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Production et articulation des appartenances au mouvement Slow Fashion sur Twitter

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Academic year: 2021

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Université de Montréal

Production et articulation d’appartenances au mouvement Slow Fashion sur Twitter

http://belongingtoslowfashion.blogspot.ca

Par Fiona Folino

Département de communication Faculté des arts et des sciences

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures et postdoctorales en vue de l’obtention du grade de

maitrise ès sciences (M.Sc.) en sciences de la communication

28 avril 2016

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Résumé

Ce mémoire explore les productions et les articulations des appartenances au mouvement Slow Fashion sur Twitter.

En réaction au modèle actuel prédominant du Fast Fashion, basé sur une surproduction et une surconsommation des vêtements, le Slow Fashion sensibilise les différents acteurs du secteur de la mode à avoir une vision plus consciente des impacts de leurs pratiques sur les travailleurs, les communautés et les écosystèmes (Fletcher, 2007) et propose une décélération des cycles de production et de consommation des vêtements.

L’enjeu de cette recherche est de montrer que le Slow Fashion se dessine notamment à travers les relations entres les différents acteurs sur Twitter et que l'ensemble de ces interactions prend la forme d'un rhizome, c’est-à-dire d’un système dans lequel les éléments qui le composent ne suivent aucune arborescence, aucune hiérarchie et n’émanent pas d’un seul point d’origine. (Deleuze & Guattari, 1976) Sur Twitter, les appartenances au Slow Fashion font surface, se connectent les unes aux autres par des liens de nature différente. Consommateurs, designers, entreprises, journalistes, etc., ces parties prenantes construisent collectivement le Slow Fashion comme mouvement alternatif à la mode mainstream actuelle. Mon cadre théorique s’est construit grâce à une analyse de la littérature des concepts de mode, d’identité et d’appartenance afin de mieux appréhender le contexte dans lequel le mouvement a émergé. Puis, j’ai également réalisé une étude exploratoire netnographique sur Twitter au cours de laquelle j’ai observé, tout en y participant, les interactions sur la plateforme abordant le Slow Fashion et/ou la mode éthique.

Publiée sur ce blogue, cette « creative presentation of research » (Chapman & Sawchuk, 2012) ne constitue pas une histoire présentant les prétendues origines de ce mouvement mais plutôt une photographie partielle à un certain moment du Slow Fashion. Construite tel un rhizome, elle n’a ni début, ni fin, ni hiérarchie. J’invite alors les lectrices/lecteurs à choisir n’importe quelle entrée et à délaisser toute logique linéaire et déductive. Cette exploration sera guidée par des liens hypertextes ou des annotations qui tisseront des connexions avec d’autres parties ou feront émerger d’autres questionnements. Il s’agit d’offrir une introduction aux enjeux que pose le Slow Fashion, d’ouvrir la voie à d’autres recherches et d’autres réflexions,

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ou encore de sensibiliser sur ce sujet.

Mots clés : Slow Fashion – appartenance – Twitter – identité – rhizome – devenir – mode – mode éthique – netnographie

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Abstract

This research explores the productions and the articulations of belonging to Slow Fashion on Twitter.

In reaction to the current model of the garments fashion industry, the Fast Fashion, based on overproduction and overconsumption, Slow Fashion aims at raising awareness of the actors of the fashion industry concerning the impacts of their practices on workers, communities, ecosystems (Fletcher, 2007) and suggests a deceleration of clothing production and consumption cycles.

The aim of this research is to show how the relationships between the participants are surfacing on Twitter and how those interactions are organized as a rhizome ; a assemblage where elements and components don’t follow a tree-like hierarchy or linearity and don’t emanate from a single point of origin. (Deleuze & Guattari, 1976) On Twitter, Slow Fashion belongings emerge and connect to each other through different kind of links. Consumers, designers, companies, journalists, etc., collectively build the Slow Fashion as an alternative movement to the current hegemonic fashion model. My theoretical framework is based on a litterature analysis which explores the concepts of fashion, identity, and belonging in order to contextualize the emergece of Slow Fashion. I also conducted an exploratory netnographic study on Twitter : I observed and participated in interactions addressing Slow Fashion and/or ethical Fashion.

The « creative presentation of research » (Chapman & Sawchuk, 2012) published in this

blog does not propose a history of the Slow Fashion and its origins. Rather, it offers a partial picture of a certain moment of the movement. Build as a rhizome, this research has no beginning, no ending, no hierarchy. I invite readers to start by any entry point and to abandon any kind of deductive or linear logic. This exploration will be guided by hyperlinks or annotations that will connect to other parts or that will make emerge other questionings. It offers an introduction to the challenges of Slow Fashion, it opens the way for further research, other reflexions and the issues it raises.

Key words : Slow Fashion – belonging – Twitter – identity – rhizome – becoming – Fashion – sustainable fashion – netnography

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ...iv

Liste des figures ... vii

Remerciement ... viii

Avant-propos ...10

Problématisation de la recherche...14

La mode...18

Qu’est-ce qu’une mode ?...18

Fashion Studies ...19

La mode vestimentaire ...20

Les rôles du vêtement...21

Les accessoires de mode...21

Les valeurs de la mode ...22

Le caractère cyclique et processuel de la mode ...25

Le circuit de la mode selon Kaiser ...26

La mode comme communication ...30

Une pratique et une forme d’expression culturelle ...33

Processus de « subjectivation modesque » : identité et appartenance...35

Le secteur économique et industriel de la mode ...39

Un modèle prédominant : le Fast Fashion...40

Une frontière floue entre Fast Fashion et Slow Fashion ...44

Les impacts environnementaux et sociaux de la mode ...48

Et la mode de demain ? ...55

Le Slow Fashion...60

Les enjeux du Slow Fashion...60

La vitesse : lent vs rapide ...66

Les valeurs du Slow Fashion...69

Culture de la lenteur ...74

Le Slow Food ...75

Slow Design ...76

Conscientisation des parties prenantes ...78

Emergence du Slow Fashion ...81

« Passive and active fashion »...85

Le rhizome deleuzien ...90

Nébuleuse du Slow Fashion ...96

Twitter et le Slow Fashion ...102

Twitter comme « rhizome social » ...103

Being Slow Fashion ...106

Belonging to Slow Fashion ...111

Appartenances en devenir : « devenir-Slow Fashion » ...116

Cadre méthodologique et exploration sur Twitter...123

Analyse de la littérature...123

Le rhizome comme méthode d’analyse...127

Une lecture en mode décousu...130

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Le blogue comme support ...133

Considérations éthiques...135

Multipositionnement : « chercheure-rhizome » ...137

Twitter comme plateforme d’analyse...141

Interactions et microblogging...142

L’ethnographie ...146

Démarche netnographique...147

Observation et participation ...149

Collecter des tweets...153

Analyse des tweets ...154

Après-propos...157

Bibliographie...162

Annexes ...170

Annexe 1 : Mode responsable et technologies ...170

Annexe 2 : Tweets de Kate Fletcher sur Twitter...172

Annexe 3 : Les régimes de valeurs selon John Frow ...173

Annexe 4 : Histoire partagées autour du Slow Fashion ...176

Annexe 5 : Fashion Revolution Week sur Twitter ...186

Annexe 6 : Controverse : Fashion Revolution vs H&M ...192

Annexe 7 : Débat : « Calling all Fashion Revolutionaries ! »...198

Annexe 8 : L’appropriation culturelle ...210

Annexe 9 : Les représentations générationnelles ...212

Annexe 10 : Certificat d’approbation éthique du Comité d’éthique de la recherche en arts et en sciences de l’Université de Montréal...214

