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Contribution à une problématique de l'ontologie sociale phénoménologique à partir de Husserl

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(1)

U.F.R.

OB PHILOSOPHIE

CONTRIBUTION A UNE PROBLEMATIQUE

DE L'ONTOLOGŒ

SOCIALE

PHENOMENOLOGIQUE

A PARTIR DE

HUSSERL

THESE DE DOCI'ORAT NOUVEAU RF";IME DE L'UNIVERSITE DE POITIERS

présentée par

Lazare

KI-ZERBO

sous la d.il'ection de

Monsieur le ProfesseurJettH ..Fftmçoir; COURTINE

D:itecteur des Archives Husserl de Paris

(2)
(3)

Je tiens à remercier tout d'al:Jord le CNRS de m'avoir accordé pendant trois ans une bourse de Oo.cteur .. Jngénieur, qui m'a donné toutela latitude nécessairepour travailler au sein de l'URA 106 (Archives-Husserl de Paris à rue D'Ulm). Ma gratitude va donc au Professeur CoW'tine qui a soutenv ma candidature et à lsabmle Courtois et Françoisë JCiu,Zerboqui se sont occupées de mondossieren mon absence.

Comme je l'avoue dans les pages qui suivent, les discussions constantes avecmesamis (Souley, Sam, Philippe, François, Antoine ... ) ont soulevé des préoccupations théoriques et

politiques

sous"jacentesà

ce

travail: qu'Us soient remerciés pour ... l'âpreté au débat, le rejet brutal de la phénoménologie, la sympathiejamaisdémentie.

Lesdiscussionsanimées sur le fédéralisme m'ont également stimulé,par exemple la référence constante et énigmatique de certains de mes 'camaradespanafricanislesau"pratico-inerte" ...

Jeremercieégalement mes familles adoptives en Fra11cepour leur hospitalité: M. et Mme Postel-Vinay, M. et Mme I<adiyogo, M. et Mme Fumoux,M. et Mme Monneret, Mlle Nelly Forget.Armand et Rachel, merci également de m'avoir accuellià Lille lors demon séjour d'études surB. Duquesne

et

E. Kane.

Merci aussi à Suzie pour sadisponibilitélors la saisie du texte, t à Olivia pour l'impression. J'adresse un hommage particulier à Edith

w1mmeret, dont le n·avail ''parcellaire11

mais inestimable, et les encouragements, ont permis de réduire le nombre decoquilles défauts divers de présentation.

Bienentendu, ce travail n•auraitpas été possible sansla présence, l'aide, l'exemple vivantdetous lès membresde mafamille.

(4)

Il n'est pas aisé d'introduire un travail dont la genèse remonte à ·une dizaine d'années, et dont la matière se compose d'une multiplicité âe sous-thèmes padois très hétérogènes. Après avoir donné les raisons personnelles qui ont motivé cette thèse sur une

Contributlorz

à

la

probUmatique

de l'ontologie

sociale

chez Husserl,

nous entrerons déjà

danslevif du sujetenfatsa.ntquelques remarques=cFôrdregénéral sur la l'arithmétique et l'ontologie sociale.

1.:

GENESE

A). L'enthousiasme originel

Il

y

a une dizaine d'arméesquenotre professeur de philosophie en classe ternùnale C du Prytanée nùlitaire Charles N'Tchoréré de S1.int-Louis au t;énégal (1982·1983) nous parlait de Merleau-Ponty et de Jean Cavaillès. Dès cette t'poque, nous filmes séduits à la fois par l'idée d'une philosopr te vouée aux "chose:. nêmes", et par ce que nous avions pu comprendre de l'épistémologie de l'auteur de Sur la logique et la théorie de la

scieuce.

"La science

est un volume riemanien":

à travers cette phrase ésotérique, l'épistémologie nous apparaissait nimbée de l'aura magique de ce que l'on ne comprend pas, et qui excite la curiosité.

B). L'exigence de profondeur

Ayant choisi de poursuivre dans cette direction, nous d'tlmes affronter l'abstraction des

Méditations

cartésiennes

et des

Idées

directrices

(tome 1).

1 Nous donnons les réfé.rcnces bibliographiques complètes et les principales abréviations dans ta bibliogtaphie.

(5)

L'Introduction

à

la phéTzoménologie

de J.-T Desanti nous servait de guide. Alors que ce difficile retour aux sources était en cours, certains amis, que nous tenonsà remercier nous posaient sans relâche deux types de questions: cette phénoménologie dont on parle tant, n'est-elle pas,à

l'instar des oeuvres bergsoniennes et kierkegaardicmnes, une banale philosophie

de

l'immédiateté ou de

la

spontanéité? Surtout:

n

est-elle pas handicapée par une incapacité fondamentale à penser la vie pratique? Devant les exemples de Spinoza ou de Eric Weil, notre auteur, empêtré en apparence dans

ur1

logicisme platonicien faisait piètre figure. Cependant, les écrits politiques de Sartreet Merleau-Po11 ty, le constat d'une fécondité exceptionnelle de la méthodephénoménologique dans la philosophie hermér<\eutique, dans les sciences sociales, nous donnaient la conviction qu'il fallait poser la question autrement. En effet, si une philosophie pratique dogmatique faisait défaut dans le champ phénoménologique, en revanche, du point de vue de ln méthodo, il était possible de dégager des réflexions originales sur telle ou telle dimension phénoménde de la réalité éthique ou sociale.

Parallèlement à ces interrogations, le cours du professeur Desanti à

l'université Paris 1(1985·1986)sur l"'Etre et la relation", à partir d'une lecture suivie de Expérience et

]ugemmt,

nous montrait l'importance dans la phénoménologie husserlienne de la pe·rception des synthèses passives et des multiplicités sensibles.

En travaillant à cette occasion la Théorie

du

ch14mp

de

conscieii'tcede Aron Gurwitsch, stimulé par les réflexions de nos amis, nous eümes l'occasion de percevoir le lien originaire qui unissait les analyses sur l'organisation passive des champs perceptifs et la notion de "champ de conscience" dans la vie sociale et politique. La lecture de l'article de P.

(6)

Gross sur la constitution et l'économie politique confinnait la pertinence decepoint de vue.2

C). Vers les méditationshUBserlienues

Stimulés par ces éléments

épars,

nous avions le pressentiment que

ce qui

faisait la faiblesse de la phénoménologie,sa prétention de décrire sans préjugés l'expérience, constituait aussisaforce. Eneffet,cette exigence de retourner

aux

"choses-mêmes" était l'indice d'une certaine humilité, face àla vieille ferveur philosophique, prompteàbâtir des systèmes dont le dogmatisme ne produisait que des effets trop visibles dans ce vingtième siècle traumatisé par les

plus

grandes expériences totalitaires qu'ait subies l'humanité.

D'un autre côté, l'étude de la "théorie des sciences chez Husserl", dans un mémoire

de

mai'trise ne laissait aucun doute

sur

le poids important dela théorie dela connaissance danslapensée husserlienne. Comment concilier concrètement le logicisme et l'orientation plus pratique que l'on peut déceler dans la théorie de l'intersubjectivité?

Ayant été très tôt mis en présence de ce dilemmep nous avons choisi de clarifier la question dans notre mémoire de DEA sur "l'Intentionnalité et l'ltistoire dJez Husserl".En effet, l'intentionnalité nous apparaissait .comme un concept né dans le contexte de la démarcation vis-à-vis du ps;·chologisme, par conséquent un concept opératoire de la "théorie husserlienne de la connaissance". En même temps, ce concept était au fondement de la phénoménologie de la subjectivité transcendantale, qui

2 P.Gross,''Pt'Oductionet constitution:surla relation de 1'1.\conomiepolitiqueet la sociologie phénoménologique", dans /ttternatiotJalts }ahrbucll/tir

(7)

ouvre le vaste champ de la théorie de l'intersubjectivité transcendantale, et des réfl :xions éparses de Husserl sur les problèmes sociaux. C'est ainsi que nous somrnes arrivés à l'idée selon laquelle il fallait casser le mur que les études husserliennes ont élevé entre une orientation épistémologique incarnée par S. Bachelard,

J.

Cavaillès,

J.-'f

Desanti, et une orientation sur l'intersubjectivité très présente en Allemagne, mais aussi en France avec E. Lévinas, Merleau-Ponty au P. Ricoeur. Pour casser ce mur, l'intentionnalité nous apparut comme le schème d'unification privilégié puisqu1il caractérisait l'essence de

la conscience doncaussibienles actes théoriquesque pratiques. Cette décision,

ce

choix restaient encore inefficaces dès lors qu'il s'agissait d'attester dans le cheminement de Husserl lui-même, et non dars une interprétation extérieure, comment ce foyer conceptuel qu'est l'intentionnalité

articule

effectivementlesdifférents domaines du corpus husserlien.

