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Développement et surfonctionnement perceptif d'un adulte porteur d'autisme de haut niveau

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Academic year: 2021

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Développement et surfonctionnement perceptif d’un

adulte porteur d’autisme de haut niveau

Mémoire doctoral

Amélie Marchand

Doctorat en psychologie

Docteure en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

© Amélie Marchand, 2015

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Résumé

La présence d’un fonctionnement perceptif différent et supérieur dans l’autisme est bien établie dans la littérature et a mené à l’élaboration de nombreux modèles explicatifs. Ce mémoire doctoral vise à confronter le modèle du surfonctionnement perceptif (Enhanced

Perceptual Functioning [EPF]) aux caractéristiques cognitives et développementales de

GS, un autiste de haut niveau qui possède l’oreille absolue (OA). Cette étude tente également de soulever les particularités cognitives associées à l’OA dans l’autisme, ainsi que les facteurs déterminants liés à un pronostic favorable. L’analyse du dossier de GS (parcours développemental, données médicales, évaluations neuropsychologiques, etc.) et l’évaluation cognitive réalisée dans cette étude révèlent un profil congruent avec les principales assises des modèles autistiques actuels. Une association entre les caractéristiques observées dans l’OA et les traits autistiques est également soulevée. Finalement, ce cas souligne la multitude de facteurs liés à une évolution positive au long cours, notamment l’effet déterminant du milieu de vie.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ...vii

Liste des figures ... ix

Remerciements ... xi

Avant-propos ... xv

Introduction ... 1

1. L’autisme selon le DSM-IV-TR ... 2

1.1 Définition générale ... 2

1.2 Critères diagnostiques et tableaux cliniques ... 2

1.3 Méthode diagnostique ... 3

2. L’autisme selon le DSM-5 ... 5

2.1 Définition générale et changements apportés ... 5

2.2 Critères diagnostiques et tableaux cliniques ... 6

2.3 Méthode diagnostique ... 6

2.4 Rationnel des changements apportés au DSM-5 ... 7

3. Étiologie ... 7

4. Autisme et niveau intellectuel ... 7

5. Développement de l’enfant TSA ... 8

6. Autisme, sensation et perception ... 11

7. Surfonctionnement perceptif ... 12

8. Capacités spéciales ... 15

9. Hypothèses explicatives du fonctionnement perceptif dans l’autisme ... 16

9.1 La faiblesse de la cohérence centrale ... 17

9.2 Le traitement possiblement inférieur de la complexité ... 18

9.3 La supériorité en discrimination ... 18

9.4 Modèle du surfonctionnement perceptif ... 19

10. Objectifs de l’étude ... 25 Méthode ... 25 1. Participant ... 25 2. Procédure ... 25 2.1 Analyse du dossier ... 25 2.2 Entrevue structurée ... 26 3. Matériel ... 27 Résultats ... 27 1. Analyse du dossier ... 27

1.1 Histoire médicale et paramètres développementaux ... 27

1.2 Généalogie ... 28

1.3 Histoire du diagnostic ... 28

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1.5 Sensation/perception auditive ... 31

1.6 Interventions reçues et implication de la mère ... 32

1.7 Cheminement scolaire ... 33

1.8 Fonctionnement cognitif ... 34

2. Entrevue ... 38

Discussion ... 39

1. GS et DSM-5 ... 40

2. Adéquation des modèles théoriques au profil de GS ... 41

2.1 La faiblesse de la cohérence centrale ... 42

2.2 Le traitement possiblement inférieur de la complexité ... 43

2.3 La supériorité en discrimination ... 43

2.4 Le modèle du surfonctionnement perceptif ... 44

3. OA : profil cognitif et développemental ... 51

4. Comment est GS aujourd’hui? ... 53

5. Comment explique-t-on la hausse du QI? ... 54

6. Pronostic favorable : les facteurs clés ... 55

6.1 Interventions précoces et rôle de la mère ... 55

6.2 Facteurs cognitifs ... 56

6.3 Autres facteurs ... 57

7. Limites et forces du mémoire doctoral ... 57

Conclusion ... 59

Bibliographie ... 63

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Liste des tableaux

Tableau 1. Scores de GS obtenus à l’ADI-R. ... 75 Tableau 2. Scores de GS obtenus à l’ADOS-G ... 75 Tableau 3. Tableau comparatif des scores QI, indices factoriels (M=100) et scores

standardisés (M=10) obtenus aux échelles d’intelligence de Wechsler

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Liste des figures

Figure 1. Scores pondérés obtenus aux sous-tests des échelles d’intelligence de Wechsler

administrées depuis 1994………..77

Figure 2. Scores QI et indices factoriels obtenus aux échelles d’intelligence de Wechsler

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Remerciements

La réalisation de ce mémoire doctoral n'aurait pu être possible sans la collaboration et le soutien de plusieurs personnes que je désire sincèrement remercier.

Tout d’abord, je tiens à remercier la personne qui se situe au cœur même de cette étude, GS, ainsi que sa mère. Merci infiniment à vous deux d’avoir eu la générosité de participer à ce projet de recherche et de partager votre histoire porteuse d’espoir. Grâce à vos efforts coordonnés et votre persévérance, vous avez su relever les nombreux défis quotidiens auxquels sont confrontées les personnes présentant un TSA et leur famille. GS, ton parcours démontre qu’il est possible de contourner ses difficultés et de s’accomplir en misant sur ses forces. Je te souhaite sincèrement la meilleure des chances pour les années à venir. Bravo et encore une fois merci!

Un énorme merci à mon directeur de recherche, Yves Lacouture, et à ma co-directrice, Karine Morasse, qui m'ont guidée, non seulement dans l’élaboration de ce projet, mais tout au long de mon parcours au doctorat. Merci pour votre compréhension, votre patience, votre franchise, vos judicieux conseils et vos nombreuses tapes dans le dos. Je vous remercie tout particulièrement de m’avoir éclairée et accompagnée alors que je me sentais égarée et d’avoir eu l’aisance d’aborder des sujets qui m’effrayaient et auxquels je n’osais faire face. Merci pour votre soutien constant et vos encouragements répétés qui parvenaient à tout coup à apaiser mes craintes et mes incertitudes, aussi nombreuses étaient elles. Grâce à vous, je peux affirmer que mon mémoire doctoral possède désormais la plus belle des qualités, celle d’être terminé (n’est-ce pas Karine?!).

Je souhaite également souligner la contribution de Monsieur George Tarabulsy qui a généreusement accepté de siéger à mon comité d’encadrement et de partager son expertise afin d’améliorer la qualité de ce mémoire doctoral.

Merci au Centre de santé et de services sociaux Alphonse-Desjardins et particulièrement au Centre de pédopsychiatrie qui ont mis à ma disposition les ressources nécessaires à la réalisation de ce projet.

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L’achèvement de ce mémoire doctoral souligne du même coup la fin d’un long parcours aux études supérieures. Ce périple m’aura fait passer par toute une gamme d’émotions, ceux qui m’ont côtoyée plus intimement en ont d’ailleurs souvent été témoins. Ces neuf dernières années auraient toutefois été bien pénibles si ce n’avait été du soutien de mes proches et d’amis exceptionnels qui m’ont accompagnée de près ou de loin dans cette aventure.

D’abord, merci à ceux qui ont suivi la même route que moi et qui se sont montrés présents depuis le tout début, Michel et Sébastien. Pendant nos trois années prédoctorales, mais également dans les années qui ont suivi au doctorat, vous êtes parvenus tant de fois à chasser le stress ou les émotions négatives qui m’habitaient en m’écoutant ou, bien souvent, en me faisant éclater de rire! Merci à vous deux, ces neuf années n’auraient pas été aussi agréables sans votre présence, et tout particulièrement vos folies et vos belles niaiseries! Merci également à ma bonne amie Laurie qui, malgré nos trop rares occasions de se voir, m’a soutenue depuis toutes ces années avec ses bons mots d’encouragement.

