MOI J'EXPOSE ...
EUX QUE RETIENNENT-ILS?
ENQUETE SUR L'EFFICACITE DE LA
COMMUNICATION-INFORMATION
DANS LA CLASSE
Maati ABDELJABBAR Ecole Noramale Supérieure - Casablanca - Maroc
MOTS CLEFS: Exposé magistral, Entropie, Filtre, Bruit.
RESUME : Que retient un auditoire d'un exposé magistral ? Telle est la problématique posée dans la présente-étude. Pour savoir si la longueur de l'exposé magistral, sa structuration et le nombre de personnes qui transmettent une information peuvent affecter la capacité de retenir cette dernière, on réalise une expérience avec des stagiaires en formation. Que révèlent les résultats de cette expérience?
ABSTRACT : What is actually memorised by an audience once a given lecture is over?This is the subject-matter of the present study. In order to find out whether the length of the lecture, its proper structuration and the nomber of persons who communcate a message can affect the capacity of memorising the latter, an experiment has been carried out with the participation of trainee-teachers undergoing formation at present. What conclusions has it come to ?
Pour savoir si la longueur de l'exposé magistral peut affecter la capacité de retenir l'information, si la structuration du contenu de l'exposé facilite la rétention de l'information et si le taux de distorision de la communication-information est proportionnel au nombre d'individus qui la transmettent, une expérience a été réalisée avec des stagiaires en formation. Après avoir dégagé la problématique, on présentera les objectifs et les hypothèses de la recherche, le schéma, expériemental et J'instrumentation utiisés et on aalysera et interprétera les résultats obtenus.
Problématique
Plusieurs appellations ont été donnéesàl'exposé magistral: la méthode dogmatique, la conférence, la causerie, la méthode expositive, le cours magistral ... Le type de communication pédagogique qui la caractérise est la communication-information (J.M. Deketele 1984 p 131). Malgré les nombreuses critiques et contestations dont il est l'objet J'exposé magistral est toujours utilisé comme méthode d'enseignement. Des études récentes (1. Parent 1985 p 39) ont démontré que l'enseignement supérieur se fait essentiellement à l'aide de J'exposé magistral. Toutefois Malghaive (O. Chevrolet, 1979, p 39) reproche à la méthode de l'exposé magistral "d'être trop directive, d'être dogmatique. de rendre passifs les formés, d'étouffer leur créativité de les soumettre à l'arbitraire du pouvoir consenti". Peut-on conclure que l'exposé magistral est la meilleure méthode pédagogique puisqu'il représente 80 % de l'enseignement universitaire. Il n'est pas aisé de répondre àpriori par un oui ou un non. La réponse ne peut être donnée qu'en fonction des ojbectifs de l'enseignement. L'exposé est certes utile quand il s'agit de transmettre des informations de bas niveau cognitif (niveau acquisition des connaissances et compréhention dans la taxonomie de Bloom). Cette qualité est liée àde conditions inhérentes àla structure et au mode de présentaiton de l'exposé magistral.
La longueur de la communication-information peut-eHe affecter chez l'auditoire la capacité de retenir l'informaiton transmise ? La structuration et le mode de repésentation de la communication-information facilitent-ils la rétention de l'information ? y a-t-il un lien entre le taux distorsion de la communication-information et le nombre d'individus qui la transmettent.
Méthodologie utilisée
A - Objectifs et hypothèses de recherches
Répondreàces questions nécessite la réalisation d'une expérience dans le laboratoire audiovisuel de l'ENS de Casablanca dans le cadre du cours de "pédagogie expérimentale". L'objectif fondamental d'une telle expérience est double. D'abord mettre en relief quelques conditions d'une communication-information efficace, ensuite sensibiliser les stagiaires en formation aux différents problèmes de la communication (cadre de référence, entropie, filtre, distorsion, codage, décodage,
bruit~ d'attitude, sémantique, de logique ... ).
