QUEL EST LE PROFIL DE L’ÉLÈVE DE COLLÈGE
À L’AUBE DU 3
eMILLÉNAIRE VU
PAR LE PROFESSEUR DE SCIENCES PHYSIQUES ?
Denise BENGUIGUI
APISP (Association des Professeurs d’Initiation aux Sciences Physiques)
MOTS-CLÉS : PROFIL DE L’ÉLÈVE - CHANGEMENT DE COMPORTEMENT
RÉSUMÉ : Grâce à un sondage, nous avons voulu essayer d’établir un portrait « standard » de
l’élève (celui que nous avons dans nos classes en Sciences Physiques au collège), de réagir aux remarques, si souvent entendues, voire lues, faites par les collègues, les parents et « les autres » : « Les élèves changent si vite que nous sommes déconcertés, déçus par leurs comportements, leurs attitudes… ». S’agit-il d’une évolution normale, remarquée de tout temps ou s’accélère-t-elle et signe la nécessité d’un remaniement profond de notre enseignement ?
SUMMARY : We try to draw a “standard” description of the present pupil, the one we have in our
physics classes and to react to the remarks, so often heard if not read, made by colleagues, parents and the “others” : “Pupils change so quickly that we are disconcerted indeed disappointed by their comportments, their attitudes… ” Is it a normal evolution, (usually) noticed or does this evolution go faster and means the necessity of a deep revising of our teaching ?
1. INTRODUCTION
Ce sondage a été proposé aux collègues participant aux journées de l’APISP (Association des Professeurs d’Initiation aux Sciences Physiques) en Novembre 2000. Les résultats ont été établis en faisant la moyenne des scores obtenus à chaque question.
Ce problème nous préoccupe tous. N’est-il pas impératif de « cibler » au mieux notre public, de prévoir et de gérer tout changement inhérent à ce public ? Au-delà du constat, les réponses devraient pouvoir nous aider à établir un « état des lieux » et à réagir …
2. RÉSULTATS
Les moyennes ont été établies à partir de 250 réponses.
2.1 Depuis combien d’années enseignez-vous au Collège ?
Pour 50% de 1 à 15 ans – pour 50% de 15 à 30 ans.
2.2 Depuis combien d’années avez-vous constaté un réel changement dans le comportement général des élèves ? 1 an – 2 ans – 3 ans…
En moyenne depuis 4 ans pour 98%.
2.3 Quels sont les éléments marquants de ce changement de comportement, est-ce surtout un manque de
ATTENTION (1) TRAVAIL PERSONNEL (2)
MOTIVATION (3) COMPRÉHENSION LIÉE A L’ABSTRACTION (4)
2.4 Quels sont les facteurs qui ont pu induire ces changements ?
L’hétérogénéité des classes 4
Effectifs trop lourds -à absence presque totale d’expérimentation
« élève » 2
Désaffectation pour les Sciences Physiques (trop difficiles) 7
Démission des parents 3
Handicaps liés à la différence du milieu socio-culturel 5
Dévalorisation du travail 1
Insuffisance de la formation méthodologique des élèves 6 Attrait et priorité donnés aux nouvelles technologies 9 Le cours n’est plus l’unique médiation entre les élèves et le savoir 8
2.5 Vous semble-t-il que la « considération » accordée au Maître est moins grande actuellement qu’il y a quelques années ?
OUI NON
2/3 des collègues répondent OUI Cette considération est-elle liée :
Au milieu socio-culturel des élèves 2
A la discipline enseignée 4
Au charisme de l’enseignant 1
Son rayonnement pédagogique (méthodes innovantes) 3
Son âge 7
À sa compétence face aux contenus 5
À sa culture générale 6
2.6 Pensez-vous que globalement les attitudes des élèves face à l’expérience ont changé :
OUI NON
3 fois plus de collègues répondent OUI
- Quand l’expérience est faite par le professeur ont-ils plutôt une attitude
PASSIVE 1
CRITIQUE 3
PASSIONNÉE 4
ACTIVE (de nombreuses questions pertinentes) 2
DISPERSÉE, DESORDONNÉE, « CHAHUTANTE » 5
- Quand l’expérience est faite par les élève (quand les conditions le permettent) font-ils plutôt preuve
D’UNE RECHERCHE ACTIVE 1
D’UN ESPRIT DE RÉUSSITE 2
DE COMPÉTITION 3
DE PASSIVITÉ 5
D’OPPOSITION (je ne comprends pas les consignes) 4
2.7 L’ambiance du cours de Sciences Physiques est-elle le plus souvent
VIVANTE, BONNE PARTICIPATION 1
MONOTONE (les élèves assistent) 2
AGITÉE, BRUYANTE, VIOLENTE 3
(bavardages, matériel dégradé, violence verbale et physique) À préciser
2.8 L’élève de collège, d’après vous, a-t-il changé ces dernières années ? Donnez des exemples pour argumenter votre réponse.
3. COMMENTAIRES
3.1 Il y a une bonne répartition de l’âge des collègues
3.2 Presque tous les collègues remarquent un changement notoire du comportement des élèves depuis en moyenne 4 ans.
Quelques-uns constatent un changement plus progressif que radical.
Un(e) collègue précise : « J’ai changé aussi, difficile de savoir qui change ».
Un(e) autre déclare : « Les élèves sont plus vifs et leur diversité apparaît davantage ».
