PC & PC∗
Corrigé : polynômes et nombres de Bernoulli
Partie I.
Polynômes de Bernoulli
Question 1.
a) Soit P ∈ R[X]. On pose λ = Z1
0
P(t) dt et Q = P − λ. On a P = Q + λ ; reste à prouver que Q ∈ H. Et en effet,
Z1 0 Q(t) dt = Z 1 0 P(t) − λdt = Z1 0 P(t) dt − λ = 0.
Supposons maintenant l’existence d’un autre couple (Q1, λ1) ∈ H × R tel que P = Q1+ λ1. Puisque Q1∈H on a
Z1
0
P(t) dt = Z1
0
λ1dt = λ1donc λ = λ1, et par suite Q1= P − λ1= P − λ = Q. Le couple (Q, λ) est bien unique.
b) Soit R ∈ R[X]. L’opérateur de dérivation étant surjectif sur R[X], il existe un polynôme P ∈ R[X] tel que P0= R. D’après ce qui précède, on peut écrire P = Q + λ avec Q ∈ H et λ ∈ R. Alors R = P0= (Q + λ)0= Q0= D(Q), ce qui montre que D est surjectif.
c) Reste à prouver que D est injectif. Puisque D est linéaire, on considère un polynôme Q ∈ H tel que D(Q) = 0. Le polynôme Q est donc constant : il existe α ∈ R tel que Q = α. On a alors
Z1 0 Q(x) dx = α et puisque Q ∈ H, on en déduit α= 0, soit Q = 0. Question 2. a) Posons R(x) = Zx 0
P(t) dt. Une intégration par parties donne Z1 0 (t − 1)P(t) dt = (t − 1)R(t) 1 0 − Z1 0 R(t) dt = Z1 0 R(t) dt donc Q(x) = R(x) − Z 1 0 R(t) dt. On en déduit que Z 1 0 Q(x) dx = Z1 0 R(t) dt − Z1 0 R(t) dt = 0, soit Q ∈ H.
b) D’après le théorème fondamental de l’intégration, Q0= P, soit D(Q) = P puisque Q ∈ H. D étant un isomorphisme, Q = φ(P).
Question 3.
a) D(B1) = B0 = 1 donc il existe α ∈ R tel que B1 = X + α. On a
Z 1 0 B1(x) dx = 1 2+ α et puisque B1 ∈ H, α = − 1 2 et B1= X − 1 2 D(B2) = B1= X − 1
2donc il existe β ∈ R tel que B2= 1 2X 2−1 2X + β. On calcule Z 1 0 B2(x) dx = 1 6− 1 4+ β et B2∈H donc β = 1 12 et B2= 1 2X 2−1 2X + 1 12 D(B3) = B2= 1 2X 2−1 2X+ 1
12donc il existe γ ∈ R tel que B3= 1 6X 3−1 4X 2+ 1 12X+γ. On calcule Z1 0 B3(x) dx = 1 24− 1 12+ 1 24+γ = γet B3∈H donc γ = 0 et B3=1 6X 3−1 4X 2+ 1 12X
b) Montrons par récurrence sur n que Bnest de degré n et de coefficient dominant égal à
1 n!. – C’est vrai pour n = 0 puisque B0= 1.
– Si n > 1, supposons le résultat acquis au rang n − 1. Alors B0n = Bn−1=
1 (n − 1)!X
n−1+ Q avec deg Q 6 n − 2 donc
Bn= 1
n!X
n+ R où R est un polynôme vérifiant R0
= Q. On a donc deg R 6 n − 1 et la récurrence se propage. c) Pour tout n > 2 on a Bn−1∈H et B 0 n= Bn−1donc 0 = Z 1 0 Bn−1(x) dx = Z1 0 B0n(x) dx = Bn(1) − Bn(0) et Bn(1) = Bn(0).
Question 4. a) Pour n ∈ N, C0n+1(X) = −(−1)n+1B0n+1(1− X) = (−1)nBn(1− X) = Cn(X). De plus, Z1 0 Cn+1(x) dx = (−1)n+1 Z 1 0 Bn+1(1−x) dx
et le changement de variable y = 1 − x donne Z1 0 Cn+1(x) dx = (−1)n+1 Z1 0 Bn+1(y) dy = 0 car Bn+1∈H.
On a montré que Cn+1∈H et que D(Cn+1) = Cndonc Cn+1= φ(Cn).
b) Montrons par récurrence sur n ∈ N que Cn= Bn.
– Si n = 0 on a C0= 1 = B0.
– Si n > 0, supposons Cn= Bn. Alors Cn+1= φ(Cn) = φ(Bn) = Bn+1, donc la récurrence se propage.
En particulier on en déduit que Bn(1) = (−1)nBn(0). En particulier, pour n impair on a Bn(1) = −Bn(0). Or d’après la
question 3.c on a Bn(0) = Bn(1) pour n > 2. On en déduit que pour tout entier impair n > 3, Bn(0) = Bn(1) = 0.
