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Le retrait des terres arables dans la réforme de la PAC

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Academic year: 2021

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LE RETRAIT DES TERRES ARABLES DANS LA RÉFORME DE LA PAC :

UNE EXPÉRIMENTATION DE MISE EN JACHÈRE RESTÉE DISCRÈTE EN FRANCE1

Monique BARRUE-PASTOR2 , Sylvie LEGUEVAQUES3 et Valerie CONDAMINE Mots-clés : Réforme de la politique agricole commune, Retrait des terres arables, gel des

terres, jachère, friche, agriculture, ruralité, environnement, CEE, mondial, production, exploitation agricole.

Résumé : Mise en œuvre par la CEE de la législation du « retrait des terres arables » ;

analyse de ses diverses applications et notamment celle de la France, de 1988 à 1992 et du sens qu’elle pris au cours de ses diverses mesures d’application. Interprétations et impacts sur les divers types d’exploitations agricoles.

Publication de 1990. Ce texte a été publié en grande partie dans : Monique Barrué-Pastor,

Sylvie Léguevaques, Valérie Condamine, 1990, Le retrait des terres arables, genèse, objectifs

et réalités, Revue Faits et tendances, SGAR Midi-Pyrénées, pp.1-24.

L'adoption en février 1988 par la communauté Européenne de la législation sur le « Retrait des Terres Arables »4, désignée schématiquement sous le vocable "gel des terres" constitue un événement qui suscite bien des interrogations non seulement dans le milieu agricole mais chez tous ceux qui se préoccupent de l'évolution du monde rural. Il se situe à un moment où l'agriculture communautaire est confrontée à des problèmes budgétaires liés à ses excédents, céréaliers notamment, mais aussi à d'importants problèmes structurels qui se sont traduits par une forte diminution de la population active et une régression des terres agricoles créant ainsi de véritables "poches" d'abandon, d'enfrichement et de dépeuplement.

Aux préoccupations économiques et sociales sont venues s'ajouter des préoccupations environnementales venant complexifier les rapports entre production agricole et développement rural, notamment dans les zones fragiles. Il était déjà délicat d'identifier et de

1 Ce texte a été publié en grande partie dans : Monique Barrué-Pastor, Valérie Condamine, Sylvie Léguevaques, 1990, Le retrait des terres arables, genèse, objectifs et réalités, Revue Faits et tendances, SGAR Midi-Pyrénées, 24p.

2 Chargée de Recherche au CNRS, laboratoire CIMA (Centre Interdisciplinaire de recherche sur les Milieux naturels et l’Aménagement), URA 366, Université de Toulouse le Mirail.

3 Étudiante en DEA au CIMA ( M. Barrué-Pastor dir.) et chargée d’étude au SGAR Midi-Pyrénées.

4 - Règlement communautaire 2052/88 de 24 juin 1988 relatif à la réforme des fonds structurels dont les deux objectifs essentiels sont d’accélérer l’adaptation des structures agricoles et de promouvoir le développement des zones rurales fragiles ( FEOGA Orientation, FEDER, PDZR).

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localiser les zones à déprise agricole, il va falloir y ajouter des facteurs de sensibilité aux nouvelles législations pour apprécier dans quel sens peut évoluer l'occupation des sols... Va-t-on vers une logique de "nVa-t-on -culture" des terres, vers une extensificatiVa-t-on des productiVa-t-ons, vers un recentrage des terres cultivées et d’autres vouées à d’autres fonctions ? Vers une modification des logiques de production venant compléter un processus plus concentré d'intensification ? Autant de questions qui se bousculent dans les têtes et perturbent la vision que l’on peut avoir sur les réformes en cours dans le cadre de la PAC.

Seule une analyse fine, articulant les différents niveaux d’échelle concernés : local, régional, national, européen et international, peut nous apporter les éléments nécessaires à la compréhension des enjeux de la réforme en cours, dont la dimension prospective suscite une grande prudence. C’est ainsi que dès 1988, nous avons mis en place, selon une intuition qui fait aussi partie, on l’oublie trop souvent, du propre de la recherche, un programme d’étude sur l’application de cette mesure surprenante et que nous avons développé en mettant en place un dispositif d’analyse complexe, quantitatif et qualitatif. Quantitatif, par l’analyse exhaustive de tous les dossiers de demande de gel déposés au CNASEA, dépouillés et cartographiés par petite région agricole et accompagnés d’une typologie des exploitants et de leur exploitation. Mais aussi par une analyse qualitative basée sur une enquête de terrain semi directive auprès des demandeurs. Cette étude se poursuivra avec le même protocole jusqu’en 1992, date à laquelle, elle sera transformée et nécessitera un autre programme d’investigation.

Quatre années d’études donc (1988-1992), correspondant à la totalité de la durée de mise en œuvre de cette mesure qui fait figure d’expérimentation dans le champ complexe des réformes de la PAC. Elles ont été menées avec l’aide d’étudiants en Maitrise de « géographie et aménagement » de l’Université de Toulouse le Mirail, placés sous la responsabilité de Monique BARRUE-PASTOR , promotion après promotion, grâce aux financements et aux accords de collaboration signés avec les structures régionales ( Conseil Régional, Direction Régionale de l’Agriculture et de la Forêt et le Centre National d’Analyse des Structures et des Exploitations Agricoles), aucune structure de recherche n’ayant été intéressée par la question, ni CNRS, ni même INRA, ce qui est étonnant. Mais ce qui en fait aujourd’hui, une des rares études menées en France sur ce sujet.

CHAPITRE I - GENÈSE DU RETRAIT DES TERRES ARABLES, HISTORIQUE, ET MODALITÉS D’APPLICATION

Au début de l'année 1988, la Communauté Économique Européenne a arrêté un programme de retrait des terres arables de la production agricole (règlements du Conseil et de la Commission des 25 et 29 avril 1988). Obligatoire pour les États Membres, mais facultatif pour les agriculteurs, ce programme vise, selon certaines estimations, à éliminer de la production un million d'hectares de cultures céréalières, soit 2,5 à 3 % des surfaces de céréales de la communauté (35 millions d'hectares en tout). En France, il se traduit par le décret n° 88-1049 du 18 novembre 1988 et ses arrêtés d'application (J.O. du 19 novembre 1988).

L'annonce de ce programme a, en son temps, vivement impressionné les milieux agricoles comme d'ailleurs le grand public, imprégné d'une culture dans laquelle la terre reste une mère nourricière et pour qui le défrichement est un progrès de civilisation.

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Après les quotas laitiers, cette mesure marque une rupture avec un des objectifs essentiels de la politique agricole commune définis par le traité de Rome en 1957 : « accroître la productivité de l'agriculture » (art. 39 § 1 a). C'est pourquoi avant de présenter le dispositif d'application du retrait des terres et le bilan que l'on peut tirer de sa première année d'application, il convient de lui donner un sens dans l'histoire des réformes de la politique agricole commune et de resituer ce décret dans son contexte économique, mais aussi dans celui, plus général, de l'aménagement du territoire. Tous les éléments seront alors réunis pour comprendre pourquoi ses détracteurs parlent de « gel des terres ».

1 /

Genèse et objectifs

Le gel des terres : une idée qui fait son chemin depuis 20 ans

En permettant à la plupart des marchés communautaires de devenir autosuffisants, la politique agricole commune (PAC) a réalisé ses objectifs principaux. Cependant, l'apparition rapide d'excédents agricoles, alliée à d'autres difficultés d'ordre social et environnemental, a conduit à passer d'une optique strictement productiviste et entreprenariale à une logique socio-structurelle prenant en compte l'espace rural dans sa globalité.