3.3 L’ensemble des collègues dénoncent la dévalorisation du travail et précisent
- « Je note le refus de tout travail personnel : 10% des élèves seulement étudient leur leçon. Pour la plupart ils n’ouvrent pas leur classeur pendant la semaine ».
- « Les élèves pensent que c’est déjà bien d’avoir fait le travail, quelle qu’en soit la qualité : ils ont produit et rendu le travail, s’offusquent d’une éventuelle note faible ».
3.4 Unanimement la diminution d'attention est remarquée
- « Les élèves sont peu attentifs, pour maintenir leur attention pendant 55mn, il faut varier les activités : vidéo, expérience, exercices..., l'élève de l'an 2000 a besoin de zapper ».
- « Ils "n'entendent plus" les consignes : il nous faut apporter plus d'attention au respect du matériel et plus de précision pour donner les consignes qu'il y a quelques années ».
- « Ce qui est le plus manifeste, c'est au niveau des consignes données pour réaliser une expérience : de plus en plus d'élèves ne font plus l'effort de lire 3 lignes de consignes pour découvrir le mode opératoire, est-ce dû à la paresse, à plus de difficultés de compréhension ou plutôt à un défaut d'attention ? »
- « La capacité d'écoute ne dure pas plus de 55 mn, ils ont des difficultés pour se concentrer sur un même sujet, une même activité ».
3.5 Le comportement a changé (dans le plus grand nombre de réponses)
- « Ils ne savent plus demander la parole avant d'intervenir ».
- « Le temps passé pendant le cours à faire de la discipline, à attendre que tout le monde se taise pour parler, à exiger qu'ils lèvent le doigt pour prendre la parole, devient de plus en plus long ».
- « Ils refusent la discipline, passent beaucoup de temps à discuter, à revendiquer, à détendre leurs droits et à essayer aussi de diminuer le temps où ils sont enseignés ».
- « Ils nous manquent facilement de respect, ont un comportement passif par rapport au travail scolaire ».
- « À propos de la violence, un(e) collègue mentionne une agressivité accrue entre les élèves ». - « L'élève est plus un consommateur passif, un spectateur : il est moins curieux ».
- « Le contrat scolaire - la note - est plus important en particulier pour les élèves de 3e, aussi note-t-on moins de spontanéité et d'envie de découvrir ».
Cependant, la plupart des collègues mentionnent que lorsque l'expérience est faite par les élèves, ces derniers font preuve d’une recherche active et manifestent un esprit de réussite. L’ambiance du cours des sciences physiques est agréable, vivante, avec une bonne participation, peu d’élèves se montrent alors passifs, agités ou violents.
3.6 En référant aux réponses données par les collègues et à leurs commentaires, on peut se demander si les changements constatés chez les élèves
depuis ces dernières années ne sont pas liés :
- à un contexte social dans lequel le travail est peu valorisé avec des parents qui démissionnent (dans le sondage cet aspect a été plusieurs fois évoqué) ;
- à une absence de moyens spécifiques pour aider les enseignants à mieux gérer ces changements avec des effectifs trop lourds et des classes trop hétérogènes ;
- au peu d’importance donnée à l’enseignement scientifique dans le cursus scolaire ; - à la rapidité des mutations de leur environnement : la dislocation fréquente de la famille, manque de repères, à l’impact de la diffusion fragmentée, immédiate, « touche à tout » des savoirs par les médias.
4. CONCLUSION
L’élève change, il a toujours changé mais le malaise naît de l’accélération de ce changement. On a le sentiment qu’il existe un décalage de plus en plus grand entre les attentes des professeurs et celles des élèves. À terme une telle inéquation crée un risque d’incompréhension réciproque qui devient une source de conflits.
Quelles solutions trouver face à ce constat ?
- Peut-on changer les élèves et les « instruire » malgré eux ? - Peut-on changer radicalement méthodes et contenus ?
- Peut-on changer le métier d’enseignant et comment ? [On peut citer une étude publiée par la Documentation Française, intitulée « le nouveau métier d’enseignant » paru en Octobre 2000.
- Peut-on s’enliser dans le malaise des enseignants face à un public qui leur échappe, sans saisir toute occasion d’y réfléchir ?
Autant de questions qui nous interpellent et nous invitent à la discussion.
5. DISCUSSION
De nombreux témoignages concourent à étayer les résultats du sondage : les élèves changent. Leurs comportements aussi sont parfois inattendus. Une collègue évoque le cas de ses élèves de B.T.S. qui ont des longues séances de T.P. au cours desquelles un climat de confiance s’installe, les élèves lui demandent bien davantage que le cours, ils se confient, veulent que ce dernier partage leurs soucis
d’adolescents. Pour cette collègue, ce rôle de « maternage » est nouveau. Une autre collègue souligne : « Très nouveau, pour le professeur d’être confondu avec l’assistante sociale, voire avec les parents ». Une autre collègue souligne « le zapping endémique » constaté chez les jeunes. Quant à la forme et au fond du questionnaire, il a été remarqué qu’il a induit certaines réponses. J’en suis consciente et m’inscris en néophyte sans ce domaine.
Cependant, j’espère que ces résultats peuvent aider certains collègues à mieux gérer le changement, à le prévenir, à envisager des solutions, à prendre conscience qu’ils ne sont pas seuls à supporter les comportements d’élèves inattendus et à admettre que le métier d’enseignant change pour mieux répondre aux attentes des élèves et aux besoins de la société.
