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L'évolution de la cour urbaine : une histoire d'hommes, une histoire d'architecture

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L’évolution de la cour urbaine : une histoire d’hommes,

une histoire d’architecture

Jérémy Bourgault

To cite this version:

Jérémy Bourgault. L’évolution de la cour urbaine : une histoire d’hommes, une histoire d’architecture. Architecture, aménagement de l’espace. 2016. �dumas-01388862�

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MÉMOIRE DE MASTER, ENSA NANTES, JUIN 2016

L’

ÉVOLUTION

DE

LA

COUR

URBAINE

UNE

HISTOIRE

D

HOMMES

,

UNE

HISTOIRE

D

ARCHITECTURE

JÉRÉMY BOURGAULT

VIRGINIE MEUNIER / CHRISTIAN MARENNE

DE2 CULTURESCONSTRUCTIVESET STRATÉGIESDEPROJET

BIEN VIVRE: MILIEU, ARCHITECTURE, MATIÈRE

ECOLE

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OMMAIRE

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I

NTRODUCTION

M

ÉTHODOLOGIE

I – L

A

COUR

,

HISTOIRE

D

UNE

FORME

ARCHITECTURALE

MAJEURE

ET

DE

SA

RELÉGATION

1 – Un rôle urbain capital de l’Antiquité à la période pré-haussmannienne

I – ANTIQUITÉ : INTÉGRATIONDUMODÈLE RURALDELA COURDANS L’ARCHITECTUREURBAINE

II – MOYEN ÂGEET RENAISSANCE : DENSIFICATIONDESVILLESET ÉVOLUTIONS DELA COURPOURACCROÎTRESON RÔLESOCIO- ÉCONOMIQUEOU POLITIQUE

III – LAPÉRIODECLASSIQUE : LA COURINTÉRIEURE COMME OUTIL DERELÉGATION SOCIALE DANSLA HIÉRARCHISATIONDES ESPACES URBAINS

2 – La ségrégation et la rationalisation de la cour dans l’urbanité du XIXème

I – RIGIDIFICATION ARCHITECTURALE, SPÉCULATIONIMMOBILIÈREET ATROPHIE DESCOURS

II – HAUSSMANNET LAVOLONTÉDECONTRÔLE DES USAGESET DES PRATIQUES SOCIALES

3 – Expérimentations multiples autour de la cour puis refonte des principes urbains par le modernisme

I – L’HYGIÉNISME, LESOCIALISME ETLAMULTIPLICATION DES NOUVEAUX MODÈLES URBAINS

II – LE CORBUSIER ET L’ABOLITION DELA RELATIONTOPOLOGIQUE RUE/COUR 9 15 19 21 23 29 35 41 43 49 57 59 67

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II – L

A

COURS

NÉOCLASSIQUE

NANTAISE

,

UN

ÉLEMENT

URBAIN

À

L

ABANDON

1 – La cour dans nos rapports au voisinage et à l’intimité

I – L’ÉVOLUTION DESNOTIONS DE CONFORTETD’INTIMITÉDANS L’APRÈS-GUERRE

II – L’HOMMEBLASÉ ETLE REJETDELAPROMISCUITÉ DANSLA COUR

2 – L’indifférence de la société actuelle à l’égard de la cour

I – L’INCOMPATIBILITÉ DU PRINCIPEURBAINET DES CARACTÉRIS-TIQUES ARCHITECTURALESDELA COURNÉOCLASSIQUE AVEC LES EXIGENCES ACTUELLES

II – UNSTATUT SOCIAL-CULTUREL ET POLITIQUEACTUELLEMENT AMBIGU QUIINHIBE LESPRATIQUES DELACOUR

3 – Gentrification et recherche du bien vivre, une tendance à reconsidérer la cour

I – UN PATRIMOINEARCHITECTURAL RESTAURÉMAIS SANSVOLONTÉ DE REDYNAMISER

II – DES INITIATIVESDISCRÈTES POURAMÉLIORERLE CONFORTDES OCCUPANTS ET L’AMBIANCE DELA COUR

III – L

A

PLACE

DE

LA

COUR

INTÉRIEURE

DANS

LA

PÉRIODE

ACTUELLE

DE

REMISE

EN

QUESTION

DES

PRATIQUES

URBAINES

1 – Les redécouvertes de la cour dans l’architecture contemporaine

I – UNE VISIONPOÉTIQUE DELACOUR INTÉRIEURE ENCOHÉRENCE AVEC L’HISTOIREURBAINE

II – UNECONCEPTION DELA COURINTÉRIEURE PORTÉE SURLES ENJEUX SOCIAUX DEL’HABITAT

2 – Les cours et profondeurs historiques réinvesties dans certaines villes contempo-raines

I – DESVILLESÀ L’URBANITÉENCORE OUVERTE AUXPROFONDEURS DE LEURTISSU

II – LES LIMITESDE LARÉINTÉGRATIONDELA COURSHISTORIQUEÀ L’URBANITÉCONTEMPORAINE 73 75 77 83 89 91 97 103 105 111 117 119 121 127 133 135 141

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3 – Les cours intérieures nantaise actrices de l’avenir de la ville

I – LESLEÇONSÀ RETENIR DESVILLES AYANTRÉINVESTI LEURS PROFONDEURS HISTORIQUES

II - LES GRANDES TENDANCESURBAINES ET LESOBJECTIFS DE LA MÉTROPOLENANTAISE

III – LERÔLE DESCOURS INTÉRIEURESDANSL’ÉVOLUTIONDU CENTRE-VILLE NANTAIS

C

ONCLUSION

A

NNEXE

:

FICHES

D

IDENTITÉ

DE

QUELQUES

COURS

NANTAISES

VISITÉES

R

EMERCIEMENTS

B

IBLIOGRAPHIE

147 149 153 157 165 173 207 211

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La cour intérieure fait son apparition dans les civilisations urbaines du bassin méditerra-néen dès le début de l’Antiquité. Elle est héritée de l’architecture rurale vernaculaire et fait depuis figure de constante dans l’organisation des villes occidentales. Antérieure à la forme de la rue qui apparaît plus tardivement avec l’essor du commerce, elle constitue un pilier essentiel dans nos modes de vie urbains historiques. Le modèle des médinas dans l’urbanité traditionnelle arabe a su conserver ce rôle prépondérant des cours intérieures dans le dessin des villes et les modes vies. Au cours de la période classique, l’accent mis sur la hiérarchisation entre espaces publics et privés promeut l’importance des rues et des façades extérieures. Les cours vont changer de statut pour devenir des espaces tampons entre l’habitat et la ville. Des usages riches et spécifiques, réminiscence du Moyen -Âge, s’y maintiennent et nourrissent l’imaginaire dans une société de plus en plus rationnelle. La sociabilité fantasmée de Baudelaire, c’est celle des cours intérieures de nos villes classiques, la même qui sera ensuite dénoncée par les hygiénistes et progressivement éradiquée de l’architecture urbaine. Après un siècle de modernité, notre société semble avoir perdu la conscience de ces espaces. Jusqu’au XIXème siècle, les cours intérieures bien que cachées de la vue des passants n’étaient pas pour autant des espaces inexploités. Elles constituaient, au contraire, un entre-deux vital caractérisé par des gestes, des parcours, des usages, des sens et une mémoire propres (Pratique de l’espace au sens de Henri Lefebvre dans La Révolution urbaine, ensemble des manifestations de l’appropriation d’un lieu déterminée par sa configuration spatiale ou l’habitus). Aujourd’hui, sous les effets combinés