Dans le Plan MANSHOLT…

Dès 1968, le « Mémorandum de la Commission sur la réforme de l'agriculture dans la CEE », mieux connu sous le titre de « Plan Mansholt » (du nom de son principal artisan, Sicco Mansholt, alors chargé du secteur agricole à la Commission), proposait, pour soigner une agriculture déjà malade de ses excédents, une diminution sensible des surfaces cultivées : réduire en dix ans (1970-1980) la superficie agricole utilisée d'au moins 5 millions d'hectares, mais aussi le nombre des exploitations (un agriculteur sur deux devait abandonner cette activité). Cependant, dans un contexte dominé par la course aux gains de productivité et l'agrandissement des exploitations, cette proposition ne trouva que des échos défavorables auprès des agriculteurs. Les surfaces emblavées continuèrent à augmenter entre 1970 et 1980 tandis que les productions poursuivaient leur croissance galopante grâce aux progrès de la recherche et à la modernisation des structures de production.

Cependant, l'analyse et les propositions contenues dans le plan Mansholt allaient servir de fondement à la politique socio-structurelle de la Communauté initiée à partir de 1972 (modernisation des exploitations, encouragement à la cessation d'activité agricole, information socio-économique des agriculteurs, actions en faveur des zones défavorisées). Cette politique intégrait, à partir de 1978, dans son objectif de modernisation des exploitations, la notion d'entreprise économique susceptible d'assurer un revenu de parité, c'est-à-dire tout à fait comparable à celui des autres secteurs d'activités.

Et dans le Livre Vert de la Commission...

Le projet de « gel » ne fut pas complètement oublié pour autant. En 1985, il réapparaissait dans le document de réflexion publié par la Commission des Communautés européennes sous le titre « Perspectives de la politique agricole commune », appelé plus couramment le « Livre Vert » de la Commission. Ce document, qui s'appuyait sur le bilan de 30 années de politique agricole commune et sur les réflexions menées depuis 1980 pour en réformer les mécanismes, proposait à la communauté deux voies complémentaires. L’une, d'une stricte discipline budgétaire, substituant au soutien inconditionnel des marchés, différentes mesures de limitation de l'offre (taxe de coresponsabilité, seuils de garantie, quotas, etc.). L'autre, d'aide aux zones et aux agricultures que ne manquerait pas de pénaliser la réorientation de la politique des marchés. Ainsi s'amorçait une nouvelle politique

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socio-structurelle de la communauté, plus largement axée sur le maintien de l'espace rural. Elle allait aboutir en 1988 à une réforme des fonds structurels5. Le retrait des terres arables constitue un élément de cette réforme.

Le retrait des terres arables : un élément de la réforme des fonds structurels

La réforme des fonds structurels ne concerne pas uniquement l'agriculture, mais aussi l'artisanat, le tourisme, l'industrie et les infrastructures. Dans la perspective du marché unique européen de 1993, elle vise à recentrer les dépenses communautaires sur des régions dites à « retard structurel » et améliorer la coordination des fonds. La poursuite de politiques autres

5 Il s'agit de la section orientation du FEOGA (Fonds européen d'orientation et de garantie agricoles ), du FSE (Fonds social européen) qui finance des opérations de formation et tout ce qui touche l'emploi et du FEDER (Fonds européen de développement régional) qui finance les opérations de développement régional des régions les moins favorisées de la Communauté européenne.

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qu'agricoles, nécessite en effet une limitation des dépenses consacrées à ce secteur. Des mécanismes rigoureux de stabilisation des dépenses — les stabilisateurs 6— sont mis en place dans ce but. Dans le même temps, pour corriger les effets nocifs de ces mesures sur certaines catégories d'agricultures et sur certaines zones, sont arrêtées diverses mesures sociostructurelles. Ces mesures figurent dans le dispositif d'ensemble défini par la Communauté par le règlement nº 2052/88 du 24 juin 1988.

Parmi les cinq objectifs que poursuit la réforme (cf. tableau), l'un d'eux l’objectif 5, concerne tout particulièrement l'agriculture et les zones rurales : il se propose à la fois « d'accélérer l'adaptation des structures agricoles » (5 a) et de « promouvoir le développement des zones rurales » (5 b), notamment par l'adoption de plans « intégrés » au niveau régional (c'est-à-dire, combinant l'intervention des différents fonds). Le retrait des terres se rattache à l'objectif 5 a. Il constitue, avec l'extensification et la reconversion, l'une des mesures d'accompagnement de la politique des marchés. Dans cette réforme, le retrait n'est que l'une des multiples composantes de l'adaptation des structures agricoles, dont la diversité ne peut que surprendre dans un premier abord. Deux logiques semblent cependant cohabiter, susceptibles d'être en complémentarité ou en contradiction selon les modalités de leur application :

- un renforcement de la logique agricole, de nature entreprenariale, en osmose avec la filière agro-alimentaire et en concordance avec la politique des marchés (cf. les mesures intitulées « encouragement de l'installation des jeunes agriculteurs », « amélioration de l'efficacité des structures d'exploitation », « amélioration de la commercialisation et de la transformation des produits agricoles et forestiers »...) ;

- une logique de réaffectation des espaces agricoles, où se mêlent une volonté d'accélérer la cessation d'activité des exploitants âgés et les préoccupations de sauvegarde de l'environnement (cf. les mesures de pré-retraite, soutien des revenus agricoles dans les zones de montagne, boisement, extensification, protection de l'environnement...).

Deux logiques, deux fonctions professionnelles (productive et environnementaliste), deux types de zones... Va-t-on vers une accélération d'une France coupée en deux ? Tenant compte des évolutions passées et prévisibles (diminution de la surface agricole utilisée, déclin de l'emploi agricole, évolution de la productivité, développement du hors-sol, etc.), diverses estimations ont été faites quant aux superficies requises d'ici à l'an 2000 pour les principales utilisations agricoles. Selon ces estimations, la communauté disposerait à la fin du siècle d'un excédent de terres agricoles compris entre 6 et 16 millions d'hectares7 . Il s'agit bien de « geler » une partie des terres agricoles.

Cette perspective ne peut que laisser craindre une amplification du processus de restructuration des exploitations au détriment des zones les plus défavorisées et des agriculteurs en difficulté (notamment les plus petits qui ont péniblement résisté jusqu'à aujourd'hui). En fonction de ces craintes, les bases de différentes stratégies d'action ont été définies dans trois communications adoptées au cours de l'année 1988 : « L'avenir du monde rural » (COM 88 501), » Environnement et agriculture » (COM 88 338) et « Stratégies et actions de la communauté dans le secteur forestier » (COM 88 255). L'ensemble des mesures sociostructurelles décidées en 1988 dont le retrait des terres participe de cette approche

6 Définition des "stabilisateurs": afin de mieux maîtriser les productions excédentaires et les charges budgétaires qui en découlent, la communauté a introduit le mécanisme des "stabilisateurs". Il s'agit, pour un certain nombre de produits, de seuils de production( les Quantités Maximales Garanties, QMG) au-delà desquels les garanties accordées au producteur décroissent en fonction du dépassement. Pour les céréales, ce seuil est fixé pour les quatre campagnes ( 1988/89 à 1991/92 )à 160 millions de tonnes( toutes céréales confondues).Tout dépassement du seuil de garantie pour une campagne donnée entraîne la réduction de 3% des prix d'intervention pour la campagne suivante.

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communautaire qui affiche un objectif de substitution de la friche par une gestion volontaire des espaces ruraux de demain. Le bilan de la première campagne de gel constitue à ce titre, le premier moyen d'évaluer les hypothèses, les objectifs et la pertinence des moyens mobilisés.

2 / Le contexte international

Le jeu des échanges agro-alimentaires

Le problème des excédents agricoles n'est pas uniquement européen. C'est le marché mondial des céréales lui-même qui connaît depuis les années 1950, et surtout 70, une crise. Les surfaces emblavées se sont étendues de façon régulière, les rendements ne cessent de progresser (2 % par an en moyenne dans la communauté) tandis que les prix mondiaux s'établissent à des niveaux de plus en plus bas.