Annexe 11 : Carte rhizomatique de la recherche ...215

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Liste des figures

Figure 1 : Tweet @amytropolis sur le Topshop Challenge...44

Figure 2 : Tweet @ELLEmagazineUSA pour la Fashion Revolution Week...45

Figure 3 : Tweet de @GLAMOUR_sa pour la Fashion Revolution Week ...45

Figure 4 : Tweet de @VogueParis ...46

Figure 5 : Tweet de @EmilieHDR...46

Figure 6 : Mon retweet de l'article de Vogue ...46

Figure 7 : Tweet de @garancedore ...47

Figure 8 : Tweet de @TheFashionLaw...48

Figure 9 : Tweet de @miikinc...50

Figure 10 : Tweet de @i_D e-commerces...50

Figure 11 : Tweet @PeopleTree interview de Safia Minney...52

Figure 12 : Tweet @ZuHappyHeart, exploitation des enfants dans les usines...55

Figure 13 : Tweet de @sustfash ...64

Figure 14 : Tweet défi "Love Story" Fashion Revolution...65

Figure 15 : Tweet @issywizz #30wears...65

Figure 16 : Tweet @SinikkaKA #30wears ...65

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Remerciement

Au départ, ce mémoire devait être un travail dirigé. Je devais écrire une soixantaine de pages sur les productions et les articulations des appartenances au Slow Fashion sur Twitter. Très vite, j’ai réalisé à quel point ce sujet me passionnait. Les pages défilaient et je ne pouvais plus m’arrêter d’écrire. Réalisant alors l’ampleur de mon travail, j’ai fait le choix de « devenir-mémoire ».

Relativement courte et intense, cette période de rédaction a été tant rythmée par des moments de découragements, d’incertitudes, que par des moments d’enthousiasme et par une volonté de me surpasser et d’en apprendre davantage.

La traversée de ce chemin, semé de quelques embuches, a été possible grâce au soutien de plusieurs personnes à qui je souhaiterais témoigner ma reconnaissance.

Un GRAND merci à ma directrice de recherche, Line Grenier. Merci pour ta bonne humeur, pour ta présence et pour m’avoir aidé dans mes moments de doute. Tu as toujours su trouver les mots justes pour me guider et pour me soutenir dans l’accomplissement de mon travail. J’ai beaucoup appris avec toi et je n’aurais pas pu avoir une meilleure directrice de recherche !

Ce mémoire n’aurait pas vu le jour sans le soutien inconditionnel de mon amoureux, Xavier. Merci de m’avoir fait rire quand j’en avais besoin, de m’avoir réconforter lorsque je doutais et surtout d’avoir accepté de vivre ce mémoire avec moi. Merci pour ton écoute, et pour tes conseils au cours de nos discussions théoriques.

Je tiens aussi à remercier mes parents pour m’avoir toujours soutenue et encouragée dans mes projets et surtout dans celui de venir étudier à l’Université de Montréal. Malgré la distance, les réconforts sur Skype m’ont motivé et m’ont permis de continuer d’avancer.

Merci à mes amis. Merci pour ces soirées, pour ces fous rires qui m’auront permis de décompresser. Merci particulièrement à Estelle pour ces journées bibliothèque et pour ces explorations des cafés de Montréal !

Je tiens à remercier le département de communication de l’Université de Montreal et l’ensemble des professeurs qui m’ont beaucoup appris et qui ont toujours su m’aiguiller tout au long de cette maîtrise.

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Enfin, je remercie le département de communication, la Faculté des Études Supérieures et Postdoctorales et COGECO pour le soutien financier m’ayant permis de poursuivre mes études à Montréal avec plus de sérénité.

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Avant-propos

J’ai toujours été passionnée de mode. Des pages des magazines, aux vielles photographies de famille, je suis fascinée par les manières dont les individus portent et s’expriment à travers leurs vêtements. La rue constitue également un terrain d’observation très enrichissant quant aux façons dont les individus s’habillent. J’observe les passants et me questionne sur les raisons les ayant poussé à adopter tel ou tel style vestimentaire, à porter tel vêtement plutôt qu’un autre d’un point de vue esthétique. Je me demande aussi parfois en quoi la manière de se vêtir et les styles peuvent représenter des moyens d’expression voire des façons de se rattacher et de se sentir appartenir à des communautés et à des groupes d’individus. La mode m’interpelle, elle est pour moi source d’inspiration au quotidien. Ainsi, lorsque j’ai intégré la maîtrise en sciences de la communication à l’Université de Montréal, j’étais sure de vouloir consacrer mon mémoire à une problématique autour des enjeux de la mode.

D’origine française, je suis arrivée à Montréal il y a maintenant 3 ans. Il est vrai que cette information peut paraître futile et inutile dans le cadre de ce mémoire, mais ce changement de pays et de culture a eu un impact sur ma relation à la mode. En effet, mon expérience à Montréal a changé mon mode de vie et ma vision de la consommation et notamment celle des vêtements. Petit à petit, j’ai pris conscience des impacts que pouvaient avoir mes décisions et mes actes en tant qu’individu sur l’environnement. De plus, je me posais des questions sur la provenance des vêtements, sur la manière dont ils avaient été fabriqués, par qui et à l’aide de quels matériaux. Les actualités ont également éveillé ma curiosité et renforcé mes interrogations. Par exemple, en 2014, des consommateurs ont retrouvé sur des étiquettes de vêtements fabriqués par la marque Primark, des « appels au secours » ou des messages sur les conditions des travailleurs dans les usines de fabrication. Ces questions m’ont alors amenée à me renseigner sur le sujet et sur les conditions de production des vêtements. Aussi, je me suis intéressée aux pratiques émergentes plus éthiques et plus responsables dans le secteur de la mode. C’est ainsi que j’ai découvert le Slow Fashion. J’ai immédiatement été sensible, d’un point de vue personnel, aux enjeux et aux engagements que promeut le mouvement. Le Slow Fashion constitue une alternative au modèle actuel prédominant de la mode, appelé Fast Fashion, et propose une autre manière de penser les

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méthodes et les pratiques de production et de consommation de la mode dans une perspective de durabilité et de minimisation des impacts environnementaux et sociaux.

Cet engagement personnel et mon intérêt émergent pour le Slow Fashion m’a amenée à consacrer mon mémoire à ce mouvement. Il existe actuellement peu de littérature, académique ou journalistique, sur le sujet - ce qui n'a pas simplifié mon travail de problématisation et de conceptualisation. Une des premières choses m’ayant interpelée sur le Slow Fashion, est la diversité des acteurs y participant. J’ai en effet remarqué que tant des designers, des consommateurs que des marques, des blogueurs ou des journalistes s’intéressaient au mouvement. Je me suis alors demandé : qu’est-ce qu’être Slow-Fashion ? En quoi les discours et les pratiques multiples de ces acteurs permettent-ils de construire le mouvement et comment font-ils émerger de nouvelles appartenances ? Qu’est-ce qu’appartenir au Slow Fashion ?

A la lumière de ces interrogations, j’ai choisi d’étudier dans le cadre de ce mémoire les productions et les articulations des appartenances au Slow Fashion sur Twitter.1

Dans un premier temps, je me demande si le mouvement peut être pensé en termes de rhizome si l’on reprend la théorisation développée par Gilles Deleuze et Félix Guattari (Deleuze & Guattari, 1976). Le Slow Fashion présente-il des frontières explicites ? En quoi les échanges et les interactions entre les acteurs sont-ils prolifiques et apparaissent comme déterritorialisés et décentralisés ?

Également, je me sens interpelée par la manière dont les appartenances au mouvement sont produites. Le Slow Fashion n’est pas un label, une étiquette qui permettrait de définir avec exactitude, par exemple, que cette pratique ou ce vêtement est Slow Fashion. Il s’agit d’un mouvement, d’une entité dynamique qui évolue constamment. Dans cette optique, je me demande si les appartenances au mouvement ne sont pas elles-mêmes processuelles. En reprenant le concept de Deleuze et Guattari, peut-on parler de devenir-Slow Fashion (Deleuze & Guattari, 1973) ?

