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Influence d'un trauma et de caractéristiques maternelles sur la manifestation de comportements maternels atypiques dans l’interaction mère-enfant

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Influence d’un trauma et de caractéristiques

maternelles sur la manifestation de comportements

maternels atypiques dans l’interaction mère-enfant

Thèse

Marie-Eve Rousseau

Doctorat en psychologie – recherche et intervention-orientation clinique

Philosophiæ doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Marie-Eve Rousseau, 2015

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Résumé

La désorganisation de l’attachement de l’enfant est associée à d’importantes

difficultés psychosociales au long cours et à un risque accru de psychopathologies. Dans la population normale, environ 15% des enfants présenteraient un tel type d’attachement alors que dans les milieux socio-économiques plus faibles, la proportion grimperait à 25%. Plusieurs études ont concentré leurs efforts sur le rôle central joué par la mère dans la désorganisation de l’enfant et plus précisément, sur la manifestation de comportements maternels atypiques (CMA). Cependant, l’origine de ces manifestations demeure passablement peu explorée. L’objectif de cette thèse est donc de mieux comprendre les variables qui influencent l’apparition de comportements déconnectés et extrêmement insensibles manifestés par la mère dans des milieux à faible risque. Plus particulièrement, une attention particulière sera portée à la présence d’un trauma dans l’enfance de la mère avec une figure d’attachement et au fonctionnement réflexif maternel. Une troisième variable, les dimensions de l’organisation de la personnalité de la mère, fera également l’objet d’une analyse et représente une variable novatrice dans l’étude de la relation mère-enfant. Les données ont été recueillies auprès de 97 mères provenant de la communauté par l’entremise d’entrevues, de questionnaires et de situations d’interaction. Des analyses

corrélationnelles, de différences de moyennes et de régressions logistiques ont été effectuées. Les résultats montrent que les mères ayant vécu un trauma interpersonnel dans un contexte d’attachement sont davantage à risque de présenter des CMA et ce, surtout lorsqu’elles ont de faibles capacités réflexives et qu’elles présentent des éléments d’organisation de la personnalité problématiques. Les résultats montrent également que les femmes qui

deviennent mères pour une première fois sont plus susceptibles de déployer des CMA dans l’interaction avec leur enfant que les mères qui ont deux enfants ou plus. La présente thèse permet donc de mieux comprendre les mécanismes de transmission intergénérationnelle des séquelles du trauma et de l’attachement. Elle apporte de nouvelles connaissances d’un point de vue empirique en étudiant une variable novatrice et jette un éclairage nouveau sur les leviers d’intervention pour les cliniciens œuvrant auprès des mères présentant une histoire de trauma et une pathologie de la personnalité.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... ix

Remerciements ... xi

Avant-propos ... xvii

Chapitre 1 : Introduction ... 1

La Théorie de l’Attachement ... 1

Le Système de Parentage ... 4

Traumas Interpersonnels et Maternité ... 16

Description et Développement du Fonctionnement Réflexif ... 19

Personnalité et Parentalité ... 24

Questions de Recherche et Hypothèses ... 34

Chapitre 2 : Méthodologie ... 37

Participants ... 37

Procédure ... 38

Instruments de mesure... 39

Plan d’Analyses Statistiques... 44

Chapitre 3 : Résultats ... 47

Analyse Factorielle de l’Inventaire d’Organisation de la Personnalité ... 47

Description des Prédicteurs et Variables Prédites ... 48

Prédiction des Comportements Maternels Atypiques ... 52

Chapitre 4 : Discussion ... 61

Comportements Maternels Atypiques Déconnectés ... 62

Comportements Maternels Atypiques Insensibles Négligents ... 67

Comportements Maternels Atypiques Insensibles Intrusifs-agressifs ... 69

Constats Généraux ... 72

Considérations Méthodologiques et Pistes Futures ... 74

Contributions Cliniques ... 81

Conclusion Générale ... 84

ANNEXE A : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 87

ANNEXE B : FORMULAIRE D’AUTORITÉ PARENTALE... 91

ANNEXE C : INVENTAIRE D’ORGANISATION DE LA PERSONNALITÉ (IPO : VERSION À 43 ITEMS) ... 93

ANNEXE D : ÉCHELLE DES EXPÉRIENCES D’ABUS PAR LES FIGURES D’ATTACHEMENT ... 99

EXPERIENCES OF ABUSE BY ATTACHMENT FIGURES ... 100

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Liste des tableaux

Tableau 1. Moyennes par échelle et par score, écarts-types et corrélations pour la diffusion de l’identité, les mécanismes de défense, l’épreuve de réalité,

le fonctionnement réflexif et les types de comportements maternels………....49 Tableau 2. Moyennes et écarts-types des dimensions de l’organisation de la

personnalité, du fonctionnement réflexif et des scores aux échelles de comportements maternels atypiques selon la présence d’un vécu

traumatique…...50 Tableau 3. Analyse de régression logistique du vécu traumatique, des dimensions

d’organisation de la personnalité et du fonctionnement réflexif en tant que prédicteurs de la présence de comportements maternels déconnectés……..….54 Tableau 4. Analyse de régression logistique du vécu traumatique, des dimensions

d’organisation de la personnalité et du fonctionnement réflexif en tant que prédicteurs de la présence de comportements maternels insensibles

négligents………...56 Tableau 5. Moyennes et écarts-types des dimensions de l’organisation de la

personnalité, du fonctionnement réflexif et des scores aux échelles de

comportements maternels atypiques selon la primiparité………..57 Tableau 6. Analyse de régression logistique du vécu traumatique, des dimensions

d’organisation de la personnalité et du fonctionnement réflexif en tant que prédicteurs de la présence de comportements maternels insensibles

intrusifs-agressifs………..……….58 Tableau 7. Corrélations entre la présence de comportements maternels atypiques,

les dimensions d’organisation de la personnalité et les capacités réflexives chez les mères sans vécu traumatique…………..………...59 Tableau 8. Corrélations entre la présence de comportements maternels atypiques, les

dimensions d’organisation de la personnalité et les capacités réflexives chez les mères ayant un vécu traumatique.………..……...60

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Liste des figures

Figure 1. Distribution des scores de CMA déconnectés……… 51 Figure 2. Distribution des scores de CMA insensibles négligents……...………..51 Figure 3. Distribution des scores de CMA insensibles intrusifs-agressifs……….52

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Remerciements

Le doctorat aura été pour moi un périple intense, stimulant, enrichissant et parfois bien laborieux. Nous débutons cette aventure gonflés à bloc, caressant de grandes

ambitions et en ayant en tête que ce sera, jusqu’à ce jour, la plus belle expérience de notre vie. Ce qui n’est pas totalement faux! Par contre, il est difficile, a priori, de s’imaginer les sacrifices qu’il y aura à faire, le découragement qui nous envahira et l’incontournable question : « mais pourquoi me suis-je embarquée dans ce projet? ». A posteriori, on comprend. On comprend parce qu’à travers ces dix années de cheminement universitaire, on s’est dépassé et on en ressort avec un énorme sentiment de fierté et d’accomplissement. On comprend, parce qu’au fond, je sais que la voie que j’ai empruntée est la bonne, que c’est la mienne et que je m’imagine difficilement une autre carrière que celle qui me permettra d’aider des enfants, des adolescents et leurs parents à se comprendre et à se développer. Ce parcours du combattant, même si je me suis parfois sentie bien seule avec mes remises en question et mes appréhensions, s’est néanmoins effectué avec l’aide, le support et l’affection de plusieurs personnes, certaines déjà présentes avant le début du doctorat et d’autres que j’ai rencontrées en cours de route. Les dernières semaines de l’aventure doctorale ont d’ailleurs été particulièrement ardues et j’ai eu la grande chance d’être soutenue par des collègues, amis et membres de ma famille qui ont pris soin de moi et qui m’ont insufflé l’énergie nécessaire pour mener à terme cette aventure. J’espère qu’ils sauront se reconnaître, mais un petit clin d’œil s’impose à ceux qui ont su réchauffer mon cœur au cours de cette période riche en émotions à coup de chocolatines, de sushis et de bulles! Je souhaite tout de même m’adresser directement à certaines personnes pour

souligner leur apport dans mon cheminement et leur contribution unique dans cette épopée. D’abord, je tiens à remercier les Dres Natacha Godbout et Catherine Bégin pour votre implication minutieuse et consciencieuse dans l’évaluation de ma thèse. Vos

commentaires constructifs et la pertinence de vos questionnements m’ont fait voir certains aspects sous un angle différent, ce qui m’a permis d’amener la qualité de ma thèse à un niveau supérieur.

