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Psychomotricité et polyhandicap : l'apport du toucher à travers l'accompagnement de la personne polyhandicapée

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: dumas-01194926

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01194926

Submitted on 7 Sep 2015

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Psychomotricité et polyhandicap : l’apport du toucher à

travers l’accompagnement de la personne

polyhandicapée

Alizée Mailharrin

To cite this version:

Alizée Mailharrin. Psychomotricité et polyhandicap : l’apport du toucher à travers l’accompagnement de la personne polyhandicapée. Médecine humaine et pathologie. 2015. �dumas-01194926�

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UNIVERSITÉ de BORDEAUX

Collège Sciences de la Santé

Institut de Formation en Psychomotricité

____________________________________________

Mémoire en vue de l’obtention

du Diplôme d’État de Psychomotricien

Psychomotricité et polyhandicap :

L’apport du toucher à travers l’accompagnement de la personne

polyhandicapée

Mailharrin Alizée

Née le 06.12.1993 à Pau (64)

Nom du Directeur de Mémoire : Dansot Floriane

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Remerciements

Je tiens à remercier Floriane, pour m’avoir accompagnée tout au long de cette année, pour ses précieux conseils, son écoute attentive et sa disponibilité. Mais aussi, pour tout ce qu’elle a pu m’apporter au cours de cette dernière année de formation sur le chemin de la professionnalisation.

Je remercie également les autres psychomotriciennes de l’unité pour la transmission de leurs savoirs et les échanges constructifs que nous avons pu partager ensemble, qui ont contribué à l’élargissement de ma vision de la psychomotricité.

Je remercie également l’ensemble du personnel de l’association qui m’a accueillie en stage cette année.

Je n’oublie pas les personnes que j’ai eu l’occasion de rencontrer, d’accompagner durant mon stage et qui m’ont donné l’envie de réaliser ce mémoire.

Enfin, un grand merci à mes proches et mes amis, en particulier Océane, Aurore, Justine et Léa, pour leur soutien, leurs encouragements tout au long de l’élaboration de ce travail.

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Avant-propos

Sentir...

Sentir c'est, par le nez, percevoir le monde au-delà de ce que peut atteindre la main. Entendre c'est explorer encore plus loin.

Et voir, ah ! Voir... c'est, avec les yeux, caresser l'univers à des milliers de lieues à la ronde. Chaque sens nous dit le monde. Son monde. Et le mélange se fait.

Chaque sens repousse les frontières un peu plus loin, faisant l'univers plus vaste, plus varié et plus riche. Mais, toucher, c'est par là que, très simplement, tout a commencé (…) Etre portés, bercés, caressés, être tenus, être massés, autant de nourritures pour les petits enfants ".

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Sommaire

Remerciements ... 1 Avant-propos ... 2 Sommaire ... 3 Introduction ... 4 Partie théorique I. Le toucher dans le développement de l’enfant ... 6

1. Généralités sur le toucher ... 6

2. La peau ... 8

3. Le toucher dans la construction identitaire de l’enfant ... 11

II. Le polyhandicap : Quelle place pour le toucher ? ... 21

1. Présentation du polyhandicap ... 21

2. La symptomatologie du polyhandicap ... 25

3. La place du toucher dans le monde du polyhandicap ... 29

III. La place du toucher dans l’accompagnement en psychomotricité de la personne polyhandicapée ... 31

1. La nécessité d’un cadre thérapeutique stable ... 31

2. Etre en lien par le toucher : l’expression d’un partage ... 33

3. Le toucher en psychomotricité ... 43

Partie clinique I. Le cadre institutionnel ... 52

II. Approche et conception du soin en psychomotricité à l’ARIMOC : Quelques cadres d’intervention ... 54

III. Présentation des cas cliniques ... 59

Conclusion ... 81

Références bibliographiques ... 82

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Introduction

Tout au long de l'année, j'ai effectué mon stage au sein d'une association régionale pour infirmes moteurs d'origine cérébrale, qui accompagne des enfants, des adolescents et des adultes dans leur vie au quotidien. J’ai été accueillie plus précisément au sein du centre d’éducation motrice et du foyer d’accueil médicalisé, à raison d’un jour et demi par semaine. Le choix de m’orienter vers l’univers du polyhandicap découle de mes nombreuses interrogations quant au travail pouvant être proposé en psychomotricité auprès de cette population, qui m’était complètement étrangère.

A mon arrivée, j'ai été frappée par l’importance de leur handicap et par les moyens à disposition pour le compenser. Je me suis retrouvée face à un monde de restrictions, de limites, de dépendance, faisant pourtant partie intégrante de leur vie.

C'est en observant le quotidien de ces personnes que j’ai réalisé à quel point le toucher occupait une place importante dans leur vie. En effet, tous les actes de leur quotidien passent par le canal du toucher. Leur grande dépendance physique et psychique semble en faire une nécessité absolue.

En effet, la personne en situation de handicap est amenée régulièrement à être touchée par différents professionnels dans le cadre des soins. En revanche, elle n’a pas ou peu les moyens d’expérimenter le toucher, d’agir sur son monde par ses propres moyens.

Je me suis demandé en quoi le toucher et les sensations liées au toucher, pouvaient constituer une médiation à la fois thérapeutique et relationnelle en psychomotricité? Quelle place le psychomotricien occupe-t-il dans cet accompagnement? J’ai donc choisi de m’intéresser à la façon dont le travail en psychomotricité pouvait être mené à travers cette médiation auprès de la personne polyhandicapée.

A travers ce travail, j’ai en particulier voulu m’intéresser aux divers aspects de ce toucher. Car le toucher implique non seulement la dimension corporelle (sensorialité) mais aussi psychique (les bouleversements, les réaménagements psychiques). Il concerne également le domaine relationnel. En effet, comment instaurer un travail thérapeutique en psychomotricité, en excluant cet aspect relationnel, dont le toucher semble faire partie prenante ?

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Dans un premier temps, je resituerai le rôle du toucher dans le développement de l’enfant, notamment son influence sur sa construction psychique et affective. Cette première partie rendra compte des réalités impliquées par les sensations et les actes liés au toucher.

Dans un second temps, je présenterai le polyhandicap et ses différents troubles associés. A travers la symptomatologie, je rendrai compte de ses conséquences sur l’individu et de la place accordée au toucher dans ce milieu.

Dans une dernière partie, je m’intéresserai à la place que prend le toucher dans l’accompagnement par le psychomotricien de la personne polyhandicapée. A travers cet accompagnement, sur quelles dimensions de la vie de la personne polyhandicapée le toucher psychomoteur intervient-il ? En quoi est-il thérapeutique ? Je montrerai notamment de quelle manière il contribue à l’émergence de la dimension relationnelle.

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Partie théorique

I.

Le toucher dans le développement de l’enfant

1. Généralités sur le toucher

Le toucher est un sens qui suscite aujourd’hui de plus en plus l’intérêt des scientifiques, des psychologues, qui cherchent à mieux comprendre les principes fondamentaux qui en déterminent le fonctionnement.

Or, pendant de nombreuses années, il fut l’objet de peu de recherches, d’autant plus qu’il constituait un véritable sujet « tabou ». En effet, aujourd’hui encore et dans de nombreuses sociétés, le toucher est soumis à un certain nombre d’interdits liés à la sexualité.

