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Apport à la compréhension de l'expérience scolaire de persévérants universitaires des Premières Nations au Québec : le cas d'étudiants de l'Université du Québec à Chicoutimi

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COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN ÉDUCATION

PAR

JO-ANNIJONCAS

BACHELIÈRE EN SOCIOLOGIE

APPORT A LA COMPREHENSION DE L'EXPERIENCE SCOLAIRE DE PERSÉVÉRANTS UNIVERSITAIRES DES PREMIÈRES NATIONS AU QUÉBEC

LE CAS D'ÉTUDIANTS DE L'UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À CHICOUTIMI

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Au Québec, la situation scolaire des membres des Premières Nations est inquiétante. Près de la moitié (46,3 %) de ceux de plus de 15 ans ne possèdent pas de certificat, de diplôme ou de grade alors que ce taux se situe à 24,8 % chez les allochtones (ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2009). Cette différence est particulièrement marquée au niveau des études universitaires. Seulement 5,6 % de la population des Premières Nations possèdent un certificat ou un grade universitaire contre 16,6 % de la population allochtone (ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, 2009). La majorité des études concernant la problématique de scolarisation au niveau universitaire des Premières Nations se tournent vers les décrocheurs et sont de type quantitatif descriptif. Peu de recherches s'intéressent aux persévérants universitaires des Premières Nations et encore moins à la compréhension de leur expérience scolaire qui défie les tendances sociales. Dans un cadre épistémologique qualitatif/interprétatif, cette recherche vise à comprendre davantage le sens de l'expérience scolaire d'étudiants persévérants des Premières Nations qui ont effectué plus de la moitié de leur parcours universitaire avant l'obtention de leur diplôme. L'approche comprehensive a permis de saisir le sens qu'ils attribuent à leur expérience scolaire. En effet, l'ancrage théorique sélectionné, qui se base sur les théories de l'action et notamment celle de la sociologie de l'expérience scolaire (Dubet, 1994a, 2007; Dubet & Martuccelli, 1996a, 1998), laisse

1 Ce document a été rédigé selon les normes de présentation d'un travail de recherche de Provost, Alain,

Leroux et Lussier (2010).

Note : Dans le but de ne pas alourdir le texte, le genre masculin est employé pour désigner tant les hommes que les femmes.

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place aux acteurs dans le choix de leurs actions. Quant aux choix méthodologiques, ils ont été inspirés par ces fondements épistémologiques et par le paradigme de recherche autochtone. Par une analyse thématique (Paillé & Mucchielli, 2003), les résultats mènent vers une meilleure compréhension de l'expérience scolaire des persévérants universitaires des Premières Nations. Il en résulte que leur expérience scolaire est influencée par leur socialisation et leurs systèmes d'appartenances qui ont des impacts notamment sur leur persévérance scolaire et leur intégration universitaire, et par leur situation, leurs ressources et leurs moyens qui sont mis en scène dans un objectif de réussite scolaire. Également, les participants considèrent leurs études universitaires comme une étape logique, voire naturelle, faisant partie intégrante de leur vécu au même titre que les autres domaines de leur vie (p. ex. : la famille, les amis, le travail, etc.). Leur passage à l'Université s'imbrique alors dans une continuité qui leur est nécessaire pour réussir leur vie, car ce passage leur procure les outils nécessaires à la réalisation de leurs rêves tel l'autonomie. Les études postsecondaires sont alors perçues dans une perspective holistique assurant une meilleure vie pour eux, pour leur famille et leur communauté.

Mots-clés : Premières Nations, étudiant universitaire, sens de l'expérience scolaire, persévérance scolaire, sociologie de l'expérience scolaire

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Introduction 1 1. Problématique 5

1.1 Un survol historique de l'éducation des Premières Nations 6 1.1.1 De l'arrivée des premiers colons à 1970 6 1.1.2 De 1970 à aujourd'hui 12 1.1.3 Aujourd'hui, au Québec 16 1.2. La problématique de recherche 19 1.2.1 Quelques statistiques sur la scolarisation des Premières Nations 19 1.2.2 Une recension des écrits sur l'éducation postsecondaire des

Premières Nations 24 1.2.3 La problématisation de recherche 27

2. Cadre théorique 31

2.1 L'acteur persévérant et son expérience scolaire 32 2.1.1 Le cadre conceptuel 32 2.1.2 L'acteur et son expérience 37 2.2 La sociologie de l'expérience scolaire 42 2.2.1 La schématisation des choix théoriques 58

3. Cadre méthodologique 61

3.1 Le type de recherche 62 3.1.1 La subjectivité de la chercheure 64 3.2 Le devis méthodologique 66 3.2.1 Le groupe d'étudiants à l'étude 66

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3.2.2 La démarche de collecte de données 70 3.2.3 Les méthodes de collecte de données 73 3.3 La démarche d'analyse et d'interprétation des données 84 3.3.1 L'analyse thématique 85

4. Description et analyse des résultats 89

4.1 Présentation des acteurs participants à la recherche 90 4.1.1 Le portrait descriptif des acteurs participants 91 4.1.2 Le parcours scolaire des acteurs participants 92 4.2 L'expérience scolaire du groupe d'étudiants à l'étude 95 4.2.1 La logique de l'intégration : la socialisation et l'appartenance 97 4.2.2 La logique de la stratégie : l'action raisonnée 110 4.2.3 La logique de la subjectivation : la maîtrise de son action 122

5. Interprétation des résultats 139

5.1 L'expérience scolaire des persévérants universitaires des Premières

Nations : entre l'influence du social et leur autonomie d'action 141 5.1.1 L'influence du social sur l'expérience scolaire des persévérants 141 5.1.2 L'autonomie d'action des persévérants sur leur expérience scolaire 163

Conclusion 176 Références 189 Annexe A Approbation éthique 211 Annexe B Invitation remise aux étudiants 213 Annexe C Guide de discussion des cercles de paroles (1 et 2) 215

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Tableau

1 Distribution de la population âgée de 15 ans et plus ayant déclaré être autochtone et distribution de la population non autochtone du Québec, selon le plus haut niveau de scolarité atteint (MELS, 2009) 21 2 Effectif à l'Université selon la citoyenneté déclarée, de l'automne 2001 à

l'automne 2007 (MELS, 2009) 22 3 Tableau-synthèse des principaux facteurs étudiés influençant négativement le

cheminement postsecondaire des étudiants des Premières Nations dans la littérature 25 4 Tableau-synthèse des étapes de la collecte de données 71 5 Tableau précisant les données recueillies en fonction des méthodes de

collecte 84 6 Caractéristiques sociodémographiques de chacun des acteurs participants 92 7 Parcours scolaire de chacun des participants 95 8 Thèmes et sous-thèmes de la logique de l'intégration 98 9 Thèmes et sous-thèmes de la logique de la stratégie 110 10 Thèmes et sous-thèmes de la logique de la subjectivation 122

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Figure

1. Pourcentage des adultes autochtones et non autochtones âgés de 25 à 64 ans ayant mené à terme un programme universitaire, 2001 et 2006 (Statistique Canada, 2008) 23 2. Schématisation de l'expérience scolaire 58 3. Schématisation des thèmes et sous-thèmes de la recherche en fonction des

ancrages théoriques 137 4. Modèle holistique d'apprentissage tout au long de la vie des Premières

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Image

1. Le dessin-entretien collectif: regroupement des éléments choisis par les répondants qui témoignent du sens de leur expérience scolaire à l'Université 97 2. Le papillon et son morceau de cocon sur le dos : la timidité bloque

l'épanouissement (Kelya) 105 3. Étudier à la bibliothèque : pour le futur de ses enfants (Jane) 112 4. Les livres : travailler dans ses livres pour réussir (Samia) 114 5. Les raquettes : le soutien pour ne pas abandonner (Lilia) 119 6. Parcours scolaire : « tourner en rond » (Mitesh) 125 7. Le cycle des études : De la communauté pour mieux y retourner (Mitesh) 133 8. Lf« arbre de vie » : le développement personnel (Tom) 135

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Réaliser une recherche avec les membres des Premières Nations m'a toujours intéressée. Ce qui me manquait, c'était une direction qui éprouvait une vision conjointe à la mienne concernant ces peuples. C'est lorsque j'ai rencontré Mme Constance Lavoie, professeure-chercheure au Département des sciences de l'éducation à l'Université du Québec à Chicoutimi, que j'ai compris qu'il m'était possible de réaliser ce travail de longue haleine de pair avec une directrice, une collègue, un mentor et aussi, une complice. C'est dans cette solide relation teintée de franchise et d'empathie que j'ai réalisé le rigoureux travail de mémoire. Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance envers Mme Lavoie, pour son soutien, sa bonté, son professionnalisme, ses judicieux conseils, sa confiance et sa complicité. Je tiens également à remercier M. Roberto Gauthier, professeur-chercheur au Département des sciences de l'éducation à l'Université du Québec à Chicoutimi, qui a participé à la codirection de ce travail. Il a su créer ce même fil conducteur en se montrant généreux, dévoué et riche en conseils. Uni dans ce trio, je ne pouvais que persévérer et réussir. Grâce à eux, j'ai beaucoup appris tant du point de vue de la recherche que du point de vue personnel.

