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Évaluation d’une formation sur l’incertitude par l’échelle de stress lié à l’incertitude (PRU) chez des internes en stage de médecine générale

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Academic year: 2021

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(1)

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Évaluation d’une formation sur l’incertitude par l’échelle

de stress lié à l’incertitude (PRU) chez des internes en

stage de médecine générale

Guillemette Choquet

To cite this version:

Guillemette Choquet. Évaluation d’une formation sur l’incertitude par l’échelle de stress lié à l’incertitude (PRU) chez des internes en stage de médecine générale. Médecine humaine et pathologie. 2019. �dumas-02498345�

(2)

AVERTISSEMENT

Cette thèse d’exercice est le fruit d’un travail approuvé par le jury de soutenance et réalisé

dans le but d’obtenir le diplôme d’Etat de docteur en médecine. Ce document est mis à

disposition de l’ensemble de la communauté universitaire élargie.

Il est soumis à la propriété intellectuelle de l’auteur. Ceci implique une obligation de citation

et de référencement lors de l’utilisation de ce document.

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(3)

UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES

Faculté de Médecine PARIS DESCARTES

Année 2019

N° 16

THÈSE

POUR LE DIPLÔME D’ÉTAT

DE

DOCTEUR EN MÉDECINE

Évaluation d’une formation sur l’incertitude par l’échelle de stress

lié à l’incertitude (PRU) chez des internes en stage

de médecine générale

Présentée et soutenue publiquement

le 14 février 2019

Par

Guillemette CHOQUET

Née le 20 mars 1991 à Cambrai (59)

Dirigée par M. Le Docteur François Bloede, MG

Jury :

M. Le Professeur Henri Partouche, PU ……….……….. Président

M. Le Docteur Christian de Gennes, PH

M. Le Professeur Robert Sourzac, PA

Mme Le Docteur Julie Chouilly, MG

(4)

1

TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES ... 1

REMERCIEMENTS ... 4

LISTE DES ABREVIATIONS UTILISEES ... 6

INTRODUCTION : CHOIX DU SUJET ... 7

CONTEXTE : ÉTAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES CONCERNANT L’INCERTITUDE EN MÉDECINE GÉNÉRALE ... 8

1. INCERTITUDE DANS L’HISTOIRE DE LA MÉDECINE ... 8

1.1. Définition de l’incertitude ... 8

1.2. Histoire : développement de la science médicale … et parallèlement de l’incertitude ... 8

2. QUELLES SOURCES D’INCERTITUDE EN MÉDECINE ? ... 9

2.1. Incertitude intrinsèquement liée au savoir (et à sa maitrise) ... 9

2.2. Incertitude liée au sujet ... 9

2.2.1. La sémiologie, une tentative d’objectivation ... 9

2.2.2. Tension entre universalité et singularité ... 10

2.2.3. Le modèle bio-psycho-social : le patient, un individu … et plus encore ... 10

2.2.4. La relation médecin-malade, facteur d’incertitude ... 10

2.3. Incertitude renforcée par le contexte de la médecine générale ... 11

3. DIFFÉRENTS RESSENTIS GÉNÉRÉS PAR L’INCERTITUDE ... 13

3.1. Bonne ou mauvaise tolérance ? ... 13

3.1.1. Pour les médecins ... 13

3.1.2. Pour les patients ... 13

3.2. Déterminants des ressentis ... 14

3.2.1. Chez les médecins ... 14

3.2.2. Chez les patients ... 14

4. RÉACTIONS DES MÉDECINS FACE À L’INCERTITUDE ... 15

4.1. Incertitude et décision médicale en consultation ... 15

4.1.1. La tolérance (ou « acceptabilité ») comme réaction de gestion de l’incertitude ... 15

4.1.2. Déterminants d’une bonne acceptabilité de l’incertitude dans la décision médicale ... 15

4.1.3. Le raisonnement médical, réponse à l’incertitude ? ... 18

4.1.4. Jugement clinique et décision médicale : une juste considération des affects ... 19

4.2. L’incertitude comme déterminant du comportement médical ... 20

4.2.1. Analyse sociologique des comportements des médecins face à l’incertitude ... 20

4.2.2. EBM, le choix de l’incertitude prégnante ... 22

5. CONSÉQUENCES D’UNE MAUVAISE TOLÉRANCE À L’INCERTITUDE ... 24

5.1. Pour le médecin ... 24

5.2. Pour le patient ... 24

5.3. Dans la relation médecin-malade ... 25

5.4. Pour la société ... 25

6. QUELS OUTILS POUR GÉRER L’INCERTITUDE EN MÉDECINE GÉNÉRALE ? ... 26

6.1. Outils concernant le patient ... 26

6.2. Outils concernant le médecin ... 27

6.3. Outils concernant la relation médecin-malade ... 28

7. OÙ EN EST L’ENSEIGNEMENT DE LA NOTION D’INCERTITUDE EN MÉDECINE GÉNÉRALE ? ... 28

7.1. Une formation peu valorisée et insuffisante. ... 28

(5)

2

7.2.1. Le temps du SASPAS, un moment privilégié ... 29

7.2.2. Une formation théorique … des suggestions de contenu variées... 29

7.2.3. La formation dans la pratique : lieu idéal d’acquisition de compétences, aujourd’hui sous-exploité ... 30

MATERIEL & METHODES ... 32

1. SCHÉMA EXPÉRIMENTAL... 32

2. CONSTRUCTION ... 32

2.1. Élaboration du questionnaire ... 32

2.2. Élaboration de la formation ... 33

2.2.1. Travail préliminaire de synthèse de ce qui existe déjà : ... 33

2.2.2. Élaboration de la formation pour le DMG P5 ... 33

2.2.3. Script de la formation élaborée ... 34

3. RÉALISATION DU PROTOCOLE ... 34

3.1. Population : recrutement & randomisation ... 34

3.2. Réalisation de la formation ... 35

3.3. Recueil des données ... 35

3.4. Analyses statistiques ... 35

RESULTATS ... 37

1. RÉSULTAT DE L’OBJECTIF PRINCIPAL DE L’ÉTUDE ... 37

1.1. Déroulement de l’étude ... 37

1.2. Caractéristiques de la population étudiée ... 38

1.3. Résultats ... 38

1.4. Comparaison des scores en fin de semestre d’été à ceux des internes en fin de semestre d’hiver ... 43

2. RÉSULTATS DES OBJECTIFS SECONDAIRES DE L’ÉTUDE ... 45

2.1. Évolution du PRU au cours du stage ambulatoire ... 45

2.2. Analyse des besoins de formation sur l’incertitude ressentis par les internes ... 48

2.3. Résultats de la recension auprès des DMG en France... 51

2.3.1. Existe-t-il un enseignement spécifique sur la notion d’incertitude dans les DMG ? ... 51

2.3.2. Formation à la notion d’incertitude à travers des enseignements non spécifiques ... 51

2.4. Retours sur la réalisation de la formation sur l’incertitude ... 52

2.4.1. Déroulements des formations ... 52

2.4.2. Participation des étudiants au cours de la formation... 52

2.4.3. Résultats des métaplans concernant les moyens de gestion de l’incertitude ... 53

2.4.4. Résultats des « take-home messages » ... 54

2.4.5. Retours des formateurs ayant assisté ou participé à l’enseignement... 56

2.4.6. Résultats de l’évaluation de la formation « à froid » ... 56

DISCUSSION ... 60

1. FORCES DE L’ÉTUDE ... 60

1.1. Originalité ... 60

1.2. Pertinence ... 60

1.2.1. L’incertitude, une spécificité de la médecine générale ... 60

1.2.2. Aujourd’hui, de nombreux facteurs de risque de mauvaise tolérance ... 60

1.2.3. Réponse à un enjeu de santé publique ... 60

1.2.4. Réponse à un enseignement théorique insuffisant et pratique hétérogène ... 61

1.2.5. Contexte d’exercice difficile pour assumer l’incertitude ... 61

1.3. Une formation qui s’inscrit dans la ligne du CNGE ... 61

1.3.1. Enseignement axé sur le développement de compétences et le professionnalisme ... 61

1.3.2. Apprentissage par la pratique et la réflexivité ... 62

1.3.3. Pour une médecine centrée patient ... 62

(6)