Faceà cette difficulté, nous ellmes recours à ce véritable testament philosophique qu'est la Crist. des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale.Dans ce te,<te, l'unité de l'humanité

européenne est établie en corrélation avec l'unite de la communauté scientifique d'uneptu1, et l'urtité des théories scientifiques d'autre part:3. Le statut d la sdence dans la pensée husserlienne s'avèi'e inséparable de toute une philosophie de l'unité europér nne. Etant nous-m@mes interpellés par la question de l'unité politique en. général, nous savions que le concept abstrÂit d'intenthnnalité était le fondem.ent d'une activité pratique originaire, dont l'unité culturelle politique constituait

l'expression pratique.E.tc'est en tentant prédsé'1\ent de faire la genèse de la surrection de l'intentionnalité dans l'horizon épistémologique husserlien que nous avons dü régresser vers la Philosophie de

(8)

l'arithmétique,

texte plus marginalisé qt\e marginal, où figure déjà la del'unificationpar lesprestationsde la conscience.

A travers ces trois remarques, nous voulions seulement rappeler tt·ès succinctement un cheminement. Il ne s'agissait pas encore de dégager une C'est ce qu'il faut faire maintenant, avant d'attaquer le substrat qu'a constituépour nousle premiertexte de Husserl:La

Philosophie

de 1 'arithmétique.

En régressantil Platon,on netrouve passeulementune "intériorisation de la science par la philosophie" commele pense Desanti, mais une transgression de la vision étroitement épistémologique des sciences.

A). L'arithmétique d'état chez Platon4

(( CJzez

Husserl ( ... ), ou constate urae très juste appréctation de

1 'irréductibilité de la science nomade, mais

en

mêmetemps

un

souci

d'homme d'Etat ou qui p1·end pflrti l'our l'Etat, de maiutenir tm primat

législatif

etconstituant

de la

sdence

royale.

u

Cette af:irmation de Deleuze et GuattarJ énonce laquestiondu rapport entre la phase "logiciste" de la pensée husserlienne et la pratique. L'originalité de la démarche qui est celle de

Mille plateaux,

c'est de poser le proi.Jlème delaportéepolitique à

l'intérieur

de cette épistémologie et non par référence à une théorie externe. En ce sens, nous verrons qu'il

n'y

a pas de bipartition de la théorie de la science et de la théorie pratique: en partant d'un foyer théorique abstrait, constitué par les éludes logiques

---4 l.f. LnRépublique,525a-526e;Politiqlte,258b·267c; voir égalcrncnt G. Deleuze, P. vuattnri,Mmeplafenu:t,Bd.Minuit, 1980,p.455,482-491.

(9)

du jeune Husserl,011arrive à une vision pure du rapport de la théorie à

lapratique. Saisir ce rapport, c'estdoncdéjàdéterminer transversalement la vis1on husserlienne ete la pratique. Cette vision ne se donnej,'ait pas directement dans J\ traité politique.

Mam à Dehuzeet Guattari. Lemotif de la "science d'Etat" ou "&deneeroyale" estplatonicien.

En effet, dans la Politique,puis dans la République, \cf.note 3), Platon marque clairemen la portée "stratégique" de la pratique scientifique. L'Etranger du Pol. tiquedemande:<(Sidonc nous divisons la totalité de la science théorique en deux parties et que tzous appelions l'une science du

commandement,et l'autre science du jugement, uous pourrions dire

que notre divisionsl!rctitjuste?))S.L'arithmétique est une science de La sciencepolitique du commandementest "l'art à lafois royal et politique"6:non seulement elle juge, mais elle commande. Ses jugements sont aussi des ordres. Comme l'architecte, l'homme royal:

((ne doit pas, une fois qu'il tl portéSotl jugement, s'en tenir là et se

retirer, commefaisait le calculateur, mais biencommander à chacun de

ses ouvriers ce qu'il a àfaire, jusqu'à ce qu'ils aient achevt! ce qu'on leur a cotn1tmndlb)7, La logtqued'état n'est pas purement normative: elle est

aussiexécutive::.Chez HusserL tlous trouverons également cette attention

aux deux fonctions, théoriqueet pratique, même si la première tend à

supplanter la "econde.

·---5 Trau. E. Chambry, Ed. Flammarion, 1969,p.169.

6 267c;Sur l'arithmétique,cf. 258i: l'Etranger demande: "Eh bien, 1 'arithmétique et certains. autres arts appllrerltés avecelletle sont-ilspasmd4lendants de

l'action et ne se bornent-ils pasàfoumir une comulissance?".A quoi Socrate le jeune répond: "C'est exact"; traduction citée, p. 165. En àtt•avers

l'opération canonique de la division, flaton transgrcvooleprtnciped'idéalité qu'il veut imposeràl'arithmétique,

(10)

A·tant d'évoquer toute la tradition interprétatlve

qui

s'opposera au schème de lecture proposé par Deleuze et Guattari, mentionnons les formules encore plus audacieuses de Platon, dans le livre VII de La République.Tout en réaffirmant l'idéallté de l'arithmétique, Platon y exprimeclairementsavocation

prntique:

<'L11logistique et l'arithmétique portent tmtt eTttière.s sur le tiOmbre?

Certainement.

Ce sont par conséquent des sciences propresà conduireà la vt!rité.

Oui, éminemment

propres.

Elles sont donc, ..il, de celles que nous clterchotts,Ct2r1 'étude en

est nécessaire

au guerrier

pour ranger une

et au philosophe

pour

sortir de la spltêre

du devenir

et atteindre

l'essence,

sans

quoi il

rae

serait

jamais arithméticienn.B

Le nombreestici appréhe.ndécomme un outil logistiqueet militaire de classement, d'axiomatisationdisciplinaire desgroupes. Selon l'indication platonicienne,ce n'estplus le atatutrodai et politique du nombrequi pose problème mais le contenu pratique qu'il détermine:

foncièrement vouéàune organisation royaledesmultiplicités, soitàleur reconduction à l'unité comme l'affirme Platou9? Ou bien dans une perspective non-platonicienne, peut-il conduireà la reconnaissance des multiplicités concrétes et de l'hétérogonéite des individus qui les composent? C'est cette voie que nous avons voulu fonder dans le présent travail: celle que Deleuze et Guattari désignent du nom

8

9

525a;trad. R. Baccou, Ed. Flammarion, 1966, p.284 (p. 285 sut· la géomtJtrie). Voirleo remarquesdeR. IJacx:ou,p.444-447.

Cl.p.283--284etla note 490p.445 surPltilêbe56 c: "les amsfont etrtrer dansle même calcul des unitésmmrériquesInégales, par exemple,deux tmnées,tleux boeufs, les deux unités les plus petites et lesdtttx unités les plus grcmdes de

tandis que lesattires re{ttserrlde lessuivre, si l'ott 'l'admet pas qJJe, dam;

le nombre i11/lnldeszm/Us,Il tr'!1tl aucuue utaiM•Jtlidiffèred'artermeazttre

(11)

d'"arithmétique même si nous contestons les données factuelles qu'lb avancent.l 0

Notre conviction est que dans les mathématiquesil y va de l'être, comme le pensait Platon 11. Seulement, nous ne pouvions traiter de l'ontologie des êtres mathématiqueschezPlatonetAristote,aurisque de perdre non seulement l'objectif initial, la théorie husserlienne de la science dans son rapport à la réa!Hé mais aussitout l'apport de la philosophie moderne et sur les multiplicités sociales: nous pensons notamment aux théories sociales du dix .. neuvième siècle (Fourier, Proudhon, Tarde, Bergson ... ). La conceptio '\platonicienne de la fonction socialedu nombre nous permet simplementde distinguer une logique de l'identité et du commandemPnt, qui n'autorise la multiplicité que sousla condition d'un assujettissementà l'unité abstraite, d'une autre, pragmatique: poul' laquelle les multiplicités sont des

phénomèrzes de l'expérience sensible, étant entendu que cette

détermination négative peut englober aussi bien les objetsriue les unités

sociales.

Notre décision conduit par conséquentà ignorer tout un pan de la réflexion philosophique sur mathémat"ques et la politique, antour de la tradition égyptienne et des Pythagoriciens, de Platon, Aristote et Plotin12. Inversement, elle foca.Use l'attention sur l'unité de composition

10 Uest erroné d'attribuer aux nomades seuls le principe de l'o·rganleation numérique des hommes. Les "archers nubiens" combattant aux cOtês des Egyptiens,lesescouades de trnvattlcurs employées dans les travaux publics montrent que ln nécassité mt!me de toute organisation sociale ct économique exige la conatitutlon d'unités numériques spêcia.Usées: voirMille plateaux,p. 482. et plusloin, notreremarquer.•trla très impat tante propositionVl du chapitre 12.

