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L'influence de l'expertise aux jeux vidéo sur l'expressivité émotionnelle et l'expérience subjective des joueurs

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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L’influence de l’expertise aux jeux vidéo sur

l’expressivité émotionnelle et l’expérience subjective

des joueurs

Mémoire

Marc-André Bouchard

Maîtrise en psychologie

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

(2)

L’influence de l’expertise aux jeux vidéo sur

l’expressivité émotionnelle et l’expérience subjective

des joueurs

Mémoire

Marc-André Bouchard

Sous la direction de :

Philip Jackson, directeur de recherche

Sébastien Tremblay, codirecteur de recherche

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Résumé

Un intérêt actuel de la communauté scientifique et industrielle concerne le développement de jeux vidéo émotionnellement interactifs (JVEI) permettant une adaptation aux états émotionnels des joueurs en vue de fournir une expérience optimale pour chacun (Chamberland, Grégoire, Michon, Gagnon, Jackson, Tremblay, 2015; Yannakakis & Hallam, 2009). À cet effet, certaines études ont observé que l’expertise aux jeux vidéo est une caractéristique individuelle pouvant avoir un effet sur l’expressivité émotionnelle et l’expérience subjective des joueurs (Rambusch, Jakobsson, & Pargman, 2007; S. Reeves, Brown, & Laurier, 2007, 2009; Weinreich, Strobach, & Schubert, 2015). Cette étude visait donc à évaluer l’influence de l’expertise aux jeux vidéo sur l’expressivité émotionnelle et l’expérience subjective des joueurs lors d’une session de jeu vidéo à l’aide d’une nouvelle classification de l’expertise dans le but de fournir des recommendations au développement de JVEI. Quinze (15) joueurs experts et quinze (15) joueurs non experts ont été recrutés et classifiés comme étant experts, ou non, avec les jeux vidéo. Les joueurs ont complété deux missions du jeu vidéo

Assassin’s Creed : Syndicate (AC : S) sur ordinateur. L’expressivité émotionnelle a été évaluée

avec les contractions musculaires du zygomatique majeur et du corrugateur du sourcil mesurées à l’aide de l’électromyographie faciale tandis que l’expérience subjective a été évaluée avec la charge de travail associée à la session de jeu telle que mesurée par le NASA-TLX. Les résultats suggèrent que l’expressivité émotionnelle et l’expérience subjective des joueurs experts et non experts sont similaires lors d’une session de jeu. Cette absence de différence observée pourrait avoir été influencée par des habitudes de jeu comparable entre les deux groupes de joueurs. Pour améliorer l’identification d’une expertise avec les jeux vidéo, les futurs travaux devront intégrer une évaluation subjective, comportementale et expérientielle de l’expertise.

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Table des matières

LISTE DES TABLEAUX ... VI LISTE DES FIGURES ... VIII LISTE DES ABRÉVIATIONS ... X ÉPIGRAPHE ... XI REMERCIEMENTS ... XII

1. INTRODUCTION ... 1

1.1IMPORTANCE DES ÉMOTIONS DANS LES JEUX VIDÉO ... 2

1.2ÉVALUATION DES ÉTATS ÉMOTIONNELS ... 5

1.3L’UTILISATION DE L’ÉLECTROMYOGRAPHIE FACIALE ... 8

1.4INDUIRE, DÉTERMINER ET PRÉDIRE LES ÉTATS ÉMOTIONNELS : LE RÔLE DE L’EMG FACIALE . 10 1.5LE DÉVELOPPEMENT DE JEUX VIDÉO ÉMOTIONNELLEMENT INTERACTIFS (JVEI) ... 13

1.6L’IMPLICATION DES VARIABLES INDIVIDUELLES : LE CAS DE L’EXPERTISE ... 15

1.7LES CHANGEMENTS COMPORTEMENTAUX, MENTAUX ET PHYSIOLOGIQUES CHEZ LES JOUEURS EXPERTS ... 18

1.8OBJECTIFS DU PROJET DE RECHERCHE ... 21

2. MÉTHODE ... 23

2.1PARTICIPANTS ... 23

2.1.1 Classification de l’expertise ... 24

2.2MATÉRIEL ... 25

2.2.1 Jeu vidéo et missions utilisées ... 25

2.2.2 Mesures de l’expressivité émotionnelle ... 28

2.2.3 Mesures de l’expérience subjective ... 29

2.2.4 Évaluation des habitudes de jeu ... 29

2.3PROCÉDURE ... 30

2.3.1 Installation et calibration de l’équipement ... 30

2.3.2 Acquisition de la mesure de référence ... 31

2.3.3 Tutoriel du jeu Assassin’s Creed : Syndicate (AC : S) ... 31

2.3.4 Réalisation et revisionnement des missions ... 32

2.3.5 Questionnaires finaux et retrait de l’équipement ... 32

2.4TRAITEMENT DES DONNÉES ... 33

2.4.1 Paramètres de filtrage du signal ... 33

(5)