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de leurs dégradations et de l’évolution de nos modes de vie, ces pratiques sociales si particu-lières semblent avoir été oubliées. Avec le même cynisme qui a mené à leur atrophie dans l’architecture des immeubles de rapport de la fin du XIXème siècle, nous tendons à résumer les cours à de simples conduits de lumière, de circulation et d’aération. Par un curieux proces-sus d’invisibilisation, le potentiel architectural, social et pratique des cours intérieures s’est estompé de la conscience des autorités et des habitants eux-mêmes. Soit délaissées, soit muséifiées à l’extrême, comme désormais les Traboules de Lyon, elles véhiculent encore le souvenir d’un autre temps alimenté par les œuvres de Victor Hugo, Baudelaire ou Zola. Leur délabrement, leur inaccessibilité et la proximité, de nos jours inhabituelle, engendrée entre les habitants attisent encore les curiosités. Mais une redynamisation ou un véritable investissement de ces espaces n’est, dans la plupart des cas, jamais envisagé. Pourtant les réflexions sur de nouvelles formes d’urbanités soulèvent la question de ces espaces interstitiels inexploités mais potentiellement source de richesses et de rapprochement social. La revitalisation des cours intérieures prendrait en effet tout son sens dans notre contexte de remise en question d’un système socio-économique hérité du XXème siècle.

P

EUT

-

ON

PENSER

L

HISTOIRE

DE

LA

COUR

INTÉRIEURE

COMME

LE

RÉSULTAT

CROISÉ

DES

ÉVOLUTIONS

SOCIALES

ET

ARCHITECTURALES

DANS

NOTRE

CONTEXTE

URBAIN

?

Telle est la question qui survient lorsqu’on se penche sur les importants changements de notre rapport à l’intimité, à la famille, au voisinage, à l’architecture, à la ville ou à l’économie. Ces mutations semblent avoir soustrait à la cour intérieure, en l’espace d’un siècle, ses usages et son rôle social pourtant centraux. La question soulevée dépend évidem-ment d’un cadre culturel, spatial et temporel très

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précis. Malgré le phénomène de mondialisation et d’interconnexion de notre société, on ne peut négliger que les modes de vie et la pratique quotidienne de l’architecture varient encore énormément d’une région à une autre, voire d’un quartier à un autre. Pour cette étude, je me focaliserai donc sur le contexte français, et plus précisément sur l’exemple des secteurs Decré -Cathédrale et Graslin-Commerce à Nantes (selon la carte des micro-quartiers nantais dressée par l’INSEE dans son rapport du 15 octobre 2015). Ce quartier constitue le cœur néoclassique de la ville, façonné au XVIIIème et XIXème siècles par Jean-Baptiste Ceineray et Mathurin Crucy. Le centre-ville nantais, tel que nous le pratiquons aujourd’hui, apparaît ainsi comme un espace à l’organisation simple et élégante que les habitants peuvent s’approprier en peu de temps. Mais cet urbanisme d’une apparente clarté cache en réalité une complexité spatiale qu’on envisage à peine. Masquées par les façades néoclassiques et imperceptibles aussi bien sur les plans d’alignement de l’époque que sur nos logiciels d’imagerie satellite actuels, les cours intérieures se déploient à l’insu de tous pour contribuer à l’impressionnante richesse spatiale du tissu urbain nantais.

A travers l’analyse de cinq cours néoclas-siques choisies pour leur pertinence à l’égard des problématiques abordées, je dresserai un tableau, forcément réducteur, de la place qu’occupent les cours intérieures dans la sociabilité du Centre-ville nantais. La comparai-son avec d’autres profondeurs urbaines mieux réadaptées à leur contexte socio -culturel et architectural mènera à la mise en avant de pistes pour l’avenir de nos cours intérieures. Nantes affiche actuellement la volonté de s’inscrire dans la mouvance vers une urbanité plus durable. Pour les cours du Centre-ville c’est l’opportunité de valoriser leur potentiel social et architectural et de devenir des acteurs majeurs de cette mutation urbaine. Leurs espaces permettraient, pour exemple, de recréer une cohésion sociale locale autour de projets culturels, environnementaux ou d’économie participative.

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De nombreuses études ont été menées sur les cours intérieures dans le contexte parisien. Il semble en revanche que la transposition à Nantes n’ait encore jamais été pensée. Bien que le remaniement du centre -ville nantais soit plus ancien, on peut supposer que les évolutions sociales et urbaines à l’œuvre à Nantes au cours du XIXème et XXème siècle sont comparables à celles qui ont lieu à Paris à la même période. En m’appuyant sur des recherches bibliographiques sur les cours parisiennes et l’urbanisation nantaise, je vais m’appliquer à élucider l’histoire de la cour intérieure à Nantes.

Ces recherches s’accompagneront de visites de cours intérieures du centre -ville néoclassique de Nantes. Cinq des cours intérieures explorées seront retenues pour faire l’objet d’une étude détaillée. Elles présenteront des caractéristiques d’ambiance et d’architecture ou des usages particuliers qui me permettront d’interroger les conclusions tirées de mes recherches bibliogra-phiques. L’étude se limitera à des cours datant du XVIIIème ou XIXème siècle dont l’accès n’est pas entravé par une forme d’appropriation spatiale individuelle. Elles devront par ailleurs présenter un rapport entre largeur au sol et hauteur des façades suffisant pour y développer des usages autres qu’un simple passage. Ce critère permet d’éliminer d’office les courettes qui dès leur conception au XIXème siècle ont été pensées comme puit d’aération pour des immeubles de rapport. Ces études rendront compte de l’architecture et de l’ambiance du lieu par des photographies et des analyses tech-niques. Des entretiens sociologiques avec des habitants donnant sur la cour ainsi que des relevés d’usage suivant les temporalités journalières et saisonnières permettront de

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dresser le lien entre la pratique et les caractéris-tiques intrinsèques des cours étudiées.

Référence sera également faite dans certaines parties du développement, de façon plus succincte, à d’autres cours visitées mais à l’analyse moins poussée. Pour celles -ci je ne fournirai que la localisation et une photo étayant le propos qu’accompagne la référence.