Pourtant, le toucher fait partie de notre quotidien. Certains considèrent même qu’il constitue l’acte le plus essentiel de l’être humain. Selon D. Anzieu, « de tous les organes des

sens, c’est le plus vital : on peut vivre aveugle, sourd, privé de goût et d’odorat. Sans l’intégrité de la majeure partie de la peau, on ne survit pas ».1

Le toucher détient cette particularité qu’il ne laisse personne indifférent : il peut déranger, être évité, ou alors il peut au contraire être recherché et grandement apprécié. Chacun possède un rapport au toucher différent, qui dépend par exemple de notre expérience vécue. Ainsi nous pouvons dire qu’il est subjectif et propre à chacun. Comme le souligne E.T. Hall « De tous nos sens, le toucher est le plus personnel »2.

Au-delà de ce lien, le toucher est un sens mettant en jeu la réciprocité. En effet, comme le dit J. SAVATOFSKI, « on ne peut toucher autrui sans être touché soi-même. La rencontre

tactile a donc cette particularité de concerner aussi intimement l’approchant que l’approché »3. Nous ne pouvons être à distance dans l’expérience tactile.

1 ANZIEU D (1985), Le moi-Peau, Paris, Dunod, p. 35 2 HALL E.T, La Dimension cachée, Paris, Seuil, 1971, p. 85

3 PRAYEZ P, SAVATOFSKY J, Le toucher apprivoisé, pour une approche différente du patient,

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1.1 Définition

Il me semble important pour commencer de reprendre la définition du toucher. Il peut être employé en tant que verbe ou nom commun.

D’après le dictionnaire Larousse, le toucher désigne le sens par lequel on reconnaît, au moyen d’un contact direct, la forme et l’état extérieur des corps. Il englobe cinq sensations : le contact, la pression, la chaleur, le froid et la douleur.

Ensuite, d’après le Nouveau Petit Larousse, « toucher » signifie en tant que verbe : - être, entrer en contact physique avec quelque chose ou quelqu’un.

- Contacter quelqu’un, entrer en relation avec lui. - Atteindre, concerne quelqu’un.

- Etre contigu à, en contact avec.

Dès lors, ces définitions attestent de la notion de relation, de lien, qui s’œuvre au travers du toucher.

De plus, de nos cinq sens, seul le toucher implique la totalité de notre corps. En effet, si chacun des autres sens possède un organe unique et limité, c’est par la totalité de notre corps que nous sommes « touchés ».

1.2 Une multitude de touchers

Il existe une multitude de touchers différents, de même que différentes façons de toucher. En effet, le répertoire du toucher est riche et large. Nous pouvons varier les gestes et l’intensité de nos mouvements en effleurant, en caressant et frôlant, ou bien au contraire induire un toucher plus net, en palpant, en exerçant de légères pressions. Il peut également être davantage enveloppant. C’est à nous de nous ajuster en fonction de ce que l’autre nous renvoie de notre approche. Cependant, outre l’aspect « technique », il s’agit davantage de l’intention qui est posée derrière qui compte.

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1.3 Le toucher thérapeutique

Le toucher thérapeutique en psychomotricité s’opère par le biais d’un contact cutané direct (c’est-à-dire peau à peau), ou bien indirect (nous utilisons alors un objet, un élément médiateur) entre le patient et le psychomotricien. Le toucher thérapeutique, loin d’être un acte technique, constitue avant tout une approche. Celle-ci a lieu au travers de mobilisations passives, de massages, ou alors de l’utilisation de différents matériaux, doux ou durs, chauds ou froids, lisses ou rugueux, souples ou rigides. Cela apporte des sensations corporelles restructurantes et peut participer à la diminution des douleurs.

Chez le sujet polyhandicapé, la communication verbale est en général entravée, voire inexistante. Une approche corporelle, au niveau de leur peau, de leur enveloppe corporelle, par le biais du toucher semble alors constituer un moyen de communication efficace.

Le toucher laisse ainsi entrevoir cet aspect relationnel dont il est indissociable. « Par le

toucher relationnel, le patient peut enfin se sentir considéré et « pris » dans son ensemble, reconnu comme un être à part entière. »4. N’est-ce pas alors cette dimension relationnelle du

toucher, qui le conduirait à être thérapeutique ? C’est ce que nous verrons plus tard.

2. La peau

2.1 Rappel physiologique

La peau, appelée aussi tégument5, est l’organe du toucher. C’est à travers elle que nous prenons contact tant avec notre corps qu’avec celui des autres. En effet, il s’agit de la partie visible, palpable de notre être tout entier.

La peau provient du même tissu embryonnaire que le système nerveux, l’ectoderme, qui est le feuillet le plus externe de trois couches de cellules. Cela montre qu’il existe une relation entre les cellules cutanées et les fibres nerveuses dès l’embryogénèse, qui demeurera tout au long de la vie de l’individu. De ce fait, il n’est pas étonnant de constater les étroites relations toute la vie durant, entre notre peau et notre équipement cérébral, sensitif, sensoriel, émotionnel et nerveux.

4 BONNETON-TABARIES F, LAMBERT-LIBERT A, Le toucher dans la relation soignant-soigné,

2ème éd, MED-LINE, 2009, p. 85

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Elle possède une telle quantité de capteurs sensoriels, de trajets sensitifs et nerveux, que certains chercheurs en parlent alors comme un cerveau étalé.

Par ailleurs, la peau constitue la surface la plus étendue de notre corps. En effet, elle s’étale sur près de 2m² du corps chez l’adulte et représente 18% du poids du corps.

Elle est composée de trois couches :

- l’épiderme, (la superficie), que l’on voit, que l’on peut toucher. Il s’agit d’un épithélium pavimenteux stratifié, composé de cinq couches : la couche basale, la couche de Malpighi, la couche granuleuse, la couche claire et la couche cornée (en allant de l’intérieur vers la surface).

- Le derme, un tissu de soutien composé de fibres musculaires lisses, de fibres de collagène et de fibres élastiques. Il contient également des glandes sudoripares, sébacées, des terminaisons nerveuses et des follicules pileux.

- L’hypoderme, une couche adipeuse sous cutanée.

Ces différentes couches renferment des récepteurs sensoriels du toucher, (1 500 000) qui sont disséminés sous la peau. Ils sont sensibles aux sensations des plus agréables aux plus douloureuses. Ils se présentent différemment. En effet, certains sont sous formes de terminaisons libres (sensibles à tous types de stimulus), d’autres sous formes de corpuscules (plus spécialisés). Une fois captés, les récepteurs vont transformer les stimuli reçus en messages nerveux, qui se propagent le long des nerfs en passant par la moelle jusqu’au cerveau.

Ainsi, la multiplicité des récepteurs, des terminaisons nerveuses et capteurs sensoriels de la peau en font toute la richesse et la pertinence du contact corporel.

2.2 Ses différentes fonctions

La peau revêt diverses fonctions nécessaires à la survie de l’individu. Tout d’abord, elle constitue un organe de renseignement sur le monde extérieur. En effet, grâce à ses récepteurs qui perçoivent les stimuli, la peau permet au sujet d’éviter toute exposition potentiellement dangereuse.

De plus, la peau constitue à la fois une barrière de protection et un filtre, sorte d’enveloppe contre les agressions extérieures qui « protège » notre corps.