3

1.5. Choix du format pédagogique ... 63

2. LIMITES DE L’ÉTUDE ... 63

2.1. Un échantillon insuffisant ... 63

2.2. La validité clinique du critère de jugement principal discutable ... 63

2.3. Un enseignement court ... 64

2.4. Effet Hawthorne ... 64

3. DISCUSSION DES RÉSULTATS ... 64

3.1. Impact de la formation sur le stress lié à l’incertitude ... 64

3.1.1. Plusieurs explications possibles à l’absence de significativité ... 64

3.1.2. Des tendances allant globalement dans le sens de la littérature ... 65

3.1.3. Une donnée nouvelle pour la littérature ... 65

3.1.4. Interprétations des résultats après régressions et corrélations ... 65

3.2. Impact du stage ambulatoire sur le stress lié à l’incertitude ... 65

3.3. Perceptions vis-à-vis de la formation actuelle sur l’incertitude... 66

3.3.1. Au sein des DMG, une absence de formation explicite ... 66

3.3.2. Des internes intéressés par la problématique et en demande ... 66

3.3.3. Un enseignement spécifique augmenterait le sentiment d’efficacité personnelle à gérer l’incertitude ... 67

3.3.4. Comprendre le décalage entre internes et DMG dans la perception du besoin de formation ... 69

4. PERSPECTIVES ... 70

4.1. Perspectives de recherche autour de l’enseignement de l’incertitude ... 70

4.1.1. Concernant l’enseignement ‘théorique’ de l’incertitude aux étudiants ... 70

4.1.2. Concernant l’enseignement de l’incertitude dans la pratique ... 71

4.1.3. Concernant les outils de gestion de l’incertitude ... 71

4.2. Développer l’enseignement de l’incertitude dans le cursus médical ... 71

4.2.1. En intégrant des concepts associés encore peu répandus dans la sphère médicale ... 71

4.2.2. En valorisant ce qui existe déjà ... 74

4.2.3. En intégrant de nouvelles propositions ... 75

CONCLUSION ... 79

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 80

ANNEXES ... 86

ANNEXE 1 :QUESTIONNAIRE ENVOYÉ AUX INTERNES ... 86

ANNEXE 2 :COURRIER ENVOYÉ POUR LA RECENSION DES DMG ... 92

ANNEXE 3 :QUESTIONNAIRE DE SATISFACTION DE LA FORMATION « À FROID » ... 93

ANNEXE 4 : SCRIPT DE LA FORMATION ÉLABORÉE ... 94

(7)

4

REMERCIEMENTS

Au professeur Henri Partouche,

Merci d'avoir accepté de présider ce jury, Merci d’avoir suscité curiosité et ouverture par vos références littéraires lors des quelques enseignements que j'ai eu avec vous au cours de mon internat.

A François Blœde, maître de stage et directeur de thèse,

Merci pour ta générosité, ta confiance, ton respect, ta patience, et ton exigence, C’est un réel plaisir de travailler avec toi !

Au Dr Christian De Gennes,

Merci d'avoir accepté de participer à ce jury, seul hospitalier parmi les généralistes ! Vos conseils de retour constant à la clinique m’ont appris en stage à placer de la certitude dans l’incertitude, étape indispensable à la gestion de cette dernière ; Merci pour la disponibilité et la bienveillance avec laquelle vous accompagnez et formez les internes dans votre service.

Au Dr Robert Sourzac,

Merci d'avoir accepté de faire partie de ce jury, Merci pour votre précieuse réactivité et votre attention bienveillante quand il m'a fallu changer de terrain de stage au cours de mon SASPAS.

Au Dr Julie Chouilly,

Merci pour l'intérêt et l'enthousiasme que vous avez porté à ce travail dès son début, Merci pour le partage de vos connaissances et l’aide que vous avez apporté.

A ceux qui ont participé à ce travail,

Merci Anne-Marie pour votre patience et bienveillance au regard de tous les mails reçus et envoyés ! Merci à la SFMG, pour son travail de recherche sur ce sujet, et la mise à disposition des savoirs et outils produits ; Merci au groupe d'enseignants de Paris 5 qui ont donné de leur temps pour l'élaboration du script de la formation ; Merci à Jean-Claude Schwartz avec qui j'ai apprécié animer une des séances de formation ; Merci Virginie et Pierre-Louis B. pour votre générosité et le temps que vous avez pris pour m’aider au travail de statistiques ; Merci à Pierre-Louis C. pour ses talents linguistiques mis gracieusement à disposition.

(8)

5

Aux médecins qui m'ont inspiré et déplacé,

Valérie Ledoux, Jean-Philippe Dubruque, François Bl

œ

de, Merci de m'avoir accueilli avec confiance au sein de vos consultations, Merci pour votre liberté et vos engagements, Merci pour votre curiosité et votre enthousiasme communicatifs pour l'Humain et la Vie !

A mes parents, mes frères et ma sœur,

Merci pour votre soutien inconditionnel et aimant au cours de ces longues années.

A chacun de vous, famille et amis, compagnons de route,

Merci pour le réconfort et la joie de votre présence sur le chemin, Merci pour la richesse de nos échanges, la profondeur et légèreté de nos amitiés, la joie de nos découvertes partagées!

Aux patients qui m’accorderont (ou non !) leur confiance

et auxquels j’essaierai d’être présente, que, dans l’incertain de nos vies, je sache les rencontrer.

(9)

6

LISTE DES ABREVIATIONS UTILISEES

CNGE : Collège National des Généralistes Enseignants

CNIL : Commission nationale de l’Informatique et des Libertés CNOM : Conseil National de l’Ordre des Médecins

DES : Diplôme d’Études Spécialisées DMG : Département de médecine générale

DRC : Dictionnaire des Résultats de Consultations EBM : Evidence Based Medicine

ETM : Enseignement Théorique Monitoré FO : Formation Optionnelle

GEP : Groupe d’Échanges de Pratiques HAS : Haute autorité de santé

IC : Intervalle de Confiance

PRU : Physicians’ Reactions to Uncertainty RSCA : Récit de Situation Complexe Authentique

SASPAS : Stage Autonome en Soins Primaires Ambulatoires Supervisé SFMG : Société Française de Médecine Générale

(10)

7 

INTRODUCTION : choix du sujet

Alors que j’étais en stage de S.A.S.P.A.S., je reçois en consultation un jeune homme porteur d’une maladie orpheline. Il se présente pour des douleurs abdominales intenses associées à un ictère et une ascite modérée. C’est un vendredi soir. Ayant peu d’informations sur les complications possibles de sa maladie (et surtout sur leur rapidité d’évolution), je ne sais pas comment le prendre en charge et me sens complètement bloquée pour terminer ma consultation. Dois-je réaliser des examens complémentaires en ambulatoire ou plutôt l’adresser aux urgences ? Quels sont les risques, quels sont les enjeux ? N’arrivant pas à me positionner, je décide de … ne pas décider ! J’explique au patient que j’en rediscuterai avec mon maître de stage en supervision et que je le recontacterai au décours.

Au moment de la supervision, première source d’étonnement, mon maître de stage me répond que lui non plus ne sait pas ce qu’il faut faire. Stupéfaction, il n’a pas plus de réponse que moi !

C’est alors qu’il me propose des outils très simples qui listent et évaluent les avantages et inconvénients des différentes alternatives proposables au patient. Ce travail couché sur le papier et terminé, il ne reste qu’à rappeler le patient et choisir avec lui pour quelle balance il préfère opter.

Ce soir-là, je prends conscience que l’incertitude en médecine est parfois irréductible… mais qu’il existe des moyens pour s’en dépatouiller ! Mon vécu se transforme (l’incertitude n’est pas un échec), des perspectives s’ouvrent : j’ai maintenant à disposition des outils pour mieux gérer ces situations.