A terme, ces investigations permettront de montrer que, à Nantes également, une forme de prise de conscience de l’importance de la cour dans les usages quotidiens se propage. Ces études de terrain seront mises en relation avec d’autres visites analytiques dans des espaces comparables mais mieux intégrés à nos modes de vie actuels. Ces espaces seront choisis dans un contexte où la sociabilité est comparable à celle du centre néoclassique de Nantes, par exemple dans le centre historique de Lyon, dans le Marais à Paris ou dans le quartier Madeleine Champ de Mars à Nantes.

Enfin, la partie prospective en conclusion sera plus personnelle mais s’appuiera sur des articles d’architecture récents traitant la question des villes durables.

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I – L

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COUR

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HISTOIRE

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UNE

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ARCHITECTURALE

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I.1 – U

N

RÔLE

URBAIN

CAPITAL

DE

L

’A

NTIQUITÉ

À

LA

PÉRIODE

PRÉ

-

HAUSSMANNIENNE

Antérieure même à la notion de ville, la cour est une constante dans l’architecture et la sociabilité des villes européennes de l’Antiquité à la période pré-haussmannienne. Qu’elle soit un élément architectural central comme dans la villa romaine, le fruit d’une urbanisation chaotique comme au Moyen-Âge ou un outil de pouvoir comme dans les palais italiens, elle a toujours su conserver sa qualité d’entre -deux crucial entre l’espace public et la sphère intime.

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I.1.

I

- A

NTIQUITÉ

:

INTÉGRATION

DU

MODÈLE

RURAL

DE

LA

COUR

DANS

L

ARCHITECTURE

URBAINE

L’origine de l’apparition de la cour dans l’architecture antique classique est assez floue. L’étymologie permet toutefois d’éclaircir les premiers pans de son histoire. Le mot cour vient du bas latin curtis dérivé lui-même du latin

cohors signifiant « jardin clos ». Selon le Thesau-rus linguae latinae , le mot cohors est lié aux

notions d’espace au sol ( area), d’enceinte (saeptum) et de séjour (stabulum). Ces trois critères délimitent avec clarté la définition que conservera la cour tout au long de notre histoire urbaine.1 Le seul traité d’architecture de l’époque

romaine à nous être parvenu est celui de Vitruve. L’écrivain y mentionne la cohors pour désigner la basse-cour de l’architecture rurale traditionnelle. Il s’agit d’un espace clos, cerné pas les corps de ferme et des murs protecteurs permettant de maintenir le bétail et le matériel agricole en sécurité. Les basses -cours romaines tradition-nelles ne sont pas codifiées par des règles de compositions architecturales précises. Il s’agit plutôt d’un enchaînement fluide d’espaces résiduels. Leurs usages s’organisent spontané-ment, les animaux y circulent librespontané-ment, l’été on y mange à l’air libre. Leurs volumétries résultent de la disposition des bâtiments accueillant la vie domestique quotidienne. De ce fait, à cette période, la cour constitue encore un espace en creux, externe à la vie privée et aux échanges

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sociaux. Son investissement reste ponctuel.2

Mais Vitruve dans son Livre VI Au sujet de

l’Architecture fait état de l’existence d’une forme

urbaine de cours liée aux demeures aristocra-tiques. Celles-ci se distinguent des habitations plus modestes par la présence en leur sein de plusieurs pièces à ciel ouvert. Ces espaces possèdent tous un nom, un rôle et une position bien précis dans l’organisation spatiale et hiérarchique de la domus romana. De forme carré ou rectangulaire, ils s’inscrivent dans la trame régulière et symétrique des domus classiques et se succèdent pour guider la pénétration jusqu’au cœur de l’habitation. Selon leur position et leurs dimensions, ces espaces revêtent ainsi différents degrés d’intimité ou de publicité. Leur enchaîne-ment longitudinal, beaucoup plus ordonnancé que dans la cohors rurale, accentue les perspectives depuis l’entrée grâce à des jeux d’ouvertures. La maison à atrium dont l’existence est attestée depuis le IIIème siècle av.J.C., ne présente qu’un unique espace central à ciel ouvert qui sert d’espace d’accueil mais également de source d’éclairement et d’aération pour les pièces qui s’articulent autour. L’ atrium est le lieu de la vie de famille, des échanges sociaux et commerciaux avec l’extérieur, le maître de maison y travaille et y reçoit ses invités. Le lien entre la rue et l’atrium est assuré par un vestibule ( cavaedium) et de petites boutiques ouvertes à la fois sur la rue et sur la cour. A droite et à gauche de l’atrium se trouvent les chambres des enfants et des domestiques. La chambre nuptiale ( tablinium) fait le lien vers le potager ( hortus) et sert également de salle à manger.

Dans cette configuration, la cour n’est pas encore l’espace semi-public qu’elle deviendra par la suite, mais bien un espace à la fois privé et public. On y trouve, en effet, à la fois des pratiques liées à la vie domestique intime (dormir, cuisiner, manger, se laver) comme des pratiques typiquement publiques (accueillir, débattre, travailler, commercer).3 Cette

particula-rité est à mettre en lien avec le statut de personnage public du maître de maison aristocra-tique. On retrouve un effacement similaire de la

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DOMUSÀATRIUM ETDOMUS ÀATRIUMET PERISTYLIUM, RESTITUTIONS D'APRÈS FOUILLESARCHÉOLOGIQUES ACTUELLES, DANS PIERRE GROS,

VITRUVIO, DE ARCHITECTURA, TURIN, 1987

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distinction privé-public à partir du Moyen -Âge à la cour des rois dont l’intimité devient outil politique. L’atrium et le peristylium de la domus

romana permettent ainsi de gérer les liens et les

hiérarchies très complexes entre les maîtres, la famille, les serviteurs et les visiteurs dans la maison.4

Ultérieurement, au Ier siècle ap.J.C., cette distribution primitive se complexifie : le potager devient un jardin orné de colonnades appelé

peristylium. Le triclinium, nouvelle salle de repas,

et l’exedra, pièce d’apparat incluse dans le

peristylium, font leur apparition dans

l’architec-ture classique.5

Formellement, ces espaces à ciel ouvert ne semblent plus rien avoir en commun avec la

cohors traditionnelle. Pourtant, dans le fond, leur

architecture revendique un désir de retour à la vie rurale. De nombreux philosophes de la période républicaine et impériale romaine tels que Horace, Lucrèce ou Virgile, soulignent l’importance des valeurs de la campagne dans la pensée urbaine des citadins romains. L’ Otium, l’idée de retraite dans la nature, le retour à la vie champêtre pour réfléchir sur l’homme et le sens de sa vie, tient une grande importance dans le rythme de vie des aristocrates. En intégrant une portion de nature idéalisée, la demeure veut offrir un lieu de sérénité et de méditation à l’abri du chaos et des tensions sociales de la métro-pole. Les cours intérieures, dans la domus

romana, forment ainsi un monde protégé

parallèle, enclavé dans la frénésie du dehors. Depuis cette période, la cour prend une dimen-sion poétique et symbolique forte. Elle devient un lieu de retrait par rapport à l’espace public dans lequel un autre rythme de vie peut se dévelop-per.6

De par cette typologie extrêmement codifiée, la cour va devenir la trame de base de la ville romaine. A l’exception de quelques bâtiments, places publics et axes majeurs, la rue n’est qu’un espace interstitiel de passage entre des îlots centripètes.

