Afin de confronter tous les principes du modèle EPF au cas à l’étude, des données issues d’IRM auraient sans aucun doute permis d’approfondir davantage l’analyse de ce cas. Toutefois, malgré l’abondance des données longitudinales disponibles, ces données d’imagerie n’en faisaient pas partie. La richesse des informations tirées du récit de vie du participant, rédigé par la mère, doit être soulignée et peu d’études de cas publiées se sont basées sur une telle mine d’informations. Or, notons que malgré la multitude
d’informations qu’offrait cet ouvrage, il importe de souligner l’aspect non objectif des données récoltées (perception de la mère). Comme nous l’avons exploré dans ce mémoire, notre perception correspond à la représentation que se fait notre cerveau de l’environnement et peut donc varier d’un individu à l’autre. Ainsi, malgré toute l’objectivité qu’elle souhaitait y mettre, le caractère subjectif de la perception de la mère doit être pris en compte. Bien que le cas de GS semble appuyer en grande partie le modèle EPF, il aurait été intéressant d’étayer le profil développemental et cognitif de plusieurs personnes autistes présentant une capacité spéciale et de mettre en évidence leurs similarités et différences.
Le présent mémoire doctoral possède plusieurs forces. L’aspect longitudinal de l’étude et la variété des données recueillies au fil des années constituent des forces notoires. Par ailleurs, pour permettre une amélioration constante des modèles théoriques de l’autisme, ceux-ci doivent être confrontés auprès de cette population et ce mémoire contribue à cette lacune. Enfin, ce mémoire propose une mise à jour et une recension des écrits, non exhaustive, des connaissances actuelles dans le domaine de la perception autistique. Nous estimons que cette étude de cas offre une bonne entrée en matière pour le lecteur souhaitant se familiariser avec le concept d’autisme. Par ailleurs, ce mémoire doctoral illustre bien l‘importance et la pertinence de poursuivre les recherches sur les modèles autistiques et plus particulièrement celui du surfonctionnement perceptif (EPF).
Conclusion
La visée principale de ce mémoire doctoral consistait à présenter les caractéristiques développementales et cognitives d’un adulte porteur d’autisme de haut niveau. La recension des écrits non exhaustive présentée en introduction a permis de soulever les connaissances actuelles dans le domaine de l’autisme, particulièrement sur le plan du parcours développemental et des particularités du traitement sensoriel et perceptif de cette population. Une attention plus particulière portée sur le fonctionnement perceptif du cas à l’étude a permis de faire un parallèle avec les modèles explicatifs dominants de l’autisme, et plus particulièrement avec celui du surfonctionnement perceptif (EPF). Ce dernier modèle aujourd’hui largement reconnu se base sur de nombreuses assises, certaines bien connues et ancrées dans la littérature actuelle et d’autres plus exploratoires, afin de mieux comprendre le fonctionnement perceptif dans l’autisme. À notre connaissance, peu de recherches ont tenté de confronter ce modèle à une population clinique via une étude approfondie de leur profil. Ainsi, l’adéquation du modèle EPF aux caractéristiques développementales et cognitives d’un adulte porteur d’autisme de haut niveau est une contribution certaine au domaine de la recherche.
Ce mémoire doctoral a d’abord montré que GS présente un profil en faveur d’un autisme pur, et ce, selon les conceptions passées et actuelles de l’autisme mises de l’avant par le DSM (c.-à-d. trouble autistique selon le DSM-IV, TSA selon le DSM-5). Cette validation a ainsi confirmé que GS était un bon candidat pour confronter tous les modèles explicatifs de l’autisme exposés précédemment.
L’analyse du dossier de GS a soulevé un profil cognitif et développemental congruent avec les principales assises des modèles explicatifs actuels de l’autisme. Globalement, cette étude qualitative met concrètement en évidence le rôle distinct et prépondérant que joue la perception dans le fonctionnement cognitif des autistes. À l’évaluation neuropsychologique administrée dans le présent mémoire doctoral, GS a affirmé avoir eu recours à des stratégies perceptives pour réaliser certaines tâches. Cette force sur le plan du traitement perceptif paraît ainsi avoir une implication déterminante dans son fonctionnement quotidien.
Cette étude de cas a également permis de soulever les facteurs possiblement associés au phénomène d’OA et de tirer certaines suppositions quant aux éléments déterminants associés à un pronostic favorable dans la population autiste. Plus particulièrement, le cas de GS met en évidence l’importance du milieu de vie. En effet, GS a évolué depuis son enfance dans un environnement favorable, marqué par un soutien familial (e.g. implication des proches, acceptation du diagnostic), scolaire (e.g. plans d’intervention) et médical (e.g. suivis médicaux serrés) incomparable. Il a été pris en charge de façon très précoce, dès les premières suspicions à l’égard de la présence d’un TSA. Par ailleurs, les ressources d’aide et les différentes sources de stimulation auxquelles il était exposé sont demeurées constantes au cours des années. Il importe également de souligner le rôle crucial qu’a joué la mère dans l’évolution de son fils au fil des années.
Alors que l’efficacité des programmes de stimulation intensive en bas âge (aussi appelés interventions comportementales intensives (ICI)) chez les autistes et les ressources budgétaires qui y sont allouées font actuellement l’objet de débats dans les milieux cliniques, la littérature scientifique et les médias, cette étude de cas apporte quelques éclaircissements. En effet, bien que GS ait bénéficié d’une période de stimulation intensive précoce dans un centre de pédopsychiatrie, son évolution exceptionnelle n’apparaît pas uniquement attribuable à cette intervention. Le cas de GS met en lumière l’aspect multifactoriel associé à un pronostic favorable et l’effet déterminant que peut entraîner le milieu de vie.
Une récente recension des écrits (Tonge, Bull, Brereton, & Wilson, 2014) suggère que les interventions précoces, plus précisément les programmes d’ICI, paraissent bénéfiques chez les jeunes autistes. Or, il y a actuellement peu d’appuis scientifiques quant à l’efficacité au long cours de cette intervention. Tonge et collaborateurs soulèvent également que l’efficacité de programmes d’intervention repose sur une combinaison de facteurs, notamment l’implication familiale (soutien et éducation), les suivis multidisciplinaires, la continuité des soins, et ce, particulièrement lors d’étapes transitionnelles plus difficiles chez l’enfant/adolescent TSA. Les conclusions de cette recension des écrits de même que les résultats de la présente étude de cas suggèrent ainsi la nécessité de miser sur plusieurs ressources d’aide, d’encadrer et d’outiller le réseau familial afin qu’il soit en mesure d’accompagner adéquatement l’enfant TSA. Par ailleurs, tenant
compte du fait que les parents d’enfants TSA se sentent souvent coupables et impuissants face à cette condition, la formation des parents quant à la façon de communiquer et d’interagir avec l’enfant pourrait être bénéfique à plusieurs niveaux.
En conclusion, chez GS, la grande capacité de traitement des stimuli simples (c.-à-d. son surfonctionnement perceptif de bas niveau manifeste, notamment l’OA) et son excellente mémoire pourraient être des corollaires d’une plus grande capacité d’apprentissage qui lui aura permis de développer des capacités langagières adéquates et une plus grande autonomie.
Les résultats rapportés dans ce mémoire sont porteurs d’espoir et ils illustrent l’importance de miser sur les forces de l’enfant. Comprendre les forces des autistes est la voie vers l’instauration de programmes d’intervention et de systèmes d’éducation efficaces chez cette population.
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