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Le style de vie de la main-d'oeuvre du tourisme de nature sur le territoire québécois

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Academic year: 2021

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Le style de vie de la main

-d'oeuvre du tourisme

de nature sur le territoire québécois

Mémoire

Christine Hersberger

Maîtrise en sciences géographiques - avec mémoire

Maître en sciences géographiques (M. Sc. géogr.)

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Résumé

Le tourisme en milieu naturel est une forme de tourisme de plus en plus populaire à travers le monde et le Québec, doté de grands espaces naturels, n’y fait pas exception. La vastitude du territoire québécois et ses caractéristiques physiques façonnent le regard de ses visiteurs et de ses occupants. Au sein de cette industrie composée de touristes, d’organisations, d’entreprises et d’experts, la main-d’œuvre y occupe un rôle central. Les emplois en tourisme de nature offrent des conditions de travail précaires. La saisonnalité des activités, l’impact des conditions météorologiques et l’affluence inégale des visiteurs contribuent à la nature instable de ces emplois.

Les entreprises du tourisme de nature se retrouvent bien souvent éloignées des grands centres urbains et la plupart de la main-d’œuvre réside à même le lieu de travail. Ce lieu de travail est généralement doté de caractéristiques physiques favorisant la pratique d’activités extérieures et permet à la main-d’œuvre de combiner le travail et les loisirs. Cette faible distinction entre la vie professionnelle et personnelle apparaît telle une caractéristique particulière du style de vie de la main-d’œuvre du tourisme de nature.

L’objectif général du projet consiste étudier davantage ce point de convergence entre travail, loisirs et lieu de résidence, identifié par le concept de style de vie. La réalisation de groupes de discussion a permis de mieux comprendre les mécanismes qui influencent l’attractivité du style de vie de la main-d’œuvre du tourisme de nature sur le territoire québécois.

La principale contribution de cette recherche réside dans le rôle du style de vie comme facteur d’attractivité de la main-d’œuvre du tourisme de nature. Cette recherche identifie des variables influençant l'attractivité qui ne sont pas ou peu considérées dans la littérature scientifique, notamment l’environnement imprévisible, la nouveauté et la mobilité des travailleurs. Les résultats de cette recherche nous permettent de suggérer que les caractéristiques physiques du territoire, la saisonnalité et la pratique d’activités de loisirs, apparaissent comme des facteurs favorisant l’attractivité de la main d’œuvre en milieu naturel. Cette recherche permet de mieux comprendre comment le fait d’habiter sur le lieu de travail représente influence le style de vie de la main d’œuvre en tourisme de nature. À cet égard, il existe très peu d’écrits entourant cette problématique. Ces connaissances s’avèrent utiles afin d’outiller les acteurs de l’industrie touristique quant aux défis actuels et futurs de recrutement et de rétention de la main-d’œuvre mais également quant à des pistes de recherches éventuelles.

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Table des matières

Résumé ... ii

Table des matières ... iii

Liste des tableaux ... v

Liste des figures ... vi

Remerciements ... viii

Introduction... 1

Chapitre 1 : Problématique liée au sujet de recherche ... 2

1.1 Mise en contexte ... 2

1.1.1 Définitions du tourisme de nature ... 2

1.1.2 Représentation symbolique des lieux ... 3

1.2 Problématique ... 8

1.3 Objectifs ... 10

Chapitre 2 : Cadre théorique et principaux concepts ... 13

2.1 Saisonnalité du tourisme de nature ... 13

2.2 Nature des activités du tourisme de nature ... 14

2.3 Influence du territoire ... 17

2.3.1 Sens du lieu ... 18

2.3.2 Attachement à un lieu ; identité et dépendance ... 19

2.3.3 Particularités du milieu naturel ... 20

2.3.4 Influence du territoire dans le style de vie ... 22

Chapitre 3 : Style de vie en tourisme ... 24

3.1 Définitions et utilisations du concept de style de vie ... 24

3.1.1 Style de vie dans la perspective du tourisme et des loisirs ... 25

3.1.2 Style de vie dans la perspective de la main-d’œuvre en tourisme ... 25

3.2 Variables constituant le style de vie... 26

3.2.1 Variables sociodémographiques ... 32

3.2.2 Dimensions des valeurs culturelles ... 33

3.2.3 Attributs du style de vie à travers la littérature ... 37

Chapitre 4 : Méthodologie ... 39

4.1 Recension des approches méthodologiques employées pour l’étude du style de vie en tourisme... 39

4.1.1 Approche marketing ... 40

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4.2 Approche employée dans le cadre de cette recherche ... 42

4.2.1 Choix d’une approche multidisciplinaire... 42

4.2.2 Instruments de collecte des données ... 42

4.3 Processus des groupes de discussion... 44

4.3.1 Guide d’entretien ... 44

4.3.2 Choix de l’échantillonnage ... 44

4.4 Codification et processus d’interprétation ... 46

Chapitre 5 : Résultats... 47

5.1 Attributs discutés lors des groupes de discussion ... 48

Chapitre 6 : Discussion ... 66

6.1 Composantes du style de vie de la main-d’œuvre du tourisme de nature ... 66

6.2 Style de vie telle une clôture idéologique ... 68

6.3 Proposition de segmentation du style de vie de la main-d’œuvre du tourisme de nature ... 69

Conclusion ... 73

Références ... 75

Annexe A : Guide d’entretien – version prétest ... 79

Annexe B : Guide d’entretien – version « experts/gestionnaires » ... 80

Annexe C : Guide d’entretien – version groupes de discussion en général ... 82

Annexe D : Données sociodémographiques des participants... 84

Annexe E : Comparaison des attributs à travers la littérature et les résultats ... 85

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Liste des tableaux

Tableau 1: Attributs du style de vie de la main-d’œuvre du tourisme selon la littérature ... 27 Tableau 2 : Regroupement des attributs du style de vie de la main-d’œuvre du tourisme selon la littérature .. 31 Tableau 3 : Méthodes de récolte de données en fonction de l'angle d'approche des articles consultés ... 39

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Liste des figures

Figure 1 : Modèle conceptuel du style de vie en contexte de nature ... 10

Figure 2 : Modèle conceptuel du style de vie en contexte de non nature ... 10

Figure 3 : Style de vie de la main-d'œuvre touristique inspiré du modèle de clôture idéologique proposé par Ateljevic et Doorne (2000) ... 38

Figure 4 : Sièges sociaux des entreprises membres d'Aventure Écotourisme Québec ... 45

Figure 5 : Nuage de mots ... 47

Figure 6 : Éléments qui composent le style de vie de la main-d’œuvre en tourisme ... 48

Figure 7 : Éléments qui composent le style de vie de la main-d’œuvre touristique travaillant en contexte de nature ... 49

Figure 8 : Éléments qui composent le style de vie de la main-d’œuvre touristique travaillant en contexte de non nature ... 49

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À mes enfants, vous vous rappellerez un jour

ces heures matinales que votre maman

passait devant son ordinateur.

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Remerciements

J’aimerais adresser mes plus sincères remerciements à Laurent Bourdeau, pour m’avoir accompagné tout au long de ce projet dans ce rythme inégal ponctué d’événements imprévus. Dans des cadences tantôt lentes, tantôt intenses, le respect et la confiance qu’il m’a accordés m’ont permis de réussir à concilier le tout et de parvenir à un aboutissement.

Un merci tout spécialement dédié à ma collègue et amie Isabelle Falardeau pour tous ces moments d’échange, de partage, de rire et de questions existentielles. Puisse notre amitié et collaboration durer encore longtemps. Je souhaite également souligner le support et les encouragements de mon conjoint Mathieu qui a su m’insuffler une grande fierté tout au long de cette aventure.