Ce tissu urbain extrêmement dense, permis

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RÉINTERPRÉTATION DEL'ATRIUM DELADOMUS ROMANA PAR TONY G AR-NIERDANS UNE CITÉ INDUSTRIELLE : ÉTUDE POUR LA CONSTRUCTION

DES VILLES, 1917

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par les cours intérieures apportant l’espace, l’air et la lumière nécessaire aux habitations, est récurrent dans de nombreuses villes antiques. Pour des raisons défensives ou de protection contre la chaleur, l’espace public dans la ville va être relégué en périphérie d’îlot de bâtiments coagulés autour de cours. On peut citer les premières villes égyptiennes comme Dheir él -Medineh ou encore des cités gallo -romaines comme l’oppidum d’Entremont. Cette organisation va donner naissance à un quadrillage caractéris-tique de la plupart des villes des ancaractéris-tiques.

1 CRISTIANA MAZZONI, « UN RETOUR AUX SOURCES : … », LES COURS DE LA RENAISSANCE ITALIENNES AU PARIS D’AUJOURD’HUI, PARIS, 2007, P.22

2 « CITÉ », THESAURUS LINGUAE LATINAE, LEIPZIG

3 CRISTIANA MAZZONI, « UN RETOUR AUX SOURCES : … », LES COURS DE LA RENAISSANCE ITALIENNES AU PARIS D’AUJOURD’HUI, PARIS, 2007, P.25

4 VITRUVE, DE ARCHITECTURA, LIVRE VI

5 JAMES S. ACKERMAN, LA VILLA : DE LA ROME ANTIQUE À LE CORBUSIER, PRINCETON UNIVERSITY PRESS, 1990, TRAD. 1997 6 JEAN-MARIE ANDRÉ, L’OTIUM DANS LA VIE MORALE ET INTELLEC-TUELLE DES ORIGINES À L’ÉPOQUE AUGUSTÉENNE, PRESSES UNIVERSITAIRESDE FRANCE, 1966, 576 P.

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I.1.

II

- M

OYEN

Â

GE

ET

R

ENAISSANCE

:

DENSIFICATION

DES

VILLES

ET

ÉVOLUTIONS

DE

LA

COUR

POUR

ACCROÎTRE

SON

RÔLE

SOCIO

-

ÉCONOMIQUE

OU

POLITIQUE

Dans son Précis des leçons d’architecture

données à l’Ecole royale polytechnique , Jean

Nicolas Louis présente les « diverses dispositions d’édifices particuliers ». Il explique que l’implan-tation dans un tissu urbain d’un bâtiment sur sa parcelle ne peut suivre que deux logiques distinctes. Il peut être implanté soit à l’alignement de la rue soit en retrait par rapport à celle -ci. Dans les deux cas, le bâtiment se mettra en relation avec les espaces à ciel ouvert de sa parcelle. Ces espaces se font appeler cours ou jardins selon le contexte et le traitement. Lors de l’extension ou de la densification spontanée d’une ville, les cours apparaissent donc de façon mécanique à chaque fois qu’une parcelle est bâtie. C’est précisément le mécanisme à l’œuvre dans les villes du Moyen-Âge.1

La ville médiévale occidentale s’organise sans règlementations autour de quelques principes simples. L’hégémonie absolue du pouvoir religieux pousse à une organisation centripète de la ville autour de son noyau spirituel. L’église ou la cathédrale se trouve systématiquement en son centre pour assurer la proximité entre la société et le divin. L’insécurité engendrée par le système féodal reposant sur les conquêtes militaires conduit les villes à se fortifier. L’espace urbain devient un espace

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confiné, son extension spatiale est compromise pour des raisons de sécurité. Ainsi la ville est condamnée à se construire et à se reconstruire en permanence sur elle-même, menant à des densités considérables. Les habitations d’abord construites librement dans l’enceinte de la ville finissent par se coller pour former des voies de circulation. Puis, en quête de nouveaux espaces constructibles, l’espace public va se céder au privé. Les nouvelles maisons se construisent devant les anciennes, étrécissant les rues existantes. Des espaces à ciel ouvert résiduels entre les strates successives de constructions apparaissent. Ils ne servent initialement qu’à apporter l’air et la lumière nécessaire aux habitations, mais ils vont rapidement se voir affubler de fonctions pratiques et sociales essentielles. Du fait de la densification de la ville médiévale, l’utilisation de l’espace doit être optimisée, chaque lieu revêt un rôle précis dans l’organisation du quotidien.

Le commerce va prendre une importance croissante durant le Moyen -Âge. Les espaces de circulations s’encombrent de commerçants et d’artisans. Les rues étroites entre les habitations deviennent des lieux d’extrême publicité. L’intimité de la vie privée est refoulée aussi loin que possible dans les maisons et l’espace public se fraye progressivement un chemin en profon-deur dans la parcelle. L’habitation urbaine populaire se compose le plus souvent de deux corps dont l’organisation s’inspire de la ferme médiévale. Le premier bâtiment, pignon -sur-rue, accueille le lieu de travail ainsi qu’un grenier progressivement remplacé par une chambre. L’écurie et l’espace intime se trouve dans le second bâtiment. La cour, espace résiduel à ciel ouvert au centre de la parcelle, doit alors assurer la médiation entre le chaos de la vie commerciale et l’espace privé.2

A la fin du Moyen-Âge, la demeure aristocra-tique féodale qui se trouvait historiquement à l’écart des villes en France va réintégrer le contexte urbain. Contrairement aux habitations des commerçants, artisans et petits bourgeois qui recherchent une certaine proximité à la rue pour

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TYPOLOGIESDE MAISONSPARISIENNES DU MOYEN-ÂGE AU XVIÈME SIÈCLE, LISE MARYZE, TPFE LES COURS INTÉRIE²URES : ESPACES UR-BAINS, ESPACES CACHÉS, ENSA NANTES, 1992, EDITEURSCIENTIFIQUE

MARIE-PAULE HALGAND

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leur travail, la demeure aristocratique va arborer une cour principale permettant de se mettre à distance de l’espace public. Ce dispositif sert ainsi à ériger une séparation physique et sociale entre le maître des lieux et le peuple. Pour autant ces espaces, hérités des basses -cours féodales, sont loin d’être déserts : toute la journée, domestiques, amis, clients ou indigents entrent et sortent en un flux continu. Là encore, la cour prend une fonction d’espace tampon permettant de réguler l’interaction entre l’intérieur et l’extérieur de la demeure. Plus tard, la cour principale va s’ornementer pour devenir un espace d’apparat. L’époque précédant la Renaissance est marquée par une concurrence croissante entre les pouvoirs politiques, écono-miques et religieux. Par émulation, le style médiéval austère laisse la place à des démons-trations ostensibles de richesse, celles -ci se traduisent notamment dans la cour principale qui devient un prolongement extérieure du faste des hôtels particuliers. Progressivement le rôle ornemental et symbolique de la cour va prendre le pas sur sa fonction de régulation des échanges sociaux entre la rue et la demeure. La cour, chez les aristocrates et riches notables de la Renais-sance, se détache de la rue. L’espace tampon entame sa mutation vers un microcosme théâtralisé dans lequel s’organise le pouvoir.