Les hypothèses de cette modeste recherche sont les suivantes:
1-La longueur de l'exposé magistral affecte la capacité de retenir l'information 2- La structuration du contenu de l'exposé magistral facilite la rétention de l'information
3- Le taux de distorsion de la communication-infrmation est proportionnel au nombre d'individus qui la transmettent
B - Schéma expérimental 1 - La première hypothèse
La vérification de cette hypothèse nécessite la démarche suivant: un échantillon de recherche est constitué par dix huit étudiants licenciés en sciences physiques qui suivent une formation pédagogique (théorique et pratique) à l'ENS de Casablanca (Promotion de l'année 1987-88). En raison de cet effectif restreint des stragiaires en formation, on ne peut utiliser le schéma de la méthode expériementale basé sur le recours à un groupe contrôle et un groupe expérimental.
L'approche utilisée consiste simplement à dispenser un cours magistral dont la durée est de 45 minutes aux 18 stagiaires en fornlation selon la modalité suivante: six stagiaires assistent à cette communication pendant uniquement le premier quart d'heure, six autres pendant une demi heure et les six derniers pendans toute la séance de 45 minutes. Un test a été administré à chaque sous-gaupe. Il porte sur le contenu de l'exposé magistral (Quelques concepts : finalité, but, objectif, taxonomie de Bloom. Modèle de Tyles). Ce contenu a été dispensé aux stagiaires par le
professeur-infomlateur.
2 - La deuxième hypothèse
Tester cette hypothèse revient à impliquer un stagiaire volontaire du 2ème sous-groupe. Cette implication se réalise dans le cadre des séances du micro enseignement et consiste à utiliser deux méthodes différentes, une méthode comme celle du formateur (Méthode A) et une méthode différente (Méthode B) basée sur une introduction motivation (20 % du temps) et une structuration du contenu privilégiant le recours à des exemples (60 % du temps) et une récapitulation de chaque partie du contenu (20 % du temps). Le contenu de l'exposé a été transmis selon la méthode Aà
la moitié du 1er sous groupe et selon la méthode B à l'autre moitié de ce sous groupe. 3 - La troisième hypothèse
La vérification de cette hypothèse a nécessité Je recoures à un processus de communication-information d'une partie de l'exposé magistral. Un stagiaire du 3ième sous-groue communique ce qu'il a retenu de son professeur sur le modèle deTyler aux six stagiaires du 2ème sous-goupe. Un stagiaire de ce dernier communique ce qu'il a retenu de son camarade à la moitié du premier sous-groupe. Un stagiaire de ce dernier à l'autre moitié du premier sous-goupe.
C - Instrument de recherche
Pour vérifier les deux premières hypothèses, un test objectif constitué de 38 items a été élaboré. Un sous-test composé de 15 items porte sur l'identification des énoncés qui concernent la finalité, le but, l'ojbectif général, l'objectif spécifique et la technique de Mager de formulation des objectifs pédagogiques. Un 2ème sous-test est constitué de 14 items sur l'identification des énoncés qui relèvent des cagégories : connaissances, compréhension, application, analyse, synthèse et évaluation. Le dernier sous-test est composé de 10 items qui portent sur l'identification d'une des septs composantes du modèle de Tyler (Etudaitn, spcialiste de la matière, la société, essai préliminaire de formulation des objectifs généraux, philosophie de l'éducation, psychologie de l'apprentissage et formulation finale des objectifs généraux).
Pour vérifier la troisième hypothèse, la technique de l'analyse de contenu a été utilsée. Elle consiste àenregistrer les réponses des stagiaires en vue de dégager les idées principales.
Analyse et interprétation des résultats
Le tableau ci-dessous résume les résultats obtenus relatifsàla première hypothèse
Tableau 1 Résultat~du test (Sous-test 1 Sous-test 2 Sous-test 3)
Durée de Sous test 1 Sous test 2 Sous test 3
la séance BR % BR % BR %
15 min 52 58%
-
-
-
-30 min 40 44% 38 45%
-
-45 min 35 38% 35 42% 19 32%
BR : Effectif de bonnes réponses % : Pourcentage de bonnes réponses
Le troisième sous-groupe qui a assisté à toute la communication-information a beaucoup plus retenu ce qui a été communiqué durant la deuxième séquence (cf résultat au sous-test 2) et moins durant la troisième séquence (résultat au test 3). Dans le deuxième sous groupe on assiste à une amélioration par rapport au précédent (cf les résultats obtenus). L'amélioration est beaucoup plus nette dans le premier sous-groupe.