Plus encore, je me dois de souligner ma reconnaissance et mes remerciements à l'égard des étudiants qui ont participé à cette étude. Leur dévouement me touche et j'espère être en mesure de pouvoir leur redonner autant qu'ils m'ont apporté. Cela est également le cas pour le Centre des Premières Nations Nikanite de l'Université du Québec à Chicoutimi. Je tiens à souligner le soutien sans faille de M. Marco Bacon,

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Mme Sophie Riverin et Mme Hélène Caron. Leurs conseils, leur aide et leur solidarité m'ont beaucoup apporté à toutes les étapes de ma recherche.

Mes remerciements les plus sincères s'adressent également aux organismes subventionnâmes m'ayant soutenu durant ma maîtrise. Principalement, je tiens à remercier le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), la Chaire UQAC-Cégep de Jonquière sur les conditions de vie, la santé et les aspirations des jeunes (VISAJ), la Fondation de l'Université du Québec, notamment par le biais de la Fédération des écoles normales du Québec, le Programme d'aide institutionnelle à la recherche (PAIR) et le Bureau de l'International de l'Université du Québec à Chicoutimi. Ces marques de générosité m'ont donné une motivation additionnelle à la complétude de ce mémoire et à la diffusion de ses résultats. C'est par des gestes de la sorte que les étudiants des cycles supérieurs du Québec réussissent à réaliser leurs plus grands rêves.

Enfin, je tiens également à signifier toute ma gratitude à mes proches et particulièrement mon père et sa fidèle grammaire. Merci aussi à Valérie pour son soutien à l'éditique.

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familiale, suicides, etc. Lors d'une conférence portant sur la question du nord du Québec, l'anthropologue émérite, M.Serge Bouchard (2012) a souligné que: «Les Premières Nations vont s'en sortir avec l'éducation ». C'est probablement ce qui a motivé les nombreuses recherches qui portent sur l'éducation des Premières Nations au Canada et au Québec, d'autant plus que la population des Premières Nations au Canada est relativement jeune et en pleine croissance.

Depuis le début de la colonisation européenne au Canada, l'éducation des Premières Nations est un enjeu de taille. Visant d'abord 1'evangelisation, l'éducation a ensuite servi de moyen d'assimilation. La période des pensionnats ne fait que le rappeler et encore aujourd'hui, les conséquences de cette période perdurent. Depuis les années 70, les peuples autochtones de partout au Canada ont entrepris un mouvement de prise en charge de leur éducation et un processus d'amérindianisation des écoles est enclenché. La réussite scolaire des membres des Premières Nations qui était catastrophique s'améliore à tous les niveaux d'études. Toutefois, les taux de scolarisation des Premières Nations restent en dessous des moyennes canadiennes et québécoises, particulièrement au niveau des études universitaires.

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descriptif et concerne le décrochage scolaire. Grâce à ces recherches, le tableau descriptif des facteurs de décrochage scolaire est complet et il permet de comprendre davantage la problématique générale de la faible scolarisation. Toutefois, il ne permet pas une compréhension significative et en profondeur de la situation des étudiants universitaires des Premières Nations. Comme leur situation est complexe, multifactorielle et évolutive, il semble pertinent de l'étudier d'un point de vue novateur par une approche comprehensive. Cette recherche vise alors de comprendre davantage le sens de l'expérience scolaire de persévérants universitaires des Premières Nations. Ce genre de recherche envisage le sujet en tant qu'acteur et ce dernier est au centre de la recherche. Ainsi, grâce aux bases théoriques sélectionnées (théories de l'action), cette recherche tente de décortiquer l'expérience scolaire de persévérants universitaires des Premières Nations et de comprendre pourquoi cette minorité d'étudiants réussit alors qu'au départ, elle était dans une situation pratiquement semblable aux autres étudiants des Premières Nations qui n'ont pas persévéré.

Le premier chapitre présente la problématique de la faible scolarisation des membres des Premières Nations au Québec en retraçant l'histoire de leur éducation au Canada. Il vise à dresser un portrait global de la situation afin de mener vers une meilleure compréhension de la situation actuelle. Par la suite, ce chapitre fait état de statistiques nationales et provinciales sur la scolarisation des Premières Nations. Il se

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expose les principales balises conceptuelles et théoriques de cette recherche. Sont d'abord présentés les concepts de la persévérance scolaire, de l'acteur et de son expérience. Ensuite, la théorie de l'action choisie, soit la sociologie de l'expérience scolaire de Dubet (1994a) et Dubet et Martuccelli (1996a, 1998), est expliquée. Les objectifs de recherche sont exposés à la fin de ce chapitre. Le troisième chapitre fait état du cadre méthodologique en présentant le type de recherche, le devis méthodologique et la démarche d'analyse et d'interprétation des données utilisée. Le quatrième chapitre porte sur la description des résultats. Il débute par la présentation des participants à la recherche en présentant leur portrait descriptif et leur parcours scolaire. Il se poursuit par une synthèse descriptive des données suivant la théorie choisie et se conclut par la schématisation des thèmes et sous-thèmes relevés. Le cinquième chapitre portant sur l'interprétation des résultats discute des éléments d'analyse. Ces éléments y sont comparés et confrontés dans une perspective plus large aux résultats d'autres recherches qui se sont intéressées au même objet. La conclusion rappelle les principaux constats de la recherche, soulève ses limites de même que des pistes de recherche éventuelles.

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souvent méconnue. Ce survol mène par la suite vers la problématique de recherche. Il présente des statistiques sur la scolarisation des membres des Premières Nations, suivies d'une recension des écrits et, enfin, la problématisation de recherche.

1.1 Un survol historique de l'éducation des Premières Nations

Loin d'être complète, cette partie présente un survol historique de l'éducation des Premières Nations du Canada. Cette histoire est importante, car elle influence la situation actuelle et le rapport à l'éducation des Premières Nations au Canada. Ce portrait sommaire est divisé en trois sections : 1) de l'arrivée des premiers colons à

1970; 2) de 1970 à aujourd'hui; et 3) aujourd'hui, au Québec.

1.1.1 De Parrivée des premiers colons à 1970

Avant l'arrivée des conquérants européens en Amérique, au 16e et 17e siècle, les

Premières Nations du Canada possédaient un mode d'éducation différent de celui issu du système scolaire tel que représenté aujourd'hui. Les jeunes apprenaient dans leur communauté par observation, par essai-erreur et en suivant les paroles des adultes et des

2 « Le terme Premières Nations s'est généralisé dans les années 1970 afin de remplacer le terme Indien,

jugé blessant par certaines personnes. De nombreuses communautés ont également changé leur nom en remplaçant le terme « bande » par « Premières Nations » (Assemblée des Premières Nations, 2010b).

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savoir était partagé entre les membres de la communauté. Cette façon de concevoir l'apprentissage est ancrée dans la façon dont les membres des Premières Nations perçoivent la vie et tout ce qui les entoure : cycliquement. À ce sujet, Wesley-Esquimaux (2004) mentionne que :

Tout dans la vie se crée dans un processus cyclique. C'est de cette façon que les gens apprennent, partagent le savoir et éduquent leurs enfants, dans un processus sans fin de dons, d'acceptation et de renonciation. Au centre du cercle d'apprentissage se trouvent les enfants [Traduction libre] (P-3).

D'ailleurs, selon le Conseil canadien sur l'apprentissage (2010b), cette perception du monde est encore de vigueur de nos jours4. En effet, le rôle important joué

par les familles et les communautés dans le développement et l'éducation des enfants et des jeunes s'inscrit, d'une certaine façon, en continuité avec leurs traditions (Assemblée nationale, 2007).