L’Italie de la Renaissance, contrairement aux monarchies française ou espagnole, se présente sous la forme d’une multitude de Cités Etats dirigés par les grandes familles de l’aristocratie mercantile. Dans ce contexte, le pouvoir se construit autour d’une société courtisane extrêmement ritualisée et hiérarchi-sée. Les palais italiens deviennent littéralement le théâtre de cette organisation sociale et politique complexe. Leur architecture va chercher à mettre en scène la vie courtisane. Par métony-mie et analogie socio-spatiale, la cour des palais italien devient le cœur et le symbole de cette organisation sociale. Tout est fait pour magnifier la puissance du maître des lieux et intimider l’invité. Les points de fuite, les illusions de perspectives et les ornementations construisent

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HÔTEL FALCONY, JEAN ANDROUETDU CERCEAUARCHITECTE, 1640, DANS JEAN MAROT, L'ARCHITECTURE FRANÇAISE, PARIS, 1727

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une véritable scénographie destinée à stabiliser le pouvoir en place.3

Plus tardivement, la monarchie française va s’emparer du système courtisan issu de la Renaissance italienne. Son ampleur atteint évidemment son paroxysme sous le règne de Louis XIV à Versailles, où la société de cour réunit quasiment toute la noblesse du pays. La notion d’espace semi-public y est totalement absente. La cour, dématérialisée, devient un entre-soi à la fois public et privé. Une nouvelle société avec ses rites, codes et hiérarchies propres se crée dans un huis-clos à l’écart de la réalité économique et sociale du pays. L’exemple, connu, mais frappant des ablutions publiques du roi résume parfaitement les usages de la société de cour. En fin de compte, la cour perd ici sa fonction première et principale. L’effacement de la frontière entre publicité et intimité annule la notion de vivre et d’habiter au profit d’une mise en scène absolue et permanente du pouvoir.

1 JEAN NICOLAS LOUIS DURAND, PRÉCIS DES LEÇONS D’ARCHITECTURE DONNÉES À L’ECOLE ROYALE POLYTECHNIQUE, PARIS, 1817-1819, TOME II, PL. 21

2 CRISTIANA MAZZONI, « A LA FIN DU MOYEN-ÂGE : UN ESPACE POLYCENTRIQUE À LA GÉOMÉTRIE IRRÉGULIÈRE», LES COURS DE LA RENAISSANCE ITALIENNES AU PARIS D’AUJOURD’HUI, PARIS, 2007, P.30

3 CRISTIANA MAZZONI, « LA COUR-THÉATRE DE LA RENAISSANCE ITALIENNE… », LES COURS DE LA RENAISSANCE ITALIENNES AU PARIS

D’AUJOURD’HUI, PARIS, 2007, P.34

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I.1.

III

- L

A

PÉRIODE

CLASSIQUE

:

LA

COUR

INTÉRIEURE

COMME

OUTIL

DE

RELÉGATION

SOCIALE

DANS

LA

HIÉRARCHISATION

DES

ESPACES

URBAINS

Au XVIIème siècle, la ville médiévale atteint dans sa croissance les limites de sa viabilité. Les rues étroites empêchent la lumière de pénétrer dans la ville et les habitations. La notion de salubrité fait son apparition à ce moment. Les constructions en pan de bois et à débord facilitent la propagation des incendies qui se multiplient. La construction incontrôlée au -dessus et en-dessous de la chaussée rend la circulation dangereuse et difficile.

La centralisation du pouvoir monarchique organisée par Richelieu puis Mazarin va dépasser le cadre de la politique pour venir polariser la vie quotidienne, l’économie, l’art et de fait l’agence-ment des villes. Inspirés de la ville antique et des réalisations d’architectes tels que Louis Le Vau, Jules Hardouin-Mansart ou François II d’Orbay, des plans d’alignement vont remanier l’image des villes. L’objectif est d’apporter de la régularité, de la sécurité et de la salubrité dans le tissu urbain. La construction en bois est prohibée. Les immeubles doivent être construits « à plomb et à

la ligne » afin de lutter contre l’encombrement

des rues et de faciliter la circulation.1 L’idée sous

-jacente est également de magnifier les lieux de pouvoir en les reliant visuellement entre eux, de créer des espaces d’apparat pour mettre en scène l’omniprésence du pouvoir monarchique.

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L’édit de 1607 est le premier texte à établir des réglementations d’urbanisme pour l’ensemble du royaume. Son objectif est de redresser le tracé des rues et de poursuivre leur élargissement en obligeant l’alignement lors des reconstructions. Toutefois les habitants sont réticents à se plier aux nouvelles réglementations. A Nantes, il faut attendre le début du XVIIIème siècle et le renforcement des interdictions pour que de nouvelles typologies de rues et d’îlots voient le jour.2

En 1719, l’ingénieur Jacques Goubert remplace la pêcherie de l’Île Feydeau à Nantes par un nouveau lotissement respectant les réglementations urbaines classiques. Il réunit les vingt-quatre parcelles en quatre grands îlots séparés par deux larges rues perpendiculaires. Les façades sont parfaitement alignées et ne présentent pas de débords. Seules leurs ornementations permettent de distinguer un lot d’un autre. Les hauteurs sous -plafonds varient à chaque étage et traduisent une hiérarchisation sociale au sein de l’immeuble. Les bourgeois aisés occupent les deux premiers étages, les suivants offrent des logements de moindre rang social, les combles étant dédiés aux domes-tiques. Cette mixité sociale dans des îlots d’une telle ampleur est une chose innovante à cette époque. Compte tenu de l’étroitesse des parcelles traversantes, Goubert fait le choix de mutualiser les cours intérieures entre deux parcelles afin de gagner de l’espace et garantir leur salubrité. Les cours de l’Île Feydeau sont par conséquents plus spacieuses et plus lumineuses que les cours d’habitations médiévales.3 En

revanche, elles perdent en intimité en raison du nombre accrue d’habitants qui la partagent. Par souci d’économie et en l’absence de réglementa-tions concernant les cœurs d’îlots, l’architecture, la matérialité et l’ornementation de la cour est négligée au profit de la rue. La multiplication des cages d’escaliers, marquant le début de la fragmentation de la vie quotidienne, participent à la perte d’identité de la cour. Tous les habitants ne se fréquentent pas, la discrimination sociale implique un rejet de la cour de la part des

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PERSPECTIVEDU LOTISSEMENT DEL’ÎLE FEYDEAU, VÉRONIQUE HÉRAULT, TPFE CÔTÉ COUR, ENSA NANTES, 1992, GILLES BIENVENU (DIR.)

