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Le rôle des stratégies de régulation des affects (SRA) dans les changements personnels tels que perçus par des hommes qui consultent individuellement un professionnel de la relation d'aide

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Le rôle des stratégies de régulation des affects (SRA) dans

les changements personnels tels que perçus par des

hommes qui consultent individuellement un professionnel

de la relation d’aide

Thèse

Doctorat en service social

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

(2)

Le rôle des stratégies de régulation des affects (SRA) dans

les changements personnels tels que perçus par des

hommes qui consultent individuellement un professionnel

de la relation d’aide

Thèse

Steve Audet

Sous la direction de :

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iii RÉSUMÉ

L’objectif de cette thèse est de mieux comprendre le rôle des stratégies de régulation des affects (SRA) dans les changements personnels tels qu’ils sont perçus par des hommes qui consultent individuellement un professionnel de la relation d’aide. Le changement est défini comme un processus dynamique en référence à la théorie générale des systèmes. Les changements sont étudiés sous trois formes, soit les changements dans la situation-problème, dans les affects associés à celle-ci ainsi que dans les SRA utilisées. Une situation-problème comprend l’ensemble des difficultés vécues par un individu. Les affects regroupent notamment les émotions, les contre-émotions et les pseudo-émotions qui sont vues à la fois comme un état et un processus. La régulation des affects (RA) est conçue comme un processus continu visant la modulation des affects et l’adaptation. Les SRA sont les moyens utilisés pour moduler les affects vécus en lien avec une situation-problème. L’accent mis sur les hommes qui consultent est motivé par une socialisation différenciée selon le sexe qui influence la perception que les hommes ont des affects et la façon de les réguler.

Trois cadres théoriques sont retenus pour alimenter l’interprétation des données. Le principal cadre théorique est celui de Linehan, Bohus, et Lynch (2007) qui traite de la régulation des émotions (RÉ) et du rôle des stratégies de régulation des émotions (SRÉ) dans le processus de changement selon une perspective clinique. Le second cadre fait référence à la théorie des émotions de Larivey (2002) qui présente une théorie originale des émotions ainsi qu’un processus émotionnel lié à l’adaptation. Le troisième cadre correspond au modèle transthéorique ou MTT (Prochaska et DiClemente, 1983), lequel propose une vision du processus d’adaptation à une situation-problème. Dans les trois cas, les auteurs identifient des SRÉ qui aident ou nuisent à l’adaptation. Ils proposent également des interventions pour favoriser l’utilisation de SRÉ aidantes.

Les données de cette thèse sont issues des témoignages recueillis auprès de 13 hommes ayant consulté un professionnel de la relation d’aide dans les six derniers mois. Ces hommes ont été rencontrés à deux reprises pour la réalisation d’entrevues semi-structurées. Puis, un résumé écrit de leur témoignage leur a été remis après les deux entrevues en vue de valider la compréhension du chercheur et de rectifier certaines perceptions au besoin. En tout, 13 études de cas ont ainsi pu être réalisées. Les témoignages ont été enregistrés sur bande audio et transcrits. L’ensemble de ce contenu a été codifié à l’aide du logiciel MAXQDA. L’analyse qualitative des données a été réalisée

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iv selon les indications de Stake (2006) ainsi que Paillé et Mucchielli (2012). Le consentement écrit à participer à cette étude a été obtenu.

Les résultats exposent, premièrement, les changements perçus par les participants concernant leur situation-problème, leurs affects et leur utilisation des SRA. La plupart des participants rapportent des changements significatifs sur ces trois variables. Selon leur point de vue, à certaines périodes, ces changements ont été négatifs alors qu’à d’autres périodes, ils ont été positifs. Finalement, la plupart des participants évaluent positivement leur évolution sur ces trois variables. En comparant les trajectoires suivies par les participants et le vécu qu’ils y associent, cette analyse a mis en lumière deux processus différents, soit le processus de la situation-problème et le processus affectif. Chaque processus est composé de phases qui représentent le vécu, plus ou moins positif ou négatif, des participants en lien avec leur situation-problème ou leurs affects. La trajectoire des changements qu’ils ont vécus est, selon leurs propos, non linéaire et discontinue en regard de la situation-problème et de l’état affectif.

Deuxièmement, une analyse plus approfondie des résultats visait à comprendre comment ont été réalisés les changements perçus par les participants dans leur situation-problème et leur état affectif. Selon leurs témoignages, c’est la modification de leur utilisation des SRA qui est la clef pour comprendre ces changements. En effet, leurs témoignages indiquent qu’en phase régressive, les participants ont surtout utilisé des SRA non aidantes (répression des émotions, évitement, rumination, etc.) alors qu’en phase progressive, ils ont surtout employé des SRA aidantes (acceptation des émotions, expression positive des émotions, réinterprétation, etc.). Selon les participants interrogés, ce sont la consultation et le soutien social qui ont été les deux éléments les plus aidants dans la transformation positive de leur utilisation des SRA.

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v ABSTRACT

Emotion regulation strategies (ERS) are used to modulate emotions and emotional processes in different ways and for different purposes. Some ERS focus on the situation that can trigger emotions while others target the emotions themselves once they have emerged (Gross, 2015). In some circumstances, the difficulty to cope with the situation generates negative emotions which, if not adequately regulate, accentuate the adaptation problem. In clinical perspective, emotional vulnerability is characterized by a high sensitivity to emotional stimuli, an intense response to emotional stimuli and a slow return to emotional baseline. People with high emotional vulnerability have difficulty to keep emotion in optimal zone that can be manageable. These people have a limited access to coping strategies (Linehan et al., 2007). Considering these elements, what role do ERS play in the process of change in relation to the situation and emotions?

To explore these questions, we conducted 13 deep case studies in qualitative setting. The participants were 13 men who had consulted a psychotherapist or a social worker at least five times in the past year and signed a confidentiality agreement with the researcher.Inspired by Stake’s (2006) case study method, we had three sharing sessions (two interviews and a writing feedback) with each participant to reconstruct their own process of change retrospectively. The qualitative data were analyzed with MAXQDA-11 and interpreted on the basis of the ERS model of Linehan et al. (2007) and following the method of thematic analysis (Paillé et Mucchielli, 2012).

The process of change described by participants indicates a significant improvement in their emotional state and the situation with which they initially struggled to adapt. To explain theses change, the participants believed that psychotherapy helped them to identify maladaptive ERS (rumination, suppression, alcohol, etc.) and progressively replaced these by adaptive ERS (reappraisal, problem-solving, etc.): “I prefer to talk to someone than to ruminate. I prefer to take a time out

than to stay inactive” (Francesco). Furthermore, participants said they had learned to make a conscious

choice to stop maladaptive ERS and took the risk to use new adaptive ERS (positive expression of emotion, acceptance, meeting their needs, etc.): “When I realized the benefits of evacuating frustration,

sadness and negative emotions, I felt wow! I felt good when expressing my emotions, I felt better than when keeping them inside me” (Martial). From the perspective of the participants, psychotherapy helps to reduce emotional vulnerability, which facilitates emotional regulation and adjustment to the situation: “My

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vi

psychotherapist is part of my team to be able to create strengths, to give me the tools to be able to face different types of individuals in different contexts with better strategies” (Paul).

The results of this qualitative study support the idea of Linehan et al. (2007) that psychotherapy, by promoting the adoption of adapted ERS, reduces the emotional vulnerability and promotes adjustment. More specifically, this study shows that the ERS used affect the trajectory of the change process. Thus, the almost exclusive and frequent use of maladaptive ERS corresponds to regression cycles (left wheel) whereas the regular use of adaptive ERS coincides with cycles of progression (right wheel). Moreover, as Linehan (1993) suggests, different interventions would favor the adoption of adapted ERS. The present study agrees in the same direction by associating these interventions with the process of change. Finally, this study explains how ERS facilitates adaptation by acting on both emotions and the situation that generates them. The proposed explanatory model differs from that of Gross (2015) and of Linehan et al. (2007) emphasizing the role of ERS in the process of change as seen by men who have consulted a psychotherapist.