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Merci également à Dre Karin Ensink, membre du comité de thèse depuis les tout débuts de ce projet. Merci pour vos réflexions stimulantes et les nombreuses discussions sur le fonctionnement réflexif et les comportements maternels.

Je souhaite également remercier ma directrice de thèse et superviseure clinique, Dre Lina Normandin. Très tôt dans mon parcours doctoral, vous avez su me pousser à relever des défis que je croyais à plusieurs moments trop grands pour mes connaissances et mes capacités. Votre confiance en moi m’a toujours encouragée à repousser mes limites et à relever de nouveaux défis. Je tiens également à souligner l’influence considérable que vous avez eue et avez toujours sur la construction de mon identité professionnelle. D’apprendre à réfléchir au monde interne des enfants et de leurs parents au sein de votre équipe représente les fondements de ma pratique clinique et je serai toujours reconnaissante à votre égard pour ces apprentissages. Merci.

Je souhaite également souligner la contribution de Jean-Pierre Rousseau dans ma formation clinique. Même si je n’ai eu le privilège de travailler avec toi que quelques mois, je tiens à te remercier de m’avoir encouragée à m’approprier ma profession et à donner à mon identité professionnelle une couleur qui m’est propre. Ton passage dans mon développement professionnel aura été court, certes, mais considérablement marquant.

Parlant de modèles inspirants, je veux remercier la gang du labo et ses satellites qui sont maintenant devenus des collègues et des amis importants! Roxanne, Nicolas, Véronik, Louis-Alexandre, Jacinthe, Christine, Dominick, Claudia et Thomas, merci! Un merci spécial à Julie Maheux, qui a été la première à me donner une chance et à voir du potentiel en moi, en ce mois d’octobre 2006. Julie, tu as été présente à chacune des étapes depuis ce temps en étant impliquée dans mon cheminement de façon très particulière à différents moments. Au-delà de ton rôle de mentor, tu es devenue, avec le temps, une amie très précieuse. Merci d’avoir été aussi inspirante, accueillante et disponible. À mes deux mousquetaires, Éva et Annie, fidèles compagnes depuis le jour 1 du doctorat, merci pour votre amitié. Un merci spécial à Julie Roy et Anne-Marie pour les nombreuses discussions (parfois interminables) du 12ème, vous avez su me divertir à souhait au cours des dernières

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xiii Josée, Pablo et Marko et les membres du labo que j’ai eu moins la chance de côtoyer,

Catherine, Vicky et Michaël, continuez de faire vivre l’âme de cette belle équipe! Je ne peux passer sous silence la présence d’Andrée-Anne et Sonia, comparses du doctorat, qui sont toujours présentes pour partager gourmandises et cafés depuis le tout début du doctorat. Merci à Alexandra, qui est arrivée sur le tard, mais pour qui j’ai une grande affection. Merci pour les potins savoureux et conversations de coin de porte!

Une pensée spéciale à ma gang du défunt ADPUL, Éva, Mathieu, Simon et Marie-Audrey. Vous côtoyer au sein de l’asso pendant 3 ans aura rendu mon doctorat tellement plus plaisant et je garde des souvenirs impérissables de quelques-unes de nos fameuses soirées.

Mes pensées sont également dirigées vers mes précieuses copines, Andréanne, Marie-Hélène et Marie. Votre soutien, votre patience, mais surtout votre présence, autant de corps que d’esprit, auront su m’encourager dans des moments où j’en avais

particulièrement besoin. Je suis excessivement privilégiée de pouvoir compter sur des amies comme vous, des femmes empathiques, sensibles et qui sont toujours prêtes à sortir de leur zone de confort pour faire mille et une folies avec moi.

Je veux également remercier ma belle-famille, Jacinthe, André, Noémie, Gabriel, Olivier et Amélie. Les moments festifs et de détente passés en votre compagnie ont été plus que bienvenus au cours des dernières années! Jacinthe, merci pour tes repas réconfortants et nos discussions parfois intenses. André, merci pour ta générosité et tes encouragements. Un merci spécial à Noémie, pour ton infinie curiosité!

Une pensée spéciale pour mes deux grands-mamans, deux femmes fortes et tellement inspirantes. Grand-maman Madeleine, tu es partie quelques jours trop tôt pour que je puisse partager mon bonheur avec toi. Mais je sais à quel point tu aurais été fière de moi et cette pensée m’émeut beaucoup. Grand-maman Hélène, merci d’être un si bel exemple à suivre, en termes de dévouement, de persévérance et de courage. À mon père, je veux te remercier pour ton soutien constant, ton support financier, ta présence. Tu as souvent été la force tranquille dont j’avais besoin dans des moments où la vie académique

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était intenable. À ma mère, merci pour ton écoute et ta façon inébranlable de croire en moi et en mes capacités. J’aurais souvent voulu avoir tes yeux pour me regarder…à certains moments où je perdais toute énergie et motivation, j’avais l’air tellement forte à travers ton regard! Je tiens également à vous remercier, tous les deux, de m’avoir permis de prendre un chemin que vous ne connaissiez pas, avec lequel vous n’étiez pas familiers et de m’avoir permis d’être moi-même et de faire mes propres choix. Je n’ai jamais senti que vous vouliez à ma place et vous avez toujours été extrêmement soutenants à travers tout mon cheminement académique. Je crois que le plus beau cadeau que des parents peuvent faire à leur enfant est de le laisser exprimer qui il est. Vous avez su le faire à merveille! Marie-Pier, ma sœur, merci d’avoir cru en moi et de m’avoir encouragée à atteindre mes buts. Même si la vie nous a entraînées sur des voies différentes, je sens qu’avec le temps, ces chemins se rapprochent peu à peu et j’en suis très heureuse. Merci aussi à mes beaux-pères, Réjean, pour tes bons mots au cours des années et à Tony, pour ta folie, tout simplement!

Les gens qui me connaissent personnellement connaissent mon amour pour le sport. Depuis le début de mon doctorat, j’ai pensé et repensé à mes remerciements de fin de thèse et plusieurs fantaisies m’ont traversé l’esprit. La plupart n’ont fait que le traverser,

justement, sauf une. J’avais envie, pour conclure mon doctorat d’une façon qui me ressemble, de remercier d’une façon particulière quelques personnes qui ont été plus que significatives au cours des années. Voici donc les 3 étoiles de mon parcours doctoral.

Ma troisième étoile, je la donne à ma petite sœur, Maude. Depuis ta naissance, nous avons développé une relation privilégiée et ô combien significative pour moi. Cette relation qui se transforme au fur et à mesure que tu vieillis ne fait que s’enrichir, ce qui a pour effet de décupler le plaisir que j’éprouve à te côtoyer, à te regarder grandir, te développer et devenir une jeune femme épanouie. Au cours de ces années d’études parfois difficiles, les moments passés avec toi ont été du bonbon. Ils me permettaient de décrocher et de vivre le moment présent, sans me soucier de mon patient qui n’allait pas bien ou de mon séminaire à préparer la semaine suivante. Tu me permets de me remettre les pieds sur terre et de mettre de côté mes soucis. Je sais qu’il sera peut-être difficile pour toi de comprendre à ce moment-ci à quel point tu as joué un rôle important dans ma vie au cours des dernières

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xv années. Mais si tu as quelque chose à retenir de tout ça, c’est que ta grande sœur, elle

t’aime à l’infini et qu’elle sera toujours là pour toi. Merci mon cœur de loup.

Ma deuxième étoile revient à mon acolyte de tous les instants, Éva. Les cours, les travaux, la cotation, les séminaires, la clinique, l’internat, la rédaction…je pense qu’il n’y a rien dans ce doctorat que nous n’avons pas fait ensemble. Tu as été là, à chaque instant, par téléphone, par courriel, chez vous, à l’Université, au Centre jeunesse. Tu as été là pour m’écouter chialer, pour me réconforter, pour me rassurer, m’encourager, me lire, même pour me nourrir! Et tout ça est encore plus vrai si l’on pense aux dernières semaines et spécialement aux journées pré-soutenance. Le doctorat nous aura permis de développer une relation très spéciale et ce processus n’aurait pas été le même sans toi. Tu as su mettre de la vie et de la couleur dans cette aventure parfois laborieuse. Merci, mon amie. (J’en profite pour remercier Pascal : d’une part, pour ton support au cours des cinq dernières années, mais également de m’avoir permis de m’immiscer de façon intermittente dans ton couple!).