11 RépuWque,510 c • 511c;et la crltilfiC d'Aristote,Métaphysique:livres Met N.

(12)

des multiplicités humaines. La phénoménologie des multiplicités sociales, si elle est attestée chez Husserl, va-t-elle décrire véritabtement l'l.l."lité phénoménale des unités humaines, à travers les processus d'union, ou va .. t·elle céder à la pente logidste des Proll!gomènes et thématiser une répartition des hommes sous l'unité rectrice d'une autorité? Atuons-nousaffaireà la théoriemilitaire du "rangement"'3, ou à la théorie "nomade", de la composition interhumaine, par raffinité sensible quemanifeste l'expérience? Nousnesavions rien de la

Critique de la raison dialectique

de Sartre, ou de la pensée proudhonienne en faisant le pari que la réponseà cette question, dans le contexte husserlien, valait bien une thèse. C'est en remm'ltant de la théorie logiciste des multiplicités à la

Philosophie

de l'arithmdtique

que s'ouvrit tout un champ de pensées, hétérogènes<;ertesmais toutes centrées sur la question humaine de l'unité des groupes humains.

Avant d'arriver là, il nousfautconsacreruneremarque au chapitre V Réduction et Dorlaticmt4.Eneffet, il fautrépondre àuneobjection: si l'cm prend la logique comme un outil pratique, ne s'éloigne-t-on pas de la perspective ontologique, caractérisée par l'importance accordéP. à l'objectité idéale en tant qu'elle transcende précisément les opérations logiques utilitaires? Si l'on s'installe dans l'ontologie logique au contraire, selon la modalité décrite par le professeur Marion, ne

pas le risque de perdre le champ pratique? Certes, pour sortir de ce dilemme une solution heideggerienne eüt étépossible: 1111

utilité" en e;énéralest une déterminationde la constitution ontologique du

"Da-sei,t".

Par conséquent l'usage de la logique comme

organott

n'est pas contradictoire avec sa dimension ontologique.

13 République,525.

(13)

Si nous empruntions cette voie, nous serîons infidèles à 1.1pensl!e husserlienne. C'està partir de ces propres potentialités qu'il faut nouer la logique et l'ontologie. Après avoir noté l'obJection implicite que constitue la lecture du Pr. Marion pour notre travail, nous donnerons quelques éléments de réponse preliminaires, avant d'y revenir lorsqu'il s'agira d'articuler formelle des multiplicités e,t l'ontologie sociale. A ce moment là, nous

ne

nous rapporterons plus explicitement à l'interprétation du Pr. Marion mais toute la discussion que nous mènerons sur l'tdée husserlienne d'ontologie sociale, et plus loin sur une courant de Hobbesà Husserl constitue une tentative de contourner l'objectivation, légitime, de formalisme.

B). La critique du formalisme ontologique husserlien et la mise oeuvre de la problématique de l'ontologie sociale phénoménologique

On peut distinguer trois types de lecture de l'ontologie au sens husserHen. Une lecture épistémologique, qui s'attache aux insuffisances de cette ontologie du point dt! vue de la théorie des sciences: c'est celle de J.-T Desanti ou de

J.

Cavaillès. Une lecture kantienne, qui confronte les divisions domaniales et régionales de Husserl aux ordres du réel distingués par Kant dans la

Critique

de la faculté de juger:

c'est celle d'Alexis Philonenko. Enfin, une lecture qui vise à reconduire la topologie desontologiesà une ontologie plus fondamentale, fondée soit dans l'histoire sociale (Tran Duc Thao et la plupart des critiques marxistes), soit dans la temporalité du

Daseiu:

c'est le cas deL. Landgrebe, qui participe du reste de la problématique marxiste.J,*L Marion aborde précisément la question de l'ontologie dana

Réductiort

et donatimz15

en régime husserlien, d'un point de vue heideggerien.Afill de ne pas trahir

(14)

la richesse des différentes analyses en voulant la restituer dans son intégralité, nous pouvons extraire des points essentiels, au nombre de trois: la démonstration du formalisme de l'ontologie citez Husserl, la bipartition entre l'ontologie et la phénoménologie, la possibilité qu'ouvre cette bi-partition de penser le Je hors de Jlêtre, possibilité qui demeure insoupçonnée dans la perspective delecturEheideggerienne.

1°1

Le de l'ontologie16

Ce point se subdivise en deux muuvements: d'abord un mouvement visant à att.ester l'ontologie chez Husserl(§ 2-3), ensuite une criti.que du mode de traitement ou plutôt de non"traitement de la question e l'être dans cette ontologie.

Le premier mouvement s'appuie sur les déclarations expresses de Husserl, dans lesquelles il revendique l'audace d'être aller chercher le terme, honni depuis Kant, d'ontologie.l7 La seule existence de cette revendication suffit à invalider la thèse heideggerienne selon laquelle Husserl manquerait d'arrimer la méthode phénoménologique à sa destlnation la plus haute: l'ontologie.

16 17

Cf. les paragraphes 2à5, p. 214·213.

CI.dansRédudi011 etdonation,p.218, du paragraphe deLFLT "Les et avant tout lesB ·

bit

tlu tome ll orrt oséà nouveau reprendre soustmeforme neuve la vief1le idée - tellement proscrite du /ait dtt katttisme et de l'empirisme - d'une otttologiea priori et ellesot1t teut de

la fortder ( ... )".

VoiraussiIdeen1,§ 10: "A <::ette époqueje ne m'étais pa.s encore risquéà

relever le terme d'ontologie, alors choquant pour des raisons historiques ( ... ) Au contraire, ma\ntenan\ ct en accord avec le changement de temps,tetiens pour plus com:.'Ctderétablir dans sa validité expression d'ontologie",citédans Réduction et donation,p.219.

Ledernierexempleàpropos cette genèse terminologique, c'e'lt la mise au point du mêmetype que les deux précédentes dans le "projet de pr6face" aux Recherches en 1913. Signalons cette remarque sans équivoque de la troisième Reclterche(tome2, deuxième partie, p. 69) : "li m 'apparaftqut. même aujourd'hui,il sernit ettcore utile, pour les thèmes

et ontalogiqtltS en question,d'étudier la Eh.i!02QJlhiLJl.t.

d'autant qu'elle est Je wemierouvragequi ait appréciéd leur jus le valeuret étudié de manière a11profondie ll's act/!3 et 11!3 objeJs d'ordre suptrtcur."

(15)

Cette invalidation est d'autant plus fondée qu'il existe, au-delà do la réappropriation du 'erme une série d'arguments explicitant le rappo.rt de la phénoménologie à ttontologie.18 Steulement, tous ces arguments s'enchaînent pour attester le formalisme. J.-L Marion le montre à partir de trois critères : la place prépondérante de la logique dans la constitution de l'étant, à travers la permanence et ltt perdurance relatives à la prédication. Ensuite, l'objectité de l'objet constitué par l'exigence vide ct'un point de référence d'un substrat. Enfin, le fait que dans cette ontologie, la possibilité soit plus haute que les choses elles-mêmes.19

Le premier caractère apparaît dans la relation réversible

qui

lie !a logique propositionnelle (ou "apophantique'') et l'ontologie formelle. La matière du jugement équivaut à l'étant dans l'ordre ontologique.20 Le second consiste dans la présupposition de l'objC?ctité, manifeste si l'on cous.idère que l'objet intervient essentiellement comme "un objectifpar 111ppo.rt

auquel(il suffit de] dire et viser".Même lorsqu'il tente de le champ de la disponibilité à portée de main (VorltandetJheit)vers l'activité cognitive ou

pratiql4e21

il retombe dans l'ornière métaphysique

18

19

20

21

Réducticmet donation,§ 3 ;cf:

1°1La fin desMéditations cartésiemtes : "la phénoménologie trauscendantale systématiquemer.llet totalement développée seratt ipso facto la véritable et autltentiqtleorztologic"(cité p.214).

2°1 ldeen Il, § 12,p. 72: "la pJténo;nénologie rationnelle embrasseà la fin non le reste de la psycf(ologierationt1elle, maistmcoretoutestes ontologies rationnelles"(citép.215).

3·o1 Philosophiepremière Il "toutes les disciplines nouvelles. que le rationalisme élaborait par unemétltodea priort et plus spécialemetlt les

orttologies, dev(;lfcntassumerunefonction significativeà 1 'instant mêmeoû était correcteme11t comprise etposée la tâcht.d'une phénoménologie en tant que philosophietrrmsct.mdantaleimmanente" ;<::f.Réduction et dÔnatlou,p.

214-217, spédalcment note 9 p. pour les réfêrt.ncesdutexte sur "L'ontologie complète", dansHuaXIII (p. :!13).

Sur ces trois "paramètres"dela formalité :cf.p. 22S·233.