2.5.1 Données sociodémographiques, habitudes de jeu et comparaison entre les missions .. 41

2.5.2 Données objectives : expressivité émotionnelle (EMG faciale) ... 41

2.5.3 Données subjectives : expérience subjective (NASA-TLX) ... 42

3. RÉSULTATS ... 43

3.1DONNÉES SOCIODÉMOGRAPHIQUES ET HABITUDES DE JEU ... 43

3.2COMPARAISON ENTRE LES DEUX MISSIONS UTILISÉES ... 47

3.3DONNÉES OBJECTIVES : EXPRESSIVITÉ ÉMOTIONNELLE DES JOUEURS EXPERTS ET NON EXPERTS (EMG FACIALE) ... 48

3.4DONNÉES SUBJECTIVES : EXPÉRIENCE SUBJECTIVE DES JOUEURS EXPERTS ET NON EXPERTS (NASA-TLX) ... 57

4. DISCUSSION ... 61

4.1EXPERTISE ET RÉPONSES PHYSIOLOGIQUES DES JOUEURS EXPERTS ... 61

4.2EXPERTISE ET EXPÉRIENCE SUBJECTIVE DES JOUEURS EXPERTS ... 65

4.3ÉVALUATION DE L’EXPERTISE ... 68

4.3.1 Évaluation subjective de l’expertise des joueurs ... 69

4.3.2 Évaluation comportementale de l’expertise des joueurs ... 70

4.3.3 Évaluation expérientielle de l’expertise des joueurs ... 71

4.4PERTINENCE SOCIALE ET SCIENTIFIQUE ... 75

4.5LIMITES ... 76 5. CONCLUSION ... 79 6. RÉFÉRENCES ... 81 ANNEXE A ... 97 ANNEXE B ... 98 ANNEXE C ... 99 ANNEXE D ... 102 ANNEXE E ... 105 ANNEXE F ... 107 ANNEXE G ... 111 ANNEXE H ... 112 ANNEXE I ... 116 ANNEXE J ... 119

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Liste des tableaux

TABLEAU 1.POURCENTAGES DES CONTRACTIONS MUSCULAIRES DU ZM CONSERVÉES CHEZ LES

JOUEURS EXPERTS ET LES JOUEURS NON EXPERTS EN FONCTION DE LA MISSION JOUÉE ... 39 TABLEAU 2.POURCENTAGES DES CONTRACTIONS MUSCULAIRES DU CS CONSERVÉES CHEZ LES

JOUEURS EXPERTS ET LES JOUEURS NON EXPERTS EN FONCTION DE LA MISSION JOUÉE ... 39 TABLEAU 3.COMPARAISON DU NOMBRE D'ANNÉES DE SCOLARITÉ ENTRE LES JOUEURS EXPERTS ET LES

JOUEURS NON EXPERTS ... 43 TABLEAU 4.COMPARAISON DES HABITUDES DE JEU DES JOUEURS EXPERTS ET DES JOUEURS NON

EXPERTS ... 44 TABLEAU 5.COMPARAISON DES HABITUDES DE JEU DES JOUEURS NON EXPERTS INCLUS DANS L’ÉTUDE

ET DES JOUEURS NON EXPERTS NON INCLUS DANS L’ÉTUDE ... 47 TABLEAU 6. COMPARAISON DU PLAISIR ET DE LA DIFFICULTÉ ASSOCIÉS À LA MISSION S4M1 ET À LA

MISSION S5M3 ... 47 TABLEAU 7.STATISTIQUES DESCRIPTIVES DES CINQ PARAMÈTRES DES CONTRACTIONS MUSCULAIRES DU ZM POUR LA MISSION S4M1. ... 52 TABLEAU 8.STATISTIQUES DESCRIPTIVES DES CINQ PARAMÈTRES DES CONTRACTIONS MUSCULAIRES DU ZM POUR LA MISSION S5M3 ... 52 TABLEAU 9.STATISTIQUES DESCRIPTIVES DES CINQ PARAMÈTRES DES CONTRACTIONS MUSCULAIRES DU CS POUR LA MISSION S4M1. ... 56 TABLEAU 10.STATISTIQUES DESCRIPTIVES DES CINQ PARAMÈTRES DES CONTRACTIONS MUSCULAIRES

DU CS POUR LA MISSION S5M3 ... 56 TABLEAU 11.RÉSULTATS COMPARATIFS DES SCORES AUX DIFFÉRENTES COMPOSANTES DU NASA-TLX

ENTRE LES JOUEURS EXPERTS ET NON EXPERTS POUR LA MISSION S4M1. ... 57 TABLEAU 12.RÉSULTATS COMPARATIFS DES SCORES AUX DIFFÉRENTES COMPOSANTES DU NASA-TLX

(7)