However, this model remains to be validated more widely because it was developed from a small number of male participants who perceived a positive role for emotions during their psychotherapeutic process. It would be interesting to interview women or men who believe more or less important the role of emotions in their process of change in order to see their specific way of using the ERS.

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vii TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... v

TABLE DES MATIÈRES ... vii

LISTE DES TABLEAUX ... xi

LISTE DES FIGURES ... xii

LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES ... xiii

ÉPIGRAPHE ... xiv

REMERCIEMENTS ... xv

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 : CADRE CONCEPTUEL et PROBLÉMATIQUE ... 4

1.1 Changements personnels ... 4

1.1.1 Le changement : entre état et processus ... 4

1.1.2 Catégories du changement propres à la consultation d’un professionnel de la relation d’aide ... 5

1.2 Changements et consultation ... 9

1.3 Situation-problème ... 11

1.3.1 Situations et problèmes ... 11

1.3.2 Situation-problème et processus de changement : le modèle transthéorique (MTT) ... 12

1.4 Affects et émotions ... 16

1.4.1 Les théories des émotions ... 17

1.4.2 La théorie des émotions de Larivey (2002) ... 18

1.4.3 Critiques de la théorie des émotions de Larivey (2002) ... 22

1.5 Régulation des émotions (RÉ) ... 24

1.6 Hommes, masculinités et socialisation ... 32

1.7 Hommes, émotions et SRÉ ... 36

1.7.1 Socialisation, hommes, émotions et SRÉ ... 36

1.7.2 Recension des écrits sur l’utilisation des stratégies de régulation des émotions (SRÉ)38 1.8 RÉ, changements et consultation ... 59

1.8.1 RÉ, santé, bien-être et fonctionnement social ... 59

1.8.2 Quatre modèles d’intervention ... 60

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viii

1.8.4 Hommes, consultation, changement et RÉ ... 67

1.9 Conclusion du premier chapitre ... 69

CHAPITRE 2 : LE CADRE THÉORIQUE et LES QUESTIONS DE RECHERCHE ... 71

2.1 Théorie : définition et utilité ... 71

2.2 Cadres théoriques alimentant la thèse ... 72

2.2.1 Synthèse des repères théoriques ... 72

2.2.2 Le modèle de la RÉ de Linehan, Bohus et Lynch (2007) ... 73

2.2.3 Liens entre le modèle de la RÉ de Linehan et al. (2007) et les hommes ... 80

2.3 Objets à l’étude et questions de la recherche ... 83

CHAPITRE 3 : LA MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE ... 85

3.1 Type d’étude : l’étude de cas multiples ... 85

3.2 Échantillonnage par contraste-approfondissement ... 86

3.3 Recrutement des participants ... 87

3.4 Profil des participants ... 88

3.5 Stratégie de collecte des données ... 90

3.6 Protocole de collecte des données ... 92

3.7 Traitement des données ... 93

3.8 Analyse des données ... 93

3.8.1 Première phase de l’analyse : les études de cas ... 94

3.8.2 Deuxième phase de l’analyse : l’ensemble des données ... 98

3.8.3 Éléments pour une interprétation et une théorisation de qualité ... 101

3.9 Limites de la recherche ... 102

3.10 Éthique de la recherche ... 103

CHAPITRE 4 : RÉSULTATS, INTERPRÉTATIONS ET DISCUSSIONS ... 106

4.1 Situations-problèmes : résultats ... 106

4.1.1 Problèmes avant la consultation ... 106

4.1.2 Problèmes après un certain temps en consultation ... 107

4.1.3 Processus de changement des situations-problèmes ... 108

4.2 Situations-problèmes : interprétation des résultats ... 110

4.2.1 Situations-problèmes avant et après un certain temps en consultation ... 110

(9)

ix

4.3 Situations-problèmes : discussion... 119

4.3.1 Discussion des résultats sur le processus des situations-problèmes ... 119

4.3.2 Résultats sur le processus des situations-problèmes comparés au modèle de Prochaska et DiClemente (1983) ... 120

4.4 Affects : résultats ... 121

4.4.1 Distinctions entre les états affectifs ... 122

4.4.2 Valence des affects ... 123

4.4.3 États affectifs : regroupements ... 124

4.4.4 Affects avant la consultation ... 124

4.4.5 Affects après un certain temps en consultation ... 126

4.4.6 Processus affectif ... 128

4.5 Affects : interprétation des résultats ... 131

4.5.1 Affects avant et après un certain temps en consultation ... 131

4.5.2 Processus affectif ... 132

4.6 Affects : discussion ... 140

4.6.1 Résultats sur le processus affectif comparés au modèle de Linehan et al. (2007) ... 140

4.6.2 Résultats sur le processus affectif comparés au processus émotionnel de Garneau et Larivey (1979) ... 141

4.6.3 Résultats sur le processus affectif en regard des études sur les hommes ... 142

4.7 SRA : résultats ... 144

4.7.1 SRA aidantes et SRA non aidantes ... 144

4.7.2 SRA utilisées avant la consultation... 147

4.7.3 SRA utilisées après un certain temps en consultation ... 148

4.7.4 L’utilisation des SRA non aidantes et ses effets ... 150

4.7.5 L’utilisation des SRA aidantes et ses effets ... 156

4.7.6 L’évaluation des SRA ... 165

4.8 SRA : interprétation et discussion des résultats ... 166

4.8.1 SRA aidantes et SRA non aidantes ... 167

4.8.2 L’utilisation des SRA avant et après un certain temps en consultation ... 174

4.8.3 L’utilisation des SRA non aidantes et ses effets ... 176

4.8.4 L’utilisation des SRA aidantes et ses effets ... 180

(10)

x

4.8.6 SRA et genre... 188

4.9 Processus de changement et rôle des SRA ... 189

4.9.1 Liens entre le processus des situations-problèmes et le processus affectif ... 190

4.9.2 Correspondances entre les situations-problèmes et les affects ... 193

4.9.3 Utilisation des SRA selon les phases du processus des situations-problèmes et du processus affectif ... 194

4.9.4 Interactions entre les SRA et processus de changement ... 196

4.9.5 Rôle des SRA dans le processus de changement ... 203

4.9.6 Hypothèses concernant le rôle des SRA dans la trajectoire empruntée par les participants ... 215

4.10 Processus de changement : discussion ... 216

4.10.1 Le rôle des SRA dans le processus de changement ... 216

4.10.2 Hommes, SRÉ et processus de changement ... 218

CONCLUSION ... 221

Résumé des résultats ... 221

Principales limites ... 222

Pertinence des repères théoriques ... 222

Apports de cette thèse aux connaissances ... 224

Implications pour l’intervention ... 226

Implications pour le service social personnel ... 229

Implications pour la recherche ... 229

RÉFÉRENCES... 232

ANNEXES ... 248

Annexe 1 : Fiche publicitaire de recrutement ... 249

Annexe 2 : Guide pour la première entrevue semi-structurée ... 250

(11)

xi LISTE DES TABLEAUX

TABLEAU 1 :TYPOLOGIE DU CHANGEMENT ... 8

TABLEAU 2:LE PROCESSUS DE CHANGEMENT SELON LE MTT(TIRÉ DE CSILLIK,2009, P.357) ... 14

TABLEAU 3:TAXONOMIE DES ÉMOTIONS DE LARIVEY (2002) ... 20

TABLEAU 4 :SYNTHÈSE DES DIFFÉRENCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES DANS L’UTILISATION DES SRÉ ... 54

TABLEAU 5 :SYNTHÈSE DES ÉTUDES CONCERNANT LES SRÉ, LA CONSULTATION ET LES CHANGEMENTS ... 63

TABLEAU 6 :ÉLÉMENTS DU PROCESSUS DE RÉ ET SRÉ SELON LE MODÈLE COGNITIVO-COMPORTEMENTAL DIALECTIQUE (LINEHAN ET AL.,2007, P.588, TRADUCTION LIBRE) ... 76