1 Je recommande aux lectrices et lecteurs de consulter la partie « Problématisation de la recherche » dans laquelle

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De plus, bien que le mouvement se nourrisse et soit alimenté par certaines valeurs, telles que l’éthique, la responsabilité, la durabilité, je me demande si celles-ci définissent intrinsèquement la nature du Slow Fashion. Le Slow Fashion n’apparait-il pas plutôt comme un régime de valeur au sens de John Frow ? (Annexe 3) C’est-à-dire que les pratiques et les discours articulés par les acteurs du Slow Fashion engagent certaines valeurs dans les manières de faire, comme par exemple privilégier la durabilité des vêtements plutôt que l’aspect éphémère. Quelles sont les « valeurs-pour » les acteurs du Slow Fashion et comment dépendent-elles d’un contexte et de conditions sociales, économiques, culturelles particulières ?

Afin d’explorer les appartenances au Slow Fashion sur Twitter, j’ai pris appui sur deux méthodologies. J’ai effectué une revue de la littérature afin d’approfondir les questionnements et les concepts que mettait en lumière ma problématique ; c’est-à-dire la mode d’un point de vue général, le Slow Fashion en tant que mouvement, le rôle de Twitter, puis les concepts de rhizome, d’appartenance, d’identité et de devenir. En parallèle, j’ai également réalisé une analyse exploratoire netnographique des tweets et des interactions sur Twitter abordant le Slow Fashion et/ou des sujets connexes en lien avec la mode éthique et responsable. J’ai choisi d’étudier les appartenances au mouvement sur Twitter car, avant de commencer cette recherche, j’ai remarqué que de nombreux acteurs interagissaient sur le réseau social autour du Slow Fashion et de la mode éthique. De plus, au delà d’utiliser le réseau social comme terrain d’étude, je propose d’analyser comment la plateforme constitue une partie prenante du mouvement et un des lieux de production des appartenances au mouvement.

Il importe aussi de souligner que ce travail n’a ni début précis ni fin définitive. En effet, j’ai aussi choisi d’utiliser le concept de rhizome dans la présentation de ma recherche. Ce mémoire n’est pas composé de parties suivant un ordre hiérarchique précis mais de plateaux constituant des entités individuelles qui, mises ensemble, permettent de suivre le cheminement de mon raisonnement et mon exploration. En effet, la lecture peut (et doit dans la mesure du possible) se faire de manière aléatoire et décousue. C’est pourquoi j’ai choisi de publier cette recherche sur un

blogue car je pense que ce support illustre le caractère rhizomatique de la présentation de ce mémoire. J’invite alors les lectrices/lecteurs à consulter ce mémoire directement sur le blogue, à

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cette adresse.

Ainsi, les lectrices/lecteurs peuvent explorer les différentes parties de ce mémoire et se déplacer de plateau en plateau. J’aborde la notion de mode afin de réfléchir aux enjeux que soulève ce phénomène socioculturel. Je m’intéresse notamment à la diffusion de la mode mais aussi au contexte actuel de la mode et aux impacts que peut avoir ce secteur sur l’environnement et sur les individus d’un point de vue général. Egalement, j’approfondi les enjeux que met en lumière le Slow Fashion en réfléchissant à la manière dont le mouvement a émergé mais aussi en le pensant en terme de rhizome et de nébuleuse. J’aborde et je conceptualise les appartenances au mouvement sur Twitter. Aussi, certaines parties discutent en profondeur du cadre méthodologique de cette recherche dont l’analyse netnographique sur Twitter. Les lectrices/lecteurs pourront remarquer que je n’ai pas dédié une partie spécifique à l’étude des tweets mais que j’ai intégré ces analyses dans certaines parties ou que j’en ai créées d’autres ayant émergé au cours de mon exploration. Ces parties « annexes » ont participé à ma réflexion et proposent des ouvertures vers d’autres enjeux et d’autres questions.

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Problématisation de la recherche

Les éléments théoriques présentés dans les parties de ma recherche m’ont servi d’appui afin de penser comment les appartenances au Slow Fashion se produisent et s’articulent sur Twitter. Grâce à une revue de la littérature, j’ai pu appréhender et adapter à ma recherche les notions de mode et de Slow Fashion, de rhizome mais aussi d’identité, et d’appartenance en

devenir.

Comme les lectrices/lecteurs peuvent le remarquer, j’ai consacré des parties à la moded’un point de vue général. En effet, ces parties me semblaient indispensables pour comprendre les mécanismes de ce phénomène social et culturel et ainsi pour mieux cerner les

enjeux du Slow Fashion, qui se propose comme une alternative aux principaux systèmes de pensées et de pratiques de la mode. Ainsi, cette analyse m’a permis de comprendre la dynamique des cycles et des processus liés à la mode. Comme le Slow Fashion implique une notion de rythme et de vitesse, je souhaitais découvrir à quoi faisait référence le mouvement lorsqu’on y parlait de ralentissement. De plus, ces parties m’ont permis de réfléchir à la mode d'un point de vue cultural studies. Il n’existe aucun écrit actuel, à ma connaissance, abordant le Slow Fashion sous cet angle. J’ai donc élargi ma perspective pour concevoir la mode selon cette approche pour ensuite me concentrer sur les appartenances au Slow Fashion en m’appuyant sur les prémisses des cultural studies. Aussi, je souhaitais étudier le cadre dans lequel le Slow Fashion est né. Cette mise en contexte m’a également permis d’introduire le Fast Fashion, représentant le système de la mode hégémonique actuelle. J’ai pu prendre du recul et développer un regard critique sur les impacts que peut avoir ce modèle sur l’environnement et la société.

Comme cette recherche ne propose pas un schéma de lecture linéaire, je pense que ces parties sur la mode permettent de proposer quelques bases aux lectrices/lecteurs qui n’auraient pas nécessairement de connaissances sur la mode ou bien qui n’auraient pas entendu parler du Slow Fashion. Je ne considère pas cependant ces parties comme les points d’origine de ma recherche.2

2

En proposant une telle recherche et en utilisant Twitter comme terrain d’analyse, je pense, et j’espère, que cette recherche va toucher un lectorat assez varié. J’entends par là des chercheurs, des blogueurs, des associations, des

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Ainsi, ces parties m’ont permis de comprendre comment la mode constitue un phénomène social et culturel en mouvance mais aussi pourquoi et comment de nouvelles alternatives proposant une mode plus éthique et plus durable se manifestent. Plus particulièrement les parties « Un modèle prédominant : le Fast Fashion », « des impacts environnementaux et sociaux de la mode » puis « et la mode de demain ? » m’ont permis d’introduire conceptuellement le Slow Fashion et de réfléchir aux prémisses du mouvement.

Les parties centrées sur le Slow Fashion m’ont permis de mettre en lumière les enjeux que pose le mouvement. Également, j’ai pu conceptualiser ce mouvement et découvrir en quoi il n’est pas isolé mais contaminé et nourri par d’autres philosophies, d’autres concepts qui ne semblent pas avoir un lien direct mais qui pourtant participent au même débat. En m’appuyant sur la conceptualisation de rhizome développée par Gilles Deleuze et Félix Guattari, j’ai pu analyser en quoi le Slow Fashion s’étend et se déploie tel un système rhizomatique. (Deleuze & Guattari, 1976) De plus, les arguments développés par certains auteurs ayant une approche des cultural studies tels que Stuart Hall, Nira Yuval-Davis, Lawrence Grossberg ou encore Susan B. Kaiser, m’ont permis de conceptualiser les identités et les appartenances au Slow Fashion comme des processus constamment en construction. Le concept de devenir proposé par Gilles Deleuze et Félix Guattari (Deleuze & Guattari, 1973) a insisté sur ce caractère évolutif et processuel des appartenances au Slow Fashion. Autrement dit, je suis demandé qu’est-ce que devenir-Slow Fashion ?