Cette prise de conscience m’est apparue comme ridiculement basique mais primordiale et déterminante pour ma pratique. S’en est suivi l’étonnement : c’est si simple et si aidant, je suis en médecine depuis 10 ans et à deux doigts de terminer mon internat, pourquoi ne m’en a-t-on jamais parlé avant ? Cela m’aurait certainement permis de porter un autre regard sur ma pratique et du même coup, de vivre l’exercice de la médecine différemment… et j’ai bien failli passer à côté !

Cette expérience et cet étonnement ont donc été déterminants dans le choix du sujet. A cela s’ajoutait la volonté que ma thèse soit pragmatique en étant source d’applications directes, concrètes et bénéfiques pour d’autres pairs. Enfin, je souhaitais que ce travail continue d’enrichir et de faire évoluer ma pratique au quotidien.

(11)

8 

CONTEXTE : état des lieux des connaissances concernant l’incertitude en médecine générale

1. Incertitude dans l’histoire de la médecine 1.1. Définition de l’incertitude

Le Larousse définit l’incertitude comme l’état de ce qui est incertain, c’est-à-dire de ce qui n’est pas sûr ; l’état de ce qui peut se produire ou non ; ou de ce dont la nature ou la forme est vague.

La définition proposée par le Comité de la Prévention et de la Précaution (dans le rapport ministériel « Décision publique face à l’incertitude ») se rapproche de la notion d’incertitude du domaine médical en distinguant notamment cette notion de celle de l’ignorance :

« L’incertitude signifie que les connaissances disponibles ne permettent pas de caractériser une situation aussi précisément qu’on le souhaiterait ; elle n’est pas synonyme d’ignorance. Il est donc important d’établir aussi clairement que possible les limites des connaissances existantes, afin d’en faire le meilleur usage. »

Dans cette définition, apparait déjà l’enjeu de ces situations d’incertitudes : celui de leur gestion.

1.2. Histoire : développement de la science médicale … et parallèlement de l’incertitude

« Notre incertitude s'accroît en fonction de nos connaissances comme le périmètre d'un cercle en fonction de son rayon. » Socrate

L’incertitude a toujours été une problématique présente au cœur de l’exercice médical.

Au temps où la maladie était considérée comme l’expression d’un déséquilibre de l’organisme inséparable de la totalité cosmique (1), Hippocrate témoignait déjà de situations d’incertitude : "La vie est courte, l'art est long, la situation pressante, l'expérience périlleuse et la décision difficile".

Avec l’émergence de la méthode anatomo-clinique au 18e

siècle, la médecine devient une science et se place dans une perspective positiviste. La clinique jusqu’alors considérée comme un processus permettant de relier le singulier et l’universel (cosmos) devient désormais une méthode d’objectivation de lésions ou de désordres… Les grandes avancées médicales des 18e et 19e siècles (découverte des agents infectieux, compréhension de l’hémostase, etc.) ouvrent l’espoir de l’acquisition de la certitude. (2)

Les progrès technologiques (imagerie, biologie, informatique, etc.) au 20e siècle modifient la pratique médicale en profondeur. L’exercice médical se complexifie. La médecine passe progressivement d’une logique de soin, à celle de prévention voire de prédiction. Le contexte de vieillissement de la population majore les problématiques de polypathologie et de dépendance. Une prise en charge globale et pluridisciplinaire du patient devient nécessaire. Le médecin est confronté à des savoirs et des enjeux nouveaux dont la maitrise est souvent incertaine. (3)

Outre l’accroissement considérable des connaissances médicales, le 20e

siècle est aussi marqué par la rapidité de leurs évolutions. Des dizaines de milliers d’articles sont publiés chaque année dans plus de 20000 revues médicales. Le temps qu’un médecin devrait passer hebdomadairement à lire les sources primaires d’information médicale pour se tenir au courant de ces évolutions a été calculé à … une semaine ! (4)

C’est dans les années 1950, grâce aux travaux de la sociologue Renée Fox (à la suite de Parsons), qu’émerge la notion d’incertitude dans le domaine médical. La sociologue en distinguera plusieurs sources. (5)

(12)

9

2. Quelles sources d’incertitude en médecine ?

En médecine générale, le doute est constant car le médecin n’a jamais accès à toutes les informations souhaitables pour mener avec certitude sa consultation. (6) Les sources d’incertitude sont multiples :

2.1. Incertitude intrinsèquement liée au savoir (et à sa maitrise)

Le champ des connaissances biomédicales est vaste.

Concrètement, ce savoir est mobilisé au cours de la consultation pour répondre à deux objectifs : l’élaboration du diagnostic et le choix de la thérapeutique (qui engage la notion de pronostic). L’incertitude du médecin liée à ce savoir est donc ressentie lors de l’un et/ou l’autre de ces moments de la consultation.

Dans ses travaux, R. Fox décrit trois niveaux d’incertitude en rapport au savoir. Le premier niveau

« résulte d’une maîtrise incomplète ou imparfaite du savoir disponible ». Le second « dépend des limites propres à la connaissance médicale ». Le troisième niveau correspond à la difficulté pour le praticien de distinguer ces deux niveaux. (5)

Qu’en est-il de ces incertitudes pour le médecin généraliste ?

L’incertitude de niveau 1 touche particulièrement le médecin généraliste. En effet le champ de connaissances nécessaire à ce dernier est potentiellement infini ; et le renouvellement de ce savoir est constant. Le médecin généraliste restera toujours celui qui ne saura jamais tout !

Le niveau 2 d’incertitude atteint tous les médecins. Le médecin généraliste partage avec les autres médecins spécialistes l’incertitude des « zones grises » où la science n’apporte pas de réponse à une question donnée. C’est le cas par exemple des « symptômes médicalement inexpliqués » qui représentent 13% des consultations de soins primaires. (7) Cependant, à la différence des spécialistes, le médecin généraliste est davantage confronté à cette incertitude dans la durée puisqu’il est amené à accompagner et suivre le patient malgré ce défaut de connaissances.

Le troisième niveau d’incertitude -la difficulté à distinguer ses propres limites de celles de la science- est le fruit d’un travail exploratoire encore aujourd’hui très solitaire en médecine générale. Cette incertitude est corrélée à l’importance de l’incertitude de niveau 1. L’aveu de cette incertitude est souvent vécu comme le signe de compétences approximatives. (8)

2.2. Incertitude liée au sujet

« Tout médecin qui pense qu’il pourrait être remplacé par un ordinateur devrait l’être » Osler.

L’incertitude en médecine ne peut se réduire au rapport entretenu à la connaissance médicale. L’individu, objet de son savoir est intrinsèquement singulier et subjectif. La médecine comme un art …

2.2.1. La sémiologie, une tentative d’objectivation

Avec l’apparition de la sémiologie, la clinique prend une tournure scientifique. Elle devient la « compréhension de ce qu’il y a d’objectif et de rationnel derrière une plainte singulière » (2) traduisant la lésion d’un organe ou le trouble d’une fonction. Cependant les éléments composants la clinique, base du raisonnement médical, ne sont jamais certains « en soi » : la fiabilité de l’anamnèse est toujours

(13)

10 dépendante de l’exhaustivité de l’interrogatoire et de la fidélité des propos du patient. L’examen clinique quant à lui est une appréciation personnelle propre à chaque clinicien. (9)

On peut étendre la réflexion aux examens paracliniques censés objectiver ou non des lésions. La présence de résultats erronés (« faux positifs » ou « faux négatifs ») objective la limite de ces examens. Le médecin n’a à sa disposition que des faisceaux d’arguments qu’il ne peut jamais considérer comme absolument certains. (10)

2.2.2. Tension entre universalité et singularité

La science médicale qui établit des normes, des risques voire des prédictions par l’épidémiologie et les statistiques s’applique à un sujet. Comment être certain que le sujet s’apparente à une population étudiée ? Un ensemble de patients inclus dans un essai ne représentent qu’eux ! Ainsi pour la sociologue R. Fox, « le raisonnement par probabilité en lui-même, serait une expression codifiée du facteur d'incertitude que comporte la médecine, et devant la difficile adaptation de réponses globales à des cas particuliers, tous les actes médicaux seraient, en ce sens, approximatifs ». (4,5)

Par ailleurs, se pose la question de l’applicabilité des recommandations scientifiques à un individu. Il persistera toujours une différence cruciale de perception entre risque individuel et collectif : pour le malade, le risque est unique et beaucoup plus important que le risque collectif. (9) L’individualisation et l’extrapolation de la situation par rapport aux données de la science est nécessaire pour apporter une réponse appropriée à la demande du patient. La tension entre universalité et singularité est donc une source supplémentaire d’incertitude pour le médecin. (4)

2.2.3. Le modèle bio-psycho-social : le patient, un individu … et plus encore En médecine générale, le médecin a une approche globale centrée patient.

