout ne pas en descendre. A Coruscant, l’expression « ascenseur social » prend un sens très physique puisque l’étage que l’on occupe définit le statut social. Monter ne serait-ce que de quelques niveaux est le rêve de tous les citoyens.

Si les plus aisés vivent dans les nuages en se prenant pour des dieux, les classes moyennes qui occupent le milieu des tours ne sont pas à pleindre pour autant. L’inconfort du bruit du trafic et le manque d’air pur ne sont rien en comparaison avec les conditions des couches les plus basses de cette société stratifiée. En effet, les étages les plus bas et le monde de la surface sont ce qui peut arriver de pire en matière de lieu de vie. « Le monde d’en bas », comme l’appellent les élites, ne connaît pas la lumière du jour et reste en proie à la pollution. C’est un monde insalubre et hostile qui, à l’image des bidonvilles de notre monde réel est oublié

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Les élites vivent dans les hauteurs, loin des problèmes de la surface avec tout le luxe que peuvent offrir les étages supérieurs des gratte-ciels de la Capitale ; Georges Lucas, Star Wars : La Revanche des Siths, Prélogie, Lucasfilm, 2005.

de tous et cumule tous les problèmes sanitaires et sociaux. Dans le cas de Coruscant, c’est aussi un lieu du passé qui conserve les vestiges d’une société oubliée par ceux qui se sont réfugiés dans les tours.

Une ville en proie au crime et à l’insécurité

Les fortes inégalités sociales et la pauvreté qui touche une partie significative de la population de Coruscant font de la ville planète un véritable terreau pour le crime organisé. Si toutes les strates de la mégapole peuvent être sujettes à des activités illégales, ce sont surtout les niveaux inférieurs qui sont la cible des criminels en tout genre. Les milieux défavorisés ont de tout temps été touchés par l’insécurité mais dans le cas de la capitale galactique, c’est un urbanisme anxiogène qui vient favoriser la montée en puissance du crime. En effet, la ville planète s’est développée sans suivre un plan ou un schéma déterminé ce qui lui donne cet aspect de labyrinthe où recoins et ruelles sont autant de lieux difficiles à sécuriser et à contrôler. De plus, le désintérêt croissant des élites quant au problème sécuritaire ne vient pas arranger les choses. Cette situation s’explique principalement par l’organisation sociale de la planète : les plus riches qui habitent les niveaux supérieurs de la mégapole bénéficient de la sécurité que leur procurent des tours forteresses entièrement sécurisées et contrôlées par

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une police privée. Repliées ainsi dans leurs quartiers favorisés, à l’image des « gated comunities » qui se sont développées dans certaines de nos villes contemporaines, les élites ont pour ainsi dire laissé une situation de statu quo s’instaurer entre le monde d’en haut relativement sûr et celui d’en bas dominé par les gangs et les criminels. Le manque de véritables espaces publics est également un facteur aggravant. En effet, les places et les espaces ouverts sont très rares dans cette mégapole planétaire où l’espace est économisé pour faire place à toujours plus de tours et de gratte-ciels. Seuls les quartiers huppés de la ville bénéficient de ce type d’espaces. Pourtant, ils pourraient jouer un rôle clé et contribuer à diminuer l’insécurité dans la mesure où les places et les parcs sont autant d’espaces ouverts et visibles où les criminels ne peuvent pas se cacher. Au contraire, les seuls espaces publics de Coruscant (ou considérés comme tels) sont de larges voies de circulation où le passage et les flux rendent difficile toute véritable interaction entre les habitants. Pour se divertir et se côtoyer, la population préfère se réfugier dans les bars et les clubs qui eux non plus ne sont pas épargnés par les problèmes sécuritaires.

La ville manque cruellement d’espaces publics ; les seuls espaces ouverts sont les axes de circulations et les passerelles où le passage réduit les possibilités d’interactions entre les résidants ; Georges Lucas, Star Wars : L’Attaque des Clones, Prélogie, Lucasfilm, 2002.

A ce risque sécuritaire latent s’ajoute la guerre de l’ombre que se livrent les différentes corporations par l’intermédiaire du crime organisé. Les criminels sont donc eux aussi impliqués dans la lutte concurrentielle des grands groupes ayant leurs sièges sur Coruscant. Et si tout cela est

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possible, c’est que le gouvernement préfère fermer les yeux face aux agissements douteux des grandes entreprises à qui profitent le crime et l’insécurité, la corruption touchant les plus hautes sphères de la capitale galactique.