Ce qui nous mène à la première étoile, Etienne. Tu as vécu l’apparition des premiers intérêts envers la psychologie, c’est donc dire à quel point tu es vraiment là depuis le début. Il y a tellement de toi dans ce doctorat, dans cette pratique clinique, dans cette thèse. Ta curiosité pour l’esprit humain, pour mon travail, pour les choses que j’apprenais. Tout cela nous a offert toutes sortes d’occasions de discuter, d’échanger, de repousser les limites de notre réflexion. Ça c’était dans les bons moments. Ta présence s’est autant fait sentir dans les moins bons moments. Les doutes, les questionnements, l’envie (ou plutôt les

nombreuses reprises où j’avais envie) de tout lâcher, le manque d’inspiration/de

motivation/d’énergie, tout ça, je les ai affrontés avec toi. Je crois que je ne pourrai jamais assez te remercier pour tous les sacrifices, les paroles ravalées, les moments gâchés où tu demeurais présent et soutenant. Merci pour ta patience, ton écoute mais surtout, par-dessus tout, merci pour ton amour. Il m’a rendu forte à des moments où je ne trouvais plus la force et m’a permis de me relever à des moments où je me sentais paralysée. Merci, merci pour tout.

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Avant-propos

Cette thèse se présente sous un format traditionnel et comprend quatre chapitres, soit une introduction qui permet de poser le cadre théorique de la thèse, une description de la méthodologie utilisée, une présentation des résultats de même qu’une discussion

générale. Elle s’inscrit dans un projet de recherche de plus grande envergure débutée en 2006 et dirigé par les professeurs Karin Ensink, Ph.D. et Lina Normandin, Ph.D. La

candidate Marie-Eve Rousseau a participé à la collecte des données, en plus d’avoir élaboré les questions de recherche, la recension de la littérature, l’analyse des données de même que l’interprétation des résultats. La candidate a également été impliquée dans la cotation du matériel de recherche, en collaboration avec Julie Roy et Éva Bérubé Beaulieu, candidates au doctorat en psychologie. Ces différentes étapes ont été réalisées sous la supervision de la professeure Lina Normandin et avec l’aide et le support de la professeure Karin Ensink et du professeur Stéphane Sabourin.

Au moment du dépôt final, un article reprenant les données de la thèse est en préparation et sera soumis au cours des semaines subséquentes.

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Chapitre 1 : Introduction

La Théorie de l’Attachement

Bien que d’autres s’étaient déjà intéressés à la relation particulière qui unit un nouveau-né à sa mère, c’est au milieu du 20ème siècle que John Bowlby donne naissance à

la théorie de l’attachement telle qu’on la connaît aujourd’hui. En effet, suite à l’observation d’enfants séparés de leur mère et de la détresse provoquée par cette séparation chez les enfants, il analysa méticuleusement l’influence du lien parent-enfant sur le développement de l’enfant. Bowlby (1969) avance alors l’idée que l’importance des figures d’attachement pour un enfant pouvait être envisagée dans une perspective évolutionniste en soutenant que la survie et la préservation du bagage génétique de l’espèce représentent,

fondamentalement, les buts ultimes de l’existence (Bowlby, 1969). Dès lors, Bowlby met l’accent sur les bases biologiques de l’attachement en postulant que l’attachement servirait une fonction évolutionniste de protection et qu’en situation de stress, les enfants seraient biologiquement prédisposés à chercher la proximité des parents.

Ainsi, Bowlby (1969) soutient que l’enfant ne naîtrait pas tabula rasa : il aurait déjà en sa possession un éventail de stratégies prêtes à être activées et permettant d’assurer sa survie. Ces comportements s’organiseraient dans un système comportemental

d’attachement, système qui serait sous-tendu par la motivation inhérente de trouver un

réconfort dans cette interaction en favorisant la proximité physique de la figure

d’attachement. Le système comportemental d’attachement serait associé avec d’autres systèmes comportementaux, notamment ceux de l’exploration et de la peur. De fait, selon Bowlby (1969), l’exploration de l’environnement par l’enfant aurait un important rôle à jouer au plan de sa survie, puisqu’elle lui permettrait de comprendre de quelle façon fonctionne l’environnement qui l’entoure. Ainsi, le système exploratoire serait intimement lié à l’activation du système d’attachement et il y aurait un équilibre fondamental entre ces deux systèmes (Ainsworth, Bell & Stayton, 1971). Cet équilibre représente d’ailleurs un concept central dans la théorie de l’attachement alors que la figure d’attachement représente pour l’enfant une base sécuritaire lui permettant d’explorer de façon autonome son

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environnement (Ainsworth, Blehar, Waters & Wall, 1978; Bowlby, 1969). Bowlby (1973) ajoute que ce n’est pas uniquement la présence du parent qui favoriserait l’exploration. Il suggère en effet que, pour l’enfant, ce serait davantage la certitude qu’il sera disponible en cas de besoin qui favoriserait une exploration autonome de sa part (Ainsworth & Wittig, 1969; Sorce & Emde, 1981). Cette idée met donc en évidence que ce serait la

représentation que se fait l’enfant du degré d’engagement du parent envers lui qui serait déterminante.

Un deuxième système comportemental lié au système d’attachement est celui de la peur. D’un point de vue évolutionniste, il serait biologiquement adapté pour un enfant d’avoir une réaction de peur face à certains types de stimuli puisqu’à l’image du système d’attachement, le système de la peur aurait comme fonction la préservation de l’intégrité de l’individu (Bowlby, 1969). Dans cette optique, la peur jouerait donc à la fois un rôle de protection et de défense ayant pour but d’éliminer l’objet de la peur ou, à tout le moins, s’en éloigner. Dans le contexte des relations parent-enfant, l’activation de ce système serait intimement liée à la recherche de réconfort par l’enfant (Bowlby, 1973). Ainsi, lorsqu’un enfant est apeuré, il ne chercherait pas simplement à fuir la source de la peur, mais il serait également en quête d’une source de protection et de sécurité. Par conséquent, l’enfant aurait tendance à se rapprocher physiquement de la figure d’attachement pour se protéger des différents éléments ou menaces qui sont susceptibles d’activer le système

comportemental. Ceci dit, comme dans le cas de l’exploration de l’environnement, la présence réelle ou imaginée de la figure d’attachement rend un enfant moins vulnérable à la peur (Sorce & Emde, 1981).

En plus d’être dirigés dans un but particulier, les systèmes comportementaux

seraient guidés par une rétroaction continuelle permettant d’évaluer si le but poursuivi a été atteint et, dans le cas contraire, de réajuster le tir. Cette évaluation constante demande donc une grande flexibilité des comportements d’attachement et permet un meilleur ajustement de l’enfant aux changements de l’environnement afin de maintenir une certaine proximité avec le parent (Bowlby, 1973). Ainsi, après avoir examiné les caractéristiques de

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3 réponse spécifique déterminée à la fois par les systèmes d’attachement, de peur et

d’exploration. Par exemple, si l’enfant considère l’environnement dangereux, il ne sera pas porté à l’explorer. En plus, si le système d’attachement est activé ( p. ex. l’enfant est séparé de ses parents et il est entouré de personnes non familières), l’exploration de

l’environnement par l’enfant et son intérêt pour le jeu diminueront. Dans le même sens, si le système d’attachement n’est pas activé ( p. ex. l’enfant est dans un environnement confortable et le parent est près de lui), l’exploration de l’environnement sera favorisée (Ainsworth et al., 1971). C’est donc à travers ces comportements manifestés en cas de dangers réels ou pressentis par l’enfant que nait un lien émotionnel entre l’enfant et ses figures d’attachement. Cette relation permet également la formation des modèles internes

d’attachement, comprenant la représentation mentale que se fait l’enfant de lui-même et la

représentation qu’il a de l’autre, dans ce cas-ci représentée par la figure d’attachement principale. Bowlby (1969) soutient que ce sont ces représentations mentales qui permettent à l’individu d’anticiper, d’interpréter et de guider les interactions avec les autres. Ce modèle d’interaction internalisé dans les premiers mois de la vie servirait donc

d’échafaudage pour les relations que l’enfant bâtira au cours de son développement, en influençant ses pensées, ses sentiments et ses comportements envers les autres et qui teintera sa façon de réagir à des événements stressants (Bowlby, 1969). Ainsi, le système d’attachement représenterait un élément fondamental dans le développement d’un individu, de par l’incidence considérable sur l’aménagement des relations interpersonnelles au cours de la vie.

