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Injections systémiques de phencyclidine et inhibition latente chez le rat

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Academic year: 2021

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VALÉRIE GOSSELIN

BF _

ol Ö ■

INJECTIONS SYSTÉMIQUES DE PHENCYCLIDINE ET INHIBITION LATENTE

CHEZ LE RAT

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval pour l’obtention du grade de maître en psychologie (M.Ps.)

École de psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

JANVIER 2002

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L’inhibition latente (IL) correspond au retard d’acquisition d’une réponse

conditionnelle (RC) suite à l’exposition répétée et non renforcée à un stimulus conditionnel (SC). Chez les patients schizophrènes et les modèles animaux de la pathologie, l’IL est abolie. La présente étude examine, chez le rat, l’effet de l’injection systémique de

phencyclidine (PCP) sur l’IL dans une tâche de lapement conditionné. Des rats traités au PCP sont d’abord préexposés et conditionnés à un SC auditif: après 5 jours sans traitement, ils sont préexposés et conditionnés à un SC visuel. Au premier conditionnement, huit groupes (n=8) sont injectés avec du PCP ou une solution saline (SAL), sont préexposés (P) ou non (NP) au SC et sont traités avant et durant la préexposition (1) ou également lors du conditionnement (2). Les résultats montrent que l’IL est accentuée chez les rats PCP2-P lors du conditionnement auditif. Cet effet n’est pas persistant puisque les résultats ne sont pas reproduits lors du conditionnement visuel.

jFrançois Y. Doré, Directeur de recherche Valérie Gosselin,

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Avant-propos

Je tiens à remercier très sincèrement mes deux directeurs de recherche, soit Madame Sonia Goulet et Monsieur François-Y. Doré d’avoir accepté de m’intégrer au sein de leur équipe de recherche et de m’avoir donné la chance d’effectuer mes travaux de maîtrise sous leur supervision. Je les remercie pour leurs précieux commentaires ainsi que leurs judicieux conseils qui m’ont permis de parfaire mes connaissances et de me familiariser chaque fois un peu plus avec le monde de la rédaction et de la recherche scientifique. J’ai beaucoup

apprécié leur rigueur intellectuelle et la qualité de leur jugement. Aussi, je veux transmettre des remerciements au personnel de l’animalerie du Centre de recherche Université Laval Robert-Giffard, entre autres Madame Cynthia Moore, qui m’a aidée à prodiguer les bons soins aux gentils sujets de l’expérience. Je remercie également le service d’aide à la

recherche de l’École de psychologie, notamment Monsieur Patrick Gosselin, qui m’a aidé à voir plus clair dans les analyses statistiques. Par ailleurs, je tiens à souligner et à remercier la contribution substantielle du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) pour l’appui financier qu’il m’a accordé tout au long de mes études de deuxième cycle. D’un point de vue plus personnel cette fois, je tiens à remercier mes parents ainsi que mon copain pour le support affectif et psychologique si précieux qu’ils m’ont offerts au cours de mon cheminement à la maîtrise. En terminant, jene peux tenir un avant-propos sans rendre un hommage tout particulier à ceux qui ont rendu possible la récolte des données, à ceux qui ont sacrifié leur vie au service de la science... ces chers petits rats Long Evans. Sans eux, la recherche sur les maladies mentales ne pourrait être aussi développée aujourd’hui. J’espère de tout mon cœur que le don de ces vies mènera un jour à la découverte d’une solution thérapeutique contre les symptômes de la schizophrénie.

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Page

RÉSUMÉ... ii

AVANT-PROPOS... iii

TABLE DES MATIÈRES... iv

LISTE DES FIGURES... v

INTRODUCTION GÉNÉRALE Théories sur la schizophrénie... 1

Théorie neurodéveloppementale... 1 Théories pharmacologiques... 7 Hypothèse dopaminergique... 7 Hypothèse sérotoninergique... 10 Hypothèse cholinergique... 11 Hypothèse noradrénergique... 11 Hypothèse GABAergique... 12 Hypothèse glutamatergique... 12 Inhibition latente... 21

L’inhibition latente en tant que phénomène d’apprentissage... 22

Théories basées sur un processus prospectif... 23

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Modèles d’explications neurobiologiques de l’inhibition

latente... 26

Modèle dopaminergique... 26

Modèles noradrénergique et cholinergique... 29

Modèle sérotoninergique... 29

Modèle glutamatergique... 31

Objectif... 31

ARTICLE : LATENT INHIBITION IN RATS AFTER REPEATED AND SYSTEMIC INJECTIONS OF PHENCYCLIDINE (PCP) Résumé... 33

Abstract... 34

Introduction... 34

Material and methods... 38

Results... 41

Discussion... 44

CONCLUSION GÉNÉRALE... 51

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Page Figure 1 - Moyenne de la réponse de lapement (SC-preSC) pour tous les groupes

lors du premier conditionnement au son... 50

Figure 2 - Moyenne de la réponse de lapement (SC-preSC) pour tous les groupes

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Introduction générale

La schizophrénie est une psychopathologie qui affecte entre 0.5 et 1% de la population mondiale (Higgins, 1998). Cette maladie comprend à la fois des symptômes positifs, des symptômes négatifs et des déficits cognitifs. À !’intérieur des symptômes positifs, on distingue les symptômes psychotiques (hallucinations, délires) et les symptômes de désorganisation (trouble du cours de la pensée, comportement bizarre, affect inapproprié) (Maziade et al., 1995). En ce qui a trait aux symptômes négatifs, on note le manque

d’hygiène personnelle, la diminution de la réactivité affective, le retrait social, l’incohérence et la pauvreté du langage. Les déficits cognitifs quant à eux affectent surtout !’attention et la mémoire (Duncan, Sheitman, & Lieberman, 1999; Krebs, 1995; Steinpreis, 1996;

Tamminga, 1998). La pathophysiologie de cette maladie demeure incertaine et à ce jour, aucun traitement n’est efficace pour enrayer totalement les symptômes. Les neuroleptiques classiques ou typiques comme l’halopéridol contrôlent dans une certaine mesure les

symptômes positifs, mais ils n’améliorent pas les symptômes négatifs et produisent des effets secondaires comme des symptômes extrapyramidaux et la dyskénie tardive (Campbell, Young, Bateman, Smith, & Thomas, 1999; Remington & Chong, 1999). Les neuroleptiques atypiques (comme la clozapine, l’olanzapine, la risperidone et la seriándole), qui ont été développés plus récemment, sont plus efficaces pour réduire les symptômes négatifs et produisent moins d’effets secondaires.

Plusieurs hypothèses ont été avancées jusqu’à maintenant pour expliquer les mécanismes neurophysiologiques impliqués dans la schizophrénie. Parmi les principales tentatives d’explication, on retrouve la théorie neurodéveloppementale, les théories pharmacologiques et la théorie comportementale.

Théories sur la schizophrénie

Théorie neurodéveloppementale

Le modèle neurodéveloppemental propose que la schizophrénie résulte de facteurs génétiques et environnementaux survenant tôt dans le développement. Des agents ou des

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événements tératogènes environnementaux agiraient en combinaison avec une prédisposition génétique à développer la maladie et entraîneraient les anomalies neurostructurales et

fonctionnelles observées chez les patients schizophrènes adultes (Huttunen & Niskanen, 1978; Mednick, Machón, Huttunen, & Bonett, 1988; Weinberger, 1995). Parmi les

principaux facteurs environnementaux, on retrouve l’infection virale prénatale survenant lors du second trimestre de grossesse (Kirch, 1993; Torrey, 1991), une déficience nutritionnelle (Susser & Lin, 1992) et des complications obstétricales (Lewis & Murray, 1987).

Premièrement, une étude effectuée par Mednick et al., (1988) offre un appui à l’hypothèse selon laquelle une infection virale, ou encore une réaction auto-immunitaire du système nerveux central secondaire à une infection, joue un rôle dans l’étiologie de la schizophrénie. En effet, les effets de l’épidémie de grippe asiatique mondiale survenue en 1957 ont été mesurés chez les femmes qui en étaient à leur deuxième trimestre de grossesse à Helsinki en Finlande. Or, ces femmes ont donné naissance à des enfants avec un plus haut risque de développer ultérieurement la schizophrénie que les enfants nés au même moment de l’année, mais dans les six années précédentes. Cependant, les données épidémiologiques ne sont pas toutes convergentes (Grech, Takei, & Murray, 1997; Morgan et al., 1997; Selten et al., 1999) et l’effet à long terme d’une infection virale n’expliquerait qu’un faible

pourcentage des cas de schizophrénie. Deuxièmement, Susser et Lin (1992) ont observé qu’une déficience nutritionnelle durant la grossesse favorise le développement de la maladie. Chez les enfants nés dans les mois qui ont suivi la famine de 1944-1945 engendrée par l’occupation nazie en Hollande, le taux d’hospitalisation pour schizophrénie était, en effet, plus élevé dans les cohortes de patients dont la mère avait subi, durant le premier trimestre de la grossesse, une privation calorique grave (ration quotidienne sous les 4 200 kJ).