Cependant, les pouvoirs publics ne laissent pas totalement faire et tentent de maintenir l’ordre un minimum. Si certaines zones de non-droit situées dans les strates les plus basses de la cité sont laissées aux gangs et organisations criminelles, le reste de la mégapole où vivent les classes moyennes et les élites fait l’objet d’une forte présence policière. Pourtant, assurer l’ordre sur une ville couvrant toute une planète est un défi quotidien. Les agents de police humains, en nombre insuffisant et mal équipés, se sont vite retrouvés totalement dépassés par la situation. C’est pourquoi la police de Coruscant s’est robotisée afin de couvrir plus de secteurs et augmenter son efficacité. Ainsi, hormis les agents de police, de nombreux droides (robots) policiers patrouillent les secteurs clés de la mégapoles tout en étant assistés par des sondes (sorte de drones), chargées de repérer les activités suspectes et de localiser les individus recherchés. Cette répartition des forces de police robotique permet ainsi au Bureau de Sécurité de Coruscant de répartir plus intelligemment ses agents là où le besoin s’en fait le plus ressentir.

Une sonde a repéré une activité suspecte et des agents de police (humains et droides) se lancent à la poursuite du criminel ; les forces de police de Coruscant mènent un combat au quotidien contre l’insécurité qui s’est étendue à une majeure partie de la mégapole planétaire ; Brian Kalin O’Connell, Star Wars : The Clone Wars, saison 2, épisode 14 :

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Si les droides et les robots sont un aspect très important de l’univers de Star Wars, Georges Lucas n’est pas le seul à avoir développé l’hypothèse d’une force de police robotique. Ainsi, de nombreux autres univers de science fiction ont travaillé sur le genre mais l’un d’eux est particulièrement intéressant dans la mesure où celui-ci se rapproche de la situation sécuritaire que connaissent nos mégapoles contemporaines. Le film « Chappie » réalisé par Neill Blomkamp1 s’intéresse à la ville de

Johannesburg en Afrique du Sud, en proie au crime et à une hausse radicale de l’insécurité. La police fait alors le choix de se robotiser et le film montre comment l’intelligence artificielle peut apporter de l’aide (mais aussi des problèmes avec un risque de piratage ou de perte de contrôle). Le film est d’autant plus intéressant qu’il propose un portrait réaliste d’une métropole surpeuplée où la misère a rendue possible le développement d’un crime organisé puissant qui n’a pas peur de livrer une guerre ouverte aux forces de police. Et si l’univers développé est légèrement dramatisé pour donner plus de sens au film, il dénonce une situation bien réelle. Aujourd’hui, beaucoup de villes mondiales, si elles sont attractives, n’en sont pas moins un terreau pour l’insécurité. Le paroxysme est atteint lorsque les cartels livrent une guerre sans merci avec la police comme cela a été le cas au Mexique, qui a été forcé de faire intervenir l’armée pour endiguer la progression des organisations criminelles liées aux trafics de stupéfiants. Les mégapoles très peuplées sont donc largement touchées par le crime organisé ce qui oblige à réfléchir aux causes de ce mal et aux moyens de le combattre (à la source).

Une société cloisonnée

Comme nous avons pu le voir plus tôt, la société de Coruscant suit une hiérarchie verticale très stricte. Cependant, les plus démunis ne sont pas « ouvertement » discriminés car leur situation n’est pas due à une politique particulière mais tout simplement à leur niveau de vie. La loi du marché prévaut et les plus riches peuvent se permettre de vivre dans les strates supérieures car ils en ont les moyens. Pourtant, si d’un point de vue politique la société de la ville planète semble égalitaire, elle est bel et bien divisée. En effet, certaines espèces pensantes n’étant pas originaires

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des mondes du Noyau suivent parfois un mode de vie incompatible avec le reste de la population d’où la création de secteurs fermés qui les séparent du reste des habitants. Dans un premier temps, c’est par pur pragmatisme que ces populations sont regroupées dans ce que l’on pourrait qualifier de ghettos. De plus, ce sont souvent les populations concernées qui font elles mêmes ce choix. Les quartiers mono-espèce sont donc largement répandus sur la planète. Un parallèle peut d’ailleurs être fait avec la montée du communautarisme de certaines de nos mégapoles contemporaines, ce qui pose la question du racisme et du vivre ensemble. Et si dans l’univers de Star Wars la République s’oppose officiellement à toutes formes de discriminations spécistes, elles n’en sont pas moins présentes. C’est sur ce climat de tensions entre les différentes communautés de la Capitale que l’Empire va jouer pour trouver son soutien parmi une majorité d’humains et d’humanoïdes tout en excluant le reste de la société. C’est le début d’une sorte de ségrégation sociale qui prend avant tout la forme d’une ségrégation spatiale.