3 Par autochtone, il faut comprendre un terme générique qui désigne tous les premiers habitants d'un

territoire et leurs descendants. Au Canada, la Loi constitutionnelle de 1982 précise que les peuples autochtones se composent de trois groupes : les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Les Premières Nations, les Inuits et les Métis possèdent un héritage unique, ainsi que des langues, des pratiques culturelles et des croyances spirituelles qui leur sont propres. Le terme Autochtone ne doit pas être employé afin de ne désigner qu'un ou deux groupes » (Assemblée des Premières Nations, 2010b).

4 Dans cette optique, le Conseil canadien sur l'apprentissage a développé trois modèles d'apprentissage

holistique tout au long de la vie : un pour les Premières Nations, un pour les Inuits et un autre pour les Métis.

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C'est à l'arrivée des colonisateurs d'Europe, mais surtout vers 1620, que s'est établie l'éducation à l'occidentale, aussi dite « formelle », chez les Nations autochtones du Canada (Castellano, Davis & Lahache, 2000). A cette époque, les premières relations s'articulaient autour du partenariat. Les conquérants ont instauré petit à petit des maisons d'éducation tenues par des religieux (missionnaires) près des communautés autochtones. Le but premier était de christianiser les membres des Premières Nations et de les « aider » à atteindre les normes sociales de la civilisation « supérieure ». Comme le souligne Gauthier (2005), « cela se fait dans la langue vernaculaire et dans les milieux de vie habituels des autochtones, de sorte que l'impact sur la culture et le mode de vie traditionnel s'avère somme toute limité » (p. 8). Vers la fin du 17e siècle, les dirigeants

coloniaux commençaient à croire que, pour christianiser les Premières Nations, il fallait d'abord les sédentariser puis les franciser (Castellano, et al., 2000). Cette façon de penser a incité l'ouverture d'écoles destinées aux Premières Nations près des établissements coloniaux.

Par le traité de Paris, en 1763, la constitution du Canada est devenue la Proclamation royale (1763). Cette constitution reconnait des droits et libertés issus de traités aux Premières Nations. Ces droits et ces libertés sont qualifiés d'ancestraux5, ce

qui veut dire qu'ils « portent sur les pratiques, les traditions et les coutumes qui caractérisent la culture distinctive de chaque groupe et qui étaient exercées avant

5 « Les droits existants -ancestraux ou issus de traités- des peuples autochtones du Canada [...] ont été

reconnus et confirmés dans la Loi constitutionnelle de 1982 » (Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche, 2011, p. 2).

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Premières Nations et les conquérants de cette période de paternalisme (Affaires indiennes et du Nord Canada, 1996).

Avant le 17e siècle, même si les missionnaires ont tenté de sédentariser les communautés autochtones, ils n'employaient pas encore de moyens coercitifs (Bourque, 2004). C'est à partir des années 1830 que le terme assimilation a pris davantage son sens. Gauthier (2005) explique que l'assimilation des Premières Nations est perçue comme la façon d'instaurer la culture européenne chez les membres des Premières Nations et de permettre à ces derniers de « fonctionner adéquatement dans un système social occidental selon les rôles sociaux prédéterminés » (p. 8). Dans ce processus, l'éducation est un outil pour arriver à cette fin. La sédentarisation, dorénavant obligatoire, a permis aux conquérants d'avoir un plus grand contrôle sur les Premières Nations et a rendu l'exercice de certaines pratiques traditionnelles impossibles. Suivant l'objectif d'assimilation, des pensionnats conçus spécialement pour les personnes autochtones ont été créés. Des milliers d'enfants autochtones ont alors été retirés de leur famille et placés dans ces pensionnats. Ces établissements avaient pour mandat de les éduquer et de les assimiler. Les résultats se sont avérés désastreux (Assemblée nationale, 2007).

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À la création de l'État du Canada, le projet d'assimilation des Premières Nations était toujours présent. En 1867, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a donné la responsabilité de l'éducation et des affaires indiennes au gouvernement fédéral du Canada (White, et al., 2009). En 1876, la première Loi sur les Indiens6 est adoptée

(ministère de la Justice, 1985). Cette loi se fondait sur la notion de tutelles et traitait les membres Premières Nations comme des mineurs au sens juridique (Bourque, 2004). Certains points de cette Loi visaient l'assimilation. Par exemple, jusqu'en 1940, les membres des Premières Nations inscrits dans un établissement d'enseignement postsecondaire devaient renoncer à leur statut d'Autochtone (Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, 2006).

Malgré toutes ces tentatives d'assimilation, les membres des Premières Nations disent avoir résisté aux politiques des conquérants (White, Beavon, Peters & Spence, 2009). Deux raisons peuvent expliquer ce constat. D'abord, les politiques d'assimilation (christianisation, sédentarisation, pensionnat, etc.), malgré leur lot de conséquences sociales et l'effritement culturel qu'elles ont provoqués, n'ont pas atteint leur but ultime, car elles rejetaient catégoriquement les cultures, les langues et la vision du monde autochtone (White & al., 2009). Il est plus difficile, voire impossible, d'intégrer une nouvelle culture de cette façon. De plus, comme il est fréquent chez les peuples colonisés, une forme de rébellion s'est installée dans la population autochtone. Ainsi,

6 Elle a été modifiée à plusieurs reprises ; passant d'une visée assimilatrice à la culture occidentale, elle

confère aujourd'hui un statut particulier aux Premières Nations en définissant certaines obligations du gouvernement fédéral et établit des paramètres de gestion quant aux communautés amérindiennes (Bernier & al., 2002).

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une nouvelle identité des colonisés s'est créée à travers les luttes contre le pouvoir impérial (August & Shanahan, 2006). De nos jours, la présence des peuples autochtones dans la société et dans l'actualité montre l'échec des tentatives d'assimilation et une certaine forme de resilience.

Néanmoins, la période des pensionnats n'a pas laissé les peuples autochtones sans souffrance en raison des sévices reçus (Affaires indiennes et du Nord Canada, 1996). Le Conseil national du bien-être social (2007) indique que cette période « s'est soldée par un échec abyssal où on a souvent abusé des enfants autochtones sur le plan physique, mental, sexuel et spirituel, et nombre d'entre eux sont morts de maladies et de malnutrition » (p. 94) et ajoute que cela a gravement nui « à la cohésion des familles autochtones ainsi qu'à la transmission de leur culture et de leur identité aux générations montantes » (p. 62)7.

Suivant le transfert du contrôle de l'éducation des Premières Nations des communautés religieuses vers l'État, quelques écoles primaires fédérales ont vu le jour dans les communautés autochtones. Les pensionnats ont commencé à disparaître peu à peu.

7 II est à noter qu'en 2006, le gouvernement fédéral a remis une compensation monétaire pour les torts

causés par les pensionnats autochtones et, en 2008, le premier ministre du Canada a fait des excuses publiques en ce sens aux membres des Premières Nations.

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1.1.2 De 1970 à aujourd'hui

Un mouvement de prise en charge de l'éducation par les membres des Premières Nations s'est installé dans les années 70. Notons que, jusqu'à cette époque, le taux de décrochage scolaire chez les jeunes des Premières Nations était catastrophique, frôlant le 100 % (White & al., 2009). La publication par le gouvernement libéral du Livre blanc (1969) est l'un des éléments déclencheurs de cette prise en charge. Ce document politique souhaitait abolir le statut particulier des membres des Premières Nations comme groupe distinct. Par le fait même, il souhaitait abolir la Loi sur les Indiens du Canada qui donne un statut particulier aux membres des Premières Nations dans le but de contrer les problèmes relatifs à ce statut particulier (revendications territoriales, traités, etc.). De cette façon, les membres des Premières Nations auraient eu le statut de minorité ethnique au même titre que les autres minorités du pays (Chinois, Grecs, Italiens, etc.). Plusieurs organismes des Premières Nations s'y sont opposés, en particulier parce que le statut de minorité ethnique ne leur faisait pas sens. The Indian

Association of Alberta a écrit, pour manifester son désaccord à cet ouvrage, le Livre ronge (1970). Entre autres, ce manifeste soulève l'importance des traités signés

antérieurement et justifie les raisons d'être du statut particulier et des droits spéciaux pour les Premières Nations. La présentation de ce livre au gouvernement canadien a influencé ses nouvelles politiques.