TABLEAU 7 :PARTICIPANTS ET PHASES DU PROCESSUS DES SITUATIONS-PROBLÈMES ... 117

TABLEAU 8 :CLASSEMENT DES AFFECTS SELON LA PERCEPTION DE LEUR VALENCE PAR LES PARTICIPANTS ... 124

TABLEAU 9 :LE PROCESSUS AFFECTIF DES PARTICIPANTS ... 138

TABLEAU 10: LISTE DES SRA NON AIDANTES ET AIDANTES ... 145

TABLEAU 11 :COMPARAISON DES SRA NON AIDANTES ET AIDANTES SELON DIFFÉRENTS MODÈLES ... 169

TABLEAU 12 :COMPARAISON DES SRÉ DU MODÈLE DE LINEHAN ET AL.(2007) AVEC LES SRA ISSUES DES RÉSULTATS DE CETTE THÈSE ... 171

TABLEAU 13 :COMPARAISON DES ÉTAPES DE LA RÉSOLUTION DE PROBLÈME SELON DEUX MODÈLES ... 185

TABLEAU 14 :ANALYSE DES RESSEMBLANCES ET DES DIFFÉRENCES ENTRE LE PROCESSUS DES SITUATIONS -PROBLÈMES ET LE PROCESSUS AFFECTIF ... 191

TABLEAU 15 :CORRESPONDANCES ENTRE LES AFFECTS ET LA TRAJECTOIRE DES SITUATIONS-PROBLÈMES SELON LE POINT DE VUE DES PARTICIPANTS ... 194

TABLEAU 16 :SRA UTILISÉES SELON LES PHASES DU PROCESSUS DES SITUATIONS-PROBLÈMES ET DU PROCESSUS AFFECTIF ... 195

TABLEAU 17 :REGROUPEMENT DES SRA EN SIX CLASSES SELON LEUR RÔLE DANS LE PROCESSUS DES SITUATIONS -PROBLÈMES ET DANS LE PROCESSUS AFFECTIF ... 204

(12)

xii LISTE DES FIGURES

FIGURE 1.ADAPTATION D'UN SCHÉMA TIRÉ DE GROSS &BARRETT (2011) ... 17

FIGURE 2.REPRÉSENTATION DE QUATRE CONCEPTIONS DU PROCESSUS GÉNÉRANT ET RÉGULANT LES ÉMOTIONS, TIRÉE DE J.J.GROSS ET BARRETT (2011, P.12) ... 27

FIGURE 3.MODÈLE DU PROCESSUS GÉNÉRANT ET RÉGULANT LES ÉMOTIONS (LINEHAN ET AL.,2007, P.583,

TRADUCTION LIBRE) ... 74

FIGURE 4.SCHÉMATISATION DES QUESTIONS DE RECHERCHE ... 84

FIGURE 5.PROCESSUS DE CHANGEMENT DES SITUATIONS-PROBLÈMES ... 118

FIGURE 6.ÉVOLUTION DES AFFECTS DES PARTICIPANTS DURANT LA PÉRIODE DE CONSULTATION SELON LEURS PERCEPTIONS... 127

FIGURE 7.TRAJECTOIRE DU PROCESSUS AFFECTIF ... 140

FIGURE 8.PERCEPTIONS DE L’ENSEMBLE DES PARTICIPANTS QUANT À LA FRÉQUENCE D’UTILISATION DES SRA AIDANTES ET NON AIDANTES ENTRE LA PÉRIODE QUI PRÉCÈDE ET CELLE QUI SUIT LA CONSULTATION ... 149

FIGURE 9.TRAJECTOIRE DU PROCESSUS DE CHANGEMENT ... 214

(13)

xiii LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES

AT : Alliance de travail RA : Régulation des affects RÉ : Régulation des émotions

SRA : Stratégies de régulation des affects SRÉ : Stratégies de régulation des émotions

CBT : Cognitivo-Behavioral Therapy (thérapie cognitivo-comportementale) DBT : Dialectical Behavioral Therapy (thérapie comportementale dialectique) EFT : Emotional Focus Therapy (thérapie centrée sur les émotions)

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xiv ÉPIGRAPHE

« J’ai longtemps porté le deuil, errant comme un fou dans la steppe. Comment me taire ? Comment rester muet ? Mon ami Enkidu est redevenu argile. Et moi ? Est-ce que je devrais comme lui me coucher un jour pour ne plus jamais me relever ? Jamais ? Alors je me suis dit : je vais partir et j’irai trouver Utanapishtî-le-lointain. J’ai donc marché, marché, marché encore. J’ai franchi les montagnes les plus inaccessibles et traversé toutes les mers. Et c’est vrai, mon visage n’a plus connu de sommeil paisible. À force de veiller, je me suis épuisé, et tous mes muscles sont rompus... Et

qu’est-ce que j’y ai gagné ? Avant même d’arriver jusqu’à la taverne de Siduri, mes vêtements en peau de bêtes étaient complètement usés ! J’ai tué ours, hyènes, lions, panthères, tigres, daims, grosses et petites bêtes sauvages pour manger leur viande et me vêtir de leur peau. Ah ! Si l’on pouvait fermer la porte à mon angoisse, si l’on pouvait l’obturer au bitume et à l’asphalte ! Mais le destin ne m’a pas laissé de répit, il m’a brisé, malheureux que je suis ! (…) » (Bottéro).

Sidouri dit à Gilgamesh : « Où vas-tu Gilgamesh ? La vie que tu cherches tu ne la trouveras pas. Lorsque les grands dieux créèrent les hommes, c'est la mort qu'ils leur destinèrent et ils ont gardé pour eux la vie éternelle. Mais toi Gilgamesh, que sans cesse ton ventre soit repu, sois joyeux nuit et jour, danse et joue, fais chaque jour de ta vie une fête de joie et de plaisirs, que tes vêtements soient propres et somptueux, lave ta tête et baigne-toi, flatte l'enfant qui te tient par la main, réjouis l'épouse qui est dans tes bras. Voilà les seuls droits que possèdent les hommes » (Azrié). (extraits de l’Épopée de Gilgamesh, récit du XVIIIe-XVIIe siècle avant J-C, traduit par Abed Azrié,

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xv REMERCIEMENTS

La réalisation de ce projet de doctorat a été grandement facilitée par la contribution de nombreuses personnes. Au premier chef, Gilles Tremblay qui, en tant que directeur de thèse, a été d’un soutien inconditionnel et d’une très grande générosité. J’ai énormément apprécié son soutien personnel et les échanges que nous avons eus durant toutes ces années de même que les défis qu’il n’a eu de cesse de me lancer. Le professeur Tremblay a su habilement me guider dans le parcours du doctorant pour me permettre d’en éviter les pièges et d’en surmonter les embûches.

Daniel Turcotte, qui est maintenant professeur retraité et associé à l’Université Laval, a pris part dès le début à ce projet en tant que membre du comité de thèse. Ses conseils avisés ont permis de préciser le projet de recherche et de le mener à bien.

Jocelyn Lindsay, également professeur retraité de l’Université Laval, a assumé le rôle de prélecteur, ce qui l’a amené à lire plusieurs fois la thèse au cours de la dernière année. J’ai fortement apprécié la lecture attentive qu’il en a faite, ses commentaires avisés et nombreux qui m’ont été très utiles.

Jean-Martin Deslauriers, professeur à l’Université d’Ottawa, a accepté d’agir comme évaluateur externe. Il a lu et commenté rigoureusement la thèse. Plusieurs de ses commentaires ont permis d’enrichir cette thèse et d’en assurer la valeur scientifique.

Je souligne aussi la contribution de Richard Cloutier, professeur retraité du département de psychologie de l’Université Laval. M. Cloutier a été membre du comité de thèse durant les cinq premières années, mais a dû se retirer pour des raisons de santé.

Enfin, Richard Côté, également professeur retraité de l’Université Laval, a agi comme mentor pour certaines questions notamment celles en lien avec la régulation des affects et le processus de changement dont il est un expert.

Je remercie la professeure Joane Martel d’avoir présidé au bon déroulement de la soutenance et à la finalisation du processus d’évaluation selon les plus hautes normes.