Ge, merci ma chère amie. Merci pour ton écoute inépuisable dans les périodes plus sombres, mais aussi pour tous ces beaux moments de folies. Je garde précieusement en souvenir nos profondes et longues discussions autour d’un bon verre de vin ou d’un délicieux latté au Cochon. Toi qui semblais parfois mieux comprendre que moi ce que je ressentais et ce que je souhaitais réellement (P.S. il est possible que mon copain te contacte afin de connaître ton truc!). Brand, alors que je termine enfin, tu peux à présent lever ton « gros doigt de mousse »! Merci mon amie pour nos soirées « popottes», nos moments sur ta terrasse à savourer de délicieux cidres et sans oublier notre aventure au Japon. Un grand merci aussi à AAPG (Andrew ou Ti-Dré, à ta guise!) qui est rapidement passée du statut de collègue de travail à amie remarquable. À quand un prochain voyage inoubliable en Grèce? En cette fin de parcours, le simple fait de te savoir à mes côtés à Montréal avec nos autres chers amis doctorants, Éli, Simon et Raquel, m’apaisait. Je ne me lasserai d’ailleurs jamais de nos soupers et discussions à la fois sérieuses et fofolles. Merci à vous quatre d’avoir normalisé mes craintes et de m’avoir si souvent changé les idées. Émilie, Manue, Marilyn, je vous remercie également de tout cœur pour tous les beaux moments passés en votre compagnie.

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Un merci tout spécial à Maude qui a été une source inestimable de soutien moral et qui m’a accompagnée comme personne lors de mon année d’internat (et encore aujourd’hui). Merci « petit chausson » pour les soirées d’études dans les cafés, pour les surnoms loufoques qui me faisaient toujours sourire, mais surtout, merci pour ton amitié. Ta présence et tes encouragements ont été d’une grande importance en cette fin de doctorat, alors que la motivation n’était plus tellement au rendez-vous!

Merci également à mes précieuses amies de longue date, Christine, Marie-France, Mélanie et Valérie, pour toutes ces merveilleuses années de complicité! Malgré la distance Repentigny-Québec ou pire, Havre-Saint-Pierre-Québec, qui nous a séparées pendant mon long cheminement aux études supérieures et les rares occasions que nous avions pour nous voir, vous savoir toujours à mes côtés et prêtes à m’épauler fut une réelle source de réconfort. Après plus de 15 années d’amitié, marquées d’innombrables aventures, de fous rires, mais également d’épreuves, nous sommes restées soudées. Les filles, je vous adore et, comme nous l’avons si bien souligné haut et fort au mariage de Chris, je nous souhaite encore plein d’autres belles années en « paquet de 5 »!

À un peu plus de deux ans de la fin, un être cher fit son apparition dans ma vie, via mes merveilleuses amies « entremetteuses ». Il va sans dire qu’il ne s’agissait pas des deux années les plus paisibles et faciles, entre les allers et venues Québec-Montréal. Merci Louis-Philip de m’avoir soutenue et, je le dis en toute franchise, de m’avoir supportée, pour ne pas dire endurer, lors des périodes plus chaotiques et rudes pour le moral. Merci pour ton appui, ta patience, pour toutes les belles petites attentions, pour les innombrables « Go, tu es capable! » et pour ton côté ingénieur qui m’a d’ailleurs bien souvent aidé à rationnaliser mes états d’âme. Enfin, merci pour ton amour!Grâce à toi, j’ai également eu la chance de rencontrer plusieurs personnes formidables. Merci d’abord à mes beaux-parents et à Myriam de m’avoir immédiatement acceptée dans votre famille et d’avoir manifesté tant d’intérêt et d’enthousiasme face à mes études et ma future carrière. Merci également à ma magnifique gang de « plein de sens », je sais que vous vous reconnaissez! Votre bonne humeur et vos folies m’auront permis de décrocher plus d’une fois. Un merci particulier à Pépin et PO. Louis-Philip (et moi maintenant!) a des amis fantastiques et je suis heureuse et émue de vous savoir toujours pas trop loin, à nos côtés, que ce soit pour donner un coup de

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main ou pour passer un beau moment entre amis. Martin, ta présence m’a été si précieuse, particulièrement dans la dernière année. Merci pour la franchise de tes paroles et conseils qui, bien que parfois difficiles à entendre, m’ont permis de me remettre en question et de relativiser les choses. Merci pour ces moments à déguster de savoureux vins où tu parvenais à me faire décompresser en un rien de temps. Merci aussi pour tes gros câlins étouffants que j’adore!

Enfin, si je suis parvenue à franchir la ligne d’arrivée de ce long parcours scolaire et que je me tiens encore debout, c’est assurément grâce au soutien constant et à l’amour inconditionnel des membres de ma famille proche. Maman, papa, Charles-Éric, je ne sais par où commencer pour vous manifester toute ma reconnaissance. Vous avez traversé ce périple avec moi, pas à pas, et m’avez soutenue sur tous les plans, que ce soit par vos innombrables mots d’encouragement, vos visites à Québec, votre soutien financier ou encore par de bons petits plats réconfortants livrés directement de Repentigny. Vous avez été mes fans #1 et avez toujours cru que j’y arriverais, alors qu’il m’arrivait de ne plus y croire. Vous vous êtes toujours montrés fiers de ce que j’accomplissais, chaque petit effort étant souligné et récompensé. Merci mille fois, je vous aime.J’aimerais aussi remercier ma belle-sœur Mélissa qui m’a incitée à persévérer et qui ne ratait pas une occasion de me rappeler que la fin approchait. Un merci tout spécial également à ma tante Josée, qui m’a à plusieurs reprises encouragée et rassurée en me partageant son expérience de rédaction similaire à la mienne!

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Avant-propos

Amélie Marchand a réalisé la conception et l'écriture de ce mémoire doctoral, a procédé à l’évaluation neuropsychologique du cas à l’étude de même qu’à la cotation des épreuves neuropsychologiques administrées. Elle a aussi procédé à l’analyse du dossier du participant, et ce, avec l’étroite collaboration de Yves Lacouture, Ph.D., directeur du présent mémoire et professeur titulaire à l'École de psychologie de l'Université Laval, et de Karine Morasse, Ph.D., codirectrice du mémoire et neuropsychologue clinicienne au Centre de santé et de services sociaux Alphonse-Desjardins. Monsieur George Tarabulsy, Ph.D., membre du comité d’encadrement, a partagé son expertise afin d’améliorer la qualité de l’étude.

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Introduction

L’autisme est un trouble développemental affectant considérablement la vie des personnes qui en sont atteintes et celle de leurs proches. Il se manifeste au cours des premières années de vie (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux [DSM-IV-TR] : American Psychiatric Association [APA], 2003; Mottron, 2004; Volkmar, Stier, & Cohen, 1985) et affecte quatre à cinq fois plus fréquemment les garçons que les filles (Fombonne, 2003; Fombonne, Quirke, & Hagen, 2011; Fombonne, Zakarian, Bennett, Meng, & McLean-Heywood, 2006; Kogan et al., 2009). L’autisme serait l’un des troubles neurologiques les plus fréquemment diagnostiqués chez les enfants et l’un des troubles développementaux les plus communs au sein de la population canadienne (Fombonne et al., 2006).

Au cours des vingt dernières années, la prévalence du trouble autistique a montré un accroissement considérable, s’estimant aujourd’hui à un taux moyen d’un pour cent de la population mondiale (Diagnostic and statistical manual of mental disorders [DSM-5] : APA, 2013; Lai, Lombardo, & Baron-Cohen, 2014). Bien qu’une plus grande occurrence du trouble soit possible, cette augmentation pourrait aussi s’expliquer par une disparité quant à la méthodologie employée dans les études, une modification et un élargissement des critères diagnostiques, une meilleure compréhension et identification du trouble par les professionnels du milieu de la santé et une facilité d’accès aux services (DSM-5 : APA, 2013; Fombonne, 2003; Fombonne et al., 2006; Goldstein, Naglieri, & Ozonoff, 2009).