TABLEAU 14.ÉVALUATION COMPORTEMENTALE DE L’EXPERTISE DES JOUEURS AVEC DES EXEMPLES D’ITEMS POUVANT ÊTRE UTILISÉS ... 73 TABLEAU 15.ÉVALUATION EXPÉRIENTIELLE DE L’EXPERTISE DES JOUEURS AVEC DES EXEMPLES

D’ITEMS POUVANT ÊTRE UTILISÉS ... 73 TABLEAU 16.ÉVALUATION DE L’EXPERTISE CHEZ LES JOUEURS PROPOSÉE AU DÉBUT DU PROJET DE

RECHERCHE ... 74 TABLEAU 17.ÉVALUATION DE L’EXPERTISE CHEZ LES JOUEURS PROPOSÉE À LA FIN DU PROJET DE

(8)

Liste des figures

FIGURE 1. EMPLACEMENT DES DEUX PRINCIPAUX MUSCLES FACIAUX UTILISÉS DANS LE PROJET DE RECHERCHE ... 7

FIGURE 2.DÉROULEMENT DE LA MISSION S4M1 ET SES DIFFÉRENTS SEGMENTS DANS UN ORDRE CHRONOLOGIQUE ... 27

FIGURE 3.DÉROULEMENT DE LA MISSION S5M3 ET SES DIFFÉRENTS SEGMENTS DANS UN ORDRE CHRONOLOGIQUE ... 27

FIGURE 4.FIGURE ADAPTÉE DE VAN BOXTEL (2010) POUR MONTRER L’EMPLACEMENT DES ÉLECTRODES DANS LE PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL MESURANT LES CONTRACTIONS

MUSCULAIRES DU CS (IMAGE DE GAUCHE) ET DU ZM (IMAGE DE DROITE). ... 29

FIGURE 5.EXEMPLE DES CINQ ÉTAPES DU TRAITEMENT DE SIGNAL RÉALISÉES POUR UN

PARTICIPANT SUR UN ÉCHANTILLON DE 38 SECONDES. ... 34

FIGURE 6.EXEMPLE DU TRAITEMENT DE SIGNAL RÉALISÉES À L’AIDE DE LA DISTRIBUTION DES CONTRACTIONS MUSCULAIRES POUR UN MUSCLE ... 37

FIGURE 7.ILLUSTRATION DES PARAMÈTRES DES CONTRACTIONS MUSCULAIRES UTILISÉS (VALIDE POUR LE CS ÉGALEMENT). ... 38

FIGURE 8.EXEMPLE DU NOMBRE DE CONTRACTIONS MUSCULAIRES VALIDES POUR UN PARTICIPANT DURANT UNE SESSION DE JEU ... 40

FIGURE 9. RÉSULTATS COMPARATIFS DES HABITUDES DE JEU DES JOUEURS EXPERTS ET NON

EXPERTS ... 45

FIGURE 10.RÉSULTATS COMPARATIFS DU TEMPS EN MINUTES PAR SESSION DE JEU DES JOUEURS EXPERTS ET DES JOUEURS NON EXPERTS ... 46

FIGURE 11.RÉSULTATS DU PLAISIR ET DE LA DIFFICULTÉ ASSOCIÉS AUX DEUX MISSIONS UTILISÉES DANS LE PROJET DE RECHERCHE ... 48

FIGURE 12.ILLUSTRATION DE L’ENSEMBLE DES PARAMÈTRES DES CONTRACTIONS MUSCULAIRES DU ZM (MOYENNES) ENTRE LES JOUEURS EXPERTS ET NON EXPERTS POUR LA MISSION S4M1

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FIGURE 13.ILLUSTRATION DE L’ENSEMBLE DES PARAMÈTRES DES CONTRACTIONS MUSCULAIRES DU ZM (MOYENNES) ENTRE LES JOUEURS EXPERTS ET NON EXPERTS POUR LA MISSION S5M3

... 51

FIGURE 14.ILLUSTRATION DE L’ENSEMBLE DES PARAMÈTRES DES CONTRACTIONS MUSCULAIRES DU CS (MOYENNES) ENTRE LES JOUEURS EXPERTS ET NON EXPERTS POUR LA MISSION S4M1. 54

FIGURE 15.ILLUSTRATION DE L’ENSEMBLE DES PARAMÈTRES DES CONTRACTIONS MUSCULAIRES DU CS (MOYENNES) ENTRE LES JOUEURS EXPERTS ET NON EXPERTS POUR LA MISSION S5M3. 55

FIGURE 16.RÉSULTATS COMPARATIFS DES SCORES SUR LES DIFFÉRENTES COMPOSANTES DU NASA -TLX ENTRE LES EXPERTS ET LES NON EXPERTS POUR LA MISSION S4M1 ... 59

FIGURE 17.RÉSULTATS COMPARATIFS DES SCORES SUR LES DIFFÉRENTES COMPOSANTES DU NASA -TLX ENTRE LES EXPERTS ET LES NON EXPERTS POUR LA MISSION S5M3 ... 60