Aussi, j’ai souhaité analyser quelles sont les valeurs promues par les acteurs du Slow Fashion. Pour cela, j’ai pris appui sur les théories de « valeur-pour » et de régimes de valeur développées par John Frow. (Frow, 1995) (Annexe 3) Cette conceptualisation m’a permis de penser les valeurs non pas comme des composantes essentielles qui définiraient intrinsèquement la nature du mouvement et des appartenances mais comme des mécanismes articulés dans le régime de valeur Slow Fashion. Ce ne sont pas des valeurs hors tout mais des valeurs-pour les acteurs du Slow Fashion, c’est-à-dire des façons de penser, de se rattacher au mouvement en fonction du contexte et des circonstances.

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Ainsi, à la lumière de ces différents apports théoriques et conceptuels, j’ai pu élaborer ma question de recherche, qui est la suivante :

Comment se produisent et s'articulent les appartenances au Slow Fashion, mouvement promouvant la mode éthique, sur Twitter ?

Comme je l’explique, je considère les appartenances au mouvement comme des appartenances en devenir. Ce qui constitue le Slow Fashion ne va pas de soi. Cette recherche propose alors de réfléchir aux appartenances qui se produisent et s’articulent par et dans Twitter. Le devenir-Slow

Fashion ne se résume pas à Twitter mais le réseau social représente un des lieux de production où les appartenances s’articulent d’une certaine manière, entre certains acteurs et selon certains éléments. C’est en ce sens que je considère Twitter comme une partie prenante du mouvement.

Dans une perspective cultural studies, Susan B. Kaiser souligne que l’articulation signifie se connecter, se joindre et s’exprimer. Il s’agit d’étudier la façon dont des individus ou des groupes d’individus se connectent les uns aux autres et comment cette connexion se produit. L’articulation permet d’étudier les formations sociales sans pour autant les considérer comme fixes, absolues ou essentielles. Comme l’exprime Kaiser « Individuals mix and match different elements to formulate temporary expressions about who they are or, more accurately, becoming. » (Kaiser, 2013, p.5) De plus, il importe de prendre en considération les circonstances et les contextes dans lesquels se produisent ces articulations. Dans le cadre de cette recherche, je considère et j’explique que les appartenances au mouvement s’articulent et se produisent selon certaines manières sur Twitter mais aussi qu’elles dépendent de certaines relations de pouvoir.

Par ailleurs, je considère, dans une certaine mesure, le Slow Fashion comme un mouvement social. Selon Della Porta et Marco Diani (1999), les mouvements sociaux présentent quatre caractéristiques : le mouvement a « une forme organisationnelle typiquement réticulaire », les individus appartenant au mouvement ont des croyances partagées, ils visent « la promotion ou la prévention de changements sociaux » puis ils ont recours « à diverses formes de protestation » (Porta & Diani, 1999 dans Guay, Hamel, & Masson, 2005, p.68) Les mouvement sociaux ne sont pas

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composés d'une seule organisation centrale et hiérarchique au sein de laquelle se regroupent des individus qui partagent des intérêts particuliers, [mais] sont formés de réseaux de diverses organisations, individus et participants qui s'engagent dans ce type d'action collective non pour la satisfaction de leurs intérêts particuliers, mais pour l'obtention - ou la prévention - d'un changement social dont bénéficierait la société en général. (Porta & Diani, 1999 dans Guay, Hamel, & Masson, 2005, p.69)

Le Slow Fashion fonctionne alors comme un mouvement social dans la mesure où il ne présente pas de hiérarchie explicite, que les participants partagent certains engagements et principes éthiques et qu'il s'agit d'un mouvement alternatif à la mode dite Fast Fashion. Toutefois, je ne considère pas le mouvement comme un ensemble de réseaux mais je le pense comme rhizome car il ne présente pas, selon moi, de points d'origine. De plus, il importe de noter que les croyances auxquelles adhèrent les individus ne sont pas transcendantes, elles sont articulées selon un contexte socio-historique particulier qui évolue constamment. C'est en quoi ce mouvement et ses appartenances sont en devenir.

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La mode

Qu’est-ce qu’une mode ?

La mode est une notion complexe, ayant des significations différentes selon le domaine et le contexte dans lesquels elle est employée. Il s’agit d’un concept polysémique dont il est difficile de retenir une seule définition. Le mot « mode », entendu dans le genre féminin du terme « la mode », est dérivé du latin « modus » signifiant la « mesure » dans le sens de « dimension », de « quantité », de « rythme » mais aussi de « règle » ou de « loi »3. Cette étymologie renvoie également aux notions de « borne », de « limite » mais aussi de « manière », de « procédé » ou de « méthode ». (Wikipédia, 2015)

Dans le langage courant, une mode se définit comme la « manière de vivre, de se comporter, propre à une époque, à un pays » (Larousse, n.d.-b). La mode se caractérise comme un phénomène complexe et difficilement saisissable, s’appuyant sur plusieurs composantes; culturelles, sociales, économiques, etc. Egalement, ce mot est marqué par la temporalité et la spatialité : une mode s’inscrit dans un certain temps et dans un certain espace. Elle est temporaire et est constituée de tendances, de goûts ou encore de comportements vis-à-vis d’objet matériels (par exemple le retour actuel à l’utilisation des appareils polaroïd en photographie ou des vinyles dans le domaine musical) ou d’objets abstraits (le street art, la tendance « healthy » que l’on remarque aujourd’hui dans la cuisine, etc.) dans différents domaines culturels ; le design, le cinéma, l’architecture, la cuisine, la littérature, la musique, etc.

La mode peut aussi s’apparenter aux habitudes vestimentaires. Généralement, parler de la mode fait référence à la manière de se vêtir. Comme le précisent Patrik Aspers et Lise Skov, « the word ‘fashion’ refers to all kinds of changing tastes, but when used in relation to clothes, there is no need for further qualification. » (Aspers & Skov, 2006, p.808) Ainsi, dans le présent travail, lorsque je parle de mode, je fais référence à la mode vestimentaire.

3 Le mot « mode » au genre masculin, entendu comme « un mode », est aussi intéressant car il implique l’idée d'une

façon de faire, d'une manière dont une chose se déroule, doit se faire ou se dérouler. Cette signification souligne alors une forme de singularité propre à des manières d’être, de se comporter, de vivre ou de se vêtir parmi tant d’autres.

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Fashion Studies

Bien que les questions de la mode vestimentaire soient étudiées dans une pluralité de domaines, la discipline qui leur est consacrée spécialement est appelée « fashion studies ». Ce champ de recherche interdisciplinaire réfléchit à la place et au rôle de la mode dans les sociétés ou encore à la relation que les individus entretiennent avec ce phénomène. Les « fashion studies » s’intéressent à une multitude de questionnements pouvant aborder tant les effets (sociaux, psychologiques, ou encore économiques) de la mode, comme production culturelle, sur les comportements individuels et collectifs que les représentations construites par le système de la mode à travers le vêtement comme objet performatif du corps. Comme l’exprime Susan B. Kaiser,

Fashion studies has roots in the centuries-old historical and cross-cultural interest in dress as a universal phenomenon. (...) Fashion studies as a interdisciplinary field also emerged from later nineteenth-century thinking about culture, social class, and modernity in the ‘Western’ world – in fields as varied as anthropology, the arts and humanities, psychology, and sociology. (Kaiser, 2013, p.1)