Une guerre économique entre les principaux producteurs

Dans un contexte d'offre excédentaire par rapport à la demande solvable, le gonflement des stocks des principaux pays exportateurs les a incités jusqu'à présent à mener entre eux une véritable guerre économique pour la conquête des marchés. Dans ce conflit, deux protagonistes s'affrontent : États-Unis et CEE, dont les exportations mondiales, stimulées par la politique agricole commune, concurrencent fortement les exportations américaines. Difficile pour le principal producteur mondial de céréales que sont les États-Unis de voir ce partenaire prendre place sur des marchés dont il avait « historiquement » l'entier contrôle tandis que diminuent ses exportations vers l'Europe ! Cette situation le conduit à mener une politique d'exportation de plus en plus agressive qui aboutit, à force de subventions massives, à faire tomber les cours mondiaux des grains au-dessous des coûts de production d'une majorité de producteurs.

La recherche d'une plus grande maîtrise des productions mondiales

Si le conflit commercial États-Unis - CEE connaît depuis quelques années un durcissement, perceptible d'ailleurs dans d'autres secteurs économiques (technologie de pointe, aéronautique), il n'en reste pas moins que des terrains d'entente sont recherchés au sein d'instances internationales. Dans le cadre de l'Uruguay Round8, au sein du GATT9, les pays producteurs se sont solennellement engagés, par la déclaration de Punta del Este, à une « réduction progressive des effets négatifs de toutes les subventions directes et indirectes ». Cet objectif de réduction a été repris par deux conseils des ministres de l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) en 1987 et 1988.

Les céréales sont au centre de cet enjeu

Fondamentales pour l'alimentation d'une grande partie de l'humanité, les céréales constituent de loin le principal marché de produits agro-alimentaires. Au premier rang, par l'importance de ses courants d'échange, se situe le blé destiné par excellence à l'alimentation humaine. Le riz circule peu, étant largement consommé dans les pays où il est cultivé. Les autres céréales, dites secondaires (mais, orge, seigle, avoine...), sont essentiellement destinées à l'alimentation animale. À la production céréalière est étroitement liée celle des oléagineux (soja, colza, tournesol) qui constituent soit son substitut, soit son complément et vise

8 L'Uruguay Round est le nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales lancé en septembre 1986 à Punta del Este et devant normalement se clore au plus tard le 31 décembre 1990.

9 GATT: General Agreement on Tarifs and Trade ( Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). Le GATT, dont l'organisme permanent siège à Genève, arbitre les différents commerciaux entre pays signataires.

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essentiellement l'alimentation du bétail. Céréales et oléagineux sont souvent regroupés sous le terme de production de « grains ».

La CEE, un des « greniers » du monde... . se situe parmi les premiers exportateurs mondiaux de céréales

Situés sous des latitudes tempérées, cinq pays, véritables « greniers du monde »,

alimentent le marché céréalier mondial : les États-Unis, le Canada, l'Australie, l'Argentine et le groupe des pays de la CEE. A l'intérieur de ces pays, la majeure partie de la production de céréales et de graines oléagineuses se trouve réalisée dans les régions fortement spécialisées dans la production de grains pour la vente : « corn belt »et « wheat belts » des Etats--Unis, Pampa humide et Pampa sèche de l'Argentine, prairie canadienne, régions du sud-ouest et surtout du sud-est de l'Australie, grandes plaines céréalières de l'Europe Occidentale. Au premier rang des exportateurs mondiaux se situent les Etats-Unis suivis habituellement du Canada et de la CEE. En 1988, des conditions climatiques exceptionnelles (sécheresse en Amérique du Nord ) ont modifié ce classement, plaçant la CEE à la deuxième place d'exportateur mondial de blé avec 20 % du marché mondial (les États-Unis détenant 42 %). Cependant, bien que le principe d'une réduction généralisée des aides à l'agriculture fasse l'objet d'un consensus théorique, les moyens d'y parvenir diffèrent selon les parties : les États-Unis prônent l'application aux marchés agricoles des règles du libéralisme (sans se défaire toutefois de leurs mesures protectionnistes, sous forme d'aides directes, dites « deficiency payments ») ; la CEE de son côté préconise une réduction concertée et équilibrée de toutes formes de soutien (direct ou indirect).

Un enjeu : le développement de la production communautaire d'oléoprotéagineux

A la suite d'une décision datant de 1965, les Produits de Substitution aux Céréales (PSC) et les oléagineux destinés à l'alimentation animale entrent librement dans la CEE. En croissance régulière depuis cette date, compte tenu du développement des élevages hors sol, ces importations lui coûtent cher et la placent dans une complète dépendance des pays fournisseurs, les États-Unis en tête. Cette situation a conduit la CEE à mettre en place en 1973 un programme de développement des oléoprotéagineux faisant appel à un système de « deficiency payments ». Celui-ci a permis une augmentation significative des surfaces consacrées aux oléoprotéagineux 10 mais a suscité le mécontentement des autorités américaines et motivé leurs actions auprès du conseil du GATT, obligeant la CEE à réduire son soutien à ces productions ... qui constitueraient pourtant une alternative aux céréales capable d'occuper plusieurs millions d'hectares ! Les possibilités, tant d'écoulement des céréales communautaires à des fins d'alimentation du bétail, que de développement de PSC européens, se trouvent ainsi fortement réduites par la concurrence extérieure. Le dispositif communautaire ne saurait donc être étudié dans le seul cadre européen. Plus largement, il participe à la politique d'assainissement des marchés agricoles engagée par l'ensemble des pays producteurs. Face au partenaire américain, il représente un effort de la Communauté pour mieux contrôler son volume de production et réduire ses soutiens. Cet effort appelle en contrepartie, un allègement des pressions exercées à son encontre et la possibilité de négociations dans le domaine des productions oléoprotéagineuses.

Les expériences étrangères de retrait des terres

10 De 1980 à 1988, la production d'oléagineux a été multipliée par 5 dans la CEE( à 10) et par 4 en France; les protéagineux ont vu leur production multipliée par 6 pour la CEE et par 12 en France.

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Au plan mondial, le programme communautaire de retrait des terres n'est pas une action isolée. Introduites dès 1933 aux Etats-Unis, des mesures de restriction de l'utilisation des terres ont été utilisées périodiquement par plusieurs pays afin de répondre aux problèmes de surproduction de produits agricoles. Elles tendent aujourd'hui à se généraliser et devenir une composante des politiques agricoles nationales. En 1989, au moins 15 pays de l'OCDE avaient ou étaient en train de mettre sur pied de tels programmes, essentiellement axés sur la production de céréales 11.

L'objectif principal de ces programmes est de réduire les coûts liés aux excédents sans porter atteinte de façon trop brutale aux revenus agricoles. Ils constituent une alternative aux diminutions de soutien des prix. A ces considérations économiques et sociales s'ajoutent de plus en plus souvent des préoccupations écologiques.

Les programmes retenus dans les pays de l'OCDE ont tous un caractère volontaire, encore que les incitations à y participer varient beaucoup. La plupart des programmes font intervenir des versements compensatoires directs aux producteurs qui renoncent à utiliser tout ou partie de leur terre pour l'agriculture. Au Japon et dans les principaux programmes des États-Unis, l'accès des agriculteurs aux programmes de soutien des prix est lié à leur participation aux programmes de restriction de l'utilisation des terres. Ces programmes sont généralement annuels ou couvrent une période de trois à cinq ans. Le seul programme de longue durée (10 ans) a été mis en place par les États-Unis dans un objectif de conservation des sols fragiles.

Des résultats fort variables

Plusieurs enseignements peuvent être tirés des expériences de retrait de terres céréalières.

Pour les uns, il s'agit d'une mesure réversible...L’intérêt premier d'une telle mesure

réside dans sa réversibilité, liée aux conditions mêmes de culture des céréales, plantes annuelles à période végétative se déroulant sur un nombre limité de mois. Cette flexibilité la rend particulièrement bien adaptée à la situation d'incertitude qui caractérise l'environnement agricole.