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habitants les plus aisés. Elle se destine essentiel-lement aux serviteurs et aux fonctions les moins nobles. Dans certains cas, les sanitaires sont installés ultérieurement en fond de cour.

Il est rare, par ailleurs, que les ordonnances d’alignement conduisent à une dilation des cours comme c’est le cas sur l’Île Feydeau. En général, les travaux d’alignement entrainent un retranche-ment ou une extension de l’îlot existant. La cohérence des espaces intérieurs en pâtit systématiquement. La question du climat en cœur d’îlot n’est, la plupart du temps, pas prise en compte. Dans le premier cas, les espaces résultants sont alambiqués, étroits, forment des chicanes et diminuent encore davantage la pénétration du soleil. L’humidité s’infiltre et s’évapore moins bien. A l’inverse, lors d’agrandis-sements d’îlots, des enfilades incoordonnées de cours se forment dans lesquelles les courants d’air peuvent s’engouffrer librement, refroidis-sant l’endroit et altérant son confort. Les réglementations s’appliquant dorénavant dans la rue ne sont pas respectées dans la cour. Les dangers d’incendie, d’insalubrité et d’effondre-ment évacués de l’espace public restent en réalité présents en cœur d’îlots. En conséquence de cela, vient s’ajouter le rejet social de ces espaces dont les qualités sont jugées indignes de l’aristocratie. Dès 1792, Charles d’Aviler s’en alerte : « Ces petites cours demandent beaucoup d’attention de la part des maîtres envers les domestiques qui en font presque toujours des cloaques, d’autant plus dangereux que le mauvais air qui s’introduit de là dans l’apparte-ment que ces petites cours ne soient point ou très peu exposées au soleil. » 4

A la fin du XVIIIème siècle, l’image urbaine tend à s’homogénéiser. Les façades s’alignent enfin et les rues rectilignes se parent d’une certaine monotonie monumentale. Les redents produits par les cours ouvertes et cours d’hon-neurs des hôtels particuliers sont masqués par des bâtiments-rideaux destinés à combler les vides dans les perspectives des rues. Les villes s’étendent dans la campagne. A Nantes, Mathurin Crucy conçoit l’intégralité de l’actuel quartier

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PERSPECTIVEDU COURS CAMBRONNE, TRAVAUXD’ÉTUDIANTSDEL’ENSA NANTES, DANS PIERRE GANGNET, PARIS CÔTÉ COURS : LA VILLE

DER-RIÈRE LA VILLE, PARIS, PAVILLONDEL’ARSENAL, EDITION PICARD, 1998, 233 P.

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Graslin à l’Ouest de la cité historique dans un style néo-classique très homogène et théâtral. Dès le début du XIXème siècle, Antoine Chrysos-tome Quatremère de Quincy émet un jugement très critique à l’égard de cet urbanisme austère : « Lorsqu’une multitude de rues, bien symétrique-ment dressées et alignées, ne vous offrent partout que ce mérite uniforme, l’effet est bientôt usé, et la monotonie vous fait bientôt regretter la variété des plans moins réguliers, si de belles masses d’édifices, si les créations de l’architec-ture, avec les aspects toujours variés de ses ordonnances, de ses contrastes, ne viennent recréer la vue et intéresser l’esprit . » 5 Toutefois,

des exceptions apparaissent encore, au revers de la mise en scène monumentale. On peut notam-ment citer les rues latérales du cours Cambronne où les cours ouvertes sur l’espace public secondaire viennent compenser l’alignement forcé des façades sur le cours. A posteriori, il apparaît que ces cours, espaces secondaires, négligés dans leur architecture et leur matériali-té, font l’objet d’une pratique sociale et fonction-nelle quotidienne plus riche et variée que le cours Cambronne, figé dans son rôle d’espace d’apparat.6

1 VOIR GILLES BIENVENU, « NANTES: À PLOMB ET À LA LIGNE », DANS FRANÇOIS LAISNEY ET XAVIER MALVERTI (DIR.), FORMES URBAINES ET RÉGLEMENTS, COLLOQUE CEEA « ARCHITECTURE URBAINE, PARIS, 1990, PP. 35-40

2 CRISTIANA MAZZONI, « LA COUR D’HONNEUR DANS LA FRANCE DE L’ANCIEN RÉGIME… », LES COURS DE LA RENAISSANCE ITALIENNES AU PARIS D’AUJOURD’HUI, PARIS, 2007, P.43

3 VÉRONIQUE HÉRAULT, TPFE CÔTÉ COUR, ENSA NANTES, 1992, GILLES BIENVENU (DIR.)

4 AUGUSTIN CHARLES D’AVILER, DICTIONNAIRE D’ARCHITECTURE ET DES

ARTS QUI EN DÉPENDENT, 1792

5 ANTOINE CHRYSOSTOME QUATREMÈRE DE QUINCY, « COURS »,

DICTIONNAIRE HISTORIQUE DE L’ARCHITECTURE, PARIS, LIBRAIRIE D’ADRIEN LE CLERCET CIE, 1832, P. 479

6 (PIERRE GANGNET, « REDANS ET REDENTS », PARIS CÔTÉ COURS. LA VILLE DERRIÈRE LA VILLE, PARIS, PAVILLON DE L’ARSENAL-PICARD, 1998, P. 137)

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I.2 – L

A

SÉGRÉGATION

ET

LA

RATIONALISATION

DE

LA

COUR

DANS

L

URBANITÉ

DU

XIX

ÈME

L’ère industrielle bouleverse profondément l’organisation de la société et donc de l’espace urbain. L’explosion de la population urbaine, le durcissement de la hiérarchie sociale et l’essor de la spéculation foncière se font ressentir dans la conception des cours au XIXème siècle. La rationalisation des démarches constructives et la mégalomanie de Napoléon III achèvent de transformer la cour en un espace résiduel atrophié.

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I.2.