Du côté de l'éducation, Cardinal a écrit, en 1970, La tragédie des Indiens du

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Canada. Puis, la Fraternité des Indiens a présenté au ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada (MAINC) la déclaration de principes la Maîtrise indienne de

Véducation indienne (1972). L'ouvrage a été rédigé à partir des opinions, des documents

et des déclarations des associations provinciales et territoriales autochtones. Dans cette déclaration, il est possible de retrouver la doctrine, les objectifs, les principes et les orientations qui devraient régir tous les programmes scolaires autochtones selon les auteurs (Fraternité des Indiens du Canada, 1972). Les questions de responsabilité et de contrôle locaux y sont soulevées. Ce qui ressort de cette déclaration, c'est que la fierté de soi et le respect de l'autre sont des valeurs très importantes que doivent acquérir les jeunes des Premières Nations durant leur éducation, que les parents doivent avoir la pleine responsabilité et le plein contrôle de l'éducation de leurs enfants, que l'administration scolaire doit se faire davantage au niveau local et que la participation de la communauté tient une grande importance dans la réussite de l'éducation des jeunes des Premières Nations (Affaires indiennes et du Nord Canada, 1996). La question de la pleine participation des membres des Premières Nations aux décisions concernant leur éducation est au centre des principes. Cette déclaration a été acceptée par le gouvernement fédéral en 1973 et elle a été introduite dans la politique nationale comme base des nouvelles politiques en éducation chez les Premières Nations. Bernier et al. (2002) soulignent que « le Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, adoptant les objectifs de cette déclaration, commence progressivement à confier l'administration des programmes d'enseignement des écoles primaires et secondaires aux communautés » (p. 19).

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Dès 1972, un processus d'amérindianisation des écoles autochtones est enclenché par le ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord du Canada (MAADNC). Ce projet visait Pamérindianisation des services éducatifs destinés aux populations autochtones. C'est dans cette vague qu'au Québec, en 1975, la Convention de la Baie-James et du Nord-Est québécois ont mené à la création des commissions scolaires Inuit (Kativik) et Crie. En 1978, la Convention du Nord-Est québécois a quant à elle mené à la création de l'école Naskapie (Assemblée nationale, 2007).

Une avancée en matière d'amérindiannisation de l'éducation des Premières Nations au Québec est l'article 97 de la Charte de la langue française (Office québécois de la langue française, 1977). Selon cet article, les réserves indiennes8 ne sont plus

soumises à la Charte sur la langue française (Office québécois de la langue française, 1977). De cette façon, le gouvernement reconnaît l'enseignement dans une langue autre que le français ou l'anglais et la plupart des jeunes des Premières Nations commencent l'école dans leur langue maternelle. Cela a aussi mené à l'instauration des cours de langue autochtone. L'introduction du français ou de l'anglais se fait selon la politique en vigueur dans les écoles (Assemblée nationale, 2007). Peu à peu, l'éducation des Premières Nations est perçue différemment et les politiques d'assimilation sont mises à l'écart, laissant plus de place aux cultures amérindiennes.

Le terme réserve indienne qui est aussi appelé communauté dans cet ouvrage, désigne, selon la Loi sur les Indiens, « une parcelle de terre appartenant à la Couronne qui est mise à la disposition d'une bande indienne, tout en demeurant la propriété de la Couronne. Ces terres et les gens qui y vivent sont sous l'autorité du gouvernement fédéral » (Assemblée des Premières Nations, 2010b).

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La période de 1982 à 1988 est marquée par deux grands événements : le Canada a rapatrié sa constitution et y inclut la Charte canadienne des droits et libertés9 (ministère

de la Justice, 1982) qui reconnaît les droits des peuples autochtones. Cette inclusion a donné davantage de poids politique à l'autonomie de gouvernance des Premières Nations en matière d'éducation. Il en va de même en ce qui concerne la Déclaration sur les droits des peuples autochtones de la Commission des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies (Commission des droits de l'homme, 2007) que le Canada a ratifiée en 201010. Cette Déclaration définit les droits universels minimaux

pour la survie des peuples autochtones.

En résumé, ce qu'il faut retenir de ce survol historique, ce sont les nombreux changements du mode d'éducation des Premières Nations du Canada. Plusieurs tendances, législations, politiques et idéologies se sont enchevêtrées et succédées les unes après les autres. Généralement, les politiques d'assimilation qui ont gouverné jusqu'en 1970 ont été remplacées par des politiques d'autonomie de gouvernance et d'amérindianisation. Voyons maintenant ce qui en est aujourd'hui dans le contexte québécois. Il sera possible de constater le développement du processus

9 Un fait important est que cette charte du Ministère de la Justice « ne porte pas atteinte aux droits ou

libertés — ancestraux, issus de traités ou autres — des peuples autochtones du Canada notamment aux droits ou libertés reconnus par la Proclamation royale du 7 octobre 1763 [et] aux droits ou libertés existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis » (article 25).

10 En 2010, le Canada ratifie la déclaration pour le moins qu'il la considère comme un document de

référence. À cet égard, le Canada la met en œuvre conformément aux lois nationales, ce qui veut dire que les lois nationales l'emportent sur la déclaration (Service des informations et des accréditations, 2010).

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d'amérindianisation et de la prise en charge locale de l'éducation des peuples autochtones.

1.1.3 Aujourd'hui, au Québec

Aujourd'hui, au Québec, l'organisation scolaire des Premières Nations est complexe et non homogène (Assemblée nationale, 2007). Plusieurs législations se côtoient : la Loi sur les Indiens, la Loi sur l'Instruction publique autochtone pour les Cris, les Inuits et les Naskapis, la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, la Convention du Nord-Est québécois, etc. La grande majorité des étudiants des Premières Nations fréquentent des établissements scolaires primaires et secondaires autochtones. Ces établissements peuvent se regrouper sous trois formes. Il y a d'abord des écoles autochtones issues des commissions scolaires Crie et Kativik pour les Nations Crie et Inuite et l'école Naskapie pour la Nation Naskapie. Ces écoles ont une structure bien à elles. Il y a aussi des écoles de communauté, aussi appelées écoles de bande, qui dispensent des services d'enseignement primaire et secondaire dans la plupart des autres Nations autochtones du Québec. C'est le MAADNC, en vertu de la Loi sur les Indiens, qui défraie le financement de ces écoles. Le financement va aux Conseils de bande11 des

communautés. Les Conseils gèrent le financement et l'administration des écoles généralement par le biais d'organismes communautaires locaux. Ces écoles choisissent

11 « Instance qui gouverne une bande. Le Conseil est en général composé d'un Chef et de conseillers élus

pour un mandat de deux ou trois ans (tel que spécifié dans la Loi sur les Indiens ou par leurs traditions), pour administrer les activités de la bande, notamment en ce qui concerne l'éducation, le traitement de l'eau, les égouts, les services d'incendie, les édifices communautaires, les écoles, les routes ainsi que toute autre activité ou service communautaire » (Assemblée des Premières Nations, 2010b).

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habituellement le régime pédagogique québécois. Les jeunes autochtones habitant à l'extérieur d'une communauté ou habitant dans une communauté ne défrayant pas de services éducatifs fréquentent des écoles du réseau public ou privé québécois. De plus, même s'il y a des écoles dans leur communauté, certaines familles préfèrent confier l'éducation de leurs enfants au réseau public ou privé québécois par entente spécifique entre le Conseil de bande et la commission scolaire en question. Cependant, cela ne touche qu'une minorité d'élèves. En 2007-2008, 86,7 % des élèves des Premières Nations et Inuits, tant à l'enseignement primaire que secondaire, ont été formés dans le réseau scolaire autochtone (ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport [MELS], 2009).

Quant à l'éducation postsecondaire au Québec, les étudiants des Premières Nations fréquentent généralement les collèges et les universités du réseau québécois. Ces établissements scolaires se situent à l'extérieur de leur communauté et il n'existe pas de tels établissements autochtones12. En vertu de la Loi sur les Indiens13, même si le

12 Malgré tout, « certains de ces établissements ont mis en place des structures d'accueil et des

programmes adaptés aux besoins des Autochtones » (Assemblée nationale, 2007, p. 4). De plus, la première institution postsecondaire consacrée aux Premières Nations a été mise en place par le Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue et le collège Dawson au Centre-du-Québec en 2011. Il s'agit de l'Institution postsecondaire des Premières Nations Kiuna qui offre une formation adaptée aux peuples autochtones et reconnue par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS).