VoirRéduction et donationp.230(référencesàHw. Vll, p.28;Hua lll, p.362). Cf. également la cinquit!meRecherche logique,§39.

(16)

de l'étant Le dernier caractère22 pourrait s'expliciterà partir de cette affirmation sans équivoque de

Philosophie

première

Il:

<<L'ontologie

caustruit le

d'un monde

possible

en général,

ou encore

elle est la

science

des formes possibles

lie formes

nécessaires

des

mondes

possibles,

tels qu'ils

doivt'rzt

finit par pouvoir

8tre.»23

Alors la méthode propre de la phénoménologie, l'intuition, était sensée donner accèsaux choses ellcs .. mêmes, voilà que l'c.n n'a plus affaire qu'àla possibilité.

Ces trois dispositions de l'ontologie formelle husserlieru1e donc de caractériser comme "régionale" au regard de l'envergure d'une ontologie fondamentale heideggerienne qui prend véritablementla questionde l'être au sérieux, au lieu de la rabattre sur le vieux sol de la méta}Jhysique.24

2°1.La dEtJiit.J2hénoménolog!ç12arra12120rtàl'ontologt.g

.Hussel'l le dit nettement dans

Philosophie

première

Il: t<La conception dominante de l'idéaliame, qui dans sa forme originale (même chez Berkeley et Hume) était un idéalisme tra

uscenda

nt al, certes fort imparfait, est quela

subjectivité

l'emporte en dignité ontologique sur

l'objectivité,

et que toute objectivité (tout être mondain) n'est être que

22 Réduction et donation,p. 232-233. 721 HuaVUl,p. 213.

24 Cf.Réductionetdonation,p. 233: Husserl ne donne•toll qu'un statut régional à l'ontologie? "La réponse est double:( a) négative d'abord, parce qu'il lui reconnaît un domaft1e général comme pure possibilité de l'objeclité; tb) affirmative ens1ûte, parce que l'ontologie se trouve ainsi précisément ccmtonnéedans l'horizon de 1 objecWé comme premier et dernier possible. En cesens, l'ontologie formelle se régionalisefaceà la que>Stionde l'êtreparce qu'elle laisseinintmogéela mnnière d'être de l'objecttté".

(17)

par les sources passives et actives de la subjectivité))25. En somme, l'idéalisme de la constitution transcendantaleaune portée ontologique. L'être est l'être-su: l'ontologie ne peut être que transcendantale26. En régime husserlien, cela signifie que la réduction phénoménologique concerne l'ontologie elle-même, donc que la phénoménologietient par elle-même27, hors de l'ontologie.

Il nous semble que l'on peut quasiment interpréter cet assujettissement de l'ontologie à la phénoménologie de l'être à l'être-su, comme la possibilité inouïe d'un "Je sans monde". C'est ce que

J.·L

Marion appelle plus loin le "Je hors de l'être". Cette surrection hors-monde vient relativiser davantage l'ontologie dont on a montré auparavant la

limitation par rapport à l'ampleur de la question de l'être, telle que Heidegger l'a mi6e en lumière. «L'ontologien

·j,

reçu qu'une légitimité conditionnelle; elle doit ensuite comparaître . devant le tribunal de la

On en arriveàce paradoxe: une ontologiequi ne vaut que par et pour le Je, une ontologie des es·pour-la-conscience. C'est la

régionalisationàun degré supérieur.

3°1

"Je"

bQrs

d'être

Sile "Je" sedéploie danslaréduction, il ne la subit pas.

n

s.'exceptedonc du monde et de l'être29, ouvre un horizon inédit a11 regard de

25 "Idee der vollen Ontologie", Hua Vlll, p.215, 25suiv.

;'/h Ibid.,p.217.

Z" "elgensttindig";cf.Réductio11 et donation,p.235 (référenceàHuaJIJUdeen 1), p.394 ;voir égalementcequerapporteD. Cairtl!:!:"Ainsi ena"ive·t-ontl une philosophie première qui soit antérieure mêmeà l'ontologie",aurait dit

Husserl.

18 Réductiottet donation, p.236.

29 A moinsd'amender {d'"affaiblir",

240) la différence cardinale entrelarégion "conscience" et la région "monde' .

(18)

l'ontologie h.'nàamentale heideggerienne. Celle-ci se trouve peut-être, dans cette ultime phase de l'interprétation du Pr. Marion, sinon devant ses limites, du moins devant une objection de taille! n'avoir pas mesuré laportée véritable de la réduction.30

Si l'on va au-delà de la lettre husserlienne, peut-être la réduction permettrait, selon cette interprétation, de manifester d'autres transcendances quela de l'être.Eneffet, la merveille des merveilles, selon Husserl, ce n'est pas le Da-sein mais le Je. Par conséquent,la capacité réductive de ce Je est plus haute que le Da-sein, tout en étant soumise elle-même à l'exigence radicale de conceptualisa ti on.31

4

°1

Discussion

Nous n'entendons pas ici nier la pertinence de l'interprétation proposée par

J

.-LMarion, mais nous déplacer vers une autre possibilité.

Notons tout d'abord que l'accusationde formalisme, caril s'agit d'une ar-::usation, minorelerôle de la facticité qui est pourtantle fil conducteur

de l'ontologie en général. Dans le texte de1910dont nous nous sommes inspirés tout au long de ce travail, Husserl parle par exemple d'une "ontologie systématiqut' des données sociales"32, ou d'une pré" conduction (Vorfîlhrung)de l'objectivité sociale dans la praxis sociale. Nous retrouvons doncuneexigencededégagerle sens des phénomènes

les plus divers àpartir d'eux-mêmes.Sans doute l'être social apparaît-il id comme"objectivitésociale",mais au-delàdes lermes.C'est tout le

3.} p. 242: "(HeideggerJprétend, dumoinsdai'IS Sein und Zeit, assumer la méthode phénoméno.logiquesonspourtantjamaisfaire droità la rédrlction ; cesilence

massif ne une dérobade ouunecraintedevant ce que Husserl avait libéré la111UiSE.ances.zns limites de la réduction?"

31 p.2•1:4-245.

(19)

champ de la facticité qui est intégré dans !\ontologie sociale. Si i\ n oppose à cet aspect, sur lequel nous reviendrons ultéri.eurement, le caractère régional, on ne peut le faire qu'èn occultant toute la problématique de la corrélation entrela.méthode phén;>ménologique et l'ontologie, ou àl'intérieur de la phénoménologie, entre la noétique etla noématique33, L'objection consistantàdire que la noématique se situeà

un niveau infra-ontologique, dans la mesure le noème n'est que le sens de l'objet, ne doit être reçue que partiellement : en effet, la fin de Ideen 1 esquisse une phénoménologie de la raison qui est aussi ontologie pratique. Cette phénoménologie originale viseà décrire le rapport entre noème et objet,àmontrer finalement la capacité ontologique34 du sujet factice. Nous verrons que Husserl, à travers une lecture de Leibniz et peut-être des stoïciens tient à l'idée selon la.quelle une ontologie phénoménolo·gique est une ontologie de la construction de l'être à

travers la factidté. La constitution, en tant

que

corrélation pratique, tâche, subsume la bipartition statique entre être et être-su.

Dansle texte sur l'ontologie complète p.récisément, Husserl insiste surla

précession de la facticité, sur cette iv .. esse pré-scientifique de la création dont J.-L Marion fait un indice de l'aveuglement devant la question de l'être.35 La dimension réflexive évidente de la phénoménologie36 n'est pas constitutive de l'être : il

y

a une constitution plus originaire qui est sédimentée dans l'activité première du sujet: seulement, cette activité est il.Jïve, irréfléchie; elle constitue une production qui obéit non

33 Voir "Idee der Vollen Onto.lagie"p. 214, 21 ("cesera l'affaire d'une ontologie universelleet vraime11t concrète, qui englobe toutes les corrélations de l'a priori propres aux étants en tant que tels, d'être aussi rwétiqtle et noematique").

3* Seinsko11nen

35 • Voir Réduction et donation,p. 213et 241.

(20)

thématiquementà des normes et des principes que l'ontologie doit formuler expressément.Ce que l'on peut reprocher à Husserl, c'est d'avoir autonorniser ce mouvement rétroactifdans la Logique, commesi la puissance ontologique première polJVait s'ordonner au "travail" clair et méthodique d'une ontologie structurelle.37 En revanche, si l'on le projet ontologique dans sa relation nécessaireà la capacité de l'esprit ou de la volonté38, c'est-à-dire comme une logique

ouverte sur le dehors de la praxis immédia.te dont la Logique veut s'écarter, alorsla phénoménologie acquiert- s'approprie activement - un contenu ontologique. Certes, on pourrait considérer, outre la réduction du pratique (Konnen) à l'objectité déjà mentionnée, que ce n'est là que l'expression du triomphe d'une volonté de puissance, où ne se manifeste aucune transgression vers l'être. C'est que l'être estici

plus "immanence que transcendance". Commele disait Sartre dans l'Etre et le Néant(p. 684)nous sommes dans une perspective horizontale de c'Jnstitution.«Latemporalisationdela consciencen'estpasun progrès ascendant vers la dignité de "causa sui" c'est un écoulement de surface dont l'origine est au contraire, l'impossibilité d'être causedesoi.))