Depuis sa première définition en 1943 par Leo Kanner, la notion d’autisme a subi de nombreuses modifications. Encore controversée de nos jours, la définition du trouble autistique repose notamment sur la classification établie par le Manuel diagnostique et

statistique des troubles mentaux (DSM) de l’Association Américaine de Psychiatrie (APA).

Par ailleurs, avec la parution du DSM-5 (mai 2013), d’importantes modifications ont de nouveau été apportées à la notion d’autisme. En effet, la cinquième édition du DSM redéfinit largement la conception du trouble autistique telle que définie dans sa version antérieure. Puisque les recherches et les ouvrages sur lesquels s’appuie le présent mémoire doctoral se sont basés sur les critères diagnostiques établis par le DSM-IV-TR et que le diagnostic du participant à l’étude répond à ces mêmes critères, ceux-ci seront d’abord

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présentés. Les changements apportés à la définition de l’autisme dans le DSM-5 seront par la suite abordés.

1. L’autisme selon le DSM-IV-TR

1.1 Définition générale

Selon le DSM-IV-TR, l’autisme est un trouble neurodéveloppemental appartenant à la famille des troubles envahissants du développement (TED). Ceux-ci, au nombre de cinq, regroupent le trouble autistique, le syndrome d’Asperger, le TED non spécifié (TED-NS), le syndrome de Rett et le trouble désintégratif de l’enfance. Ces deux derniers se manifestent toutefois très rarement, la prévalence du syndrome de Rett étant estimée à 1 pour 10 000 à 15 000 (National Institute of Neurological Disorders and Stroke [NINDS], n.d.) et celle du trouble désintégratif de l’enfance à 2 pour 100 000 (Fombonne, 2009). De plus, ces deux troubles se distinguent des trois autres TED par leur évolution particulière et par la présence, chez l’ensemble des personnes atteintes, d’un retard intellectuel profond (Clark, Jensen, & Miller, 2005; Mottron, 2004). Les TED forment un continuum dont la sévérité des symptômes et des déficiences varie largement d’un individu à l’autre. Ils se caractérisent essentiellement par une triade de symptômes, soit une altération qualitative 1) des interactions sociales, 2) de la communication et 3) la présence de comportements répétitifs et d’intérêts restreints (DSM-IV-TR : APA, 2003).

1.2 Critères diagnostiques et tableaux cliniques

Les difficultés sociales sont un élément central du profil clinique du trouble autistique (Carpentieri & Morgan, 1996; Liss et al., 2001) et constituent un puissant indicateur du diagnostic d’autisme (Siegel, Vukicevic, Elliot, & Kraemer, 1989). Celles-ci peuvent se manifester par une altération marquée dans l’utilisation de comportements non verbaux visant à réguler les interactions sociales, une difficulté à établir des relations avec les pairs correspondant au niveau de développement, une absence de recherche spontanée à partager leurs intérêts et plaisirs avec les autres et un manque de réciprocité sociale ou émotionnelle (DSM-IV-TR : APA, 2003).

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Les personnes atteintes du trouble autistique présentent également des difficultés sur le plan de la communication, lesquelles diffèrent largement d’un individu à l’autre. En effet, certains autistes présentent un simple retard d’apparition du langage alors que d’autres n’accèdent jamais à la parole. Ces déficits langagiers peuvent se caractériser par une absence de gestes expressifs ou de moyens de communication compensatoires ou par une difficulté à y avoir recours efficacement. Leurs difficultés peuvent également se manifester par une incapacité à engager ou à soutenir une conversation, par un usage stéréotypé et répétitif du langage (e.g. écholalie) et finalement par une absence de jeu de faire semblant ou d’imitation correspondant au niveau de développement (DSM-IV-TR : APA, 2003; Gillberg, 2005; Gillberg & Coleman, 1992).

La troisième caractéristique comportementale de l’autisme telle que définie par le DSM-IV-TR est la présence de comportements répétitifs et d’intérêts restreints. Elle se manifeste par une préoccupation circonscrite à un ou plusieurs centres d’intérêt stéréotypés et restreints, une adhésion à des habitudes et des rituels spécifiques non fonctionnels, un maniérisme comportemental ou une préoccupation persistante pour certaines parties des objets (DSM-IV-TR : APA, 2003; Gillberg, 2005, Gillberg & Coleman, 1992).

1.3 Méthode diagnostique

Selon le DSM-IV-TR, un diagnostic d’autisme peut être établi lorsque six des 12 critères précédents sont présents, dont deux du domaine social, un du domaine de la communication et un du domaine des intérêts restreints. Cette classification entraîne toutefois une énorme variabilité du tableau clinique de l’autisme, la sévérité et la manifestation des symptômes pouvant varier énormément d’un individu à l’autre (Mottron, 2004). En comparaison avec l’autisme, les personnes atteintes du syndrome d’Asperger présentent les mêmes déficits sur le plan du domaine social et de la restriction des intérêts. Toutefois, une absence de déficit de la communication verbale et de retard intellectuel le caractérise. Les TED-NS sont quant à eux diagnostiqués lorsque les professionnels de la santé font face à un tableau TED incomplet ou partiellement non conforme aux critères du DSM-IV-TR (Mottron, 2004). Par ailleurs, puisqu’aucun signe de l’autisme n’est réellement caractéristique et qu’une grande hétérogénéité subsiste au sein du trouble, les chercheurs utilisent davantage l’appellation «trouble du spectre autistique» (TSA). Cette

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terminologie, fréquemment employée pour désigner la catégorie des TED, fait référence au continuum sur lequel se situent les trois principaux TED, soit l’autisme, le syndrome d’Asperger et le TED-NS (Hyman & Towbin, 2007).

Afin d’assurer une prise en charge rapide de l’enfant autiste, il est essentiel d’être à l’affût des premiers symptômes et d’établir un diagnostic le plus tôt possible. L’établissement d’un diagnostic d’autisme et l’exclusion des autres TED requière toutefois beaucoup de temps et s’avère parfois difficile. La collaboration entre les professionnels de la santé et de l’éducation et l’entourage de l’enfant, ainsi qu’une bonne connaissance du trouble, sont essentielles afin de parvenir à une évaluation exhaustive adéquate du profil comportemental et cognitif de l’enfant. En plus de l’application des critères diagnostiques du DSM-IV-TR par un clinicien d’expérience, le recours à d’autres outils prenant la forme d’entrevues structurées et semi-structurées, tels l’Autism Diagnostic Observation Schedule ([ADOS], Lord et al., 1989; Lord et al., 2000) et l’Autism Diagnostic Inventory-Revised ([ADI-R], Lord, Rutter, & LeCouteur, 1994) s’avère souvent nécessaire. Ces deux outils sont basés sur l’algorithme des critères diagnostiques du DSM-IV et de la Classification

Internationale des Maladies ([ICD-10] : World Health Organization, 1993).

L’ADOS permet d’évaluer les habiletés sociales et la communication de l’enfant par observation directe. Cette évaluation semi-structurée par le jeu recherche les signes en faveur d’un TED. Les items de cet outil sont cotés sur une échelle en 4 points, allant de 0 à 3, selon le degré de l’atteinte chez l’enfant (0 : comportement absent ou normal; 3 : anomalie sévère). Pour satisfaire aux critères diagnostiques de l’autisme ou d’un TED-NS, l’enfant doit égaler ou dépasser le seuil clinique sur chacune des deux échelles : «communication» et «interactions sociales réciproques», et pour le total pour «communication et interactions sociales» combinées. Des items permettant d’évaluer le domaine des intérêts et comportements stéréotypés sont aussi administrés. Toutefois, considérant la difficulté à évaluer efficacement cette sphère sur la courte période que dure l’entrevue, ces items ne sont pas considérés dans l’algorithme du diagnostic.