Une mesure efficace sous certaines conditions...Son efficacité, en tant qu'instrument

de gestion de l'offre, paraît en outre réelle lorsqu'elle est liée à l'ouverture d'un soutien des marchés (à l'exemple des États-Unis et du Japon). Des primes très incitatives (comme l'a pratiqué la RFA dans le Land de Basse Saxe) sont également capables d'attirer une bonne participation au programme. Enfin, de telles politiques ont montré leur intérêt pour l'environnement lorsqu'elles intègrent cet objectif : c'est le cas du programme américain de retrait des terres soumises à érosion.

Pour les autres, une mesure inefficace, coûteuse, préjudiciable à l'environnement. A

l'inverse, d'autres aspects de ces programmes peuvent faire douter de leur intérêt. En effet, nombreuses sont les analyses qui contestent leur efficacité (ils suscitent la mise en retrait des terres les moins productives au profit des terres de qualité sur lesquelles la culture est souvent intensifiée) et insistent sur leur coût. Générateurs de fraudes, ils alourdissent considérablement les dépenses administratives du fait de leur gestion, sans avoir d'incidence significative sur la production et donc sur les coûts liés aux soutiens des prix. D'autre part, ils peuvent porter préjudice à l'environnement en raison d'une plus grande intensification des cultures sur les terres maintenues en exploitation ou/et de l'absence de couverture végétale sur les terres retirées.

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Si la Communauté Economique Européenne est peu expérimentée en matière de gel des terres12 de nombreux pays producteurs disposent d'une assez grande expérience dans ce domaine. Pratiqués de longue date, ces mécanismes ont montré leur intérêt, mais aussi leurs limites et leurs effets parfois néfastes. La connaissance des dispositifs étrangers est un moyen de comprendre, par comparaison, les caractéristiques du dispositif communautaire, ses objectifs et dans une certaine mesure, les résultats que l'on peut en attendre.

Une expérience de « retrait » dans la CEE : le Land de Basse Saxe en République Fédérale Allemande :

Entré en vigueur en septembre 1986 pour la campagne 1986/1987, le programme prévoyait de mettre en jachère 5 à 20 ha par exploitation (sans excéder 20 % des terres arables de l'exploitation) pour une durée d'un an, en échange d'indemnités variables selon la qualité des sols. Décevant la première année (2 % à peine des surfaces cultivées mises hors culture alors qu'on escomptait une diminution de 7 %), le programme a mieux fonctionné en 1987 grâce à une revalorisation de l'aide pouvant atteindre 5 400 F/ha au lieu de 4 000F en 1986 ; en outre, la superficie maximum pouvant être mise en jachère, a été portée de 20 hectares à 35 ha (sans excéder 35 % des terres arables). 3 % des surfaces cultivées ont été mises en jachère cette année-là, sans que toutes les demandes puissent être satisfaites. L'expérience a montré que le programme concernait dans un premier temps les terres les moins productives.

L'exemple américain

Pratiqué depuis 1933, le gel des terres (set-aside : mise de côté) a été renforcé aux États-Unis par la dernière loi agricole (Food Security Act de 1985).

De façon schématique, deux types de jachère sont proposés aux producteurs de grandes cultures (blé, mais, céréales fourragères) ou de cultures spécialisées (coton, riz, arachide) : une jachère annuelle et une jachère sur dix ans (programme de mise en réserve des terres).

1- La jachère annuelle porte sur des surfaces variables fixées chaque année en

fonction des stocks existants. Le pourcentage à geler est déterminé par le FUSDA (United States Department of Agriculture) en fonction des stocks de report de l'année précédente. Ce pourcentage est généralement situé entre 20 et 30 % de la sole de blé (20 % pour le maïs, 27,5 % pour le blé en 1986, 1987, 1988). En 1989, en raison du dégonflement des stocks publics dus à la sécheresse, les taux de réduction ont été ramenés à 10 % pour le maïs et pour le blé.

Le programme n'est pas obligatoire, mais seuls les agriculteurs qui y participent ont droit aux aides de l'État pour les quantités produites sur le reste de l'exploitation. S'ils n'y adhèrent pas, ils restent indépendants et vendent directement au prix du marché sans limitation de production.

Il existe un programme de base (ARP : Acreage Réduction Program) et certaines années, des programmes complémentaires. Dans le programme ARP, les aides au produit ou « deficiency payments » sont égales à la différence entre le « loan rate » (prix garanti au départ de la ferme) et le « target price » (prix d'objectif).

12 Seuls ont été expérimentés sur son territoire un système italien destiné à limiter, de 1955 à 1967, la production de riz, et les programmes lancés en 1986 en RFA (Basse Saxe) et au Royaume Uni (à finalité écologique) trop récents encore pour être porteurs d'enseignement.

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Des programmes complémentaires permettent en outre aux agriculteurs de geler, certaines années, au-delà du quota prévu. C'est le cas notamment avec le PLD (Paid Land Diversion) qui prévoit une indemnisation.

Le « PIK program » (Payment In kind) permet aux agriculteurs d'être dédommagés par distribution de céréales provenant des stocks d'intervention.

2- La jachère de longue durée n'est pas liée à des questions annuelles d'opportunité. La

réserve foncière à long terme, créée par le « Farm Act » de 1985, vise à la conservation des sols fragiles. Son objectif est de geler 10 % de la surface agricole utile des États-Unis, soit 18 millions d'hectares pendant 10 à 15 ans.

L'exemple américain propose un système efficace qui s'explique par l'éventail des aides proposées aux agriculteurs et le lien existant entre le « gel » et le système de soutien des prix. Celui-ci a entraîné depuis 1981, une réduction importante des surfaces (d'après l'USDA, 1/4 des surfaces de blé cultivables a été gelée en moyenne entre 1982 et 1988) et, malgré un léger effet d'augmentation des rendements, il a permis une forte réduction de la production. On estime qu'en moyenne annuelle entre 1982 et 1987, près de 10 % de la production projetée (par rapport à la tendance 1965/1981) ont été gelés (source : ONIC).

3/ Le dispositif communautaire de retrait des terres arables

Violemment refusé lors de la parution du rapport Mansholt, le gel des terres communautaire fait figure en 1988 de mal nécessaire, contestable certes dans certains de ses aspects, mais globalement accepté comme une solution possible au problème des excédents. Pour en arriver là, il a fallu passer par l'aggravation des difficultés de la politique agricole commune et la mise en place des premières mesures de limitation de l'offre.

Le débat communautaire

Ensemble hétérogène, la Communauté Economique Européenne réunit des agricultures aux caractéristiques très diverses. Il est dans ce cas fort difficile de concilier les intérêts des uns et des autres pour mener des actions communes telles que la politique des marchés dont les conséquences sur les revenus des « petits » et des « gros » exploitants seront sans commune mesure. Des décisions telles que le retrait des terres sont le fruit de compromis délicats entre des États aux stratégies parfois très divergentes...

Un dispositif réclamé par les pays de l'Europe du Nord

Le mécanisme de retrait des terres a été demandé par les pays de l'Europe du Nord, la République Fédérale Allemande en tête. Pour les Allemands, ce système présentait l'avantage de conserver un prix de production élevé, mais surtout de soutenir le revenu de leurs agriculteurs, notamment les producteurs de céréales qui allaient être directement touchés par les plafonds imposés aux productions de céréales et la baisse de prix automatique. Les écologistes allemands voyaient en outre dans la jachère une possibilité de limiter les pollutions issues de l'agriculture et de disposer de plus larges espaces verts. De leur côté, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, guidés par des conceptions libre-échangistes de régulation par le pur mécanisme du marché, considéraient avant tout le gel comme un moyen d'accompagner une politique de baisse des prix.

L’hostilité de la France

La France s'est trouvée très isolée lors du débat sur le gel, ses intérêts étant a priori difficilement conciliables avec la perspective d'une diminution de la production céréalière. En

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effet, avec près du quart de la superficie agricole utile de la CEE, la France se situe au premier rang de l'agriculture communautaire. Elle est le premier producteur de céréales européen, le seul qui ait de très forts excédents à exporter, et, en 1988, le deuxième exportateur de blé dans le monde après les États-Unis. Son potentiel agricole lui permet, depuis les années 1970, de dégager dans sa balance commerciale, un excédent agro-alimentaire de 30 milliards environ, auquel contribuent fortement les productions végétales.