I

- R

IGIDIFICATION

ARCHITECTURALE

,

SPÉCULATION

IMMOBILIÈRE

ET

ATROPHIE

DES

COURS

L’avènement de l’ère industrielle initie de profonds changements de l’espace urbain. L’essor économique des villes s’accompagne d’une explosion de leur démographie. Les paysans et ouvriers agricoles rejoignent les villes pour aller travailler à l’usine. Il faut modifier l’organisation urbaine pour accueillir les vagues d’émigration rurale. La périphérie urbaine est cédée aux nouvelles classes ouvrières tandis que les classes marchandes se retirent en centre -ville. C’est l’apogée de l’immeuble de rapport, immeuble à loyer accueillant la bourgeoisie commerçante. Le lotissement de l’Île Feydeau achevé en 1723 par Jacques Goubert est l’un des premiers précurseurs de cette nouvelle forme d’habitation collective bourgeoise. Dans cette typologie, la cour intérieure, de taille très variable, fait figure de constante, exceptée pour les immeubles les plus modestes. Clairement inspiré des hôtels particuliers dont il reprend d’abord le vocabulaire, l’immeuble de rapport se constitue le plus souvent de deux travées de 4 à 5 étages et accueille les ateliers et boutiques nécessaires à la pratique commerciale des occupants. Cette typologie est donc très claire-ment orientée vers l’espace public à l’extérieur tandis que la cour intérieure y est un espace clos situé à l’arrière du bâtiment.1

Dans certains rares cas, lorsqu’elle est assez grande, la cour est encore un lieu privilégié

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de séjour et de promenade, accueillant une fontaine en son centre, récupérant et distribuant l’eau de pluie pour les usages quotidiens. Mais dans la majorité des cas leur dimension ne leur permet pas d’être un lieu de vie intime. Dans ces cas elles deviennent des espaces utilitaires à ciel ouvert servant de rangement pour la marchan-dise, les outils ou les transports. Le volume de la cour est parfois également utilisé pour tenir la volaille et le bétail. Son usage se rapproche de celui de la basse-cour rurale.

La question de la salubrité des cours intérieures, soulevée depuis le XVIIème siècle, s’affirme et des réponses concrètes sont formulées. Les cours accessibles aux voitures doivent être pavées, celles qui sont séparées de la rue sont dallées ou bitumées. On préconise également de concevoir le sol de la cour avec une légère pente afin de faciliter l’évacuation des eaux. Une véritable jurisprudence spécifique aux cœurs d’îlots apparaît. L’établissement de servitudes de passage est un indicateur de la rigidification des usages de la cour. La souplesse des va-et-vient entre la rue et la cour qui garantissait la richesse et le dynamisme de la vie intime au Moyen-Âge est délibérément refoulée. Cette volonté d’empêcher une utilisation spontanée et chaotique de cet espace provient du mimétisme des immeubles de rapport avec les hôtels particuliers. Lorsque les dimensions sont suffisantes, la bourgeoisie marchande veut assimiler son cœur d’îlot collectif à une cour d’honneur. Des éléments d’embellissement tel que des fontaines, modénatures ou de la végétation sont préconisés. Paradoxalement, ce soin apporté à la cour ne s’accompagne pas d’une valorisation de son rôle social. La cour n’est pas un lieu de réception comme dans les hôtels particuliers, ni de rapprochement commu-nautaire entre les habitants.2 D’une certaine

manière, la cour devient un second espace public, neutralisé à distance de la vie privée qui se retire dans les appartements. L’Article 35 du Code Civil en fournit la meilleure preuve : une cour intérieure partagée entre plusieurs proprié-taires est dorénavant assimilée à la voie

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MAISONDERAPPORT RUE SAINT-FLORENTINÀ PARIS, HONET AR-CHITECTE, 1840, FAÇADESUR RUEET PLANDUREZ-DE-CHAUSSÉE,

DANS VICTOR CALLIAT, PARALLÈLE DES MAISONS DE PARIS CONS-TRUITES DEPUIS 1830 JUSQU'À NOS JOURS, PARIS, 1850

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publique, notamment en ce qui concerne l’action de la police. Seul leur utilisation à titre profes-sionnel est véritablement tolérée et apporte un semblant de vie dans les cœurs d’îlots.

Au début du XIXème siècle, la noblesse, déchue, perd la main sur le marché de l’immobi-lier qui lui servait de rente. La bourgeoisie s’y substitue et se lance très rapidement dans la spéculation immobilière. Dès lors l’objectif est d’optimiser la rentabilité de la parcelle. Les espaces jugés superflus sont réduits au minimum pour augmenter les surfaces à louer. A ce titre, les cours intérieures s’atrophient pour devenir des courettes, à savoir des « puits de sections rectangulaire […] dont les dimensions horizon-tales minima sont trop peu de chose comparative-ment à leur hauteur.»3 Dépouillées de par leur

conception de toute ambition sociale ou fonction-nelle, les cours perdent les attributs qu’elles avaient acquis au début du siècle. Leur forme se standardise et s’appauvrit. Désormais l’accès aux appartements se fait indépendamment de la cour, directement depuis le corps du bâtiment. Les ornementations, superflues depuis que les cours ne sont plus traversées par les habitants ou les visiteurs, disparaissent. La végétation et les animaux ne peuvent plus y être tenus en raison du manque d’ensoleillement. L’architecte Urbain Vitry « s’afflige de voir les cours et les jardins disparaître de tous côtés, et des morceaux de pierre s’entasser comme pour nous servir de prison ».4

La cour intérieure devient un espace non-vu et s’offre ainsi aux activités honteuses ou illégales. Son usage et son appropriation se poursuivent, discrètement, souvent de façon anonyme et confuse. La contestation de cette nouvelle tendance ne se fait pas attendre. Les hygiénistes s’emparent immédiatement des problèmes de salubrité et de confort occasionnés. Le Docteur Ange Guépin est l’un des premiers à dresser le bilan des dégâts sociaux et sanitaires de la ville classique. Pour le cas de Nantes, il va discerner huit catégories sociales, décrire les nuances qui distinguent leur mode de vie et dénoncer la misère des classes les plus

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LACOUR (ÀGAUCHE) ISOLÉE DES APPARTEMENTS

COUPE D'UNE MAISONPARISIENNE, PARIS, 1845, GALLICA.BNF.FR, BIBLIOTHÈQUE NATIONALEDE FRANCE

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nies. La remise en question du modèle urbain classique va conduire à cette période au développement et à l’expérimentation de nouvelles formes d’habitations idéalistes comme les projets de ville ouvrière rurale de Robert Owen dans les années 1810 ou le célèbre Phalanstère de Fourrier qui connut un grand succès dans les milieux intellectuels socialistes du milieu du XIXème siècle.

1 CRISTIANA MAZZONI, « AU CŒUR DE LA VILLE INDUSTRIELLE : DES COURS DE PLUS EN PLUS RÉDUITES », LES COURS DE LA RENAISSANCE ITALIENNES AU PARIS D’AUJOURD’HUI, PARIS, 2007, P.54

2 IBID. P.56

3 « COURS ETCOURETTES. DÉVELOPPEMENT DESSURFACES D’ÉCLAIRAGE ET D’AÉRATION AUX FAÇADES SUR COUR DESMAISONS DE RAPPORT », LA

CONSTRUCTION MODERNE, 26 NOVEMBRE 1898, P. 98

4 URBAIN VITRY, LE PROPRIÉTAIRE ARCHITECTE, CONTENANT DES MODÈLES DE MAISONS DE VILLES, PARIS, AUDOT, 1827, P. 33

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I.2.