L’ADI-R est un interrogatoire très détaillé permettant de recueillir des informations concernant la symptomatologie actuelle et l’histoire développementale de l’enfant auprès des parents. Les items sont cotés comme ceux de l’ADOS, c.-à-d. sur une échelle en 4

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points, allant de 0 à 3 selon la sévérité de l’atteinte. Comme pour l’ADOS, il peut être administré dès que l’enfant a 24 mois et qu’il présente un âge mental d’au moins 18 mois. Pour satisfaire aux critères diagnostiques de l’autisme, l’enfant doit égaler ou dépasser le seuil clinique dans les trois domaines diagnostiques (seuils cliniques de 10 pour le domaine «réciprocité des interactions sociales», de 8 ou 7 pour le domaine «communication» selon si l’enfant est verbal ou non verbal et de 3 pour le domaine «comportements restreints, répétitifs et stéréotypés»). L’enfant doit également présenter une anomalie du développement avant l’âge de 36 mois dans au moins un de ces domaines.

2. L’autisme selon le DSM-5

2.1 Définition générale et changements apportés

Tel que mentionné précédemment, la cinquième édition du DSM redéfinit la notion d’autisme et ce que l’on nommait auparavant les TED. Alors que plusieurs caractéristiques du trouble autistique demeurent similaires dans le DSM-5, soit la majorité des critères diagnostiques principaux, d’autres aspects associés à cette condition subissent d’importantes modifications. Parmi les changements majeurs, notons le retrait de l’appellation TED et de ses cinq sous-catégories pour former un seul trouble multidimensionnel, dont les symptômes peuvent être situés sur un continuum de sévérité. Ainsi, depuis mai 2013, les conditions connues sous les noms de trouble autistique (ou autisme), de syndrome d’Asperger, de TED-NS et de trouble désintégratif de l’enfance sont désormais regroupées sous l’appellation « trouble du spectre autistique » (TSA), terminologie à laquelle les chercheurs avaient déjà fréquemment recours. Le syndrome de Rett est exclu du spectre de l’autisme dans le DSM-5, l’étiologie génétique et biologique étant désormais connue. Cette condition peut néanmoins coexister avec un diagnostic de TSA. Par ailleurs, puisque certains individus peuvent présenter des déficits marqués de la communication sociale sans toutefois rencontrer l’ensemble des critères du TSA, un nouveau diagnostic fait son entrée dans le DSM-5 : le trouble de la communication sociale (pragmatique) (DSM-5 : APA, 2013).

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2.2 Critères diagnostiques et tableaux cliniques

Le TSA, tel que défini par le DSM-5, se caractérise par deux domaines de comportements atypiques, les deux premiers domaines de symptômes du DSM-IV-TR étant désormais fusionnés. Cette dyade de symptômes touche ainsi 1) la communication sociale et les interactions sociales et 2) l’aspect restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, intérêts et activités.

Bien que certaines modifications aient été apportées, la symptomatologie associée à l’autisme demeure essentiellement similaire dans le DSM-5. Plusieurs manifestations autistiques du DSM-IV-TR sont désormais combinées, réduisant ainsi le nombre total de critères diagnostiques. À cet effet, le domaine de la communication et des interactions sociales comprend dorénavant trois grands critères diagnostiques, soient la présence de déficits au niveau de la réciprocité sociale et émotionnelle, de la communication non verbale et du développement, du maintien et de la compréhension des relations sociales. Le domaine des comportements, intérêts et activités restreints et répétitifs, tel que décrit dans le DSM-5, se caractérise quant à lui par des mouvements, un langage ou une utilisation d’objets stéréotypés ou répétitifs, une rigidité comportementale et la présence d’intérêts restreints et atypiques dans leur focus ou leur intensité. Un nouveau critère fait également son entrée dans l’algorithme diagnostique, soit la présence d’atypies sensorielles (c.-à-d. une hyper ou hypo réactivité sensorielle ou un intérêt inhabituel envers certains stimuli sensoriels de l’environnement).

2.3 Méthode diagnostique

Selon le DSM-5, un diagnostic de TSA peut être établi dès que cinq critères sont rencontrés, soit l’ensemble des critères du domaine de la communication et des interactions sociales et deux des quatre critères du domaine des comportements, activités et intérêts restreints et répétitifs. Les symptômes doivent être présents de façon précoce dans le développement, bien que leur pleine manifestation puisse survenir plus tardivement, et leurs répercussions au quotidien doivent être significatives.

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2.4 Rationnel des changements apportés au DSM-5

Un des changements majeurs apportés dans le DSM-5 est le passage d’une approche diagnostique catégorielle (c.-à-d. catégorie TED et ses cinq troubles associés) à une approche dimensionnelle (c.-à-d. un continuum de symptômes). Ce remaniement est principalement attribuable à la grande variabilité du phénotype autistique, les manifestations du trouble variant largement d’un individu à l’autre selon la sévérité de la symptomatologie, le niveau de développement et l’âge chronologique. Par ailleurs, depuis l’apparition du syndrome d’Asperger dans le DSM-IV, il y a eu débat à savoir s’il s’agissait d’une condition à part ou d’une forme d’autisme de haut niveau (Young & Rodi, 2013). Toutefois, malgré plusieurs études, il n’a pas été possible de démontrer une distinction claire entre ces deux conditions (Macintosh & Dissanyake 2004; Witwer & Lecavalier, 2008). Ainsi, bien que cette conception ne fasse pas l’unanimité des chercheurs, les connaissances actuelles suggèrent qu’il s’agirait davantage d’une variation d’une même étiologie ou condition sous-jacente.

3. Étiologie

Les causes associées au TSA sont encore peu connues. À l’heure actuelle, les recherches épidémiologiques suggèrent une étiologie multifactorielle. Plusieurs facteurs de risque non spécifiques mais corrélés au développement d’un TSA ont en effet été identifiés, notamment sur le plan génétique et environnemental. Parmi ceux-ci sont notamment rapportés un âge parental avancé, une naissance prématurée, un faible poids à la naissance, une exposition fœtale à divers agents chimiques, une mutation génétique, etc. Les personnes atteintes d’une condition génétique ou chromosomique (e.g. syndrome de Down, syndrome du X fragile, sclérose tubéreuse, etc.) seraient également plus à risque de présenter un TSA. (Centers for Disease Control and Prevention [CDC], n.d.; DSM-5 : APA; 2013)

4. Autisme et niveau intellectuel

Le profil clinique de la population autiste se caractérise par une grande variabilité du niveau intellectuel, oscillant entre une déficience intellectuelle profonde et un profil intellectuel dans la norme, voire même supérieur. Dans une récente étude réalisée aux

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États-Unis par le CDC’s Autism and Developmental Disabilities Monitoring [ADDM] Network (2010), 31% des enfants TSA présentaient une déficience intellectuelle (QI ˂ 70), 23% se situaient dans le registre limite (70 ≤ QI < 85) et près de la moitié (46%) présentaient des habiletés intellectuelles dans la moyenne ou supérieures à celle-ci (QI ≥ 85). Il s’avère toutefois difficile d’apprécier le niveau cognitif réel des autistes compte tenu de leur profil hétérogène de forces et de faiblesses aux épreuves utilisées dans les études. Selon plusieurs chercheurs, cette difficulté pourrait mener à une sous-estimation du rendement intellectuel des autistes dans les études (Dawson, Soulières, Gernsbacher, & Mottron, 2007).