Coruscant est donc une société divisée sur deux échelles : la première est économique (les plus riches en haut et les démunis dans les profondeurs) tandis que la seconde est raciale (les aliens inclus et les exclus).

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I.2. Les dérives totalitaires : ségrégation spatiale et contrôle

des populations

Comme nous avons pu le voir avec l’exemple de l’univers de Star Wars, l’explosion démographique qui menace les mégapoles risque d’engendrer de nombreux problèmes. Le dernier d’entre eux que nous avons introduit en fin d’étude de cas est le cloisonnement (la division) de la société urbaine. En effet, les luttes culturelles et sociales que nous avons pu observer sur la ville planète (elles mêmes dues à la forte croissance démographique et à une organisation urbaine chaotique), ont peu à peu amené la mégapole à se diviser en différentes strates sociales qui vivent coupées les unes des autres. Mais si dans le cas de Coruscant ces divisions spatiales sont le résultat d’un processus progressif et non contrôlé (à savoir qui n’a pas fait l’objet de politiques organisées particulières), d’autres univers de science fiction développent des modèles où au contraire l’Etat est directement impliqué. De plus, c’est le plus souvent une situation de crise et donc d’urgence qui pousse les autorités à prendre les choses en main. Dans notre cas, la crise démographique en est le point de départ. Ainsi, population incontrôlée, rareté des ressources et insécurité croissante sont les trois grands risques qui peuvent amener à un effondrement du système actuel, relativement libéral quant à la gestion urbaine. Dans le monde de la science fiction, l’intervention de l’Etat, même si elle se veut pour le bien commun, prend alors le plus couramment une forme totalitaire afin de ramener l’ordre : la crise impose souvent de nouvelles mesures drastiques. Pour répondre aux problèmes liés à une explosion démographique incontrôlée, l’intervention des autorités vise dans la plupart des cas deux objectifs majeurs : assurer un contrôle sur la population (sur ses effectifs) et ramener l’ordre. L’idée d’un contrôle démographique n’est pas nouvelle et le débat n’est pas exclusif à la science fiction. En effet, la Chine est l’un des pays à avoir adopté une politique de contrôle des naissances. Depuis 1979, l’Etat chinois s’était efforcé de limiter une potentielle explosion démographique en imposant la politique de l’enfant unique. Et si depuis 2015 celle-ci a été plusieurs fois assouplie (avec aujourd’hui un palier fixé à deux enfants autorisés par famille), la question n’en reste pas moins d’actualité. Mais si le cas de la Chine n’est pas de la fiction, cette dernière ne s’en est pas moins inspirée. La différence

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entre réalité et récit se caractérise alors par le degré des interventions de l’Etat pour faire appliquer le contrôle démographique car souvent, la science fiction pousse très loin les curseurs. C’est notamment le cas du film «What Happened to Monday» de Tommy Wirkola1 qui traite du sujet

d’un contrôle des naissances et des populations. Le thème est également abordé d’une manière légèrement différente dans «In Time»de Andrew Niccol2 . Et si les deux œuvres cinématographiques proposent deux univers

bien distincts, une comparaison de leurs similitudes quant au traitement de la question démographique nous permettra de voir comment la science fiction aborde le problème du contrôle des populations.

