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ARTheque - STEF - ENS Cachan | La technologie peut-elle permettre de réduire les textes explicatifs ? Approche par un cas concret de conception d'un dispositif muséal

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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LA TECHNOLOGIE PEUT·ELLE PERMETTRE DE RÉDUIRE

LES TEXTES EXPLICATIFS?

APPROCHE PAR UN CAS CONCRET DE CONCEPTION

D'UN DISPOSITIF MUSÉAL

Sylvain LEFAVRAIS Palais de la Découverte, Paris

MOTSCLÉS: CONCEPTION DES ÉLÉMENTS D'EXPOSITION TEXTES EXPLICATIFS -AUTONOMIE DES VISITEURS

RÉSUMÉ: Àcondition qu'elle sache tisser des liens étroits et équilibrés avec les autres savoir-faire, la technologie peut révéler de grandes potentialités. En particulier, elle peut pennettre deréduire

ou de supprimer les textes explicatifs de certains dispositifs muséaux, ce qui rend ainsi les visiteurs plus autonomes dans leur démarche. Un exemple concret mettant en œuvre une expérience de physique permet d'illustrer le cheminement d'une telle démarche de conception, des finalités de départ jusqu'aux solutions techniques pratiques.

SUMMARY : As long as technologie can tie strong links with other areas of knowledge, it cao offer great opportunities. As an example, it would be possible to reduce, or even eliminate, the use of explanatory texts on certain exhibits. This would allow the visitorto be more autonomous. What follows illustrates ail the steps involved in building a physics' exhibit, from the goals to be achieved

to the technical

and

practical

sol

utions.

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1. INTRODUCTION

Le plus souvent, les dispositifs interactifs des établissements muséaux scientifiques sont construits sur un modèle detypetransmissif: un texte explicatif à lire préalablement fournit à la fois le mode d'emploi et des explications sur les phénomènes à observer. En expérimentant, les visiteurs n'ont plus qu'à vérifier la véracité du texte. La découverte, l'effet de surprise et le questionnement sont ainsi très amoindris. De plus, beaucoup de visiteurs, surtout les jeunes, ne lisent pas ces textes et repartent sans avoir pu véritablement exploiter le dispositif. Certains dispositifs interactifs se passent de ce genre de textes: mais ils traitent alors de thèmes particulièrement simples à mettre en œuvre, et s'apparentent plutôt à des jeux. Le plaisir des visiteurs est satisfait, mais l'utilisation et la compréhension ne peuvent être effectives que dans les cas les plus évidents. Pour des éléments d'exposition plus complexes, la voie constructiviste est difficile: comme il ne convient pas en effet de remplacer les visiteurs dans leur démarche en leur fournissant d'emblée des explications toutes faites, d'autres vecteurs de communication doivent être imaginés.

Cette question prend d'ailleurs sa place dans une étude en cours plus large: il s'agit de préciser quelles doivent être les finalités cognitives des établissements, ce qui implique de définir les attitudes, démarches et acquis que l'on souhaite induire chez les visiteurs, de préciser la nature et la nécessité du phénomène de compréhension, de rechercher et d'analyser les mécanismes cognitifs mis en œuvre, de définir les moyens et techniques nécessaires, etc.

Une première approche a été faite, par l'étude d'un nouveau concept d'élément d'exposition sans textes explicatifs de type transmissif, pour lequel l'utilisation et la compréhension sont soutenus par la conception même du dispositif. Les visiteurs sont invités à utiliser sans mode d'emploi un dispositif expérimental, et sont ainsi amenésàexplorer par tâtonnement "l'espace" qui leur est ainsi proposé (d'où l'importance de la conception de cet "environnement didactique"). Le questionnement produit par l'obtention des phénomènes est supposé être suffisamment puissant pour les inciter à une démarche de compréhension (Giordan, 1996, p. 77).

Le but de ces quelques lignes n'est pas de présenter la totalité de cette étude, mais simplementle cheminement qui a guidé la conception du prototype d'élément d'exposition utilisé à cette occasion, à partir des trois finalités souhaitées:

- élément d'exposition en libre service;

- recherche de l'auto-construction de la compréhension; - pas de textes explicatifs de type transmissif.

Ces finalités peuvent se résumer en deux axes de travail pour le concepteur: - faire utiliser sans expliquer;

• faire comprendre sans expliquer.

(Notons que les visiteurs ont deux choses à comprendre: le fonctionnement du dispositif et les phénomènes observés).

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2. CONCEPTION DU DISPOSITIF 2.1 Quel propos scientifique choisir ?

Le concept présenté ci-dessus n'a pas la prétention d'être applicableàtous les cas de figure.Onpeut simplement supposer que seulement certains thèmes d'expériences scientifiques gagneraient à être ainsi présentés.