FIGURE 18.PROPOSITION DES TROIS COMPOSANTES NÉCESSAIRES POUR UNE ÉVALUATION

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Liste des abréviations

AC = Assassin’s Creed

AC : S = Assassin’s Creed : Syndicate CS = Corrugateur du sourcil

EDA = Réponse électrodermale ECG = Électrocardiogramme EMG = Électromyographie

JVEI = Jeux vidéo émotionnellement interactifs ms = Millisecondes

mV = Microvolts

S4M1 = Mission « A spoonful of syrup » : Séquence 4, mémoire 1 S5M3 = Mission « Survival of the fittest » : Séquence 5, mémoire 3 TKEO = Teager-Kaiser Energy Operator

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Épigraphe

« I play to win! » – D.Va

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Remerciements

Une très grande quantité de personnes sont derrière l’ensemble des étapes constituant la création d’un mémoire – de la planification d’un projet de recherche idéalisé jusqu’à sa réalisation finale. Dans mon parcours, beaucoup de collègues m’ont permis d’apprendre et de grandir à travers leurs connaissances et leur aide. Merci à mes superviseurs, Philip L. Jackson et Sébastien Tremblay, pour leur présence dans l’élaboration et le perfectionnement de ce projet de recherche. Dans un premier temps, un énorme merci à Philip Jackson pour son excellente supervision tout au long de la maîtrise. Philip est un excellent professeur et un chercheur exemplaire qui m’a beaucoup appris durant ces dernières années. Bien que j’admire énormément le travail de chercheur de Philip, je crois que sa plus grande qualité reste son amour pour Star Wars – un amour qu’il transfère également à tous les membres de son laboratoire de recherche. Un merci également à Sébastien Tremblay pour ses judicieux conseils et son regard critique dans ce projet de recherche. Un chaleureux merci aussi à l’ensemble de l’équipe de recherche du professeur Jackson et de mes collègues. Ensemble, vous m’avez permis de donner le meilleur de moi-même. Merci alors à Cindy Chamberland, Frédéric Grondin, Benjamin Galipeau, Mathieu Grégoire, Marie-Pier B. Tremblay, Josianne Jauniaux, Elsa Massicotte, Béatrice Tousignant, Chloé Gingras, Aurore Meugnot, Sarah-Maude Deschênes, Julien Lambert-Song, Marie-Hélène Tessier, Andrea Clerico et Mark Parent. Je remercie également Suzy Guay pour sa précieuse aide dans l’adaptation de certaines des figures du présent projet et M. Jean Leblond pour ses incroyables conseils sur le plan statistique. Finalement, j’aimerais spécialement remercier Jérémy Bergeron-Boucher pour son aide substantielle dans la planification et la création des algorithmes informatiques dans MATLAB (MathWorks inc.) pour le filtrage et la détection des contractions musculaires du zygomatique majeur et du corrugateur du sourcil utilisés dans ce projet. Cela a été une étape charnière et particulièrement complexe dans ce mémoire. Seul, j’aurais eu beaucoup de difficulté à apprendre l’ensemble de cette programmation informatique.

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1. Introduction

Le développement rapide de nouvelles techniques en informatique a permis de grandement améliorer nos interactions avec la technologie (Picard, 1997, 2010). Celui-ci peut notamment être observé via l’utilisation grandissante des jeux vidéo (ESA, 2016). Aux États-Unis, 97% des adolescents entre 12 et 17 ans et plus de 53% des jeunes adultes (plus de 18 ans) américains jouent à des jeux vidéo (Lenhart, Jones, & Macgill, 2008; Lenhart, Kahne, Middaugh, Macgill, Evans, & Vitak, 2008). Du côté du Canada, 58% des canadiens jouent à des jeux vidéo (ESA, 2013a). Plus spécifiquement, 90% des adolescents entre 13 et 17 ans et 59% des jeunes adultes (18 à 34 ans) rapportent avoir joué à des jeux vidéo dans les quatre dernières semaines (ESA, 2013a). Les données tant américaines que canadiennes suggèrent que les joueurs sont autant des hommes que des femmes (ESA, 2013a; ESA, 2013b; ESA, 2016; Lenhart et al., 2008; Lenhart, Kahne, et al., 2008). Toutefois, les habitudes de jeu des joueurs occasionnels1 masculins semblent occuper une part plus importante de leur temps que celles des joueurs féminins (Kapalo, Dewar, Rupp, & Szalma, 2015; Phan, Jardina, & Hoyle, 2012) alors que peu de différences sont observées sur les habitudes de jeu des joueurs passionnés2 indépendamment de leur sexe (Kapalo et al., 2015).