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Introduction

L’accroissement de l’urbanisation, de la transformation numérique et de la mobilité sont quelques-uns des facteurs qui exercent une attractivité sans pareil pour le tourisme en milieu naturel. Dans ce tourisme du 21e siècle, cette attractivité

s’observe à la fois pour la clientèle mais également pour la d’œuvre. De ce fait, l’écart entre la demande de main-d’œuvre et l’offre disponible est comblée par des populations de main-main-d’œuvre migratoires. Avec des conditions difficiles d’emploi, caractérisées par un travail saisonnier, peu rémunérateur, des horaires variables et souvent tributaires des conditions météorologiques, il apparaît pertinent de se questionner sur les facteurs d’attractivité de la main-d’œuvre des emplois du tourisme en milieu naturel.

La main-d’œuvre du tourisme de nature se distingue par le point de convergence entre le travail et les loisirs. À titre d’exemple et tel que présenté par Filho (2010), les guides d’activités de rafting articulent leur emploi et leur mode de vie autour de cette activité. Le travail offre l’opportunité aux individus de joindre leurs intérêts de loisir à un emploi rémunérateur. En dehors des heures de travail, les guides naviguent cette même rivière entre collègues. Amis, clients et collègues semblent alors se confondre. Les rassemblements en soirée entre ces derniers où le principal sujet de conservation concerne l’activité de rafting démontrent également la position centrale de cette activité de loisir au sein du style de vie de cette main-d’œuvre (Filho, 2010).

Le style de vie est identifié comme le principal concept relié à cette attractivité. Une recension des écrits entourant le style de vie de la main-d’œuvre en tourisme a permis d’établir le cadre théorique de cette recherche. Afin d’explorer les facteurs pouvant influencer le style de vie de la main-d’œuvre du tourisme de nature, la technique des groupes de discussion a été utilisée afin de questionner les acteurs de cette industrie. Les résultats obtenus suite à la tenue de ces groupes de discussion ont été traités, analysés et comparés avec la littérature.

Cette recherche permet d’identifier dans un premier temps les facteurs qui composent le style de vie de la main-d’œuvre du tourisme de nature. Dans un deuxième temps, elle vise à comprendre de quelle manière ces facteurs influencent l’attractivité des emplois du tourisme de nature. À noter que les travaux ont été effectué avant la pandémie de la maladie à coronavirus (COVID-19) dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. L’ampleur et la gravité de cette pandémie engendre de nombreuses réflexions individuelles et collectives à tous les égards. La relation de l’humain par rapport au temps, à l’argent, à la nature et à la mobilité sont quelques exemples de paramètres en bouleversement. Le projet traite spécifiquement de ces aspects sous l’angle du style de vie. Cette recherche basée sur l’attractivité d’un style de vie apporte un regard nouveau quant aux facteurs de motivations de la main-d’œuvre du tourisme nature. Elle contribue à comprendre davantage les comportements de la main-d’œuvre de cette industrie. On retrouve très peu d’écrits à ce sujet et cette recherche constitue l’une des premières à positionner le style de vie comme facteur d’attractivité de la main-d’œuvre en tourisme de pleine nature.

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Chapitre 1 : Problématique liée au sujet de recherche

1.1 Mise en contexte

Le tourisme en milieu naturel est une forme de tourisme de plus en plus populaire à travers le monde et le Québec, doté de grands espaces naturels, ne fait pas exception (Aventure Écotourisme Québec, 2015; World Tourism Organization, 2014). La vastitude du territoire québécois et ses caractéristiques physiques façonnent le regard de ses visiteurs et de ses occupants.

1.1.1 Définitions du tourisme de nature

Un manque de consensus entoure sa définition et le tourisme de nature au Québec est peu documenté (Jay-Rayon & Québec, 1996; Lequin, 2001; World Tourism Organization, 2014). Aux fins de cette étude et de sa compréhension, il apparaît nécessaire de préciser l’étendue du concept du tourisme de nature.

Le tourisme de nature représente un concept parapluie englobant plusieurs formes de tourisme tels l’écotourisme, le tourisme d’aventure, le tourisme durable et parfois même le tourisme culturel (Mehmetoglu, 2007). Pour le gouvernement du Québec, le tourisme de nature regroupe l’offre touristiques des parcs nationaux du Québec et du Canada, des réserves canadiennes de la biosphère, des réserves fauniques et centres touristiques québécois en plus des 1200 entreprises présentes sur le territoire québécois (Gouvernement du Québec, 2017).

Le tourisme d’aventure fait partie intégrante du tourisme de nature. L’organisme mondial Adventure Travel Trade

Association1 défini le tourisme d’aventure tel un voyage qui inclut au minimum deux des trois éléments suivants : une

activité physique, un environnement naturel et une immersion culturelle (World Tourism Organization, 2014). Les activités de tourisme d’aventure se distinguent en deux catégories, soient les aventures douces ou dures. Au Québec, actuellement, on retrouve dans l’aventure douce des activités telles que la randonnée, le canotage, l’équitation, le kayak de mer etc. L’aventure dure est caractérisée par un effort plus soutenu et un risque plus élevé tel que l’escalade, le parachutisme, la descente en eau vive, le vélo de montagne (Tourisme Québec, 2010). Le regroupement des activités douces ou dures est sujette à débat et diffère selon les organisations (World Tourism Organization, 2014).

Longtemps administrés sous des entités ministérielles distinctes, c’est en 1963 que le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la pêche est créé au Québec (Prévost, 2000). Regroupés sous le même ministère, le secteur de la chasse et de la pêche est toutefois considéré telle une forme de tourisme distincte du tourisme d’aventure (Jay-Rayon & Québec, 1996; Tourisme Québec, 2010). La chasse, la pêche, le tourisme d’aventure et l’écotourisme ainsi que le

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tourisme autochtone sont par ailleurs regroupés sous le terme de tourisme de nature et figurent au cœur des stratégies touristiques gouvernementales actuelles du Québec (Tourisme Québec, 2012).

L’écotourisme présente également autant d’ambiguïté. Elle se définie davantage telle une forme de tourisme, une philosophie ou une stratégie de développement orientée vers les espaces naturels, relativement inexploités et la protection des territoires (Lequin, 2001). Selon les auteurs, l’écotourisme est un type de tourisme distinct (Lequin, 2001) ou un dérivé du tourisme d’aventure (Jay-Rayon & Québec, 1996). Lequin (2001) évoque la différence dans les objectifs recherchés par ces deux types de tourisme, le tourisme d’aventure permettant de conquérir la nature et l’écotourisme permettant plutôt de l’observer.

L’offre du tourisme de nature est variable et peut inclure un service de guidage, d’encadrement et de logistique, un service d’hébergement ou de restauration. La main-d’œuvre considérée aux fins de cette recherche concerne celle figurant au centre de l’expérience et représentée généralement sous la forme de guides d’aventure mais également le personnel de soutien, relié aux structures d’accueil, de transport et d’hébergement. Le profil de cette main-d’œuvre est décrite comme étant généralement très jeune et rarement syndiquée (CQRHT, 2019).

1.1.2 Représentation symbolique des lieux

Dans un contexte d’accroissement de l’urbanisation et de la globalisation des marchés, le tourisme en milieu naturel apparait telle une opportunité d’échapper à cette réalité, caractérisée par un rythme intense et accéléré. Très tôt dans l’histoire du Québec, la beauté et la qualité des rivières à saumons ont engendré une fascination pour le territoire sauvage québécois et le tourisme axé sur la nature (Ingram, 2013). Au sein de cette industrie composée de touristes, d’organisations, d’entreprises et d’experts, la main-d’œuvre y occupe un rôle central. Considérée parfois comme orchestratrice du danger (Holyfield & Jonas, 2003) ou créatrice d’émotions (Filho, 2010) elle permet, à tout le moins, de faciliter l’accès au territoire et de favoriser conséquemment le lien entre l’humain et la nature.

Aux premières loges d’une nature pouvant se révéler à la fois hostile, rude, sublime, opulente, divine ou d’une grande beauté, la main-d’œuvre en tourisme de nature entretient une relation privilégiée de proximité avec le territoire. À la lecture des ouvrages historiques entourant le tourisme au Québec, le mythe populaire du coureur des bois semble avoir façonné le regard des gens envers l’arrière-pays (Gagnon, 2009; Podruchny, 2009). Le courant artistique du romantisme, les mouvements de conservation ainsi que l’ère post-moderne apparaissent également avoir influencé grandement les perceptions et l’attractivité de la vie en pleine nature.