Une manipulation génétique de la société

Pour résoudre une situation de crise, la science fiction fait souvent appel à la technologie. C’est effectivement le cas de nos deux exemples où la science a fait travailler la génétique pour tenter de résoudre certains problèmes. Ainsi, dans What Happened to Monday (nous utiliserons l’acronyme WHTM), c’est une pénurie de ressources (en particulier de biens alimentaires) causée par un réchauffement climatique accéléré et une explosion de la population mondiale qui sont à l’origine d’une crise humaine mondiale. Cette situation, qui reflète nos craintes actuelles, part du principe que notre monde contemporain n’a pas su (ou n’a pas pu) pallier les bouleversements démographiques et climatiques que nous rencontrons aujourd’hui. Dans l’urgence, les scientifiques de WHTM ont fait appel à la génétique pour augmenter les rendements des exploitations agricoles en créant une nouvelle espèce de céréale supposée résistante et facile à exploiter à grande échelle. Si dans les faits cette manipulation génétique de végétaux (que l’on peut mettre en lien avec certaines expériences contemporaines comme les OGM) a pu soulager la pénurie alimentaire, celle-ci n’a pas été sans conséquences. En effet, en jouant avec la nature, les scientifiques ont indirectement altéré les gènes de l’être humain provoquant ainsi une natalité décuplée. La hausse incontrôlée du nombre de naissances (on ne parle plus de jumeaux ou de triplets mais

1 Tommy Wirkola, What Happened to Monday, Nexus Factory, 2017

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de quatre voire six enfants par accouchements) en est même venue à dépasser les rendements de la céréale modifiée, qui eux aussi connaissent leurs limites avec l’apparition de nouveaux parasites dans les cultures. Dans l’univers de WHTM, la science a donc été parfaitement incapable de résoudre la crise laissant les autorités à cours de solutions. Ne pouvant plus supporter le poids démographique associé à la dégradation accélérée de l’environnement, le Gouvernement Mondial décide d’instaurer un contrôle des naissances. Fondé en 2043, le « Child Allocation Bureau » (CAB) est chargé par le gouvernement d’encadrer la nouvelle politique de l’enfant unique. Suite à un recensement mondial, les enfants « en trop » sont retirés de leurs familles pour être mis en hibernation artificielle ou « cryosleep » afin de ne plus peser sur la société, qui pourra les réveiller lorsque les conditions de vie le permettront. Avec ce contrôle démographique drastique, les autorités espèrent ainsi gagner du temps pour pouvoir trouver des solutions de fond aux problèmes que connaît la société.

Au nom du bien commun et pour le futur de la planète, Nicolette Cayman (Glen Close) fonde et dirige le CAB avec carte blanche du Gouvernement Mondial ; Tommy Wirkola,

What Happened to Monday, Nexus Factory, 2017.

Si l’univers développé dans notre autre exemple, In Time, part lui aussi d’une manipulation génétique, le contexte dans lequel s’inscrit le récit est tout de même à part. En effet, le film de Andrew Niccol, prenant place dans un futur plus ou moins proche (milieu ou fin de siècle ?), ne parle pas de réchauffement climatique ou de crise humanitaire mais d’un

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changement radical de société. Ainsi, les êtres humains de In Time ont été génétiquement modifiés (à une date et pour des raisons inconnues) afin de ne plus vieillir après 25 ans. Cependant, il ne leur reste alors que une année à vivre à moins de gagner plus de « temps ». Ce dernier occupe dans le film une place importante puisqu’il est le nouveau carburant de la société à toutes les échelles : les humains en gagnent (en travaillant ou par échange) et le dépensent car celui-ci joue le rôle de monnaie unique à l’échelle mondiale. Tous les êtres humains ont donc au bras gauche un compteur qui affiche comme le ferait une montre « smart Watch » le temps dont ils disposent. Et si par malheur le compteur ne venait à afficher que des zéros, le cœur de l’individu en question s’arrête provoquant une mort par « time out ».

Les humains génétiquement modifiés peuvent vivre des siècles si ils peuvent s’offrir une « montre » riche et bien alimentée ; Andrew Niccol, In Time, Regency Pictures, 2011.

Si l’univers développé dans le film de Andrew Niccol se veut avant tout une critique de la société du capitalisme à outrance obsédée par la rentabilité et le gain de temps (d’où son usage comme monnaie auquel le marché accorde une valeur), le système du compteur est cependant tout à fait en lien avec le contrôle démographique introduit avec WHTM. En effet, la société fictive de In Time fonctionnant sur un système de capitalisme darwinien poussé à l’extrême (mise en confrontation de ceux qui réussissent et s’adaptent au système avec ceux qui au contraire n’y parviennent pas et sont amenés à disparaître), la loi du marché assure elle même une régulation de la population. Autrement-dit, les individus

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productifs (ceux qui travaillent et qui contribuent au bon fonctionnement de la société) sont en mesure de vivre puisqu’ils « gagnent leur temps » tandis que les exclus et les éléments non productifs (jugés par la philosophie du capitalisme darwinien comme étant un poids inutile) sont amenés à voir leurs compteurs tomber à zéro. Et si ce modèle de société peut nous paraître à juste titre brutal et injuste, c’est justement pour nous faire réagir. Car le réalisateur cherche ici à montrer que dans notre monde actuel, même si les aides et la répartition existent, les plus démunis touchés par la misère sont souvent ceux que le marché du système capitaliste juge inutiles et non valorisables. Seulement dans cet univers de fiction, le prix à payer n’est pas seulement la misère mais la vie elle même.