L’analyse et la compréhension de la qualité de la relation d’attachement que développe l’enfant avec la figure parentale demeurent cependant incomplètes si l’élément central de cette interaction, c. à d. le parent, n’est pas pris en considération. En effet, comme le suggère la théorie de l’attachement et le courant de recherche qui en découle, la qualité de la relation d’attachement serait grandement déterminée par la qualité de

l’interaction entre l’enfant et la figure d’attachement et résulte de la synchronisation de leurs réponses et comportements l’un envers l’autre (Simpson & Belsky, 2008). Le système de parentage devient donc une variable incontournable dans la conceptualisation du lien qui unit un enfant à ses parents. Dans le contexte spécifique de cette thèse, c’est davantage le

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lien mère-enfant qui recevra une attention particulière, étant donné qu’il s’agit de la figure d’attachement principale lors des premières années de vie de l’enfant.

Le Système de Parentage

Déjà évoqué par Bowlby (1969; 1973) qui prétendait qu’il se manifestait

simultanément au système d’attachement de l’enfant, le système de parentage correspond aux comportements adoptés par la figure d’attachement en réponse aux comportements d’attachement de l’enfant. Des auteurs plus contemporains ont conservé l’idée de Bowlby par rapport à ce concept en précisant qu’à l’image du système d’attachement de l’enfant, le système de parentage sert une fonction adaptative en réponse à l’attachement de l’enfant, soit de fournir une protection, un confort et des soins à l’enfant (George & Solomon, 2008). Ainsi, les comportements de parentage seraient activés dans les situations que le parent perçoit comme étant dangereuses ou inquiétantes pour l’enfant et s’exprimeraient de différentes façons, par exemple en maintenant une proximité avec l’enfant, en le regardant ou en le prenant dans ses bras (George & Solomon, 2008). Une fois le système de

parentage activé, le parent doit, à partir des différents indices qui lui permettent d’évaluer la situation ( p. ex. les signaux de l’enfant, sa propre perception du danger), déterminer le(s) comportement(s) le(s) plus approprié(s) à adopter. La complexité de ce processus

décisionnel, inconscient et quasi-automatique, réside dans le fait qu’un être humain adulte est appelé à jouer plusieurs rôles à la fois. En effet, comme le soulignent plusieurs auteurs, en plus d’être responsable des soins prodigués à un enfant, un parent peut avoir d’autres enfants de qui prendre soin (parentage concurrent), être un(e) partenaire sexuel(le) (système sexuel), avoir un travail (système d’exploration) et avoir lui-même besoin que ses propres parents prennent soin de lui (système d’attachement du parent) (Simpson & Belsky, 2008).

Le parent doit donc faire preuve d’une certaine flexibilité pour intégrer les différentes sources d’information et bien différencier ce qui appartient au système de parentage de ce qui relève des autres systèmes comportementaux, notamment en étant en mesure de bien identifier où se rejoignent les différents systèmes, mais aussi les limites qui les définissent. Cette flexibilité permet d’ailleurs au parent de détecter de façon appropriée

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5 les signaux de son enfant et de les différencier des signes provenant des autres systèmes

comportementaux. De cette façon, il est plus susceptible de répondre de façon appropriée à l’enfant et, ultimement, d’atteindre le but premier du système de parentage, c. à d. la protection et la sécurité de l’enfant (George & Solomon, 1999, 2008; Solomon & George, 1996). Il est donc possible de penser qu’un parent présentant une certaine rigidité dans sa façon de se représenter et de différencier les différents systèmes comportementaux pourrait voir son système de parentage devenir moins efficace. Qui plus est, dans les cas les plus extrêmes, cette incapacité pourrait même le faire échouer dans son rôle de protection envers l’enfant alors qu’il n’arrive plus à lui fournir des soins suffisamment bons.

D’ailleurs, Lyons-Ruth et ses collaborateurs (2006) évoquent le caractère

potentiellement traumatique pour l’enfant de la non-disponibilité des donneurs de soins et de l’absence de régulation interactionnelle au sein de la relation parent-enfant. Ainsi, dans un souci de mieux comprendre ces interactions dysfonctionnelles, plusieurs auteurs ont décrit le contexte dans lequel ces enfants sont placés face à leur parent et les manifestations comportementales en résultant. Main et Solomon (1986; 1990) décrivent en effet que ces enfants présenteraient un manque de stratégies organisées pour gérer la détresse résultant de l’activation du système d’attachement. L’observation systématique des enfants présentant un tel profil fit émerger une grille d’analyse des comportements, ce qui en fait désormais un phénomène codifiable et donc, mesurable, identifié comme étant l’attachement désorganisé (Main & Solomon, 1990). La désorganisation de l’attachement est définie comme l’échec de la mise en place d’une stratégie organisée et constante chez l’enfant pouvant lui permettre de diminuer la détresse associée à l’activation du système d’attachement. Étant donné la quantité de données disponibles à ce jour documentant le lien entre la

désorganisation et les défaillances du système de parentage, l’attachement désorganisé ne fera pas l’objet d’une attention particulière dans le cadre de cette thèse. Par contre, il importe de bien saisir en quoi ces deux concepts sont liés pour mieux comprendre les précurseurs de la désorganisation de l’attachement et les variables qui permettent de prédire son apparition.

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Le phénomène de la désorganisation est repérable spécifiquement lors de la situation étrangère (Ainsworth et al., 1978), une procédure expérimentale caractérisée par deux séparations et deux réunions entre l’enfant et sa figure d’attachement (Lyons-Ruth & Jacobvitz, 1999; Main & Solomon, 1986). De façon générale, cette désorganisation

s’observe par des manifestations comportementales inattendues chez l’enfant caractérisées par des comportements contradictoires, mal dirigés ou stéréotypés, des états de transe ou encore des comportements résultant d’une appréhension face à la figure d’attachement lorsqu’elle revient suite à une séparation (Main & Solomon, 1986). Dans la population normale, environ 15% des enfants présenteraient un tel type d’attachement alors que dans les milieux socio-économiques plus faibles, la proportion grimperait à 25% (van

IJzendoorn, Schuengel & Bakermans-Kranenburg, 1999).

Selon Main et Hesse (1990), les comportements d’attachement désorganisé adoptés par l’enfant ne seraient pas simplement incohérents ou bizarres. Ils seraient plutôt le résultat d’une expérience anxiogène pour l’enfant face à un parent qui, de par ses comportements, ses affects et ses attitudes, provoquerait des affects de peur chez lui. Ainsi, ces auteurs voient l’évolution des comportements de désorganisation comme le résultat logique d’une inhibition et d’une activation simultanées du système comportemental d’attachement qui se produirait lorsque la figure d’attachement, qui représente habituellement un refuge

sécuritaire dans l’esprit de l’enfant, devient une menace. Cette idée est similaire à celle de Bowlby (1969) qui postule que le système comportemental d’attachement, qui amènerait l’enfant à chercher la proximité avec sa mère, est étroitement lié à celui de la peur, qui activerait plutôt la fuite. Ce phénomène s’apparente au phénomène de réponse combat-fuite décrite par un physiologiste américain (Cannon, 1929), voulant que face à une menace, le système nerveux sympathique d’un être vivant s’active et met en action une réponse d’attaque ou encore une réponse de fuite face à un danger.

Ce serait donc cette activation concomitante qui placerait l’enfant face à une situation paradoxale, conflictuelle et effrayante où n’importe quelle stratégie organisée ne peut que s’effondrer (Hesse & Main, 1999; Main & Hesse, 1986). D’ailleurs, les auteurs prétendent que l’essence même de la désorganisation de l’attachement serait la peur sans

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7 solution. Ainsi, l’enfant, effrayé de façon répétée par son parent, est sujet non seulement à

expérimenter des émotions négatives et perturbantes, mais est également confronté à un dilemme d’ordre biologique où deux fortes tendances opposées sont activées en même temps, soit approcher le parent et s’en échapper (Hesse & Main, 1999).