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Selon L. VAIVRE DOURET, « son élasticité amortit les chocs. Son imperméabilité retarde

l’action des substances corrosives. Sa mauvaise conductibilité retarde le refroidissement. Sa sensibilité entraîne des reflux de lutte contre les excès de température (frisson, sudation). C’est une barrière efficace contre la pénétration des microbes »6

Elle assure ainsi des fonctions physiologiques essentielles au bon fonctionnement de notre organisme. En effet, en régulant les échanges avec le milieu environnant la peau protège le corps de la déshydratation et régule son métabolisme en sel et en eau. Elle participe au maintien de l’équilibre thermique du corps en particulier via le mécanisme de transpiration. La peau est donc avant tout un lieu d’échange avec l’extérieur du corps ; des substances peuvent être aussi bien refoulées dans le milieu extérieur que pénétrer dans l’organisme. Enfin, outre ses fonctions biologiques, F. VINIT s’intéresse à la dimension relationnelle de la peau. Ainsi selon elle, « la peau est une fenêtre qui permet la rencontre de l’autre, dans le

respect de sa différence. Cet affinement de la sensibilité du toucher porte la promesse d’un lien vivant avec le monde ».7

2.3 Les effets du toucher sur la peau

Le toucher se définit comme la stimulation de la peau par des stimuli thermiques, mécaniques, chimiques ou électriques. Ces derniers suscitent alors au niveau de la peau des modifications d’où proviennent les sensations comme la pression, la température, la douleur et la vibration. Nous pouvons dès lors imaginer que le toucher possède une fonction générale de stimulation de tous les processus vus précédemment et a donc un impact sur l’ensemble de l’organisme.

Par ailleurs, nous avons vu qu'une multitude de récepteurs sont présents sous la peau. Lorsqu’ils sont stimulés, ils envoient un message au cerveau qui produit des hormones, notamment l’ocytocine, connue comme étant l’hormone du bien-être. L’action du toucher permet également au corps de réduire le taux de cortisol, l’hormone du stress.

Ses effets sur la santé, notamment à travers le massage, très répandu dans le monde, sont bien connus.

6 VAIVRE-DOURET L., (2003), « La peau : un organe vital », La qualité de vie du nouveau-né-corps et dynamique développementale, Odile Jacob, Paris, p. 106

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Ainsi, nous pouvons constater les répercussions très profondes du toucher sur notre santé, notre corps, notre bien-être.

3. Le toucher dans la construction identitaire de l’enfant

3.1 Ontogénèse du toucher : Autour de la naissance

La peau constitue le premier organe des sens à se mettre en place lors de la période embryonnaire. Dès la huitième semaine de gestation, la peau de l’embryon humain est très développée.

P. PRAYEZ souligne que « le toucher est sans doute l’un des tout premiers sens à apparaître,

c’est le plus souvent, avec le grand âge, le dernier à disparaitre »8.

Or, d’après A. MONTAGU, « il existe une loi générale en embryologie, qui veut que plus une

fonction se développe tôt, plus il est probable qu’elle sera fondamentale »9. La peau joue ainsi

un rôle très important.

Le système de perception tactile se développe tôt au cours de la vie intra-utérine. En effet, à la 20ème semaine de gestation, les mécanorécepteurs sont présents dans tout le corps. Le bébé réagit ainsi rapidement au toucher.

Par ailleurs, la mère perçoit les premiers mouvements fœtaux à partir du cinquième mois de grossesse. Il s’établit alors un échange entre eux à travers les sensations tactiles. Un premier dialogue « corporel » mère-enfant apparait donc in-utéro.

A la fin de grossesse, le fœtus ayant grandi dans le ventre maternel, se retrouve en contact permanent avec les parois de l’utérus et le liquide amniotique. Ceux-ci constituent une sorte d’enveloppe, qui protègent et soutiennent le fœtus, tout en lui apportant des sensations rassurantes.

A la naissance, le passage de la vie intra-utérine à la vie aérienne constitue une véritable épreuve pour lui, une sorte de « rupture » dans son fonctionnement. Du fait de son immaturité, il se retrouve dans un état de dépendance absolue, de vulnérabilité vis-à-vis de son entourage.

8 PRAYEZ P, SAVATOFSKY J, op.cit., p. 6

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Il perd tous ses repères. En effet, le bébé se retrouve dans un monde de stimulations (visuelles, auditives, vestibulaires…), qui lui procurent du stress.

Il est alors très sensible au toucher, au contact corporel avec sa mère. En effet, cela lui rappelle les sensations vécues dans l’enveloppe utérine qui le réconfortent. Il n’est d’ailleurs pas rare d’observer un apaisement du nouveau-né juste après sa naissance lors du peau à peau avec sa mère.

Sa survie va dépendre dans un premier temps des soins assurés par la mère. Pour cela, il est impératif que se développent des conduites d’attachement réciproque entre l’enfant et sa mère. Nous allons voir que celles-ci vont dépendre de la qualité des échanges corporels entre ces deux partenaires.

3.2 Les interactions corporelles à la base de la construction psychique de l’enfant : d’une « sécurité » physique à affective…

Les interactions corporelles, qui font partie des interactions comportementales, se caractérisent par l’ensemble des échanges passant par le corps. Elles incluent en particulier les contacts cutanés.

3.2.1 Le holding

Le holding (maintien) désigne la façon que la mère a de porter, de contenir son enfant aussi bien physiquement que psychiquement. Par la protection qu’elle procure à son bébé contre les expériences angoissantes, elle occupe un rôle de pare-excitation. Elle filtre ici les excitations de son bébé dont l'intensité trop importante dépasserait ses capacités d'y faire face.

S’il est assuré de manière régulière, le holding permet à l'enfant d'éprouver un sentiment de sécurité intérieure. Par ailleurs, il participe au sentiment d’exister du nourrisson, en tant qu’unité différenciée.

En effet, de la qualité du holding dépendra notamment l’émergence du ‘Moi’ de l’enfant, encore immature au départ, car incapable de maîtriser les expériences qu’il vit.

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Cette idée est reprise par D. W. WINNICOTT pour qui « L'intégration du moi chez le

nourrisson dépend essentiellement de la manière, dans le temps et l'espace, dont sa mère le porte »10.

Il rappelle que « Le Moi se fonde sur un Moi corporel »11. Nous pourrions définir le Moi corporel comme le sentiment de soi qui se construit sur la base de la perception du corps.

3.2.2 Le handling

Le handling (manipulation) constitue le prolongement du holding selon D.W WINNICOTT. Il concerne la manière d’être en contact avec le nourrisson, la façon dont il est traité, soigné et manipulé par la mère. Il dépend de l’ensemble des soins quotidiens procurés par la mère à son enfant (toilette, habillage, allaitement).

Les soins apportés dans la toute petite enfance conditionnent la façon dont l’enfant structurera par la suite ses expériences psychiques. « Le tout-petit reçoit les gestes maternels comme une communication chargée de sens : attention, intérêt, tendresse, amour : dis-moi comment tu me touches et je saurai qui tu es, mais aussi qui je suis. Ces gestes, messages ou massages, s’imprègnent en lui, construisant peu à peu la façon dont il va vivre son enveloppe corporelle, puis se vivre lui-même »12.

La continuité de ces soins procure au nourrisson diverses sensations, notamment tactiles, qui lui permettent de découvrir les limites de son corps, mais aussi d’en prendre conscience dans une atmosphère de sécurité.

A. LOWEN montre que la sensation d’identité provient de la sensation du contact avec le corps. Pour savoir qui il est, l’individu doit être conscient de ce qu’il sent.13

Le holding et au handling, très dépendants du toucher et de la proximité physique, permettent donc l’émergence de la psyché, amenant l’enfant progressivement à acquérir le sentiment d' « habiter » son corps.

10 WINNICOTT D.W, Processus de maturation chez l’enfant – Développement affectif et environnement, Payot, Paris, 1970, p. 14

11 Ibid., p. 9-18

12 COLONNA-CESARI C, Le massage intégral du bébé et de l’enfant, Diffusion Traditionnelle,

Asnières, 1990, p. 37

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De plus, nous allons voir que ces interactions corporelles constituent l’occasion pour le bébé et sa mère de créer des liens affectifs et relationnels, favorisant la dynamique de l’attachement et les échanges.