Une société cloisonnée sous surveillance

Dans les deux exemples introduits, le système mis en place (même si il peut l’être au nom d’une utilité publique comme c’est le cas avec WHTM) est si radical et contraignant qu’il provoque un sentiment de protestation voire de révolte chez les populations concernées. Pour se maintenir celui-ci (le système) s’appuie alors sur une politique de surveillance et de contrôle des habitants. Dans l’univers de What Happened to Monday, le CAB (Child Allocation Bureau) dispose de sa propre police. Cette dernière est chargée de garder les différents postes de garde qui divisent la ville en zones. Cette division par des murs (qui peuvent en rappeler d’autres, comme le célèbre ancien mur de Berlin) permet au CAB d’appliquer plus efficacement la politique de l’enfant unique. En effet, la population étant cloisonnée, il est alors plus facile de la surveiller et de vérifier que chaque citoyen est « légalement » en droit de « vivre ». Ainsi, chacun d’entre eux porte en permanence un bracelet d’identification qu’il doit présenter aux barrages pour pouvoir passer d’une zone à une autre (si ils en ont le droit, toutes les zones n’étant pas ouvertes à tous).

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La ville est divisée en différents secteurs séparés par des murs et des postes de garde afin de contrôler et « réguler » la population comme le veut le Child Allocation Act instauré par le CAB ; Tommy Wirkola, What Happened to Monday, Nexus Factory, 2017.

Ce cloisonnement de la ville existe également dans le film In time puisque l’espace urbain est organisé lui aussi en secteurs appelés « time zones ». Tout comme dans WHTM, ces zones sont séparées par des murs avec des portes gardées. Cependant il serait plus approprié de parler de « péages » dans le cas du film de Andrew Niccol dans la mesure où le passage n’est pas officiellement restreint. En effet, passer d’une time zone à une autre est parfaitement légal pour tous les citoyens qui ne sont pas soumis à un contrôle d’identité poussé comme dans l’univers du film de Tommy Wirkola. En revanche, le passage est tarifé et les voyageurs doivent payer leur droit d’accès (en temps bien entendu) comme nous le ferions sur un péage classique d’autoroute. Cependant, si théoriquement tout le monde peut passer d’une time zone à une autre, il n’en est rien dans les faits dans la mesure où le montant en temps du droit de passage est fixé de manière à rendre inaccessible l’accès (sauf pour les plus aisés qui peuvent se permettre de donner un ou deux ans de leur espérance de vie, vu qu’ils auront toujours au compteur un voire plusieurs siècles) et maintenir les citoyens dans leurs secteurs respectifs.

Ainsi, le système des time zones divise la ville et la société en plusieurs groupes qui n’ont pas les mêmes libertés de mouvement en fonction du temps dont ils disposent. Car comme nous le verrons plus tard, tous ne sont pas égaux face au système et les zones (avec leurs temps respectifs

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en circulation) sont hiérarchisées allant de la plus riche (où les compteurs affichent des siècles) aux plus pauvres (où les démunis se battent pour des minutes et des heures). Cette répartition inégale du temps (voulue par le marché et pilotée par les maîtres du système, les plus aisés) est contrôlée étroitement par les « time keepers » (sorte de police) qui veillent à ce que le temps en circulation soit conforme aux volontés du système.

La police des time keepers contrôle en temps réel le temps en circulation dans les différentes time zones. La technologie se met au service d’un système de surveillance visant à quantifier la population et sa richesse ; Andrew Niccol, In Time, Regency

Pictures, 2011.