Le solde des échanges extérieurs de la France, concernant les marchandises, enregistre en1987, un déficit de 60 milliards de francs (énergie : -82MF ; produits manufacturés : -10 MF) alors que l'agro-alimentaire affiche un solde positif de +29MF13.

Par ailleurs, la France présente une grande diversité de structures d'exploitation : grosses exploitations des régions céréalières, mais aussi petites exploitations venues parfois tardivement aux céréales malgré des conditions agronomiques médiocres.

Dans ces conditions, il paraissait difficile, d'une part, de réduire la capacité de production d'un secteur fondamental pour l'économie française, d'autre part, de laisser les petites exploitations s'engager massivement dans la voie du gel, risquant de déstructurer ainsi l'économie de régions entières.

Ces éléments expliquent la prudence avec laquelle la France s'est engagée dans l'élaboration du dispositif communautaire qu'elle s'est efforcée d'adapter à son contexte national.

Le dispositif retenu

Au-delà des divergences nationales, la volonté d'appliquer la discipline budgétaire préconisée par le Livre Vert et les engagements pris dans le cadre des négociations commerciales multilatérales a finalement abouti à la définition d'un dispositif communautaire14.

Une double finalité

A la différence du système américain, le dispositif communautaire de retrait n'a pas pour vocation principale d'agir sur l'offre céréalière. Il constitue un accompagnement des mesures de stabilisation (les QMG : Quantités Maximales Garanties) instaurées à la même date qui sont, elles, le principal instrument d'assainissement des marchés.

En effet, s'il doit contribuer à rétablir l'équilibre entre la production et la capacité du marché, l'objectif du retrait est aussi sociostructurel. Selon l'esprit du Livre Vert de 1985, il vise à amorcer une reconversion des terres agricoles en aidant les agriculteurs, avec plus de douceur que ne le ferait une baisse significative des prix, à passer le cap de cette mutation. A ces producteurs que menace la politique restrictive des prix, la réforme de la PAC propose plusieurs options dont le retrait, sous ses formes diverses, fait partie.

Un dispositif obligatoire mais souple

13 Source: INSEE d'après les Douanes.

14 Trois textes communautaires fondent l'application du "retrait des terres arables de la production agricole":

-Le règlement n° 1094/88 du Conseil du 25 avril 1988 modifiant les règlements n° 797/85 et n° 1760/87 en ce qui concerne le retrait des terres arables ainsi que l'extensification et la reconversion de la production.

- Le règlement n° 1272/88 de la Commission du 29 avril 1988 fixant les modalités d'application du régime d'aides destiné à encourager le retrait des terres arables.

- Le règlement n° 1273/88 de la Commission du 29 avril 1988 fixant les critères pour la délimitation des régions ou zones pouvant être exemptées des régimes de retrait des terres arables, d'extensification et de reconversion de la production.

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Issu d'un compromis entre les douze, le dispositif communautaire fixe un cadre dans lequel doit s'effectuer le retrait (terres éligibles, surfaces minimales à retirer, nature de l'engagement de l'agriculteur, etc). Les textes communautaires précisent également son caractère obligatoire pour les États Membres, mais facultatif pour les agriculteurs et fixent le montant de la participation du FEOGA au financement de la prime de retrait (participation d'autant moins élevée que la prime augmente).

A l'intérieur de ce cadre, toutefois, des choix sont possibles. Ainsi, il n'y a pas une forme de retrait imposée mais plusieurs solutions envisageables. Les terres retirées peuvent être laissées en friche, avec possibilité de rotation, boisées, utilisées à des fins non agricoles, utilisées comme pâturages aux fins d'élevage, utilisées pour la production de lentilles, pois chiches, vesces.

Aux États, il appartient également de déterminer, à l'intérieur d'une fourchette, le montant de l'aide unique ou modulée en fonction de la valeur agronomique des sols , les zones sensibles à exclure du régime (selon des critères fixés par la communauté), les mesures de protection de l'environnement, les mesures de contrôle des engagements...

Comparativement à certains dispositifs étrangers, le programme communautaire se caractérise par son caractère plus volontariste que contraignant. Il se distingue notamment des dispositifs destinés à attirer une large participation (il n'est pas comme aux États-Unis par exemple directement lié au soutien des prix). Ses objectifs restent imprécis : nul objectif quantitatif n'est fixé, nul quota de gel par pays. Tout au plus parle-t-on d'éliminer dans un premier temps un million d'hectares de cultures céréalières, ce qui équivaudrait, selon certaines estimations, à réduire la production de 1,5 % (compte tenu du retrait prioritaire de terres de productivité modeste) correspondant au seul gain de productivité de deux ans ! Non directif, le programme devra essentiellement sa « réussite » à la volonté des États de le faire fonctionner en y consacrant les moyens politiques et financiers nécessaires.

4 / Le dispositif français de « retrait des terres arables »

Compte tenu des dangers qu'une réduction des surfaces céréalières faisait courir à l'économie française et à son espace rural, la France s'est entourée de nombreuses précautions pour mettre en oeuvre le programme communautaire. Les modalités retenues dans le cadre d'un débat entre les pouvoirs publics et la profession traduisent ses préoccupations essentielles.

Le débat national

Le gel des terres a suscité en France, de la part des pouvoirs publics comme des milieux agricoles et même du grand publie, une égale hostilité. Mais au-delà de cette opposition quasi générale, des prises de position plus nuancées se sont manifestées, les unes plutôt favorables au gel, les autres plutôt réticentes.

Soucieux d'enrayer la baisse des prix, les représentants des céréaliers considéraient le gel comme moins contraignant que d'autres systèmes de limitation de la production, tels que les quotas. Au contraire, les représentants des autres catégories d'agriculteurs ont fait part très tôt de leur inquiétude et alerté les responsables sur les conséquences négatives que pourrait entraîner le retrait sur l'espace rural et les économies locales. Ils se sont aussi inquiétés de la concurrence qui pourrait se créer entre régions traditionnelles d'élevage et surfaces converties à la jachère pâturée.

Enfin, ils ont demandé un plafonnement des superficies gelables par exploitation qui, proposé par la France, n'a pas reçu l'assentiment de la Commission des Communautés Européennes. Dans un contexte complexe mettant en jeu des intérêts parfois contradictoires,

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les responsables français ont préféré jouer la carte d'un gel expérimental qui n'hypothèque pas l'avenir.

Les grandes lignes du dispositif français 15

Elles peuvent se résumer ainsi :

- La superficie retirée doit être de 1 ha au moins d'un seul tenant et 20 % au moins des terres arables de l'exploitation

- Le bénéficiaire peut être toute personne physique ou morale non retraitée

- Les terres retirées doivent avoir été cultivées entre le 1° juillet 1987 et le 30 juin 1988

- La durée de l'engagement est de 5 ans, avec possibilité de résiliation après 3 ans. - Quatre types de destination des terres ont été retenus : la jachère fixe, la jachère tournante, le boisement et l’utilisation à des fins non agricoles.

- Les zones sensibles aux incendies ont été exemptées du retrait ( cf. carte et lexique en annexe ).

- Quatre taux de primes ont été définis, le taux minimal a été attribué à la jachère fixe, au boisement et à l’usage non agricole. En ce qui concerne la jachère tournante, la prime est fixée à l’intérieur d’une fourchette variable selon les départements.

Une préoccupation économique

Afin de préserver sa vocation céréalière, la France a fait le choix d'incitations

financières faibles (à l'intérieur d'une fourchette fixée par la CEE de 100 à 600 écus, les taux français s'échelonnent de 130 à 350 écus) et décidé de privilégier la jachère tournante qui bénéficie du taux de prime le plus élevé. Elle n'a pas non plus à l'évidence choisi de développer, par ce biais, d'autres activités : la forêt et surtout les activités non agricoles bénéficient des taux les plus bas ; la jachère pâturée n'a pas été retenue dans un premier temps, ni les productions de lentilles, pois chiches, vesces (jachère « jaune ») pourtant envisageables dans certaines régions.