Dans le modèle bio-psycho-social, le patient n’est pas considéré seulement comme un système complexe au sein duquel interagissent différentes composantes (psychisme, physiologie, etc.). Il est aussi lui-même un élément composant un système plus large que lui : « la plainte du patient et sa souffrance se manifeste dans un contexte humain, culturel et matériel complexe avec une interaction forte entre les composantes multiples de sa situation ». (11).

Le médecin qui soigne une personne (plus qu’une maladie), doit prendre en compte ces interrelations car celles-ci jouent comme des éléments stabilisants ou déstabilisants de la prise en charge. Le diagnostic se complexifie et dépasse alors le simple diagnostic de la maladie pour devenir un « diagnostic de situation ». Celui-ci évalue le contexte, les dimensions relationnelles et affectives, les liens et interactions entre ces différentes dimensions. (12)

Ainsi, dans une approche globale, le médecin est confronté à deux sources importantes d’incertitude : celle liée à la complexité intrinsèque du sujet (interactions entre corps et psychisme), et celle extrinsèque qui concerne les interactions du patient avec son environnement.

2.2.4. La relation médecin-malade, facteur d’incertitude

Enfin la pratique médicale se fonde dans la relation médecin-malade lors du colloque singulier. L’incertitude dite relationnelle est liée à la compréhension que le médecin a du patient et réciproquement. Tout d’abord, il n’est pas toujours aisé pour le médecin d’identifier la véritable attente du patient. La demande de ce dernier n’est pas nécessairement explicite, l’explicite peut renvoyer à de l’implicite, ou encore ce qui est déclaré n’est pas nécessairement ce qui est véritablement souhaité par le patient. (13)

(14)

11 De plus, dans la relation médecin-malade asymétrique, Fainzang décrit un réel « décalage cognitif ». Les questions et les préoccupations du malade sont souvent mal entendues et mal comprises par le médecin. Celui-ci fournit alors une réponse inappropriée. (14)

Enfin il existe une « confusion des langues » entre soigné et soignant décrite par Balint (15). Le sens des mots employés n’est pas le même chez le patient ou chez le médecin et cela est facteur de confusion et d’incertitude supplémentaire.

2.3. Incertitude renforcée par le contexte de la médecine générale

Les caractéristiques particulières de l’exercice de la médecine générale sont aussi source d’une plus grande incertitude :

a) Le Carré de White

Les travaux de White rappellent que les prévalences des maladies en soins primaires sont beaucoup plus faibles qu’en secteur hospitalier. Les démarches médicales doivent donc s’adapter : le médecin généraliste ne peut investiguer l’étiologie de chaque trouble de santé à l’instar du praticien hospitalier. Il doit raisonner en termes de probabilités (prévalences et risques à éviter). (16)

b) Stade précoce et indifférencié des maladies

Le médecin généraliste est le médecin de premier recours, il est contraint d’agir « à un stade précoce et non différencié des maladies, qui pourraient éventuellement requérir une intervention rapide ». (17) Ainsi 70.7% des consultations de médecine générale ne correspondent pas à un tableau de maladie. Le médecin généraliste doit donc agir en « situation non élucidée » en tenant compte des éventuels risques graves tout en limitant des investigations inutiles, anxiogènes et coûteuses. (18)

c) La loi de répartition régulière des cas

Cette loi est le contraire de la loi des séries qui fait que le praticien voit deux infarctus en un mois et n’en verra plus pendant les deux années suivantes. En médecine générale, il a été montré que cette loi se vérifie sur une période de 3 ans environ. Tout praticien exerçant la médecine générale dans un même endroit doit donc s’attendre à retrouver de façon régulière sur ces 3 ans environ 300 situations cliniques identifiées. La vigilance du médecin généraliste doit donc être constante. (12,18)

(15)

12

d) Des moyens techniques limités

Une autre caractéristique de l’exercice en médecine générale est la limitation du plateau technique à disposition. Les examens paracliniques (prélèvements, imageries, etc.) ou interventionnels permettant de diminuer le niveau d’incertitude sont moins accessibles qu’en milieu hospitalier.

e) Une prise de décision en un temps court

La durée moyenne de consultation en médecine générale est de 16,4 minutes par patient.(19) Durant ce court temps le médecin doit prendre connaissance du problème médical dans sa globalité (diagnostic de situation), prendre une décision quant à la prise en charge, la proposer et l’expliquer au patient, obtenir son adhésion afin que le projet thérapeutique soit partagé.

f) Rapports sociaux en soins primaires

La médecine générale est la médecine de premier recours dans le système de soins français.

De ce fait, les patients expriment leurs diverses plaintes et demandes plus facilement en médecine générale que dans d’autres lieux de consultations. (8) Cette plus grande variété de motifs de consultation (débordant parfois du cadre biomédical) est exprimée de manière « brute », profane sans traduction préalable en langage médical par un autre professionnel. Il n’y a pas de filtrage en amont dans la variété et l’expression des demandes faites au médecin généraliste. Le médecin généraliste fait ainsi parfois l’expérience de l’inadéquation entre le savoir scientifique biomédical et les symptômes ou demandes de patients en soins primaires. (20)

D’autre part, dans l’exercice libéral, l’incertitude sur ce qui peut se passer en aval de la consultation est aussi importante. Le patient est libre de poursuivre sa prise en charge où il le souhaite en fonction de ses préférences. Ces enjeux de continuité et d’observance jamais assurées doivent être intégrés par le médecin généraliste dans son raisonnement médical. (8)

Enfin, l’exercice du médecin généraliste est plus solitaire. L’isolement du médecin par rapport à ses confrères ne contribue pas à réduire ses incertitudes.

Les sources d’incertitude pour le médecin généraliste :

 Incertitude liée au savoir médical (dans la démarche diagnostique et thérapeutique) : Niveau 1 : insuffisance des connaissances du médecin

Niveau 2 : insuffisance des données de la science Niveau 3 : difficulté à distinguer le niveau 1 du niveau 2  Incertitude liée à la subjectivité :

L’incertitude liée à la subjectivité de celui qui évalue (le médecin) et de celui qui est évalué (le patient)

L’incertitude liée à l’extrapolation individuelle de recommandations générales L’incertitude liée à la compréhension du sujet dans sa complexité

L’incertitude liée à la communication dans la relation  Incertitude liée au contexte d’exercice en médecine générale :

Carré de White : des prévalences plus faibles Stade précoce et indifférencié des maladies Loi de répartition régulière

Un plateau technique limité Durée de consultation courte

Soins de premier recours : particularités des relations sociales

Ces diverses sources rendent l’incertitude omniprésente et irréductible en médecine générale. Comment est vécue cette incertitude par les médecins généralistes ?

(16)

13

3. Différents ressentis générés par l’incertitude 3.1. Bonne ou mauvaise tolérance ?

3.1.1. Pour les médecins

Chez les médecins, deux types de réactions émotionnelles ont été observées face aux situations d’incertitudes :

L’incertitude peut être vécue comme une source d’anxiété, de stress voire d’angoisse. Ce stress résulte le plus souvent d’un sentiment d’insuffisance personnelle, il est associé à la peur de commettre une erreur. (21–27) Dans ces cas, on parle de mauvaise tolérance à l’incertitude.