Plusieurs études révèlent chez les enfants ayant un attachement désorganisé des conséquences physiologiques similaires à celles retrouvées chez des enfants plus âgés et des adultes ayant vécu des traumas avérés (voir Lyons-Ruth et al., 2006, pour une revue). Ces événements traumatiques plus subtils survenant à l’enfance, nommés traumas cachés, auraient ainsi un effet important sur l’hyper- ou l’hypo- réponse face au stress, via l’axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien et ce, très tôt dans la vie de l’enfant (Gunnar & Fisher, 2006). Ce type de trauma, au cœur même de la relation parent-enfant, peut d’ailleurs être difficilement discernable par un observateur externe et semble peu tangible. Il n’en demeure pas moins que cette expérience est bel et bien réelle pour un enfant en

développement. D’ailleurs, il est désormais reconnu au sein de la communauté scientifique qu’à l’image de l’insécurité de l’attachement, représentée par l’attachement évitant et l’attachement préoccupé, la désorganisation est associée au déploiement d’un éventail de symptômes internalisés et externalisés au long cours (Sroufe, Egeland, Carlson, & Collins, 2005; van IJzendoorn, et al., 1999). Ce sont cependant les conséquences au plan de la régulation émotionnelle qui rendent l’attachement désorganisé plus inquiétant quant au développement de l’enfant (Lyons-Ruth, 2008). De fait, la différence majeure entre l’insécurité et la désorganisation de l’attachement réside dans le caractère « organisé » des stratégies d’attachement. En effet, alors que la désorganisation est vue chez l’enfant comme un échec du maintien d’une stratégie d’attachement cohérente lorsqu’il a besoin d’être réconforté, l’attachement insécure est plutôt considéré comme un ensemble de

comportements qui s’organisent en concordance à des comportements de parentage prévisibles (Weinfeld, Sroufe, Egeland, & Carlson, 2008). Ainsi, même si les

comportements déployés par le parent peuvent être rejetants ou empreints d’anxiété, l’enfant arrive tout de même à développer une représentation mentale plutôt stable de sa figure d’attachement de même qu’un certain patron de gestion des émotions concordant avec les expériences passées et présentes qu’il vit au sein de la relation avec lui.

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8

Comportements maternels atypiques. Étant donné l’influence considérable de l’attachement désorganisé sur le développement de l’enfant, les défaillances du système de parentage ont attiré l’attention des chercheurs et cliniciens s’intéressant à la

psychopathologie développementale. D’ailleurs, comme la mère représente la principale figure d’attachement pour l’enfant au cours des premières années de vie, un intérêt

particulier a été porté à ces défaillances chez les mères. Ces manifestations, communément appelées comportements maternels atypiques (CMA), ont été opérationnalisées de

différentes façons, ce qui a mené à plusieurs études permettant de mieux comprendre l’influence du système de parentage sur le développement de la désorganisation de l’attachement chez l’enfant.

Système de codification de Main et Hesse. Main et Hesse (1990) ont été les premiers à décrire ces comportements adoptés par la mère en insistant sur le caractère intriguant de ces manifestations, qu’ils décrivent comme un échec sporadique de la réponse de la mère envers l’enfant. Les deux collaborateurs ont créé une mesure permettant

l’observation systématique des comportements maternels spécifiques de même que l’évaluation de leur sévérité et de leur fréquence (Main & Hesse, 1992). Cet instrument répertorie six types de comportements répartis en deux grandes catégories, distinguant les comportements pouvant effrayer l’enfant dans l’immédiat (comportements dissociés, effrayants et effrayés) de ceux susceptibles de le bouleverser indirectement (comportements timides/déférents, sexualisés/romantiques et désorganisés/désorientés).

Le premier type de comportement pouvant effrayer l’enfant directement sont les comportements dissociés. Même si on ne le retrouve que rarement dans les échantillons à faible risque, il semble que ce soit celui des trois de type direct qui serait le plus fréquent dans les familles à risque (Hesse & Main, 1999). Caractérisés par le fait de figer, de parler avec une voix ou sur un ton altéré ou de fixer un endroit sans vraiment « regarder », ces manifestations sont susceptibles de laisser l’enfant avec l’impression qu’il ne peut être réconforté par sa mère, puisque celle-ci peut ne pas sembler disponible cognitivement et émotionnellement pour l’accueillir et le rassurer.

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9 Des comportements dits effrayants ont également été décrits par les auteurs. Ils

comprennent une expression faciale menaçante, le fait d’envahir brusquement l’espace de l’enfant ou encore d’adopter des mouvements ou de posture d’attaque et/ou de poursuite, s’apparentant aux comportements d’un prédateur envers une proie. Il s’agirait en effet de comportements survenant de façon imprévisible et qui ne s’inscrivent pas dans le contexte d’un jeu, ce qui implique qu’aucun signal n’a été envoyé à l’enfant au préalable pour le « prévenir » de la survenue d’une telle manifestation. Ces comportements de prédation pourraient être le résultat de souvenirs ou de pensées effrayantes et partiellement dissociées qui envahissent la mère lors de l’interaction avec son enfant et qui sont possiblement associées à une expérience traumatique vécue par celle-ci (Hesse & Main, 1999). Par ailleurs, comme le souligne Bowlby (1969), le système d’attachement est le premier rempart pour l’enfant contre la menace d’un agresseur. Ainsi, dans le cas où la mère deviendrait elle-même le prédateur alors qu’elle devrait avant tout jouer le rôle du refuge sécuritaire, cette situation hautement effrayante serait susceptible de créer beaucoup de confusion chez l’enfant.

Un troisième type de comportement particulièrement alarmant pour l’enfant survient lorsque la mère manifeste une attitude ou des affects évoquant qu’elle est elle-même

effrayée dans l’interaction avec l’enfant. Parmi ces manifestations se retrouvent une intonation vocale ou une expression faciale effrayée (p. ex. yeux qui s’agrandissent,

inspiration soudaine, froncement des sourcils indiquant la peur) ou encore des mouvements ou une posture évoquant ce type d’émotions (p. ex. une mère qui sursaute, qui s’éloigne de l’enfant ou qui porte les mains à la bouche). Comme pour la catégorie précédente, ces comportements découleraient des expériences traumatiques vécues par la mère et se répèteraient dans le contexte d’interaction avec l’enfant. L’apparition de ces

comportements pourrait s’expliquer soit par l’identification de l’enfant comme un agresseur ou encore parce que l’impuissance et la peur qui émergent chez la mère dans le contexte où elle doit prendre soin de l’enfant la ramènent à des expériences perturbantes du passé (Hesse & Main, 1999). Dans ce contexte, l’enfant devient le « récipient » psychique de la détresse de la mère (Abrams, 1999).

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Il est clair que ces trois types de comportements sont particulièrement anxiogènes et déroutants pour l’enfant, d’une part étant donné leur caractère soudain et imprévisible, mais également en raison de la détresse intense et la grande confusion susceptibles d’en résulter. De fait, au-delà de la non-disponibilité psychologique et parfois physique de la mère, l’enfant se retrouve la majorité du temps dans l’incapacité d’identifier l’origine de la menace dans l’environnement immédiat, puisqu’elle prend généralement sa source dans le monde interne de la mère (Hesse & Main, 1999). Par conséquent, la « menace » demeure présente autant pour l’enfant que pour la mère, et celle-ci se trouve dans l’incapacité de répondre aux besoins d’attachement de l’enfant, le maintenant dans un état de peur sans qu’aucune solution ne soit possible pour diminuer sa détresse.

La deuxième catégorie de comportements potentiellement effrayants pour l’enfant regroupe des manifestations considérées comme ne menant pas directement à la

désorganisation de l’enfant. Cependant, elles impliquent elles aussi une certaine altération de la conscience chez la mère et peuvent donc potentiellement créer de la confusion chez l’enfant (Hesse & Main, 1999). Le premier type regroupe les comportements timides et déférents, c. à d. une tendance chez la mère à adopter une position de soumission par rapport à son enfant. La mère traiterait en effet son enfant comme un être supérieur ou pourrait le considérer comme un havre de sécurité lorsqu’elle est elle-même alarmée, renversant ainsi la relation d’attachement (George & Solomon, 1996). De plus, la relation généralement hiérarchique entre l’enfant et son parent en devient une d’égal à égal, créant ainsi un contexte où l’enfant perçoit sa mère comme étant impuissante et donc, moins en mesure de contenir les affects intenses qu’il expérimente (Cox, Paley, & Harter, 2001).