De son côté, Yuniya Kawamura, professeure au Fashion Institute of Technology de New York, s’intéresse plus particulièrement à la dimension sociale de la mode. Elle appelle cette étude la « Fashion-ology ». Dans son livre Fashion-ology, Introduction to Fashion Studies (2004), Kawamura étudie les processus de production sociale des objets de mode et la dynamique de transformation du vêtement vers le vêtement de mode. Dans une perspective de cultural studies, elle se questionne sur la globalisation, l’hybridité et la décentralisation de la mode. Contrairement à d’autres conceptions définissant les structures de la mode comme immuables, Kawamura pense la mode comme mobile et transnationale. Elle n’émane pas seulement des cultures occidentales mais prend part à la mondialisation culturelle. (Kawamura, 2004, p.106) Ainsi, elle définit la Fashion-ology comme

a sociological investigation of fashion, and it treats fashion as a system of institutions that produces the concept as well as the phenomenon/practice of fashion. Fashion-ology is also concerned with the social production process of the belief in fashion which exists in people’s minds, and which begins to have a substance and life of its own. (Kawamura, 2004, p.1)

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Cette approche me semble particulièrement pertinente dans le cadre de ma recherche puisque comme l’explique Kawamura, la Fashionology s’intéresse aux enjeux sociaux de la mode comme production, distribution, réception ou encore consommation. (Kawamura, 2004, p.2)

Aussi, l’auteure souligne que cette étude permet d’analyser les réseaux sociaux individuels ou encore institutionnels que crée la mode. Cette vision peut alimenter mes réflexions sur le Slow Fashion et les différents acteurs qui construisent le mouvement.4

La mode vestimentaire

Dans cette entrée, je souhaite définir spécifiquement la mode vestimentaire. Selon le dictionnaire Larousse, le mot signifie un « aspect caractéristique des vêtements correspondant à une période bien définie » (Larousse, n.d.-b). Cette définition insiste plus particulièrement sur l’objet de la mode, à savoir le vêtement.

Dans cette mesure, il importe de se questionner sur la différence entre mode et vêtement. En effet, comme le souligne Kawamura, la mode (fashion) et le vêtement (dress/clothing) sont des concepts et des entités différentes devant être étudiés séparément. Selon Kawamura, la mode ne doit pas être traitée sous un angle purement matériel.

When fashion is treated as an item of clothing that has added value in a material sense, it confuses the notion of fashion. Fashion does provide extra added values to clothing, but the additionnal elements exist only in people’s imaginations and beliefs. Fashion is not a visual clothing but is the invisible elements included in clothing. (Kawamura, 2004, p.4) Ainsi, mode et vêtement vont de pairs et sont co-dépendants, mais ne constituent pas la même chose. La mode apparaît comme un phénomène intangible dont l’objet principal est le vêtement. Toutefois, ce dernier n’est pas nécessairement un objet de mode. Il peut simplement exister dans sa matérialité sans pour autant constituer un élément symbolique ou représentatif participant au phénomène de la mode. « Items of clothing must go through the process of transformation to be labeled as fashion. » (Kawamura, 2004, p.1)

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Cette conceptualisation du Slow Fashion en tant que rhizome est développée dans la partie « Nébuleuse du Slow Fashion ». Puis, en ce qui concerne la notion d’appartenance, je propose aux lectrices/lecteurs de se référer à la partie « Belonging to Slow Fashion »

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Les rôles du vêtement

Le vêtement constitue un objet matériel, tangible et symbolique ayant plusieurs rôles et signification. Le vêtement est fonctionnel et utilitaire. Il sert de protection pour couvrir et protéger le corps de l’environnement et des conditions extérieurs (comme les conditions météorologiques). Il s’agit de l’utilisation primaire du vêtement existant depuis son apparition dans la préhistoire. A cette époque, l’individu fabrique ses propres vêtements dans le but de protéger son corps de l’environnement et de la situation dans laquelle il évolue. Ce rôle primaire comme utilité première du vêtement existe encore aujourd’hui dans certaines régions du monde ayant, notamment, des conditions climatiques extrêmes.

Un autre rôle du vêtement concerne la pudeur. Celui-ci émane notamment des traditions religieuses. Le vêtement permet alors de cacher certains organes ou parties du corps (sexualisées) pour ne montrer que celles considérées comme tolérées. Ce rôle est aussi ancré d’un point de vue social puisqu’il définit la manière de se présenter aux autres en société.

Le vêtement peut aussi se caractériser par une dimension esthétique et devenir une parure. Dans ce cas-là, il devient un objet d’apparat utilisé dans le désir de plaire. Ce rôle désigne aussi le vêtement comme objet de mode puisqu’il représente un désir d’esthétisme mais aussi un moyen d’expression individuel ou collectif.

Les accessoires de mode

« Les accessoires de mode sont des éléments d'habillement adjoints au vêtement principal afin d'en souligner certains traits ou de le modifier. » (Wikipédia, 2016b)

Il s’agit alors des objets qui sont rajoutés pour compléter une tenue : des bijoux, des sacs, des chapeaux, des ceintures, etc. Ces éléments sont utilisés pour des raisons de protection, de praticité, dans une optique esthétique, c’est-à-dire d’embellissement de la tenue, mais ils peuvent aussi permettre de personnaliser les vêtements et la manière de les porter. Tout comme les

vêtements, les accessoires peuvent avoir un rôle utilitaire, comme par exemple le parapluie permettant de se protéger de la pluie, mais ils peuvent aussi avoir un rôle symbolique, comme c’est le cas des piercings ou de certains bijoux ayant des significations spirituelles ou ethniques.

Au départ, les accessoires étaient utilisés pour marquer un certain statut social. Autrefois réservés à la bourgeoisie, ils étaient principalement produits par des marques de luxe pour une clientèle

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aisée. Aujourd’hui, tout comme les vêtements, les ventes d’accessoires de mode se sont démocratisées, standardisées, et les marques tentent de rejoindre un plus large public. Pour Nizar Souiden, Bouthaina M’Saad et Frank Pons ce changement s’explique en partie par une augmentation de l’engouement auprès des produits de luxe ces dernières années ;

In recent years, a shift in the values linked to luxury has occurred. Changes in consumers’ interest in, and perception of, branded products have significantly modified markets’ structure. For instance, manufacturers of certain massmarketed products attempt to mirror the symbolic value of their brands in order to reap some advantages from premium pricing and positioning. (Souiden, M’Saad, & Pons, 2011)

Les accessoires ne sont plus réservés à une certaine classe sociale et sont proposés aux consommateurs dans un très large éventail de prix. Ils font aujourd’hui partie intégrante des tenues des individus et des tendances en matière de mode.

Ainsi, lorsque je parle de mode dans cette recherche, je fais surtout référence aux vêtements mais je considère aussi que les accessoires ont un rôle à jouer. Comme je l’expliquais, ils peuvent permettre aux individus de personnaliser une tenue, surtout dans le contexte actuel où la mode et les fabrications des vêtements sont standardisées. Il importe de prendre aussi en compte les accessoires dans le débat sur la mode éthique et le Slow Fashion puisque les pratiques de production et de consommation de ces objets ont aussi des répercussions sur l’environnement et le bien-être social.

Les valeurs de la mode

La mode est un phénomène intangible qui ne peut être caractérisé par la simple matérialité du vêtement.

Kawamura explique que la mode est composée de deux significations : fashion and clothing-fashion. La première, fashion, désigne le concept de mode dans son ensemble c’est-à-dire la représentation de ce phénomène social et culturel. La deuxième signification, clothing-fashion, se rapporte plutôt aux pratiques et aux comportements qui découlent de la mode. Cette distinction est importante dans le sens où ma recherche porte tant sur la mode, plus précisément le Slow Fashion, en tant que concept et objet, que sur l’analyse de certaines pratiques telles que les productions et les articulations des appartenances au mouvement sur Twitter. Comme

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l’exprime Kawamura, « only by interpreting fashion as a concept in a broader sense, do we understand what clothing-fashion means in a sociological sense. » (Kawamura, 2004, p.2)

Ainsi, je m’interroge quant aux valeurs5 qui peuvent constituer et nourrir le phénomène de la mode en tant que concept.