Le tableau ci-dessus montre une rétention quantitativement plus grand dans le cas du troisième sous-groupe (cas d'un long exposé) et qualitativement plus grand dans le cas du premier sous-groupe (exposé court).
Les résultats obtenus montrent que la longueur de l'exposé magistral affecte la capacité de retenir l'information.
Letableau ci-dessous résume les résultats relatifs àla deuxième hypothése.
Tableau 2 - Résultats au sous-test 2 - Tazonomie de Bloom
Méthode Moitié du L'autre moitié
sous groupe 1 du sous groupe
BR % BR %
Méhode A 18 42%
-
-Méthode B
-
-
24 57%Pour le sous-groupe qui a suivi la méthode (Structuration caractérisée par une introduction motivation, un enchaînement avec le recours à des exemples et la récapitulation) le tableau 2 révèle que les stagiaires en formation ont retenu davantage ce qui a été communiqué par rapport àl'autre groupe qui a suivi le contenu avec la méthode A.
On pourrait donc conclure en disant que la structuration du contenu de l'exposé magistral facilite la rétention de l'information.
Tableau 3 : Distorsion de la communication-information
Emetteur Recepteur
Professeur Stagiaire (S 1)
7 idées non déformées 4 idées
2 idées non déformées 2 idées déformées
Stagiaire (SI) Stagiaire (S2)
4 idées 3 idées
2 idées non déformées 1 idée non déformées
2 idées déformées 2 idées déformées
Stagiaire (S2) Stagiaire (S3)
3 idées 3 idées
1 idée non déformée 1 idée non déformée
2 idées déformées 2 idées déformées
Stagiaire (S3) Stagiaire (S4)
3 idées 2 idées
1 idée non deformée 1 idée non déformée
2 idées déformées 1 idée déformée
Les résultats du tableau ci-dessus et l'analyse qualitative du contenu enregistré confirment que la communication-information transmise se dégrade et se déforme. C'est un phénomène d'entropie selon lequel on assiste à un écart entre ce qu'on veut dire, ce qu'on dit, ce qu'on entend et écoute, ce qu'on comprend, ce qu'on retient et ce qu'on répète. Cette distorsion de l'information est provoqué par le bruit sémantique (compréhension du code, signification et résonnance des mots, langage ... ) Elle est liéeàla différence des cadres de référence de l'émetteur et du récepteur. Le cadre de référence comprend les acquisitions linguistiques intellectuelles, psychologiques, affectives ... ) . Les composantes du cadre de référence peuvent être les éléments d'analyse (linguistiques, sémiologiques) des éléments de mémorisation (assimilation, rétention ... ) des éléments d'intellectualisation (sémantique compréhension, accomodation ) des éléments psychologiques (Enterêt~ rejets, attitudes, relations, personnalité ).
On pourrait conclure en disant que le taux de distorsion de la communication-information est proportionnel au nombre d'individus qui la transmettent. Un nombre élevé d'individus multiplie les risques d'une information tronquée, altérée, déformée, modifiée ou oubliée en fonction des filtres auxquels sont soumis les messages tant de la part de l'émetteur que du récepteur.
CONCLUSION
La présente étude a montré qu'une longueur optimum de l'exposé, une bonne structuration de son contenu facilitent la rétention de l'information, et que le taux de distorsion de l'information est proportionnel au nombre d'individu qui la transmettent d'autre part. Ce point a un rapport avec la transformation du savoir après leur première invention par les savants, les auteurs des livres et des manuels scolaires et les enseignants.
Les résultats obtenus ne peuvent être dissociés des limites de la présente étude. D'abord, répétons le une fois de plus, la non utilisation de la méthode expérimentale (donc du groupe - contrôle) en raison de l'effectif réduit des stragiaires en formation; deuxièmement la non reproductibilité de cette étude dans le cadre d'un programme chargé de formation pédagogique et didactique tant théorique que pratique des stagiaires. Certes la répétition de cette étude donnera des informations pertinentes sur la fidélité et la validité des résultats obtenus. Enfin la passation du test (post-test) juste après l'exposé pour les trois sous-groupes n'est pas une entrepise sans biais pour les résultats de la recherche; quandà la non administration du pré-test, elle est voulue et délibérée. la raison est simple; éviter tout processus d'apprentissage lié directement ou indirectementàla passation du pré-test.
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