3.2.3 Le dialogue tonique

Ces interactions corporelles également peuvent s’illustrer sous la forme d’un dialogue tonique, notion due à H. WALLON (1930) puis reprise par J. DE AJURIAGUERRA (1977). Le dialogue tonique ou ‘tonico émotionnel’ se définit comme l’ensemble des échanges médiatisés par la façon dont le bébé est tenu, soutenu, maintenu par le parent, et la manière dont le bébé y répond; il y a ainsi une véritable interaction entre les postures des partenaires et le tonus musculaire qui en est corrélatif . Ce terme inclut toute la dimension corporelle de la relation mère-bébé, indissociable du toucher, du portage, de la qualité du contact, du tonus et de l’émotion.

Par son état de tension, le bébé va être en capacité d’exprimer ses besoins et son état interne à sa mère, qui à son tour décrypte et interprète l’état tonique de son bébé. Cet ajustement réciproque dans la rencontre corporelle leur permet alors d’entrer en relation, car le tonus (s’exprimant par le canal du toucher) est le premier moyen de communication du bébé.

C’est grâce à ces premiers échanges corporels que le bébé va être en mesure d’appréhender le monde et son environnement sereinement, sans que la rupture avec le monde intra utérin ne soit vécue comme une perte irréparable.

Nous voyons alors que les interactions corporelles mettent en jeu non seulement des sensations, mais aussi des affects, des émotions, qui prennent vie et s’expriment à travers cette relation au départ symbiotique, entre la mère et son bébé.

Nous allons maintenant voir de quelle manière ces interactions corporelles constituent un support aux interactions affectives entre le bébé et sa mère.

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3.3 Les interactions affectives

Les interactions affectives sont caractérisées par l’influence réciproque de la vie émotionnelle du bébé et de celle de sa mère.

3.3.1 Le syndrome de l’hospitalisme

R. SPITZ dans les années 40, s’intéresse aux enfants en institution hospitalière, séparés de leur mère pendant une longue durée. Il fait alors une découverte surprenante. En effet, bien qu’ils soient correctement nourris et soignés, ces enfants présentent des symptômes allant de la dépression jusqu’au marasme (c’est-à-dire un état de dégradation psychique et physique grave) pouvant conduire jusqu’à la mort. Il parle du «syndrome d’hospitalisme », qu’il définit comme l’ensemble des troubles physiques dus à une carence affective par privation de la mère survenant chez les jeunes enfants placés en institution dans les dix-huit premiers mois de la vie.

Suite à cette découverte, de nombreux chercheurs se sont intéressés à la relation unissant la mère à son enfant, ce qui a abouti à la découverte du processus de l’attachement.

3.3.2 L’attachement

Pour commencer, c’est H. HARLOW qui, à partir de ses expériences sur de jeunes singes, a montré l’existence d’un lien très fort à la mère naissant dans le contact physique, la proximité physique.

R. ZAZZO, psychologue, a lui aussi démontré l’existence d’un comportement typique, cette fois chez l’être humain : l’attachement. Lorsque la mère serre son enfant contre elle, il « s’attache » à elle, au sens physique comme au sens figuré du terme. Nous pouvons définir l’attachement comme étant un lien affectif entre un individu et une figure d’attachement, c’est-à-dire en général la personne qui prend soin de lui.

Contrairement aux idées reçues, l’attachement parents/enfant ne se met pas en place à la naissance au moment de la rencontre avec l’enfant, mais il s’élabore bien auparavant.

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En effet, si l’on en croit G. BINEL, « L’attachement est un processus lent et continu, qui

débute au moment où naît le désir d’enfant, se développe pendant la grossesse, et se poursuit au moment de la naissance et dans les mois qui suivent ».14

Nous l’avons vu, le fœtus dans le ventre de sa mère perçoit très tôt les mouvements de sa mère, les caresses qu’elle lui procure. En outre, le bébé réagit au toucher dès la vie intra-utérine, ce qui s’observe par ses déplacements et l’accélération de son rythme cardiaque. Nous pouvons donc dire que l’attachement résulte d’un processus interactif entre l’enfant et les parents avant même l’accouchement.

A la naissance, le toucher et le peau à peau constitueront des facteurs décisifs de l’attachement mère-enfant. L’enfant est un être social, l’attachement constitue son premier mode de relation avec autrui.

J. Bowlby, célèbre psychiatre et psychanalyste anglais, a décrit plusieurs comportements que le nourrisson tend à développer, à l’origine même du lien mère/enfant. Il les considère comme des stratégies d’attachement, parmi lesquelles on retrouve le fouissement, l’étreinte, les pleurs, le sourire, la succion. Selon lui, tous ont pour but d’induire et de maintenir la proximité physique avec la mère.

Cela montre l’appétence du nourrisson au toucher dès son plus jeune âge. Ainsi, nous pouvons penser que le besoin d’être touché est biologiquement inscrit dans le corps du bébé, et nécessaire à son développement.

3.4 Le Moi-peau : De l’enveloppe corporelle à l’enveloppe psychique

Ce concept, développé par D. ANZIEU, permet de comprendre comment s'installe progressivement un sentiment d'existence distingué en fonction de la construction d’une enveloppe physique puis psychique de l’enfant.

Dès le début de la vie, la peau n’est pas opérante comme enveloppe, elle ne sert pas encore de contenant physique et psychique.

14 BINEL. G, Prématurité et rupture du lien mère-enfant : La naissance inachevée, Gaëtan Morin,

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Grace aux expériences tactiles avec sa mère, en lien avec l’attachement, l’enfant acquiert la perception de la peau comme surface. Ces contacts corporels vont permettre au bébé l’édification d’une enveloppe corporelle qui participe à son individuation. Celle-ci permet la différenciation d’un intérieur-extérieur, préservant l’intégrité corporelle de l’enfant.

D. ANZIEU part du principe que les processus psychiques s’étayent sur des fonctions biologiques. Selon lui tous les processus de pensée ont une origine corporelle.

Cette idée est en adéquation avec celle de S. FREUD, selon qui « le moi est avant tout

corporel […], il est dérivé de sensations corporelles, principalement de celles qui ont leur source dans la surface du corps »15

Ainsi, le Moi-peau trouve son étayage sur trois fonctions de la peau 16 :

- Elle est le sac qui retient à l’intérieur ce qu’il a reçu de bon à travers l’allaitement, les soins, le bain de paroles…

- Elle constitue l’interface marquant la limite entre le dedans et le dehors.

- Il s’agit d’un lieu et d’un moyen primaire de communication avec autrui, d’établissement de relations signifiantes.

Il introduit alors le concept de Moi-peau, peau psychique s’étayant sur la peau biologique. « Par Moi-peau, je désigne une figuration dont le Moi de l’enfant se sert au cours des phases

précoces de son développement pour se représenter lui-même comme Moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps […] Cela correspond au moment où le Moi psychique se différencie du Moi corporel sur le plan opératif et reste confondu avec lui sur le plan figuratif»17.

Pour D. ANZIEU, être un Moi, c’est se sentir à la fois unique et capable d’émettre des signaux entendus par d’autres.

Toutes les expériences de la peau vécues par l’enfant vont le conduire à se représenter psychiquement. Selon lui, le Moi-peau naît au moment où le Moi psychique se différencie du Moi corporel sur le plan de l’action mais reste confondu avec lui sur le plan de la représentation du corps.

15 FREUD S, (1923), « Le moi et le ça », Essais de psychanalyse, p. 219-275 16 ANZIEU D, op.cit., p. 61-62

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18

En faisant un parallèle entre les fonctions de la peau et du Moi, il reconnaît huit fonctions au Moi-peau.

