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Chimères

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Academic year: 2021

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« Rien de grand ne se fait sans chimères »

L’Avenir de la Science, Ernest Renan.

> Chimérique la chimère ? Il y a quatre mille ans, elle existait déjà, puisqu’on la retrouve sur un relief d’un temple hittite dans l’an-cienne cité de Kargamish (aujourd’hui en Turquie). Sans doute y était-elle le symbole de l’année tripar-tite, lion au printemps, chèvre en été et serpent en hiver. La mythologie grecque l’a ensuite char-gée d’une lourde hérédité : avec son frère Cerbère, le gardien1 des Enfers, l’Hydre de Lerne et Othros, chien incestueux à deux têtes, elle appartenait à l’inquiétante progéniture d’Echidna et de Typhon. Ce ne fut pas Hercule, pourtant grand exterminateur de cette monstrueuse fra-trie, mais Bellephoron qui la tua. Le morceau de plomb qu’il lui enfonça dans la gueule se mit à fondre sous la chaleur de son haleine et la consuma. Mais les mythes ont cessé d’exister, il n’en reste que des chimères, perdurant dans l’imaginaire des poètes, comme Baudelaire2 ou Gérard de Nerval2, métaphores de rêves dont tout porte à croire qu’ils resteront à jamais inaccessibles. Les chimères sont alors devenues poissons, non pas ceux d’avril, trop chimériques, mais poissons cartilagineux de l’ordre des holocéphales, vivant dans les grands fonds.

Aujourd’hui, la chimère est à nouveau au cœur du réel. Le biologiste lui a conservé cette figure d’hétérogénéité parentale, somme toute assez improbable... Impro-bable, ou du moins très rare, l’hermaphrodite issu de la fusion de deux zygotes différents, XY et XX. Rares aussi, les chimères sanguines décrites au cours de la grossesse gémellaire : des cellules fœtales échangées par anasto-moses placentaires permettent le passage et le maintien de cellules progénitrices de l’un vers l’autre des fœtus. Comme dans son ancêtre mythologique, au sein de cette chimère moderne coexistent, si les jumeaux sont

hétéro-zygotes, des cellules de génotype différent. Cette diffé-rence génotypique permet aussi de quantifier le chimé-risme médullaire après allo-transplantation thérapeu-tique. Les chimères caille-poule de Nicole Le Douarin se rapprochent davantage de l’animal mythique, et sont surtout précieuses pour décrypter les mystères de l’on-togenèse. Dans ces embryons chimériques, les diffé-rences morphogénétiques entre cellules de caille et cel-lules de poule permettent de traquer ces celcel-lules greffées et de suivre leur migration : Éloge de la Diffé-rence au service de l’embryologie. L’ère de la biologie moléculaire ayant sonné, des chimères de mammifères sont créées dans le but d’invalider un gène : des cellules souches embryonnaires pluripotentes de souris généti-quement modifiées sont implantées dans un blastocyste receveur. L’embryon qui en est issu possède donc 4 ori-gines parentales. Par la suite, le « galvaudage » molé-culaire rendra chimérique toute protéine composée arti-ficiellement de deux fragments peptidiques d’origine différente.

Le succès du chimérisme se poursuit. L’observation de cellules d’origine hématopoïétique capables de différen-ciation endothéliale ou myocytaire après transplantation de foie ou de cœur permet d’identifier un autre genre de chimérisme, dont la signification physiologique reste néanmoins encore à découvrir. Si les mécanismes en étaient connus, les enjeux thérapeutiques pourraient être considérables, à moins que la rareté et la complexité de ce phénomène ne rendent ces espoirs chimériques... Mais enfin, pourquoi, parmi tant d’êtres hybrides qui peu-plaient la mythologie, de la Méduse au Minotaure, avoir gardé dans notre terminologie cette Chimère illusoire ? Peut-être, justement, parce que l’évolution de la langue, comme celle des espèces, n’est pas unidirectionnelle, et qu’elle lui a également conservé cette part de rêve, cette once d’imaginaire, qui fait aussi partie de la Science.

Hélène et Simone Gilgenkrantz

S. Gilgenkrantz : 9, rue Basse, 54330 Clerey-sur-Brenon, France. H. Gilgenkrantz : Département de génétique et pathologie moléculaires, Inserm U.567 -

UMR 8104 Cnrs, Institut Cochin, 24, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, France.

MO

T DU MOIS

M/S n° 4, vol. 18, avril 2002 391

Chimères

Le mot du mois

1. Ce nom devrait d’ailleurs se substituer au terme gatekeeper en oncologie. 2. Charles Baudelaire, Chacun sa chimère. Gérard de Nerval, Les Chimères, 1855. Jean Lorrain, La Chimère, dans « L’ombre ardente », Recueil de poèmes. 3. La Chimère d’Arezzo ici en photo se trouve au Musée archéologique de Florence. On en trouve des représentations dans l’encyclopédie Larousse et dans «Les Étrusques et l’Italie avant Rome», collection l’Univers des Formes, Éditions Gallimard, 1973.

Chimère d’Arezzo. Musée archéologique de Florence3.

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