On ne saurait regretter la défaillance de l'opposition

(Gegen-stitndlichkeit} qui marquela transcendancede l'être puisque toute cette perspective verticale est éradiquée au profit d'un constructivisme ontologique,hérité de Descartes et Hobbes.Nous auronsà le montrer. Pour le moment, notons les thèses qui seront développées dans cette perspective, oùil s'agitd'assumerla réductiondel'ontologie:

J7 Cf. Larécurrencedu termendÎVetéou praxis dans ..Idee der T:tOIIen Ontologie",

p. 215, 35; 216, 19 ou 217, 4. Cf.p.217, p.217, 30à 218.

(21)

- L'ontologie sociale est une ontologie qui donne toute sa part à la facticité dans la mesurem'ielle s'attache dans l'une de ses modalités du

moins, à:

1°1montrer la surrection de l'objectité sociale par préconduction

(Vor-fiihrung) irréfléchie dans l'interaction sociale;

2°1

être une ontologie systématique des données sociales (ou "esthétique transcendantale"}.

- Elle a pour fondement pratique un constructivisme ontologique où le sujet est saisi non pas seulement comme celui qui vise et prend l'être en

vue,mais celui par qui lesactes constitutifs donnent sens.

Nous préférerons parler en ce sens d'une réduction qui reconduit l'êtreà

sa constitution que d'une réduction qui laisse l'être hors d'atteinte. Par exemple, n'est que par la liaison collective que l'on arrive à une unité collf'ctive: toute unité de ce type est reconductibleà un actepolythétique (acte d'ordre supérieur), bref à une synthèse sociale. En cesens, la dissolution l'être dans la constitution de l'ê'tre rejoint peut-être la dernière étape des réflexions beaucoup plus abstraites du Pr. Marion. En effet, l'échappement par lequel le "Je" est situé hors de l'être, correspondra dans l'ontologie sociale, sartrienne notamment, en une

véritable impossibilité d'être, caractéristique paradoxale de l'être social.

Du fait de la surrection de l'être dans la constitution, l'être collectif n'est pas défini comme un être substantiel quasi organique surplombant les suJets, mais un être lacunaire, dispersé dans la capacitéet l'autonomie des parties constitutives.Id aussi,

ce

passage extra-ontologique exigeratm

dépassement de h textualité husserlienne vers la pensée sociale de Sartre et Proudhon.

(22)

L'être-société d'une société n'est concevable que par la surrection immanente dans le tissu même de l'activité înterhumaine: la réduction est le chemin de la redécouverte de la genèse naïve, de cette surrection passive. Ce n'estpasl'ob::tacle maisletremplin pour ressaisir la' dignité ontolog.ique du devenir.39Dfaut parconséquent examinerle statut des

onta

sociaux (Etat, Eglise, etc ... )

après

la

réduction, c'est .. à-dire dans la perspective du paragraphe 148 de Ideen 1comme une exigence de fondation delasocialité danslaconstitution pratique, donclaperspective hobbienne d'une phénoménologie cllnstructiviste de la raison telle qu'elle est esquisséeà la fin de Ideen J. Nous verrons que cette orientation ren.contrela conception husserlienne de l'histoire comme appi'oximation graduelle de l'humanité, forgée à partir d'une interprétation de Leib1.uz et de réminiscences spinozistes.. Cela n'est pas surprenant quand on voit combien dansl'Idee der Vollen Ontologie,le

passage de la naïveté à l'ontologie ou phénoménologie transcendantale est constitutif de l'humanité authentique: "L'humanité authentique

exige

la plus haute

conscience"

(216, 35}.

- Ce constructivisme ontologique est lié de façon nécessaire au épistémologiquequenous allons repérer très bientôt dans la philosophie husserlienne de Husserl demeure l'héritier de son maitre Kronecker, qui développe une théorie constructiviste des ensembles/pa.ropposition au "platonicien" Cantor, l'ami de la période de Halle.

Nous suivrons les développements de cette articulation de l'épistémologie et de l'ontologie régionale dans deux directions:

- au plan d'une arithmétique sociale plus "réaliste": dans la pimsée sociale anti·a utoritaire de Sartre et Proudhon, mais aussi dans la

31

a.

par exemple le rapport entre le devenir et l'objectivité scientifique p. 217, 3

(23)

construction du Leviathan hobbien, caractérisée elle par un "appel d'être" noémati.que si l'on ose dire, puisque le calcul interindividuel propre à l'état de nature aboutit à la surrectio1:1. de cet objet politique massif qu'est le Leviathan;

- au plan d'une ontologie sociale, plus spéculative, nous verrons comment la thématique de l'objectivité sociale se rattache par ce·rtains côtés à la nolitique médiéYale, ce qui permet de rattacher la problématique de l'ontologie socialeà une tradition remontant à Suarez et Althusius. Nous nous appuierons très ponctuellement sur les analyses de A. de Murait et du Pr. Courtine.

Ainsi, nous assumons l'objectivisme ontologique de Husserl et la clôture régionale qui !ui est immanente. Toutefois,à travers la questhm de la surrection de l'Ltre social, croix de l'ontologie politique classique, de l'être logique,du rapport entre noématique et ontologie, nous pensons avoir circonscrit un espace qui, en de nombreux points, jouxte l'espace de l'ontologie fondamentale. Il s'en distingue avant tout par la manière distributive ou modaJ.e40 de penser l'être. Ce "r-•JVincialisme ontologique" reste pour nous ljindice d'une certaine rigueur, dans la mesure où une ontologie fondamentale n'est alors possible que par l'articulation de différents mcdes ontologiques déjà décrits auparavant (être social, être logique, théorie de la subjectivité constituante ... ). Une ontolngie fondamentale qui prétend donner tout d'un coup les structures de toutes les régions ontologiques réduit peut .. être arbitrairement l'horizon de l'être.

Ill, QBGANISAll.O.N

DU

(24)

Nous pouvons indiquer maintenant le cheminement de notre réflexion.

A). Eléments d•ontologie sociale phénoménologique chez Husserl

première partie met en place la problématique à travets la lecture des deux sections de la

Philosophie

de l'arithmétique.

Afin de dégager une topologie de l'ontologie sociale qt.ù puisse servir de matrice à

différentes textualîtés, nous avons condensé le mouvement sinueux de l'analyse husserlienne sans pourtant en transgresser la profondeur. Deux schèmes d'unification se dégagent dans la première section, le schème du dénombrement (Durchzlihlung) par liaison collective. Dans la seconde section, ce que l' on pourrait appeler le nombre figurai ou sériel qui porte davantagelamarque des deux savants que Husserlfréquentaità l'époque: Stumpf et Cantor.

Ces deux schèmes structurent deux modalités de l'ontologie soc. ..ale: d'une part, une démarche oC l'être social est conçu comm.e une multiplicité d'indiviàus en relation, d'autre part une perspective où l'être social est conçu comme l'actualisation d'une forme (Gestalt), d'une sensible. La première modalité sera attestée chez Schütz, Sartre et Proudhon. La seconde, chez C. Schmitt et A. Gurwitsch. Nous verrons qu'il ne s'agit là que de descriptions paradigmatiques: en réalité les deux conceptualités s 'înttarpénètrent, ne serait-ce que pour se contester mutuellement. Ainsi chez Schütz et Gurwitsch.

Nousverrons que :-Tusserl explicite la mod21litévers 1910. En ce

qui conc•erne

la

seconde,

nous ne

pensons

pas qu'eUe corresponde à

l'aspiration profonde de la vision empreinte de constructivisme.

(25)

Après avoir m.ontré l'articulation de l'ontologie formelle des multiplicités numériques à l'ontologie sociale, nous avons voulu expliciter unepossibilité nonréalisée del'ontologiesociaie chez Husserl: l'onto.-!ogico-politique. Tandis que la première modalité reste tributaire des sciences à la manière de toute une tradition allant de Brentano à Dilthey, le régime de l'ontologico·politique ouvre le champ d'une thématisation axée sur l'unité et la cohérence politiques, en tant qu'elles sont poutées par la logique et le langage. Nous avons tenté alors de rapprocher cette ontologie husserlienne potentielle des philosophies politiques pills classiques que sontcellesde Carl Schmitt .

Toujoursà la fin de la première partie, uous avons analysé les écrits des années vingt comme un prolongement de la problématique des multiplicités nwnériques. Dans la mesure où un héritage hobbien est attesté chez Husserl, nous avons intégré la logique politique constructiviste de Hobbescommeune pièce supplémentaire dans le régime de l'ontologico-politique.