L'absence de textes explicatifs impose que les informations soient transmises par d'autres voies. Une façon peut être de proposer aux visiteurs un espace riche, comportant plusieurs actions ou expériences en rapport les unes avec les autres. Ceci présente de plus l'avantage depermettreune expérimentation collective et ainsi, de développer des rapports sociaux facilitant les développements cognitifs (Uzzel, 1992; Doise et Mugny, 1979).

D'autre part, les phénomènes produits doivent être spectaculaires et produire des conflits cognitifs,de façon à produire chez les visiteurs un questionnement qui les pousse àremettre en cause leurs conceptions. Enfin, le dispositif doit pouvoir être rendu autonome (absence de médiateur humain). Sur la base de ces critères, c'est une expérience de "physique des systèmes instables" qui a été retenue comme support du propos scientifique: l'action d'un champ magnétique vertical sur un "ferrofluide" (liquide à propriétés magnétiques). Au-delà d'une certaine valeur précise du champ, contre toute attente, la surface du ferrofluide se couvre d'un réseau régulier de bosses, puis de pointes.TI s'agit d'un phénomène dit "de brisure de symétrie" : au départ en effet, ce système (surface du ferrofluide et champ magnétique vertical) a une symétrie de révolution par rapport à un axe vertical. L'apparition des bosses fait disparaître cette symétrie.

L'idée de départ est de placer une cuve contenant du ferrofluide au centre d'une bobine électromagnétique annulaire. Les visiteur peuvent faire varier le champ magnétique (en tournant un bouton par exemple). Cette expérience se prête bien à une expérimentation collective, grâceà des ajouts que nous verrons plus loin.

2.2 Contraintes de réalisation 1solutions techniques

• Pour "accrocher" les visiteurs qui passent, le titre de l'élément d'exposition doit être suffisamment dérangeant et doit inciter à l'utilisation. Celui qui a été retenu "Existe·t·i! des liquides magnétiques? Expérimentation libre." répond à ces deux critères.

• L'absence de mode d'emploi, alliée au souhait de favoriser la découverte chez les visiteurs, nécessite une remise à zéro automatique du dispositif entre deux utilisations.Ceciévite que le phénomène soit vu par les visiteurs avant leur intervention, et limite l'échauffement de la bobine et donc ses dimensions.

Parmi les diverses solutions possibles, celle retenue (potentiomètre rappelé par ressort) déconcerte parfois un peu les visiteurs, mais a le mérite de la simplicité et de la transparence. • Le meuble support du dispositif présente une face privilégiée, comportant le bouton de commande. Son design doit clairement faire apparaître cette orientation préférentielle pour guider les

visiteurs.

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• Le propos scientifique nous impose d'adopter un dispositif àsymétrie axiale, puisqu'il s'agit d'illustrer un phénomène de brisure de symétrie.

Les deux derniers points paraissent contradictoires. en effet construire un dispositif ayant à

la fois une symétrie axiale et une face pour l'accueil des visiteurs? Le problème a été contourné en

séparant nettement le "cœur" du dispositif (bobine et cuve) de son meuble support. Le montage du "cœur" sur une plaque de verre éclairée par la tranche, par l'impression de transparence et de légèreté qui s'en dégage, permet de bien individualiser celui-ci.

Les essais d'éclairage du ferrofluide ont concluàla nécessité d'une source diffuse jouxtant l'arrière de la cuve. Mais comment respecter dans ce cas la contrainte de symétrie axiale'1A ce problème difficile, une solution originale a été retenue: un faisceau lumineux est projeté sur une zone dépolie de la cuve de verre, qui diffuse la lumière el se comporte ainsi comme une source lumineuse.

• Le propos scientifique nous impose également un champ magnétique homogène, afin que le phénomènè se produise simultanément sur toute la surface de la cuve. En effet, la notion de "rupture de symétrie" est indissociable de celle de "seuil". Àdéfaut, l'apparition des bosses à la surface du ferrofluide se produirait graduellement d'un pointàl'autre, ce qui ne donnerait pas l'impression d'un seuil pour le champ magnétique.

Le montage classique permettant de produire un champ magnétique homogène (dit "montage de Helmotz") comportant deux bobines identiques (fig. 1) présente ici plusieurs inconvénients:

- la bobine gène la vision de la cuve;

- cette configuration n'est pas parlante pour les visiteurs, et nécessite d'être explicitée; - c'est une solulion chère et complexe à mettre en œuvre.

Des calculs de répartition de champ magnétique ont permis de mettre en évidence une disposition (ajout d'une petite bobine) qui dégage bien la vue et, par sa discrétion, ne perturbe pas la présentation du dispositif (fig. 2).

• Ici, la compréhension des phénomènes ne peut pas se déduire de la seule conduite de l'expérience. Un apport complémentaire d'information est nécessaire, mais puisque nous nous sommes interdit de présenter des textes explicatifs, ces informations doivent prendre une forme différente, du type "aidesàla compréhension". Elles font l'objet d'un classeur attenant au dispositif, et présentent des exemples de phénomènes analogues ou des indices, avec le maximum de photos ou de dessins. • L'absence de "mode d'emploi" implique que l'aspect et la situation des différents éléments fasse bien apparaître leurs fonctions et leurs relations (organes "parlants", relations claires entre eux).