En dépit de la difficulté à mesurer avec efficience leur niveau intellectuel réel, la population autiste peut être regroupée sous deux principaux tableaux cliniques : l’autisme de bas niveau (ABN) et l’autisme de haut niveau (AHN) (Mottron, 2004). Le premier tableau clinique, soit l’ABN, est associé à une déficience intellectuelle (QI global ˂ 70) ainsi qu’à un retard de langage. À l’opposé, un niveau intellectuel se situant dans la norme (QI global ≥ 70) et un niveau de langage adéquat caractérisent l’AHN. Ce dernier tableau clinique est le plus fréquemment étudié dans les recherches sur la cognition autistique, notamment en raison d’une plus grande facilité à administrer des tests cognitifs à cette clientèle (Rutter & Schopler, 1987; Smalley, Asarnow, & Spence, 1988).

5. Développement de l’enfant TSA

L’histoire développementale de l’enfant constitue une source d’information particulièrement importante lorsqu’un diagnostic d’autisme est suspecté. En effet, certains marqueurs autistiques appartenant aux sphères comportementales altérées sont observables à divers stades du développement de l’enfant. Les deux premières années postnatales constituent une période particulièrement critique du développement, caractérisée par une croissance neuronale et comportementale rapide chez l’enfant (Jones & Klin, 2009). La majorité des critères diagnostiques de l’autisme sont ainsi identifiables vers l’âge de 2 ans, période à laquelle les enfants à développement typique montrent une variété de comportements, notamment sur le plan de la sphère sociale (CDC, n.d.; Volkmar, Lord, Bailey, Schultz, & Klin, 2004). Néanmoins, certaines anomalies neurodéveloppementales caractéristiques du trouble autistique seraient présentes dès la naissance. Les manifestations

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comportementales résultantes pourraient être observables dans la première année de vie de l’enfant (CDC, n.d.; Zwaigenbaum et al., 2005; voir Zwaigenbaum, Bryson & Garon, 2013 pour une revue).

Tel qu’indiqué précédemment, l’altération des interactions sociales constitue un élément central de l’autisme (Carpentieri & Morgan, 1996; Liss et al., 2001; Siegel et al., 1989). Lorsque l’enfant atteint 2 ans, les déficits sociaux autistiques sont généralement déjà présents et se manifestent notamment par une attention préférentielle diminuée vers le regard d’autrui (Jones, Carr, & Klin, 2008). De faibles contacts visuels et des réponses sociales atypiques, telle la quasi-absence de sourires sociaux, d’intérêts sociaux et d’affects positifs, seraient entre autres observables dès l’âge de 12 mois (Zwaigenbaum et al., 2005). Alors que les enfants à développement typique tendent à rechercher spontanément le regard d’autrui et à répéter les interactions visuelles et sociales, les autistes explorent de façon préférentielle et exagérée en intensité d’autres aspects de leur environnement, particulièrement les éléments non sociaux (Jones & Klin, 2009; Zwaigenbaum et al., 2005). L’adoption d’un tel patron de comportements durant cette période critique du développement social suppose du même coup l’apprentissage d’un mode d’interaction différent avec l’environnement, entraînant des effets en cascade sur la socialisation.

Les premiers déficits observables de la communication se manifestent entre 18 mois et 2 ans, au moment où les enfants développent normalement leurs habiletés langagières. Néanmoins, certains marqueurs précoces d’une altération du langage peuvent être identifiés dès les premiers mois chez certains enfants autistes, telle l’absence de babillage ou la présence de babillage suivie d’une interruption dans la production de cette habileté (Calohan & Peeler, 2007). Une propension diminuée à vocaliser à l’âge de six mois serait également rapportée (Zwaigenbaum et al., 2005). Néanmoins, alors que certains enfants autistes demeurent non verbaux ou ne développent que des habiletés langagières de base, plusieurs parviennent à acquérir un niveau de langage adéquat. Les déficits de la communication se manifestent alors davantage dans la façon d’initier ou d’entretenir une conversation, la compréhension des subtilités du langage (e.g. sarcasme, blagues, etc.) et l’usage répétitif et stéréotypé du langage (e.g. réciter de manière répétitive des paroles de chansons ou de films) (Calohan & Peeler, 2007). D’autres déficits de la communication observables à 18 mois et se manifestant par une absence d’attention conjointe (en lien avec

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le biais non social caractéristique des TSA) et de faire semblant pourraient également être révélateurs d’un diagnostic d’autisme à 30 mois (Baron-Cohen, Allen, & Gillberg, 1992). Les symptômes d’intérêts restreints et de comportements répétitifs surviennent généralement après l’apparition des déficits sociaux et de la communication (Charman & Baird, 2002). Dans les cas sévères d’autisme, il est commun de voir l’enfant frapper des mains de façon répétitive, marcher en rond sur la pointe des pieds et même adopter des comportements d’automutilation comme se mordre ou se frapper la tête contre un mur (Calohan & Peeler, 2007). Chez les autistes présentant un niveau de langage plus développé, les symptômes se manifestent surtout par une préoccupation circonscrite pour certains centres d’intérêt; l’enfant dessine, écrit et peut parfois vouloir discuter avec les autres de ce centre d’intérêt. L’ensemble de ces symptômes entraînent à leur tour des répercussions sur la communication et la sphère sociale. En effet, il est courant de voir un enfant autiste qui adopte des comportements stéréotypés se faire rejeter par ses pairs et s’isoler socialement (Calohan & Peeler, 2007).

Tel que mentionné précédemment, le profil développemental associé à l’autisme varie largement d’un enfant à l’autre, d’où le terme « spectre autistique». Bien que la plupart des enfants autistes affichent une amélioration de leurs comportements au cours du développement, certains d’entre eux montrent plutôt une détérioration ou un plateau. Selon la littérature actuelle, l’évolution de l’enfant TSA dépendrait de plusieurs facteurs, notamment le degré de sévérité du diagnostic, la présence de troubles comorbides et l’accès aux services et programmes d’intervention (Levy & Perry, 2011). Le niveau de fonctionnement intellectuel et d’habiletés langagières de l’enfant à l’âge de 5 ou 6 ans serait également gage d’un pronostic plus favorable au long cours (Howlin, 2005; Howlin, Goode, Hutton, & Rutter, 2004). Néanmoins, à l’âge adulte, bon nombre de TSA, y compris ceux présentant un niveau intellectuel dans le registre normal, se voient désavantagés de manière significative dans plusieurs sphères de leur vie : l’emploi, les relations sociales, la santé physique et psychologique, la qualité de vie en général (Howlin & Moss, 2012). Selon une recension des écrits (Levy & Perry, 2011), seule une minorité d’autistes (5 à 40% selon les études) accèdent et complètent des études collégiales ou universitaires. Par ailleurs, les individus présentant un diagnostic d’autisme de haut niveau ou de syndrome d’Asperger seraient porteurs d’un meilleur pronostic en ce qui a trait au

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niveau d’éducation, au placement dans le milieu du travail et au niveau d’autonomie. Malgré la possibilité d’atteindre un certain niveau d’autonomie, la triade de symptômes demeure présente chez la plupart des adultes porteurs d’autisme (DSM-IV-TR : APA, 2003).

6. Autisme, sensation et perception

Comme indiqué précédemment, les personnes atteintes du trouble autistique se distinguent de celles présentant un développement typique sous de nombreux aspects. Outre la triade de symptômes déjà mentionnée, certains signes propres à ce trouble sont fréquemment rapportés dans la littérature, notamment sur le plan sensoriel (Mottron, Burack, Stauder, & Robaey, 1999). Il est en effet reconnu que les autistes réagissent différemment aux stimuli de l’environnement (Watling, Deitz, & White, 2001). Alors que ces particularités sensorielles étaient non essentielles à un diagnostic d’autisme dans le DSM-IV-TR, celles-ci font désormais partie de l’algorithme diagnostique du TSA dans le DSM-5 en raison de leur grande cooccurrence.