Troisièmement, une recension des écrits effectuée par Lewis et Murray (1987) suggère que les patients schizophrènes ont plus souvent une histoire de complications obstétricales que les autres patients psychiatriques ou que les sujets normaux.

D’autres études appuient la théorie neurodéveloppementale. Premièrement, Walker et Lewine (1990) ont relevé une association entre cette maladie et des anomalies

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films 8 mm tournés durant l’enfance des patients a permis de mettre en évidence un retard dans le développement neuromoteur et visuo-moteur lors de leurs huit premières années de vie. De même, Done, Crow, Johnstone, et Sacker (1994) ont identifié des déficits sociaux, cognitifs et neurologiques chez des enfants âgés de 7 ans qui ont développé la schizophrénie à l’âge adulte.

Deuxièmement, de nombreuses études post-mortem et des études de neuroimagerie ont montré des changements morphologiques et des anomalies cytoarchitecturales au niveau des cortex temporal, entorhinal, cingulaire et préfrontal chez les patients schizophrènes. De plus, on rapporte chez les patients schizophrènes un élargissement du 3e ventricule et des ventricules latéraux (Pakkenberg, 1987; Reveley, Reveley, Clifford, & Murray, 1982), une diminution de 5 à 10% du volume cérébral général et de la matière grise (Andreasen et al., 1994; Lim et al., 1996; Zipursky et al., 1994) ainsi qu’une réduction des lobes frontal (Andreasen et al.) et temporal (Bogerts et al., 1990; Shenton et al., 1992), de l’hippocampe (Suddath, Christison, Torrey, Casanova, & Weinberger, 1990) et du corps calleux (Smythies, 1998; Wright & Woodruff, 1995). Par exemple, des études de neuroimagerie effectuées à l’aide de la technique par tomodensitographie axiale (TACO) ont démontré un élargissement des ventricules chez les patients adolescents durant le cours précoce de la maladie. Notons qu’une étude de suivi a permis de révéler que les anomalies structurales du cortex sont non progressives puisqu’elles sont similaires à celles observées un à trois ans auparavant (Sponheim, Iacono, & Beiser, 1991). Selon Beerpoot, Lipska et Weinberger (1996),

l’absence de progression de ces anomalies implique que le processus qui modifie la taille des ventricules agit tôt dans le développement et n’est plus actif lorsque le diagnostic de

schizophrénie est posé. Également, en appui à l’hypothèse que la schizophrénie n’est pas une maladie neurodégénérative ou progressive, Weinberger (1995) mentionne que la plupart des études ayant observé une augmentation du liquide céphalo-rachidien et une diminution du volume cérébral chez les schizophrènes n’ont pas obtenu de corrélation avec la durée de la maladie (Liddle, 1995). Aussi, la plupart des études post-mortem effectuées sur des cerveaux de patients schizophrènes a démontré une absence de réaction gliotique ou

immunitaire, c’est-à-dire une réaction cellulaire à un dommage neuronal (Weinberger). Or, s’il y avait eu un processus dégénératif aigu à l’âge adulte des sujets, on aurait pu observer

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de la gliose (Beerpoot et al). Par contre, mentionnons que certaines études utilisant les techniques d’imagerie par résonance magnétique (IRM) infirment l’hypothèse selon laquelle les anomalies du cortex sont non progressives. Par exemple, Saijo et al. (2001) ont observé un élargissement du ventricule latéral chez les patients schizophrènes (+22.9%),

comparativement aux sujets contrôles (+5.1%) 10 ans après la première mesure

morphométrique. Sans nécessairement contredire l’hypothèse neurodéveloppementale, les résultats de cette dernière étude suggèrent que la réduction du volume cortical est

progressive et qu’elle survient même durant le stade chronique de la maladie. Des études récentes (Giedd et al., 1999; Karp et al., 2001; Thompson et al., 2001) ont permis de

spécifier qu’il y a effectivement progression, mais uniquement chez certains sous-groupes de patients qui présentent un début précoce infantile ou juvénile. Ainsi, la prépondérance de l’évidence suggère qu’il y a peu de progression des anomalies chez la majorité des

schizophrènes.

D’autre part, plusieurs études d’imagerie fonctionnelle ont rapporté des anomalies neurostructurales au niveau du lobe temporal, reliées davantage aux hallucinations, aux délires et aux troubles de la pensée, ainsi que des anomalies au lobe frontal, qui seraient plutôt responsables des symptômes négatifs de la schizophrénie (Wright & Woodruff, 1995). En effet, les patients souffrant de schizophrénie, particulièrement ceux présentant des

symptômes négatifs, et les sujets ayant des dommages au lobe frontal affichent des troubles de comportement semblables (déficits d’attention, de pensée abstraite, de jugement, de motivation, d’affect, de discours spontané, de fluidité verbale et de comportement moteur volontaire). Les patients schizophrènes obtiennent également une piètre performance à des tâches sollicitant les fonctions du lobe frontal (Pantelis et al., 1999; Van-den-Bosch,

Rozendaal, & Mol, 1988) et les études de neuroimagerie fonctionnelle ont permis d’observer une hypofrontalité, c’est-à-dire un flux sanguin réduit dans le cortex frontal (Berman & Weinberger, 1991). Pour expliquer la présence d’une hyperactivité temporale et d’une hypoactivité préfrontale dans le cerveau des patients, Kolachana, Saunders et Weinberger (1995) avancent une hypothèse qui implique l’action du système dopaminergique dont il sera question dans la prochaine section. Les auteurs suggèrent que la déficience corticale

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des systèmes dopaminergiques sous-corticaux (hyperactivité dans l’aire tegmentale ventrale du mésencéphale). Cependant, étant donné que plusieurs études de neuroimagerie rapportent une hyperactivité dans le cortex temporal et une hypoactivité dans le cortex préfrontal, Weinberger (1996) propose que l’hypofrontalité correspondrait en fait à un problème plus général d’hypofocalité dans le cerveau des schizophrènes. En d’autres termes, il y a un déficit dans les mécanismes responsables de la focalisation des fonctions corticales en général chez les patients, plutôt qu’une pauvreté de ce processus dans une région très spécifique du cerveau. Ainsi, l’activité corticale du patient schizophrène ne réussit pas à inhiber le traitement d’événements non pertinents, ce qui rend difficile !’augmentation de l’activité dans une région corticale particulière pour effectuer une tâche quelconque.

Selon Lillrank, Lipska et Weinberger (1995), la nature des changements observés lors des examens post-mortem (e.g., les variations cytoarchitecturales), la corrélation entre les changements neurologiques et les données cliniques (hypofrontalité) ainsi que le caractère non progressif des changements appuient l’hypothèse neurodéveloppementale. En effet, même si elles ne sont pas tout à fait concluantes, ces observations impliquent que les processus fondamentaux de la schizophrénie surviennent tôt, plus précisément durant le développement prénatal, lors du second trimestre de gestation, et suggèrent ainsi qu’une composante neurodéveloppementale soit un aspect important de cette pathologie.

Lipska, Jaskiw et Weinberger (1993) ont développé un modèle animal de la schizophrénie qui s’inscrit dans l’hypothèse neurodéveloppementale de la maladie. Ce modèle rend compte de certaines neuropathologies observées chez les schizophrènes, comme des changements dans !’architecture de l’hippocampe et dans la taille des neurones (e.g., Arnold, Hyman, Van-Hoesen, & Damasio, 1991). Lipska et al. utilisent une lésion néonatale (7 jours après la naissance) excitotoxique (acide iboténique) de l’hippocampe ventral chez des rats. Cette lésion sélective affecte les neurones locaux et cause peu de dommages aux fibres de passage et au cortex limbique. La lésion demeure « silencieuse », c’est-à-dire sans effet apparent sur le comportement, jusqu’à l’âge adulte. À l’âge adulte, les rats lésés montrent des changements de comportement qui s’apparentent à ceux observés lors d’un état hyperdopaminergique, tels une hyperactivité motrice, une plus grande quantité de

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comportements stéréotypés, une diminution dans la réponse d’inhibition du sursaut

présignalé (prepulse inhibition of startle reaction en anglais), une diminution de la réponse cataleptique à l’halopéridol, une hypersensibilité aux stimuli stressants et des déficits d’interaction sociale (Lipska et al, 1995; Lipska & Weinberger, 1993; Sams-Dodd, Lipska, & Weinberger, 1997). Certaines de ces anomalies qui simulent les symptômes positifs de la schizophrénie (e.g., !‘hyperactivité motrice) peuvent être corrigées par un traitement

chronique avec des neuroleptiques typiques ou atypiques (Lipska & Weinberger, 1994; Sams-Dodd et al., 1997). D’autre part, Grecksch, Bernstein, Becker, Hollt et Bogerts (1999) ont montré que la lésion néonatale iboténique de l’hippocampe ventral affecte la

performance des rats dans une tâche d’inhibition latente (IL), dont il sera question plus loin. Plus précisément, les rats lésés préexposés au SC ont appris la contingence SC-SI de la même façon que les rats lésés non-préexposés, i.e. que l’IL a été abolie. Ainsi, cette expérience démontre qu’un dommage cérébral survenant tôt dans le développement

neurologique des rats altère l’exécution d’une tâche cognitive puisque les rats se comportent de la même façon que les schizophrènes adultes le feraient habituellement.