B) Vers le concret

La deuxième partie vise à manifester la réalisation des esquisses et des possibilités non acheminées que l'on retrouve chez Husserl, chez certains auteurs que l'on peut rattacheràla phénoménologie, Proudhon

y

compris.

Ces auteurs nesontpas partis, bier1entendu,de> larecons.tructionfk:ive que nous avons faite de l'ontologie sociale hussedienne. Cependant, ils en incarnent, chacunà sa manière, une option théorique.

(26)
(27)

If'..ŒEJ:

t\WLTIPLICITE NUMBRIQUE ET MULTIPLICITE SOCIALE

La problématique de l'identification du divers coïncide avec les débuts de la métaphysique, dans la "bipartition

platonicienne

du sensible

et del'intelligence"

chez Platon41. Cependant, la phénoménologie de la chose e;;t plus directement d'ascendance kantienne. Dans la Critiquedela

R.a

11

pure,

l'identité sy11thétique de l'objet est

constituée comme prestation du Je transcendantal. L'objet est une expressionde la règle instituée par la fonctionunifiante et ordonnatiice qu'est l'aperception transcendantale: la perception est indexée à

!•aperception.42 Cette unification est donc au coeur de la doctrine de l'objectivité théodque dans la première Critique. Elle fonction.ne également sur la matière de nos actes dans la morale et de nos jugements esthétiques dans l'Esthétique. Quantàla politique,

elle

puse le problème du schématisme histodco-naturel dus volontés particulières ramenéesà

l'ordre par le moyen de !''unité rectrice de l'Etat43. Par ailleurs, cette méthode d'unification interne qui constitue le rythme vital de la révolution copernicienne se rapporteà des différents ordres du réel pris

41

42

O. Franck,Heidegger et le problème de l'esp<1ce,Ed. de Minuit, 1986, p.30.

Le tennc "expression" revient très souventCritique de la raison pure(traduction Tre.mesaygue et Pacaud), Ed. PUF. 1971, p. 145, 153, 178·182, etc.

Cf.L'Idée d'unehistoireuniverselle dupoint de vue cosmor;olitique.Sur la critique de l'unification naturelle des consctences dans la phUosophle de l'histoire de Kimt, cf. A Renautle Système du droiJ;,Ed PUF, 1986, notammentteschapitres Uet VII.

(28)

comme constitutions régionales. La dernière critique expose précisément cette systématique kantienne, en écho au geste ancien de la métaphysique comme ontologie fondamentale rectrice par rapport aux ,ontologies régionales44.

Si nous nous référons ici à Kant, c'est parce que Husserl s'est explicitement engagé à sa suite, avec l'ambition de décriredesprocédures concrètesd'unification selon le mot d'ordreJ\1 "principe desprincipes"

de la phénoménologie: n'accepter comme apodictiquement valide que les phénomènesdonnés dans une vision intuitive ( § 24 de

ldeen

1:

"toute

intuitiott donatrice originaire est une source de droit pour

la con naissance")

Ainsi la concaténation des appal'itions s,ingulières pour former une chose atteste l'héritage métaphysiquedesleçonsde 190'7sur la

Chose

et l'Espace.

Elle est !'effet de laprestation de la conscience intP.ntionnelle sur la multiplicité chatoyante des perspectives singulières prises sur l'objet, et qui, si elles devaient reposer en elles-mêmes, resteraient les unes en dehors des autres et ne pourraient constitt·er une chose subsistante, demeurant pardevers le voir effectif, non fom\alisé.

Dèsle paragraphe 15 de la Cinquième

Recherche

Logique

avait été exposée cette prestation unificatrice de la conscience sur les data de

En regr.e&lliant

quelques

années

plus

tôt, autour de 1887-1891,

...

nous espérons ttouver dans la

Philosophie

de

l'arithmttique

(Piz.A)

une première phénoménologie, certes descriptive et non transcendantale, de t•unification des multiplicités numériques, mais dont les phénomènes

44 D. Franck, ibid.p.2o.Voir A. PhUonenko,"KantUtld dieOrdmmgen dt!$ Reelet1 ",

(29)

porteurs serviront de schèmes d•urufication pour les multiplicités sociales.

(30)

Clla};!U:ce.I: De laconstitution psychologique du nombre

à

la théorie formelle des multiplicités

Le rapport du nombre à la communauté humaine est circulaire. La multiplicité numérique est en amont et enaval dela vie sociale. Ou bien en effet on considère que le développement dela culture eat le résultat de la formation decollectifs humains de en plus

nombreux,

par un effet mécanique, ou bien on considère que, la culture étant donnée, le nombre comme concept mathématique en est une élaboration, un produit tardi.f. Cette dernière approche est essentiellementcelledu Husserl dela Philosophie de l'Arithmétique45. Jamais il ne sembles'êtreconsacréàtU\e généalogie socialeet historique des formations scientifiques.46 Une telle généalogie mondaine éclairerait certainement la connivence que l'on peut constater entre la théorisation et la constitution pratique des multiplicités et ensembles humains d'une part, et d'autre part la croissance numérique des multiplicités de toutes sortes,hommes ou choses.47

En effet, la question du nombre est centrale dans la philosophie politique. C'estun enjeu essentiel de savoir si l'onva privilégier l'unité

Ph.A. p. 102;p. 302 suiv; p. 337 s1.dv. Cf. cependant l'allusionàla '\"Ïe pratique" p. 13 au développement naturel et S'llrtout les remarques d'insr.iration évolutionniste p.355--360.La perspective change nettementdansIdem 1,c • § 28.

L'origine de la géométrieexplique pourquoi. Cf. Pit. Ap.356.

Citons simplement deux grands auteurs aux extrénûtés de la chatne des politiques: Aristote, Pol7tique,12.92a 10 auiv.; V, 1303a 25;cf, egalement tout PoliHque.IV. Proudhon, dans la petite anthologieJusticeet Liberté,textes 76 et 77, 84. ( Nous ne dtP.rons les oeuvres c.omplètes que dans ta troisième partie)

.a.

notammentla référencetrès importanteàFourier, sur les sêriesnumériques. Pour une analyse historique du thème "l'Etat comme multiplicité unifiée", cf.G. Mairet:"l'Avenir de la Mu.ltitude" in LeMaître et lamultihtde.Chez Rousseau tant que les peuples subsâstah.JJttdans l'état de nature pré-politique, caractérisé par un lien sodal extrêmement lâche et une atomisation exlt.Tême, la constitution d'une arithmétique était quasiment impossible.Cl. Discours sur l'origineétles fondements de l'inégallM parmi leshotmtlt'.'i.Ed. Flammarion, 1971, p.193, note 1.

(31)

(individuelle ou collective) ou la multiplicité, dont le corrélat en philosophie politique et sociale est le grand non1bre, soit la !a foule.

Selon que l'on privilégie l'uneou l'autre,l'être social fera !-objet ou non d'une ontologie de la concentration, du rassemblement, au besoin par la force d'une autorité qui est le porteur de l'unité rectrice, ou alors livré à la dispersion, à l'expansion, au libre déploiement des forces48,

ce

qui aboutit au concept très important, nous le de

concurrence

des forces.

Disons simplement que la première voie s'apparente à une solution "idéaliste" de l'harmonisation du multiple par l'Entendement, une Conscience, un Sujet: soit un Gouvernement. La deuxième solution n'obéit pas autant à une raison d'Etat: c'est une démarche empiriste, comme chez Hume, basée sur l'équilibre instable des forces.

A partir de notre problématique, nous verrons comment l'ontologie sociale est o·aversée par ces différents régimes ontologiques purs, mêrne si la Ph .A adopte quant à elle une démarche strictement épistémologique. Malgré tout, la logique de cette épistémologie psychologiste ne présente pas qn'un intérêt théorique mais aussi pratique comme l'attestera la résurgence de certains de ses concepts fondamentaux dans l'ontologie sociale. Ainsi le tout (Gan:u), la liaison collective

48 Iciaussi les références sont innombrables. Chez la concentration constitue la condition de possibilité de J'ontologie en général: l'expansion des forcea au contrairemèneàladissolution de l'être. VoirEnnéades:I-4·11, I-4·15, V-1-3; V-1-4,

etc. Cf.

J.-J.

Rousseau sur la dissolution sociale que constitue le

cosmopolitisme:Pléiade II, p. 254 ; sur Husserl et Plotin: Hua VIl <Erstc philosophieIl) p.328 et sulv. ; P.J. ABOUT, Mélanges offertsàJean Trouillard,

"Cahim deFotdetUlYn°19-22, 1981.Hussel'llui-même était conscientdes luttes épistémologiques et idéologiquesqui sedêroulent autour du nombre:cl.Ph Ap.