L’univers de WHTM dispose lui aussi de son système de surveillance. En effet, les bracelets d’identification des citoyens sont directement connectés au réseau du CAB qui peut alors localiser en temps réel les habitants et contrôler que chacun est à sa place. Et si la variable étudiée n’est pas la même dans les deux films, l’objectif de cette surveillance est pourtant le même : contrôler la population. De plus, si les agents du CAB font directement la chasse aux illégaux (les enfants en trop) via leur système de surveillance numérique afin de réguler la population, les time keepers arrivent aussi au même résultat (bien que leurs objectifs ne soient pas tout à fait identiques) puisque le temps en circulation (et sa régulation) permet de « visualiser » les citoyens et leurs espérances de vie, s’assurant ainsi que la démographie de chaque time zone reste conforme au plan du système. Car dans les deux univers, c’est bien de la protection du système dont il est question. En effet, les agents du CAB

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tout comme les time keepers ne sont pas là pour remplir les fonctions d’une police traditionnelle (garantir la paix et la protection des citoyens) mais pour maintenir l’ordre et l’intégrité du système qui les emploie. Le time keeper Raymond Léon le dit lui même : il ne se préoccupe pas de « justice » mais de garder le temps, de veiller qu’il soit à sa place et entre des « mains jugées adéquates par le système ». Ainsi, dans les deux films c’est la loi du modèle qui prévaut sur les droits et les libertés individuels. Et si le discours officiel se veut impartial dans une optique d’intérêt général, la répression, plus ou moins dissimulée, est organisée pour punir et prévenir tous comportements déviants.

Un monde hiérarchisé dans la division

Si dans les deux univers est introduit un système de division de la ville en zones et en secteurs, la séparation s’applique également à la société qui habite ces espaces urbains. En effet, la hiérarchisation des espaces ne va faire qu’accentuer les inégalités et les divisions qui pouvaient exister avant l’instauration du système. Ainsi, dans In Time, l’organisation de la ville en time zones ne fait qu’appliquer une hiérarchisation des espaces calquée sur des inégalités préexistantes mais avec un renforcement du fossé séparant les différentes couches de la société. Les plus aisés et les élites vivent dans la plus prestigieuse des zones, appelée « New Greenwich ». Le nom en lui même n’est pas anodin puisqu’il fait référence au méridien qui sert de point de base pour la mesure des fuseaux horaires à l’échelle mondiale ; la time zone des privilégiés se veut donc en quelque sorte le « centre du monde ». Notons aussi que la plus riche des communes des Etats Unis porte un nom similaire mais il n’est pas précisé dans le film si ce clin d’œil est à prendre comme un point de repère géographique ou juste comme référence. Quoi qu’il en soit, le nom choisi pour la time zone reflète bien le mode de vie de ses habitants. En effet, les privilégiés de New Greenwich n’ont pas à se battre pour gagner du temps ou à regarder en permanence leurs montres vu qu’ils ont tous au moins un siècle voire plus au compteur. Leur monopole sur le temps s’explique surtout par le fait que les habitants sont tous des chefs de corporations ou de riches hommes d’affaires qui pilotent à distance l’économie mondiale. Si il existe une pénurie de ressources dans le monde, eux ne

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la connaissent pas puisqu’ils s’offrent des conditions de vie dignes de princes (leur comportement est de fait assez proche de celui des élites de la ville planète de Coruscant que nous avons vu dans l’univers de Star Wars). De fait, ce modèle de société s’inspire directement du niveau de vie des classes sociales les plus aisées qui composent le haut de la société mondiale contemporaine. Etant riches et assez égoïstes envers le reste du monde, les élites de New Greenwich se savent détestées et donc menacées. C’est pourquoi leur préoccupation pour la sécurité est si importante. Ainsi, chaque citoyen de la time zone ne se déplace jamais sans un voire plusieurs gardes du corps. La présence renforcée des time keepers dans le secteur et autour de ses limites en est aussi la marque. Car si New Greenwich est si bien gardée c’est parce que la ville concentre à elle seule la majorité du temps en circulation dans la région.

New Greenwich fonctionne comme une gigantesque « gated comunity » séparée du reste du monde, où les élites peuvent vivre (théoriquement) pour toujours ; Andrew Niccol, In Time, Regency Pictures, 2011.