Selon une recension des écrits de Dawson et Watling (2000), un répertoire de réponses sensorielles atypiques serait observé chez 30% à 100% des enfants atteints du trouble autistique. Ces particularités seraient rapportées dans une plus grande mesure chez les enfants que chez les adultes (Baranek, Foster, & Berkson, 1997). Les stimulations sensorielles auxquelles les enfants autistes sont constamment exposés peuvent entre autres se brouiller ou devenir intolérables, rendant le traitement des informations environnantes possiblement plus difficile. D’un tempérament irritable, les autistes manifestent alors généralement leur détresse sous forme de réactions exagérées (Zwaigenbaum et al., 2005) ou d’évitement (DSM-5 : APA, 2013). Celles-ci sont généralement attribuables à une hypersensibilité des sens. À titre d’exemple, une hypersensibilité auditive ou hyperacousie, se manifestant notamment par des réponses comportementales négatives (e.g. se couvrir les oreilles) face à certains sons, est rapportée de façon plus fréquente dans la population autiste (Gomes, Pedroso, & Wagner, 2008). À l’opposé, d’autres individus peuvent présenter une hyposensibilité pour divers stimuli (Charman & Baird, 2002) et rechercher certaines stimulations sensorielles (DSM-5 : APA, 2013).

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La présence d’intérêts spécifiques pour certaines expériences sensorielles est fréquemment observée chez la population autiste (e.g. textures, regard fixé sur certains objets) (Charman & Baird, 2002). Chez les jeunes autistes, la présence de comportements d’exploration visuelle atypiques envers les aspects sociaux et non sociaux de leur environnement constitue l’un des signes les mieux documentés (e.g. Chawarska, Klin, & Volkmar, 2003). Un regard fixé de façon prolongée sur certains éléments de l’environnement comme les miroirs, les lumières ou les roues d’une voiturette, la présence de regards latéraux ou la disposition linéaire de jouets sont des comportements, parmi tant d’autres, fréquemment observés et qui montrent la fascination des autistes pour les stimuli visuels (Liss, Saulnier, Fein, & Kinsbourne, 2006). La présence de regards fixés de façon prolongée sur les objets permettrait d’ailleurs de distinguer un autiste d’un enfant à développement typique dès l’âge d’1 an (Zwaigenbaum et al., 2005).

7. Surfonctionnement perceptif

Les comportements sensoriels précoces des autistes supposent du même coup un traitement de l’information environnante différent de celui des individus à développement typique. En effet, les recherches suggèrent la présence d’«une organisation profondément différente du traitement de l’information, aussi bien dans les modes d’apprentissage et de consolidation de l’information, dans les rapports de préséance qu’entretiennent les systèmes entre eux, que dans la distribution macroscopique des aires cérébrales impliquées dans la réalisation de telle ou telle opération cognitive et dans l’organisation microscopique corticale» (Mottron, 2009). Alors que des déficits sont relevés dans plusieurs sphères du fonctionnement, cette population montre, dans d’autres domaines, un profil de performances supérieures à celui des individus présentant un développemental normal (Caron et al., 2004). En effet, les autistes présentent généralement un répertoire de forces et d’habiletés particulières, notamment sur le plan du fonctionnement perceptif. L’étude de ces forces cognitives, ou pics d’habiletés, s’avère particulièrement informative puisqu’à la différence des déficits, elles ne peuvent être expliquées en terme de retard intellectuel (Happé, 1999). Dès la première observation du syndrome autistique en 1943, Kanner avait relevé la présence d’une perception supérieure des détails chez l’autiste. Au quotidien, cette habileté peut notamment se manifester par une tendance à remarquer des changements

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mineurs de l’environnement (Plaisted, 2001). À ce jour, plusieurs études ont fait état du rôle distinct et supérieur que joue la perception dans la cognition chez l’autiste, entre autres pour les modalités visuelle et auditive (Mottron et al., 2006).

Au niveau visuel, la supériorité perceptive des autistes a été démontrée empiriquement pour la première fois à certaines épreuves visuospatiales, soit au sous-test

Blocs de l’échelle d’intelligence de Wechsler (Caron, Mottron, Berthiaume, & Dawson,

2006; Shah & Frith, 1983, 1993; Tymchuk, Simmons, & Neafsey, 1977) et au test de figures enchevêtrées (Jolliffe & Baron-Cohen, 1997; Shah & Frith, 1983). Le profil de performances des autistes à ces deux tâches surpasse significativement celui d’individus du même âge présentant un développement typique. La performance des autistes à ces épreuves, qui consistent essentiellement à décomposer une figure globale et à traiter ses parties constituantes de façon isolée, suggère deux hypothèses : la perception des autistes se caractérise par un traitement local (c.-à-d. un traitement des détails) supérieur en soi (Mottron et al., 2006; Wang, Mottron, Peng, Berthiaume, & Dawson, 2007) ou par un traitement local facilité via un traitement global (c.-à-d. contextuel) altéré (Frith, 1989; Frith & Happé, 1994; Happé & Frith, 2006). Le profil de performances supérieures des autistes dans la reproduction graphique de figures impossibles (Mottron, Belleville, & Ménard, 1999) pourrait également s’expliquer par ces hypothèses.

Les capacités perceptives supérieures des jeunes autistes ont également été illustrées par leur plus grande rapidité dans les tâches de recherche visuelle de cibles (Jarrold, Gilchrist, & Bender, 2005; Kemner, Van Ewijk, Van Engeland, & Hooge, 2008; O’Riordan, 2004; O’Riordan & Plaisted, 2001; O’Riordan, Plaisted, Driver, & Baron-Cohen, 2001; Plaisted, O’Riordan, & Baron-Baron-Cohen, 1998b). Cette supériorité en recherche visuelle pourrait notamment s’expliquer par une capacité de discrimination supérieure des autistes. En effet, ceux-ci seraient aptes à discriminer plus efficacement des stimuli très similaires entre eux comparativement aux individus à développement typique. Dans une étude de Plaisted, O’Riordan et Baron-Cohen (1998a), des participants autistes et contrôles ont été évalués à l’aide d’une tâche d’apprentissage perceptif afin de comparer leurs capacités de discrimination de stimuli nouveaux et familiers. Aucun effet d’apprentissage perceptif n’était observé chez les autistes, même s’ils parvenaient à discriminer plus efficacement de nouveaux stimuli. Selon Plaisted et al. (1998a; Plaisted, Saksida,

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Alcántara, & Weisblatt, 2003), ceci suggère la présence d’un traitement supérieur des caractéristiques uniques par rapport aux caractéristiques communes des stimuli.

La supériorité en perception visuelle a également été étudiée par Bertone, Mottron, Jelenic et Faubert (2005) qui ont montré un traitement supérieur des stimuli statiques définis par des variations de luminance. Dans cette étude, la tâche des participants consistait à identifier l’orientation verticale ou horizontale de stimuli (grilles). Deux types de stimuli étaient présentés aux participants : des stimuli de premier ordre et des stimuli de second ordre. Dans les études en perception visuelle, les stimuli de premier ordre sont produits par des variations de luminance et les stimuli de deuxième ordre sont produits par des variations de texture ou de contraste. Ils se distinguent également selon la complexité qu’ils mettent en jeu sur le plan neuronal. Ainsi, les stimuli de premier ordre sont détectés et traités très précocement au niveau des aires visuelles primaires, via une organisation neuronale assez simple (aire visuelle V1), alors que les stimuli de second ordre exigent une organisation neuronale plus complexe pour être perçus, impliquant l’interaction de plusieurs régions neuronales, soit les aires visuelles associatives (V2, V3) et les aires primaires (V1). Ainsi, dans l’étude de Bertone et al. (2005), les stimuli (grilles) différaient sur le plan de leur variation de luminance (premier ordre) ou de texture (second ordre). Les résultats de cette étude ont montré une plus grande capacité des participants autistes à identifier l’orientation des stimuli présentant une variation de luminance (réseau de premier ordre) en comparaison aux stimuli présentant une variation de texture.