Récemment, une préoccupation envers l’expérience émotionnelle des joueurs a commencé à faire surface en vue d’offrir de nouvelles alternatives ludiques aux joueurs (Christy & Kuncheva, 2014). En autres, certains travaux visant une amélioration de l’expérience de jeu des joueurs à l’aide des états émotionnels en développant des jeux vidéo émotionnellement interactifs (JVEI) sont présentement en cours au sein de la communauté scientifique (pour des recensions, voir Farooq & Kim, 2015; Yannakakis, 2008). Certaines initiatives entre l’industrie du jeu vidéo et le milieu universitaire ont permis la création de programmes de recherche visant une interaction émotionnelle entre les joueurs et les jeux – par exemple le programme de recherche et de développement FUNii (intelligent interaction) émergeant d’une collaboration entre l’Université Laval (Jackson, P. L. & Tremblay, S. de l’École de psychologie) et Ubisoft Québec (voir Chamberland et al., 2015; Clerico et al., 2016). À cet effet, les expressions faciales sont une mesure pratique et efficace pour évaluer l'expérience émotionnelle des joueurs

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puisqu’elles peuvent facilement être associées à des états émotionnels positifs et négatifs (Lang, Greenwald, Bradley, & Hamm, 1993; Hazlett, 2006; Mandryk, Inkpen, & Calvert, 2006; Nacke, Grimshaw, & Lindley, 2010).

Certains travaux suggèrent des réponses physiologiques et comportementales différentes chez les joueurs experts telles qu’une diminution de l’expressivité émotionnelle (Weinreich et al., 2015), du cycle respiratoire (Chamberland et al., 2015) ou une dextérité comportementale accrue avec les jeux vidéo (Reeves, Brown, & Laurier, 2007; Thompson, Blair, Chen, & Henrey, 2013). Ces distinctions sur le plan physiologique pourraient nuire à l’adaptation d’un JVEI nécessitant ces mesures en sous-estimant l’expérience émotionnelle des joueurs lors d’une session de jeu typique (voir Yannakakis & Hallam, 2009). Ce projet de recherche vise donc à évaluer l’influence de l’expertise aux jeux vidéo sur l’expressivité émotionnelle et l’expérience subjective des joueurs directement lors d’une session de jeu en vue de générer des recommandations dans le développement de JVEI (pour des recensions, voir Bakkes, Spronck, & Lankveld, 2012; Farooq & Kim, 2015).

1.1 Importance des émotions dans les jeux vidéo

Les écrits sur les interactions humain-ordinateur ont permis de développer considérablement notre compréhension de la dyade entre un individu et une interface informatique (Kim, 2012; B. Reeves & Nass, 1996). Il y a déjà plusieurs années, B. Reeves et Nass (1996) ont proposé que la manière dont les humains interagissent avec un ordinateur ressemble beaucoup à leurs interactions avec d’autres humains – un phénomène fréquemment appelé anthropomorphisme (voir Goudey & Bonnin, 2016). Encore aujourd’hui, certaines recensions systématiques appuient les propos de Reeve et Nass (1996) en montrant qu’une interaction entre un individu et une interface informatique peut générer des états émotionnels comparables à ceux issus d’une interaction entre deux individus (pour une recension, voir Derks, Fischer, & Bos, 2008). Dans le même sens, certains chercheurs ont intégré la sphère émotionnelle comme une composante centrale des interactions humains-ordinateurs sur le plan théorique (Thüring & Mahlke, 2007). L’ensemble de ces écrits suggère deux éléments importants

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nécessaires pour une interaction optimale avec l’interface informatique (Picard, 1997; Thüring & Mahlke, 2007).

Les jeux vidéo sont des outils technologiques à la disposition de la communauté scientifique fournissant un excellent environnement pour susciter des états émotionnels (Freeman, 2004; Hazlett, 2006; Liapis, Yannakakis, & Togelius, 2014; Yannakakis, Isbister, Paiva, & Karpouzis, 2014). Selon Rouse (2001), les jeux vidéo ont le potentiel de provoquer une variété d’états émotionnels incluant des émotions de nature positive (p. ex., accomplissement ou fierté) et de nature négative (p. ex., tristesse). Entre autres, la nature principalement interactive – c’est-à-dire que l’expérience suscitée par un jeu vidéo est le résultat d’échanges entre le joueur et le jeu amenant ainsi une grande étendue de possibilités (voir Yannakakis, Spronck, Loiacono, & André, 2013) – des jeux vidéo pourrait notamment expliquer pourquoi différents états émotionnels sont provoqués par ce média (voir Barr, Noble, & Biddle, 2007). Plus spécifiquement, certains auteurs argumentent que les jeux vidéo génèrent des états émotionnels via différentes caractéristiques propres aux jeux joués (Järvinen, 2009; Rouse, 2001). À titre d’exemple, Rousse (2001) propose que des jeux plus compétitifs par nature puissent amener davantage de sentiment d’accomplissement tandis que des jeux de tir rapide pourraient susciter davantage de tension. Puisque les états émotionnels sont un élément important de l’interaction avec un jeu vidéo (Freeman, 2004; Järvinen, 2009; Yannakakis et al., 2014), l’utilisation d’un modèle des émotions est nécessaire pour définir l’expérience des joueurs selon une perspective théorique (Picard, 2010).