Un autre type de modèle animal lésionnel implique !’utilisation des agents qui affectent les tissus périventriculaires (Lyon, 1991). Par exemple, Kline et Reid (1985) ont effectué des injections intracérébroventriculaires de lysophosphatidyle choline (LPC), chez des rats adultes, qui induisent des dommages périventriculaires locaux. De telles injections provoquent le syndrome aigu périventriculaire caractérisé par des ventricules cérébraux plus larges, une perte de poids, une baisse des affects, une indifférence posturale extrême

(catalepsie), des réponses agressives inappropriées et un manque d’hygiène personnelle. Ce syndrome semble simuler plusieurs symptômes positifs et négatifs de la schizophrénie et pourrait servir de modèle animal pour l’étude des désordres psychotiques chez l’humain. De plus, ce type de modèle animal est particulièrement important parce que les structures

impliquées dans les dommages périventriculaires incluent habituellement celles des systèmes mésolimbique et néostriatal. Ces régions sont susceptibles d’avoir une plus grande

vulnérabilité lors du développement prénatal et ont déjà été suggérées comme étant reliées de très près à la schizophrénie.

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Par ailleurs, plusieurs études rapportent qu’une lésion de l’aire tegmentale ventrale affecte les capacités d’apprentissage et serait un bon modèle des troubles cognitifs et des désordres de la pensée des schizophrènes. En effet, Oades (1982) a observé que les animaux ayant subi une telle lésion sont capables d’apprendre dans une tâche de mémoire (« hole- board ») lorsqu’il s’agit d’un apprentissage simple, mais ont de la difficulté dans lorsque le niveau d’apprentissage devient de plus en plus complexe (e.g., plus d’associations à se souvenir d’un essai à l’autre). Ces performances seraient dues en partie à un déficit des mécanismes de !’attention. Rappelons que la région de l’aire tegmentale ventrale est reliée au nucleus accumbens et au cortex frontal médian via le système mésolimbique et que ce système, étant donné sa concentration en dopamine, est fort probablement impliqué dans la neuropathologie schizophrène.

Théories pharmacologiques

Plusieurs théories pharmacologiques ont été avancées pour expliquer l’étiologie des anomalies observées dans la schizophrénie. Les principaux systèmes de neurotransmetteur suggérés incluent la dopamine, la sérotonine, l’acétylcholine, la noradrénaline, l’acide γ- aminobutyrique et le glutamate.

Hypothèse dopaminergique - Carlsson et Lindqvist (1963) sont les premiers à avoir soutenu que les symptômes positifs et négatifs de la schizophrénie sont la conséquence d’une hyperactivité dopaminergique, en particulier dans les systèmes mésolimbique et

mésocortical. Notons que c’est l’hypothèse dopaminergique qui a permis le développement de la majorité des neuroleptiques typiques, c’est-à-dire des agents antipsychotiques utilisés dans le traitement des symptômes positifs de la schizophrénie. Ces agents bloquent les récepteurs post-synaptiques dopaminergiques D2 et pour certains les récepteurs D! (Creese,

Burt, & Snyder, 1976; Seeman, Lee, Chau-Wong, & Wong, 1976). L’hypothèse

hyperdopaminergique est appuyée par le fait que les agonistes de la dopamine accentuent les symptômes positifs des patients et peuvent même induire chez des individus normaux une psychose paranoïde (Robinson & Becker, 1986). En effet, l’administration d’amphétamines, qui contribuent à !’augmentation de la libération de dopamine et au blocage de sa recapture,

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et F administration d’un agoniste des récepteurs dopaminergiques, Papomorphine, ont des effets psychotomîmétiques qui correspondent aux symptômes positifs de la maladie. Cependant, depuis Carlsson et Lindqvist, l’hypothèse dopaminergique a subi de multiples révisions pour finalement inclure des composantes corticales et sous-corticales. Dans sa version actuelle, cette hypothèse stipule qu’une hyperdopaminergie dans l’aire tegmentale ventrale du mésencéphale serait responsable du développement des symptômes

psychotiques, alors qu’un état hypodopaminergique des terminaisons des neurones

mésolimbiques dans le cortex frontal serait relié aux symptômes négatifs de la schizophrénie (Duncan et al., 1999; Jentsch, Redmond, et al., 1997).

Les recherches sur la théorie dopaminergique s’appuient en grande partie sur l’étude de modèles animaux de la schizophrénie. En effet, !’administration d’agonistes de la dopamine induit chez des animaux des comportements qui peuvent être considérés comme analogues à certains symptômes de la schizophrénie. L’administration d’amphétamines, qui contribue à !’augmentation de la libération de dopamine et au blocage de sa recapture, et !’administration d’apomorphine ont des effets psychotomîmétiques chez les animaux qui correspondent aux symptômes positifs de la maladie (Robinson & Becker, 1986). Plus particulièrement, ces injections induisent leurs effets chez le rat lorsqu’administrés dans le nucleus accumbens (NAcc). En effet, Jones, Mogenson et Wu (1981) ont observé que l’injection des drogues dopaminergiques dans le NAcc de rats produit de l’hyperactivité (augmentation de l’activité locomotrice, des mouvements de la tête, des reniflements et des redressements), accompagnée d’une augmentation du toilettage, des réponses exagérées de sursaut à un son présignalé et des comportements exploratoires. Robbins et Watson (1981) et Evenden et Robbins (1983) précisent que l’injection de faibles doses d’amphétamines (1.0-5.0 mg/kg) induit chez des rats une augmentation du comportement d’alternance (« switching »), qui s’apparente à la difficulté que les schizophrènes éprouvent à conserver une attention soutenue. Au fur et à mesure que les doses augmentent (jusqu’à 10 mg/kg), la locomotion devient de moins en moins fréquente et les comportements deviennent davantage stéréotypés et localisés. Par ailleurs, le blocage des récepteurs dopaminergiques par

l’administration préalable d’antipsychotiques tels l’halopéridol, empêche l’hyperactivité et la stéréotypée provoquées par l’injection d’amphétamines (Garver, Schlemmer, Maas, & Davis,

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1975). De même, la lésion des voies dopaminergiques réduit ou élimine la stéréotypée induite par les amphétamines (Creese & Iversen, 1974).

Malheureusement, même si le modèle dopaminergique a apporté énormément à la recherche sur cette pathologie, il comporte plusieurs lacunes. Tout d’abord, l’un des

principaux arguments est que le plus puissant antipsychotique utilisé dans le traitement de la schizophrénie, la clozapine, constitue un faible bloqueur des récepteurs D%. Également, il n’y a aucune preuve empirique directe d’une augmentation du niveau de dopamine chez les patients schizophrènes, de son métabolisme et de ses récepteurs ou de la présence d’une corrélation entre le niveau de dopamine et la gravité des symptômes (Owen & Simpson, 1995). Aussi, les études d’imagerie fonctionnelle n’ont pas démontré de différence dans le pourcentage de récepteurs D2 entre les patients qui répondent bien aux antipsychotiques et

ceux qui ne répondent pas à ces neuroleptiques. Par ailleurs, l’efficacité des antipsychotiques requiert habituellement de 2 à 3 semaines, alors que le blocage des récepteurs D2 survient

immédiatement après l’administration des neuroleptiques (Sams-Dodd, 1998). Enfin, le traitement par des antagonistes dopaminergiques n’est pas efficace avec tous les patients (Carlsson, 1995; Steinpreis, 1996) et ces médicaments sont plus efficaces dans le traitement des symptômes positifs de la schizophrénie que des symptômes négatifs (Krebs, 1995; Owen & Simpson).

D’autre part, alors que l’hypothèse hyperdopaminergique était fondée essentiellement sur les récepteurs D2 qui sont largement distribués dans les régions striatales et limbiques, les

données pharmacologiques récentes indiquent que d’autres récepteurs dopaminergiques (D!, D3, D4 et D5) seraient impliqués dans cette pathologie. Les récepteurs D4 attirent plus

particulièrement l’attention parce que, étant donné leur affinité avec la clozapine, il serait possible qu’ils soient responsables de son action antipsychotique (Van Toi et al., 1991). Par ailleurs, les récepteurs D3 et D4 sont particulièrement concentrés dans le système limbique.