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Classes sociales

La distinction et l’impact des classes sociales est un élément important ayant marqué l’évolution de l’industrie du tourisme de nature au Québec. La relation avec le territoire a été modulée au fil du temps par un rapport de pouvoir entre la bourgeoisie anglaise et le peuple de colons et cette relation mérite une attention particulière.

D’après Martin (1980), l’arrivée des Britanniques explique la mise en place de structures de pratiques de la chasse et de la pêche afin de restreindre celle-ci à l’élite, symbolisée par le pouvoir et l’aristocratie au détriment des activités de

chasse et pêche traditionnelles des colons. Les première traces des clubs privés remontent au début du XIXe siècle.

La population doit alors se contenter des emplois offerts à même ces clubs (Perron & Gauthier, 2000). Cette situation s’étendra jusqu’en 1963 où l’on assiste alors à la création du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et d’un mouvement populaire prônant la démocratisation de la chasse et de la pêche sportive. Nombreux privilèges jusqu’alors accordés aux clubs privés sont alors abolis (Prévost, 2000).

La création des premiers parcs nationaux de la Montagne-Tremblante et des Laurentides en 1895 témoigne également de l’utilisation du territoire naturel aux fins de la bourgeoisie. À ce moment, l’état modèle ses règles davantage dans le but d’assurer l’accès aux terres publiques à des groupes d’intérêts favorisés plutôt que dans un but de protection des ressources. Ce n’est qu’à partir de 1920 environ qu’il modifiera ses stratégies afin de démocratiser ce territoire et favoriser l’accès à la classe moyenne (Gagnon, 2009).

Le tourisme de nature se démarquent dans la littérature quant aux rapports de pouvoir et d’autorité au sein des classes sociales. Tel que démontré, les intérêts de la bourgeoisie ont dicté historiquement la mise en place de structures et de règlements au détriment du peuple colonisé. Cependant, les écrits scientifiques soulèvent également que dans le cadre d’activités de plein air nécessitant des services de guidage ou d’accompagnement, on assiste plutôt à un renversement de pouvoir entre l’élite (le client) et le colon (la main-d’œuvre), le client étant dépendant des connaissances de son guide. D’hier à aujourd’hui, les images de force, de courage, d’endurance et de masculinité incarnées par la main-d’œuvre et combinées à la connaissance technique du territoire, du sport et du risque ont contribué à renverser le pouvoir traditionnel attribué à l’élite ou du moins à le suspendre le temps d’une activité (Holyfield & Jonas, 2003).

Une terre d’aventure

« Les aventuriers, eux, s’étaient conquis dans la forêt elle-même, leur hardiesse au milieu des périls, leur endurance à la misère, leur ingéniosité dans tous les besoins. » (Savard 1967 : 118)

À travers Menaud, maître-draveur, Félix-Antoine Savard (1967) exprime avec poésie un imaginaire collectif associant le territoire québécois à l’aventure, la rudesse et le courage. C’est dans la région de Charlevoix, à travers ses expériences où il fréquentait les camps de bucherons en tant que curé de la paroisse de Clermont que l’auteur puise

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son inspiration (Perron & Gauthier, 2000). L’image entourant les qualités physiques des colons défricheurs de l’Amérique du Nord, des coureurs des bois et des voyageurs2 semble avoir contribué de manière significative à

l’attractivité du territoire québécois pour la chasse, la pêche et l’aventure (Martin, 1980).

Les traces des premiers voyageurs datent de la seconde moitié du XVIIe siècle. Vers la fin du XVIIIe siècle, on comptait

environ mille voyageurs en Amérique du Nord. Leur métier consistait à transporter des marchandises à l’aide de canots, de chevaux et de chiens (Podruchny, 2009). Confrontés à un environnement hostile où les déplacements étaient à la merci des éléments naturels, les voyageurs devaient user de force, de courage afin de parcourir efficacement les longues distances. Devant cette nature incontrôlable, la pratique de rituels et la sacralisation de certains lieux étaient choses courantes. La joie de vivre caractérisait également le profil de ces voyageurs utilisant ce trait de personnalité afin de tisser des liens pouvant faciliter leurs déplacements (Podruchny, 2009).

Outre ces caractéristiques, de nombreux écrits soulèvent ce besoin vital de liberté et d’indépendance qui décidait les voyageurs à quitter leur paroisse et leur famille afin d’explorer de nouveaux territoires, comportements et identités (Podruchny, 2009).

« En surmontant, au moyen de leur force, les dangers de leur environnement, les voyageurs pouvaient se targuer d’une plus forte masculinité que leurs maîtres britanniques et que leurs voisins autochtones. Ils se bâtirent un espace social où affirmer leur identité distincte, un espace dans lequel les canoës, les chevaux, les chiens, le courage, le risque, les femmes et la liberté étaient essentiels. » (Produchny 2009 : 11)

L’image des voyageurs et des colons défricheurs est omniprésente dans le regard que l’humain porte au territoire québécois. Au centre de la mythologie québécoise et canadienne, elle a influencé significativement le regard porté à la nature sauvage, un regard qui se transposera également à travers le courant du romantisme (Gagnon, 2009).

La nature sublime et mythique

Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, l’arrivée des britanniques et le développement des villes de Québec et Montréal

exacerbent le désir de l’élite d’accéder à la vie sauvage. Si la grande nature correspond alors au territoire convoité, le coureur des bois incarne la figure emblématique du héro romantique (Gagnon, 2009).

Les références entourant le mouvement du romantisme dans la relation entre l’humain et la nature foisonnent dans la littérature. Ce courant artistique émerge au XIIIe siècle grâce entre autres aux représentations de Rousseau et Thoreau

arborant que la nature s’avère essentielle au bien-être spirituel et psychologique de l’être humain (Jacoby, 2014; Worster, 2011). Doctrine du sublime, selon l’idéologie du romantisme, Dieu était au sommet de la montagne, dans la

2 Le terme « voyageur » se réfère et substitue le terme « coureur des bois » lors de la mise en place de structures officielles d’organisations de

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chute, dans le tonnerre et dans l’arc-en-ciel. Thoreau, Worsworth, Muir voyaient la montagne telle une cathédrale. Pour les premiers artistes et écrivains du romantisme, le caractère sublime de la vie sauvage était loin d’être une expérience agréable et se rapprocher de la présence du divin s’exprimait davantage dans une émotion de terreur. Au fur et à mesure que la vie sauvage a attiré l’attention des populations et touristes, le caractère sublime et mystique s’est domestiqué pour passer de la terreur à l’admirable beauté (Cronon, 1996).

La bourgeoisie surtout anglaise a contribué à forger cette idée de la vie sauvage en la plaçant hors de la société puisque cette nature n’est pas représentative de leur civilisation et de leur univers quotidien. Considérée en dehors de la société et de la civilisation, elle est objet de convoitise. Ils la qualifient de sublime et vertigineuse de beauté rappelant une sorte d’éden (Glon, 2006). La vie sauvage, dégageant une image chaotique et libre est alors l’antidote d’une vie sur-civilisée où le monde s’affère à ordonner le domestique (Jacoby, 2014).

La création de nombreux clubs privés de chasse et de pêche au XIXe siècle témoigne de ce désir d’« ailleurs » et

répond alors au besoin de la classe supérieure de retrouver, l’espace de quelques jours, le genre de vie que menaient jadis les grands nomades des bois (Gagnon, 2009). Les guides et autres résidents employés lors de ces activités incarnent alors un rôle de substitution au romantisme en quelque sorte (Cronon, 1996).

Les loisirs et la conservation

Aux XIIIe et XIXe siècle, la vie sauvage fascine de plus en plus.

« À la volonté de la dominer et de la mettre en valeur s’ajoute très tôt le souci de la protéger. » (Glon 2006 : 6).