Bien que la supériorité perceptive des autistes à de nombreuses tâches visuelles soit la mieux documentée, bon nombre d’études mettent également en évidence des performances supérieures sur le plan auditif (Bonnel et al., 2003; Heaton, 2003; Heaton, Hermelin, & Pring, 1998). Dans le domaine de l’audition, l’information sensorielle qui est perçue et analysée par le cerveau est le signal sonore, c’est-à-dire la combinaison de différentes ondes sonores produites par la compression et la raréfaction successive des molécules gazeuses de l’air. Le signal sonore peut être décrit par plusieurs propriétés physiques, notamment sa fréquence et son amplitude, et par leurs contreparties psychologiques. La fréquence d’un son correspond à la vitesse, en cycle par seconde, à laquelle les compressions de l’air se succèdent pour former des ondes sonores (hertz (Hz)). L’amplitude, généralement exprimée en décibels (dB), réfère à la magnitude des

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compressions successives qui détermine la pression sonore (la force du son). Sur le plan psychologique, ces deux caractéristiques physiques du signal sonore correspondent respectivement à la tonie (ou hauteur tonale, ou pitch en anglais) et à la sonie (ou intensité sonore). Les sons les plus simples sont constitués d’une seule onde, d’une seule fréquence. Ces sons purs (ou sons simples) représentent le niveau le plus élémentaire en audition (Goldstein, 2010; Kolb & Whishaw, 2002). C’est principalement à ce niveau, dans le traitement des sons simples, que la population autiste montre un surfonctionnement perceptif. Plus particulièrement, la performance des autistes surpasse celle des individus à développement typique aux tâches nécessitant de discriminer ou de catégoriser des sons purs de fréquences (tonies) différentes (Bonnel et al., 2010; Bonnel et al., 2003; Heaton et al., 1998; Jones et al., 2009; O'Riordan & Passetti, 2006). Cette supériorité auditive au sein de la population autiste, dont l’origine fait encore l’objet de nombreuses études, pourrait être en partie attribuable à la présence de forces cognitives en mémoire à court terme (Bonnel et al., 2003) et à long terme (Heaton et al., 1998). La facilité des autistes à traiter et à mémoriser la tonie des sons serait par ailleurs analogue à leurs habiletés perceptives sur le plan visuel, les ressources attentionnelles des autistes étant principalement dirigées vers les détails des stimuli (Mottron & Belleville, 1993). Par ailleurs, au niveau cérébral, une étude de neuroimagerie a permis de montrer un épaississement de l’aire corticale responsable du traitement acoustique des stimuli élémentaires, soit le cortex auditif primaire (Hyde, Samson, Evans, & Mottron, 2009).

8. Capacités spéciales

Tel qu’indiqué précédemment, un répertoire similaire de forces cognitives se retrouve chez la majorité des autistes. Chez certains d’entre eux, ces pics d’habiletés atteignent un niveau supérieur et se manifestent sous une forme extrême; il s’agit des capacités spéciales (e.g. calcul avec les jours du calendrier, calcul de nombres premiers, mémorisation d’items, reproduction graphique 2D et 3D, casse-tête, etc.). En effet, certains individus communément regroupés sous l’appellation « autistes savants », présentent des performances remarquables dans le traitement d’un matériel donné (Mottron, 2009). Ces capacités spéciales peuvent être définies comme des habiletés exceptionnelles, surpassant à la fois les normes populationnelles et le niveau qui serait attendu chez un individu si on

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tient compte de son profil cognitif général (Miller, 1998). Elles se manifestent à tous les niveaux d’intelligence générale et sont associées à un intérêt particulier pour un ou plusieurs domaines restreints et fixes (e.g. les mathématiques, la musique) et pour lequel le sujet a donc été surentraîné (Mottron, 2009). Parmi les capacités spéciales retrouvées dans la population autiste, l’oreille absolue (OA), soit la capacité d’identifier ou de reproduire un son pur en l’absence de référence (Takeuchi & Hulse, 1993), retient notamment l’attention des chercheurs. Cette capacité serait une manifestation extrême des pics de performances généralement observés chez les autistes dans le traitement de la tonie et serait associée à une exposition précoce au domaine musical. Or, cette association ne représente pas une condition suffisante pour l’acquisition de l’OA puisque la plupart des enfants exposés précocement au domaine musical ne développent pas cette faculté. Bien qu’elle se présente également chez certains individus à développement typique, on note une surreprésentation de l’OA chez les TSA (Young & Nettlebeck, 1995). La prévalence de cette capacité varierait entre 5% (Brown et al., 2003; Rimland & Fein, 1988) et 11% (DePape et al., 2012) dans la population autiste, alors qu’elle serait estimée à 1 pour 10 000 chez les individus à développement typique selon les données les plus récentes (Profita & Bidder, 1988; Takeuchi & Hulse, 1993).

9. Hypothèses explicatives du fonctionnement perceptif dans l’autisme

Plusieurs hypothèses et modèles cognitifs de l’autisme ont vu le jour et ont été révisés au cours des trente dernières années pour expliquer les particularités perceptives des autistes. Ces modèles sont essentiels afin d’élargir les connaissances sur la nature des forces et déficits des autistes, de permettre une meilleure compréhension de cette condition et d’orienter le développement d’interventions efficaces et adaptées pour cette population. Dans le cadre de ce projet, quatre principaux modèles explicatifs retiennent notre attention : le modèle de la faiblesse de la cohérence centrale (Weak Central Coherence [WCC] : Frith, 1989; 2003; Frith & Happé, 1994; Happé & Frith, 2006), le traitement possiblement inférieur de la complexité (Minshew & Goldstein, 1993; Minshew, Goldstein, & Siegel 1995; 1997), la supériorité en discrimination (Plaisted et al., 1998a; 1998b; Plaisted, 2001), et le surfonctionnement perceptif (Enhanced Perceptual Functioning [EPF] : Mottron & Burack, 2001; Mottron et al., 2006). Ces quatre modèles partagent l’idée de l’implication

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d’un mécanisme commun et particulier du traitement perceptif chez les autistes s’appliquant à la fois aux stimuli sociaux et non sociaux de l’environnement. Tous ont apporté d’importantes contributions à la recherche sur le fonctionnement perceptif dans l’autisme. Dans le présent projet, une attention particulière est accordée au modèle du surfonctionnement perceptif (EPF), dont les principes s’appuient en partie sur les conceptions des autres modèles.

9.1 La faiblesse de la cohérence centrale

Selon Frith (1989), le terme «cohérence centrale» réfère à la tendance des enfants et des adultes à développement typique à traiter l’information environnante dans son ensemble, en tenant compte de sa globalité et du contexte. Ce type de traitement holistique occasionnerait du même coup une négligence de l’attention accordée aux détails. À l’opposé, les autistes privilégieraient le traitement de l’information locale aux dépens du traitement de l’information globale. Le traitement perceptif atypique de la population autiste serait ainsi caractérisé par une «faible cohérence centrale». Cette idée a été développée après l’étude de performances des autistes à la tâche «dessins avec blocs», dans laquelle la supériorité des autistes s’estompe lorsque la figure à reproduire est segmentée (Shah & Frith, 1993). Selon les auteurs, la supériorité des autistes à cette épreuve s’explique par leur tendance à segmenter les stimuli de façon spontanée. Cette hypothèse, qui supporte l’idée d’un traitement orienté localement, fut un facteur important dans le développement du modèle de la faiblesse de la cohérence centrale (Frith & Happé, 1994; Happé & Frith, 2006). À cet effet, le modèle original WCC concevait les performances supérieures des autistes aux tâches nécessitant un traitement local comme résultant d’un déficit du traitement des aspects globaux. Selon cette conception initiale du modèle, les autistes montrent une plus faible capacité à intégrer les caractéristiques d’un stimulus en un tout cohérent (Frith, 1989; Frith & Happé, 1994). Conséquemment, les personnes autistes auraient de la difficulté à percevoir la figure dans son ensemble. Cependant, depuis que la capacité des autistes à traiter dans certaines circonstances les informations globales a été démontrée (Mottron, Burack, Iarocci, Belleville, & Enns, 2003; Mottron et al., 2006), le modèle WCC considère désormais davantage une supériorité en soi du traitement local (Happé & Frith, 2006).