De plus, Taubes (1994) rapporte que les récepteurs D3 inhiberaient plutôt que de stimuler le comportement; une hyperactivité dans ce système pourrait alors contribuer aux symptômes négatifs de cette pathologie. De même, Flores, Barbeau, Quirion et Srivastava (1996) rapportent que chez le rat, un agoniste des récepteurs D3, le 7-OH-DPAT, diminue les

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comportements locomoteurs spontanés, alors que les antagonistes augmentent l’activité locomotrice spontanée et la locomotion induite par l’administration d’amphétamines ou d’apomorphine.

Hypothèse sérotoninergique - Wooley et Shaw (1954) sont les premiers à proposer que la schizophrénie serait le résultat d’une déficience de la fonction sérotonergique dans le système nerveux central. Ils ont basé leur hypothèse sur le fait que les agonistes des

récepteurs sérotoninergiques 5-HT2, comme la yohimbine, la bifoténine et l’acide lysergique diethylamide (LSD), produisent des changements comportementaux chez les animaux et des perturbations mentales chez les humains. Claridge (1978) rapporte également que les effets comportementaux et psychophysiologiques de l’injection d’acide lysergique diethylamide (LSD), un agoniste des récepteurs 5-hydroxytrypyamine (5-HT2), reproduit chez l’animal sont très similaires et peuvent être théoriquement associés à ceux retrouvés chez les schizophrènes en phase aiguë ou chez des personnes ayant des traits de personnalité

hautement psychotiques. De plus, Carlsson et al. (1997) rapportent que l’action stimulante du LSD peut être augmentée par l’injection d’un agent psychotomimétique (le MK-801 qui agit sur le système glutamatergique) et bloquée par un antagoniste sélectif des récepteurs 5- HT2a, le MDL 100,907. Svensson et al. (1995) ont également observé chez les rats qu’une

diminution du niveau de sérotonine par un antagoniste des récepteurs 5-HT2, tel la clozapine ou l’ampérozide, rétablit les troubles induits par le MK-801. Ces auteurs soulignent

l’importance que doivent prendre les antagonistes des récepteurs sérotoninergiques comme candidats thérapeutiques. De plus, Schmidt, Sorensen, Kehne, Carr et Palfreyman (1995) mentionnent que les études biochimiques et comportementales chez les animaux révèlent que les récepteurs antagonistes du 5-HT2& possèdent le profil préclinique d’un

antipsychotique atypique de la schizophrénie puisque le MDL 100,907 contrecarre la stimulation induite par l’injection d’amphétamines.

D’autres études suggèrent !’implication du système sérotonergique dans la schizophrénie chez les humains. En effet, dans une étude post-mortem, Lamelle et al. (1993) ont observé dans le cortex préfrontal de certains patients schizophrènes une diminution significative de la densité des récepteurs sérotonergiques présynaptiques et

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postsynaptiques. D’autre part, la clozapine, un antipsychotique atypique, démontre une grande affinité pour les récepteurs 5-HT2 (Carlsson, Hansson, Waters, & Carlsson, 1997). Dans une tentative d’explication des mécanismes d’action des agents antipsychotiques atypiques comme la clozapine, Lieberman (1993) souligne que la sérotonine interagit avec la dopamine dans des structures cérébrales, comme Faire tegmentale ventrale et le striatum, qui joueraient un rôle important dans la schizophrénie.

Cependant, l’obtention de résultats contradictoires est courante dans ce modèle animal de la schizophrénie. En effet, Fibiger et Campbell (1971) ont observé que l’injection d’un antagoniste des récepteurs 5-HT, le parachloro-phénylalanine (PCPA), produit une hyperactivité et une augmentation de !’hypersensibilité aux stimuli externes qui peuvent être considérées comme analogues à certains symptômes positifs de la schizophrénie. Notons que la pertinence de ce modèle animal dans l’étude de la neurobiologie schizophrène doit être vérifiée dans des études subséquentes puisque les changements dans Γ activité

sérotoninergique induits chez les animaux ne reproduisent pas les comportements stéréotypés et la persévération typique des sujets schizophrènes.

Hypothèse cholinergiaue - L’acétylcholine (ACh) jouerait un rôle modulateur plutôt que central dans la schizophrénie. En effet, bien que la scopolamine, une drogue

anticholinergique, produise des hallucinations (Schuberth, 1978) et que les effets comportementaux d’un taux réduit de cholinestérase (ChE) soient semblables à ceux observés suite à l’injection d’amphétamines (Russel, 1978), une simple stimulation ou une inhibition de ce système ne suffit pas à produire des symptômes schizophréniques (Lyon,

1991).

Hypothèse noradrénergique - L’activité corticale noradrénergique serait activée avant l’exacerbation de la schizophrénie et serait supprimée par un traitement antipsychotique, suggérant ainsi un nouveau modèle pharmacologique de la schizophrénie (Wright & Woodruff, 1995). La clozapine agit d’ailleurs comme un antagoniste des récepteurs adrénergiques a! (Lieberman & Koreen, 1993). D'autres investigations sont cependant

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nécessaires pour préciser le rôle de ce neurotransmetteur dans la neuropathologie de la schizophrénie.

Hypothèse GABAergique - Un autre modèle de la schizophrénie se base sur l’acide γ-aminobutyrique (GABA) qui constitue le principal neurotransmetteur inhibiteur du

cerveau. Une étude post-mortem sur des cerveaux de patients schizophrènes a démontré une faible densité des sites de recapture de l’acide γ-aminobutyrique (GABA) dans l’hippocampe (Reynolds, Czudek, & Andrews, 1990). Or, étant donné que le GABA est intimement relié aux systèmes dopaminergiques impliqués dans la schizophrénie, une réduction de l’effet inhibiteur des neurones GABAergiques mènerait théoriquement à une hyperactivité des systèmes dopaminergiques. En accord avec cette présomption, plusieurs des effets de la stimulation de la dopamine peuvent être reproduits par une injection d’agents

GABAergiques dans le striatum et l’aire tegmentale ventrale. Cependant, !’utilisation de drogues GABAergiques (e.g., l’acide valproïque) ne s’est pas avérée efficace jusqu’à maintenant dans le traitement de la schizophrénie (Lyon, 1991).

Hypothèse glutamatergiaue - Dans le cortex cérébral, les principaux

neurotransmetteurs excitateurs sont le L-glutamate et le L-aspartate. Ils se lient à au moins trois différents types de récepteurs, dont les récepteurs N-methyl-D-aspartate (NMDA) (Wright & Woodruff, 1995). Les récepteurs NMDA auraient des sites de liaison séparés pour le L-glutamate, la glycine et la phencyclidine (Jansen, Faull, & Dragunow, 1989). Plusieurs hypothèses impliquant les systèmes glutamatergiques ont été avancées dans l’explication de la schizophrénie (Lieberman & Koreen, 1993) puisque des antagonistes non compétitifs des récepteurs NMDA du glutamate, tels la phencyclidine (PCP) et la kétamine (Krystal et al., 1994), induisent les symptômes positifs et négatifs de la schizophrénie chez les humains normaux (Griffith, Cavanaugh, Held, & Oates, 1972). Déjà au milieu du XXè siècle, des auteurs ont observé que plus de 50% des sujets normaux présentaient une perte d’expression faciale (bouche ouverte et yeux fixes), des hallucinations ainsi que de

l’agitation après la prise de PCP (Greifenstein, Yoskitake, DeVault, & Gajewski, 1958). Plusieurs sujets démontraient une excitation, des comportements bizarres, une

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heures après Γinjection (Krebs, 1995); certains même affichaient les symptômes jusqu’à 7 à 10 jours (Greifenstein et al.). D’autres auteurs ont par la suite remarqué que le PCP et la kétamine pouvaient exacerber un épisode psychotique chez des patients schizophrènes (Luby, Gottlieb, Cohen, Rosenbaum, & Domino, 1962). Plus précisément, le PCP précipite et exacerbe les anomalies perceptives et neurocognitives des patients schizophrènes, ce qui se manifeste par un désordre de la pensée, de l’hostilité, des perceptions erronées de son propre corps, un retrait social et un affect non approprié plus prononcés (Thomberg & Saklad, 1996). Notons que Rainey et Crowder (1974) soulignent que la kétamine est moins efficace que le PCP pour induire des réactions psychotomimétiques chez l’humain,

particulièrement après une utilisation chronique. De plus, en comparaison avec l’injection d’amphétamines, Steinpreis (1996) mentionne que chez l’humain, le PCP est

particulièrement efficace pour reproduire les différents sous-types de schizophrénie (e.g., catatonique, paranoïaque, hébéphrénique) alors que l’amphétamine ne reproduit que le sous- type paranoïaque. Également, le PCP s’avère plus efficace pour produire des hallucinations auditives, qui sont un symptôme connu de la schizophrénie, contrairement à l’amphétamine qui provoque surtout des hallucinations visuelles rarement observées dans le cadre de cette pathologie.