Tel que présenté par Cronon (1996), le mouvement moderne environnemental est en quelque sorte le « petit-enfant du romantisme ». Vers les années 1850, les stratégies mises en place pour la protection de la faune et de la flore sont alors le produit de la bourgeoisie anglaise et visent davantage à protéger la ressource aux bénéfices des membres actuels et futurs de chasse et de pêche plutôt qu’à des fins de protection des habitats pour les loisirs populaires (Ingram, 2013; Martin, 1980). Si jusqu’alors le tourisme de nature n’était réservé qu’aux classes supérieures qui ont modelé cette industrie en fonction de leur idéal romantique, la venue de la modernité bouleversera grandement le rôle de la nature au sein de la population québécoise (Ingram, 2013).

Vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, la modernité engendre un tout autre rapport face au territoire et à la

nature sauvage. L’accroissement de l’exploitation des ressources et de l’industrialisation, l’importance grandissante de la classe moyenne, la mise en place de congés de fins de semaine et le développement du réseau routier génèrent

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alors un tout autre type de tourisme, celui provenant de la masse populaire (Ingram, 2013; Perron & Gauthier, 2000; Prévost, 2000).

Parallèlement, le gouvernement impose alors davantage son rôle de gestionnaire du territoire comme en témoigne la création des deux premiers parcs nationaux des Laurentides et de la Montagne-Tremblante en 1895. Les activités de subsistance et commerciales sont ignorées au détriment de la satisfaction de la classe moyenne et supérieure dans un but de loisirs (Ingram, 2013). Les parcs nationaux apparaissent parmi les lieux les plus emblématiques et les activités de plein air drainent un nombre grandissant de touristes. Ces activités deviennent alors un enjeu économique non négligeable aux niveaux local et provincial (Glon, 2006).

La population à proximité d’un parc est alors exposée à une variété d’emplois et d’occupations tels que guide, chasseur, pêcheur ou charpentier qui est modulée par les saisons du tourisme. Cette variété de rôles témoigne de l’hybridité et de l’irrégularité du capitalisme qui transforme la vie rurale du XIXe siècle. Le travail saisonnier dicte les comportements

de subsistance de la famille ou de production de marché, générant un style de vie combinant à la fois des objectifs de subsistance et de production (Jacoby, 2014). Ce style de vie aux contours plus flous, en opposition à l’industrialisation massive de la modernité s’apparente en quelques points aux caractéristiques de l’ère post-moderne actuelle.

La postmodernité, quête identitaire et esthétique

Plusieurs auteurs s’entendent pour définir l’ère actuelle de post-moderne. L’accroissement de l’urbanisation, l’amélioration des technologies et la mobilité grandissante caractérisent l’ère actuelle (Cohen et al., 2013; Corneloup, 2011; Sijtsma et al., 2012; Vyncke, 2002). Le déplacement de la production de masse vers la production spécialisée, le décloisonnement des classes sociales ainsi que le fractionnement des modes de pensée conventionnels et de l’identité apparaissent influencer le rapport actuel avec le lieu, le territoire et la nature (Cohen et al., 2013). Dans ce contexte, en rupture avec la culture moderne précédente, l’humain est incité à repenser son rapport face à lui-même, à son environnement et aux institutions où les valeurs hédonistes et ludiques semblent dominer les valeurs conquérantes et aventurières véhiculées par la modernité (Corneloup, 2011). Les écrits scientifiques ajoutent à la définition de la postmodernité le désir de l’humain d’esthétisation du quotidien influençant les comportements des individus (Vyncke, 2002).

La globalisation des marchés et les changements technologiques ont généré des modes de vie caractérisés par une plus grande mobilité. Cette mobilité grandissante de la société repousse les limites et le cadre traditionnel d’occupation du territoire. Selon Cohen et al. (2013), elle contribue à brouiller les frontières entre le travail et le loisir, à déstabiliser la vision binaire de la « maison » et de l’« ailleurs » et accentue la complexité de l’identité du lieu et de l’appartenance.

«« A place perspective » demonstrates that places are not just the sum of interchangeable attributes, but whole entities, valued in their entirety. It recognizes that resources are not only raw materials to

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be inventoried and molded into a recreation opportunity, but also, and more important, places with histories, place that people care about, places that for many people embody a sense of belonging and purpose that give meaning to life. » (William et al. 1992 : 44)

Également, tel que démontré par Williams et al (1992), il semble que l’attachement à un lieu, spécifiquement relié à la vie sauvage, puisse transcender un lieu pour être axé davantage sur un type de lieu et relié plutôt à un style de vie. Dans cette perspective, le lieu se retrouve chargé de sens, puisé à même l’imaginaire collectif à travers les différents construits discutés précédemment. Le sens du lieu ainsi défini par la société contribue également, par sa signification, à définir les individus qui s’y retrouvent. Cette relation qui gravite entre l’identité du lieu et de l’individu est un processus interactif alimentant les construits de l’un et de l’autre dans une relation de réciprocité (Brandenburg & Carroll, 1995). Dans le contexte de globalisation actuel, dont les générations sont marquées par une quête identitaire, le sens du lieu et les représentations symboliques qui le composent s’avèrent plus que jamais des éléments pouvant influencer et expliquer les déplacements du tourisme de nature et de sa main-d’œuvre.

1.2 Problématique

Dû à l’intérêt grandissant de la clientèle pour les produits touristiques de nature combiné aux efforts de développement et de structuration de l’industrie, le tourisme de nature est en pleine croissance sur le territoire québécois (Gouvernement du Québec, 2017). Cette même croissance s’observe également à l’échelle mondiale (World Tourism Organization, 2014).

Les entreprises qui composent cette industrie sont cependant limitées par plusieurs contraintes managériales. Le roulement élevé des entreprises, l’insécurité financière et les défis de la main-d’œuvre apparaissent comme des enjeux majeurs auxquels l’industrie est confrontée (Tourisme Québec, 2012). Au Québec, l’industrie du tourisme de nature est composée de réseaux institutionnels et gouvernementaux tels les parcs nationaux du Québec et du Canada et près de 1200 entreprises qui emploient plus de 11 000 travailleurs et réalisent un chiffre d’affaires global de plus de 700 M$ (Gouvernement du Québec, 2017).

Sur le territoire québécois, les acteurs du tourisme de nature et se retrouvent majoritairement éloignés des grands centres urbains. Dans ces régions, la demande en matière de main-d’œuvre excède bien souvent l’offre disponible. On assiste alors à une migration de travailleurs provenant de l’extérieur qui viendra, le temps de quelques ou plusieurs saisons, combler cet écart.

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grande majorité des entreprises de cette industrie sont de petites tailles, qualifiées de microentreprises avec une situation financière précaire. En outre, malgré la grande diversité de l’offre sur le territoire, celle-ci est également instable, caractérisée par différents standards de qualité selon les entreprises (Conseil Québécois du Loisir, 2007; Tourisme Québec, 2010).

À la lumière de ces particularités, cette étude s’interroge sur les facteurs d’attractivité des emplois en tourisme de nature et à l’existence d’un style de vie qui semble fortement influencé par sa connexion avec la nature. L’intérêt grandissant de la clientèle pour ces produits et les défis actuels et futurs de recrutement et de rétention du personnel dont l’industrie doit faire face en appuient la pertinence.

Le vaste territoire et les caractéristiques géographiques où se déroulent les activités du tourisme de nature apparaissent façonner l’offre touristique et influencer la main-d’œuvre offrant ces activités. Celle-ci se distingue par le fait qu’elle réside généralement sur le site où l’on offre les activités, travaille de longues heures à l’extérieur dont l’horaire et le confort sont tributaires des conditions météorologiques et ce, le temps d’une saison ou plus. La saisonnalité touristique apparaît également influencer le type main-d’œuvre recruté pour cette offre d’activités (Tourisme Québec, 2012). L’offre touristique dépend largement de la main-d’œuvre (Baum et al., 2016). Toutefois, l’étude de la main-d’œuvre en tourisme représente un secteur négligé de la littérature scientifique (Solnet et al., 2014). Non seulement la gestion des ressources humaines en tourisme a été relativement peu étudiée, mais il n’existe pas à notre connaissance de littérature scientifique permettant de comprendre pourquoi des individus se déplacent pour à la fois travailler et résider dans un site touristique éloigné des grands centres urbains.