Cependant, nous nous intéresserons ici à trois principales :

- La fonction de maintenance du psychisme : La capacité du bébé à développer cette fonction dépend de l’intériorisation du « holding » maternel. Un contact étroit s’établit par la peau et les muscles des deux partenaires. L’enfant peut alors s’appuyer sur sa mère et en tirer un sentiment de sécurité. Cet appui externe amène le bébé à acquérir l’appui interne sur sa colonne vertébrale permettant l’acquisition des schèmes moteurs de base.

- La fonction de contenance : De même que la peau enveloppe tout le corps et comprend tous les organes des sens, le Moi-peau contient tout l’appareil psychique. Cette fonction de contenance est assurée par le « handling » maternel. Selon D. ANZIEU, par ses soins, la mère donne à son enfant la sensation-image de la peau comme sac contenant la substance de l’être. Par ses réponses vocales et gestuelles, elle donne sens aux émotions envahissantes du bébé. Petit à petit, cette enveloppe tactile doublée de l’enveloppe sonore permettra à l’enfant d’éprouver seul ces émotions sans se sentir « détruit ». Le Moi-peau vise à envelopper l’appareil psychique mais il n’est conteneur que s’il y a des pulsions à contenir. Et la pulsion n’est ressentie comme « force motrice centrale » que si elle est limitée psychiquement. La maîtrise des pulsions par cette complémentarité du Moi-peau et du Ca permet à l’enfant d’acquérir le sentiment de la continuité du Soi.

- La fonction d’individuation du Soi : De même que la membrane des cellules organiques protège l’individualité de la cellule, le Moi-peau assure une fonction d’individuation du Soi qui apporte à celui-ci le sentiment d’être unique.

La théorie du Moi-peau révèle l’importance de la peau et du toucher, permettant à l’enfant de se construire psychiquement, de s’émanciper dans une atmosphère de sécurité et de continuité.

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19

3.5 Quand le toucher contribue à la sensori-motricité…

J. PIAGET situe la période sensori-motrice entre 0 et 18 mois. Il la considère comme une première forme d’intelligence, qui se développe à travers l’expérience concrète que fait l’enfant dans sa prime enfance. Il s’agit d’un processus continu en plusieurs étapes, qui débute par des actions réflexes, puis par des actions découvertes par hasard sur le corps et sur les objets. Cela aboutit à la réalisation d’actions volontaires et intentionnelles.

Ainsi, nous imaginons que l’expérience tactile s’avère indispensable dans la réalisation de ce processus. Il n’est pas rare d’entendre des personnes dire que « leur enfant touche à tout » dans les premières années de leur vie.

Selon A. MONTAGU « Il est que la forme décisive de notre relation aux choses est le toucher.

Le toucher et le contact sont nécessairement les éléments les plus décisifs que nous utilisons pour définir la structure de notre monde »18.

Ainsi, au cours de leur développement, les enfants découvrent leur environnement par le toucher, ce qui leur permet ensuite de s’ouvrir au monde, à la relation.

A. BULLINGER quant à lui, a proposé une approche autour de la sensori-motricité du jeune enfant en s'inspirant des travaux de PIAGET, de WALLON et d’AJURIAGUERRA.

Il a essayé de montrer la complexité et l'articulation des éléments instrumentaux, psychologiques, cognitifs, psycho-affectifs et environnementaux permettant à l'enfant de se développer et de se construire.

Il présente les choses à partir d'une logique de construction, sans qu'il y ait de stades figés. Pour A. BULLINGER, le corps n'est pas une donnée en soi, toute une construction est nécessaire pour que l'enfant fasse de son corps un espace à lui. A partir de là, il pourra en faire un moyen d’interaction sur son milieu physique et humain.

H. BUCHER rappelle que « l’enfant est tout naturellement porté à expérimenter le monde par

l’intermédiaire de son corps, à communiquer avec lui, à prendre plaisir à ses diverses fonctions »19

18 MONTAGU A, op.cit., p. 84

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20

Au cours de son développement, le bébé doit parvenir à faire de ses systèmes sensorimoteurs des outils qui lui permettent de comprendre et d'agir sur son milieu.

BULLINGER insiste la dimension humaine et relationnelle. En effet, selon lui, le milieu humain façonne la manière dont l'enfant va percevoir son environnement et s'y adapter. Il évoque notamment la notion de « d’équilibre sensori tonique », basé sur une plateforme à partir de laquelle un individu peut réaliser des actions vers le milieu extérieur.

Cet équilibre dépend de trois composantes :

- Les propriétés physiques du milieu : l’environnement doit répondre aux attentes élémentaires de notre organisme (régularité, flux sensoriels qui ont du sens…).

Si tel est le cas, alors l’individu peut faire des anticipations et construire des représentations lui permettant de comprendre son milieu.

- Le milieu biologique : c’est le fait de posséder l’intégrité des systèmes sensori moteurs et neurophysiologiques. Cela permet le traitement des signaux issus des flux sensoriels entraînant la compréhension et la maîtrise de ce qui nous entoure.

- Le milieu humain : Selon BULLINGER, il est essentiel à la survie du bébé. ll précise que la personne déficiente doit pouvoir utiliser le relais qu’il forme pour suppléer à ses manques. Cette nécessité suppose la communication entre les individus.

Ainsi, nous avons pu constater dans cette première partie les enjeux que recouvre la dimension du toucher dans le développement d’un enfant. Par la sécurité physique et affective qu’il apporte à travers les échanges mère/bébé, le toucher aboutit à la construction de la psyché, la structuration de soi. Cette idée a notamment été reprise par D. ANZIEU et ses travaux sur le Moi-peau.

De plus, nous avons mis en évidence l’importance de l’apport humain afin d’aider l’enfant à comprendre le monde qui l’entoure et agir sur son environnement.

De ce fait, nous ne pouvons que souligner l’importance de ce sens et de cet acte dans le développement et la construction d’un enfant.

Or, qu’en est t-il de la personne polyhandicapée ? Quel est l’impact de ses déficiences sur sa manière d’être au monde ? Quel rapport entretient-elle avec le toucher ? Quelles particularités le polyhandicap entraîne-t-il sur le toucher ?

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21

II.

Le polyhandicap, quelle place pour le toucher ?

1. Présentation du polyhandicap

Afin de déterminer quel rapport les personnes polyhandicapées entretiennent avec le toucher, il me semble intéressant de commencer par présenter ce qu’est le polyhandicap. En rendant compte de ses conséquences sur le plan individuel, nous pourrons ainsi en étudier l’impact sur leur rapport au toucher, les répercussions qui en découlent tout en analysant la place qu’il occupe dans le quotidien des personnes polyhandicapées.

1.1 Du handicap au polyhandicap… Terminologies et définitions

Le terme handicap est défini comme « toute personne dont les possibilités d’acquérir ou

de conserver un emploi sont effectivement réduites du fait d’une insuffisance ou d’une diminution de ses capacités physiques ou mentales »20

L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) déclare en 1980 : « est handicapé un sujet dont

l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge, d’une maladie ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouve compromise ».

Lors de mon stage, j’ai été rapidement mise en difficulté en ce qui concerne la multiplicité des termes utilisés. C’est pourquoi il me semble important d’en différencier trois principaux : la déficience, l’incapacité et le handicap. En effet, ces trois termes peuvent paraître proches, pourtant ils ont chacun leur spécificité.

- La déficience concerne la perte de substance ou l’altération d’une structure ou fonctionnement psychologique, physiologique ou anatomique.