13 Un point de la Loi sur les Indiens soulève le mécontentement. La Loi sur les Indiens s'applique

seulement aux membres des Premières Nations inscrits qui vivent dans les communautés (réserves). Selon cette politique fédérale, cette compétence en matière d'éducation ne s'étend pas aux étudiants « inscrits » des Premières Nations qui vivent hors réserve, ni aux étudiants métis ou aux étudiants « indiens non inscrits » qui ont accès aux mêmes programmes d'enseignement provinciaux que les autres résidents allochtones de la province (Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, 2006). Ainsi, des représentants des Premières Nations considèrent cette loi sur les Indiens comme injuste, car elle ne permet pas à tous les étudiants autochtones d'avoir accès

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MAADNC finance l'éducation des apprenants des Premières Nations aux niveaux primaire et secondaire, cette loi ne s'applique pas automatiquement au niveau postsecondaire14. De ce fait, rien dans la Loi sur les Indiens n'oblige ou ne limite une

contribution du gouvernement fédéral au niveau postsecondaire (Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, 2006). Cela dit, le MAADNC remet généralement aux Conseils de bande des communautés des sommes destinées à couvrir les frais de scolarité, les livres requis et une allocation mensuelle pour les étudiants postsecondaires suivant une série de critères d'admissibilité. Plusieurs organisations et représentants des Premières Nations considèrent les politiques fédérales de programmation du niveau postsecondaire comme étant discrétionnaires. Selon eux, puisque l'éducation est un droit ancestral et issu des traités15, l'éducation postsecondaire

devrait aussi faire partie de la Loi sur les Indiens, au même titre que l'éducation primaire et secondaire.

Il en résulte que plusieurs changements ont amélioré le système éducatif des Premières Nations au Québec : les membres des Premières Nations gèrent davantage leurs écoles; leur langue y est enseignée; les cours intègrent leur histoire et leur culture;

aux mêmes avantages facilitant leur cheminement scolaire, discriminant les étudiants non inscrits et ceux vivant hors réserve.

14 Concernant ce dernier niveau, il faut comprendre qu'il appartient à l'enseignement collégial et à

l'enseignement universitaire, incluant les études supérieures (Legendre, 2005).

15 « Les traités des dix-neuvième et vingtième siècles affirment explicitement que l'éducation est un droit

issu de traités et confirment la compétence des Premières Nations dans ce domaine. Ils font partie des droits inhérents et issus de traités qui sont reconnus par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 » (Assemblée des Premières Nations, 2010b).

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les enseignants autochtones ou ceux formés pour enseigner aux élèves et étudiants des Premières Nations se multiplient; et, enfin, des organismes autochtones de soutien se mobilisent autour de l'éducation.

1.2. La problématique de recherche

Cette deuxième partie dresse d'abord un portrait statistique de la situation de l'éducation des Premières Nations au Canada et au Québec. Par la suite, elle présente une recension des écrits touchant la problématique de l'éducation des Premières Nations au niveau postsecondaire. Enfin, elle termine par la problématisation, la pertinence scientifique et sociale.

1.2.1 Quelques statistiques sur la scolarisation des Premières Nations

Quarante ans après la parution de la Maîtrise indienne de l'éducation indienne (Fraternité des Indiens du Canada, 1972), les membres des Premières Nations revendiquent toujours la gouvernance de leur éducation. De plus, en dépit de la multiplication des écoles autochtones gérées par les Premières Nations, les statistiques démontrent la réussite scolaire difficile de ces peuples (Bourque, 2004). En effet, même si une hausse de la fréquentation scolaire se manifeste, les taux de scolarisation et de certification des membres des Premières Nations restent en dessous des moyennes canadiennes et québécoises (Conseil canadien sur l'apprentissage, 2006; MELS, 2009; ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada [MAADNC], 2008; Statistique Canada, 2006).

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Les données concernant l'éducation des membres des Premières Nations au Québec proviennent principalement de Statistique Canada, du MAADNC et du MELS16.

Ces indicateurs sont rigoureux, mais il faut considérer leur caractère globalisant; chaque communauté et Nation a ses particularités et il existe plusieurs différences entre elles (contextes géographique, économique, social, linguistique, culturel, historique, etc.). Au Canada, en 2006, près de la moitié des membres des Premières Nations ne possédaient pas de diplômes d'études secondaires, comparativement à près de 15 % chez les autres Canadiens (Kroes, 2008). Au Québec, tel qu'indiqué au Tableau 1, 46,3 % des membres des Premières Nations de plus de 15 ans ne possédaient pas de diplôme alors que ce taux se situait à 24,8 % chez les allochtones (Statistique Canada, 2006). En dépit des améliorations, l'écart entre ces deux populations se maintient.

16 II est à noter que le MELS (2009) demande une certaine prudence quant à l'interprétation de ces

données, car il se peut qu'un nombre d'étudiants des Premières Nations ne se soit pas déclaré systématiquement comme tel lors de l'inscription scolaire dans les collèges et universités.

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Tableau 1

Distribution de la population âgée de 15 ans et plus ayant déclaré être autochtone et distribution de la population non autochtone du Québec,

selon le plus haut niveau de scolarité atteint (MELS, 2009)17

Plus haut niveau de scolarité atteint (%)

Aucun certificat, diplôme ou grade

Diplôme d'études secondaires ou l'équivalent

Certificat ou diplôme d'apprenti ou d'une école de métiers Certificat ou diplôme d'un collège d'un cégep ou d'un autre établissement d'enseignement non universitaire

Certificat ou diplôme universitaire inférieur au baccalauréat

Certificat ou grade universitaire

Population Indien de l'Amérique du Nord 46,3 16,5 16,0 12,3 3,3 5,6 ayant une Métis 35,2 18,5 20,9 13,6 3,5 8,3 identité autochtone Inuit 63,4 13,2 15,0 4,9 1,3 2,2 Réponses multiples et autres 35,0 21,8 19,3 14,6 2,5 6,8 Population n'ayant pas d'identité autochtone 24,8 22,3 15,3 16,1 4,9 16,6

Au Québec, il est possible de remarquer que le taux de scolarité le plus bas chez les Premières Nations se situe au niveau des études universitaires. Dans les faits, 5,6 % de la population des Premières Nations possèdent un certificat ou grade universitaire

17 La catégorie « Diplôme d'études secondaires ou l'équivalent » comprend les diplômés des écoles

secondaires ou l'équivalent, mais ne comprend pas les personnes titulaires d'un certificat, d'un diplôme ou d'un grade postsecondaire (exemples d'établissements postsecondaires : collèges communautaires, instituts de technologies, cégeps, écoles de métiers privées, collèges commerciaux privés, écoles de sciences infirmières et universités). La catégorie « Certificat ou diplôme d'un collège d'un cégep ou d'un autre établissement d'enseignement non universitaire » remplace la catégorie « Autre certificat ou diplôme non universitaire » des recensements précédents. Cette catégorie comprend l'accréditation des établissements ne décernant aucun grade, comme les collèges communautaires, les collèges commerciaux privés et les instituts d'études techniques.

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contre 16,6 % de la population allochtone. Il s'agit d'un écart important de 11 % au niveau du plus haut diplôme atteint entre les Premières Nations et la population allochtone. Comme le souligne le Conseil canadien sur l'apprentissage (2006), l'écart considérable de scolarisation entre ces deux populations est presque entièrement attribuable au faible taux de participation des membres des Premières Nations aux études universitaires (voir Tableau 2). De plus, dans un rapport ultérieur, ce conseil indique que cet écart « est directement lié à l'écart important qui existe au chapitre de la réussite universitaire » (Conseil canadien sur l'apprentissage, 2010a, p. 61).

Tableau 2

Effectif à l'Université selon la citoyenneté déclarée, de l'automne 2001 à l'automne 2007 (MELS, 2009)

Statut légal 2001-2002 2002-2003 2003-2004 2004-2005 2005-2006 2006-2007 2007-2008 Aucun statut 1 261 1518 1 723 1 069 962 1 028 1 066 Citoyen 203 833 208 929 213 482 215 592 216 886 216 196 216 473 canadien Indien Autre Total 31 236 281 351 726 36 246 184 169 800 176 40 472 255 853 222 42 162 259 045 43 261 207 412 467 44 262 129 779 132 45 263 150 421 110

Un grand écart perdure entre les niveaux de scolarisation universitaire des populations allochtones et des populations autochtones du Québec. Il s'agit même d'un écart croissant qui se dessine puisque le nombre de personnes allochtones fréquentant les universités augmente un peu plus vite que le nombre de membres des Premières Nations

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(Kroes, 2008; Richards, 2011). La figure 1 permet de visualiser l'ampleur de cet écart au Canada.

Premières Premières Nations (dans Nations (hors

une réserve) réserve)

Métis Inuits Ensemble de Population non la population autochtone

autochtone

Figure 1. Pourcentage des adultes autochtones et non autochtones âgés de 25 à 64 ans

ayant mené à terme un programme universitaire, 2001 et 2006 (Statistique Canada, 2008).