Une préoccupation d'aménagement du territoire

Certaines études avaient révélé que des primes élevées pourraient entraîner, dans

certaines régions, la quasi-disparition des céréales, déstructurant l'économie de zones souvent déjà fragiles, tout en donnant un véritable coup d'accélérateur au processus de spécialisation des régions. Le souci de ne pas accroître la déprise et de ne pas provoquer de disparités régionales explique le choix de certains éléments du programme français :

. l'assolement triennal, encouragé par les textes, vise, en limitant à 30 % la superficie gelée de l'exploitation, à assurer sa pérennité par le maintien de sa capacité productive ;

. le choix de faire bénéficier du régime l'exploitant et non pas le propriétaire foncier, traduit un souci de ne pas détruire l'unité de production ;

. la variabilité de la prime, de façon à ce qu'elle suive les niveaux de rendement propres à chaque zone, vise à répartir équitablement le retrait sur l'ensemble du territoire ;

. le choix du département et de la petite région agricole comme zone de définition de la prime permet de restituer assez finement l'hétérogénéité des résultats économiques des exploitations ;

15 Les textes: décret n° 88-1049 du 18 novembre 1988 , deux arrêtés du 18 novembre 1988 et la loi n° 88-1202 du 30 déc. 1988 (art. 58)

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. les contraintes imposées au boisement et aux utilisations non agricoles doivent garantir une organisation satisfaisante de l'espace rural, évitant en particulier les phénomènes de « mitage » ou l'apparition anarchique d'équipements touristiques ;

. enfin, en différant l'application des jachères « vertes » ou « jaune », les concepteurs du programme ont souhaité ne pas provoquer de transferts de productions, venant parfois en contradiction avec des politiques en cours de soutien de productions animales traditionnelles.

Un souci de préserver son environnement

La France a demandé que 2 % de son territoire soient exemptés du retrait. Elle

souhaite ainsi exclure de la jachère les zones méditerranéennes sensibles aux incendies. Par ailleurs, l'encouragement à la jachère tournante est aussi destiné, en favorisant le développement des systèmes extensifs, à limiter les zones « abandonnées ».

Le dispositif français de retrait, expérimental pendant deux ans, est une adaptation prudente de la législation communautaire issue elle-même d'un compromis entre les États Membres. Cette mesure, qui se voudrait économique, s'inscrit dans la suite logique du modèle productiviste qui régit la politique agricole française depuis les lois d'orientations (1960 -62) et les fondements de la Politique Agricole Commune à Bruxelles, dont elle voudrait limiter les conséquences néfastes : productions excédentaires et dégradations écologiques. Associée aux lois sur l'extensification et la protection des « zones sensibles » (article 19 du règlement communautaire n° 797/85 du 12 mars 1985 ), elle fixe un objectif de diminution des espaces

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très productifs, mais aussi des apports de certains engrais chimiques (phosphates), l'idéal affiché étant d'obtenir, d'une façon moins nocive, des produits de meilleure qualité, tout en limitant les excédents.

S'adressant à des territoires indifférenciés, la politique communautaire de retrait fait courir des risques aux zones les plus sensibles. Pour pallier ces effets néfastes, la France a pris un certain nombre de dispositions. Elle a notamment demandé l'exemption des zones sensibles aux incendies. Ces mesures seront-elles suffisantes ? Ne serait-il pas souhaitable d'exclure du dispositif d'autres zones ?

Avec, d'une part, des aires agricoles parmi les plus productives au niveau national, d'autre part, 75 % de la région classée en zone de montagne et zone défavorisée, Midi-Pyrénées est particulièrement concernée. L'expérience de la première campagne dans cette région devrait donc être très instructive.

Chapitre II : BILAN DE LA PREMIÈRE CAMPAGNE ( 1988 – 1989)

Si l'évaluation de l'impact de cette législation reste difficile à effectuer après une première année d'application expérimentale, un bilan de cette dernière semble nécessaire pour avancer dans l'analyse et les hypothèses formulées. Un premier bilan a été effectué au niveau national puis au niveau régional par un dépouillement exhaustif de tous les dossiers. Il permet de mesurer son taux d'application, les formes de retrait retenues et sa localisation sur le territoire. Une enquête de nature socio-économique auprès des candidats au retrait a permis la construction d'une première typologie en termes de profils, d'itinéraires et de projets, avant de définir les différentes tactiques et stratégies de retrait.

1- Bilan national

Pour cette première campagne, 1 002 dossiers ont été enregistrés totalisant 15 700 ha, soit une superficie moyenne retirée par exploitation de 15,7 ha. Un balayage des régions fait apparaître de grandes disparités ; en nombre, avec une amplitude allant de 0 en Alsace à 234 en Aquitaine; en superficie moyenne par demande : de 6,87 ha dans le Nord-Pas-De-Calais à 50 ha 80 en île de France ; mais aussi en superficie totale retirée de la production allant de 41 ha dans le Nord-Pas-De-Calais (6 dossiers) à 3 698 ha (pour 177 dossiers) dans le Centre.

Ce sont donc les régions du Sud-Ouest et du bassin inférieur de la Loire (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes et Pays de la Loire) qui se sont montrées le plus sensibles, avec le Centre, au dispositif de retrait. Ces régions ont en commun d'avoir les 3/4 de leur territoire classé en zone fragile et de vivre à la fois de grandes transformations de leur économie, notamment agricole, engendrant de grandes disparités internes.

C'est aussi dans cette zone méridionale que règne le mode successoral inégalitaire à transmission intégrale, c'est-à-dire un fort attachement à la dimension patrimoniale de la propriété foncière. Peut-être paradoxalement, le gel des terres y est perçu comme une forme de préservation des biens, dans une période de crise et d'incertitude ; une alternative permettant de repousser des solutions plus radicales ou définitives, comme la vente ou le fermage ?

Les grandes tendances se définissent contre toute attente par :

. la prédominance de la jachère fixe (62,60 % des superficies totales retirées, soit 9 833,7 ha) sur la jachère tournante (28,80 %) malgré des montants de prime volontairement plus faibles ; . les retraits avec changement de destination des terres (qu'il s'agisse de boisement ou d'utilisation non agricole) ne représentent que 8,60 % des superficies. Ce qui tend à prouver

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que les changements d'affectation des sols agricoles ne sont pas encore passés à l'ordre du jour, ni dans les mœurs, tant culturelles qu'économiques ;

. si les retraits concernent en majorité des exploitations de taille moyenne (35,6 % ont entre 20 et 50 ha de SAU), ils touchent une proportion appréciable de grandes exploitations (12 % de + de 100 ha) ;

. les exploitations sont en majorité en faire-valoir direct ;

. la superficie des retraits dépasse largement les 20 % minimum exigés. 43 % des dossiers demandent le gel de plus de 30 % de leur SAU et 20 % portent sur la totalité de la SAU. Les craintes manifestées par le gouvernement français sont donc fondées, et le refus de la CEE d'imposer un plafond de 30 % de la superficie risque d'être lourd de conséquences, notamment sur la constitution de « poches de dépeuplement » et de zones désaffectées...

Des résultats modestes...

En termes de pourcentage des terres gelées par rapport aux surfaces arables, la France, avec un peu moins de 0,1 %, enregistre un taux de participation parmi les plus faibles de la Communauté européenne (qui totalise un gel de 434 3 10 ha pour la campagne 1988-1989). Les résultats obtenus sont à l'image de la politique feutrée menée par la France en matière de retrait. Au vu des premiers résultats, les raisons de son hostilité par crainte de porter atteinte à son potentiel de production, mais surtout à l'économie rurale des régions fragiles, semblent plus que jamais justifiées. Vouloir cerner l'itinéraire, le sens et la localisation des demandes nécessite une analyse fine au niveau régional.