- L’incapacité désigne la réduction partielle ou totale de la capacité à accomplir une activité donnée de la façon ou dans les conditions considérées comme normales pour un être humain.

- Le handicap résulte d’une déficience et/ou d’une incapacité qui limite ou interdit l’accomplissement d’un rôle normal.

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Le CTNERHI (Centre Technique National d’Etudes et de Recherches sur les Handicaps et Incapacités) a réuni un groupe d’études en 1984 et a différencié trois grands groupes de handicaps associés. Cette typologie servira de base aux textes réglementaires ultérieurs.

Le plurihandicap est une association circonstancielle de handicaps physiques réunis soit par l’étiologie, soit par le hasard.

Le surhandicap désigne une surcharge ou un alourdissement progressif d’une déficience physique ou mentale par des troubles relationnels, d’apprentissage ou de négligence dans la prévention des handicaps primaires.

Le polyhandicap implique une association de déficience mentale sévère avec une déficience motrice qui sont à défaut, les deux points les plus souvent retenus. En effet, il est nécessaire d’y inclure des expressions cliniques multiples ou surcharges. Or, cette vision restreinte du polyhandicap ne permet pas de couvrir les besoins réels et nombreux de ces personnes polyhandicapées.

1.2 Historique du polyhandicap

C’est en 1969 que le néologisme « polyhandicap » semble avoir été utilisé pour la première fois par le médecin E. ZUCMAN, dans un article sur la guidance parentale paru dans la revue Réadaptation.

La notion de polyhandicap renvoie à des personnes très sévèrement atteintes, où les handicaps sont multiples sans prévalence les uns sur les autres. Il s’agit d’un concept et non une maladie ou un état pathologique. Ce concept a été créé afin d’éviter l’exclusion d’une partie de la population longtemps ignorée.

En effet, autrefois, les sujets porteurs d’un polyhandicap étaient qualifiés d’ « encéphalopathes profonds », de « grabataires » ou encore « d’arriérés profonds », ils ne bénéficiaient d’aucune action particulière. Leur espérance de vie ne dépassait guère l’adolescence.

Dans les années 1950-1960, une prise de conscience apparut chez certains pédiatres quant au nombre croissant de ces enfants ne bénéficiant d’aucun soin particulier.

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23

En revanche, les sujets porteurs d’IMC (infirmité motrice cérébrale) dont les capacités intellectuelles peuvent être conservées, étaient mieux connus et soignés.

Ainsi, la personne polyhandicapée est devenue source de réflexion et de recherche depuis relativement peu de temps. Cela est dû en partie au fait que le handicap est devenu l’objet d’une prise de conscience collective d’un problème de société. En effet, de plus en plus de nourrissons grands prématurés sont sauvés. Or, une part non négligeable d’entre eux connaîtra d’importantes conséquences sur leur développement, parfois très graves.

Une certaine évolution dans les termes employés pour désigner le polyhandicap est apparue, qui s’est accompagnée d’une amélioration de manière générale dans la prise en charge associée au handicap. En effet, au départ, le concept de handicap était essentiellement médical. De nos jours, il se concentre sur les rapports entre la personne et son environnement, il est devenu plus social.

1.3 Définitions du polyhandicap

Parmi les nombreuses définitions existant, nous retiendrons celles du CTNERHI qui définit le polyhandicap en 1984 comme étant une « association de déficiences graves avec

retard mental moyen, sévère ou profond (Q.I inférieur à 50), entraînant une dépendance importante à l’égard d’une aide humaine et technique permanente, proche et individualisée ».

Cette définition permet de souligner un point important, la spécificité de chaque individu est prise en compte.

Dans la nouvelle annexe XXIV ter qui date de 1989, il est décrit comme « un handicap grave

à expressions multiples avec déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde (Q.I inférieur à 30), entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation ».

Ces définitions très formelles, tendent à assimiler, à réduire la personne à son handicap, à sa dépendance.

Or, des personnes telles que G. SAULUS commençaient déjà à appréhender autrement le polyhandicap à cette époque. Ainsi, ce dernier formule en 1989 : « Le polyhandicap n’est pas

un accident qui affecterait un individu par ailleurs indemne. Par la précocité et la massivité des lésions responsables des déficiences et des incapacités directement induites, le polyhandicap engendre véritablement une manière d’être au monde, une et originale; l’Etre humain polyhandicapé est, pourrait-on dire, tout entier handicapé; non pas pour insister de

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24

manière péjorative sur la gravité de son état, mais pour nous engager résolument sur la voie de la reconnaissance de son droit à une existence originale ».21

Dans ce mémoire, c’est à travers cet état d’esprit que je considèrerai le polyhandicap, qui je pense, est primordial dans l’approche que nous avons à mener auprès de ces personnes en tant que psychomotricien.

1.4 Etiologies et prévalence

Le polyhandicap survient à la suite d’une atteinte cérébrale grave précoce, ayant un impact sur différents domaines de l’activité neurologique (la motricité, les capacités cognitives, la sensorialité).

Les recherches ont permis de mettre en évidence une étiologie variée. Les causes sont nombreuses, cependant à l’heure actuelle, 30 à 40 % restent encore inconnues. Il y aurait une prévalence de 0,7 à 1 sur 1000 naissances.

50 % des cas surviennent lors de la période prénatale : étiologies vasculaires (AVC prénataux), infectieuses (rubéole, cytomégalovirus), chromosomiques, métaboliques, malformations cérébrales, intoxication par des médicaments, consommation de drogues et/ou alcool pendant la grossesse.

Dans environ 15 % des situations, on retrouve une cause périnatale: il s’agit surtout de la grande prématurité ou de dysmaturités, mais également d’encéphalites, d’ictère nucléaire, de méningite.

5 % seraient d’origine postnatale : le polyhandicap surviendrait alors à la suite d’un traumatisme, d’un arrêt cardiaque, de noyade, d’intoxication au monoxyde de carbone, d’hémorragie, d’œdèmes.

21 SAULUS G (1989), Approche philosophique et épistémologique du polyhandicap, Actes du

Colloque APF HANDAS, « les enfants, les adultes polyhandicapés, qui sont-ils ? », Paris, Palais de l’Unesco

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25

2. La symptomatologie du polyhandicap

2.1 Les déficiences motrices : un état de dépendance

Elles sont constantes et de gravité variable. Les déficiences motrices entraînent « une

absence ou une réduction des possibilités d’agir sur son environnement physique (…) ces actions concernent la préhension et la locomotion ».22

Ces déficiences motrices sont souvent accompagnées de troubles du tonus, de la régulation tonique et de l’ajustement tonique ayant une incidence sur la motricité. Parmi celles que j’ai rencontrées en stage, il y a :

- La spasticité : C’est la rigidité convulsive des muscles ou des groupes de muscles affectés dans laquelle une détente est suivie d’une résistance, qui s’accroit progressivement lors des mouvements actifs ou passifs. Les muscles sont incapables de se détendre d’une façon normale. C’est une atteinte du système nerveux pyramidal qui touche la motricité volontaire. Elle concerne 85% des personnes polyhandicapées avec un degré plus ou moins élevé selon la gravité de l’atteinte.

- La dystonie : Elle correspond à une posture anormale et prolongée due à une atteinte des noyaux gris centraux chez des patients cérébraux-lésés Elle se manifeste par un mouvement involontaire soutenu, et impose à certains segments de membres ou à une partie du corps des attitudes extrêmes de contorsion.

- L’hypertonie : une augmentation du tonus qui implique des raideurs et des crispations - L’hypotonie : une diminution du tonus.