Cette situation n'est pas seulement applicable au Québec et au Canada. La situation de l'éducation des peuples autochtones ailleurs dans le monde est similaire. En Australie et en Nouvelle-Zélande, les rapports montrent que les statistiques concernant la fréquentation d'étudiants autochtones aux études postsecondaires18 sont pratiquement

18 Au Québec, il y a un niveau d'études collégiales et un niveau universitaire. L'appellation

postsecondaire est fréquemment utilisée pour signifier ces deux niveaux d'étude (Legendre, 2005). Ce système de collèges, les Cégeps, est spécifique au Québec. Pour les autres provinces canadiennes et les États-Unis, le système prévoit le passage de l'école secondaire (High-school) directement au niveau postsecondaire. Dans ce système, il est alors généralement question de postsecondaire pour signifier les études universitaires. Il est alors important de prendre en compte cette différence, car plusieurs études

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similaires qu'au Canada (Malatest & Associés Ltd., 2002). Aux États-Unis, la population autochtone représente le groupe minoritaire le plus sous-représenté dans tous les niveaux de l'éducation (Adelman, Taylor & Nelson, 2010; Flore & Chaney, 1998).

1.2.2 Une recension des écrits sur l'éducation postsecondaire des Premières Nations

Malgré le grand écart de scolarisation entre les membres des Premières Nations et les personnes allochtones au niveau des études universitaires, peu de recherches s'y intéressent. En effet, la plupart d'entre elles enquêtent davantage au niveau des études secondaires (Aikenhead, 2001; Bazylak, 2002; Bergevin, 2009; Dragon, 2007; Gauthier, 2005; Presseau, Martineau & Bergevin, 2006). C'est d'ailleurs à ce niveau d'étude que se trouve la majorité des décrocheurs (MELS, 2009). Par ailleurs, les recherches portant sur les études postsecondaires font souvent une lecture en négative de la réalité, analysant pour la majorité les facteurs influençant la faible scolarisation des étudiants des Premières Nations (tableau 3). Le tableau 3 dresse un portrait non exhaustif de ces principaux facteurs selon quatre catégories : financière; personnelle et interpersonnelle; éducationnelle et institutionnelle; et culturelle. Ces recherches s'inscrivent dans plusieurs contextes différents et utilisent des méthodes de recherche variées. Selon ces études, les multiples facteurs relevés dans le parcours scolaire des étudiants des Premières Nations entravent leur route vers les études postsecondaires et, ainsi,

au niveau postsecondaire réalisées ailleurs qu'au Québec (donc excluant le niveau collégial) serviront lors de cette recherche.

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caractérisent les étudiants des Premières Nations comme ayant un haut risque de décrochage.

Tableau 3

Tableau-synthèse des principaux facteurs étudiés influençant négativement le cheminement postsecondaire des étudiants Premières Nations dans la littérature

Catégories Facteurs de décrochage scolaire

Financière Difficultés financières/économiques;

Disponibilité/accessibilité aux bourses et subventions; Coût élevé des responsabilités familiales.

Personnelle et interpersonnelle

Problèmes personnels (confiance en-soi, estime de soi, motivation, détermination, stress, anxiété, angoisse, détresse, etc.);

Attentes et aspirations personnelles et familiales faibles; Manque d'aptitudes personnelles et intellectuelles; Préparation académique inadéquate;

Solitude, isolement géographique; Responsabilités familiales élevées;

Certaines caractéristiques sociodémographiques (âge, etc.). Éducationnelle et

institutionnelle

Manque d'infrastructure et d'hébergement (garderie, etc.); Problèmes de transition, d'adaptation et d'intégration scolaires; Résultats scolaires insuffisants.

Culturelle Insensibilité institutionnelle et culturelle (programme, admission, évaluation, langue, etc.);

Discrimination, racisme et assimilation; Choc culturel;

Désintérêt;

Perception négative et assimilatrice de l'éducation.

Références : Aragon, 2002; Assemblée des Premières Nations, 2010b; Bell, Anderson, Fortin, Ottman, Rose, Simard & al., 2004; Castellano & al., 2000; Conseil canadien sur l'apprentissage, 2009; Conseil des ministres de l'Éducation, 2009, 2010; Conseil national du bien-être social, 2007; Holmes, 2006; Kroes, 2008; Kruger, 1995; Larimore, 2005; Larimore & McClellan, 2005; Lavoie, 2001; Lickers, 2003; Malatest & Associés Ltd., 2002; McMullen & Rohrbach, 2003; Mendelson, 2006; Montgomery, Minville, Winterowd, Jeffries & Baysden, 2000; Sloane-Seale, 2003; Smith-Mohamed, 1998; Timmons, 2009; Tunison, 2007; Usher, 2009; Wotherspoon & Schissel, 1998.

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Malgré la rigueur de ces études descriptives, les variables étudiées n'expliquent qu'en partie les taux de diplomation universitaire des membres des Premières Nations relativement bas comparativement à la population en général. En effet, les études factorielles permettent d'enrichir le tableau descriptif de la situation du décrochage scolaire et de mieux l'appréhender sociohistoriquement. Cependant, elles ne permettent pas de saisir en profondeur le phénomène, d'une part, parce qu'elles ne considèrent pas les multiples combinaisons de facteurs composant la situation d'un étudiant et, d'autre part, parce qu'elles ne laissent pas de place à l'individu en tant que personne raisonnée faisant des choix et ayant une influence sur sa propre destinée. Par ailleurs, le fait de ne pas avoir de barrière dans son parcours scolaire ne garantit pas nécessairement la réussite de tous. Comme l'indique Gauthier (2005), les études factorielles « n'arrivent pas à considérer l'acteur en place comme un véritable sujet, parfois rationnel et intentionnel, mais parfois aussi émotionnel et irréfléchi, doté certes d'une réelle marge de liberté, mais qui demeure avant tout un sujet historique, et agissant sous les contraintes d'un contexte social donné » (p. 71). Pour parvenir à comprendre davantage cette situation problématique, il faut donc l'appréhender d'une façon plus comprehensive en laissant place aux acteurs concernés, les persévérants de l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) membres des Premières Nations, car ce sont eux qui permettront de comprendre pourquoi certains étudiants persévèrent et réussissent malgré les multiples facteurs de décrochage scolaire qui s'alignent devant leur cheminement scolaire. À cet effet, il est étonnant de constater que peu de recherches se penchent sur l'expérience scolaire de ces persévérants. Il est alors intéressant d'étudier cette

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population, les persévérants universitaires, et de se questionner sur ce qui pousse ces étudiants à poursuivre leurs études supérieures en tentant de comprendre davantage leur expérience scolaire. Ces étudiants universitaires peuvent fournir des informations sur le processus de persévérance scolaire qui s'inscrit à l'intérieur de leur expérience scolaire. La réussite de ces étudiants autochtones qui persévèrent au niveau universitaire est caractérisée de paradoxale ou d'exceptionnelle et de statistiquement atypique (Rochex, 1995) en raison des faibles chances de réussite d'un point de vue statistique et des nombreux facteurs qui nuisent à leur persévérance scolaire (tableau 3).

1.2.3 La problématisation de recherche

La pertinence scientifique de comprendre davantage l'expérience scolaire de persévérants universitaires des Premières Nations se comprend de trois façons. Premièrement, puisque la majorité des études portant sur la réussite universitaire des Premières Nations est de type quantitatif descriptif, il est pertinent de mieux comprendre leur réalité scolaire souvent complexe par une étude qualitative/interprétative (Wotherspoon & Schissel, 1998). La recherche de Presseau et al. (2006) souligne l'importance que de prochaines recherches se penchent sur l'étude de cas de persévérants autochtones pour une analyse en profondeur de leurs trajectoires. Deuxièmement, l'étude des persévérants autochtones est novatrice, car la majorité des recherches se tournent vers les décrocheurs. Le rapport Jeunes autochtones du Canada (Kroes, 2008) confirme l'importance de cette problématique en concluant que les futures orientations de la recherche devraient analyser ce qui motive les jeunes inscrits dans des

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institutions postsecondaires, leurs plans d'avenir et les raisons de la poursuite de leurs études. Troisièmement, d'un point de vue géographique, il serait tout indiqué pour le Québec de mieux comprendre ces jeunes qui tracent leur place dans le réseau universitaire francophone québécois, car peu de recherches ont été faites dans ce contexte culturel et institutionnel, la majorité d'entre elles se situant davantage dans les milieux anglo-saxons.