France entière % des dossiers % de la SAU totale retiré

- 20 ha SAU 28,9 11,0

20-50 ha SAU 35,6 28,1

50-100 ha SAU 23,1 30,4

+ 100 ha SAU 12,4 30,5

France entière % des dossiers Superficie retirée

propriété 52% 43,0%

fermage 30% 34,5%

mixte 18% 22,5%

2- Bilan régional

En Midi-Pyrénées 135 demandes de retrait ont été acceptées totalisant 1 508 ha (soit 0,12 % de la superficie en terres arables de la région) avec une superficie moyenne retirée par exploitation de 11,42 ha (alors que la SAU moyenne est de 27,8 ha). Deux types de retrait dominent largement : la jachère fixe (64 % des demandes et 71 % de la superficie totale retirée) et la jachère tournante (avec 26 % et 28 %). L’utilisation non agricole ne représente que 3 % des superficies retirées, et le boisement 0,5 %16.

De grandes disparités entre les départements ont été enregistrées, mais l'essentiel des

demandes se trouve concentré dans trois départements : la Haute-Garonne (39 demandes pour 484 ha), le Gers (29 demandes, 404 ha) et le Tarn et Garonne (29 demandes, 236 ha).

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Ce sont les trois départements où la superficie en terres arables est la plus importante, où les exploitants à temps complet sont largement majoritaires, mais surtout qui vivent une période de transformation profonde de leur agriculture, dominée par le développement des grandes cultures. Ces dernières deviennent en effet l'OTEX dominant au RGA de 1988 alors que~ dans les autres départements ce sont les fourrages (en culture principale et en superficie toujours en herbe -STH-) qui dominent.

Deux départements permettent d'évaluer la diversité des formes de retrait et des agricultures concernées, indépendamment du nombre de demandes : le Gers et le Tarn et Garonne, avec chacun 29 dossiers.

Dans le Gers, deux formes de retrait -dominent, remarquables par leur importance : la jachère fixe (78 % des surfaces retirées) et les activités non agricoles, plus précisément les terrains de golf (12 % des surfaces) ; c'est le seul département qui a fait ce genre de demande. Autre caractéristique la surface moyenne retirée par exploitation (14 ha) est la plus forte de la région. Il faut voir là une traduction directe du processus de concentration qui a continué à marquer la dernière décennie : la SAU moyenne par exploitation est la plus forte de Midi-Pyrénées. Par contre, très nombreuses y sont les demandes qui dépassent 80 % de la SAU totale dans des exploitations de petite taille (- 20 ha) même si la majorité des retraits varie entre 20 et 40 % dans des exploitations de taille moyenne (20 à 50 ha), comme dans la plupart des autres départements. Dans le Gers, connu pour la « tonicité » de son agriculture, où les structures des exploitations sont parmi les plus importantes de la région, où les agriculteurs sont particulièrement qualifiés et ont beaucoup investi, l'exode s'est fortement ralenti entre 1979 et 1988 et les paysages portent fort peu de traces d'enfrichement. Les demandes de retrait ne concernent en fait aucune des grandes zones céréalières, mais les coteaux où certains agriculteurs vivent de grandes difficultés. Il s'agit notamment de l'Astarac, où les victimes des quotas laitiers ont eu des difficultés à se reconvertir en système producteur de viande, ou bien du bas Armagnac où ceux qui avaient arraché la vigne ont été touchés par la chute des cours du maïs, ou encore la zone de Montesquiou, précisément celle où la densité de population est la plus faible du Gers. Dans ce département où l'agriculture reste prospère, le retrait n'a donc touché que les agriculteurs en difficulté et les zones fragiles.

Le Tarn-et-Garonne enregistre une répartition plus modulée entre jachère fixe (60 % des surfaces), jachère tournante (36 %) et boisements (4 %) mais surtout le plus grand nombre de retraits avec la plus petite surface moyenne retirée par dossier (8 ha) dans des exploitations ayant entre 5 et 20 ha de SAU (50 % des demandes). Rien d'étonnant à cela dans le département où la SAU moyenne est l'une des plus faibles avec 22 ha 7, ainsi que le processus de concentration entre 1970 et 1980 (+ 32 % alors que la moyenne régionale est de + 40 %). Par ailleurs, ce département fait partie de ceux où l'exode reste fort (- 2 %) entre 1979 et 1988.

A l'inverse du Gers, nous avons affaire ici à un département caractéristique par ses petites structures où les exploitants et les exploitations ont beaucoup disparu et continuent à disparaître. Les demandes de retrait traduisent la plupart du temps le désarroi des petits producteurs, qui ont pourtant essayé de multiples systèmes de diversification (tabac, chasselas ... ) sans aucune amélioration de leurs revenus (côte aux de bas Quercy entre autres).

Si tous les départements sont concernés, les demandes de retrait se sont principalement concentrées dans les zones de coteaux (gersois et garonnais de piémont des massifs montagneux (au nord dans le piémont du Massif Central, mais surtout au sud, dans le piémont pyrénéen), enfin, selon un axe nord-sud qui correspond aux terrasses de la vallée de la Garonne (Haute-Garonne, Tarn-et-Garonne).

Près de 50 % des demandes se situent donc en zone fragile (c'est-à-dire en zones de Programme d'Aménagement Concerté du Territoire : PACT).

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3- Profil des demandeurs

La répartition par classe d’âge et par sexe des chefs d’exploitation bénéficiaires de

l’aide au « retrait des terres arables » fait apparaître que leur âge varie de 21 à 63 ans, mais que les moyennes vont de 45 ans (en Ariège) à 51 ans (dans le Tarn). Près de 43 % d'entre eux ont entre 50 et 60 ans, 43 % entre 35 et 50 ans. En définitive, l'essentiel des demandeurs sont des agriculteurs en pleine activité ou en fin de carrière, les jeunes et ceux qui sont très proches de la retraite restent peu intéressés (ils représentent respectivement 7 % des demandeurs).

Une remarque cependant : les femmes chefs d'exploitation constituent plus d'un tiers des demandes de retrait, c'est-à-dire beaucoup plus que leur place dans la population agricole active, quelles que soient les classes d'âge. Dans la classe de 60 à 65 ans, elles sont largement majoritaires, cela correspond à la reprise de l'exploitation par la femme, après le départ en retraite du conjoint jusqu'alors chef d'exploitation.

Leur statut : ce sont des exploitants essentiellement en faire-valoir direct ( 62 % en

moyenne pour Midi-Pyrénées, avec un écart allant d’un minimum de 50 % dans le lot, à un maximum de 75% en Ariège et en Haute-Garonne ),14 % en moyenne sont en fermage ( de 0 dans le Gers à 38 % dans le Lot) et 23 % sont en faire-valoir mixte ( de 12% en Ariège à 33% dans l’Aveyron ), sur des propriétés individuelles (très rarement en GAEC et en GFA).

Activité : en Midi-Pyrénées, 80 % des demandeurs sont des agriculteurs à titre

principal (dont 10 % seraient pluri-actifs), pour les 20 % autres, l'activité agricole est secondaire. Compte tenu de la nature des informations contenues dans les dossiers, il reste très difficile d'apprécier le rapport entre activité agricole et non agricole des demandeurs, ainsi que leur lieu de résidence réel. Les tendances générales relevées au niveau de Midi-Pyrénées pourront cependant être précisées ou partiellement « corrigées » par les analyses effectuées dans le département du Gers, où l'organisme instructeur a demandé des informations précises sur ce point.

C'est ainsi que, dans le Gers, 68 % seulement sont des agriculteurs à titre principal (dont 21 % sont double actif) et 32 % ont une activité non agricole pour activité principale. Certes, les agriculteurs « professionnels » sont largement présents, mais 53 % des demandes émanent d'exploitants qui ont une activité non agricole (dominante ou secondaire). L'importance des pluri-actifs serait donc nettement sous-estimée dans les autres départements.