356-357(Htll.l XJJ,2.89,15). Dévoque des"toursde forcenomiYJalistes":peut-être une

(32)

(kollektive Verbitzdung),

le fusionnement ou la fusion (Verschmelzung) dans le nombresérielou figurai, la transposition l'ordre hiérarchique (Ordnung) se retrouveront sous différentes formes dans chaque nouveau segment de notre paradigtfle.

Id, une question de méthode importante se pose: faut-il tenter un parallèle entre.Ph.Aet l'ontologie sociale? Nos remarques précédentes inciteraient effectivementà

I.e

faire. Cependant, le danger serait de tomber dans une sorte de

Meltrmeiuung,

par une violence interprétative qui procèderait, par une traduction abusive de la pensée husserlienne49, pour des fins qui n'ont pas été retenues comme les siennes jusqu'à présetlt. Car si le pass,:age dePh A à l'ontologie sociale existe de fait dans les textes, Husserl lui-même ne le p.roblématise pas. Ou alors, si on se fie aux recommandations desldeen 1 sur la manière de concevoir le rapport de la phénoménologie aux sciences formelles logico-mathématiques,il faudrait plutôt éviter d'entreprendre une telle confrontation.SO

4..Q Pour un aperçu des thèmes présentant une analogie avec l'ontologie sociale,cf.

l'excellent index du traducteur,J.English. Cet index peut être transféré sur le terrain de la réflexion concernant l'unité politique dans son rapport à la multiplicité, par exemple dans les théories fédéralistes(cf.les notions de liaison • Verbindrmg, Band,qui appartiennent au même régistre que le Bund -, de multitude Menge -,de fusion, etc.). Cf. la note suivante. Sur la portée supra-régionale en quelque sorte des mathématiques, cf.PJt.Ap.355-357<HuaXIJ,289,15):

"En effetil ne s'agit pasici de questions qui regardent rmiquement ou priucipalement les matltémalicietrs. Un coup d oeil rapide sur 1 de la philosophie montre que les conceptions relatives au car.. tère théorique des

mathématiquesont une influence essentielle et -souvmf. •erminantesur la

conformation d'importantes visions vlrilosopltiques du

&J Cf.§ 70à 74. K.Schuhmann(Husserlsstaatspltilosopltie,Ed.K.Alber,p.30,note40)

est ré.oorvésurun passage de l'arithmétiqueà l'ontologiasociale. R.Toulemont, inL'Essence de la société chez Husserl,Ed. PUF. 1962,également:d.p. 159, 162·164.

J.English reste prudent au momentoùil évoque les unités poUtico·sociales.Ces

exemples, précise-t-il, renvoientà la langue allemande et non A la "langue" husserlîcnne. Toutela remarque sur le conœptd'Einheitpourrait néanmoins lue politiquement,èla manière de !a problématique de l'unité politique, décisive pour l'Allemagne bitt;marcktenne, et cot\ccptunlisée plus tard par Carl Schmitt. Nousyreviendrons dans la deuxième partie. A propos du mot (p.402),J.

English poursuit la réduction de toute connotation liéeàla langue quotidienne, donnant credità la prétention husserllenneàl'idéalité logique et ph.ilosvphique: .. ladifficultéq11'ilyaàtraduire provient de cequ'ifsagit là d'un tmne très

courartt <ttn allemand, qui désigne la préstnce d'une ar taine quatltité indétmni12éede choses, cc qui se traduirait assez bim dam; notre langage familier par f2Uit de ....

un

Jn5 dç.,,.mais pricisim•mtMçtt.il! rr'a pascette mumce

(33)

Nos remarques générales sur le sens de ces prolégomènes prennent ici tout leur sens. Il ne s'agit pas id de faire une analyse exhaustive de la philosophle husserlienne de la multiplicité numérique, pour ensuite suivre seseffets théoriques dans le corpus de l'ontologie sociale. ll s'agit de repérer dans les différentes couches de la textualité husserlienne la persistance d'une structure: celle de l'unification de la multiplicité. Plus qu'une stn1cture inerte, c'est un problème vivant qui scande le questionnement husserlien jusqu'à la fin. Cela signifie que le

même

type de problème

se rencontre à différents niveaux, qui sont en réalité les différentes régions balayées par l'analyse phénoménologique de Husserl. Ainsi, suivre les "modalités d'union"S1 de l'être collectif, depuis le nombre jusqu'à l'Etat, en passant par le flux temporel, c'est se livrer à

une

micro-politique

des concepts

qui, leur sens local, saisit la façon dont ils s'insèrent dans une

stratégie

globale de neutralisation du conflit, d'univocité et de concordance "catholique".52Des l'aube de la

---

famîlièrt. il est impossible de le rendre parl'tm ou l'autre de ces deux termes, qui

ont ml caractèreun peuvulgaireqrte M.1:.J:J.u,n'a enaucunefaçr.m ( .. ,).Multitude ue peut pas cottvenir, car ce mot indique que le nombre des choses dontil s'agit e5t très grand, alors qu'à plusieurs rtprises parle de klgiu.c

Me.

ugw:

l'expression serait ridicule."En réalité, laMet1ge renvoie nécessairementauplêtJzosgrec (cf.par exempleGorgias452c ;Politique291 d chezPlaton.11 faut penser également à la deuxième définition d"'sElémetrts

d'Euclide). Quant à l'expression"petites multitudes ",notons qu'elle se trouve littéralement dans la traduction classique de Hobbes par Sorbière.

Sans vouloir accorder une portêc excessive à la questionde l'Einheit,il nous

semble qu'id toute réception politique doive s'orienter vers une conception fédérative, "unioniste" de l'unité et non "unitariste". L'Eiufteitlichkeit que tente de définirJ.English est avant tout arrimée au régime de la liaison<Vcrbindung ). d. Hua

xn,

p.15, 36i20,22 ; 25,48 et 192 sui v.Nous nous permettonsderenvoyer

à J'édition desHusserliana uniquement pour sa plus grande précision typographique, puisqu'elle indiqueleDlignes.

51 B. Duquesne, "La conscience chez le jeune Husserl". p. 56, in Et11des p11ilosr1phiques,1990.

52 Nous voulons dire universelle. Cf. le renaissant Nicolas de Cues, auteur de La

Concordance catholique.HQlsserl s'im.tcrit dans cette tradition, celle du "motif unitaire", pour lequel les opposés doivent !\linon coïncider (Nicolas de Cues), du moins dialoguer en vue d'une harmonie (Sur la conception husserlienne de la Renaissance,Krisis§ 3par exemple, et bien entendu toute la lecture de la révolution galiléenne-§ 9 Sil'on songeà l'enjeu pratique de ce motif conciliaire, vivace d'ailleurs ùès le Moyen·Age, alots on ne peut partager

à!aittalecture de G.Granetpourqui "/'unité[dansldecnTJ,ft'est pas prise au

(34)

philosophie, dans l'Antiquité, le nombre a été un objet conducteur par excellence de la réflexion sur la communauté. L'objet conducteur devant être entendu

en

dehors de toute connotation métaphorique parce que le groupe humain a la consistance phénoménologique du nombre concret. Il appartient à ces phénomènes qui donnent la teneur phénoménologique au nombre, tel que Husserl le conçoit en 1887, (date de la rédaction de .. m mémoire sur la Concept de nombreet 1891), lors de la parution de laPh.A. 53

galitéenne--§ 9 notamment·}.Sil'onsongeàl'enjeu pratique dece motif conci\laire, vivaced'ailleurs dès le Moyen-Age,alorson ne peut partager tout à fait la lecture de G. Granel pour qui"l'unité[dansIdeen1)n'est pas prise au sérieux":cf. Lesens du lemps ... p. 8()..81.

53 DamHuaXli, 13, 15-20; 14,14; 15-4;64,7;73,25; 129,13-15. 11faut noter la récurrence du terme "bestehen","consister" (volr 18,27); sur les analyses historiques de ce problème,cf. surtout P. Levêque, J·P Vernant,Clisthène l'Athénien,chapitre VI, p.91 suiv., et surtout G. Deleuze, F. Guattari,Mille Plateaux,ch. 12, proposition V1,

p.482491. Let:.deux spécialistes de l'antiquitégrecqueapportent des informations sur l'arrière-plan mathématique, pythagoricien surtout, des réformes disthénlennes. Plus spéculatifs, Deleuze et Guattarl tentent de montrer que"le

nombre n'est pas une question de quattlité,maLqd 'arganislltian".en systématis.ant dans ces quelques pages toute une réflexion contemporaine sur la dimension politique, non numérique, du nombre.Ils reprennent, peut-être sanslesavoir, les thèses du Proudhonde la Création de l'ordre dansl'fmmanité, ou principe d 'orga,ni:;atian politique(voir notre paragraphe 51). Mais relevons d'abord une erreur historique:

les Hyksos ne sauraientintroduirele"principe de l'organisationn1l!mérique des hommes",tout simplementparcequeœn'est pas qu'un principe mais une nécessité de l'économiepoUtique(comme le souligne sans cesse Proudhon précisément). C'est une norme originai.re de l'activité socialequi estdonnée dès que les hommestnwaillent., autant dire dès l'hominisation.A fortiori,en cc qui concerne une société itussi structurée quel'Egyple antique: sans"escouadesdetravailleurs"(voirlaCréation

del'ordre ... , paragraphes412436), aurait-il été possible de bâtir les pyramides? Sans les nomes, aurait·ilétépossible d'unifier la nation? Du reste, les célèbres archers nubiens que l'on a découverts dans les tombeaux des princes de Siout montrent bien que les unités militaires étaient connuesavant l'arrivéedesHyksos.