En revanche chez d’autres praticiens, cette incertitude est une source de stimulation dans leur exercice. Elle permet aux médecins de rester vigilants, de continuer à se remettre en cause et de se former. Le vécu de l’incertitude est alors positif (bonne tolérance) et son développement apparait comme utile à l’exercice. (28)

3.1.2. Pour les patients

La perception qu’ont les patients face à un médecin incertain a fait l’objet d’une étude qualitative récente (29) :

Des vécus divers face à l’incertitude du médecin

Dans cette étude l’incertitude pouvait être perçue négativement : certains patients ont été stupéfaits et ont ressenti de la déception vis-à-vis de leur médecin. Cette déception allait parfois jusqu’à la révolte ou l’effondrement, soit parce que l’incertitude générait un sentiment de vulnérabilité intolérable chez le patient ; soit parce que le défaut de savoir du médecin était jugé comme inacceptable et diminuait sa crédibilité (incertitude comme défaut de compétence). Le patient pouvait aussi se sentir abandonné par le médecin dans la prise en charge de l’incertitude.

Certains patients ressentaient de l’indifférence par rapport à cette incertitude, surtout quand il y avait une certaine ‘habitude’ au médecin incertain.

Enfin l’expression de l’incertitude du médecin pouvait être vécue positivement : l’« honnêteté » du médecin permettait au patient de se sentir respecté. Les patients exprimaient de la satisfaction à être intégré dans la résolution de l’incertitude surtout quand ils éprouvaient un sentiment de partenariat (relation d’égalité) avec le médecin. Enfin ils ressentaient parfois de la fierté à attiser la curiosité du médecin, ou de la satisfaction à pouvoir aider les autres en contribuant à développer le savoir du médecin (voire de la science !) par leur ‘cas’.

Une dynamique dans la perception

Un des résultats importants de cette étude était que les vécus des patients n’étaient pas figés et évoluaient avec le temps : les patients prenaient conscience de l’incertitude, cela venait bousculer leurs repères et leurs croyances. Alors s’ensuivaient d’autres prises de conscience et des réflexions qui, pour la plupart, faisaient évoluer les patients dans leur ressenti. Les patients ont exprimé de l’indulgence pour le médecin face à la diversité ou la complexité des cas, la méconnaissance du patient, etc. Ils ont reconnu le professionnalisme dans le processus de résolution (démarche rigoureuse, réactivité). Finalement les patients se sont tous appropriés un rôle dans la relation avec le médecin : comme coéquipier (acteur de la réflexion), comme patient modèle (au service de la science), comme patient responsable voire autonome (engagement dans le processus de résolution).

(17)

14 Ainsi ils s’inscrivaient tous dans une dynamique qui allait du rejet instinctif à une certaine satisfaction, et d’une vulnérabilité à une certaine autonomie.

Un besoin de sécurisation partagé par tous

Si les vécus et les dynamiques varient d’un patient à l’autre, le besoin d’être sécurisé par le médecin a été mentionné par tous les patients de l’étude. Ce besoin de protection pouvait être satisfait par une réactivité du médecin dans la prise de décision (au contraire, l’inertie était vécue comme un abandon) ; une démarche rigoureuse du médecin pour répondre à l’incertitude (appui sur les sciences et les décisions collégiales) ; une honnêteté mesurée (expression de l’incertitude sans nécessairement expliciter toutes les hypothèses, risques, etc.) ; une attention particulière à la singularité du patient.

3.2. Déterminants des ressentis

3.2.1. Chez les médecins

Les études (21–23,27,30,31) mettent en évidence deux facteurs influant significativement la réaction émotionnelle du médecin : le sexe et le niveau d’expérience dans l’exercice.

Ainsi les femmes et les médecins peu expérimentés tolèrent moins bien l’incertitude. Au contraire, les hommes et les médecins avec plus d’années d’expérience ont un meilleur vécu en situation d’incertitude. On notera aussi que le contexte de judiciarisation de la société renforce la peur de l’erreur médicolégale et peut détériorer la tolérance à l’incertitude des médecins. (28)

3.2.2. Chez les patients

a) Le stade d’autonomie du patient

La tolérance émotionnelle du patient à l’incertitude est fonction de son degré de dépendance ou d’autonomie. Ce dernier définit l’espace de relation thérapeutique dans lequel se trouve le patient : (32) Dans l’espace primaire, le médecin est incorporé au psychisme du patient, il y a un rapport fusionnel du patient avec le médecin. L’absence de distance ne permet pas l’élaboration du patient. Le médecin est considéré comme un médecin « sachant », il fait autorité. Dans cet espace, l’incertitude du médecin est source d’anxiété et d’angoisse pour le patient puisqu’elle vient mettre en cause le médecin dans sa fonction de puissance protectrice.

Dans l’espace transitionnel, le médecin est comme un « sas » entre le patient et le monde extérieur (le réel). Il a alors un rôle de « soutenant » et il existe un espace de mobilité et de négociation dans la relation qui se modifie avec le processus de changement. De ce fait, la tolérance de l’incertitude par le patient est variable.

Enfin dans l’espace d’autonomie ou d’intégration, le médecin se pose comme un « repère stable et reconnu, facilitateur de l’émergence du sens » des symptômes du patient. La relation se médiatise par le langage. Le patient est capable d’intégrer sans inquiétude l’incertitude du médecin puisque le cheminement de la consultation est une construction à deux d’une voie thérapeutique.

b) La relation médecin malade

Comme l’a montré l’étude de Moussel et Morel (29), une relation médecin-malade de confiance, construite dans la durée, permettrait une acceptation de l’incertitude quasi immédiate de la part du patient et protégerait le médecin d’une remise en cause de sa crédibilité.

(18)

15

Face à l’incertitude : Ressentis Déterminants d’un ressenti positif

Chez le médecin Stress … ou stimulation Le sexe masculin,

L’expérience de la pratique

Chez le patient Déception, rejet instinctif … à la satisfaction

+ Besoin d’être protégé et sécurisé

L’autonomie du patient dans la relation thérapeutique

L’antériorité de la relation médecin-malade

4. Réactions des médecins face à l’incertitude

La réaction à l’incertitude peut être définie comme le comportement mis en jeu par le médecin pour se débrouiller avec l’incertitude et le ressenti qu’elle génère (celui-ci n’étant pas toujours conscientisé par les médecins).

Cette réaction est observable lors de la consultation de médecine générale au travers de la décision médicale prise. De manière plus globale, des « tendances » de réactions face à l’incertitude déterminent une typologie de pratiques en médecine générale.

4.1. Incertitude et décision médicale en consultation

4.1.1. La tolérance (ou « acceptabilité ») comme réaction de gestion de l’incertitude

Il existe une ambiguïté du terme « tolérance » dans la littérature. En effet, la bonne ou mauvaise tolérance désigne parfois un ressenti, un état émotionnel (décrit précédemment) face à l’incertitude ; dans d’autres travaux il désigne un comportement, une action (ou non-action).

C’est le cas des travaux de M. Lorenzo où le terme ‘tolérance’ est utilisé pour parler du mode de réaction face à l’incertitude, soit la gestion de celle-ci. La bonne tolérance est alors décrite comme la « capacité du médecin à mener à bien sa consultation sans connaître avec exactitude les mécanismes physiques, biologiques et psychologiques à l’œuvre chez son patient » ; ou encore comme « l’état du médecin ne ressentant pas le besoin d’augmenter son niveau de certitude pour prendre en charge le patient d’une façon acceptable pour l’ensemble des acteurs (le médecin, le patient, la société).» (28)

Dans cette thèse nous avons choisi de renommer le concept de tolérance décrit par M. Lorenzo par le terme « acceptabilité » pour éviter toute confusion dans le langage entre ce qui relève du ressenti et de la réaction qui en découle. Par ailleurs, le terme d’« acceptabilité » nous parait mieux retranscrire la dimension comportementale. Ainsi la réaction d’acceptabilité sera définie comme celle du médecin qui ne ressent pas le besoin d’augmenter son niveau de certitude.