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Ceci a conduit à plusieurs solutions originales:

- les bobines ont été imprégnées d'une résine époxy transparente, laissant bien voir qu'elles ne sont que des rouleaux de fil de cuivre, tout en les protégeant aes agressions du public,

- le bouton de commande est placé sur le chemin des câbles d'alimentation des bobines, symbolisant par là le contrôle du courant d'alimentation,

- une LED rougeà haute luminosité, aux bornes de la bobine principale, renseigne sur la valeur des paramètres électriques, et donc sur celle du champ magnétique produit

• Le souhait de favoriser les relations sociales et donc l'expérimentation collective conduità enrichir l'expérience de départ, de façon à avoir un dispositif expérimental à plusieurs entrées. Incidemment, plusieurs phénomènes peuvent être produits au lieu d'un.

Ceci a été obtenu en rajoutant deux aimants (un gros et un petit) et un morceau de fer doux, rendus imperdables par une chaînette. De plus, la cuve a été rendue mobile: il est possible, soit de l'enfoncer légèremenl d'un côté pour faire bouger le liquide, soit de la faire pivoter. Ces ajouts font passer de une à plus d'une vingtaine les poSSibilités d'actions ou d'expériences, dont cenaines peuvent d'ailleurs être perçues par les visiteurs comme un détournement de l'élément d'exposition. Beaucoup de ces expériences favorisent la création de liens cognitifs et réactualisent des conceptions anciennes. • Pour les mêmes raisons, les informations sensorielles, en particulier le toucher, doivent être favorisées au maximum. Cecï" s'est traduit par la volonté de laisser une accessibilité quasi totale. Presque tous les éléments du champ expérimental sont accessibles aux mains des visiteurs.

De plus, il faut noter que l'échauffement naturel des bobines enrichit l'environnement sensoriel. • Enfin, le point précédent impose cenaines contrai..lt:sd'hygiène et de sécurité.

FINALITÉS

Faire utiliser sans expliquer...

CONTRAINTES SOLUTIONS PRATIOUES

.. Bobine transparente .. Câbles entre bobine et potentiomètre -Lampetémoin sur bornes

.. Cuvcmobilc .. Ajout aimants ct fer doux

.. Cuve fennée

•Bornes sous capot transparent • Thermostat 1bobine

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2.3 Résultats

Cette démarche de conception a eu des buts comportementaux (faire utiliser, développer les comportements sociaux) et cognitifs (faire comprendre le fonctionnement et les phénomènes). Moyennant quelques ajustements (fonne du bouton du potentiomètre, étiquettes sur les éléments du dispositif), les buts comportementaux ont été atteints. Le dispositif a un effet d'attirance marqué et un pouvoir de maintien important.On observe que 70% des groupes de visiteurs réussissent à produire le phénomène des bosses à la surface du ferrofluide. Le sentiment d'avoir réussi l'expérimentation est d'ailleurs partagé par 65% de utilisateurs. De plus, le comportement social est bien effectif. Par contre, si le fonctionnement du dispositif est apparemment bien compris, la compréhension des phénomènes n'a pas lieu en général ; le classeur est peu consulté (seulement 26 % des groupes). Souvent il n'est pas vu, ou bien il est perçu comme un objet rébarbatif.

3. CONCLUSIONS

Le but de cette communication n'est pas tant de présenter des performances que de mettre en évidence trois choses:

- D'abord, une bonne interpénétration entre technique instrumentale, technique communicationnel1eet spécialités scientifiques est indispensable. Leur simple juxtaposition ne peut donner que de maigres résultats. Au contraire, si el1es s'interpénètrent, la créativité pourra trouver sa pleine expression. Deux facteurs au moins peuvent y contribuer: d'abord, une relative polyvalence des contributeurs principaux, ensuite, le rassemblement des différents savoir-faire en réunions de créativité, afm de faire une recherche quasi exhaustive des solutions possibles.

- Ensuite, la technologie ne doit pas être placée en relation de dépendance vis-à-vis des autres métiers, et ne doit pas œuvrer sur la base de cahiers des charges imposés: simplement, une solution globale doit être trouvée, convenant à tous les savoir-faire, sans hiérarchie particulière.

- Enfin, les potentialités de la technologie sont immenses, etilest donc important de se donnerla peine de les explorer et les moyens de les mettre en œuvre.

BIBLIOGRAPHIE

DOISE W., MUGNY G., Individuals and col1ectives conflicts of centrations in cognitive developpement,European journal of social psychologie, 1979,5, 105-108.

UZZEL D., Les approches socio-cognitives de l'évaluation des expositions, Publics et Musées, 1992,1,114-117.

GIORDAN A., Nouveaux modèles pour sensibiliser et apprendre: conséquence sur les musées des sciences et techniques,Musées et médias. actes des rencontres culturelles de Genève, 1996.

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