2.2 La déficience intellectuelle

Elle peut également être qualifiée de retard mental ou de retard intellectuel. Dans le polyhandicap, on parle de retard mental « profond » ou « sévère ».

Selon l’OMS le retard intellectuel profond concerne les personnes susceptibles au plus, d’un apprentissage systématique des gestes simples.

22 DALLA PIAZZA S., GODFROID B., La personne polyhandicapée, son évaluation et son suivi, De

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26

La classification Internationale des Handicaps de l’OMS en a fait une entité particulière avec des caractéristiques fonctionnelles, qui correspondent à un quotient intellectuel inférieur à la normale (<40). Ce retard entraîne des conséquences sur les apprentissages suite à :

- Des difficultés de repérage dans le temps et dans l’espace - Des troubles de la communication et de la relation

- Des difficultés mnésiques - Une autonomie limitée - Peu ou pas de langage verbal

- Des loisirs, des capacités scolaires limitées…

2.3 Les troubles sensoriels

Ils concernent principalement l’audition et la vision. On ne peut sous-estimer l’impact de ces troubles sur le développement de la personne polyhandicapée, en particulier lorsque celle-ci connait d’autres déficiences concomitantes.

Parfois, le fait de toucher peut se substituer à la vision, souvent entravée chez les personnes polyhandicapées. En effet, selon E. COURJOU, « Le toucher est le sens de la certitude par

excellence […], lui seul nous fait prendre vraiment conscience de la réalité […], il matérialise les choses qui nous entourent, et il les rend concrètes et réelles »23. Ainsi, quand nous voulons l’assurance qu’un objet ou un être existe, nous le touchons.

2.4 Les troubles associés

Une personne polyhandicapée présente toujours une déficience motrice associée à une déficience mentale, à des degrés plus ou moins graves. Cependant, elle présente également des handicaps associés. C’est le cas notamment de l’épilepsie (touchant 40 à 50% des cas), des troubles respiratoires, somatiques, de la déglutition, du sommeil, de la croissance, des problèmes de déshydratation…

Je choisis ici de parler de deux troubles en particulier qui me semblent importants à évoquer en lien avec mon sujet, et que j’ai eu l’occasion de voir sur mon terrain de stage.

(29)

27 2.4.1 La douleur

La douleur a été définie en 1976 par l’association internationale pour l’étude de la douleur (IASP) comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à

un dommage tissulaire présent ou potentiel, ou décrite en termes d’un tel dommage ».

La personne polyhandicapée est souvent exposée à des stimuli douloureux même si leur seuil douloureux parait plus élevé que chez une personne valide. Ces douleurs ont des origines diverses : lésions dentaires, troubles digestifs, douleurs orthopédiques…

La prise en compte de la douleur est d’autant plus compliquée que ces personnes ne sont pas toujours en capacité de l’exprimer et de se faire comprendre. Or, il s’agit d’un point primordial à considérer dans la prise en soin de ces personnes.

En effet, la douleur peut se révéler être la cause d’une réticence à accepter d’être touché. On ne peut demander à une personne polyhandicapée qui souffre de recevoir et d’accueillir notre toucher de manière positive.

Ainsi, notre toucher peut venir faire écho à un vécu douloureux du corps, à cette mémoire du corps en lien avec les douleurs actuelles. Le corps est le support de douleurs diverses, qui peuvent être vécues et perçues par la personne polyhandicapée comme de véritables agressions. Nous devons particulièrement être vigilants dans notre approche et dans la réceptivité de ces personnes à notre contact, afin que celui-ci ne soit pas vécu comme persécuteur et intrusif, qu’il ne soit pas appréhendé.

2.4.2 Les troubles du comportement

Il arrive que certains sujets polyhandicapés développent des conduites particulières, telles que des stéréotypies. Celles-ci ont aujourd’hui laissé place aux termes « d’autostimulations », voire dans les cas extrêmes, « d’automutilations» : dans ce cas, la structuration sur le plan psychique ne peut avoir lieu qu’au prix de la destruction corporelle. Les autostimulations peuvent se présenter sous la forme de frottements de deux parties du corps, de balancements, de coups et griffures, ou encore de manipulations incessantes d’objets.

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28

Actuellement, l’on pense que ces conduites signent un besoin fondamental de stimulation, de changement, de proximité, de contact.

Selon A. Fröhlich, « Chaque individu, quel qu’il soit, a besoin d’un minimum de stimulation

sensorielle pour construire et conserver une certaine stabilité de l’organisme psychique et physique. Pour éviter de s’appauvrir totalement sur le plan sensoriel, l’individu organise lui-même et pour lui-lui-même des situations stimulantes »24.

Il semble donc que ces comportements représentent non seulement un effort de l’individu pour se procurer des sensations, se stabiliser, mais aussi tout simplement pour se vivre comme une personne autonome à part entière. Ce sont des signaux qui nous informent que le sujet n’a pas encore pu développer une stratégie appropriée pour ses processus d’échange avec l’environnement et son propre corps.

Ainsi, dans notre pratique de psychomotricité, ces conduites doivent nous interpeller, nous devons en penser quelque chose, en faire une interprétation. Chaque élément qui nous est donné à voir par la personne polyhandicapée doit être pensé, et c’est à nous d’en faire un retour.

Lors de mon premier jour de stage, je rencontre Louna pour la première fois, une adolescente porteuse d’un polyhandicap, qui doit être verticalisée. Au moment du transfert, elle se donne de grands coups, des gifles sur le visage. J’apprends alors qu’il s’agit d’un moment toujours compliqué pour elle depuis des années, mais pourtant quotidien. Malgré le temps, elle ne s’y est jamais habituée. J’interprète cela comme un moment tellement compliqué pour Louna qu’elle évacue, décharge par de telles manifestations - parfois impressionnantes-, son excès de tension, de mal-être.

Cependant, il convient de préciser que certaines maladies organiques,

psychopathologiques sont susceptibles d’entraîner des comportements d'auto mutilation et d’auto stimulation comme c’est par exemple le cas dans le syndrome de Rett ou la schizophrénie infantile.

Nous avons donc balayé les différents troubles présents chez la personne polyhandicapée. Nous allons maintenant voir quel rapport au toucher elles peuvent entretenir dans leur vie quotidienne.

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29

3. La place du toucher dans le monde du polyhandicap

3.1 Toucher et état de dépendance

Du fait des différents troubles évoqués précédemment, il en résulte un état de dépendance. Suivant l’ampleur de son handicap, le jeune enfant polyhandicapé ne peut aller explorer l’environnement comme le ferait un tout-petit poussé par sa curiosité dans la période sensori motrice.

Ainsi, la personne polyhandicapée est rarement en capacité de toucher par sa propre volonté, d’aller à la rencontre de son environnement et d’elle-même en comptant sur ses seules capacités. En effet, à cause des rétractions articulaires, de la spasticité des muscles, les personnes polyhandicapées ne touchent leur corps que rarement, voire presque jamais. Leur est-il possible alors d’investir leur corps dans ces conditions ? Nous verrons plus tard de quelle manière le toucher psychomoteur y contribuera.

C’est grâce à l’activité motrice, au toucher, que l’enfant découvre le monde et son propre corps, fait l’expérience d’un monde sécure, alimente ses relations aux autres.

Pour pouvoir agir, toucher quelque chose ou quelqu’un, la personne porteuse d’un polyhandicap a donc besoin d’être accompagnée. De ce fait, les personnes polyhandicapées semblent avoir un rapport au toucher limité qui ne leur permet pas de vivre des expériences structurantes de façon autonome.