Chez les animaux, le PCP, reproduit également des déficits cognitifs ainsi que des changements comportementaux s’apparentant aux symptômes retrouvés dans la

schizophrénie, tels la stéréotypie (Krebs, 1995), un retrait social (Corbett et al., 1995), une hyperactivité locomotrice (Sams-Dodd, 1998), une désinhibition comportementale, de la persévération ainsi que des déficits dans des tâches de mémoire de travail (Jentsch, Tran, Le, Youngren, & Roth, 1997). Selon Jentsch et Roth (1999) et Thomberg et Saklad (1996), l’avantage du modèle PCP est qu’il permet de reproduire à la fois les symptômes positifs et les symptômes négatifs de la pathologie, contrairement à l’injection d’amphétamines qui ne reproduit que les symptômes positifs.

Selon Jentsch et Roth (1999), les antagonistes des récepteurs NMDA, soit le PCP et la kétamine, produisent des changements neurocomportementaux semblables à ceux

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unique) ou de façon répétée et systémique. Cependant, ces auteurs précisent que les effets d’injections systémiques et répétées de ces drogues s’apparentent davantage à une

symptomatologie similaire à la schizophrénie et sont plus semblables aux symptômes chroniques de celle-ci (e.g., symptômes cognitifs et négatifs) que ceux induits par une injection unique. Par exemple, les deux types d’injection de PCP produisent une psychose, un trouble de la pensée, du délire, un émoussement de l’affect et un retrait, mais les

injections répétées induisent généralement un effet plus persistant (Allen & Young, 1978; Krystal et al., 1994; Luby, Cohen, Rosenbaum, Gottlieb, & Kelly, 1959; Malhotra et al.,

1996; Pearlson, 1981; Rainey & Crowder, 1975). D’un autre côté, chez les humains, l’administration unique d’antagoniste NMDA (kétamine) produit des délires et des

hallucinations visuelles (Krystal et al.), qui s’apparentent à l’intoxication au LSD et non à la schizophrénie (Geyer & Markou, 1994), tandis que !’administration répétée d’antagonistes NMDA (PCP) induit des délires religieux et paranoïaques ainsi que des hallucinations auditives qui sont davantage similaires à la symptomatologie schizophrène (Allen & Young; Rainey & Crowder). Également, !’administration répétée de PCP est associée à une labilité émotionnelle, une incompétence sociale, une impulsivité, un pauvre jugement social, des difficultés d’attention et de concentration, de pauvres relations interpersonnelles et un mauvais ajustement social (American Psychiatrie Association, 1989, p.1217). D’autres différences sont observées au plan neurobiologique entre les deux modes de traitement avec des antagonistes des récepteurs NMDA (à injection unique ou répétée). Certains auteurs ont observé que l’injection unique d’antagonistes NMDA (kétamine) chez les humains augmente le flux sanguin dans le cortex frontal, plus particulièrement dans les cortex cingulé antérieur et frontomédian de sujets normaux ou de patients schizophrènes (Breier, Malhotra, Finals, Weisenfeld, & Pickar, 1997; Lahti, Holcomb, Medoff, & Tamminga, 1995; Vollenweider et al., 1997). L’injection répétée d’antagonistes NMDA (PCP) chez les humains induit, quant à elle, une réduction du flux sanguin et de l’utilisation du glucose dans le lobe frontal des sujets (Hertzmann, Reba, & Kotlyarov, 1990; Wu, Buchsbaum, & Buimey, 1991). Ce

dernier type d’injection imite de façon plus appropriée les déficits cognitifs retrouvés dans la schizophrénie qui sont associés à une hypofrontalité, c’est-à-dire à une réduction du flux sanguin dans le cortex frontal (Andreasen et al., 1992; Ingvar & Franzen, 1974; Weinberger & Berman, 1996; Weinberger, Berman, & Zec, 1986). Bref, il apparaît que l’injection

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systémique et répétée d’antagonistes NMDA, et même plus particulièrement de PCP, reproduit plus fidèlement les déficits neurologiques et comportementaux observés dans le cadre de la schizophrénie qu’une injection unique (Jentsch & Roth, 1999).

Comme c’est le cas chez les humains, des injections systémiques et répétées

d’antagoniste des récepteurs NMDA chez les animaux fournissent un meilleur modèle de la schizophrénie que l’injection simple de ces agents. En effet, une injection unique de PCP ou de kétamine augmente significativement la transmission dopaminergique frontale des

animaux (Bowers & Hoffman, 1984; Deutch, Tarn, Freeman, Bowers, & Roth, 1987;

Doherty, Simonovic, So, & Meitzer, 1980; Hertel et al., 1995; Jentsch, Els worth, Redmond, &Roth, 1997; Verma & Moghaddam, 1996). Cette hyperactivité dopaminergique

mésopréfrontal serait causée par une diminution de l’inhibition du système dopaminergique par le glutamate (Jentsch, Elsworth, Taylor, Redmond, & Roth, 1998). L’injection

systémique et répétée de PCP réduit aussi la transmission dopaminergique frontale des animaux (Jentsch, Redmond, et al., 1997). Or, étant donné que l’hypofrontalité et certains déficits dans la schizophrénie sont associés à une réduction de la transmission

dopaminergique dans le cortex préfrontal (Daniel, Berman, & Weinberger, 1989; Davis, Kahn, Ko, & Davidson, 1991; Dolan et al., 1995; Rouble & Weinberger, 1997; Weinberger, Berman, & Hlowsky, 1988), l’injection répétée de PCP produit des effets chez les animaux qui imitent plus adéquatement les symptômes schizophréniques observés chez les humains. Par ailleurs, il apparaît que ce type d’injection (répétée) induit chez des singes et des rats un profil de déficits cognitifs plus sélectif que celui induit par une simple injection. Certaines études impliquant une tâche « frontale » de retrait/détour ont effectivement permis

d’observer que l’injection systémique et répétée de PCP, contrairement à une injection unique, induit chez des singes des effets spécifiquement reliés à une défaillance du cortex frontal telle une impulsivité cognitive, une mémoire de travail déficitaire, une désinhibition et de la persévération (Jentsch, Redmond, et al., 1997; Taylor, Elsworth, Roth, Sladek, & Redmond, 1990; Taylor, Roth, Sladek, & Redmond, 1990).

Ainsi, les déficits cognitifs affectant !’attention et la mémoire, caractéristiques d’une hypodopaminergie frontale chez les schizophrènes, sont effectivement reproduits chez les

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animaux par des injections systémiques et répétées de PCP (Jentsch, Redmond, et al., 1997; deutsch & Roth, 1999). deutsch, Elsworth, et al. précisent que de telles injections amènent

une réduction dans l’utilisation de la dopamine dans le cortex préfrontal dorsolatéral, région fortement associée aux fonctions cognitives. Plus tard, dentsch, Taylor et Roth (1998) rapportent que des injections systémiques et répétées de PCP provoquent une hypoactivité corticale dopaminergique et une hyperactivité sous-corticale dopaminergique chez le rat. De plus, le PCP produirait également des déficits permanents. En effet, dentsch, Elsworth, et al. rapportent que des injections répétées (2 fois par jour pendant 14 jours) de PCP provoquent chez des singes vervets une dysfonction corticale dopaminergique ainsi que des déficits cognitifs durables. Dans une autre étude, dentsch, Redmond, et al. montrent que chez des rats, les déficits dans la mémoire de travail persistent même après l’arrêt des injections répétées de PCP. Ainsi, l’exposition chronique à cette drogue cause une réduction dans !’utilisation dopaminergique dans le cortex préffontal dorsolatéral ainsi que des déficits comportementaux persistants. Ces résultats indiquent que ces dysfonctions ne sont pas dues à l’effet direct de la drogue, mais plutôt à des changements neurobiologiques correspondant à une inhibition des neurones dopaminergiques mésocorticaux. Selon les auteurs, le PCP produirait donc une lésion fonctionnelle permanente dans le cerveau.

L’injection répétée et systémique de PCP est donc susceptible de constituer un bon modèle de la schizophrénie. Selon Jentsch et Roth (1999), ce modèle aurait une bonne valeur prédictive puisque les antipsychotiques comme la clozapine améliorent la psychose induite par les antagonistes NMDA. En effet, les médicaments antipsychotiques utilisées dans le traitement de la schizophrénie peuvent bloquer certains des effets des récepteurs antagonistes NMDA chez les rats (Duncan et al., 1999), ce qui offre un appui à l’hypothèse voulant qu’un hypofonctionnement des récepteurs NMDA soit un élément important dans la neurobiologie schizophrène. Par exemple, les médicaments antipsychotiques typiques et atypiques réduisent les effets neurotoxiques induits par l’injection de MK-801, un autre antagoniste des récepteurs NMDA (Färber, Foster, Duhan, & Olney, 1996) et contrecarrent l’activation comportementale induite par ce même agent (Corbett et al, 1995; Hoffman, 1992; Tiedtke, Bischoff, & Schmidt, 1990). Cependant, il faut noter que certains

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Par exemple, le retrait social induit par l’injection de PCP disparaît grâce à l’injection de clozapine et d’olanzapine, mais persiste même après !’administration de raclopride et d’halopéridol (Corbett et al.).