4.1.2. Déterminants d’une bonne acceptabilité de l’incertitude dans la décision médicale

La réaction est le fruit d’un processus décisionnel complexe incluant de très nombreux paramètres qui interagissent entre eux. Le sociologue Gerrity a ainsi résumé ces interactions dans le schéma suivant (21) :

(19)

16

Figure 2: Conceptual model of factors influencing physicians’ reactions to uncertainty

Dans son travail, M. Lorenzo catégorise en deux classes les facteurs qui influencent la réaction du médecin et aboutissent à une acceptabilité ou non-acceptabilité de l’incertitude : (28)

(20)

17 D’une part, il y a les facteurs qui modifient le niveau d’incertitude de la situation clinique.

Ces facteurs sont les données recueillies lors de l’anamnèse, de l’examen clinique ainsi que par les examens paracliniques. Le niveau d’incertitude influence négativement l’acceptabilité : plus le niveau d’incertitude est important, plus la situation risque d’être « non-acceptable » par le médecin.

Exemple : pour un seuil d’acceptabilité donné, l’apparition d’un nouveau signe clinique incompatible avec l’hypothèse formulée augmente le niveau d’incertitude du médecin et modifie sa réaction.

Figure 4 : Influence du niveau d’incertitude de la situation sur l’acceptabilité

D’autre part, il existe les facteurs qui font varier le seuil d’acceptabilité du médecin face à l’incertitude. Pour une situation clinique avec un niveau d’incertitude donné, la frontière entre l’incertitude qui est acceptable et celle qui ne l’est plus varie en fonction des paramètres suivants :

- Ceux liés au médecin : caractéristiques sociodémographiques, expérience (académique et pratique), traits de personnalité, affects, tolérance face à l’incertitude.

- Ceux liés au patient : caractéristiques sociodémographiques, expériences, représentations, traits de personnalité du patient.

- Ceux liés à la relation médecin-malade : le type de relation (elle-même résultant des facteurs liés au médecin et au malade) ; l’incertitude liée à la compréhension que le médecin a du patient et réciproquement.

- Le contexte de la consultation (davantage pris en compte chez les médecins expérimentés) : facteur économique, facteur géographique, facteur temps, mode d’exercice, pression médico-légale, etc.

Par exemple, pour une situation clinique donnée (niveau d’incertitude fixe), la réaction du médecin ne sera pas identique si la consultation se déroule un vendredi soir plutôt qu’un mercredi matin par exemple. La situation clinique est la même, mais le risque qui lui est attribué varie (à cause de l’impossibilité de pouvoir reconsulter par exemple). Le seuil d’acceptabilité du médecin a été déplacé car le risque estimé est plus grand.

(21)

18

Figure 5 : Influence du seuil d’acceptabilité du médecin sur l’acceptabilité de l’incertitude

Le mécanisme d’acceptabilité est donc multifactoriel. Dans une étude ultérieure, M. Lorenzo a montré que, parmi tous les facteurs cités, le déterminant majeur de cette acceptabilité était l’estimation intuitive de la gravité de la situation clinique. (33)

4.1.3. Le raisonnement médical, réponse à l’incertitude ?

« Le raisonnement médical ne cherche pas à atteindre la certitude mais s’attache à traiter l’incertitude. »

(9) Les déterminants de la réaction à l’incertitude sont nombreux. Ceux qui sont pris en compte de manière plus ou moins consciente par le médecin interviennent alors dans ce qui est appelé le raisonnement médical.

Le raisonnement médical peut être défini comme « l’ensemble des processus de pensée et de prise de décisions qui permettent au clinicien de déterminer les actions les plus appropriées dans un contexte spécifique de résolution de problème de santé » (34). Plus simplement, le raisonnement médical est le processus cognitif aboutissant à une décision médicale par l’évaluation, l’estimation d’un risque lié à un problème de santé.

Le raisonnement médical est un processus complexe qui reste encore aujourd’hui difficile à décortiquer. Il consiste à émettre des hypothèses et les évaluer en vue de décider de la meilleure action pour le patient. On pourrait distinguer trois étapes qui ne sont ni constantes, ni successives dans le temps et qui peuvent ne pas être conscientisées par le médecin :

 La première consisterait à formuler des hypothèses à partir des informations collectées. Pour cela, il est nécessaire que le médecin stabilise les données, c'est-à-dire qu’il établisse de la certitude au sein de l’incertitude. (18,35) Dans ses travaux, R. Braun propose de distinguer 3 niveaux de certitude clinique à degré d’ouverture variable pour ce qui concerne la question du diagnostic : les symptômes cardinaux, les syndromes ou groupes de symptômes, et les tableaux de maladie. (18) Un 4ième a été ajouté plus tardivement par la SFMG (12) : le « diagnostic certifié » lorsqu’il y a eu confirmation étiologique par un examen paraclinique.

 La notion d’ouverture vers une évolution éventuelle est primordiale pour identifier l’incertitude et faciliter la seconde phase du raisonnement clinique : l’évaluation des hypothèses émises. Cette évaluation se réalise aussi à partir des données collectées (stabilisées), et grâce à différents modes

(22)

19 d’inférence. Les modes d’inférence les mieux identifiés à ce jour sont : le raisonnement hypothéticodéductif (qui prend racine avec la naissance de l’anatomo-clinique), le raisonnement par analogie, les inférences bayésiennes (9), ou encore le gut feeling désormais intégré dans le raisonnement médical (36). (Pour rappel, le gut feeling correspond à une intuition spécifique parfois accompagnée de sensations corporelles qui a un sens d’alarme ou de réassurance pour le médecin.) Tout ce processus d’analyses permet d’estimer un risque. Les probabilités et les statistiques tentent de mesurer et quantifier l’incertitude, sans jamais pouvoir la restreindre.  Enfin, dans une dernière phase, la probabilité/le risque/ le niveau d’incertitude quantifié est

confronté au seuil d’acceptabilité du médecin. Cette confrontation détermine la réaction du médecin (cf schémas précédents).

Ainsi, en évaluant l’incertitude, le raisonnement clinique permet de déterminer ce qui est probable, phase indispensable à la décision médicale. (13,28)

Ce faisant, il limite l’importance de la place que joue le ressenti dans la réaction du médecin face à l’incertitude. La décision est « rationnelle ». Doit-elle pour autant s’affranchir des affects ?

4.1.4. Jugement clinique et décision médicale : une juste considération des affects

« La sollicitude n’est pas la pitié -faiblesse plus encore que vertu- mais le service et la miséricorde au sens spinoziste, car c’est un mouvement réfléchi et perpétuellement confronté à la réflexion sur le vrai bien de l’autre. »

Jacqueline Lagrée (37) Pour le médecin, le risque en considérant ses affects est de les laisser s’emballer, jusqu’à parfois se laisser dominer par eux. Le médecin entre alors dans un fonctionnement « patho-logique » où ce qui est probable (la rationalité) n’a plus de place dans la décision médicale.

Pour autant, ne pas considérer ou étouffer ses affects fait entrer le médecin dans une rationalité froide et désincarnée qui déshumaniserait la relation de soins.

Car les affects du soignant sont aussi bénéfiques : la sollicitude est le moteur du soin, et donc des décisions qui précèdent l’action. Il serait imprudent de dire que les ressentis n’ont pas leur place dans la prise de décision médicale et que seul le raisonnement clinique est légitime.

Bien décider ne résulterait donc pas de l’évacuation des affects du médecin (qui est d’ailleurs illusoire !) mais plutôt d’une meilleure culture de ceux-ci. Cette culture consisterait à reconnaître leurs effets bénéfiques (pour le médecin lui-même et le patient) et à savoir les domestiquer. (13)

Quel bénéfice à considérer les affects du soignant ?