Ce projet vise à mieux comprendre les variables spécifiques qui attirent cette main-d’œuvre à travailler hors des grands centres urbains dans ces lieux souvent isolés de la population, mais qui exige de vivre une expérience parfois intense avec la nature et les touristes. Le style de vie apparaît un concept central à l’attractivité de cette main-d’œuvre. En outre, les facteurs tels le territoire, les activités du tourisme de nature et la saisonnalité semblent façonner les caractéristiques de ce style de vie.

La figure 1 illustre le modèle conceptuel du style de vie de la main-d’œuvre du tourisme de nature sur lequel se base cette étude. Dans ce modèle, le style de vie apparaît tel le point de convergence des sphères reliées au travail, au lieu de résidence et aux activités de loisirs. Ces trois dimensions ont la particularité de s’exécuter dans un lieu commun, le territoire naturel.

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En contrepartie, la figure 2 illustre le modèle conceptuel du style de vie de la main-d’œuvre touristique qui n’œuvre pas en contexte de nature. L’étude renonce à qualifier cette main-d’œuvre d’urbaine, puisque ce concept n’a pas été étudiée dans le cadre de cette recherche et opte davantage pour la qualifier de « non nature ». Dans cette représentation, le style de vie de la main-d’œuvre touristique en contexte non nature est caractérisé par une distinction franche entre les lieux de travail, de résidence et d’activités de loisirs. Par ailleurs, les dimensions du travail et des activités de loisirs peuvent toutefois se chevaucher. Dans le même ordre d’idée, le lieu de résidence peut être directement relié à la pratique d’activités de loisirs. Cependant, ce modèle tente d’illustrer que pour la main-d’œuvre touristique en contexte de non nature, le lieu de résidence et le lieu de travail sont par ailleurs bien distincts.

Figure 2 : Modèle conceptuel du style de vie en contexte de non nature

1.3 Objectifs

Considérant le rôle central occupé par la main-d’œuvre dans l’offre de produits de tourisme de nature sur le territoire québécois et l’absence de littérature scientifique à ce sujet, l’objectif de cette étude consiste à mieux connaître le rôle

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L’objectif général du projet consiste à identifier le style de vie de la main-d’œuvre du tourisme de nature sur le territoire québécois. Afin d’y parvenir, quatre objectifs secondaires ont été formulés :

1) Identifier les variables qui composent le style de vie de la main-d’œuvre en tourisme de nature selon les dimensions des valeurs culturelles et facteurs sociodémographiques ;

2) Comparer le style de vie de la main-d’œuvre du tourisme de nature selon les activités de tourisme de nature offertes au Québec. Chaque activité comporte son niveau de risque ainsi que ses particularités en termes de préparation, de responsabilités, d’intensité et de représentations symboliques. Il s’agit de mettre en lumière l’influence des caractéristiques propres aux activités sur le style de vie de la main-d’œuvre en tourisme de nature ;

3) Évaluer comment le style de vie diffère selon le territoire de la main-d’œuvre du tourisme de nature. D’un point de vue touristique, le Québec est représenté par vingt-deux régions distinctes. Ce même territoire peut également se découper en fonction de ses reliefs, de son hydrographie, de son accessibilité et des conditions météorologiques sous-jacentes à cette géographie. En lien avec les activités, il s’agit ici d’étudier les influences des particularités géographiques d’un territoire sur le style de vie de la main-d’œuvre du tourisme de nature ; 4) Mesurer l’impact de la saisonnalité sur le style de vie de la main-d’œuvre. La saisonnalité est une caractéristique majeure de cette industrie et nécessite une attention particulière. La température extérieure, les vents, le temps d’ensoleillement et les précipitations modulent la pratique d’activités et l’attractivité des clientèles. Il s’agit ici d’analyser l’influence de cette particularité de l’offre sur le style de vie de la main-d’œuvre de l’industrie du tourisme de nature.

En conclusion, il existe peu de littérature entourant le tourisme de nature au Québec spécifiquement. Les écrits scientifiques démontrent toutefois bien le rôle des territoires de pleine nature pour la société québécoise. Au fil du temps, leurs caractéristiques physiques ont façonné l’image collective et modulé le rapport entre l’humain et la nature. En effet, la géographie particulière du territoire québécois a contribué à la création d’images et représentations symboliques qui reposent entre autres sur les mythes du colon défricheur et du coureur des bois, mis davantage en lumière par le mouvement du romantisme, puis remodelés par les mouvements de la modernité et de la conservation. En rupture avec la culture moderne, l’ère post-moderne actuelle agit à sa manière en contrepoids à l’industrialisation et brouille les frontières à la fois géographiques et identitaires.

Par sa personnalité et son rôle, la main-d’œuvre en tourisme de nature est chargée de ces images et incarne ces différents regards construits au fil du temps. À travers l’analyse des courants porteurs d’une symbolique entourant la nature et la vie sauvage, la quête, le lieu et l’identité sont des termes récurrents et apparaissent tel un fil conducteur

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qui transcende ces construits. Le sens du lieu apparaît jouer un rôle fondamental dans la construction d’une identité et il semble d’autant plus important dans le cas de la main-d’œuvre du tourisme de nature.

La main-d’œuvre du tourisme de nature est caractérisée par sa proximité avec la nature où le territoire apparaît tel un lieu où convergent travail, activités de loisirs et résidence. Cette recherche identifie le style comme étant ce point de convergence et vise à identifier les composantes ayant une influence sur le style de vie.

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Chapitre 2 : Cadre théorique et principaux concepts

Au fil du temps, la main-d’œuvre a toujours joué au rôle majeur au sein de l’industrie du tourisme de nature au Québec (Tourisme Québec, 2010). Malgré cette évidence, il existe très peu d’écrits scientifiques à son sujet hormis quelques publications professionnelles. Joue-t-elle toujours un rôle central dans l’offre de tourisme de nature ?

2.1 Saisonnalité du tourisme de nature

La saisonnalité est une caractéristique majeure de l’industrie touristique et influence les comportements de la main-d’œuvre qui y travaille (CQRHT, 2019; Lundberg & Fredman, 2012; Tourisme Québec, 2010). Elle présente un défi économique majeur à la fois pour les entreprises et pour les employés. Elle est la cause de la courte durée des emplois et leur faible rémunération découle de la difficulté à rentabiliser les opérations et investissements sur de courtes périodes. Elle apparaît le principal frein relié à la rétention et au recrutement de la main-d’œuvre (Baum, 2012). Au Québec, 36,7% des emplois de l’industrie touristique dans son ensemble sont qualifiés de saisonniers (moins de 40 semaines) contre 24,6% des emplois dans les industries en général. Les secteurs des loisirs, du divertissement, des campings, de la chasse et de la pêche sont particulièrement touchés (CQRTH, 2018).

Pour une destination en milieu naturel, l’intérêt de la clientèle est modulée selon les saisons et leur capacité à mettre en valeur les attributs naturels. Les calendriers scolaires, les fêtes religieuses et autres pratiques culturelles déterminent également la saisonnalité d’une destination (Salazar & Zhang, 2013). Le cycle d’une saison est généralement modulé par une demande en forme de cloche. La demande saisonnière débute progressivement pour atteindre un sommet, qualifié de haute saison et redescend par la suite se dirigeant vers la fin de saison. Au Québec, l’été et l’hiver représentent les deux saisons distinctives majeures. L’automne, quoique très achalandé, est en quelque sorte une continuité de la haute saison estivale. Les mois de novembre et avril représentes les entres saisons (CQRTH, 2018). De cette demande cyclique découle un besoin de d’œuvre. Cet agencement entre l’offre et la demande de main-d’œuvre est rarement parfait et l’industrie touristique fait généralement face davantage à un décalage temporel (Lundmark, 2006). Ce décalage apparaît également plus important pour les milieux éloignés et isolés (Baum, 2012; CQRTH, 2018) et contribue à la migration de travailleurs saisonniers.