Question 5.
a) Pour tout n ∈ N, B0n+2= Bn+1donc R
0
n+1= Bn+1(X + 1) − Bn+1(X) = Rn. Il existe donc une constante λ telle que pour tout
x ∈ R, Rn+1(x) =
Zx
0
Rn(t) dt + λ. Mais d’après 3.c, Rn+1(0) = Bn+2(1) − Bn+2(0) = 0 donc λ = 0.
b) Montrons par récurrence sur n que Rn=X n n!. – Si n = 0, R0= B1(X + 1) − B1(X) = X +1 2 − X −1 2
= 1 donc le résultat est vrai pour n = 0. – Si n > 1, supposons Rn−1= X n−1 (n − 1)!. Alors Rn(x) = Zx 0 tn−1 (n − 1)!dt = xn
n! donc la récurrence se propage. c) Ainsi, p X k=1 kn n! = p X k=1 Rn(k) = p X k=1 Bn+1(k + 1) − Bn+1(k) = Bn+1(p + 1) − Bn+1(1) par télescopage.
d) En particulier, pour n = 2 on obtient
p X k=1 k2= 2B3(p + 1) − B3(1) =1 3(p + 1) 3−1 2(p + 1) 2+1 6(p + 1) = p(p + 1)(2p + 1) 6 .
e) Lorsque p tend vers +∞,
p
X
k=1
kn∼n!Bn+1(p + 1). La question 3b a montré que Bn+1est un polynôme de degré n + 1 et de
coefficient dominant égal à 1
(n + 1)! donc p X k=1 kn∼n!(p + 1) n+1 (n + 1)! ∼ pn+1 n + 1(pour n fixé).
Partie II.
Nombres de Bernoulli
Question 6.
a) D’après la formule de Taylor, Bn= n X k=0 B(k)n (0)X k k!. Or B (k) n = Bn−kdonc B (k) n (0) = bn−k, et Bn= n X k=0 bn−k Xk k!.
b) D’après la question 3c, pour tout n > 1 on a bn+1= Bn+1(0) = Bn+1(1) = n+1 X k=0 bn+1−k k! = bn+1+ n+1 X k=1 bn+1−k k! ce qui donne en réindexant : n X k=0 bn−k
(k + 1)!= 0. Cette dernière égalité s’écrit aussi bn= −
n
X
k=1
bn−k
(k + 1)! et constitue la relation de récurrence recherchée.
c) On a montré en 4b que pour tout entier impair supérieur ou égal à 3, Bn(0) = 0 donc b2k+1= 0 pour k > 1.
d) On définit tout d’abord une fonction qui calcule n! avant de définir la fonction demandée.
def fact(n): p = 1 for k in range(2, n + 1): p *= k return p def bernoulli(p): b = [1] for n in range(1, p + 1): b.append(0) for k in range(1, n + 1): b[n] −= b[n−k] / fact(k + 1) return b
Question 7. D’après les formules d’Euler, 1 + 2 n X k=1 cos(2kπt) = n X k=0 (e2ikπt+ e−2ikπt) − 1 =1 − e 2i(n+1)πt 1 − e2iπt + 1 − e−2i(n+1)πt 1 − e−2iπt −1.
En réduisant au même dénominateur on obtient
1 + 2
n
X
k=1
cos(2kπt) =cos(2nπt) − cos 2(n + 1)πt 1 − cos(2πt) = 2 sin(πt) sin(2n + 1)πt 2 sin2(πt) = sin(2n + 1)πt sin(πt) .
Question 8. Une intégration par parties donne : Z 1 0 f (t) sin(nπt) dt = 1 nπ fn(0) − (−1)nf (1) + 1 nπ Z1 0 f0(t) cos(nπt) dt. Or f et f0sont continues sur [0, 1], donc bornées : il existe M et M0tel que : ∀t ∈ [0, 1], |f (t)| 6 M et |f0(t)| 6 M0. Alors :
Z 1 0 f (t) sin(nπt) dt 62M nπ + M0 nπ Z1 0 |cos(nπt)| dt 62M + M 0 nπ . On a donc bien : lim
n→+∞ Z1 0 f (t) sin(nπt) dt = 0. Question 9. a) On a fn(t) = Bn(t) − Bn(0) t × t
sin(πt)donc limt→0fn(t) =
B0n(0)
π =
Bn−1(0)
π =
bn−1
π . fnest bien prolongeable en 0. b) I1,k= Z 1 0 t −1 2
cos(2πt) dt. Le changement de variable u = t − 1/2 donne I1,k= −
Z1/2
−1/2
u cos(2πu) du, et la fonction à intégrer étant impaire, I1,k= 0.