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xvi Au plan personnel, je tiens à souligner les encouragements nombreux et soutenus que j’ai reçus durant toutes ces années. Que ce soit de mes parents, d’autres membres de la famille, d’amis, de collègues, tous vos encouragements m’ont fait du bien. Je vous aime tous et toutes. Une mention spéciale à Denise Rondeau-Robitaille qui m’a fortement encouragé à entreprendre ce doctorat.

Je remercie les hommes qui ont accepté de participer à cette recherche et qui m’ont parlé de leur vécu très généreusement. Me mettre à leur écoute dans la posture du chercheur m’a permis d’apprendre bien des choses que je n’avais pas vues en tant qu’intervenant.

Enfin, je souligne le soutien de l’Université Laval et de l’Université du Québec à Rimouski. Plus particulièrement, je remercie l’École de service social et la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval. Ce soutien institutionnel est précieux et j’oserais dire indispensable pour le bon déroulement d’un projet de doctorat.

En somme, on pourrait dire que s’il faut un village pour élever un enfant au rang d’adulte, il faut certainement une ville pour en faire un docteur! J’aimerais ainsi célébrer ce succès avec tous ceux et celles qui y ont contribué de près ou de loin.

(17)

1 INTRODUCTION

Cette thèse est née d’un questionnement à propos du processus de changement vécu par les personnes qui consultent un professionnel de la relation d’aide. Comme travailleur social et psychothérapeute œuvrant depuis une quinzaine d’années, j’ai souvent du mal à expliquer comment ces hommes et ces femmes que je rencontre en consultation contribuent à l’aggravation ou à l’amélioration des situations qu’ils ou elles vivent. Qui plus est, en les interrogeant sur ce point, j’ai eu régulièrement droit à des réponses qui m’ont étonné, telles que : « Je l’ignore... », « Ce que tu as dit la

dernière fois… » ou « Cette réflexion que j’ai eue un certain soir… ». Au lieu de m’éclairer, ces réponses ne

me rendaient que plus confus, ce qui a alimenté cette autre question : comment puis-je aider les personnes qui me consultent si je ne comprends pas comment elles réussissent ou ne réussissent pas à s’adapter aux situations qu’elles vivent ? Il m’est ainsi apparu nécessaire de mieux comprendre comment les personnes qui consultent parviennent à s’adapter ou non aux situations qu’elles vivent, pour être en mesure de savoir comment les aider efficacement. C’est dans le but de résoudre ce mystère que j’ai entrepris des études de doctorat en service social.

Au fil de mes lectures, il est apparu que le processus de changement est un domaine de recherche qui compte des centaines de théories, mais très peu ayant obtenu une validation scientifique (Prochaska et Norcross, 2013). En outre, lorsque des éléments prometteurs sont repérés pour mieux comprendre le processus de changement, leur importance reste modeste. Malgré que le processus de changement chez les personnes qui consultent fasse l’objet de recherches scientifiques depuis plus d’un siècle, nos connaissances demeurent très limitées sur les façons optimales de les aider.

Si la pertinence de ce domaine de recherche ne fait pas de doute, la façon de générer des savoirs pouvant alimenter significativement les connaissances mérite également d’être interrogée. En effet, comment espérer faire avancer les connaissances sans tenter d’y poser un regard neuf ? Dans cet esprit, il est apparu essentiel que cette thèse propose une réflexion originale capable de générer des connaissances et d’alimenter le raisonnement scientifique au sujet du processus de changement. Ce cadre est posé au début du premier chapitre. Il permet de distinguer différents sens attribués au mot « changement », en déterminant des catégories de changements et en précisant les liens entre ces catégories. Ce cadre est utilisé par la suite pour critiquer les connaissances actuelles sur le processus de changement et guider le choix des variables à l’étude. Au terme de cette réflexion, il a été décidé

(18)

2 de s’intéresser au rôle des stratégies de régulation des affects (SRA) dans le processus de changement. Plus spécifiquement, les changements dans trois variables sont étudiés, soit les changements dans les situations-problèmes, les affects et les SRA. D’abord étudiés séparément, les changements dans ces trois variables sont ensuite analysés de manière à comprendre les rapports qu’elles entretiennent. Le processus de changement est étudié dans le contexte d’une relation d’aide en s’appuyant sur le point de vue du client. L’accent mis sur les hommes qui consultent est motivé par une socialisation différenciée selon le sexe qui influence la perception que les hommes ont des affects et de la façon de les réguler. L’objectif de cette thèse est ainsi de mieux comprendre le rôle des SRA au regard des changements dans la situation-problème et les affects tels qu’ils sont perçus par des hommes qui consultent individuellement un professionnel1 de la relation d’aide.

Pour bien saisir la portée de ce projet, le premier chapitre définit les principaux concepts à l’étude, recense les écrits scientifiques qui y sont liés et précise ce que la présente thèse veut ajouter aux connaissances sur ce sujet. Le changement est défini comme un processus dynamique en référence à la théorie générale des systèmes. Les changements personnels sont étudiés sous deux formes, soit les changements dans la situation-problème vécue et les affects associés à celle-ci. Initialement, il avait été prévu d’axer cette étude principalement sur les émotions et les SRÉ. Or, le corpus empirique a servi d’incitation à élargir l’étude aux affects et, par conséquent, aux stratégies de régulation des affects (SRA). Le cadre théorique, qui repose sur une certaine vision des émotions et de la RÉ, demeure valide étant donné la proximité et l’interconnexion entre les différents états affectifs comme l’expose Larivey (2002) dans sa théorie des émotions présentée au premier chapitre. Il existe, en effet, une difficulté certaine à bien distinguer les affects étant donné l’état actuel des connaissances. Dans cet esprit, l’examen de la littérature montre l’existence de façons fort variées d’étudier les affects et les SRA, ce qui rend difficilement comparables les études entre elles. Pour circonscrire la recension des écrits dans ce vaste champ de recherche, l’accent a été mis sur les écrits qui abordent les liens entre les émotions et les SRÉ chez les hommes qui consultent. Les principales conceptions des masculinités utilisées dans les études recensées sont exposées. La conclusion de ce premier chapitre résume les connaissances actuelles et ses limites pour ouvrir sur ce que veut apporter cette thèse.

(19)

3 Le deuxième chapitre explique l’utilisation qui sera fait des cadres théoriques de référence à cette thèse. Le principal cadre de référence y est décrit, soit le modèle de la régulation des émotions de Linehan et al. (2007), de même que sa pertinence pour l’étude du processus de changement des hommes qui consultent. Ce chapitre se clôt sur la présentation des questions de recherche.

Le troisième chapitre présente la méthodologie de recherche retenue, les critères de scientificité, le profil des participants, les limites de l’étude et les questions éthiques. Il s’agit d’études de cas effectuées avec 13 hommes ayant consulté un professionnel de la relation d’aide dans les six derniers mois. Ces derniers ont été rencontrés à deux reprises afin de réaliser des entrevues semi-structurées. Puis, un résumé écrit de leur témoignage leur a été remis afin qu’ils valident la compréhension du chercheur et rectifient certaines perceptions au besoin. En tout, 13 études de cas ont ainsi pu être réalisées. Les témoignages ont été enregistrés sur bande audio et transcrits. L’ensemble de ce contenu a été codifié à l’aide du logiciel MAXQDA. L’analyse qualitative des données a été réalisée selon les indications de Stake (2006) ainsi que Paillé et Mucchielli (2012). Le consentement écrit à participer à cette étude a été obtenu.

Le quatrième chapitre expose les résultats ainsi que leur interprétation. Ce chapitre est divisé en quatre parties : la première partie aborde les changements à propos des situations-problèmes; la seconde partie décrit les changements au sujet des affects; la troisième partie traite des changements dans l’utilisation des SRA; la quatrième partie explore la dynamique des SRA en lien avec le processus de changement des participants. À la fin de chaque partie, les résultats sont analysés à la lumière d’études réalisées sur ces thèmes.