Une quantité importante de modèles des émotions ont été élaborés dans les écrits (Scherer, 2000). Russell (1980) est un des premiers auteurs à avoir postulé une représentation dimensionnelle des émotions dans son modèle théorique. Selon Russell (1980), une représentation circulaire de huit composantes affectives (p. ex., le plaisir, la détresse ou la misère3) permet d’illustrer une part importante des états émotionnels exprimés par les humains. Quelques années plus tard, Lang (1995) a élaboré un modèle bien défini des états émotionnels en suggérant que l’ensemble des émotions peut être identifié à l’aide d’une représentation dimensionnelle en deux composantes : la valence affective (p. ex., la nature positive ou négative)

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et l’activation (p. ex., l’intensité de l’émotion). Russell et Lang n’ont pas personnellement appliqué le modèle dimensionnel des émotions au domaine des jeux vidéo même si ce modèle est fréquemment employé dans ce contexte (p. ex., Diener & Oertel, 2006; Mandryk & Atkins, 2007; Nacke et al., 2010). Toutefois, l’utilisation du modèle dimensionnel implique un certain compromis théorique, soit celui de mettre de côté un second modèle important : celui de la représentation discrète des émotions selon Ekman (1992). Ce modèle théorique stipule la présence d’un nombre varié, mais limité, d’états émotionnels de base (p. ex., la joie, la peur, la colère, etc.) possédant chacun des caractéristiques uniques sur le plan physiologique permettant de les différencier (Ekman, 1992; Ekman & Cordaro, 2011).

Une représentation discrète plutôt que dimensionnelle pourrait amener plusieurs défis supplémentaires à l’évaluation des états émotionnels dans un contexte de jeux vidéo. Premièrement, la diversité des états émotionnels suscités par un jeu vidéo telle que proposée par Rouse (2001) pourrait nuire à l’utilisation d’une représentation discrète en raison de la quantité limitée et non exhaustive d’états émotionnels identifiés par le modèle (voir Ekman, 1992). Deuxièmement, l’expression des états émotionnels des joueurs semble être exprimée en fonction du contexte et de l’émotion ressentie (Gratch, Cheng, Marsella, & Boberg, 2013). Ainsi, l’expressivité émotionnelle pourrait être moins saillante lorsque les joueurs sont en interaction avec un jeu vidéo comparativement à d’autres situations courantes de la vie telles que des interactions sociales (Vrana & Rollock, 1998) et nécessiter une analyse plus subtile des états émotionnels (voir Nacke, 2015; Tassinary & Cacioppo, 1992). Dernièrement, l’utilisation d’une configuration faciale prédéterminée pour évaluer les états émotionnels a suscité certaines critiques en raison de la variabilité observée dans l’expressivité émotionnelle (Cowie et al., 2001). Une représentation dimensionnelle permettrait alors de simplifier les observations en ciblant uniquement les états émotionnels des joueurs en terme de valence et d’intensité (Lang et al., 1993). Une sélection de mesures appropriées est alors nécessaire pour évaluer ces composantes des états émotionnels selon une perspective dimensionnelle (voir Nacke, 2015; Ravaja, 2004).

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1.2 Évaluation des états émotionnels

Les états émotionnels peuvent être évalués à l’aide de mesures subjectives (pour une recension, voir Pagulayan et al., 2002) ou objectives (pour une recension, voir Kivikangas et al., 2011) lors d’une session de jeu vidéo. Une grande variété de mesures peuvent être employées pour une évaluation subjective de l’expérience des joueurs telles que l’observation de comportements (p. ex., Pagulayan et al., 2002), l’utilisation de mesures autorapportées (p. ex., Drachen, Nacke, Yannakakis, & Pedersen, 2010) et d’entrevues (p. ex., Mirza-Babaei, Long, Foley, & McAllister, 2011) ou des protocoles nécessitant de verbaliser l’expérience ressentie (p. ex., Klasen, Zvyagintsev, Weber, Mathiak, & Mathiak, 2008). L’utilisation de mesures subjectives permet d’obtenir une grande diversité de données sur l’expérience des joueurs (Pagulayan et al., 2002), mais peut être sujette à des biais d’interprétation chez l’évaluateur ou de mémoire chez le joueur (Nacke, 2015; Schwarz & Oyserman, 2001). En ce sens, plusieurs chercheurs recommandent l’ajout de mesures objectives pour mieux comprendre l’expérience ressentie – plus précisément l’utilisation des réponses physiologiques (Mirza-Babaei, Nacke, Gregory, Collins, & Fitzpatrick, 2013; Nacke, 2015). Par exemple, Mirza-Babaei et ses collaborateurs (2011) ont montré que la réponse électrodermale (EDA) permet de détecter des problèmes d’ergonomie que les mesures observationnelles ne détectent pas chez les joueurs. L’utilisation des réponses physiologiques pour évaluer l’expérience ressentie est généralement employée sous l’angle théorique du modèle dimensionnel des émotions discuté précédemment (p. ex., Mandryk & Atkins, 2007).