Par ailleurs, selon différents points de vue, la saisonnalité peu être perçue négativement ou positivement. Dans son étude portant sur le style de vie des guides de rafting, Filho (2010) démontre que la saisonnalité du travail et la nécessité de voyager afin de demeurer en emploi est une des variables principales permettant de comprendre le style de vie de cette main-d’œuvre. Les recherches relient dans plusieurs cas la saisonnalité à la mobilité (Adler & Adler, 1999; Cohen

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que seulement 20% des employés du tourisme de nature sondés désiraient un emploi annuel plutôt que saisonnier (CQRTH, 2018).

Selon Dawson et al. (2011), les entrepreneurs touristiques producteurs de vins profitent des périodes hors saison afin de diminuer le rythme de travail, prendre une pause et poursuivre d’autres buts personnels. La saisonnalité marque le temps, le début et la fin d’une période. Elle engendre une vision temporaire de l’emploi (Guerrier & Adib, 2003) qui peut être accompagnée d’un sentiment de liberté et de changement (Cohen et al., 2013) ou de stress nécessitant une forte capacité d’adaptation (Filho, 2013; Houge Mackenzie & Kerr, 2013). Cette vision cyclique de l’emploi diffère de la vision conventionnelle plus linéaire et basée généralement sur du plus long terme (Adler & Adler, 1999).

La fin d’une saison représente pour certains employés un moment libre d’obligations professionnelles, propice au questionnement sur les orientations individuelles à court terme ou long terme. Ce moment peut correspondre à un point pivot où l’individu se retrouve devant une multitude de possibilités comme de celles de voyager, d’étudier, se reposer ou d’entreprendre une autre direction professionnelle. Cette vision temporaire de l’emploi, combinée aux multiples possibilités d’occupation du temps se distinguent de la vision traditionnelle du travail où un même emploi peut être occupé durant plusieurs années sans autant d’opportunités de remise en question.

La saisonnalité et le tourisme sont fréquemment associés l’un à l’autre dans l’étude des trajectoires migratoires des clientèles touristiques. Les retraités européens qui migrent vers les Îles de Malte et les québécois qui se déplacent vers la Floride l’hiver venu, à la recherche du soleil et d’un climat plus doux, sont un bel exemple de migration saisonnière basée sur un mode de vie hédoniste. La mobilité et la perception du temps sont deux éléments particuliers de ce mode de vie et le statut social qui y est associé réfère à un niveau de classe sociale supérieure (Benson & O' Reilly, 2009; Salazar & Zhang, 2013). Les migrations saisonnières permettent, le temps d’une période déterminée, de faire une pause du quotidien et de son lot de responsabilités pour une vie plus simple, plus douce et plus esthétique correspondant à un idéal se rapprochant davantage d’une vie meilleure (Mehmetoglu, 2007; Salazar & Zhang, 2013).

2.2 Nature des activités du tourisme de nature

Un grand éventail d’activités compose le tourisme de nature et une partie de sa main-d’œuvre joue un rôle majeur dans leur encadrement. C’est le cas particulièrement pour les activités reliées au tourisme d’aventure. Elles sont dîtes douces ou dures selon le degré d’effort physique et le risque encouru (World Tourism Organization, 2014). La nature même des activités du tourisme de nature évoque l’imaginaire du pratiquant3 à travers une expérience esthétique

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(Corneloup, 2011) qui interpelle une vision d’authenticité, le fantasme et l’illusion (Sharpe, 2005). Quelle que soit l’activité, elle peut être un point de départ autour de laquelle s’articule un style de vie. Les symboles de contre-culture, de voyages, d’ouverture d’esprit, de liberté et du goût du risque sont associés à la pratique du surf par exemple (Loloum, 2018). La longue randonnée possède également sa propre image distinctive, caractérisée par le nomadisme, l’ouverture aux autres cultures et à la rencontre de l’autre (Cohen, 2011). L’intensité, le risque, le plaisir et la camaraderie sont quant à eux associé fréquemment à la pratique du rafting (Filho, 2010). De ces caractéristiques propres à chacune des activités s’articulent des styles de vie qui sont commercialisés autant pour attirer la clientèle que la main-d’œuvre (Loloum, 2018).

Qu’elles soient pratiquées dans le cadre du travail ou par loisir, les activités du tourisme de nature exercent un pouvoir d’attraction et sont au cœur de l’hybridation du temps et des lieux (Loloum, 2018). En effet, le rapport passionnel avec l’activité engendre une faible distinction entre les notions de travail et de loisir qui se définissent plutôt comme un style ou un mode de vie (Bouhaouala & Chifflet, 2001).

L’effort physique requis pour la pratique d’une activité est variable. Par le fait même, l’effort physique pour la main-d’œuvre nécessaire à l’encadrement d’une activité est variable également. La force et l’endurance peuvent s’avérer des capacités physiques essentielles à un emploi en tourisme de nature. Il est d’une évidence que les efforts physiques intenses requis au fil des jours engendrent un besoin de récupération en fin de saison touristique. Par ailleurs, les études démontrent que l’environnement naturel de travail combiné à une activité physique intense représentent plutôt des facteurs diminuant la fatigue potentielle reliée à l’emploi (Wilson et al., 2016).

Le risque, inhérent à toute activité du tourisme de nature, est également un élément majeur figurant dans la littérature. Assurer la sécurité et minimiser les risques composent une grande partie du travail d’encadrement d’une activité sportive. Le danger ou le risque est porteur dans l’établissement des rapports d’autorité face à la clientèle et dans la dynamique des pouvoirs au sein de l’équipe de travail (Filho, 2013; Holyfield & Jonas, 2003; Houge Mackenzie & Kerr, 2013). Le risque est également présenté comme facteur de stress et d’émotions de la main-d’œuvre (Houge Mackenzie & Kerr, 2013). Puis, faisant référence à l’imaginaire et aux différentes représentations culturelles, il est abordé tel un élément fondamental de l’aventure et de la création d’émotions recherchées (Filho, 2013; Sharpe, 2005). La littérature s’attarde davantage aux stress et émotions vécus par la clientèle dans le contexte d’une activité de tourisme de nature, plutôt qu’à ceux vécus par la main-d’œuvre s’y rattachant (Houge Mackenzie & Kerr, 2013).

La charge émotionnelle vécue par la main-d’œuvre nécessite des capacités d’adaptation hors du commun (Dubois & Terral, 2014; Filho, 2013; Holyfield & Jonas, 2003; Houge Mackenzie & Kerr, 2013; Sharpe, 2005). Le lieu de résidence, souvent à même le site, combiné à la présence constante de collègues et à la passion pour le lieu et l’activité contribuent à affaiblir la distinction entre travail et loisir et ajoutent à l’intensité du stress et des émotions ressentis (Houge Mackenzie & Kerr, 2013). Les difficultés interpersonnelles vécues avec la clientèle, les dirigeants et entre collègues

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suivent ainsi l’individu jusque dans son intimité, en dehors des heures normales d’emploi. Également, la saisonnalité des activités entraine une grande mobilité de la main-d’œuvre et expose celle-ci à travailler à plusieurs endroits, avec différents collègues et une clientèle culturellement diversifiée, sous des conditions climatiques variables, parfois difficiles. La précarité de l’hygiène et du confort domestique ajoute aussi au stress général relié aux conditions de vie (Houge Mackenzie & Kerr, 2013). Par ailleurs, bien que la variabilité des conditions météorologiques soit présentée comme élément de stress selon certains auteurs, il apparait pour d’autres tel un facteur attractif de la main-d’œuvre pour un style de vie non routinier qui contribue à forger une identité (Filho, 2010).

L’émotion est abordée sous l’angle des attentes et besoins émotionnels générés par la clientèle, l’entreprise ou les coéquipiers. De façon générale, les auteurs mettent en lumière la gestion des émotions comme un élément central des compétences requises de la main-d’œuvre en tourisme de nature (Houge Mackenzie & Kerr, 2013). Face à cette demande émotionnelle, les auteurs soulèvent l’émergence de stratégies de replis telles que la création d’un rôle, d’un personnage, l’utilisation de l’humour et la feinte d’authenticité (Sharpe, 2005).