Sachant que B02= B1= X − 1/2 et B 00
2 = B0= 1, deux intégrations par parties successives conduisent à :
I2,k= Z 1 0 B2(t) cos(2kπt) dt = " 1 2kπB2(t) sin(2kπt) + 1 4k2π2 t −1 2 cos(2kπt) #1 0 − 1 4k2π2 Z1 0 cos(2kπt) dt = 1 4k2π2.
c) En effectuant là encore deux intégrations par parties on obtient, pour tout n > 3 :
In,k= " 1 2kπBn(t) sin(2kπt) + 1 4k2π2Bn−1(t) cos(2kπt) #1 0 − 1 4k2π2 Z1 0 Bn−2(t) cos(2kπt) dt soit In,k= 1 4k2π2 Bn−1(1) − Bn−1(0) − 1 4k2π2In−2,k= − 1 4k2π2In−2,k.
Lorsque n est pair, on peut poser n = 2p et alors : I2p,k=
− 1 4k2π2 p−1 I2,k= (−1)p−1 (4k2π2)p.
Lorsque n est impair, on peut poser n = 2p + 1 et alors : I2p+1,k=
− 1 4k2π2 p I1,k= 0. d) On calcule : Z 1 0 f2p(t) sin (2n + 1)πtdt = Z1 0 sin(2n + 1)πt sin(πt) B2p(t) − B2p(0) dt = Z1 0 1 + 2 n X k=1 cos(2kπt) B2p(t) − b2p dt = −b2p+ 2 n X k=1 I2p,k= −b2p+ 2(−1)p−1 4pπ2p n X k=1 1 k2p.
e) En passant à la limite suivant n, et compte tenu de la question 8 on obtient : 0 = −b2p+
2(−1)p−1 4pπ2p +∞ X k=1 1 k2p, soit encore : +∞ X k=1 1 k2p = (−1)p−14pπ2p 2 b2p.
f) En particulier, pour p = 1 on obtient :
+∞ X k=1 1 k2 = 2π 2b 2= π2 6 .
Partie III.
L’irrationalité de π
2Question 10.
a) D’après la formule du binôme, Pn(X) =
Xn n! n X k=0 n k ! (−1)kXk= 1 n! 2n X k=n (−1)k−n n k − n ! Xk, et ek= (−1)k−n n k − n ! ∈ Z.
b) 0 est racine d’ordre n de Pndonc si k < n on a P
(k)
n (0) = 0. Pnest de degré 2n donc si k > 2n on a P
(k)
n (0) = 0. Enfin, si
k ∈ ~n, 2n, d’après la formule précédente Pn(k)(0) = k!
n!ek∈ Z. Par ailleurs, Pn(X) = Pn(1 − X) donc P
(k) n (X) = (−1)kP (k) n (1 − X) et ainsi P (k) n (1) = (−1)kP (k) n (0) ∈ Z. Question 11. a) Puisque π2 = a b on a Qn(X) = b n n X k=0 (−1)ka n−k bn−kP (2k) n (X) = n X k=0
(−1)kan−kbkPn(2k)(X) et d’après la question précédente,
Qn(0) ∈ Z et Qn(1) ∈ Z.
b) On calcule fn0(x) = Q00n(x) sin(πx) + π2Qn(x) sin(πx) et
Q00n(x) = bn n−1 X k=0 (−1)kπ2n−2kPn(2k+2)(x) = bn n X k=1 (−1)k−1π2n−2k+2Pn(2k)(x) = −π2 Qn(x) − bnπ2nPn(x)
donc fn0(x) = π2n+2bnPn(x) sin(πx) = π2anPn(x) sin(πx). Ainsi, An(x) =
1 πfn(x) x=1 x=0= 1 π fn(1) − fn(0) = Qn(0) + Qn(1) ∈ Z. Question 12. a) un+1 un = a n + 1 donc lim un+1 un
= 0. Il existe donc un rang N à partir duquel un+1 un
61
2. On en déduit pour tout n > N que 0 6 un6 uN
2n−N et donc que lim un= 0.
b) Puisque lim un= 0 il existe un rang n0à partir duquel un<
1 2, soit an n! < 1 2. c) Pour tout x ∈ [0, 1], 1 − x ∈ [0, 1] donc x(1 − x) ∈ [0, 1] et 0 6 Pn(x) 6
1 n!. d) Pour tout x ∈ [0, 1] on a donc 0 6 πanPn(x) sin(πx) 6 π
an n!sin(πx) et en intégrant : 0 6 An6 an n! −cos(πx) x=1 x=0= 2 an n!. Pour n > n0on a donc 0 6 An< 1. Enfin, on ne peut avoir An= 0 car Anest l’intégrale d’une fonction continue et positive
non identiquement nulle, donc An∈]0, 1[.
Mais la question 11b a montré que Anest un entier ; l’absurdité recherchée est donc obtenue, et on peut en conclure que
π2ne peut être rationnel.
e) Le carré d’un nombre rationnel est rationnel, donc π est lui même irrationnel.
Remarque. Cette preuve de l’irrationalité de π, trouvée par Ivan Niven en 1947, est sans doute l’une des plus simples connues à ce jour.