Les comportements sexualisés ou romantiques représentent un autre groupe de comportements évoquant une certaine altération de la conscience de la mère, mais sans pour autant effrayer directement l’enfant. Ils se manifestent par l’entremise de gestes à caractère intime ou sexuel envers l’enfant ou encore par le fait que la mère encourage l’enfant lui-même à la toucher ou à la caresser. Les auteurs soulignent que cette sous-catégorie est cependant peu retrouvée dans les échantillons à faible risque, mais que des formes plus légères de cet ordre peuvent tout de même être observées. Ils évoquent

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11 également que la majorité des mères s’engageant dans ce genre de comportements ne

semblaient pas apeurées ou effrayantes, ni même dans un état dissocié. Ils soulèvent cependant l’idée qu’un phénomène psychologique se joue probablement dans cette

interaction si ces mères ne sont pas en mesure de réaliser l’ampleur et le caractère déplacé de ces comportements. Ils émettent donc l’hypothèse que cette absence de remise en question et d’auto-observation pourrait être un indice d’une certaine altération de la conscience, qui pourrait les mener, ultimement, à présenter d’autres comportements découlant de la dissociation, soit des comportements franchement effrayants ou effrayés (Hesse & Main, 1999).

La dernière des 6 classes de comportements comprend des comportements de désorganisation et de désorientation chez le parent. Ils se manifestent par des contradictions dans les gestes ou les vocalisations, par des mouvements stéréotypés, répétés ou incomplets ou par un manque d’orientation dans l’environnement (Hesse & Main, 1999). Ces

comportements sont soudains et ne semblent répondre à aucune logique, suggérant ainsi un effondrement momentané des stratégies comportementales de la mère (Hesse & Main, 1999).

Instrument d’évaluation et de classification des comportements maternels atypiques. Quelques années plus tard, d’autres auteurs ont enrichi le concept de CMA en développant l’instrument d’évaluation et de classification des comportements maternels atypiques (AMBIANCE; Bronfman, Parsons & Lyons-Ruth, 1992-2004). Ce système inclut des aspects qui ne se retrouvaient pas dans la classification de Main et Hesse et qui sont surtout en lien avec l’indisponibilité et l’incapacité de la mère à répondre aux signaux de détresse de l’enfant. En effet, plusieurs auteurs se sont intéressés à cet échec de la mère à réguler l’activation émotionnelle et comportementale de l’enfant en détresse et ont soulevé l’hypothèse que des comportements de retrait ou encore de renversement de rôles

pouvaient, même si cela n’est pas franchement effrayant pour l’enfant, le laisser dans un état de confusion important (Lyons-Ruth, Bronfman, & Parsons, 1999; Madigan, Moran & Pederson, 2006). Ils soulignent en effet que dans ces situations, l’enfant ne sent pas qu’il peut influencer les comportements de sa mère et ainsi se faire comprendre dans les

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moments où il en a grandement besoin, le laissant par le fait même seul avec sa détresse. Ainsi, l’inaptitude de la mère à réguler les affects de son enfant perturberait la

communication entre eux et serait également susceptible de mener l’enfant vers un attachement désorganisé.

La réflexion de Lyons-Ruth et de son équipe, qui s’est échelonnée sur plusieurs années, a donc permis de mettre en lumière que différents patrons d’interaction mère-enfant étaient susceptibles de mener l’enfant vers un attachement désorganisé. D’ailleurs, ils ont évoqué que les mères d’enfant désorganisés se différenciaient davantage entre elles au plan des comportements adoptés que les mères d’enfants non-désorganisés (Lyons-Ruth,

Bronfman, & Parsons, 1999). C’est pourquoi les éléments reliés au renversement de rôles et à l’insensibilité ont été ajoutés à leur grille d’analyse, qui compte 5 regroupements de comportements : (1) des erreurs de communication affective (2) une confusion des rôles/frontières (3) des comportements effrayés/désorientés (4) des comportements intrusifs/négatifs et (5) des comportements de retrait.

Instrument d’évaluation du parentage déconnecté et extrêmement insensible. Récemment, d’autres auteurs ont développé un troisième instrument de mesure reprenant les éléments des deux précédents, mais selon une nouvelle organisation. S’intéressant au parentage déconnecté et extrêmement insensible (DIP; Out, Bakermans-Kranenburg & van IJzendoorn, 2009), cet outil permet de distinguer deux catégories de CMA, soit les

comportements déconnectés et les comportements d’extrême insensibilité. Il combine donc les forces des deux instruments précédents et permet désormais d’apprécier la contribution unique de ces types de CMA dans le déploiement d’un attachement désorganisé (Out et al., 2009). Les CMA déconnectés comprennent 5 sous-types de manifestations (comportements effrayés, effrayants, dissociés, romantiques/déférents et désorganisés). Tels que définis par Main et Hesse (2006), ces comportements sont associés à un état de conscience altéré ou dissocié et correspondent aux manifestations qui composent le système de codification de Main et Hesse (1992). Quant aux CMA d’extrême insensibilité, ils sont subdivisés en 2 types de manifestations. D’une part, les comportements de retrait et de négligence correspondent à une non-réponse aux besoins de l’enfant, à un manque d’interaction et à

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13 une mise à distance de l’enfant. D’autre part, les comportements intrusifs, négatifs et

agressifs d’autre part font davantage référence à une insensibilité active, représentée par des verbalisations et/ou des gestes hostiles à l’égard de l’enfant de même que par une

interaction trop intense ou intrusive avec l’enfant (Out et al., 2009).

Out et al. (2009) rapportent une corrélation faible, mais significative (r = .21, p < .01), entre les comportements déconnectés et l’extrême insensibilité, ce qui suggère que ces deux types de CMA sont liés, mais qualitativement distincts. Ce résultat appuie donc l’importance de mesurer ces construits séparément, tel que le permet ce nouvel instrument. D’ailleurs, des résultats récents provenant d’une étude longitudinale permettent de mettre en évidence des différences dans les patrons développementaux d’enfants ayant vécu de l’insensibilité passive, par exemple de la négligence et du retrait de la part de la mère, en comparaison à ceux ayant vécu une insensibilité active, caractérisée par de l’hostilité et des comportements intrusifs (Lyons-Ruth, Bureau, Holmes, Easterbrooks & Brooks, 2013).

Étant donné les distinctions qui raffinent davantage le concept des CMA, ceux-ci seront mesurés à l’aide du DIP dans le cadre de la présente thèse. Une attention particulière sera également accordée à chacun des trois types de CMA, soit les CMA déconnectés, les CMA insensibles négligents et les CMA insensibles intrusifs-agressifs afin de mieux comprendre leur déploiement respectif dans la relation mère-enfant. Il est par contre important de noter qu’à ce jour, peu de chercheurs ont utilisé ce nouvel instrument et la majorité des études portant sur les CMA ont été conduites à l’aide du système de codification de Main et Hesse ou de l’AMBIANCE.

Données empiriques reliées aux comportements maternels atypiques. De façon générale, les mesures des CMA permettent d’évaluer dans quelle mesure les mères sont susceptibles de présenter des comportements inadéquats, soit d’origine dissociative ou encore qui relèvent de l’extrême insensibilité. Ils sont évidemment codifiés dans le contexte d’interactions mère-enfant et peuvent être répertoriés à différents stades de développement de l’enfant (Lyons-Ruth, Bronfman & Parsons, 1999). Même si les manifestations

atypiques peuvent être observées autant en contexte naturel qu’en laboratoire, plusieurs auteurs insistent sur l’aspect anxiogène de la situation dans laquelle doit être placée la mère

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pour que l’observation des CMA soit effectuée dans un contexte « critique » pour l’attachement de l’enfant. Ainsi, une procédure comme la situation étrangère permettrait non seulement d’activer le système d’attachement de l’enfant, mais éveillerait du même coup le système de parentage de la mère (Lyons-Ruth, Bronfman, & Atwood, 1999;

Grinenberger, Kelly, & Slade, 2005). Plus spécifiquement, cette méthode représenterait une occasion privilégiée d’évaluer de quelle façon la mère arrive à réguler, ou non, l’éventail d’affects négatifs qu’est susceptible d’y exprimer son enfant.