Caractéristique des exploitations

Malgré la grande diversité des structures des exploitations bénéficiaires (de 5 ha à plus de 100 ha), deux tendances majeures se dégagent : ce sont des exploitations de taille petite, mais surtout moyenne qui sont majoritairement concernées : 42 % de moins de 20 ha et 42 % de 20 à 50 ha totalisant respectivement 21 % et 50 % des superficies retirées. Les deux extrêmes (- 5 ha et + 100 ha) traduisent des choix inversement proportionnels. Plus les exploitations sont petites et plus le pourcentage de terres "gelées" par rapport à la SAU totale de l'exploitation est important. Les trois exploitations de plus de 100 ha retirent entre 20 et 30 % de leur SAU, les 11 demandes de gel de 90 à 100 % de la superficie, concernent par contre en majorité des petites exploitations.

Les orientations technico-économiques sont très diverses. Compte tenu des conditions d'application du dispositif, rien d'étonnant à ce que 77 % des demandes affichent un système de production céréalier ou de grande culture, dominant. Les 33 % restant (très certainement sous-estimés) représentent une grande diversité de systèmes de production (cultures pérennes, granivores, horticulture, bovin-lait, bovin-viande et polyculture).

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CHAPITRE III- STRUCTURES FONCIÈRES ET TYPOLOGIE DES DEMANDEURS

Si, au niveau de Midi-Pyrénées, la tendance générale est au "petit" retrait, de 20 à 30 % des terres arables, de loin les plus nombreux, dans des exploitations de taille moyenne (entre 20 et 50 ha), il n'en reste pas moins qu'un processus d'élimination différée des petites exploitations s'est enclenché puisque les 2/3 des retraits allant de 80 à 100 % concernent en priorité les exploitations de 5 à 20 ha.

Trois départements se différencient pourtant.

En Haute-Garonne, 59 % des demandeurs ont retiré entre 20 et 40 % de leurs terres

arables, c'est-à-dire 9 ha en moyenne, et de nombreux retraits de 80 à 100 % ont touché des petites et moyennes exploitations.

Le Tarn et Garonne recense énormément de petits retraits quel que soit le pourcentage

de terres retirées. En effet, 45 % des demandeurs ont réalisé des retraits de l'ordre de 6 à 7 ha représentant 20 à 40 % des superficies.

Quant au Gers, si les exploitants ont opté comme dans les autres départements pour

des retraits de 20 à 30 % de leur SAU, les surfaces retirées sont plus importantes : 12 ha en moyenne puisque ce sont essentiellement des exploitations de taille moyenne qui ont opté pour ce retrait. Les exploitations de petite taille (7) ont préféré le retrait total (c'est en effet dans le Gers qu'on enregistre le plus grand nombre de retraits à 100 %).

Certes, la participation des agriculteurs de Midi-Pyrénées à cette première campagne de retrait des terres arables est restée faible, mais au vu des données contenues dans les dossiers, malgré leurs limites et leurs imperfections, il est possible d'avancer l'hypothèse d'une inadéquation, si ce n'est une contradiction entre les objectifs affichés dans la loi et son impact réel. Comme dans les expériences précédentes, ce ne sont pas les zones céréalières les plus productives qui ont été touchées, mais les zones, si ce n'est les exploitations "fragiles". Un premier écueil émerge alors, celui de transformer "le gel des terres" en système d'épuration, éliminant les exploitations en difficultés, les moins viables, notamment dans les zones fragiles, accentuant par là les dangers écologiques, économiques et sociaux engendrés par la déprise agricole et amputant les espoirs de voir se construire des processus de développement rural où l'agriculture pourrait jouer son rôle de gestionnaire de la diversité des espaces en complémentarité avec les autres activités.

Apprécier l'impact local du décret et avancer dans l'analyse du sens qu'il peut prendre dans l'arsenal des outils législatifs qui se mettent en place au niveau européen, dans le cadre notamment de la réforme de la politique des structures, suppose de cerner les caractéristiques, l'histoire et les projets des demandeurs.

A quoi peut bien correspondre le choix de "geler" les terres dans une histoire de vie et un itinéraire professionnel ?

Pour pouvoir y répondre des entretiens ont été effectués auprès d'un échantillon de 22 exploitants, sélectionnés dans le but de couvrir la plus grande diversité de situations possibles. L'objectif était de construire une typologie où, profil des demandeurs, stratégies de retrait et caractérisation de l'exploitation et de son environnement, seraient mêlés.

1/ Typologie des demandeurs

Les indicateurs retenus pour caractériser les demandeurs sont essentiellement : le type d'activité rémunérée, le temps de travail consacré à chacune d'elles, l'origine et la formation.

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Ainsi, ont été différenciés :

Les agriculteurs "professionnels", originaires de la région et de l'agriculture : ils

exercent cette activité à temps complet, la plupart du temps avec l'aide du conjoint, sur l'exploitation parentale, après avoir été aide-familial. La plupart ont suivi une formation agricole et continuent à s'informer essentiellement par la presse.

Les agriculteurs "migrants" : non originaires de la région Midi-Pyrénées, ils ont connu

diverses expériences agricoles ou non agricoles avant de s'installer sur l'exploitation qui fait l'objet d'une demande de retrait.

Les pluri-actifs : pratiquant une autre activité rémunérée en dehors de l'agriculture à

l'extérieur ou bien sur l'exploitation, ils peuvent être des locaux ou des "migrants", ils présentent une grande diversité de situation, mais la tendance générale va dans le sens du développement de l'activité non agricole, devenue dominante pour ne pas dire "unique".

Les agriculteurs occasionnels et/ou les "non-agriculteurs" : il s'agit la plupart du

temps d'héritiers d'une exploitation qui vivent essentiellement d'une activité non agricole. Le temps passé sur l'exploitation est occasionnel, voire inexistant.

Il est difficile de faire correspondre ces profils à quelque typologie d'exploitation que se soit en termes d'éléments structuraux ou de systèmes de production. C'est pourquoi, il semble préférable de construire sous forme de synthèse, des tactiques et des stratégies de retrait, à partir des études de cas effectuées.

2/ -Tactiques et stratégies de retrait

a/ Stratégie de nature « entreprenariale »

Le gel est ici un outil de résistance de l'agriculture, dans des exploitations moyennes, en faire-valoir direct, qu'il s'agisse d'exploitations en voie de "marginalisation", ou d'exploitations "performantes" en phase d'intensification. Cette stratégie recouvre cependant deux formes de projets professionnels très différents :

- Un projet de restructuration agricole

Il s'agit de retraits partiels, émanant d'agriculteurs "professionnels" dont le projet est

de continuer à ne vivre que de l'agriculture en utilisant la loi sur le retrait comme moyen de réguler une situation contraignante sur l'exploitation ; soit sur le plan structurel (qu'il s'agisse du foncier ou de la main-d’œuvre ), soit pour résoudre une situation familiale délicate engendrant une révision de la gestion de la force de travail disponible.

C'est par exemple le cas de cet agriculteur qui gèle 15 ha sur les 66 de SAU qu'il cultive en blé, maïs, avoine et céréales mais qui ne lui procurent pas un revenu suffisant. C'est pourquoi il exerce l'activité d'entreprise agricole, s'estimant par ailleurs sur-équipé en matériel de moisson. Bien que travaillant avec sa femme et son fils, il a décidé de geler les plus mauvaises terres et les plus pentues, au départ de l'ouvrier agricole qu'il employait jusque là, pour "économiser du temps, du travail et de l'argent".

C'est aussi le cas de ce jeune agriculteur qui travaille seul, céréalier à plein temps sur 125 ha de SAU, sur 26 % desquelles, les plus éloignées, il a décidé de pratiquer la jachère tournante pour diminuer sa charge de travail (bien que ses revenus soient "très satisfaisants" selon sa propre appréciation).

C'est enfin le profil de petits et moyens exploitants familiaux qui pratiquent à la fois la céréaliculture et l'élevage (bovin-viande) mais dont les revenus insuffisants et le manque de capitaux nécessitent à la fois un travail à l'extérieur et le recours aux services d'une entreprise agricole pour les semis et les moissons (faute de matériel). Le gel en jachère tournante

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