Le fossé avec le reste des time zones ne saurait être plus grand. Car si les privilégiés de New Greenwich ont tout leur temps, il n’en est rien pour les habitants des secteurs les plus pauvres. En effet, la population de ce qui est alors appelé « le ghetto » vit au jour le jour et doit se battre en permanence pour survivre. Les travailleurs des usines appartenant aux grands hommes d’affaires doivent trimer littéralement à la tache pour ne gagner que des heures, au mieux des jours, à ajouter à leurs compteurs. L’espérance de vie des plus démunis reste donc très faible entrainant ainsi

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une mortalité élevée de la population. Les time keepers ne s’aventurent que rarement dans ces time zones et laissent les « misérables » se battre entre eux pour des heures et des minutes. L’insécurité et le crime sont donc très élevés dans ces secteurs ce qui ne fait qu’empirer les conditions de vie des habitants. Dans l’univers de What Happened to Monday, la hiérarchie sociale n’est pas aussi marquée ou inégalitaire mais la division de la ville en secteurs est tout de même venue accentuer des inégalités antérieures au système. Même si ce point n’est pas très développé dans le film, on peut cependant observer l’existence de quartiers favorisés et de zones où s’entassent les plus pauvres, qui sont souvent les cibles prioritaires du CAB qui y exerce un contrôle démographique des plus durs tandis que les élites (proches du régime) n’ont souvent pas à s’inquiéter de la présence des agents du Bureau. De fait, la loi de l’enfant unique, si elle est appliquée à tous, n’a pas le même impact sur tous les habitants puisque les citoyens vivant dans les hauts quartiers ont un accès facilité aux infrastructures médicales qui leur permettent d’éviter de donner naissance à des enfants qui devront être confiés au CAB pour une hibernation à durée indéterminée.

La chute du système autoritaire

Mais de tels systèmes peuvent ils durer ? Quand bien même ceux-ci seraient annoncés comme le seul recours pour résoudre la crise démographique survenue dans ces univers de fiction, leurs idéologies totalitaires et les inégalités qui les accompagnent sont souvent inacceptables pour la population. Et si la surveillance et la mise au pas de la société peuvent fonctionner à court terme, un tel modèle de société imposé tel qu’il l’est ne peut tout simplement pas être durable. Dans les deux exemples étudiés, c’est la société (et surtout les populations désavantagées par le système) qui se révolte d’elle même pour mettre fin à la ségrégation spatiale et à l’eugénisme. D’autant plus que dans les deux films, le dessous de l’iceberg cache un lourd secret. En effet, dans What Happened to Monday, la solution apportée pour réguler la surpopulation est encore plus radicale que prévue puisque la technologie de l’hibernation est en réalité un mensonge : incapable de trouver d’autres méthodes, le Bureau a en réalité euthanasié les enfants « en trop » et les « illégaux » à l’insu de

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tous. Bien que la direction du CAB maintienne qu’ils n’avaient pas le choix et que les « sujets traités » n’ont pas soufferts, le scandale est si grand que toutes leurs opérations sont arrêtées et les responsables traduits en justice. Et si dans le cas de In Time, le système ne cherche pas à cacher son injustice derrière des faux semblants, il tente pourtant de maintenir dans l’ignorance la population quant à une réalité bien cruelle. Car en réalité, le temps en circulation pourrait bien être suffisant pour garantir à tous une durée de vie normale telle que nous la connaissons aujourd’hui. Pourtant, les privilégiés de New Greenwich monopolisent et stockent plus qu’ils ne leur faut, ignorant ouvertement la détresse du reste de la population. Pire encore, il est révélé à la fin du film que si les prix et les loyers grimpent aussi vite (car ils sont pilotés par un marché dirigé par les élites) c’est pour faire en sorte que les habitants des time zones les plus défavorisées continuent de mourir, ne venant ainsi pas revendiquer leur part de ressources et leurs droits. Le contrôle démographique exercé est donc d’autant plus violent qu’il est mis en place pour garantir une vie sans soucis à une minorité au détriment du reste de la société. Mais là encore, les time keepers seront impuissants pour empêcher des groupes dissidents de voler du temps afin de le redistribuer aux plus démunis (un peu comme à l’image d’un Robin des bois du futur), parasitant ainsi le système qui sera amener à disparaître.

En conclusion, ces deux univers nous montrent bien que la science fiction s’inquiète de la possibilité réelle de voir de tels régimes arriver dans l’urgence suite à une crise. Pourtant, si bien entendu de tels systèmes ne sont ni souhaitables ni durables, quelle stratégie faut il alors adopter face à une croissance démographique sur le point de s’emballer ? Une chose est sûre, il n’est pas concevable de laisser faire en toute conscience au risque de transformer notre planète en Coruscant.

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE

NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU

DROIT

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