Dans un premier temps, la mode implique la notion de changement. En effet, la définition de « mode » énoncée dans la partie « Qu’est-ce qu’une mode ? », souligne une forme de temporalité. La mode est temporaire et éphémère puisqu’elle correspond à un moment donné et est dans un certain lieu, un certain contexte. Elle est imprégnée d’un désir de renouvellement. Comme l’exprimait le sociologue Georg Simmel au début du siècle dernier, dont la vision et la théorie sur la mode inspirent cette partie,

Par essence, la mode est visée par la majorité mais pratiquée par une seule fraction du groupe. On ne parle plus de mode dès lors qu’elle s’est entièrement imposée, c’est-à-dire sitôt que ce qui était initialement le fait de quelques-uns est devenu l’usage de tous sans exception, comme cela s’est produit avec certains éléments de la toilette et du savoir-vivre. (Simmel [1905], 2013, p.22)

Bien que je ne souscrive pas à une approche qui implique de considérer l'essence ou les attributs essentiels du phénomène de la mode ou du Slow Fashion, cette vision souligne le caractère éphémère et non général de la mode qui évolue en fonction des pratiques et des comportements sociaux, mais qui est aussi marquée par une quête de nouveauté et de recherche d’innovations vestimentaires. Fred Davis considère également que la mode est éphémère ; ce qui est considéré comme « in », c’est-à-dire comme attrayant, aujourd’hui, ne le sera plus le lendemain et sera « out ». La mode est instable et capricieuse, et bien que pour Davis on en soit conscients, on y succombe tout de même. (Davis, 1994, p.103)

Pour le chercheur Roland Barthes, cette recherche d’originalité est une conséquence de la société capitaliste : « la Mode fait sans doute partie de tous les faits de néomanie qui sont apparus dans notre civilisation probablement avec la naissance du capitalisme: le nouveau est, d’une façon institutionnelle, une valeur qui s’achète. » (Barthes, 1983, p.13) Le terme néomanie est une

5 Afin de mieux comprendre ce à quoi je fais référence lorsque je parle de « valeur », j’invite le lecteur à consulter la

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contraction de néo et de manie pour souligner l’obsession, la passion pour la nouveauté. Cependant, ce caractère de nouveauté associé à la mode est critiquable car il peut paraître illusoire dans une certaine mesure et dans certaines circonstances. Les modes s’inspirent souvent d’autres modes ou tendances précédentes, en suivant un schéma de recommencement. L’individu amateur de la mode n’a en effet pas forcément connaissance de toutes les autres modes précédentes et a alors le sentiment d’acheter ou d’adopter des tendances complètement nouvelles. Je pense que c’est ce qui caractérise en quelque sorte le mythe de la mode ; laisser imaginer que chaque tendance et chaque cycle incarne nouveauté et originalité.

Puis, la mode évolue à un rythme effréné. Comme l’écrivait déjà Jean De La Bruyère au XIXème siècle, « la mode a à peine détruit une autre mode qu’elle est abolie par une plus nouvelle, qui cède elle-même à celle qui la suit et qui ne sera pas la dernière » (De La Bruyère, 1841, p.352) Aussi comme l’exprime Simmel,

Le rythme de renouvellement de la mode est un indicateur de la vitesse à laquelle l’excitation nerveuse s’émousse : plus une époque est nerveuse, plus ses modes se succèdent rapidement, car le besoin des stimulations provoquées par la différence – qui est l’un des principaux piliers de toute mode – accompagne toujours le relâchement de l’énergie nerveuse. C’est là une des raisons qui font des catégories supérieures le véritable territoire de la mode. (Simmel [1905], 2013, p.20)

Le phénomène de mode semble caractériser une opposition entre continuité et rupture. Il est possible de parler de continuité car malgré le renouvellement des codes vestimentaires à chaque époque, ou à chaque saison, le phénomène de mode perdure dans le temps. Mais il n’en est pas moins saccadé et fracturé en une succession de plusieurs cycles représentant différentes tendances, appropriations ou utilisations du vêtement comme objet matériel et symbolique. Pour Davis la mode est « a continual, largely uninterrupted, and ever more institutionalized succession of stylistic changes in dress, adornment, and decorative desgin generally. » (Davis, 1994,p.28) Puis, il importe de considérer la mode comme un phénomène pluriel. Bien que je parle de la mode au singulier, il n’en existe pas seulement une mais plusieurs. Selon Davis, après la seconde guerre mondiale, le phénomène de « fashion pluralism » a émergé. Il s’agit de considérer qu’il n’existe pas une seule mode commune et universelle qui dirige tous les codes de la mode, mais plutôt que plusieurs modes se juxtaposent en même temps, se conjuguent et s’enrichissent

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mutuellement. « Styles and fashions that dominate in one domain do not automatically carry over, or even necessarily influence, what dominates in another. » (Davis, 1994,p.108) C’est aussi un point de vue que partagent Patrik Aspers et Lise Skov puisqu’ils expliquent : « we argue that it is not possible to speak of one single fashion, but rather of different fashions existing at the same time. » (Aspers & Skov, 2006, p.805) Selon ces deux chercheurs, il importe de sortir de cette conception de la mode comme un phénomène purement occidental. Ils remettent en question les études qui généralisent le système de la mode occidentale comme le modèle prédominant et universel et qui négligent ainsi les autres pratiques et usages de la mode dans d’autres régions du monde ou dans d’autres communautés. La mode doit ainsi être pensée en termes de pluralité, c’est-à-dire comme les modes. Cette vision est aussi intéressante dans le cadre de ma recherche puisque comme je l’explicite dans cette partie, le Slow Fashion ne se rattache pas à la mode hégémonique mais se définit comme une des manières de penser et de pratiquer la mode, voire une mode.

Le caractère cyclique et processuel de la mode

Dans son ouvrage, Fashion, Culture and Identity (1994), Davis fait la distinction entre les notions de cycle et de processus de la mode. Comme il l’exprime, « the cycle can best be defined as the phased elapsed time from the introduction of a fashion (...) to its supplantation by a successive fashion. » (Davis, 1994, p.103) D’un autre point de vue, « the process refers to the complex of influences, interactions, exchanges, adjustments, and accommodations among persons, organizations and institutions that animates the cycles from its inception to its demise. » (Davis, 1994, p.103-104)

La notion de cycle implique alors un schéma de recommencement et de renouvellement tandis qu’un processus apparait plutôt comme un concept analysant la manière dont une mode se déploie et se propage. Par exemple, le changement des collections de prêts-à-porter chaque saison s’apparente plus à un dispositif cyclique tandis que la diffusion du style Punk dans les années 90 relève plutôt de l’étude du processus. Je pense que cette distinction était importante à souligner dans le cadre de cette étude puisque le Slow Fashion implique une notion de vitesse et donc renvoie à une réévaluation des cycles de production, de consommation et de distribution de la mode. Le mouvement propose aussi un nouveau processus de la mode en réfléchissant à la

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manière d’introduire et de développer un système et une vision de la mode plus durable.