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2.3 Influence du territoire

Il a été démontré que les caractéristiques d’un territoire influencent l’attractivité des clientèles touristiques (Folmer et

al., 2013). L’attractivité du territoire en milieu naturel est un sujet bien couvert par les écrits scientifiques et on retrouve

une abondance de littérature entourant l’attractivité des animaux emblématiques (Folmer et al., 2016), au « wilderness »4 (Folmer et al., 2013), à l’importance des attributs physiques des paysages (Folmer et al., 2013; Howley, 2011;

Williams et al., 1992), au sens et aux mécanismes d’attachement attribués à un lieu (Reitsamer et al., 2016; Stedman, 2003).

La solidité de l’industrie touristique d’une région éloignée des grands centres urbains dépend entre autres de sa position économique, incluant particulièrement le bassin de main-d’œuvre disponible (Sijtsma et al., 2012). En raison entre autres de la saisonnalité et de l’éloignement, le bassin de main-d’œuvre disponible est souvent insuffisant et des mouvements migratoires de travailleurs parviennent à combler cet écart (Lundmark, 2006). Ces constats exposent la pertinence de recherches plus approfondies à l’égard des mécanismes d’attractivité de la main-d’œuvre en milieu naturel.

Il a été démontré que les caractéristiques d’un territoire influencent l’attractivité de la main-d’œuvre touristique. L’attractivité générale d’une région, incluant celle de la main-d’œuvre, apparait dominer l’attractivité touristique de celle-ci (Sijtsma et al., 2012). Le sens accordé à un lieu d’emploi (Ateljevic & Doorne, 2000; Solnet et al., 2014; Young, 2005), la relation entre l’attractivité, son éloignement et son accessibilité (Baum, 2012; De La Barre, 2013) les attributs physiques d’un territoire et le milieu de vie en général (Dawson et al., 2011; Filho, 2010; Loloum, 2018; Lundberg & Fredman, 2012; Marchant & Mottiar, 2011) sont également importants. L’attractivité du territoire semble reliée l’attractivité d’un style de vie (Calabrese et al., 2014; Carlsen et al., 2008; Dawson et al., 2011).

Selon Lew (1987), l’attractivité du territoire se définie par trois composantes ; la composante géographique, formée des attractions culturelles et attributs naturels d’un lieu, la composante aménagiste qui représente le besoin de déplacement et le désir de se joindre avec un ailleurs attractif ainsi que la composante sociologique, qui réfère aux perceptions et expériences des touristes. Ces éléments apparaissent comme des facteurs pouvant influencer l’attractivité d’un territoire (Gagnon, 2007; Lew, 1987). L’attractivité d’un territoire n’est pas dictée uniquement par les composantes naturelles du lieu mais également engendrée par les images et représentations symboliques des lieux communiqués généralement par le milieu artistique (Corneloup, 2012).

4 Le terme anglais ‘‘wilderness’’ est utilisé tel quel dans le présent texte puisqu’il n’existe pas, à notre connaissance, de traduction juste.

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2.3.1 Sens du lieu

Le sens du lieu apparaît un concept central traduisant l’attractivité du territoire et semble regrouper les notions d’attachement, de dépendance et d’identité au lieu (Folmer et al., 2013). À la lumière des écrits soulevés dans cette étude et de notre compréhension de ceux-ci, l’attractivité du territoire nous apparaît comme la variable dépendante du modèle conceptuel. Le sens du lieu et l’attachement, qui sont définis par la dépendance et l’identité au lieu représentent les variables indépendantes du modèle et leur influence sur l’attractivité du territoire varieront en fonction de la valeur attribuées aux caractéristiques physiques, aux représentations symboliques et à l’investissement affectif qui les composent (Stedman, 2003). Ce modèle conceptuel démontre l’importance des dimensions affectives et émotionnelles dans l’attractivité du territoire. Le sens du lieu est représenté par des caractéristiques intangibles comme l’esprit du lieu et influence la création du sentiment d’attachement (Folmer et al., 2013; Stedman, 2003).

Considérant les caractéristiques énoncées plus haut de l’ère post-moderne actuelle, quel sens donne-t-on à ce jour au lieu, au territoire, à l’espace ? Nombreux sont les écrits scientifiques qui tentent de répondre à cette question. Bien qu’il existe de plus en plus de définitions du sens du lieu, un consensus se dégage autour d’une définition qui intègre trois composantes soient ; l’environnement physique, les comportements humains et les processus sociaux et psychologiques (Stedman, 2003; Williams et al., 1992). Tuan (1977) suggère que le sens du lieu n’est pas relié de façon intrinsèque aux assemblages physiques mais réside plutôt dans l’interprétation humaine de cet assemblage. Un espace devient un lieu lorsque celui-ci est imprégné de significations (Stedman, 2003).

La littérature abordant l’attractivité touristique, de sens du lieu et l’attachement converge à propos de l’importance et de l’influence des représentations symboliques des lieux (Folmer et al., 2016; Gagnon, 2007; Glon, 2006; Raine, 2001; Williams et al., 1992). Le romantisme, un courant artistique du XIXe siècle, a grandement influencé les représentations symboliques et imaginaires attribuables aux lieux en décrivant le caractère sublime et mythique de la nature à travers des œuvres artistiques (Cohen et al., 2013; Gagnon, 2007). Les rituels et lieux sacrés des différentes cultures et sociétés à travers le temps démontrent à quel point les lieux peuvent être le centre d’expériences extraordinaires et spirituelles et façonner la relation identitaire d’un individu à un lieu (Raine, 2001).

« Les territoires touristiques seraient donc investis de valeurs culturelles prises en charge par les sociétés à des époques données, mais sans pour autant être entièrement décidées par les sociétés. […] ces valeurs constitutives d’identités individuelles et collectives sont communiquées par des positions géographiques ; les formes du monde naturel (montagne, lac, vallée, etc.). » (Gagnon 2007 : 10)

À travers la sacralisation des lieux, les représentations symboliques et la construction de l’imaginaire, le territoire devient alors un objet de désir investi affectivement dont l’attractivité sera davantage engendrée émotionnellement plutôt que rationnellement (Gagnon, 2007).

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Bien que les attributs de l’environnement physique contribuent au sens du lieu, ils ne sont pas suffisants à eux seuls, dans la création de la signification d’un lieu. Le lieu affecte les gens et les gens affectent et construisent la signification sociale du lieu. Ce processus de va-et-vient résulte d’une interaction entre les individus et leur environnement et traduit une relation de réciprocité entre la nature et les gens (Folmer et al., 2013).

Le sens du lieu est présenté tel un concept parapluie englobant l’attachement, qui semble basé sur deux dimensions ; la dépendance et l’identité au lieu. L’exploration de l’attachement au lieu permet d’approfondir davantage les éléments affectifs, émotionnels et sociodémographiques influençant l’attractivité du territoire (Stedman, 2003).

2.3.2 Attachement à un lieu ; identité et dépendance

Les attributs physiques du territoire contribuent au sens du lieu et influencent l’attachement à celui-ci. Par exemple, les expériences avec la faune emblématique engendrent des effets émotionnels sur les individus et un sentiment d’attachement accru (Folmer et al., 2016). La présence de l’eau et la vastitude de l’environnement ont également été soulevés parmi les préférences générales des paysages (Howley, 2011).

La relation d’attachement entre un individu et un lieu comporte des éléments affectifs et émotionnels (Folmer et al., 2013). Selon Tuan (1977), les expériences intenses génèrent un plus grand attachement à un lieu que les expériences ordinaires. Également, malgré les différentes définitions proposées, les écrits convergent vers une définition de l’attachement au lieu intégrant deux composantes principales soient la dépendance et l’identité relatives au lieu (Folmer

et al., 2013; Williams et al., 1992).