Nous pouvons alors nous demander si cet état de dépendance, n’entraine pas chez la personne polyhandicapée un état d’insécurité, de vigilance permanente ?

3.2 Etre touché : un acte quotidien

Nous avons constaté les difficultés éprouvées par les personnes polyhandicapées pour toucher.

Or, dans leur quotidien, elles sont souvent en contact avec des supports différents : le corset-siège de leur fauteuil roulant, leurs appareillages, la table de change, le matelas sur lequel elles dorment.

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Les appareillages sont tellement ancrés dans leur corps, dans leur schéma corporel que lorsqu’on les retire, cela génère parfois de fortes angoisses chez certaines. En effet, cela est ressenti pour elles comme une perte, un contenant qui disparait.

Ainsi, nous constatons que ce ne sont pas les personnes polyhandicapées qui touchent, mais davantage l’environnement, matériel mais aussi humain, qui entre en contact avec elles. En effet, elles sont amenées régulièrement, dans le cadre de leurs soins, à ‘être touchées’, ‘manipulées’. C’est notamment le cas lors des moments de change, de transfert, de repas, qui rythment leur quotidien.

Par conséquent, je me suis interrogée sur un point en particulier : ce toucher reçu d’un tiers ou de leur environnement matériel, leur permet-il de prendre conscience de leur corps dans sa totalité ou seulement partiellement ? Seules les parties du corps quotidiennement touchées existeraient-elles pour les personnes polyhandicapées ?

Il serait alors légitime de penser que ces manques, qui les accompagnent depuis leur naissance et avec lesquels elles sont arrivées à se construire, nécessitent la présence d’un tiers pour leur faire vivre des expériences structurantes. C’est ici que le psychomotricien va trouver sa place dans un accompagnement corps à corps à partir duquel le toucher intervient.

(33)

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III. La place du toucher dans l’accompagnement de la

personne polyhandicapée en psychomotricité

1. La nécessité d’un cadre thérapeutique stable

1.1 Un espace approprié

L’accompagnement d’une personne en psychomotricité implique toujours la nécessité d’instaurer un cadre thérapeutique.

Le cadre en psychomotricité se caractérise par un ensemble de conditions spatiales, temporelles et matérielles, par le choix de la médiation utilisée, et par l’identité professionnelle du psychomotricien. Il constitue un véritable outil de soin.

En effet, par les repères stables qu’il met en place, le cadre assure un espace contenant et sécure, un espace d’expression corporelle, tout en offrant un environnement favorable aux expériences à la fois structurantes et structurées. C’est en cela qu’on le considère comme thérapeutique, à condition qu’il soit investi par le patient.

Selon C. POTEL, « le cadre thérapeutique est ce qui contient une action thérapeutique dans

un lieu, dans un temps, dans une pensée ».25 Nous pouvons ainsi imager le cadre comme une enveloppe qui viendrait contenir le soin lui-même.

Dans l’accompagnement de la personne polyhandicapée, ce cadre doit s’aménager différemment, il doit être pensé efficacement de sorte à ce qu’il réponde le plus à ses besoins. Il s’agit d’instaurer un espace-temps privilégié, au cours duquel la personne polyhandicapée est amenée à aller à la rencontre, à la découverte de son corps pour l’éprouver différemment, à travers diverses propositions sensorielles, qu’elle ne peut pas expérimenter par elle-même habituellement.

Lors des séances, la personne polyhandicapée est « mise à nu », c’est-à-dire sans appareillages (attelles, corsets…), ce qui lui redonne l’image originelle de son corps sans suppléance.

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De plus, la personne polyhandicapée est mise au sol, hors de son fauteuil, de son corset-siège, ce qui lui offre davantage une certaine liberté de mouvements.

Mais n’est-ce pas là aussi un moyen de différencier l’appareillage de la personne, l’objet du sujet, dans ce temps conçu pour « être ensemble » ?

1.2 Les qualités du psychomotricien

Comme nous l’avons vu précédemment, le cadre thérapeutique ne dépend pas que de conditions matérielles mais aussi de la personnalité du psychomotricien, notamment son implication avec le patient. Dans le milieu du polyhandicap, où le langage verbal n’existe pas et la communication est parfois difficile à établir, il s’agit d’être attentif aux moindres manifestations corporelles de la personne polyhandicapée.

Pour cela, le psychomotricien doit se montrer disponible, prendre le temps, être à l’écoute de l’Autre et de ses besoins, tout en lui laissant l’opportunité d’exprimer ses choix, ses attentes, ses désirs.

Cependant, encore faut-il ressentir du plaisir avant de susciter du « désir de »; C’est pourquoi il est de notre rôle en tant que psychomotricien de permettre au sujet polyhandicapé d’éprouver dans son corps une dimension de plaisir, dont on connait la fonction structurante, tout en le mettant dans une situation de confort et de sécurité, tant physique qu’affective. Ainsi, l’espace aménagé particulièrement pour la personne polyhandicapée lui permet de s’exprimer corporellement et d’émettre un désir que le psychomotricien va pouvoir entendre, comprendre, ressentir, et même aider à se réaliser. Ce désir de faire peut être entendu comme un moyen de s’émanciper, d’être acteur de sa vie et de son développement.

Par ailleurs, le psychomotricien doit être vigilant au rythme de la personne polyhandicapée et le respecter. En effet, l’un des défauts que l’on peut avoir est de vouloir toujours proposer une activité, or, un moment de « vide » peut s’avérer également bénéfique, sinon plus, car la personne dans ces moments-là, peut se réapproprier ce qu’elle vient de vivre, cela l’aide à s’individualiser, à se ressourcer, à symboliser.

Le cadre thérapeutique ainsi que l’attitude du psychomotricien semblent donc essentiels pour permettre à la personne polyhandicapée de se sentir en sécurité, afin de l’inscrire dans une perspective d’épanouissement, de « libération ».

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33

N’oublions pas que le confort physique mais aussi psychique et relationnel de la personne polyhandicapée constitue les fondations leur permettant de développer un niveau d’appétence au monde et à l’environnement nécessaire à leur évolution.

2. Etre en lien par le toucher : l’expression d’un partage

La rencontre avec une personne polyhandicapée ne va pas de soi, en effet l’accès au langage verbal étant absent ou très restreint, la gestuelle limitée, comment communiquer ? Comment peut-on échanger, comprendre et se faire comprendre ? Au final, comment se rencontrer autrement ? En effet, nos repères habituels, les codes de communication que nous utilisons de manière ordinaire ne s’avèrent plus suffisants. Il nous faut aller chercher ailleurs afin de permettre l’aménagement d’une rencontre.

2.1 Le corps, un espace de rencontre

Qu’entendons-nous au juste par « rencontre » ? Par définition, la rencontre désigne le fait de se trouver en présence d’une autre personne. Ainsi, nous pouvons penser qu’être en présence, c’est d’ores et déjà quelque part, être en relation.

Or, si nous rappelons la citation de J. De AJURIAGUERRA « Notre corps n’est rien sans le

corps de l’autre, complice de son existence »26, il apparait clairement que le corps s’exprime,

apparait dans la relation.

En effet, si l’on prend l’exemple du nourrisson au début de sa vie, son corps est complètement en fusion, en symbiose avec celui de sa mère. Il n’y a pas encore de différenciation entre son corps et celui de l’autre.

C’est grâce à la relation avec sa mère, à son corps touché et entouré par elle, à son corps raconté, qu’il pourra être en mesure de se sentir un, comme un individu à part entière. Le corps constitue donc un lieu archaïque mais privilégié de relation, d’échange.

26 JOLY F, « Le bébé psychomoteur Julian de Ajuriaguerra et la conception psychomotrice du

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