Étant donné que le PCP est un antagoniste des récepteurs NMDA, l’hypothèse d’un hypofonctionnement de ces récepteurs dans !’explication neurochimique de la schizophrénie a été avancée (Duncan et al., 1999). En accord avec cette hypothèse, des études post-

mortem ont montré une diminution des liaisons du glutamate dans le cortex temporo-médian de patients schizophrènes (Deakin et al., 1989; Kerwin, Patel, & Mel drum, 1990), une

augmentation des liaisons du glutamate dans le cortex fronto-orbital (Deakin et al.) et une concentration plus faible de glutamate dans le liquide céphalo-rachidien (Kim, Komhuber, Schmid-Burgk, & Holzmuller, 1980). De plus, les récepteurs du glutamate seraient en plus grande quantité chez les schizophrènes, ce qui serait peut-être secondaire à une réduction dans la transmission glutamatergique (Tora, Kuramaji, & Ishimara, 1994).

Une autre explication du rôle du PCP comme modèle de la symptomatologie est basée sur l’hypothèse d’une interaction entre le système dopaminergique et le système glutamatergique. Les récepteurs NMDA et l’activité dopaminergique sont interconnectés dans plusieurs régions du cortex, tant dans les structures corticales que dans les structures sous-corticales. Par exemple, les récepteurs NMDA sont présents dans les cellules

dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale qui forment des voies mésocorticolimbiques vers le cortex préfrontal et les régulent (Strous & Javitt, 1996). Le principal système

glutamatergique comprend une projection allant du cortex vers le striatum (cortico-striatale). Au niveau striatal, la dopamine et le glutamate sont sous un contrôle réciproque et ont un effet opposé sur le comportement : la dopamine stimule la locomotion, le glutamate l’inhibe. En effet, Krebs (1995) rapporte que les études chez le rat montrent que la libération de dopamine dans le striatum est sous contrôle glutamatergique; !’application de glutamate augmente la libération de dopamine dans le striatum en agissant sur plusieurs types de récepteurs dont les NMDA. Inversement, la dopamine inhibe la libération de glutamate via les fibres cortico-striatales par !’intermédiaire des récepteurs D%. La schizophrénie serait reliée à une anomalie des systèmes dopamine-glutamate dans le circuit corticostriatal

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pallido-thalamique, l’hypofonction du cortex reflétant une baisse d’activité glutamatergique et dopaminergique au niveau du striatum (Carlsson et al., 1997).

Dans le même ordre d’idées, Carlsson et al. (1997) proposent un modèle mettant en jeu les systèmes dopaminergique et glutamatergique et un filtre thalamique. Ces auteurs

suggèrent que dans un cerveau sain, le complexe striatal exerce une fonction inhibitrice sur le thalamus, ce qui amène une réduction de la transmission d’informations sensorielles vers le cortex cérébral et par conséquent une réduction de l’excitation. Le mécanisme fonctionne comme suit : !’input sensoriel a d’abord accès au cortex où il est comparé aux autres

informations déjà emmagasinées. Si cette comparaison mène à la décision que ]’information est non pertinente, le cortex envoie alors un signal approprié au striatum via le système glutamatergique qui excitera les neurones striataux. Le signal généré aura un impact inhibiteur sur le thalamus et aura pour effet de supprimer !’input sensoriel en question. Le rôle de ce filtre consiste à protéger le cortex d’une surcharge de stimuli non pertinents et de permettre au sujet de concentrer son attention sur les stimuli nouveaux et pertinents. Or, dans un cerveau schizophrène, où un niveau trop élevé de dopamine est libéré, les neurones striataux sont inhibés par la dopamine et contrecarrent l’effet d’inhibition du striatum causant ainsi une augmentation de la transmission des informations sensorielles vers le cortex et une élévation du niveau d’excitation. Une confusion ou une psychose peut alors survenir si la transmission vers le thalamus devient excessive et la capacité intégrative du cortex dysfonctionnelle.

Toujours selon Carlsson et al. (1997), l’influence inhibitrice dopaminergique sur le striatum peut être contrebalancée par une puissante activation glutamatergique venant de toutes les régions corticales incluant le thalamus. Selon cette hypothèse, une déficience glutamatergique, comme dans la schizophrénie, mènerait à une condition similaire à une hyperdopaminergie, c’est-à-dire à un transfert excessif d’informations sensorielles et une hyperexcitation amenant confusion ou psychose. Une teneur réduite en dopamine, induite notamment par les neuroleptiques utilisés dans le traitement de la schizophrénie, cause une prédominance glutamatergique augmentant par conséquent l’activité du striatum et réduisant !’input sensoriel atteignant le cortex.

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Pour expliquer la présence de symptômes positifs et négatifs dans la schizophrénie, Krebs (1995) fait référence au système des deux boucles striato-thalamo-corticales souvent utilisé pour expliquer le contrôle volontaire du mouvement. H suggère que ces deux voies ont une action opposée et sont gérées par la dopamine ou le glutamate. Premièrement, il y a la voie directe qui favorise !,activité du thalamus et qui se rend à la substance noire pars reticulata et le pallidum interne qui innervent à leur tour le thalamus. D’autre part, la voie indirecte inhibe Faction du thalamus en se rendant vers le pallidum externe pour se projeter ensuite vers le noyau sous-thalamique qui innerve la substance noire pars reticulata puis le thalamus. Selon Krebs, la dopamine, par !’intermédiaire des récepteurs D!, active la voie directe excitatrice et, via les récepteurs D2, inhibe la voie indirecte inhibitrice. Ces deux

actions combinées ont pour effet la facilitation de !,activité locomotrice. De son côté, le glutamate a pour rôle d’activer les neurones du striatum des voies directes et indirectes et de renforcer le frein striatal imposé aux structures en aval. Ainsi, selon ce modèle un

hypofonctionnement glutamatergique, comme celui observé dans la schizophrénie, induit une désinhibition des structures d’aval. Or, étant donné que l’action des boucles est opposée au niveau du thalamus, cette situation pourrait expliquer la présence de symptômes négatifs (grâce à l’hypoactivité de la voie directe) et positifs (grâce à l’hypoactivité de la voie indirecte).

Plusieurs auteurs proposent que la schizophrénie est le résultat d’une dysfonction de multiples systèmes cérébraux interactifs incluant le glutamate (Javitt & Zukin, 1991; Jentsch & Roth, 1999; O'Donnell & Grace, 1998). En effet, les voies glutamatergiques corticales ont un impact sur plusieurs systèmes sous-corticaux qui dépendent non seulement de la

dopamine mais également d’autres récepteurs susceptibles de jouer un rôle dans la neuropathologie schizophrénique. Par exemple, dans le striatum, le glutamate inhibe la production de GAB A; une réduction de l’effet inhibiteur du G ABA pourrait théoriquement mener à une hyperactivité des systèmes dopaminergiques associés provoquant alors les symptômes positifs de la schizophrénie (Carlsson, 1995; Duncan et al., 1999; Thomberg & Saklad, 1996). De plus, le glutamate aurait une influence inhibitrice sur les récepteurs dopaminergiques, noradrénergiques et sérotonergiques tandis qu’il accentuerait l’effet cholinergique. Ainsi, une déficience glutamatergique entraînerait une désinhibition des trois

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premiers systèmes causant ainsi un niveau trop élevé de dopamine, de noradrenaline et de sérotonine dans le cerveau. Or, comme il a été mentionné plus tôt, une concentration élevée de ces neurotransmetteurs risque de produire des symptômes psychotiques similaires à ceux retrouvés dans la schizophrénie (Carlsson).

Finalement, Duncan et al. (1999) proposent un modèle de la schizophrénie en différentes étapes pour rendre compte du phénomène clinique de la maladie et de son cours longitudinal, ainsi que de l’augmentation de la sensibilité des schizophrènes au stress, aux psychostimulants et aux antagonistes NMDA Selon ces auteurs, le développement anormal du système nerveux central (phase 1) ne résulterait pas immédiatement en une psychose, mais donnerait heu à des déficits cognitifs, moteurs et sociaux durant l’enfance. Ce

développement anormal impliquerait une hypofonction des récepteurs glutamatergiques, qui pourrait à son tour augmenter la sensibilité à la dopamine (phase 2) favorisant la formation initiale de la maladie. Si cette sensibilité endogène persiste et est récurrente, elle pourrait progresser jusqu’à une phase dégénérative (phase 3) qui se manifeste par une morbidité persistante, une résistance au traitement et une détérioration clinique.