Dans les métiers du soin, le phénomène d’accoutumance permet de rendre la souffrance d’autrui plus supportable pour le soignant. Mais cette habitude ou habituation fait courir le risque de la routine qui devient source d’indifférence et d’insensibilité. La relation de soins se déshumanise alors et perd sa fonction thérapeutique. Cultiver la sollicitude qui anime le soignant permettrait d’éviter cet écueil.

Par ailleurs, la sollicitude, comme attention portée à l’autre sous-tendue par la recherche de son vrai bien, amène le soignant à prendre davantage en compte la singularité du patient. Ainsi le soignant apporte une réponse plus personnalisée à la demande du patient.

Il est important de préciser que le soignant « accède » à la singularité du patient par l’écoute de celui-ci et l’exploration de ses affects. Il peut ainsi identifier quelles sont les préférences du patient (ses perspectives et ses valeurs), et les ressources, capacités qui lui sont propres.

Or c’est précisément ce travail répété d’écoute qui risque d’« habituer » le soignant et donc de réduire -par l’indifférence et l’insensibilité que génèrent l’accoutumance- la singularisation et l’humanisation du soin.

(23)

20 Un travail réflexif sur les affects du soignant, lui-même nourri par des apports conceptuels, est donc

nécessaire pour maintenir dans l’habitude de l’expérience les répercussions positives de ses affects. (13)

La considération des affects (du soignant et ceux du patient) est donc ce qui permet de dessiner le contexte

éthique de la décision : ce qui est souhaitable et préférable.

La décision médicale est l’aboutissement d’un jugement clinique dont les critères sont autant épistémologiques (ce qui est probable : évalué par le raisonnement clinique) qu’éthiques (ce qui est souhaitable et préférable). (13)

La décision médicale juste en contexte d’incertitude, c’est-à-dire qui ne s’affranchit ni de l’épistémologie ni de l’éthique (38), réside donc dans une décision médicale partagée où les valeurs et préférences du patient sont pleinement prises en compte. La décision médicale partagée apparait alors comme le signe d’une gestion aboutie de l’incertitude.

4.2. L’incertitude comme déterminant du comportement médical

Nous avons vu comment l’incertitude est un déterminant majeur dans la décision médicale en consultation tant par les affects qu’elle produit que par le raisonnement médical qu’elle génère en réponse. Pour la sociologue G. Bloy, la manière dont les médecins s’accommodent de cette incertitude détermine non seulement la décision médicale mais aussi le type de pratique du médecin généraliste.

4.2.1. Analyse sociologique des comportements des médecins face à l’incertitude

Puisque « les pratiques sont diverses mais s’organisent finalement toutes autour de la façon de gérer l’incertitude» G. Bloy propose une cartographie de ces dernières en fonction du positionnement des médecins généralistes face à cette incertitude : (8)

(24)

21

Figure 6 : Positionnements par rapport à l’incertitude en médecine générale

Deux axes déterminent le type de pratique de médecine générale :

- Le premier, horizontal, correspond à l’incertitude introduite dans le cabinet par la forme « brute » de la plainte du patient, qui dépasse parfois le cadre biomédical.

- Le second, vertical, correspond à l’incertitude liée à la maitrise du savoir biomédical et de son évolution.

Ainsi se distinguent cinq modes de pratiques :

- L’incertitude relativisée : c’est ainsi que G. Bloy définit la pratique de la médecine générale traditionnelle. L’incertitude est relativisée par la confiance du médecin en son expérience et par son optimisme lié aux faibles prévalences dans ses conditions d’exercice. Selon les situations, la pratique traditionnelle de la médecine générale emprunte aux quatre autres types de pratique. - L’incertitude balisée : elle correspond à la pratique du médecin qui considère peu la plainte

profane et adopte une stratégie de réduction de celle-ci à la faveur des standards scientifiques connus et maitrisables qui font autorité. Il y a minimalisation des plaintes et centrage sur l’hypothèse grave plutôt que le patient.

- L’incertitude prégnante : elle correspond à la pratique où le niveau d’incertitude est maximal. Le médecin a l’exigence d’une compétence technique dans la prise en charge des pathologies, et cela sans réduire la plainte du patient à une dimension uniquement biomédicale (prise en compte des

(25)

22 dimensions organiques, sociales, psychiques, etc.). Elle constitue une pratique réflexive ambitieuse.

- L’incertitude explorée. Dans cette pratique, le médecin marque une prise de distance avec les standards de la biomédecine les trouvant soit déshumanisants, soit inadaptés. Il valorise la connaissance de proximité, individualisée, le pouvoir de l’écoute, de la parole, ou du geste non technique. Le colloque singulier prend une place fondamentale.

- L’incertitude contenue définit la pratique du médecin guidé par la minimalisation des efforts et / ou la maximalisation des profits. Dans cet exercice, le confort de l’exercice prime largement sur la qualité des soins. Les pratiques y sont en fait relativement hétérogènes selon la prédominance de l’un ou l’autre trait (déni de l’incertitude/incertitude occultée, ou au contraire multiplication des actes, etc.).

A chaque forme d’accommodation correspond des écueils. Les flèches en pointillé représentent les fuites logiques capables de faire basculer certains médecins en dehors de l’exercice clinique de la médecine générale.

4.2.2. EBM, le choix de l’incertitude prégnante

« La bonne médecine clinique devra toujours mélanger l’art de l’incertitude avec la science de la probabilité » Osler (39)

C’est dans un contexte de forte hétérogénéité des pratiques et pour améliorer la qualité et la sécurité des soins qu’émerge l’evidence based medicine (médecine fondée sur les preuves) au 20e

siècle. L’EBM est définie comme « l’utilisation consciencieuse, explicite et judicieuse des meilleures données actuelles de la recherche clinique pour prendre des décisions pour la prise en charge personnalisée des patients » (10). Elle est un paradigme fondant le caractère scientifique et objectif de la médecine en rupture avec l’idiosyncrasie et la casuistique de l’art médical (40).

Si certains lui reprochent de proposer « une méthode de gestion des risques contribuant à la standardisation de la pratique médicale et à la déshumanisation de la relation entre soigné et soignant », c’est ne pas considérer l’EBM dans sa totalité.

En effet, l’EBM propose au médecin de s’appuyer sur des outils épidémiologiques et statistiques validés par des études expérimentales rigoureuses plutôt que sur leur expérience clinique individuelle dans la prise de décision. Pour autant elle ne se désintéresse pas de la singularité du patient, la décision médicale doit aussi prendre en compte les valeurs et préférences de ce dernier. (41) La décision apparait ainsi comme « l’intégration des meilleures données de la recherche à la compétence clinique du soignant et aux valeurs du patient. » (10).

(26)

23

Figure 7 : Représentation graphique de l’EBM selon Haynes

L’EBM est donc une proposition de pratique médicale répondant autant à l’incertitude liée au savoir qu’à celle liée au sujet. Elle apparait donc comme une réponse à l’incertitude prégnante décrite par G. Bloy. Cependant, il est nécessaire de préciser qu’il existe des écueils à éviter dans la démarche que propose l’EBM face à l’incertitude.