Aussi ces notions de cycles et de processus permettent d’insister sur une des prémisses de ma problématique, celle de penser la mode et le Slow Fashioncomme des phénomènes qui ne sont pas figés mais qui sont constamment en mouvance, qui se construisent à partir de connexions diverses entre des éléments disparates se développant à des rythmes et selon des intensités variés, et qui se nourrissent des interactions d’une pluralité d’acteurs.6

Le circuit de la mode selon Kaiser

Dans une approche basée sur les cultural studies, Susan B. Kaiser a adapté et transposé le circuit de la culture pour créer le modèle du circuit de la mode. Le circuit de la culture est une théorie des cultural studies développée par Paul du Gay, Stuart Hall, Linda Janes et al. en 1997 expliquant que les phénomènes ou les artefacts culturels peuvent être analysés selon cinq dimensions : la représentation, l'identité, la production, la consommation et la réglementation. Dans cette optique, Kaiser explique,

The adapted ‘circuit of style-fashion-dress’ model makes two revisions : distribution instead of representation, and subject formation instead of identity, as explains below. Overall, however, the rationale for the model remains the same : culture flows (and so does fashion). (...) The routes are not linear, and movements flow in multiple directions. (Kaiser, 2013, p.13)

Kaiser a choisi d’illustrer le système de la mode à travers un circuit car cela permet de sortir de l’idée d’opposition ou de linéarité que l’on peut retrouver dans certaines conceptions de la mode. Le circuit permet de représenter le caractère mouvant de la mode qui se déplace vers des sites multiples connectés les uns aux autres. Cette conception s’adapte à l’approche que j’ai adoptée dans le cadre de cette recherche, puisque je conçois aussi la mode comme un phénomène dynamique et non pas comme une entité figée et fixe. De plus, la vision en circuit est cohérente

6 Dans la partie « les valeurs de la mode », je faisais effectivement référence au caractère changeant de la mode qui

est marquée par un rythme effréné de renouvellement des tendances, des appropriations ou des utilisations des vêtements. En ce qui concerne le Slow Fashion, j’invite vivement la/le lectrice/lecteur à consulter dans un premier temps la partie « les enjeux du Slow Fashion » afin de mieux comprendre ce qui caractérise le Slow Fashion s’il ne connaît pas le mouvement, et/ou la partie « la nébuleuse Slow Fashion» dans laquelle je discute du caractère rhizomatique du mouvement qui est en constante évolution.

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avec l’idée de rhizome qui est démuni d’un quelconque centre ou d’une hiérarchie. Cependant, ces deux notions présentent certaines différences. Notamment, le circuit est « fermé », les éléments qui le composent sont connus, tandis que le rhizome est « ouvert », on connaît certains éléments mais d'autres se développent dans un « devenir-quelque chose ».

Le premier élément du circuit de la mode de Kaiser est la « production ». « Like the body itself, fashion is material. » (Kaiser, 2013, p.14) a matérialité de la mode repose sur les tissus, les textiles et les vêtements qui sont fabriqués à partir de ces matières premières. Comme l’exprime Kaiser, depuis plus de 20 000 ans l’humain a modelé son corps à travers les textiles et les autres types de matériaux comme la peinture. Ce façonnage du corps représentait déjà une forme de

langage et de production culturelle bien avant l’utilisation de mots ; « Indeed, long before the advent of written languages, textiles told cultural stories around the world. » (Kaiser, 2013, p.15) Le textile est un matériel culturel permettant d’enregistrer des moments de l’histoire sans nécessairement avoir recours au langage écrit. C’est à partir des XVIIIème et XIXème siècle que la production de vêtement s’est industrialisée et mécanisée. Puis, dès le XXème siècle, les consommateurs ont commencé à s’intéresser et à prendre conscience des conditions de production et notamment de celles des travailleurs. J’aborde plus précisément ce sujet dans les parties « Un modèle prédominant, le Fast Fashion » et « Des impacts environnementaux aux impacts sociaux de la mode »

La seconde composante de ce circuit de la mode est la consommation. Pour Kaiser, la notion de consommation du vêtement existait déjà avant l’industrialisation de la mode à travers l’utilisation et le port de vêtement.

Industrialization changed the dynamic between production (making) and consumption (using, wearing). A binary way of thinking emerged between production – conceptualized as an ‘ordely, mechanized, and rational process of making good for the purpose of profit’ – and consumption, framed as ‘the opposite of productivity’ or as ‘using (‘up’) products of goods’ (Kaiser 2008) (Kaiser, 2013, p.18)

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la culture est nommée « distribution » dans le circuit de la mode. Cette modification ne supprime pas pour autant l'idée que des représentations se produisent et s'articulent dans et par la mode. En choisissant le terme de distribution plutôt que de représentation, Kaiser souhaite insister sur la dimension matérielle de la mode. Comme elle l'explique,

Located strategically between production and consumption, the process of distribution has multiple meanings : the physical movement, as well as the marketing, of goods. In theory, distribution is the bridge, or part of the solution of the ‘disconnect’ between production and consumption. (...) Distribution has connotations of both material and representational elements. (Kaiser, 2013, p.19)

Selon Kaiser, la dimension matérielle de la distribution importe tout autant que la dimension de la représentation. La diffusion matérielle de la mode se caractérise par le flux de distribution économique et culturel des biens matériels au sein d’un réseau d’acteurs humains (travailleurs, consommateurs, etc.) et non-humains (les tissus, les machines de production, les ordinateurs, etc.) Toutefois, il ne faut pas seulement voir dans la distribution de la mode la dimension matérielle car celle de la représentation est toute aussi importante. En reprenant la pensée de Stuart Hall, Kaiser explique :

Representation is a process that does not merely represent an idea or reality that already exists. Rather it constitutes (composes or establishes) our understandings of the world. Through cultural media such as advertising (a form of distribution), we experience images, stories, and sound bites that frame our understandings of what is authentic or natural, what we desire, and so on. (Kaiser, 2013, p.19)

La représentation prend alors part au processus de distribution. Parfois, celle-ci est prédominante dans la diffusion de la mode à tel point que la dimension matérielle est oubliée ou mise de côté. L’attention est uniquement concentrée sur les images produites par les usages et les ports de vêtements plutôt que sur les qualités d’un produit, sur les conditions de travail, ou encore sur les impacts environnementaux. « We begin to imagine who we can become through the goods we buy. » (Kaiser, 2013, p.20) Dans ce cas de figure, le vêtement perd toute sa matérialité pour ne devenir qu’un objet de représentation et de création identitaire.

A ces dimensions s’ajoute celle de la formation du sujet. Kaiser préfère utiliser ces termes plutôt que celui d’identité car selon elle, « subject formation is a process that prioritizes

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‘becoming’ over merely ‘being’ as a priority and thus seems especially compatible with processes of style-fashion-dress, as well as the other components of the circuit model. » (Kaiser, 2013, p.20)

L’utilisation de « subject formation » plutôt qu’ « identity » permet de considérer l’identité comme un processus évolutif et en changement constant. Effectivement, la notion d’identité peut parfois apparaître comme quelque chose de défini et de construit, comme un phénomène déterminé et immuable. Ainsi, l’idée de formation du sujet induit plus un processus d’orientation et de construction que le terme d’identité. Le terme de sujet renvoie tant à la notion de « subjection », c’est-à-dire le fait d’être assujetti à quelque chose qui n’émane pas de soi, qu’à la notion de « subjectivity », qui renvoie à l’agentivité en tant qu’individu. Le concept de « subject formation » prend alors tant en compte les composantes ‘individuelles’ et ‘collectives’ dans la construction identitaire de l’individu. Je pense effectivement que le processus de construction et d’évolution identitaire de l’individu ne dépend pas seulement d’elle ou de lui mais aussi d’autres éléments, tels que la société, les discours véhiculés par les institutions et les médias, etc.