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9.2 Le traitement possiblement inférieur de la complexité

À la différence des autres modèles présentés dans ce projet, celui de Minshew et collaborateurs ne reconnaît pas la perception des personnes autistes comme étant supérieure, puisqu’ils la considéraient, à l’époque, simplement intacte. La visée principale de ce modèle consiste plutôt en la compréhension du profil neuropsychologique des autistes, c.-à-d. leurs capacités cognitives. Selon ce modèle, les personnes autistes présentent des déficits dans les tâches cognitives complexes impliquant des habiletés d’ordre supérieur (Minshew & Goldstein, 1993). Des capacités intactes ou supérieures se manifesteraient toutefois aux tâches nécessitant de plus simples habiletés. Les autistes auraient ainsi moins de capacité à organiser l’information (Minshew & Goldstein, 1998) et donc plus de difficulté à traiter des informations complexes, difficulté ne paraissant toutefois pas se répercuter sur le traitement visuospatial. Selon Minshew et collaborateurs (Minshew & Goldstein, 1993; Minshew et al., 1995; 1997), le profil cognitif des autistes, c.-à-d. leur répertoire d’habiletés intactes ou supérieures et d’habiletés déficitaires, paraît s’expliquer par un trouble affectant le traitement des informations complexes.

9.3 La supériorité en discrimination

Plaisted et collaborateurs (1998a) avaient découvert une plus grande capacité de discrimination visuelle chez la population autiste comparativement aux individus à développement typique. Cette idée d’une supériorité en discrimination se voulait une alternative au modèle prédominant de la WCC (Plaisted, 2001). Comme indiqué précédemment, la plus grande habileté des autistes à discriminer serait possiblement à l’origine de leur performance supérieure aux tâches de recherche visuelle. Cette capacité pourrait expliquer plusieurs caractéristiques du traitement visuel atypique des autistes, telles leurs performances supérieures aux tâches de figures enchevêtrées (Jolliffe & Baron-Cohen, 1997; Shah & Frith, 1983) et de reproduction de modèles à l’aide de blocs (Rumsey & Hamburger, 1988; Shah & Frith, 1993). Plaisted (2001) ajoute que les particularités perceptives des autistes pourraient s’expliquer par une plus faible capacité à généraliser, ou à un traitement inférieur des similarités partagées par des stimuli. Les autistes traiteraient ainsi plus efficacement les caractéristiques uniques que les caractéristiques communes des stimuli. Deux prédictions peuvent être tirées de cette hypothèse. Tout d’abord, les

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personnes autistes devraient montrer un profil de performances supérieures à une tâche de discrimination difficile, nécessitant une bonne capacité à reconnaître les caractéristiques uniques des stimuli. À l’opposé, un profil de performances inférieures devrait être observé à une tâche de catégorisation, nécessitant une bonne capacité à reconnaître les caractéristiques communes des stimuli. Chacune de ces deux prédictions a été appuyée empiriquement (Plaisted et al., 1998b). Selon Mottron et collaborateurs (2006), l’idée d’un traitement inférieur des traits communs entre les configurations proposées par Plaisted et al. (1998a; 1998b; Plaisted, 2001) a été déterminante dans la conception du modèle de surfonctionnement du traitement perceptif de bas niveau.

9.4 Modèle du surfonctionnement perceptif

S’inspirant des prémisses des trois autres modèles, l’EPF est un modèle explicatif bien connu et largement utilisé qui permet de comprendre en quoi se distingue la perception autistique de celle des individus présentant un développement typique. Ce modèle se veut une alternative au modèle WCC et aurait une portée explicative du profil de performances des autistes dans de nombreuses tâches impliquant la perception visuelle. Selon la version révisée du modèle (Mottron et al., 2006), huit principes de base caractérisent la perception autistique et doivent guider la recherche sur les processus perceptifs sociaux et non sociaux de cette population. Ordonnés sur une échelle partant des mieux établis aux plus spéculatifs, ces principes permettent de mettre en évidence le fonctionnement différent et accru de la perception chez l’autiste.

9.4.1 Principe 1. Le premier principe du modèle EPF soutient la présence d’un traitement perceptif orienté de façon préférentielle vers les aspects locaux. Selon ce principe bien établi, la perception des détails chez les autistes est augmentée, ceux-ci ayant tendance à privilégier le traitement de ces informations plutôt que le traitement de cibles globales. Ce traitement accru des informations locales contraste avec le traitement hiérarchique des individus à développement typique. Le terme hiérarchique réfère ici au fait que différents aspects (locaux, globaux, configurationnels) d’une figure ou d’une scène visuelle entretiennent entre eux certains rapports de priorité (ou hiérarchique) et qu’ils ne sont donc pas traités à un même niveau. Chez les non-autistes, ce traitement hiérarchique se caractérise par un biais global. Ce biais, qui ne se retrouve pas dans la perception autistique,

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se manifeste par la détection plus rapide et plus précise d’une cible globale et par une interférence dans la détection de cibles locales. La supériorité des autistes dans le traitement local serait observée à la fois aux tâches hiérarchiques à temps d’exposition long et aux tâches hiérarchiques à temps d’exposition court. Alors que les premières requièrent des dizaines de secondes pour être réalisées, impliquent de distinguer des cibles locales parmi des cibles globales et font appel aux capacités attentionnelles, de planification et visuomotrices (e.g. reproduction de modèles avec blocs), les tâches à temps d’exposition court ne requièrent quant à elles que des centaines de millisecondes pour être réalisées, impliquent une analyse de bas niveau (tâches de choix binaire forcé) et font moins appel aux aspects exécutifs conscients et moteurs (e.g. tâches de discrimination ou de recherche visuelle). En effet, comme mentionné précédemment, un autiste parvient plus rapidement qu’un individu à développement typique à détecter une cible parmi des distracteurs dans une tâche de recherche visuelle (O’Riordan et al., 2001).

9.4.2 Principe 2. Le traitement perceptif des autistes se caractérise également par des différences dans les tâches dites de bas niveau (tâches de discrimination, recherche et identification de cibles), c.-à-d. impliquant l’extraction de traits jusqu’à la constitution d’une représentation perceptive d’un objet (Mottron, 2004). À cet effet, le second principe de l’EPF stipule que l’augmentation du gradient de complexité neuronale requis pour un traitement perceptif est inversement reliée au niveau de performance dans ces tâches. Plus précisément, ce principe suggère que la population autiste présente un surfonctionnement du traitement de bas niveau. En effet, alors que le traitement de stimuli simples (ou de premier ordre, c.-à-d. stimuli définis par une variation de luminance) est facilité chez les autistes, le traitement de stimuli plus complexes (ou de second ordre, c.-à-d. stimuli définis par une variation de contraste ou de texture) est altéré. Ces aspects dimensionnels de la perception ont été principalement étudiés chez les autistes par le biais de tâches de discrimination du mouvement (voir Bertone et Faubert, 2006 pour une revue). Le réseau neuronal associé à la perception du mouvement possède une structure hiérarchique comportant plusieurs niveaux de traitement neuronal bien définis et bien documentés. Ces niveaux d’analyse permettent de traiter des stimuli mobiles définis par différents attributs. Ainsi, en plus d’évaluer la perception du mouvement en soi, l’étude de la sensibilité au mouvement telle que mesurée à différents niveaux du traitement visuel nous renseigne

Figure

Figure 1. Scores pondérés obtenus aux sous-tests des échelles d’intelligence de Wechsler  administrées depuis 1994
Figure  2.  Scores  QI  et  indices  factoriels  obtenus  aux  échelles  d’intelligence  de Wechsler  administrées depuis 1994

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