Notons que les théories pharmacologiques ne sont pas nécessairement incompatibles avec la théorie neurodéveloppementale mentionnée plus tôt. En fait, Weinberger et Lipska (1995) ont même tenté de concilier les théories neurodéveloppementale et neurochimique. Ces auteurs proposent que les systèmes corticaux non dopaminergiques, et plus

particulièrement le système reliant les cortex préfrontal et temporolimbique, sont premièrement dysfonctionnels et que les systèmes dopaminergiques sont par la suite affectés. Cette hypothèse suggère que la schizophrénie est reliée à un mauvais

développement du système préffontal-temporolimbique et que !’implication fonctionnelle de ce mauvais développement pourrait expliquer la phénoménologie de ce trouble. De plus, cette perspective pourrait expliquer pourquoi les drogues antidopaminergiques sont efficaces même s’il n’y a pas d’anomalies au niveau de la dopamine puisque ces agents affecteraient le fonctionnement neuronal des aires cérébrales qui gèrent la connexion préfrontal-

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Inhibition latente

Parmi les différentes manifestations de la schizophrénie, l’incapacité des sujets à ignorer des stimuli non pertinents de leur environnement fait l’objet de ce mémoire. Le phénomène d’inhibition latente (IL) permet d’étudier ce symptôme tant chez l’humain que chez l’animal. L’IL, décrite pour la première fois par Lubow et Moore (1959), est un phénomène par lequel la préexposition répétée et non renforcée à un stimulus conditionnel (SC) retarde ultérieurement !’apprentissage d’une réponse conditionnelle (RC), quand ce même SC est présenté conjointement avec un stimulus inconditionnel (SI). L’IL est

considérée comme une mesure des capacités cognitives et attentionnelles des sujets et reflète plus particulièrement leur capacité à apprendre à ignorer des stimuli qui sont non pertinents (Killcross, Stanhope, Dourish, & Piras, 1997; Melo, Brandao, Graeff, & Sandner, 1997; Tamminga, 1998; Weiner, 1990).

L’IL est abolie chez les patients schizophrènes en phase aiguë (Feldon & Weiner, 1991) mais pas chez les patients chroniques (Baruch, Hemsley, & Gray, 1988). Les sujets schizophrènes aigus apprennent !’association SC-SI dans la phase de conditionnement aussi rapidement que les sujets non préexposés au SC. Cette abolition de l’IL refléterait

l’incapacité des schizophrènes aigus à ignorer des stimuli qui sont non pertinents et pourrait représenter un bon modèle des anomalies cognitives qui sont à la base des symptômes schizophréniques (Gray et al., 1995; Grecksch et al., 1999). Cependant, même si la littérature confirme en générale l’abolition de l’IL chez les schizophrènes en phase aiguë, Swerdlow, Braff, Hartston, Perry et Geyer (1996) ne l’ont pas reproduite. Les auteurs soulignent qu’il est possible que leurs résultats diffèrent de ceux observés dans la littérature étant donné les caractéristiques particulières des patients inclus dans l’étude. Ils soulèvent par conséquent l’importance d’études subséquentes pour évaluer la généralité de l’abolition de l’IL chez les schizophrènes en phase aiguë en variant des variables telles que la

chronicité, l’histoire et le statut médicamenteux des sujets et le fait d’être un fumeur ou non.

Plusieurs recherches suggèrent que les substrat neurobiologiques sous-jacents à l’abolition de l’IL, notamment les systèmes sérotoninergiques, dopaminergiques et

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glutamatergiques ainsi que l’hippocampe et le cortex préfrontal, sont similaires à ceux proposés dans les théories les plus courantes de la pathophysiologie de la schizophrénie (Carlsson, 1988; Weiner, 1990). L’IL peut donc être considérée comme une bonne situation d’apprentissage pour mieux comprendre les mécanismes comportementaux,

pharmacologiques et neuronaux responsables de la difficulté qu’éprouvent les schizophrènes à ignorer les stimulus non pertinents de leur environnement

L’inhibition latente en tant que phénomène d’apprentissage

L’IL est très robuste, est spécifique au stimulus préalablement présenté lors de la préexposition et s’observe dans différentes conditions d’apprentissage. Ce phénomène a été étudié dans différentes situations de conditionnement classique et instrumental incluant le lapement conditionné (Baker & Mackintosh, 1977; McLaren, Bennett, Plaisted, Aitken, & Mackintosh, 1994; Ruob, Weiner, & Feldon, 1998; Weiner & Feldon, 1992; Weiner, Smith, Rawlins, & Feldon, 1992; Weiner, Bemasconi, Broersen, Feldon, 1997), l’évitement

unidirectionnel et bidirectionnel (Brandao, Troncoso, Melo, & Sandner, 1997; Doré, 1981; Lehmann et al., 1998; Weiner, Lubow, & Feldon, 1988), la suppression conditionnée (Baker & Mackintosh, 1979), l’aversion gustative (Ackil, Carman, Bakner, & Riccio, 1992; Brosvic et al., 1995; Gallo & Candido, 1995; Turgeon, Auerbach, & Heller, 1998) et !’apprentissage disciiminatif (Melo et al., 1997; Vaitl & Lipp, 1997). Il apparaît aussi chez plusieurs

espèces animales, dont l’humain (Weiner, 1990). Chez l’adulte humain, mais non pas chez l’animal ou le jeune enfant, une tâche de masquage ou de distraction doit être insérée durant la préexposition au stimulus pour produire le phénomène (Lubow & Gewirtz, 1995). À part cette différence, l’IL est similaire chez les humains et chez les animaux (Lubow & Gewirtz).

De façon générale, les hypothèses avancées pour expliquer ce phénomène réfèrent à des processus attentionnels (Lubow, Weiner & Schnur, 1981; Mackintosh, 1975; Melo et al., 1997; Pearce & Hall, 1980) et d’apprentissage (Baker & Mercier, 1989; Rescorla & Wagner, 1972) au cours desquels les sujets en viennent à ignorer le stimulus préalablement présenté. Ces hypothèses peuvent être divisées en deux catégories : celles suggérant un traitement prospectif, c’est-à-dire que le traitement s’effectue lors de la phase de préexposition et celles

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qui réfèrent à un traitement rétrospectif, c’est-à-dire qui mettent l’accent sur le traitement fait lors du conditionnement.

Théories basées sur un processus prospectif - Ces théories considèrent que le retard d’apprentissage observé dans l’IL est la conséquence d’un apprentissage ou de processus survenant durant la préexposition. Plusieurs interprétations ont tenté d’intégrer les données récentes sur VIL et les théories prédominantes sur !’apprentissage associatif, comme le modèle de conditionnement classique proposé par Rescorla-Wagner (1972). Selon ces auteurs, les changements dans la force associative d’un SC donné sont fonction de la saillance du SC, du niveau d’apprentissage que permet le SI et de la limite asymptotique de la force associative du SI comparativement au total de la force associative de tous les stimuli présentés lors d’un essai donné. Cependant, même si ce modèle s’avère utile pour expliquer plusieurs résultats obtenus dans des expériences de conditionnement classique, il est

incapable de rendre compte adéquatement du phénomène d’IL. En effet, il est impossible d’exprimer VIL en termes de changement au niveau de la force associative du SC (Rescorla & Wagner; Wagner & Rescorla, 1972) parce que lors de la phase de préexposition au SC, la valeur de la limite asymptotique de la force associative du SI est égale à zéro, ce qui

implique qu’aucun changement d’apprentissage ne peut se produire. Afín de contrer ce problème, Pearce et Hall (1980) proposent plutôt que le retard d’apprentissage est une conséquence de la diminution de la saillance du SC ou du degré d’attention qui lui est porté.

D’autre part, les théories du traitement prospectif suggèrent que l’associabilité du SC est modulée par son efficacité à prédire des événements futurs. Par exemple, Mackintosh (1975) propose une théorie de !’attention selon laquelle la force d’associabilité d’un SC varie selon !’attention qui lui est portée. Contrairement à Rescorla et Wagner (1972), !’attention au SC ne dépend pas de ses caractéristiques physiques, mais fluctue avec l’expérience. En effet, selon Mackintosh, !’attention au SC augmente lorsqu’il constitue un meilleur

prédicteur du renforcement ou du non renforcement que les autres stimuli présents dans une situation donnée et vice versa. Ainsi, dans une tâche d’IL, le SC présenté dans la phase de préexposition constitue un mauvais prédicteur du renforcement.