Enfin, le cinquième chapitre résume l’ensemble de la thèse en y relevant les résultats les plus importants, les principales limites, la pertinence des cadres théoriques choisis ainsi que les implications pour l’intervention, le service social et de futures recherches. Les principaux apports de cette thèse comprennent la modélisation du processus de changement de la situation-problème, la modélisation du processus affectif, une nouvelle typologie des SRA, la description du rôle d’une vingtaine de SRA dans le processus de changement, la modélisation de la dynamique des SRA et ses liens avec le processus de changement.

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4 CHAPITRE 1 : CADRE CONCEPTUEL ET PROBLÉMATIQUE

1.1 Changements personnels

En service social, le changement personnel est défini comme la modification de facteurs individuels (cognitions, affects et comportements, par exemple) et sociaux (conditions de vie, valeurs, droits, etc.) ayant pour but l’amélioration des transactions entre l’individu et son environnement (Bilodeau, 2005; Bourgon et Gusew, 2000; Gambrill, 2006; Thibault, 2011). La présente thèse s’attarde à certains facteurs individuels, plus spécifiquement aux affects et à l’utilisation des SRA, pour tenter de comprendre comment la consultation influence la trajectoire du changement. Cette section examine d’abord la signification du terme « changement ». La théorie systémique (Bateson, 1999; Bertalanffy, 1973; Elkaïm, 1989; Le Moigne, 1994) sert de référence à cette réflexion. Pour démêler les principaux concepts associés au changement chez l’humain, une typologie est proposée. Les différentes variables à l’étude dans cette thèse sont situées à la lumière de cette typologie.

1.1.1 Le changement : entre état et processus

Le terme « changement » désigne deux idées indissociables : soit l’état d’une chose (le quoi ou sa structure) et son processus (les étapes et les activités). Un état correspond aux manifestations par lesquelles on détecte la présence d’un phénomène à un moment donné (Ladrière, 2015). Un processus implique un « ensemble ordonné de changements affectant la position dans le temps, dans l’espace, dans

leur forme, d’une famille au moins d’objets identifiés » (Le Moigne, 1994, p. 91). Pris isolément, un

changement correspond au « passage d'un état x, défini à un temps t, vers un état x1 à un temps t1, où x et x

peuvent représenter un être humain ou un milieu social qui, après "changement", devient à la fois autre chose et la même » (Rhéaume, 2002, p. 65). Bref, si un changement d’état est constaté, c’est qu’il y a eu un

processus de transformation qui s’est étalé dans le temps, l’un n’allant pas sans l’autre.

Un changement implique aussi la présence de phénomènes à l’œuvre qui s’activent dans différentes circonstances (Bhaskar, 1975, 2008). Dans la perspective systémique, les changements humains peuvent être attribués à deux phénomènes : le premier concerne les activités internes d’un système et le second les interactions entre un système et son environnement. Dès qu’un changement survient dans l’un, il est présumé que cela affecte l’autre. Les activités internes concernent les facteurs biologiques, les affects, les cognitions et les comportements ; les interactions entre un système et son environnement réfèrent aux échanges d’informations, aux actions dirigées vers l’un ou l’autre, aux

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5 transactions physiques (air, eau, aliments, etc.), etc. Ces phénomènes peuvent entrainer un changement d’état, c’est-à-dire de la structure interne du système. Il est également possible d’observer des changements dans les activités du système, les transactions, leurs résultats et les impacts (Bertalanffy, 1973; Le Moigne, 1994).

La systémique conçoit l’humain comme un système ouvert, c’est-à-dire comme un système ayant des échanges constants avec son environnement. Ces échanges ont pour fonction d’assurer la survie des individus ainsi que leur développement (Bateson, 1999; Elkaïm, 1989). L’humain est actif dans ces échanges et poursuit un but. Il peut ainsi modifier son environnement pour atteindre un but ou modifier un but en fonction des possibilités de son environnement. L’intérêt est alors de savoir non pas ce que l’objet est (par exemple, l’humain), mais ce qu’il fait, subit et devient. Sinon, on risque de se représenter le changement par des états de l’objet tels que perçus à différents moments (comme des photos) en ignorant ses activités (que s’est-il passé entre les photos pour expliquer les changements observés ?). Or, dans une perspective systémique, toute chose est un système en interaction et donc en mouvement continu. L’objet et ses processus sont alors inférés à partir des comportements observés dans un environnement donné. Ainsi, c’est l’observation de ces comportements qui permettent d’en inférer le projet (ou le but) et la trajectoire (Bertalanffy, 1973; Le Moigne, 1994).

En somme, selon la perspective systémique, l’étude du changement nécessite de tenir compte de cinq éléments : 1) la possibilité d’observer l’état de l’objet visé ; 2) de l’observer plus d’une fois ; 3) d’observer ses activités ; 4) ainsi que ses interactions avec son environnement ; 5) et, enfin, les résultats et les impacts des phénomènes à l’œuvre.

1.1.2 Catégories du changement propres à la consultation d’un professionnel de la relation d’aide

Dans les écrits scientifiques, lorsqu’il est question du changement chez un individu qui consulte un professionnel de la relation d’aide, il importe de savoir qu’on ne parle pas toujours de la même chose. En effet, le changement peut prendre plusieurs formes : les changements peuvent porter sur les symptômes, les indicateurs de santé, de bien-être et de fonctionnement social; être en lien avec les changements dans la situation-problème et les besoins initiaux; ils peuvent aussi porter sur les changements dans les comportements, les perceptions, les attitudes, les interactions avec

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6 l’environnement et le contexte (les événements personnels et environnementaux). Les écrits parlent également de mécanismes de changement qui sont inférés à partir d’une interprétation des différents changements observés. Selon le mécanisme inféré, différents modèles et théories ont été développés comme la triade cognitive de Beck (1991) et le triangle dramatique de Karpman (1968). Sur un autre plan, la dynamique entre les mécanismes de changement2 influence la trajectoire du changement. Enfin, le processus de changement permet d’en situer le parcours temporel.

Pour s’y retrouver dans ce vocabulaire du changement, une classification sera maintenant proposée par l’auteur de ces lignes. Cette classification puise à deux sources : le réalisme critique (Bhaskar, 1975, 2008) et la deuxième cybernétique (Elkaïm, 1989; von Foerster, 1974, 1981). Le réalisme critique de Bhaskar distingue les mécanismes du changement inféré, leur activation dans la réalité et ce qui en est perçu. La deuxième cybernétique envisage des relations circulaires entre les éléments impliqués dans le changement. On cherche ainsi à comprendre comment les interactions entre ces éléments favorisent la stabilité et la transformation du système. Le système-client est un individu dans cette thèse, mais peut être un couple, une famille, une communauté, une société ou tout ensemble d’éléments en interactions (Bateson, 1999). Le modèle proposé compte six catégories. Chaque catégorie est d’abord présentée suivie des liens entre ces dernières.

Les catégories du changement : La première catégorie correspond aux changements dans les indicateurs de santé et de bien-être. Ils sont les conséquences affectives, physiques, cognitives, comportementales, relationnelles, économiques, légales et matérielles de la situation vécue. Ces indicateurs donnent des indices sur l’état de santé des personnes, leur fonctionnement social et la qualité des transactions avec leur environnement (Gambrill, 2006). La deuxième catégorie correspond aux changements dans les situations vécues, les problèmes, les besoins et les buts. Il s’agit de situations vécues au quotidien par les individus dans leurs rapports avec leur environnement ou avec eux-mêmes. Ces situations peuvent se transformer en problèmes, amener des difficultés dans la satisfaction des besoins et compliquer l’atteinte des buts (Bilodeau, 2005; Gambrill, 2006; Reid, 1985). La troisième catégorie correspond aux changements dans les actions, les transactions, les cognitions, les attitudes et les événements. L’individu a un plus grand pouvoir sur les premiers alors que son pouvoir est plutôt faible sur les événements de la vie (décès, rupture amoureuse,

2 Le Moigne (1994) les nomme « processeurs » en les distinguant des « processés » qui, par rétroaction, deviennent tour à tour processeurs et processés.