« Ce n’est pas la recherche de la preuve qui légitime la thérapeutique mais bien l’Homme malade qui l’appelle à son secours. » (42)

Si elle ne standardise pas, l’EBM reste normative puisqu’elle définit ce qui peut être considéré comme validé (hiérarchie dans les niveaux de preuve). Ainsi une thérapeutique est considérée comme efficace si elle a montré une action supérieure à celle d’un placebo. (43) Deux écueils en découlent :

- Discréditer les thérapeutiques qui ne peuvent être testées en double insu (thérapies complexes, régimes alimentaires, activités physiques, médecines alternatives)

- Dévaloriser l’effet placebo et donc les composantes symboliques du remède (relation médecin-malade, etc.) alors même que l’objectif du soignant est de soulager et donc d’optimiser cet effet placebo. (4,42)

Ainsi, une EBM trop restrictive (qui ne considèrerait et prescrirait que les thérapeutiques jugées comme efficaces) pourrait être une perte de chance pour le patient, et ce particulièrement dans les situations où l’incertitude de niveau 2 est importante (SMI, etc.). (43,44)

(27)

24 Les réactions du médecin face à l’incertitude

 À l’échelle de la consultation :

o Acceptabilité ou non de l’incertitude o Réaction d’acceptabilité déterminée par

 le niveau d’incertitude de la situation rencontrée

 le seuil d’acceptabilité du médecin (tous les deux variables)

o Le raisonnement médical, une méthode d’évaluation de l’acceptabilité pour rationaliser la décision dans l’incertitude.

o La décision, aboutissement d’un jugement entre raisonnable, souhaitable, et préférable  A l’échelle sociologique :

o L’accommodement des médecins face à l’incertitude déterminent des pratiques médicales diverses

o L’EBM, une proposition de pratique pour répondre à l’incertitude prégnante

5. Conséquences d’une mauvaise tolérance à l’incertitude 5.1. Pour le médecin

La mauvaise tolérance du médecin face à l’incertitude détériore le vécu de son exercice :

Dans une étude suisse en 2002, la mauvaise tolérance à l’incertitude des médecins était très étroitement corrélée à une mauvaise satisfaction au travail ; cette corrélation était plus forte encore chez les étudiants. (27)

Des études suisse et australienne ont aussi montré une association entre mauvaise tolérance et majoration du risque d’épuisement professionnel. (45,46)

De même, une étude finlandaise en 2012 montrait que les étudiants de 5e année qui toléraient moins bien l’incertitude craignaient davantage de faire des erreurs médicales et considéraient le travail du médecin généraliste comme éprouvant. (24)

Une étude américaine a montré une association entre la mauvaise tolérance et la peur des poursuites pour fautes professionnelles ainsi qu’entre la mauvaise tolérance et une tendance à la pratique défensive. (47) Dans le cas contraire, une bonne tolérance à l’ambigüité [terme recouvrant parfois le même concept que l’incertitude dans la littérature] était corrélée à une plus grande capacité à gérer des cas complexes. (48) Sur le plan personnel, certaines caractéristiques ont été associées à une mauvaise tolérance de l’incertitude : rigidité mentale et traits de personnalité négatifs (conformisme, préjugés ethniques) chez les médecins (49), niveau d’anxiété dans leur vie personnelle plus important (27).

5.2. Pour le patient

La conséquence la plus évidente pour le patient de cette incertitude est le risque d’erreur.

Les écueils dans la gestion de l’incertitude sont nombreux : minimiser la plainte pour réduire l’incertitude, nier l’incertitude, choisir la solution qui limite les affects inconfortables liés à l’incertitude (surprescriptions, surmédicalisation, pratique défensive), etc. Toutes ces mauvaises gestions de l’incertitude augmentent le risque d’erreur dans le diagnostic (augmentation du risque d’incidentalomes par exemple) et dans la prise en charge.

(28)

25 La surmédicalisation et l’erreur médicale entrainent une perte de chance voire des dommages pour le patient. (50) C’est donc la sécurité des soins ainsi que leur qualité qui est en jeu dans la problématique de l’incertitude.

D’autre part, des études montrent que la communication de l’incertitude influe positivement sur la satisfaction du patient. Quand l’incertitude est communiquée, les patients ont tendance à être plus satisfaits de la décision prise par le médecin et ils se montrent plus impliqués dans la prise en charge (51– 53).

5.3. Dans la relation médecin-malade

Effets sur la communication :

Une étude américaine en 1998 montrait que les médecins qui toléraient moins bien l’incertitude avaient plus de réticence à communiquer avec le patient (54).

Par contre, les médecins qui exprimaient plus leur incertitude avec les patients avaient un discours plus positif et donnaient plus d’informations aux patients (53).

Effets sur la relation :

Dans cette même étude américaine, les médecins qui toléraient mal l’incertitude étaient plus susceptibles de porter les accusations sur les patients (54). Dans une étude chez des étudiants en médecine, le psychiatre suisse C. Pawlak a aussi mis en lien le besoin de contrôle des incertitudes (mauvaise tolérance) avec l’érosion de l’empathie (55).

Au contraire, l’empathie des étudiants en médecine qui ont les meilleures tolérances à l’incertitude se détériore 3.69 fois moins vite que les autres (56). Les médecins qui communiquent leurs incertitudes construisent davantage de partenariat avec les patients (53). Cette communication de l’incertitude remodèle et renforce positivement la relation médecin-malade dans la plupart des cas. (29) Et elle est associée à une confiance plus importante du patient envers le médecin (57).

« L’expérience montre que le partage de l’incertitude construit la confiance autant que celui du savoir. Par ailleurs, il n’est pas de confiance sans incertitude, et pas de dépassement d’incertitude sans confiance » (58)

5.4. Pour la société

Les premières études en 1998 ont montré un lien direct entre le niveau d’anxiété due à l’incertitude ressentie par les médecins et leurs dépenses de santé (examens paracliniques, prescriptions médicamenteuses, etc.). Ainsi une augmentation de 3.5 points sur l’échelle d’anxiété liée à l’incertitude augmente de 17% les dépenses de santé (54).

Au contraire, plus la tolérance à l’incertitude des médecins était élevée plus leur conscience des dépenses de santé engendrées augmentaient (59).

Ces données ont été récemment confirmées par une thèse en 2018 en France qui montrait que l’anxiété était associée au surdiagnostic et que la mauvaise tolérance était une des composantes explicatives de la surmédicalisation. (60)

(29)

26 Le surdiagnostic et la surmédicalisation est provoquée par le médecin intolérant à l’incertitude qui sur-utilise les moyens technologiques à sa disposition pour augmenter son niveau de certitude. Outre les dépenses financières inutiles que cela représente pour la société, un recours non raisonné aux technologies risque aussi de déresponsabiliser le médecin.

En effet, aujourd’hui le niveau de technologie affaiblit le savoir-faire du médecin en dépassant ses mécanismes cognitifs (outils d’aide à la décision médicale, intelligence artificielle, etc.). Devant la rapidité et la complexité des tests fournis par la technologie, le médecin avec une mauvaise tolérance à l’incertitude risque de se « désintéresser » de la décision médicale pour devenir un simple exécutant de machines et algorithmes technologiques. Le médecin perdrait alors une certaine fonction de régulation. (6)

Conséquences d’une mauvaise tolérance du médecin face à l’incertitude

 Pour le médecin :

 Un mauvais vécu de son exercice

 Des répercussions dans sa vie personnelle

 Pour le patient (par le risque d’erreur, de perte de chance, de dommages) :  Diminution de la sécurité des soins

 Diminution de la qualité des soins  Dans la relation médecin-malade :

 Altération de la communication : diminution de l’information délivrée  Diminution de l’empathie du médecin

 Diminution du partenariat  Pour la société :

 Augmentation des dépenses de santé  Risque de déresponsabilisation du médecin

6. Quels outils pour gérer l’incertitude en médecine générale ?

Nous avons peu trouvé d’études spécifiques recensant ou évaluant les différents moyens de gestion de l’incertitude (61,62). Voici une synthèse des outils proposés ou suggérés dans la littérature (6,8,12,22,29,44,61–69) :

6.1. Outils concernant le patient

Apprendre à écouter et comprendre le patient :

 Cerner sa compréhension des symptômes

 Évaluer la gravité ressentie par le patient

Apprendre à saisir la singularité du patient :

 Identifier les valeurs du patient

 Comprendre quelles sont ses attentes, ses craintes, ses perspectives

 Évaluer ses ressources, les moyens à sa disposition pour faire face

Figure

Figure 3 : Facteurs déterminants une acceptabilité ou non-acceptabilité de l’incertitude
Figure 4 : Influence du niveau d’incertitude de la situation sur l’acceptabilité
Figure 8 : Diagramme de flux durant le semestre d’été
Tableau 1 : Caractéristiques des internes ayant répondu au questionnaire à la fin du semestre d’été
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