L’évaluation objective des états émotionnels avec les réponses physiologiques amène plusieurs avantages comparativement aux mesures subjectives détaillées plus haut (Nacke, 2015). Parmi les principaux avantages, considérons que les réponses physiologiques sont : (a) involontaires et automatiques (Cacioppo, Tassinary, & Berntson, 2007); (b) mesurables en temps réel lors d’une séance de jeu (Ravaja, Saari, Salminen, Laarni, & Kallinen, 2006) et (c) elles évitent de nuire à la tâche en cours au même degré que certaines mesures autorapportées telles que l’utilisation d’une technique visant à verbaliser l’expérience ressentie (Alexandros & Xenos, 2013; Nacke, 2015). Pour ces raisons, une variété de réponses physiologiques ont été employées avec les jeux vidéo, notamment la respiration, le rythme cardiaque, l’EDA, l’électroencéphalographie ou la température corporelle (pour une recension, voir Kivikangas et

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al., 2011). Néanmoins, la capacité à inférer les états émotionnels des joueurs peut varier en fonction des réponses physiologiques sélectionnées dans les protocoles expérimentaux (Niu, Chen, & Chen, 2011; Wagner, Kim, & André, 2005).

L’électromyographie (EMG) faciale est une réponse physiologique fréquemment employée avec les jeux vidéo (p. ex., Hazlett, 2006; Nacke et al., 2010; Nogueira, Aguiar, Rodrigues, Oliveira, & Nacke, 2014; Ravaja, 2009; C. T. Tan, Leong, & Shen, 2014). Concrètement, l’EMG faciale permet de mesurer l’activité électrique associée aux contractions musculaires et aux potentiels d’action des fibres nerveuses situées sur la surface de la peau (Tassinary, Cacioppo, & Vanman, 2007). Cette mesure permet d’apprécier l’expressivité émotionnelle d’une manière non invasive chez les utilisateurs en appliquant des électrodes sur différents muscles d’intérêts situés sur le visage (Tassinary et al., 2007). L’EMG faciale est la réponse physiologique permettant d’évaluer le plus rapidement et le plus simplement la valence émotionnelle chez les joueurs de façon objective (p. ex., Hazlett, 2006; Ravaja et al., 2005; Ravaja et al., 2006). En effet, dans une importante publication, Lang et ses collaborateurs (1993) ont observé que les contractions musculaires du zygomatique majeur (zygomaticus major - ZM) sont associées aux états émotionnels positifs (p. ex., sourire) tandis que les contractions musculaires du corrugateur du sourcil (corrugator supercilii - CS) sont associées aux états émotionnels négatifs des individus (p. ex., froncer du sourcil) (voir Figure 1). Une contribution significative de Lang et ses collaborateurs (1993) fut de cerner l’importance de ces muscles faciaux pour évaluer la valence émotionnelle. Dans cette publication, une tendance linéaire significative (r = .90) est observée entre l’amplitude des contractions musculaires du ZM et la cotation du plaisir tandis qu’une relation inverse est observée entre l’amplitude des contractions musculaires du CS et la cotation du plaisir également illustrée avec une tendance linéaire significative (r = -.90) (Lang et al., 1993). Les principales observations de Lang et son équipe (1993) concernant l’association entre la valence et les contractions musculaires de ces deux muscles ont été reproduites dans d’autres études (p. ex., Hazlett, 2006; J.-W. Tan et al., 2012). Ainsi, cette publication constitue souvent une des bases empiriques dans les écrits pour évaluer la valence des états émotionnels chez les joueurs (voir Kivikangas et al., 2011).

(19)

Figure 1. Emplacement des deux principaux muscles faciaux utilisés dans le projet de recherche. Le ZM et le CS sont situés respectivement sur la joue et le coin supérieur du sourcil. 4

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1.3 L’utilisation de l’électromyographie faciale

Plusieurs travaux ont bénéficié de la sensibilité et de la spécificité (Tassinary & Cacioppo, 1992; Van Boxtel, 2010) des mesures de l’EMG faciale dans la détection des états émotionnels des joueurs (p. ex., Hazlett, 2006; Nacke & Lindley, 2010; Ravaja et al., 2006). Dans les dernières années, cette mesure a permis d’évaluer les états émotionnels positifs et négatifs des joueurs en fonction de différents événements de jeu. Hazlett (2006) a évalué les contractions musculaires du ZM et du CS chez de jeunes joueurs avec le jeu Juiced (Juice Games, 2005) en vue de vérifier leurs associations respectives avec des états émotionnels positifs ou négatifs. Les résultats observés dans cette étude sont cohérents avec les travaux antérieurs (p. ex., Lang et al., 1993), soit que les contractions musculaires du ZM sont associées à des événements de jeu de nature positive (p. ex., gagner une course ou dépasser un autre coureur) tandis que les contractions musculaires du CS sont associées à des événements de nature négative (p. ex., faire un accident ou se faire heurter par un autre coureur) (Hazlett, 2006). Néanmoins, certains travaux suggèrent que des événements de jeu peuvent susciter une expressivité émotionnelle inverse à celle attendue. Entre autres, Ravaja et ses collaborateurs (2006) ont évalué les contractions musculaires du ZM et du CS en relation avec une série d’événements et d’actions complétées dans le jeu de plateforme et d’aventure Super Monkey Ball