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7 naissance d’un premier enfant, nouvel emploi, etc.) qui affectent le système et le processus de changement (Diclemente, 2005). La quatrième catégorie correspond aux mécanismes du changement. Ce sont les forces dont l’activation module la nature, la direction et la vitesse du processus de changement. Rappelons que, dans la vision systémique, les forces de changement (morphogénèse) sont distinguées des forces de stabilité (morphostase), les deux concourant à l’adaptation (Bateson, 1999; Bertalanffy, 1973; Elkaïm, 1989; Le Moigne, 1994). La cinquième catégorie correspond à la dynamique du changement. À ce stade, le but est de comprendre le changement à partir de la dynamique entre les forces de changement et de stabilité. Cette dynamique facilite ou complique l’exploitation des ressources adaptatives. Ces dernières concordent avec les ressources personnelles et environnementales auxquelles l’individu a accès pour répondre à ses besoins, résoudre ses problèmes et se développer (Bohart et Tallmann, 2010). La sixième catégorie correspond au processus de changement. Il permet de situer dans le temps les actions accomplies et leur influence sur la trajectoire du changement (Diclemente, 2005; Norcross, Krebs, et Prochaska, 2011).

Les interactions entre les catégories du changement : Dans la perspective systémique, les relations entre les différentes catégories de changement sont circulaires. Quelques-unes de ces relations sont ici précisées afin d’illustrer cette idée. Les deux premières catégories regroupent les indicateurs du changement. Il est postulé qu’un changement dans les indicateurs implique une modification dans au moins un médiateur du changement. La troisième catégorie de changement est celle des médiateurs. Cela implique l’activation de mécanismes de changement par des actions, des transactions, des événements, des cognitions ou des attitudes. L’étude des trois premières catégories nécessite la présence de phénomènes observables et mesurables. Toutefois, plusieurs de ces phénomènes ne peuvent être mesurés qu’à partir des perceptions des acteurs impliqués. Par exemple, si certains indicateurs de santé peuvent être mesurés objectivement (pouls, pression sanguine, taux de cholestérol, etc.), d’autres indicateurs résultent des perceptions des acteurs (bien-être, émotions, pensées, etc.). La quatrième catégorie regroupe les mécanismes du changement. On ne peut les observer, mais seulement en déduire l’existence à partir des médiateurs de changements (troisième catégorie). La plupart des approches d’intervention infèrent l’existence de tels mécanismes et les ciblent pour influer sur le processus de changement. Les cinquième et sixième catégories sont situées à un niveau d’abstraction plus élevé. L’analyse de la dynamique du changement infère l’existence de mécanismes de changements eux-mêmes inférés à partir des médiateurs du

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8 changement. En effet, l’observation des médiateurs du changement et de leurs effets sur les indicateurs du changement permet d’émettre des hypothèses à propos des interactions entre les mécanismes du changement impliqués. En analysant les interactions entre les mécanismes du changement, il devient alors possible de modéliser la dynamique du changement. Enfin, le processus de changement se concentre sur l’analyse temporelle des indicateurs, des médiateurs et des mécanismes du changement. L’analyse du processus permet de détecter la présence de temps forts (ou phases) et de cycles dans le processus de changement.

Cette thèse s’appuie sur cette typologie du changement de la manière suivante (voir Tableau 1). Les changements dans la situation-problème du participant sont abordés sous l’angle des situations/problèmes/besoins/buts, les changements dans les affects sous l’angle des indicateurs de santé et de bien-être, les changements dans les SRA sous l’angle des actions/transactions/cognitions. La régulation des affects constitue le mécanisme de changement étudié dans cette thèse. La dynamique entre les SRA et le processus de changement sont également analysés. Au final, cette recherche devrait permettre de mieux comprendre la dynamique du changement à partir de l’examen des interactions entre les situations-problèmes, les affects et les SRA.

Tableau 1 : Typologie du changement Processus de changement Mécanismes de changement Médiateurs de changement Indicateurs de changement PROCESSUS DE CHANGEMENT (6) (4) Mécanismes de changement RÉGULATION DES AFFECTS (3) Actions/Transactions Événements Cognitions/Attitudes STRATÉGIES DE RÉGULATION DES AFFECTS (1) Indicateurs de santé et de bien-être/Symptômes AFFECTS (5) DYNAMIQUE DU CHANGEMENT (2) SITUATIONS-PROBLÈMES Besoins/Buts

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9 1.2 Changements et consultation

La consultation d’un professionnel de la relation d’aide est sollicitée pour diverses raisons : rupture amoureuse, décès d’un proche, conflits conjugaux, difficultés parentales, etc. Cette section précise ce qu’est la consultation d’un professionnel de la relation d’aide et comment elle procède pour favoriser les changements souhaités par le client. Il s’agit d’un bref tour d’horizon, car, bien que les participants rencontrés dans cette recherche aient tous consulté, cette thèse se concentre surtout à décrire et comprendre le processus de changement qu’ils ont effectué et à situer le rôle des SRA dans ce processus.

Consultation et processus de changement. Consulter, c’est demander conseil à quelqu’un (Robert, Rey-Debove, et Rey, 1993). Dans cette thèse, il s’agit d’un client qui demande des conseils à un professionnel de la relation d’aide. La relation d’aide désigne deux éléments, soit la relation de confiance entre l’aidé et l’aidant de même que l’entente sur le problème et les objectifs de travail (Bohart et Tallmann, 2010; P. Turcotte, 2011). La consultation d’un professionnel de la relation d’aide (travailleur social, psychologue, etc.) est un processus structuré, mais souple, visant la production d’un changement (Bourgon et Gusew, 2000). Il est structuré en ce sens qu’il suit une méthodologie. Il est souple en ce qu’il peut s’ajuster selon l’évolution des perceptions, des besoins et des situations (Thibault, 2011). La consultation implique une vision rationnelle ainsi qu’une vision subjective du changement (Gambrill, 2006). L’intervention personnelle est rationnelle, car elle suit un processus rigoureux qui se décline en une série d’étapes telles : la prise de contact, la collecte et l’évaluation des données, la planification de l’intervention, l’exécution du plan d’intervention et la fin du processus (D. Turcotte et Deslauriers, 2011). Du point de vue rationnel, le changement résulte « d'un plan, d'une volonté et d'une intention d'en arriver à un nouvel état souhaité, individuel, groupal ou

organisationnel » (Rhéaume, 2002, p. 66). L’individu a un pouvoir dans la production du changement

(Rhéaume, 2002). Cependant, ce pouvoir n’est pas absolu. Chez l’être humain, le changement poursuit une route sinueuse dont le parcours et le résultat sont difficilement prévisibles. Le changement attendu n’est pas toujours celui avéré. Le chemin prévu pour y arriver doit souvent être modifié selon les nouveaux éléments qui apparaissent en cours de route (Thurin et Thurin, 2007). Enfin, il faut bien admettre que des situations imprévues (une prise de conscience, un événement, une maladie, etc.) influencent aussi le changement (Elliott et al., 2009). Conséquemment, la planification du changement en consultation se doit d’être souple, car elle a constamment à être ajustée en fonction des nouveaux éléments qui surviennent (Bourgon et Gusew, 2000). Du point de

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10 vue subjectif, le changement dépend, par exemple, de la motivation du client et de son sentiment de compétence (Ryan, Lynch, Vansteenkiste, et Deci, 2010), de sa capacité à faire confiance en l’intervenant et en son approche d’intervention (Horvath, Del Re, Flückiger, et Symonds, 2011) et de ses aptitudes à réguler ses émotions (J. C. Watson, McMullen, Prosser, et Bedard, 2011). Ces sentiments influencent la définition des problèmes, des changements visés, des solutions envisagées et la force avec laquelle le client les réalise (Gambrill, 2006).

Consultation et coconstruction du changement. Le changement est produit par les relations complexes qu’entretient le client avec son environnement au sein duquel l’intervenant s’inscrit. L’influence réciproque entre l’individu et son environnement (parents, amis, travailleur social, etc.) implique que le processus de changement est une coconstruction (Elkaïm, 1989). Toutefois, le client demeure le moteur premier du changement (Bohart et Tallmann, 2010). Cela signifie que ce ne sont pas l’intervenant ou d’autres personnes qui décident ou réalisent le changement, mais que c’est le client. De cette façon, le travailleur social reconnait au client la capacité à s’autodéterminer (OPTSQ, 1993), c’est-à-dire l’aptitude à faire ses propres choix et à réaliser lui-même des changements dans sa vie (Deci et Ryan, 1985).