À ce jour, plusieurs études ont été conduites afin de vérifier l’impact des CMA sur la prédiction de la désorganisation de l’attachement. Ainsi, lorsque les comportements effrayants, effrayés, dissociés et de renversement de rôles étaient retirés des analyses en lien avec la désorganisation, le score final à l’AMBIANCE permettait toujours de prédire la désorganisation de l’enfant (Lyons-Ruth, Bronfman & Atwood, 1999). En d’autres mots, les comportements intrusifs, négatifs, de retrait et la non-réponse de la mère aux signaux de l’enfant devenaient eux aussi des prédicteurs de l’attachement désorganisé. La

méta-analyse de van IJzendoorn et al. (1999) est également venue confirmer l’importance de considérer l’insensibilité comme un facteur à considérer dans l’explication de la

désorganisation. En effet, les résultats, provenant de 13 études regroupant 1951

participants, révèlent que malgré une taille d’effet et une corrélation faibles (r = .10), un lien existe tout de même entre ces deux phénomènes. Par conséquent, les comportements parentaux insensibles ne sont désormais plus uniquement associés à l’attachement insécure (De Wolff & van IJzendoorn, 1997) tel qu’établi jusqu'à ce moment dans la communauté scientifique, mais sont également devenus une composante centrale dans la compréhension de l’attachement désorganisé (Ciccheti & Valentino, 2006). Une méta-analyse récente suggère également que le fait d’être témoin de violence conjugale pourrait être un patron supplémentaire pouvant mener un enfant à la désorganisation (Cyr, Euser, Bakermans-Kranenburg & van IJzendoorn, 2010).

Il semble donc que, de façon générale, les CMA et la désorganisation de

l’attachement sont deux variables associées (r = .35) et ce, au sein de plusieurs cultures comme l’indique une méta-analyse récente (Madigan et al., 2006). En effet, sur les 12

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15 études recensées comprenant un total de 851 dyades mère-enfant, un enfant dont la mère

présente des comportements atypiques (qu’ils soient classifiés selon le système de Main et Hesse ou l’AMBIANCE), a 3.7 fois plus de risque de présenter des comportements

d’attachement désorganisé. Ainsi, plus une mère présente de CMA, plus l’enfant est à risque de présenter une désorganisation de l’attachement. À ce moment-ci, il importe de rappeler que lorsqu’un enfant est confronté à un parent jouant à la fois un rôle de protecteur et d’instigateur de la peur, il est maintenu dans une spirale sans fin de désorganisation. En d’autres mots, le parent est à la fois celui qui induit le sentiment de détresse chez l’enfant et celui qui aurait le « pouvoir » de désactiver la peur.

Constats généraux sur les comportements maternels atypiques. En somme, il est possible de dégager deux constats généraux de la littérature portant sur la désorganisation de l’attachement. D’abord, les enfants ayant un attachement désorganisé sont plus

susceptibles de vivre des difficultés psychosociales à long terme et de présenter des

difficultés au plan de l’adaptation (Lyons-Ruth, 2008; van IJzendoorn et al., 1999). D’autre part, après avoir écarté l’influence des caractéristiques de l’enfant ( p. ex. tempérament, genre), des auteurs ont soulevé l’hypothèse que les comportements de la mère joueraient un rôle central dans le déploiement d’un attachement désorganisé et qu’ils représenteraient une explication potentielle du mécanisme par lequel s’effectue la transmission

intergénérationnelle des difficultés psychosociales (Hesse & Main, 1999). Ceci dit, les études portant sur les CMA ont permis de mettre en évidence que ce ne sont pas toutes les mères qui présentent de tels comportements. Ainsi, une question importante demeure : qui sont ces mères chez qui de telles manifestations sont observables lorsqu’elles sont en interaction avec leur enfant? À ce jour, peu d’études se sont penchées sur cette question centrale dans la compréhension de la transmission intergénérationnelle de l’attachement.

La littérature portant sur la maternité met de l’avant plusieurs éléments susceptibles d’influencer le système de parentage au cours du développement de la mère. De façon générale, les chercheurs insistent sur le fait que les comportements parentaux seraient modulés à la fois par des facteurs intrinsèques chez le parent et par des processus interpersonnels complexes qui sont eux-mêmes sous l’influence du contexte social dans

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lequel ils se déploient (Belsky, 1984; Ciccheti & Valentino, 2006; George & Solomon, 2008). Ainsi, différents processus psychologiques pourraient être à l’origine des

comportements parentaux et venir perturber la capacité de la mère à fournir une réponse adéquate aux besoins de son enfant (Lyons-Ruth et al., 2006; Main & Hesse, 1999; George & Solomon, 2008). Ces mécanismes intrapsychiques déformeraient la perception de la réalité et/ou élimineraient certaines informations qui auraient pu permettre à la mère de détecter et d’interpréter les signaux s’adressant au système de parentage. Par conséquent, il devient important de se pencher sur le contexte entourant la venue de l’enfant puisque le bagage passé et présent de la mère semble être une donnée non-négligeable dans

l’aménagement de la relation mère-enfant. Ainsi, une analyse plus approfondie du monde intrapsychique de la mère pourrait permettre de mieux comprendre à quoi sont attribuables les défaillances du système de parentage. Dans le cadre de cette thèse, trois grandes

variables relevant du monde intrapsychique de la mère seront étudiées afin d’examiner leur lien respectif avec les CMA et, ultimement, leur rôle potentiellement prédicteur de ces manifestations : les traumas interpersonnels dans un contexte d’attachement, les capacités réflexives de même que l’organisation de la personnalité.

Traumas Interpersonnels et Maternité

L’histoire de vie de la mère est reconnue comme étant un élément susceptible d’influencer la relation de la mère à son enfant. De fait, la littérature portant sur le sujet met en lumière que le fait de devenir mère s’avère être un défi considérable pour toutes les femmes, étant donné la nature anxiogène et déstabilisante de ce nouveau rôle (Brockington, 1996; Slade, 2002). Par conséquent, le fait d’avoir vécu une situation traumatique, et plus particulièrement dans un contexte interpersonnel, met la mère à risque d’être à nouveau en contact avec les affects intenses et envahissants qui y sont associés (Madigan et al., 2006; Schechter et al., 2008). L’expérience traumatique pourrait donc interférer avec la capacité d’effectuer, chez certaines mères, un changement psychologique important en devenant pourvoyeuse de soins et de protection. Or, il peut être plutôt difficile pour une mère ayant vécu un trauma interpersonnel de se sentir mentalement prête à prodiguer des soins et offrir

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17 une protection à un enfant, lorsque ses propres besoins en termes de protection et de prise en charge ne sont pas comblés ou sont constamment menacés (Solomon & George, 2011).

À ce jour, une quantité importante d’études se sont penchées sur le lien qui unit la présence d’un trauma chez la mère à la désorganisation de l’attachement, mais peu ont examiné cette relation par l’entremise des CMA. Dans une étude effectuée auprès de 45 mères et leur enfant de 18 mois, Lyons-Ruth et Block (1996) affirment que les mères ayant vécu un trauma dans un contexte d’attachement à l’enfance ont davantage tendance à établir une relation débalancée avec leur enfant. En effet, l’interaction de ces mères avec leur enfant pouvait suivre deux patrons distincts; un premier marqué par un retrait

émotionnel important ou un deuxième où la réponse aux besoins de l’enfant s’effectue de manière négative, hostile ou intrusive. Leurs résultats ont également mis en lumière que la sévérité du trauma vécu était significativement liée aux comportements maternels présentés lors de la situation étrangère. Ainsi, la tendance au retrait était plus marquée chez les mères ayant vécu un trauma sexuel sévère alors que les comportements négatifs étaient davantage associés à un degré de sévérité élevé d’abus physique ou de violence conjugale.