La pertinence sociale d'une recherche portant sur l'expérience scolaire de persévérants universitaires autochtones est tout aussi importante. La population autochtone du Canada est relativement jeune comparativement à la population allochtone et elle est d'ailleurs en pleine croissance (Statistique Canada, 2006). En 2006, l'âge médian des membres des Premières Nations était de 25 ans, comparativement à 40 ans pour les allochtones (Statistiques Canada, 2006). Au Canada, la population des Premières Nations a augmenté de 29 % entre 1996 et 2006, soit 3,5 fois (8 %) plus rapidement que la population allochtone (Statistique Canada, 2006). Au Québec, entre 2001 et 2006, la population des Premières Nations a augmenté de 8,5 %, comparativement à 4,3 % pour l'ensemble du Québec (MELS, 2009). Dans la population totale du Canada, la proportion de moins de 15 ans est de 17,7 %, un des taux les plus bas de l'histoire. Chez la population autochtone, elle représente près de 30 % (Statistique Canada, 2006). Par conséquent, avec le temps, il y aura davantage d'étudiants autochtones au niveau universitaire. Leur réussite scolaire doit être soutenue par des mesures et des initiatives adaptées à cette population spécifique.

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D'autant plus que les marchés de l'économie et de l'emploi19 canadiens sont plus

que jamais tournés vers le savoir. Dans ce contexte économique, la majorité (plus de 70 %) des emplois au Canada exige un niveau d'étude postsecondaire (Rapport de la vérificatrice générale du Canada à la chambre des communes, 2004). Selon Pérusse (2007), les personnes autochtones et allochtones qui ont un niveau de scolarité plus élevé ont un taux d'emploi supérieur à ceux qui n'ont pas de diplôme postsecondaire. Ainsi, l'éducation constitue un élément essentiel pour améliorer le contexte socioeconomique et la cohésion sociale des membres des Premières Nations (Ciceri & Scott, 2006; Rapport de la vérificatrice générale du Canada à la chambre des communes, 2004). Le degré d'instruction est un facteur déterminant de l'emploi des populations autochtones (Ciceri & Scott, 2006).

À l'intérieur de cette étude, les facteurs de décrochage scolaire relevés dans la littérature sont remis dans leur contexte afin de rappeler que les expériences de vie sont évolutives, complexes et multifactorielles (Gauthier, 2005; Sloane-Seale, 2003; Wotherspoon & Schissel, 1998) et que les acteurs ont aussi une part de conscience et de subjectivité dans le choix de leurs actions (Dubet, 1994a; Dubet & Martuccelli, 1996a, 1998). Ainsi, dans une posture de recherche comprehensive, la recherche envisage la personne en tant qu'acteur et elle est au centre de la recherche. En effet, comme il sera

19 Plusieurs recherches (Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord,

2006; Conseil national du bien-être social, 2007; Kroes, 2008; Rapport de la vérificatrice générale du Canada à la chambre des communes, 2004; Usher, 2009; Wotherspoon & Schissel, 1998) affirment que les membres des Premières Nations pourraient soutenir une partie de la crise de la main d'œuvre canadienne par leur importante jeunesse. Pour s'y faire, il faut assurer un meilleur taux de scolarisation des membres des Premières Nations et cela passe par une compréhension accrue de leur réalité scolaire.

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possible de le constater dans le chapitre suivant, le cadre théorique des recherches compréhensives se penche généralement sur les théories de l'action. Selon Charmillot et Dayer (2007), « ces orientations théoriques permettent de comprendre les actions individuelles à la lumière de l'activité collective » (p. 133).

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aborde les concepts de l'acteur et de son expérience scolaire. Enfin, il termine sur la théorie de l'action choisie qui permettra d'appréhender l'expérience scolaire du point de vue de la population concernée. Au terme, une schématisation des choix théoriques est présentée à partir de ces balises. L'utilisation du cadre élaboré permettra de comprendre davantage l'expérience scolaire des persévérants universitaires des Premières Nations.

2.1 L'acteur persévérant et son expérience scolaire

Les acteurs concernés par cette recherche sont des étudiants universitaires des Premières Nations en voie d'obtenir leur diplôme universitaire. Il s'agit de persévérants, car ces étudiants ont eu à passer à travers un processus de persévérance pour parvenir à cette étape dans leurs études. De cette façon, il est important de saisir le concept de la persévérance scolaire. Son appropriation facilitera par la suite la compréhension de l'expérience scolaire des étudiants persévérants des Premières Nations et permettra de délimiter le choix des participants à l'étude.

2.1.1 Le cadre conceptuel

Le concept de la persévérance scolaire est nommé par différentes appellations : persistance, rétention, maintien des effectifs, etc. Selon Legendre (2005), la

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persévérance scolaire est le « maintien plus ou moins grand, au fil des années, des effectifs scolaires admis dans le système d'éducation ou engagés dans un cycle ou un programme d'études, à une année donnée ou à un âge donné » (p. 1032). De cela, il est possible d'affirmer que pour se rendre aux études universitaires, les étudiants doivent nécessairement persévérer. Sauvé, Debeurme, Fournier, Fontaine et Wright (2006) vont plus loin en considérant la persévérance scolaire comme étant la poursuite continuelle d'un étudiant dans un programme l'amenant à sa complétude et à l'obtention du diplôme. Ainsi, l'obtention du diplôme est la résultante de la persévérance scolaire. Les paragraphes suivants présentent globalement les trois grandes approches du concept de la persévérance scolaire au niveau universitaire.

L'approche psychologique est la première approche utilisée pour comprendre le concept de persévérance scolaire au niveau universitaire. Cette approche se centre sur l'étudiant et ses caractéristiques psychologiques (p. ex. : le niveau de rébellion par rapport à l'autorité) pour expliquer la persévérance scolaire. La persévérance en revient donc exclusivement à l'étudiant, et ainsi, la réussite scolaire dépend essentiellement des caractéristiques psychologiques et des traits de personnalité de l'étudiant. Les auteurs de l'approche psychologique sont entre autres : Bandura (1997), Bean et Eaton (2000), Boshier (1973), Fishbein et Ajzen (1975), Hanson et Taylor (1970), Heilbrun (1965), Lazarus, Averill et Opton (1974), Marks (1967), Rose et Elton (1966), Rossman et Kirk (1970), Waterman et Waterman (1972) et Weiner (1986).

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La seconde approche théorique est celle des théories environnementales incluant les approches sociales, organisationnelles et économiques. De façon générale, les théories environnementales étudient les impacts de l'environnement de l'étudiant sur son comportement et sa décision de poursuivre ou non ses études. Plus précisément, l'approche sociale se penche sur l'impact des phénomènes de société sur la persévérance scolaire. Selon cette approche, l'origine sociale (classe sociale, héritage socioculturel, socialisation, etc.) des étudiants influence leur persévérance scolaire en favorisant certains individus comparativement à d'autres n'ayant pas l'héritage culturel et social nécessaire pour réussir. De son côté, l'approche organisationnelle étudie l'impact des caractéristiques de l'établissement scolaire sur la persévérance scolaire des étudiants. Les caractéristiques des établissements scolaires, comme la culture organisationnelle, sont alors les facteurs centraux expliquant la persévérance scolaire par leur degré de compatibilité avec les étudiants. Finalement, l'approche économique explique la persévérance scolaire par deux variables. Il y a le rapport coûts/bénéfices stipulant que l'étudiant va persévérer s'il est conscient que les bénéfices engendrés par sa scolarisation sont plus grands que les efforts qu'il a à fournir pour réussir. Il y a aussi la variable qui s'intéresse aux ressources financières des étudiants (Mueller, 2007). Si elles sont suffisantes, elles influencent positivement la persévérance scolaire. Berger (2000), Bourdieu (1973), Karabel (1972), Pascarella et Terenzini (1980), Pincus (1980) et Spady (1970) sont quelques tenants de l'approche environnementale.