De l’avis de certains auteurs, le rôle du client dans le processus de changement a été négligé par les scientifiques alors que celui-ci est l’agent au cœur du processus de changement (Levitt, Pomerville, et Surace, 2016; Stiles, 2013; Wampold et Brown, 2005). Cette thèse s’attarde précisément au rôle du client dans le processus de changement par l’entremise des SRA qu’il emploie.

La vision systémique du changement en consultation. Plus récemment, Gelo et Salvatore (2016) ont présenté une façon de voir et d’étudier les liens entre la systémique et la consultation. Selon eux, la théorie systémique permet de concevoir le changement de manière dynamique. Cela signifie que le changement peut prendre plusieurs directions (progression ou régression), être de différentes natures (symptômes, émotions, comportements, etc.) et aller à des vitesses très variables (très lent à très rapide). Ils notent également que le changement est discontinu, c’est-à-dire qu’un individu peut vivre des changements de direction, de nature et de vitesse durant son processus de transformation. Dans cette optique, lorsqu’une déstabilisation suit un événement stressant, cela signifie que le système oscille entre l’ancien et le nouveau modèle d’adaptation cherchant ainsi à évoluer vers une nouvelle structure mieux ajustée à la situation présente tout en conservant certains acquis. Toutefois, pour

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11 que la déstabilisation porte ses fruits, elle doit être suivie d’une réinterprétation positive des événements et d’une réénergisation du système (Gelo et Salvatore, 2016; Hayes, Laurenceau, Feldman, Strauss, et Cardaciotto, 2007).

La pensée systémique est retenue dans cette thèse pour l’étude du processus de changement lequel est compris comme un processus dynamique, interactif et continu. Elle sera utilisée pour l’analyse des liens entre les différentes catégories de changement qui, dans cette thèse correspondent à la situation-problème, aux affects, aux SRA, à la régulation des affects, à la dynamique des SRA et au processus de changement.

1.3 Situation-problème

Cette section vise à définir la signification de l’expression « situation-problème » ainsi qu’à décrire le processus de changement des situations-problèmes dans la perspective du MTT (Norcross et al., 2011; Prochaska et DiClemente, 1983).

1.3.1 Situations et problèmes

La vie humaine amène son lot de situations quotidiennes qui sont la plupart du temps gérées de façon routinière, voire automatique. Dans la perspective du service social, la gestion de ces situations est facilitée par les transactions entre l’individu et son environnement. Au cœur de ce système, les transactions permettent d’échanger des ressources ou d’en optimiser le potentiel. Ce fonctionnement permet la satisfaction de la majorité des besoins favorisant ainsi le développement et le bien-être. Lorsque la gestion d’une situation entraine une insatisfaction, soit un écart entre les attentes et la réalité, la situation devient alors un problème. En conséquence, certains besoins ne sont plus ou sont moins bien satisfaits et des ressources sont mobilisées pour tenter de résoudre le problème. Un malaise, voire une détresse, peut accompagner cet état d’insatisfaction en lien avec le problème vécu (Bilodeau, 2005; Gambrill, 2006). Plus le problème perdure, plus les conséquences sur le développement et le bien-être risquent de s’élever (Bronfenbrenner, 1979, 1996).

Rondeau-Robitaille (2004) distingue les problèmes, la situation-problème et le problème reformulé. Les problèmes sont les difficultés vécues par le client qui peuvent être rassemblées en différentes catégories. Par exemple, la typologie de Reid (1985) énumère six catégories de problèmes, soit : un conflit interpersonnel, une insatisfaction dans les relations sociales ou la relation avec soi-même, un

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12 problème avec un organisme officiel (école, cours de justice, etc.), une difficulté à exécuter un rôle social (rôle parental, rôle conjugal, etc.), une difficulté à s’adapter à une transition sociale (rupture amoureuse, décès, etc.), des problèmes d’anxiété réactionnelle ou encore des ressources inadéquates (financières, matérielles, etc.). Un même problème peut se retrouver dans plusieurs catégories et plusieurs problèmes peuvent être vécus en même temps. Une situation-problème regroupe l’ensemble des difficultés vécues par le client ainsi que leur historique, leurs impacts, les solutions essayées ou envisagées et les attentes. Dans la vision de Rondeau-Robitaille, un problème se développe en situation-problème dans le temps en fonction des événements qui surviennent, des échecs dans les tentatives de solution, des attentes et des buts parfois irréalistes ainsi que des impacts émotionnels de la situation-problème. En effet, la perduration du problème peut être liée à de nouveaux événements perçus négativement, à la répétition de solutions infructueuses, au fait de ne pas renoncer à des buts irréalistes ou trop élevés, à une réaction émotionnelle intense mal gérée, etc. Le problème reformulé, quant à lui, reflète la difficulté du client à résoudre la situation-problème. Cela signifie, selon la vision de Rondeau-Robitaille, que ce n’est pas nécessairement le problème à l’origine de la situation-problème qui est à résoudre. Parfois, il s’agit davantage de mieux gérer certaines émotions, de modifier sa perception du problème, ses attentes ou ses buts, ou encore de cesser l’utilisation de moyens qui accentuent ou alimentent la situation-problème. Le problème reformulé est donc associé à des apprentissages à faire, à des habiletés à développer et des changements à opérer dans sa façon de composer avec une situation-problème.

Bref, ces distinctions entre situation, problème et situation-problème sont retenues dans ce texte. Soulignons que cette thèse s’attardant spécifiquement aux situations-problèmes, cette expression sera à présent utilisée pour désigner l’ensemble des difficultés qui ont amené les participants à consulter.

1.3.2 Situation-problème et processus de changement : le modèle transthéorique (MTT) Le MTT s’intéresse au changement dans la vie de tous les jours comme au changement induit par une consultation. Il repose sur l’idée que les individus peuvent décider et effectuer des changements dans leur vie. Le processus de changement réfère à un ensemble d’activités, plus ou moins organisées, qui s’étalent dans le temps et qui génèrent un changement par rapport à une situation-problème identifiée. Cinq concepts sont considérés comme des éléments importants du changement par le MTT, soit : a) les stades de changement, b) les stratégies de changement, c) la balance

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13 décisionnelle, d) le sentiment d’efficacité personnelle et e) les niveaux de changement (Prochaska et DiClemente, 1983). Seuls les deux premiers éléments du MTT seront abordés dans cette thèse étant donné qu’ils sont davantage liés aux variables à l’étude.

Les stades de changement sont définis comme : « …une période de temps combinée à un ensemble d’activités

requises pour accéder au stade suivant » (Norcross et al., 2011, p. 143, traduction libre). Le temps passé à

un stade est variable. La progression s’effectue en spirale, c’est-à-dire que les individus font plusieurs aller-retour entre les stades sans nécessairement reprendre du début le processus ni refaire chaque étape dans l’ordre. Cependant, selon ce modèle, le passage à un stade supérieur nécessite la réalisation des tâches des étapes antérieures. Le MTT suggère l’existence de cinq stades de changement. Ces stades ont été identifiés à l’aide d’études longitudinales portant sur le processus d’arrêt du tabagisme, de consommation d’alcool et de toxicomanie pour ensuite être appliquées à l’intervention en général (Norcross et al., 2011). Voici une brève description de chaque stade réalisée par Rondeau, Lindsay, Brochu, et Brodeur (2006) :

Au premier stade, appelé Précontemplation, les personnes n’ont pas l’intention de changer : ils nient avoir un problème ou en diminuent l’ampleur et les conséquences. Au second stade, appelé Contemplation, les personnes reconnaissent avoir un problème, mais sont profondément ambivalentes face au changement. Elles ne sont conséquemment pas prêtes à passer à l’action. Au troisième stade, appelé Préparation, les individus ont pratiquement résolu l’ambivalence qui les paralysait et sont prêts à prendre des engagements en vue de modifier leur comportement. Ils planifient leur action future et commencent à poser des gestes concrets sans toutefois être en mesure d’éliminer leur comportement problématique. Au quatrième stade, appelé Action, les individus travaillent activement à modifier leurs comportements, à réviser leurs cognitions, attitudes et croyances et à contrôler leur environnement en vue de résoudre leur problème. Ils cessent d’avoir recours à leur comportement habituel et en adoptent de nouveaux, le changement devenant ainsi plus facilement observable par les personnes de leur entourage. Au dernier stade, appelé Maintien, les individus s’efforcent de continuer à pratiquer les comportements qu’ils ont acquis et tentent d’éviter les rechutes (p. 3).