II

- H

AUSSMANN

ET

LA

VOLONTÉ

DE

CONTRÔLE

DES

USAGES

ET

DES

PRATIQUES

SOCIALES

Napoléon III, en succédant à Louis-Philippe, veut faire de Paris la transposition urbaine parfaite de la société bourgeoise. Paris est devenu la plus grande ville industrielle au monde. L’économie capitaliste est le principal moteur du Second Empire. Les travaux haussmanniens doivent servir de carburant à cette économie en encourageant les crédits à long terme et en optimisant les échanges commerciaux de la ville. L’idée est évidemment aussi de moraliser la population, de tuer dans l’œuf la contestation en supprimant les taudis, les espaces insalubres et les zones de non-droit hors de portées du pouvoir impérial. Il s’agit « d’émettre un nouveau code de comportement, une nouvelle rationalité […] dans la configuration de l’espace des activités humaines ».1 A la place, l’Empire offre aux

habitants un cadre théâtral, esthétique et lisse, simple à superviser et à contrôler. Les monu-ments, les équipements publics et les quartiers sont isolés et reliés visuellement entre eux par de grandes percées. On perçoit clairement chez Napoléon III la volonté de faire table rase de l’histoire de la vie sociale de Paris, dont il redoute le pendant grouillant, prolétaire et invisible. La cour intérieure qui incarne cette vie souterraine et contestataire est donc implicite-ment au cœur des préoccupations de l’empereur.

L’argument de l’embellissement de la ville est avancé pour masquer les calculs financiers,

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sociaux et politiques. Haussmann instaure « le culte du Beau, du Bien, des grandes choses, de la belle nature inspirant le grand art ».2 Il est

intéressant de constater qu’une fois achevée, la nouvelle image de la ville fut unanimement acceptée, tant par les visiteurs que par les parisiens, preuve de l’efficacité de la stratégie de Napoléon III.

L’urbanisme haussmannien adopte ainsi une vision globale de la ville. L’espace urbain est modelé comme un tout et non comme un ensemble complexe de rues et de bâtiments construits et reconstruits sur eux -mêmes au fil du temps. Par opposition aux villes construites au XVIIIème siècle sur le principe d’adjonction de lotissement contigües comme à Londres, Edimbourg, Rennes ou Nantes, le remaniement parisien va se faire par morcellement du tissu dense préexistant. Les vides sont privilégiés aux pleins, par analogie avec la société du Second Empire dans laquelle l’espace public de représen-tation est plus important que le domaine privé. En conséquence, pour privilégier la cohérence globale des nouveaux tracés, un certain nombre de compromis devait être fait à l’échelle de l’unité urbaine. Cette unité urbaine, chez Haussmann, reste l’îlot d’habitation, qui prend cependant souvent une forme triangulaire, du fait de la superposition des grilles étoilées des nouvelles percées.3

Pour des questions de financement des opérations, on assiste à une fragmentation du parcellaire urbain. Au sein de chaque îlot, la subdivision est systématisée : chaque parcellaire doit être perpendiculaire à la rue sur laquelle elle s’aligne. Au centre de l’îlot, la jonction des parcelles se fait en niveau des bissectrices de l’îlot triangulaire. La parcelle, désormais trapézoïdale, perd ainsi son identité visuelle et architecturale. En raison de la forme de l’îlot, des angles aigus apparaissent dans l’architecture des cours et des appartements, ce qui complique leur aménagement, leur éclairement et leur utilisa-tion. Les cours, pour diminuer leur nombre et leur emprise, sont placées stratégiquement à l’intersection des parcelles. Il arrive parfois que 4

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PERSPECTIVE SURL'AVENUEDEL'OPÉRA AVEC SESIMMEUBLES ÀL' ALI-GNEMENT, DANS A. DEROY, LE MONDE ILLUSTRÉ, 27 MARS 1869

LEMORCELLEMENT DE PARISPAR HAUSSMANN, D'APRÈS ALPHANDDANS JEAN PANERAI, FORMES URBAINES : DE L'ÎLOT À LA BARRE, 1997,

PARENTHÈSES EDITIONS

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ou 5 immeubles se partagent une même cour. Les courettes sont privilégiées autant que possible aux cours pour gagner de l’espace. Il faut attendre 1872 pour que le premier décret établissant un rapport entre hauteur et superficie des cours voit le jour. Bien que le volume de la cour soit partagé entre les différents immeubles, au sol, des murs en moellons séparent les parcelles. De fait, des occupants qui interagis-sent par les vis-à-vis et le partage d’un volume commun sont explicitement mis à distance. La cour, au lieu d’encourager une cohésion commu-nautaire, engendre désormais un sentiment de gêne occasionné par l’intrusion dans l’intimité de personnes considérées comme étrangères et potentiellement « différentes ».

Par soucis de simplification de la conception et de la mise-en-œuvre, compte tenu de l’ampleur de l’opération immobilière, l’îlot de base est conçu comme une combinaison d’un immeuble -type en forme de L, pouvant se dédoubler symétriquement pour former un U ou un T. Cette trame qui se contente de très peu de variations, rend chaque immeuble et chaque cour parfaite-ment interchangeable au sein d’un même îlot. Les parcours et les ambiances ne font pas l’objet d’une réflexion différenciée et ne se distinguent que par l’orientation de l’immeuble. Le cœur d’îlot n’est plus capable d’articuler le rapport entre l’espace public et l’intimité, ni la multiplici-té d’usages quotidiens historiquement présente dans les cours intérieures.

La sectorisation des activités et la sépara-tion des quartiers marchands et artisans des quartiers d’habitation appauvrissent la polyfonc-tionnalité de l’îlot. Dans le meilleur des cas, la cour est utilisée pour accueillir l’arrière d’un magasin donnant sur la rue, mais la plupart des cas elle est entièrement laissée à sa seule fonction de régulation climatique.

La ségrégation sociale verticale des immeubles de rapport se poursuit horizontale-ment, dans la profondeur des îlots. Sous Haussmann, trois classes d’immeubles sont ainsi explicitement désignées. Les immeubles de

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DÉCOUPAGESET DIMENSIONSDE L'ÎLOT HAUSSMANNIEN DANS JEAN PANERAI, FORMES URBAINES : DE L'ÎLOT À LA BARRE,

1997, PARENTHÈSES EDITIONS

HIÉRARCHISATION SOCIALE HORIZONTALEETVERTICALE DEL'IMMEUBLE HAUSSMANNIEN

COUPEDANS PIERRE GANGNET, PARIS CÔTÉ COURS : LA VILLE DERRIÈRE LA VILLE, PARIS, 1998, PAVILLONDE L’ARSENAL, EDITION PICARD

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