Sous un angle touristique, la dépendance au lieu représente un attachement pour les fonctions d’un endroit qui permettent aux gens d’atteindre leurs objectifs de loisirs et de récréation. Les spécificités et fonctionnalités des attributs du lieu constituent alors une base d’évaluation de la capacité d’un lieu pour la pratique d’activités (camping, randonnée, observation de la faune, etc.). L’accessibilité, les équipements et infrastructures, les paysages et la communauté locale apparaissent comme des facteurs d’attractivité attribuables à leur fonction (Baum, 2012; Reitsamer et al., 2016). Il apparaît que le niveau de dépendance au lieu sera modulé en fonction du regard nuancé d’un individu envers les caractéristiques attribuées à un lieu. Par exemple, il semble que les personnes plus âgées adoptent un regard davantage négatif face aux paysages mettant en valeur les attributs de l’eau, associant cet élément aux dangers potentiels et à leur vulnérabilité (Howley, 2011). Paradoxalement, des noms évocateurs tels que « Satans Gut ! » ou « Room of Doom » donnés par les guides d’eaux vives aux rapides les plus célébrées démontrent une toute autre perception à l’égard des plans d’eau, qui suscitent la demande en aventure des plus fins connaisseurs et répondent à des besoins émotionnels de grande intensité (Holyfield & Jonas, 2003).

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L’identité au lieu représente plutôt la relation entre l’identité personnelle d’un individu, son environnement physique et les caractéristiques qui le composent. Cette relation dynamique résulte d’un collage entre les expériences vécues, les représentations symboliques perçues et les facteurs sociodémographiques et s’exprime à travers l’esprit du lieu, soit la nature peu reconnaissable ou catégorisable qui distingue un lieu (Brandenburg & Carroll, 1995).

Les expériences personnelles vécues d’un lieu peuvent altérer les valeurs, les croyances et l’identité des individus (Brandenburg & Carroll, 1995). En utilisant les cinq sens, le cerveau capture des images et impressions de l’environnement, pour les entreposer par la suite en mémoire. Ces représentations mentales entreposées sont plus tard récupérées pour la construction de l’attachement au lieu (Reitsamer et al., 2016). Les écrits scientifiques démontrent la corrélation positive de la longévité de la relation d’un individu à un lieu et son sentiment d’attachement (Folmer et al., 2013; Williams et al., 1992).

Le lieu de résidence, l’âge, le niveau de vie ou d’éducation sont des exemples de facteurs sociodémographiques pouvant influencer la perception d’un lieu (Howley, 2011; Nielsen et al., 2012; Williams et al., 1992). Le regard d’un cultivateur sera davantage fonctionnel et la valeur du territoire sera déterminée selon le potentiel économique de ses attributs physiques en comparaison au touriste, qui s’attardera davantage à l’esthétique et au potentiel récréatif du même lieu (Folmer et al., 2016; Howley, 2011). Ces perspectives mettent en lumière les relations différentes qu’entretiennent l’habitant et le touriste avec l’environnement, l’un étant directement tributaire du territoire et de ses caractéristiques, l’autre étant plutôt en quête d’une représentation symbolique incarnée par ce lieu.

2.3.3 Particularités du milieu naturel

La littérature aborde le lieu de résidence en y opposant généralement l’urbanité à la ruralité. À cet égard, le milieu urbain fait état d’une densité de population importante et d’offre complète d’infrastructures et de services. Le milieu rural, dans le présent contexte d’étude, signifie une densité de population et une offre d’infrastructures et de services moins importantes. Sans nécessairement indiquer la présence d’un milieu naturel important, la caractéristique rurale indique plutôt un territoire éloigné des grands centres urbains. Le milieu naturel quant à lui, présente les caractéristiques d’un environnement se rapprochant de la ruralité tout en arborant une nature abondante et non transformée. Le milieu naturel représente un lieu potentiel de résidence, de travail et de la pratique d’activités de loisirs. Ce lieu où convergent ces trois dimensions est l’objet de la présente étude.

Permettant d’échapper au stress et au rythme accéléré des milieux urbains, les bienfaits physiques et psychologiques de la nature sont bien reconnus et soulevés dans la littérature. Cette réputation basée sur les caractéristiques physiques du territoire, grandement projetée par le mouvement du romantisme, apparaît influencer l’attractivité de l’habitant en

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collectionner des anecdotes, des observations de la nature, des connaissances spécifiques au terrain et à ses particularités. Une sorte de « petit jardin » qu’il est possible de partager par la suite à la collectivité. Dans un monde de plus en plus urbanisé, l’isolement en contexte de nature se fait est de moins en moins accessible et cette rareté accentue l’attractivité des espaces naturels (De la Barre, 2013 ; Cohen 2002).

L’authenticité du territoire est un concept particulièrement évoqué en contexte de nature, d’isolement et de développement durable. L’authenticité permet notamment de comprendre le rapport entre un pratiquant et une activité. Les représentations de l’activité diffèrent selon les aspects du territoire et suscitent l’idée d’une relation intime, d’une connexion et d’une sensibilité à la nature (Corneloup, 2011) pour le pratiquant. Selon de la Barre (2013), la distance des commodités de la ville, l’absence d’infrastructures et la vastitude de l’espace en milieu naturel contribuent à la quête d’authenticité du soi.

Le milieu rural apparait offrir une meilleure balance entre le travail et les loisirs, une qualité de vie supérieure et un sentiment d’authenticité qu’il est difficile de retrouver en contexte urbain, qualifié de stressant et rapide (Dawson et al., 2011). Le territoire québécois regorge d’espaces naturels qualifiés d’une grande beauté et dotés de multiples possibilités fonctionnelles. Pour la main-d’œuvre, le territoire occupe un triple rôle en modulant l’identité d’un individu à la fois par le travail, le milieu de vie et les loisirs.

L’environnement de travail de la main-d’œuvre touristique en milieu naturel présente plusieurs caractéristiques qui se distinguent de l’environnement de travail plus conventionnel se déroulant généralement à l’intérieur d’un bâtiment et en milieu urbain. Le décor changeant au gré des saisons et même quotidiennement selon les conditions météorologiques module le rôle et les tâches de la main-d’œuvre et semble permettre d’échapper à la routine et la monotonie. Par exemple, le passage d’un orage violent perturbera le déroulement prévu d’une activité touristique en milieu naturel. Ce facteur incontrôlable affectera l’expérience des touristes mais également la charge et le type de travail de la main-d’œuvre s’y afférent, qui devra s’ajuster à plusieurs niveaux (gestion des risques et du stress, insatisfaction ou inquiétude de la clientèle, dommages physiques des lieux, etc.) (Houge Mackenzie & Kerr, 2013). En choisissant de travailler en milieu naturel, l’individu s’expose à plusieurs éléments variables dont il n’a peu ou pas de contrôle. Quelques écrits scientifiques soulèvent les impacts négatifs du stress découlant de cette imprévisibilité. Cependant, les écrits démontrent également le caractère positif de ces conditions changeantes brisant ainsi la monotonie et l’aspect routinier du travail. Ainsi, bien que les tâches effectuées semblent se répéter sur une base quotidienne, les journées ne se ressemblent pas, modulées par un environnement travail constamment en changement d’un jour à l’autre ou d’une saison à l’autre (Filho, 2010).

Figure

Figure	2	:	Modèle	conceptuel	du	style	de	vie	en	contexte	de	non	nature
Tableau	1:	Attributs	du	style	de	vie	de	la	main-d’œuvre	du	tourisme	selon	la	littérature	 Solnet 2013  De la Barre, 2012  Baum, 2012  Bednarska, 2015  Loloum, 2018  Pavelka, 2016 Lundberg & Fredman, 2012 Marchant & Mottiar, 2011 Young, 2005  Guerri
Tableau	2	:	Regroupement	des	attributs	du	style	de	vie	de	la	main-d’œuvre	du	tourisme	selon	la	littérature	 Catégories  Variables  Adler & Adler, 1999 Ateljevic & Doorne, 2000  Baum, 2012  Bednarska, 2015  Calabrese, Mann et al., 2014 Carlsen, Morr
Figure	3	:	Style	de	vie	de	la	main-d'œuvre	touristique	inspiré	du	modèle	de	clôture	idéologique	proposé	par	Ateljevic	et	Doorne	 (2000)
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