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La dernière approche appelée sociointeractionnelle a été conçue afin de dépasser les limites des approches précédentes qui ne laissent pas de place, dans un même modèle, à tous les facteurs internes et externes qui influencent la persévérance scolaire des étudiants (Pariât, 2008). Cette approche met en relation les caractéristiques des étudiants et leur environnement. Ainsi, le contexte entourant l'étudiant a son importance de même que les relations sociales qu'il établit. L'approche sociointeractionnelle a deux modèles traditionnels, celui de Tinto (1975, 1993, 1997), le Modèle longitudinal du

départ institutionnel et celui de Bean (1983), le Modèle de Vattrition étudiante. Pariât

(2008) caractérise ces deux modèles comme des incontournables vu leur capacité à fournir un aperçu global du processus de persévérance scolaire à l'Université. Certains auteurs majeurs ont également contribué au développement de l'approche sociointeractionnelle : Rootman (1972), Spady (1970), Van Gennep (1960), etc. Avec le temps, d'autres modèles ont été élaborés afin de rejoindre les nouvelles réalités sociales. En effet, les facteurs relevés antérieurement tels que l'intégration sociale et scolaire n'ont plus autant d'influence sur la persévérance scolaire chez la communauté étudiante désormais éclatée et disparate. Par exemple, des recherches montrent que la majorité des étudiants qui vivent hors campus et qui sont plus vieux que les étudiants dits traditionnels20 n'accordent pas la même importance à leur intégration sociale (Andres &

Carpenter, 1997; Benjamin, 1994; Benjamin & Hollongs, 1995; Cabrera, Nora & Castaneda, 1993; Ethington, 1990; Metzer & Bean, 1987). De plus, des auteurs ont

20 Par traditionnel, il faut comprendre des étudiants de « race blanche, de classe moyenne vivant sur le

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démontré que dépendamment du type de minorité ethnique dans lequel l'étudiant se situe, sa persévérance et sa réussite scolaires en sont affectées (Fordham & Ogbu, 1986; Ogbu & Simons, 1998; Pavlenko & Blackledge, 2004; Pavlenko & Norton, 2003). Suite à cela, des auteurs tels que Cabrera, Nora et Castaneda (1993), Benjamin (1994) et Sandier (2000) ont élaboré de nouveaux modèles de persévérance scolaire au niveau postsecondaire davantage adaptés à la réalité actuelle qui se caractérisent par la singularisation croissante des trajectoires individuelles et par les multiples formes d'institutions et de programmes universitaires (Andres & Carpenter, 1997; Martuccelli, 2009).

En définitive, toutes ces approches visent un même objectif, celui de comprendre l'influence de facteurs qui affectent la persévérance scolaire des étudiants au niveau postsecondaire. Néanmoins, c'est l'approche sociointeractionnelle qui semble la plus appropriée dans le cadre de cette recherche pour comprendre l'expérience scolaire de la population étudiée dans la mesure où elle inclut la majorité des facteurs de décrochage scolaire chez les étudiants universitaires des Premières Nations relevés dans la littérature. De plus, elle est davantage flexible à cette population par le fait qu'elle est applicable à plusieurs types d'étudiants et d'établissements scolaires, et ce, même si ce modèle n'a pas été créé spécifiquement dans un contexte autochtone et pour les étudiants autochtones. Cela dit, cette approche théorique ne permet pas de répondre à nos objectifs de compréhension, car elle cherche davantage des facteurs de persévérance scolaire. En effet, elle laisse peu de place à l'acteur en tant que maître de ses actions en l'introduisant

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catégoriquement dans un modèle qui est fermé à sa subjectivité et à sa réflexion. Ainsi, l'approche sociointeractionnelle est utile pour définir le choix des participants, mais il faut une approche qui laisse plus de place aux acteurs pour comprendre le sens qu'ils donnent à leur expérience.

2.1.2 L'acteur et son expérience

Dans cet ordre d'idées, les étudiants des Premières Nations qui ont persévéré jusqu'à l'Université tiennent une place importante à l'intérieur de cette recherche, car ce sont eux les mieux placés pour comprendre leur expérience scolaire et qui détiennent la connaissance. En effet, puisque le sujet est la source de la production et de l'interprétation de sa vie sociale, il est nécessaire qu'il devienne l'assise de l'analyse. Ainsi, cette recherche porte un regard microsociologique dans la mesure où le sujet, nommé l'acteur, est reconnu pour ses capacités reflexives. Giddens (1987), dans sa théorie de la structuration, expose cette réflexivité en rappelant qu' « une personne est un agent qui se donne des buts, qui a des raisons de faire ce qu'il fait et qui est capable, selon qu'on le lui demande, d'exprimer ces raisons de façon discursive » (p. 51). Cette résurgence de l'acteur et de sa subjectivité se retrouve dans les écrits précurseurs de Weber (1947) qui avait une approche sociologique comprehensive reconnaissant le sens subjectif des conduites des acteurs dans le fondement de l'action sociale. D'ailleurs, la thèse de la résurgence du pouvoir de l'acteur se retrouve également chez Boudon (1973), Elias (1991), Goffman (1973) et Touraine (1984, 1978). Pour Boudon (1989), «il en résulte qu'un moment essentiel de toute théorie sociologique consiste à retrouver le sens

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des actions dont le produit constitue le phénomène à expliquer » (p. 59). Ainsi, la compréhension de l'action sociale revient au sens visé dans l'activité individuelle; elle passe par le sujet et se fonde sur lui (Piotte, 1999).

Selon Charmillot et Dayer (2007), le cadre théorique de ce type de recherche se penche généralement sur les théories de l'action. Ces théories sont nées en réaction aux approches plus macrosociologiques telles que le fonctionnalisme, le structuralisme ou le conflictualisme qui insistent sur la primauté du tout social sur les sujets humains qui ne sont que constitutifs (Giddens, 1987). Elles reprochent à ces théories de ne pas laisser de place à l'acteur dans le choix de ses actions et ainsi d'oublier sa part d'autonomie d'action par la trop grande place donnée aux déterminismes sociaux. En effet, selon les théories plus macrosociologiques, les individus sont soumis à des déterminismes sociaux externes (normes, statut, classe sociale, etc.) qui conditionnent et articulent leurs actions. Ces pressions externes déterminent ainsi en amont les conduites des individus et permettent entre autres de garder le fonctionnement et la structure de la société. Plusieurs auteurs critiquent ce scheme de pensée (Berthelot, 1983; Cacouault & Oeuvrard, 2009; Coulon, 1988). Lahire (1998) soutient que pour avoir affaire à un acteur porteur de schemes homogènes et cohérents issus de déterminismes comme le laissent entendre les théories macrosociologiques, il faudrait des conditions sociales tout à fait particulières de même que des situations semblables dans le temps si exceptionnelles qu'elles sont impossibles à avoir. Manigrand (1993) ajoute que, sans nier l'importance de certains déterminismes sociaux, l'utilisation mécaniste de ces déterministes est trop

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réductrice et ne permet pas de prendre en compte les actions individuelles. Cela va dans le même sens que Schurmans (2003) qui admet que « si les déterminismes existent -biologiques, environnementaux, historiques, culturels, sociaux-, ils ne suffisent pas à la saisie des phénomènes sociohumains. Car ils ne permettent pas d'aborder le travail constant de production de sens qui caractérise notre humanité » (p. 57). Rochex (2000) critique également ces approches déterministes par le fait qu'elles reposent sur une hypothèse de causalité univoque et linéaire et qu'elles sont généralisantes dans le sens où tous les milieux seraient homogènes. Enfin, les données empiriques donnent raison aux théories de l'action et dévoilent aujourd'hui l'existence d'une distance entre les comportements réels et les actions des acteurs et leurs statuts sociaux (Barrère & Sembel, 2005).

Ainsi, sans se positionner en opposition aux approches macrosociologiques, les théories de l'action ne s'en remettent pas qu'aux déterminismes pour expliquer les actions. Elles laissent une place à la réflexivité des acteurs. Suivant cela, plusieurs raisons justifient le choix des théories de l'action à l'intérieur de cette recherche. D'abord, étant donné la grande mouvance sociale actuelle, les parcours individuels ne cessent de se singulariser et de se diversifier (Durand & Weil, 2006). D'ailleurs, ce mouvement a tendance à s'autonomiser en partie des positions sociales et, par le fait même, des déterminismes sociaux (Charmillot & Dayer, 2007; Martuccelli, 2009; Piotte, 1999). Dans le domaine de l'éducation, Cacouault et Oeuvrard (2009) soutiennent que « le développement des travaux microsociologiques est justifié tant par les

Figure

Figure 1. Pourcentage des adultes autochtones et non autochtones âgés de 25 à 64 ans ayant mené à terme un programme universitaire, 2001 et 2006 (Statistique Canada, 2008).
Figure 2. Schématisation de l'expérience scolaire.
Figure 3. Schématisation des thèmes et sous-thèmes de la recherche en fonction des ancrages théoriques.
Figure 4. Modèle holistique d'apprentissage tout au long de la vie des Premières Nations (Conseil canadien sur l'apprentissage, 2010b).

Références

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