Quelques années plus tard, Schechter et ses collaborateurs (2008) ont obtenu le même genre de résultats en s’intéressant à l’impact des symptômes associés à un état de stress post-traumatique sur la manifestation de CMA dans le contexte de la situation étangère. Effectuée auprès d’un échantillon de 41 mères ayant été victimes ou témoins de violence et leur enfant, cette étude révèle que plus les symptômes de stress

post-traumatiques sont élevés, plus la mère est susceptible de présenter des comportements de retrait. Cependant, aucun autre type de comportement n’était corrélé avec la survenue d’un trauma relationnel. Finalement, la présence d’un historique d’abus sexuel dans la vie de la mère serait également associée à des tendances plus permissives envers l’enfant et

favoriserait l’apparition de comportements de renversement de rôles dans la relation parent-enfant (Ruscio, 2001; Alexander, Teti & Anderson, 2000). Les auteurs expliquent ce résultat de différentes façons. D’abord, étant donné qu’elles auraient vécu dans un contexte d’abus où l’adulte s’est doté d’un grand pouvoir face à l’enfant, les auteurs émettent

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du continuum. De fait, elles seraient plus susceptibles d’adopter des attitudes où elles évitent la discipline et la critique et en viennent même à ignorer les comportements répréhensibles de l’enfant. Ils font également référence aux écrits de Cole et ses

collaborateurs portant sur l’inceste qui voient chez les mères permissives un manque de confiance important dans leur capacité à mettre des limites à leur enfant (Cole & Wolger, 1989; Cole, Wolger, Power & Smith, 1992).

Les souvenirs reliés au trauma pourraient donc être activés facilement et de façon abrupte suite à des stimuli dans l’environnement pouvant y être associés, ce qui est

susceptible de restreindre considérablement les capacités attentionnelles de la mère (Hesse & Main, 2006). Ainsi, les stigmates du trauma pourraient affecter négativement l’ouverture et la disponibilité psychique de la mère à percevoir et, du même coup, à répondre aux signaux de l’enfant d’une façon sensible et qui répond de façon concordante à ses besoins (George & Solomon, 2008). Il est donc attendu que la mère soit préoccupée par son propre monde interne et par l’idée de se défendre elle-même contre la réexpérience de la peur, de l’impuissance et de la colère associées au trauma (Diamond, 2004; Lyons-Ruth & Block, 1996), ce qui risque de la mener à des réponses cognitives, comportementales et

physiologiques inattendues et spontanées qui concordent avec son état interne (Fearon & Mansell, 2001). Ce mélange d’affects intenses et envahissants peut donc avoir pour conséquence l’échec répété de réconforter l’enfant et le réassurer lorsque son système d’attachement est activé. En d’autres mots, la mère est contrainte à se défendre contre ses propres sentiments d’impuissance et deviendrait encline à se mettre émotionnellement et physiquement à distance de son enfant (Schechter et al., 2008).

Dans cette optique, les CMA pourraient être perçus comme étant le résultat d’un processus défensif chez la mère dans un ultime effort de protection d’elle-même (Hesse & Main, 2006; Main & Hesse, 1990). Pour l’enfant, ces manifestations seraient donc

susceptibles de le laisser dans un état de peur extrême (et fréquent) et ultimement, de le mener subtilement à la désorganisation de ses stratégies d’attachement (George &

Solomon, 1999). De fait, la méta-analyse de van IJzendoorn et ses collègues (1999) révèle que la survenue d’un trauma relationnel chez la mère avant l’âge de 16 ans serait un

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19 prédicteur de la désorganisation de l’attachement et ce, indépendamment de la résolution ou non du trauma en question.

Le spectre des expériences passées de la mère peut donc venir hanter la relation avec l’enfant et laisser des traces néfastes et durables dans le développement individuel du petit (Fraiberg, Adelson & Shapiro, 1975). En effet, au-delà des processus dissociatifs et des manifestations d’insensibilité qui les caractérisent, les CMA sont généralement associés à l’inaptitude de la mère à réparer les perturbations relationnelles créées par des intrusions de souvenirs. La présence d’un trauma relationnel dans un contexte d’attachement semble donc un élément important dans la compréhension du phénomène des CMA, mais

seulement deux études se sont penchées sur le lien qui unit ces deux variables. Il s’avère donc fondamental de mieux comprendre la nature de cette association et d’étudier plus en profondeur l’impact du trauma sur la relation mère-enfant.

Description et Développement du Fonctionnement Réflexif

Le fonctionnement réflexif (FR), concept développé par Fonagy et ses collègues (Fonagy, Edgcumbe, Moran, Kennedy & Target, 1993), représente la réunion de diverses approches en psychologie en intégrant simultanément le monde affectif et la sphère cognitive. Prenant à la fois racine dans le courant psychanalytique, la théorie de

l’attachement, les neurosciences et le développement cognitif, ce concept apparaît comme étant un déterminant clé dans le développement de l’organisation de soi et de la régulation des affects (Fonagy, Gergely, Jurist & Target, 2002; Slade, 2005). Le FR, construit

permettant d’opérationnaliser le processus de mentalisation, se définit comme étant un processus cognitif et émotionnel permettant une compréhension de ses comportements et ceux des autres en termes d’intentions et d’états mentaux sous-jacents (Fonagy & Target, 1997; Fonagy et al., 2002; Slade, 2005). Ainsi, Fonagy et al. (2002) postulent que le FR impliquerait à la fois une réflexion sur soi et une composante interpersonnelle permettant à l’individu de développer l’habileté à discerner sa réalité interne de la réalité externe. Cette compétence serait donc centrale dans le fonctionnement interpersonnel d’un individu puisqu’elle lui permettrait de donner un sens à son propre monde interne et au monde qui

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l’entoure. En effet, au-delà de permettre une compréhension des états mentaux, le FR permettrait surtout d’anticiper les comportements des autres (Fonagy & Target, 1998). Contrairement à l’introspection, il s’agirait d’un processus automatique ne faisant pas appel à la conscience et est vu comme une habileté sur-apprise (Fonagy & Target, 2003). Il permettrait donc de développer une expérience subjective des contextes interpersonnels et des situations émotionnelles dans l’immédiat et ce, au quotidien (Fonagy & Target, 2003).

Par conséquent, ce serait via ce processus de mentalisation de l’expérience

subjective, des intentions et des émotions que s’orchestrerait le développement des structures centrales du soi et, conséquemment, les bases de la régulation des affects (Slade, 2005). C’est pourquoi les efforts de l’être humain de se comprendre soi-même et de comprendre les autres représentent un des aspects à la fois des plus naturels et des plus cruciaux dans le fonctionnement humain. D’ailleurs, Fonagy et al. (2002) stipulent même que le

développement de la mentalisation constitue un élément clé dans notre survie. Ils décrivent que contrairement aux animaux qui seraient en quelque sorte « condamnés » à répondre uniquement aux comportements de leurs comparses, l’humain aurait quant à lui la capacité de répondre à l’esprit de ses semblables. Ainsi, en permettant à l’humain de développer un système de représentations, l’évolution de l’espèce aurait accordé une importance toute particulière au développement des relations sociales et en aurait fait ni plus ni moins la pierre angulaire de la survie humaine (Fonagy et al., 2002). Les auteurs mentionnent d’ailleurs que plus un individu est en mesure de réfléchir à ses propres états mentaux et à ceux des autres, plus il est susceptible de s’engager dans des relations intimes qui sont satisfaisantes et qui se maintiennent dans le temps, ce qui est, à l’heure actuelle, une marque d’adaptation sociale et de réussite interpersonnelle.

Contrairement à l’acquisition de la théorie de l’esprit qui est intimement liée au développement cognitif de l’enfant, le développement du FR s’avère un processus qui ne se termine jamais vraiment (Fonagy, Target, Steele & Steele, 1998). À l’origine, Fonagy et ses collaborateurs (2002) insistent sur l’importance des relations avec les figures d’attachement pour établir les fondements même du développement des capacités de mentalisation. Ainsi, même si chaque être humain naîtrait avec une certaine capacité de mentalisation, les

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Tableau 1. Moyennes par échelle et par score, écarts-types et corrélations pour la diffusion de  l’identité, les mécanismes de défense, l’épreuve de réalité, le fonctionnement réflexif et les  types de comportements maternels atypiques
Tableau 2. Moyennes et écarts-types des dimensions de l’organisation de la
Figure 2. Distribution des scores de CMA insensibles-négligents.
Figure 3. Distribution des scores de CMA insensibles agressifs-intrusifs.
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