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De leur côté, Lubow et al. (1981) proposent une théorie selon laquelle Γattention serait une réponse conditionnée se produisant lors de la présentation du SC. Le retard d’apprentissage observé lors du conditionnement résulterait d’un déclin conditionné des processus attentionnels lors de la préexposition. Cependant, il est important de mentionner que Lubow (1997) précise que l’IL ne reflète pas seulement des processus intervenant chez le groupe préexposé (e.g., inattention ou apprentissage à ignorer des stimuli non pertinents), mais aussi des processus intervenant chez le groupe non préexposé. En effet, la performance supérieure des sujets non préexposés pourrait s’expliquer par le fait que, lors de la phase de conditionnement, le SC cible est un nouveau stimulus présenté dans un contexte de

distracteurs familiers, attirant ainsi toute !’attention; chez le groupe préexposé, !’attention portée au SC durant le conditionnement est plus faible parce les sujets ont été préalablement exposés à ce stimulus.

De façon générale, les auteurs considèrent que la préexposition au SC entraîne une diminution de !’attention portée à ce SC, sans toutefois affecter sa force associative (Feldon & Weiner, 1992). Cette conclusion est principalement basée sur le fait que le SC préexposé n’acquiert pas des propriétés inhibitrices et entraîne un retard d’apprentissage autant lors d’un conditionnement excitateur que d’un conditionnement inhibiteur (Reiss & Wagner, 1972).

Théories basées sur un processus rétrospectif - Le modèle proposé par Wagner

(1978) pour expliquer le phénomène d’IL est basé sur sa théorie de l’amorçage en mémoire à court terme (MCT). Cette théorie de l’amorçage soutient que si une représentation mentale d’un stimulus est déjà active dans la MCT au moment de sa présentation, ce stimulus recevra moins de traitement et il sera plus difficile pour celui-ci d’entrer en association avec un SI. Ainsi, cette théorie explique le phénomène d’IL par le fait que lors de la phase de

préexposition, le sujet apprend à associer le SC aux stimuli contextuels présents dans l’appareil d’expérimentation et lorsque le sujet est à nouveau placé dans l’appareil pour la phase de conditionnement, les stimuli contextuels amorcent une représentation du SC préexposé dans la MCT. Or, étant donné que le SC est déjà dans la MCT du sujet et que ses conséquences sont prévisibles (SC-contexte), il ne reçoit pas de traitement additionnel et la

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nouvelle contingence entre le SC et le SI n’est pas détectée par l’animal. Conséquemment, !’association SC-SI s’acquiert plus lentement chez un groupe préexposé au SC que chez un groupe non-préexposé puisqu’il n’y a pas d’amorçage du SC par les stimuli contextuels chez ce dernier.

Si la théorie énoncée par Wagner (1978) est exacte, toute manipulation affectant !’association SC-contexte devrait diminuer l’amorçage des stimuli contextuels en MCT lors du conditionnement et ainsi réduire l’effet d’IL. Cependant, Mercier et Baker (1985), dans une série de quatre études, ont obtenu des résultats allant à l’encontre de la théorie de l’amorçage avancée par Wagner. Dans l’expérience 1, ces auteurs utilisent une procédure ayant pour but de masquer le contexte et qui consiste à présenter conjointement le SC cible (son) et un second SC (lumière), d’une durée identique ou plus courte que la présentation du SC cible, lors de la phase de préexposition. Les résultats indiquent que l’IL est quand même maintenue. Or, même en affaiblissant ainsi la formation de !’association SC-contexte par !’introduction d’un autre SC, FIL est présente lors de la phase de conditionnement. Les mêmes résultats sont observés dans les expériences 2,3, et 4 puisque l’IL est obtenue avec une exposition composée du SC cible (son) et d’autres SC présentés conjointement et/ou séparément (son différent du SC cible ou lumière). Selon ces auteurs, le SC ajouté serait en compétition avec le contexte pour gagner une partie de la force associative totale du SC cible et affaiblirait ainsi toute association avec ce SC et le SI lors de la phase de conditionnement.

D’autres hypothèses rétrospectives interprètent plutôt l’IL en termes d’échec de récupération des associations SC-SI et mettent l’accent sur l’expression comportementale lors de la phase de conditionnement (Baker & Mercier, 1989; Bouton, 1991; Kraemer & Spear, 1992). Ces hypothèses stipulent que le retard d’apprentissage observé dans le

phénomène d’IL constitue une compétition au niveau de l’expression comportementale entre les associations SC-SI de la phase de conditionnement et les associations SC-rien de la phase de préexposition. Plus précisément, !’apprentissage des associations entre le SC et le SI pendant le conditionnement s’effectuerait normalement, même si le SC a préalablement été exposé au sujet, et l’IL serait un déficit de l’expression de !’apprentissage dans la phase de conditionnement. Par exemple, Baker et Mercier proposent que lors des appariements

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SC-SI, le sujet recherche en mémoire Γinformation qu’il a apprise récemment sur ce même SC. Cette recherche rétrospective a pour effet de diminuer la corrélation perçue puisqu’elle révèle à l’animal que ce SC n’annonce aucun événement pertinent. Mais graduellement, à force d’être témoin des appariements SC-SI, l’évaluation de la contingence devient

significative pour l’animal.

Weiner (1990) utilise plutôt un modèle d’alternance {switching en anglais) pour rendre compte du phénomène d’IL. Selon ce modèle, le retard d’apprentissage est causé par le fait que l’animal est confronté à des présentations de contingences environnementales conflictuelles lors de la préexposition (SC-rien) et du conditionnement (SC-renforcement).

Modèles d’explications neurobiolomaues de l’IL

Les recherches sur l’IL chez l’humain sont susceptibles de fournir d’importantes informations sur les dysfonctions neuronales reliées à l’incapacité des schizophrènes à ignorer les stimuli non pertinents de leur environnement. Or, comme nous le verrons dans la prochaine section, c’est notamment grâce à l’étude de l’IL chez le rat que l’exploration de ces circuits neuronaux est maintenant possible.

Modèle dopaminergique - Weiner (1990) propose que le système dopaminergique est clairement impliqué dans le développement de l’IL. En accord avec cette hypothèse,

plusieurs auteurs ont observé que l’IL est abolie par une augmentation de la transmission dopaminergique (hyperdopaminergie) et facilitée par le blocage de cette transmission (hypodopaminergie) (Lubow & Gewirtz, 1995; Weiner; Weiner & Feldon, 1997). Plus précisément, l’injection unique ou répétée d’agonistes dopaminergiques comme

l’amphétamine et la métamphétamine, qui sont capables de reproduire les symptômes positifs de la schizophrénie, ont la propriété d’abolir l’IL ; inversement, l’IL peut être rétablie ou facilitée par l’injection de médicaments antipsychotiques comme l’halopéridol et la clozapine (Feldon & Weiner, 1991; Feldon & Weiner, 1992; Weiner, Lubow, & Feldon,

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proposent que les agents dopaminergiques modifient l’habileté qu’a le contexte de servir d’indice de récupération de la contingence SC-rien présentée lors du conditionnement. Plus précisément, une augmentation de l’activité dopaminergique par l’injection d’amphétamines abolirait l’efficacité du contexte de générer la contingence, résultant alors en un

apprentissage normal (absence d’ÏL), tandis qu’une diminution de l’activité dopaminergique par l’injection d’haloperidol la favoriserait, amenant ainsi un retard d’apprentissage plus important (IL plus forte). Cependant, feit important à noter, l’effet des agents

dopaminergiques sur FIL varie selon que les injections ont lieu uniquement durant la préexposition ou durant la préexposition et le conditionnement. Il semble que lorsque les injections ont lieu uniquement lors de la phase de préexposition, FIL n’est pas affectée (Killcross, Dickinson, & Robbins, 1994a).

Or, même si ces médicaments semblent exercer leur action sur ce phénomène durant la phase de conditionnement au stimulus, leurs effets sur l’IL peuvent être modifiés par la manipulation des paramètres de la phase de préexposition et de conditionnement. Par exemple, !’augmentation de FIL par les neuroleptiques est davantage prononcée avec une faible quantité de préexpositions qu’avec un nombre élevé et l’abolition de FIL par les amphétamines peut être contrecarrée par une préexposition prolongée ou par une diminution de l’intensité du renforcement. D’autre part, la nature du SC utilisé influence l’efficacité des agents dopaminergiques sur FIL, indépendamment des paramètres du renforcement (Weiner et al., 1997). En effet, Ruob, Eisner, Weiner et Feldon (1997) ont rapporté que des quatre stimuli utilisés dans une tâche d’IL (trois lumières sur le côté du mur, trois lumières clignotantes sur le côté du mur, une lumière clignotante sur le côté du mur et une lumière clignotante sur le plafond de la cage), un seul (la lumière clignotante du plafond) est

influencé par l’amphétamine et l’halopéridol. Par ailleurs, l’abolition de FIL par l’injection d’agents dopaminergiques n’est pas reproduite dans toutes les études. Par exemple, Weiner, Izraeli-Telerant et Feldon (1987) ont montré que l’injection de 6 mg/kg de dl-amphétamine, administrée une seule fois ou de façon chronique (8 jours) chez des rats 15 minutes avant le début de la procédure d’IL, n’abolit pas le phénomène.

Références

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