Subjection refers to the process of power relations being imposed in some way. An individual is subjected to circumstances beyond his or her control. Indeed, one is not only born into his or her body but also into a complex network of power relations. These power relations are embedded in cultural discourses : ongoing, systemic cultural ‘conversations’ that are not necessarily on level playing field. (Kaiser, 2013, p.21)

Cette idée de subjectivisation par les discours culturels est très présente dans le domaine de la mode, puisque les idées et les conceptions changent constamment. La formation subjective dans le contexte de la mode est dynamique puisque l’individu fait preuve d’agentivité : il parvient à résister aux relations de pouvoir mais parvient aussi à exercer sa propre voix. (Kaiser, 2013, p.21) Enfin, la dernière composante du circuit de la mode est la régulation. Comme son nom l’indique, celle-ci a un rôle d’encadrement et de contrôle des autres composantes. Comme l’exprime Kaiser, « Regulation, whether formal or informal, entails the concept of bringing the production, distribution, and consumption of clothing ‘under control’ and reducing these processes to ‘adjustments’ according to ‘some principle, standard, or norm’ (Oxford English Dictionary 2010) » (Kaiser, 2013, p.23) Combiné à la notion de formation du sujet, la régulation

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implique que des éléments sociaux ou légaux contrôlent et régulent le processus de formation identitaire. Dans le cas qui nous occupe, il peut s’agir de lois sur les conditions de travail, des règles définies par un code vestimentaire spécifique ou des uniformes, mais aussi des pressions sociales exercées par des discours culturels, ou encore une volonté de se conformer aux tendances en matières de mode dans une société. Du point de vue de la production, la régulation réfère aussi à un cadre légal tel que les protections et les droits des travailleurs, les conditions de commerce vis-à-vis des importations et exportations, ou encore les réglementations en ce qui concerne la sécurité des consommateurs. Pour ce qui est de la consommation, la régulation se caractérise notamment par les restrictions et les interdictions ou au contraire sur les prescriptions sur ce que qui peut être porter ou non. Dans tous les cas de figure, la régulation exerce un rôle de contrôle et selon Kaiser, les individus peuvent parfois se sentir tiraillés entre différents discours ou prises de positions. Cette régulation peut donner lieu à des contestations sociales ou culturelles. (Kaiser, 2013, p.23)

Individuals often find themselves regulated by multiple cultural discourses that might contradict one another. In recent years there have been conflicts, for example, between religious discourse and sports discourse regarding appropriate dress. Muslim female athletes wearing hijab (...) have been prevented from participating in international soccer competitions, for exemple. (Kaiser, 2013, p.23)

La mode comme communication

Dans quelle mesure la mode est-elle communication ? Comment le vêtement peut-il contribuer à produire l’individu et son identité ? Comme l’exprime Fred Davis, la mode communique quelque chose sur qui est l’individu et d’un point de vue collectif elle le rattache et l’associe symboliquement à des statuts ou à certaines conceptions de styles de vie.

Pour Davis, le vêtement et la mode fonctionnent comme un langage muet régi par un système de codes. Les identités et les personnalités des individus sont alors interprétées à partir des vêtements qu’ils portent. En adoptant un certain style vestimentaire ou en portant certains vêtements, l’individu donne des renseignements sur sa personnalité ou sur ses aspirations. La mode devient un indicateur de qui il est dans la société en le rangeant presque dans certaines catégories. Dans cette perspective, la mode crée des apriori ou des idées reçues sur les personnes,

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en se basant sur leurs goûts, leurs pratiques, leurs activités sans pour autant avoir de renseignements sur leur passé et le contexte social et économique dans lequel ils évoluent.

Is clothing not virtually a visual language, with its own distinctive grammar, syntax, and vocabulary ? Or are such statements more like music, where the emotions, allusions and moods that are aroused resist, a they almost must, the attribution of unambiguous meanings such as we are able to give the objects and actions of everyday life : this chair, that office, my payment, your departure ? (Davis, 1994, p.3)

Davis se questionne alors sur le langage des vêtements ; il se demande si ces derniers ont une langue implicite et si celle-ci serait la mode. L’interprétation et le décodage des significations des vêtements sont notamment possibles grâce à une analyse sémiotique du vêtement.

Dans son ouvrage Système de la mode (1983), Roland Barthes s’intéresse à la mode comme discours social. Il analyse comment le vêtement (notamment sa représentation dans les médias et les magazines) devient une forme de langage. Selon Barthes, la mode va au delà des technologies et des systèmes de communication qui construisent son sens. Il distingue alors la mode comme « système d’objet signes », la mode matérialisée, et la « mode parlée ou écrite », soit les écrits et les images représentant des modes. Ainsi, il définit trois types de représentations du vêtement ; le « vêtement image », le « vêtement écrit » et le « vêtement réel ».

Le vêtement image est « celui qu’on me présente photographié ou dessiné, c’est un vêtement image. » (Barthes, 1983, p.13) Ses unités significatives se situent alors au niveau des formes. Pour ce qui est du vêtement écrit,

C’est ce même vêtement, mais décrit, transformé en langage ; cette robe, photographiée à droite, devient à gauche : ceinture de cuir au dessus de la taille, piquée d’une rose, sur une robe souple en shetland ; ce vêtement est un vêtement écrit. (Barthes, 1983, p.13)

Les unités du vêtement écrit se caractérisent alors par les mots employés pour parler de lui.

Ces deux vêtements renvoient en principe à la même réalité (...) et pourtant ils n’ont pas la même structure, parce qu’ils ne sont pas faits des mêmes matériaux, et que, par conséquent, ces matériaux n’ont pas entre eux les mêmes rapports : dans l’un, les

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matériaux sont des formes, des lignes, des surfaces, des couleurs, et le rapport est spatial ; dans l’autre, ce sont des mots, et le rapport est, sinon logique, du moins syntaxique; la première structure est plastique, la seconde est verbale. (Barthes, 1983, p.13)

Puis, le vêtement réel « forme une troisième structure, différente des deux premières, même si elle leur sert de modèle, ou plus exactement, même si le modèle qui guide l’information transmise par les deux premiers vêtements appartient à cette troisième structure. » (Barthes, 1983, p.14)Les unités du vêtement réel ne sont ni les formes ni les mots mais « les traces diverses des actes de fabrication, leurs fins accomplies, matérialisées » (Barthes, 1983, p.15)

Toutefois, Davis critique en quelque sorte la position de Barthes qui tient à décrypter le système de la mode comme un système fermé. Comme il l’exprime, « the very same apparel ensemble that ‘said’ one thing last year will ‘say’ something quite different today and yet another thing next year. » (Davis, 1994, p.6) Selon Davis, le langage des vêtements est différent de l’écriture et du langage verbal. La mode est un code naissant et peut même être perçue comme « an incipent of quasi code » (Davis, 1994, p.6) Ce code est en constante évolution car, comme l’exprimait Edward Sapir, la mode est difficile à comprendre et à saisir puisqu’elle évolue continuellement et les éléments expressifs et significatifs qui la composent n’ont pas la même signification en fonction du contexte. (Sapir, 1932 dans Davis, 1994, p.3)

Ainsi, Davis expose trois caractères du code du vêtement. Tout d’abord il définit la notion de « Contexte dependancy ». La signification d’un style, ou d’une combinaison de vêtements varie en fonction de l’identité de celle ou de celui qui porte le vêtement, de l’occasion, du lieu, ou bien même encore de l’humeur de l’individu. (Davis, 1994, p.8)

Il aborde aussi la notion de « High social variability in the signifier-signified relationship ». La signification des vêtements et des codes vestimentaires n’est pas la même en fonction des identités sociales, des goûts, mais aussi de l’accessibilité aux vêtements. Selon les individus, les publics, les audiences ou les groupes sociaux, les vêtements et/ou les combinaisons de vêtements n’auront pas la même signification. (Davis, 1994, p.9)

Meanings are more ambiguous in that it is hard to get people in general to interpret the same clothing symbols in the same way : in semiotic terminology, the clothing sign’s signifier-signified relationship is quite unstable. (Davis, 1994, p.9)

Figure

Figure 1 : Tweet @amytropolis sur le Topshop Challenge
Figure 3 : Tweet de @GLAMOUR_sa pour la Fashion Revolution Week
Figure 4 : Tweet de @VogueParis
Figure 7 : Tweet de @garancedore
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