Toutefois, les explications de Deleuze etGuattariqui sont que:"les formesmodemes de l'Etat ne se sont pas développées sans utiliser taus les calculs qui surgissaientàla frontière de la science mathématique et de la technique sociale(toutun calcul social

à la base de l'économie politique, de la démographie, de l'organisation du travail, etc.).Cet élément d'arithmétiqtled'Etat a son pouvoirspécifique dans le traitement des matières quelconques"(p.434)demeurent valables.

Ladistinctionentre le nombre sédentaire d'Etatetle nombre nombrant nomade est soutenue par deux ontologies des multiplicités : une ontologie formelle des mulliplidtésqui court du Platon dela PolitiqueàKant, Leibniz et Husserl: c'est ut'e sorte de n'tt1thcsls disciplinaire. Une autre, réaliste, que l'on trouve déjà chez les pylhagoricicns, élèves des Egyptiens, mats surtout chez Proudhon , ce néo-pythagoricien, ct Sartre dans la période contemporaine. L'idée de nombre--sujet qualifiéeici de "nomade" est propre à Sartre, dans la Critiquede la raison dialectîque /. Voir le Utre IV ci·après.

(35)

Ainsi, nous allons dans un premier temps fr11reune remarque succincte sur l'existence du motif conciliaire dans les préoccupations épistémologiques de Husserl. ll est frappant de constater que le jeune Husserl s'efforçait déjà de réaliser la concordanceà l'intérieur de la communautéscientifiqueà l'aide de sa techniqued'expositi01.impartiale des différentes théories en l .. ,tte(Kampf)54,

Nous aborderons ensuite la constitution du nombre en soulignant la place centrale qu'occupe la liaison collective (kollektive

Verbittdu11g) dans ce qui s'appelera ultérieurement le "maintien-en-prise"55 de la multiplicité.

Après avoir dégagé de cette manière la méthode par laquelle !"'esprit humain", selon la formule husserlienne, toute psychologiste, pour désigner la concience, réussit à faire tenir ensemble une multiplicité, nous nous élèverons à la théorie formelle des multiplicités,

soit l'arithmétique générale comme ontologie formelle.

Munis de ce levier conceptuel. nous serons mieux en mesure de saisir la genèse de l'ontologie sociale dont la thématique doit beaucoup, comme le nom l'indique, à la théorie des ontologies et des multiplicités.

A travers ces études plus concrôtus, l'arithmétique appamit comme une technologie, ce que Husserl affirme<Ph. A,chXll), mois davantage, comme une technologie des snultipBcHés humaines. Nous reviendrons sur cet aspect de la pensée husscrliennc, __ pour le mettre en rapport avec les conceptions hobbicnnes:

---Les recherches de B. Stiegler nu Collège International de Philosophie à Paris sur la ."phénoménologie et la cechnlque", nous ont stimulé sur ce point, particulièrement l'opposition entre l'"éros" logique et l"'éria" technique, et le rapport entre la technique et le temps.

54 Hu.a Xll, 289, p.20suiv.

(36)

§2)..B&ulatques

L'unité

dGla S:QWU\lU).aU\6

.Y.DJ:

prégcçypation

pté.Go.tflJ.lt

HYSs!!d

Nous avons fait allusion précédemmentà des études historiques tendant à démontrer que la pratique de l'abstraction était une technologie d'organisation de la multiplicité humaine comme d'autres technologies apparemment plusconcrètes(voir note 13 et la remarquede Husserl dans Ph.A, p.356).56 De fait, le procédé constant de Husserl devant une divergence trop grande de vue est de juxtaposer devant le regard du lecteur et le sien, les différentes théories, avant de dégager une unité thématique qui rétablit la cohérence et conjure la crise du sens, le morcellement délétère des sciences en de multiples opinions. Telle est la micropolitiqu.e de Husserl dans le champ épistémologique: transformer la lutte interne en une lutte contre la désagrégation, contre les effets meurtriers de l'eris.Il faut moins lutter contre que lutter pour (Kampf) en argumentant et en discutant objectivement.57

Par conséquent, la questionde l'unité du nombre n'est pas neutre pour la communauté des arithméticiens: elle possède

quasnment

une teneur pathétique dans la mesure oil son i!tre collectif est lui-même habité par la question à laquelle elle s'efforce de répondre. Il

y

a une "inhérence vitale" selon la formule de Merleau·Ponty, des problèmes

56 Cf. Méditatimzs cortésiermes, l'introduction, Hua 1 (1929) p.4; Hua VII (1923) 4,.20à

7,32: notamment 5,23. En 4,20 il apparatt clairement que la science est une cortnelldon de vérités agencées en fonction d'un but, et il ru't'ive souventàHusserl de g11sser de cefondementnoêmatique en que·lque sorte de la communauté des chercheursà une unité noétique, volontaire. Voir Les Prolégomènes:§ 1 notammentl'allusionàtaguerre de touscontretous, motif typiquement hobbien. 57 Hua VI,§ 6;Ph. A 26-27;HuaXII: 23,28et 29,6.

(37)

phénoménologiques à la méthode phénoménologique: une rétro-référence de la phénoménologieà elle-même.58

Nous admettonsque cetteremarquepourrait revêtir un illtérêt limité parrapportàlaportéegénéraledePlz. A etsurtout pour le passage de cette oeuvre à l'ontologie sociale. Cependant,il est essentiel de souligner que le motif de l'intérêt unitaire est déjà au fondement de la communauté spécifiquedes savants,et que ce motif sera également au coeur des premiers textes sur la phénoménologiede la communauté entre1905et

t<no.

En

réalité, le terme

qui

est à l'arrière-plan des efforts de pacification husserliens,

c'est

l'harmonie.Il apparaît implicitement dans l'annexesur "leconcept d'arithmétiqut.:générale" (1890)59. Ceconceptqui

estau coeur de la monadologie transcendantale imprègne de part en part les premières pages du mémoirede 1887surle conceptdenombre.60 La stratégie que Husserl a délibérément adoptée vise à décider les controverses en remontant au psychologique, préfigurant le donné phénoménologique61.

Par

le biais de l'évidence,

par

rapport à

laquelle les théories sont des substructions,le "champ de bataille" épistémologiquedoit être pacifiéet céder la placeà une harmoniedes savants. Ce qui réapparaîtà travers le recours aux phénomènes concrets, dont l'oubli a rendu inexorables les oppositions c'est

58

61

VoirHua VI (Krisis)§ 71,Jdceul,§ 65 surtout. Sur le statut phénoménologique de 11\communautédes chercheurs:cf. LFL.T, Introduction ou l'Origine de la Géomt!tf'ie. Cf. égalementHua X V, p. 183, 25 sub:. ct 2.13, 32 où le statut communautaire est plus problématique("pas de personnalité sociale").

Hua Xl1 : 374,24t!t 375,15.

VoirnotammentHua Xll:5,11;13,7;14,15; 289, 20 ct 24; 292, 19 et 28; 293,10; 294,16 et

26(Pli. Ap.3l1t

(38)

l'efficace unificatrice du do1mé, plus précisément de sn descri'ption. S'ily a un radical.lsme husserlien,il réside peut ..Otredans cette tentative de débrouiller le conflit et la par le retour à un donné dont les termes de l'opposition sont des déterminations abstraites, des parties du même qui s'ignorent en tant que telles et dégénèrent en partis. Comme Socrate à son époque, Husserl tente inlassablement une organisation logique des discussions qui désamorce le conflit épistétnologique. La portée politique de ce point apparattra plus clairement dans

partie.

Cependant,

ce

motif de l'harmonie reste pour le moment marginal dans les recherches husserliennes. Il ne sera problématisé en tant que tel, el précisément à propos de la comnumauté des monades que bien plus tard, dans des recherches sur l'intersubjectivité. Il nous suffit de noter qu'il affleure déjà et qu'il affleurera encore de façon marginale, notamment dans l'égologie de 1913, dans lesIdeett 1.

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