Norcross et al. (2011) estiment qu’au début de la consultation, 40% des clients sont au stade de précontemplation, 40% de contemplation et seulement 20% au stade d’action. Selon eux, l’efficacité de l’intervention étant reliée à sa correspondance avec le stade de changement, il importe d’utiliser une approche et des techniques d’intervention qui conviennent au stade concerné. Les objectifs d’intervention doivent donc être ajustés selon le stade de changement pour ces auteurs. Aux trois

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14 premiers stades, des objectifs d’ordre réflexif et de soulagement émotionnel conviennent mieux que des objectifs de changement plus pertinents aux deux derniers stades. En conséquence, le rôle de l’intervenant est différent à chacun des stades. Au stade de précontemplation, l’intervenant a un rôle d’accueil et de soutien empathique. Au stade de contemplation, un rôle socratique, c’est-à-dire de favoriser des prises de conscience. Il est un conseiller au stade d’action qui aide à la planifier et à l’évaluer. Aux deux derniers stades, l’intervenant est un consultant qui conseille et supporte le client dans ses tentatives de changement. Il encourage le client à être autonome en développant sa capacité d’autoréflexion et la maitrise des habiletés reliées au processus de changement. Il importe ici d’encourager le client lorsqu’il a l’impression d’échouer ou de régresser (Norcross et al., 2011).

Les individus progressent d’une étape à l’autre en recourant à une dizaine de stratégies de changement (voir Tableau 2 tiré de Csillik, 2009). Ces stratégies condensent les processus de changement abordés par 24 approches d’intervention différentes. Les auteurs ont d’abord procédé à une analyse théorique de ces approches pour ensuite opérationnaliser les stratégies de changement identifiées. Le tableau ci-dessous présente une définition de chacune des dix stratégies de changement. L’utilisation d’une stratégie est fonction du stade de changement. Des techniques d’intervention sont aussi recommandées pour stimuler la mise en œuvre de chaque stratégie (Prochaska et DiClemente, 1983).

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15 Selon Prochaska et Norcross (2013), la quantité de stratégies de changement utilisées s’accroît progressivement entre la précontemplation et l’action et décline au stade de maintien. Les auteurs indiquent par ailleurs que certaines stratégies sont plus utiles à certains stades qu’à d’autres. Comme le résume Rondeau et al. (2006) :

L’emploi des stratégies expérientielles, qui permettent à l’individu de prendre conscience du problème, de vivre des émotions intenses en rapport à celui-ci, de réévaluer l’impact de son comportement sur son entourage et de réexaminer ses valeurs, aide tout particulièrement au développement de la motivation au changement et à la prise de décision. Elles sont utilisées principalement au début du processus de changement pour faciliter le passage de la précontemplation à la contemplation, puis à la préparation.

Les stratégies comportementales, qui incluent la prise d’engagements, la restructuration de l’environnement, la substitution de nouvelles conduites aux anciennes et le renforcement des nouvelles habitudes, sont pour, leur part, plus utiles pour travailler à la modification effective du comportement et au maintien ultérieur des acquis. Elles sont donc employées davantage dans les deux derniers stades de changement (p. 4)

Certaines études tendent à appuyer l’idée de stades de changement. Dans une récente méta-analyse regroupant 39 études et 8238 personnes, les résultats montrent un lien significatif entre le stade de changement et le résultat de l’intervention (d = .46). Lorsqu’un client débute une consultation au stade de précontemplation, les probabilités d’un résultat positif sont faibles (autour de 20%) alors que celui au stade d’action jouit de meilleures chances de succès (autour de 75%). Les femmes profitent davantage de la consultation ce qui laisse croire que les hommes sont plus nombreux à être précontemplateurs lorsqu’ils débutent une consultation (Norcross et al., 2011).

Critiques au MTT : Les auteurs du MTT soulignent que la plupart des études sur les liens entre les stades de changement et l’efficacité des interventions ont porté sur des problèmes de santé physique (alimentation, santé cardiaque, etc.) et de dépendance (tabac, alcool, etc.) (Norcross et al., 2011). On trouve très peu d’études qui abordent les liens entre des problèmes de l’Axe I du DSM-V (dépression, anxiété, trouble d’adaptation, etc.) et le MTT (Emmerling et Whelton, 2009; Levesque et

al., 2011). Quelques études abordent plus particulièrement des problèmes sociaux comme la violence

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16 D’autres auteurs apportent des critiques plus fondamentales. Les stades de changement du MTT ont subi de nombreuses reformulations. Plusieurs outils pour les mesurer ont été développés, et ce, pour différents comportements (la consommation d’alcool, le tabac, l’alimentation, l’exercice physique, la violence, la dépression, etc.). Il y a donc un problème de cohérence, si bien que, d’une étude à l’autre, on ne mesure pas la même chose (Csillik, 2009; Diclemente, 2005; R. West, 2005).

Les frontières entre les stades sont arbitraires, si bien qu’on peut douter de la pertinence de parler de stades de changement (West, 2005). Dans les faits, il y a un discours paradoxal. Pourquoi vouloir délimiter très précisément les stades tout en reconnaissant que les stratégies de changement peuvent chevaucher plusieurs stades (Csillik, 2009)? DiClemente (2005) précise que les stades de changements ne doivent pas être vus de manière statique. Les stades sont des repères dans le processus de changement. Il faut porter attention aux stratégies de changement utilisées ainsi qu’aux mécanismes qui freinent le changement.

Enfin, le lien entre les stades de changement et les stratégies de changement n’a pu être que très partiellement validé. La seule donnée solide est que les personnes au stade de précontemplation sont celles qui utilisent le moins de stratégies de changement alors que les individus au stade d’action sont ceux qui en utilisent le plus (Brodeur, 2006). Il apparaît donc pertinent de s’intéresser aux conditions qui favorisent la mise en place de stratégies de changement (Pandya, 2001).

Malgré les critiques, le MTT a le mérite de présenter une vision du changement des situations-problèmes qui normalise la rechute et permet de la voir comme une phase d’apprentissage. Il propose une vision en spirale plutôt que linéaire du changement, ce qui permet de comprendre les rechutes comme une façon de cheminer. Il alimente la recherche et les discussions inspirant de nouvelles conceptions du changement (Csillik, 2009). Ses principales faiblesses demeurent son incapacité à prédire le changement à partir des stades identifiés (Ryan et al., 2010) et, selon nous, à comprendre le processus affectif sous-jacent au changement auquel il porte peu d’intérêt.

1.4 Affects et émotions

Les SRA étant au cœur de cette thèse, il importe de distinguer, en premier lieu, les principaux courants théoriques à propos des affects. En second lieu, la théorie des émotions retenue pour cette thèse, soit celle de Larivey (2002), est présentée ainsi que la taxonomie élaborée par l’auteure.

Figure

Tableau 1 : Typologie du changement  Processus de  changement  Mécanismes de changement   Médiateurs de changement   Indicateurs de changement  PROCESSUS DE  CHANGEMENT  (6)  (4) Mécanismes de changement  RÉGULATION  DES AFFECTS  (3)  Actions/Transactions
Tableau 2 : Le processus de changement selon le MTT (tiré de Csillik, 2009, p. 357)
Figure 1. Adaptation d'un schéma tiré de Gross & Barrett (2011)
Tableau 3 : Taxonomie des émotions de Larivey (2002)
+7

Références

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