2 (Amusement Vision, 2002). Leurs résultats indiquent que des événements négatifs, comme

l’échec d’un niveau, suscitent des contractions musculaires du ZM ainsi qu’une diminution des contractions musculaires du CS lors de la session de jeu, mais que ces mêmes événements sont associés à des contractions musculaires inverses lors d’un revisionnement de la session de jeu (Ravaja et al., 2006). Ces résultats concernant une expressivité émotionnelle inverse par rapport à la valence d’un événement de jeu attendue sont corroborés dans d’autres publications (Kivikangas & Ravaja, 2013; van den Hoogen, Poels, Ijsselsteijn, & de Kort, 2012). Selon Ravaja et ses collègues (2006), ces données indiquent que les joueurs expriment un état émotionnel positif à la suite d’un échec dans un jeu vidéo. Ces chercheurs expliquent entre autres ces résultats avec l’idée que survivre à un événement intuitivement dangereux (telle que la mort de son personnage dans un jeu vidéo) pourrait amener un état émotionnel initialement positif aux

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nombre d’échecs successifs (ici encore, un échec représente la mort du personnage des joueurs dans un jeu vidéo) suggérant une appréciation de moins en moins positive sur le plan émotionnel lorsque les échecs s’accumulent chez le joueur. van den Hoogen et son équipe (2012) argumentent que l’effet de mourir dans un jeu vidéo débute par des états émotionnels positif chez certains joueurs puisque cela suscite un sentiment de défi et les encouragerait à s’améliorer, mais lorsque les morts se répètent ce sentiment s’estomperait pour laisser place à des réactions émotionnelles plus négatives. Néanmoins, Kivikangas et Ravaja (2013) argumentent que cette diminution des contractions musculaires du ZM en réaction à un événement de jeu négatif pourrait plus simplement être expliquée par un effet d’habituation. Ces observations renforcent l’idée selon laquelle l’EMG faciale serait sensible à des états émotionnels qui ne sont pas masqués par des biais cognitifs tels qu’obtenus dans des mesures subjectives (Schwarz & Oyserman, 2001), notamment que les joueurs pourraient oublier que les premiers échecs suscitaient des réactions initialement positives (p. ex., van den Hoogen et al., 2012).

Pour leur part, Ravaja, Turpeinen, Saari, Puttonen et Keltikangas-Järvinen (2008) ont identifié que des événements de jeu violent dans le jeu James Bond 007 : Nightfire (Eurocom Entertainment Software, 2002) (p. ex., blesser, tuer des personnages virtuels) suscitent une diminution des contractions musculaires du ZM chez les joueurs. Par contre, les résultats de cette étude indiquent une diminution moins prononcée des contractions musculaires du ZM chez les joueurs ayant un score élevé à un questionnaire sur les traits de personnalité psychotique (Ravaja et al., 2008). Ces données semblent indiquer que l’expressivité émotionnelle des joueurs pourrait varier en fonction de certains traits de personnalité. Néanmoins, outre les travaux de Ravaja et ses collaborateurs (2008), peu de travaux ont été réalisés spécifiquement sur la relation entre l’expressivité émotionnelle et la personnalité des joueurs pour tirer des conclusions plus nuancées sur le sujet (voir aussi Ravaja, 2009).

L’utilisation de l’EMG faciale a également permis de cerner les états émotionnels suscités en fonction de l’interaction entre un joueur et son adversaire dans un jeu vidéo. Par exemple, Ravaja (2009) a montré que jouer contre un ami suscite davantage d’états émotionnels positifs (contractions du ZM) que jouer contre une intelligence artificielle dans les jeux vidéo Super

Monkey Ball Jr (Realism, 2002) ou Duke Nukem Advance (3D Realms, 2002). Des résultats

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généralement que les contractions musculaires faciales des joueurs en réaction à une victoire sont plus élevées lorsque ceux-ci affrontent d’autres joueurs réels plutôt qu’une intelligence artificielle, toujours dans le jeu Duke Nukem Advance. L’ensemble de ces écrits suggère donc que les contractions musculaires du visage permettent d’évaluer l’expressivité émotionnelle des joueurs en réaction à des événements, des adversaires et potentiellement en fonction de certains traits de personnalité chez les joueurs (Kivikangas & Ravaja, 2013; Ravaja, 2009; Ravaja et al., 2006; Ravaja et al., 2008; van den Hoogen et al., 2012).

1.4 Induire, déterminer et prédire les états émotionnels : le rôle de l’EMG

faciale

Tel que présenté dans les sections précédentes, l’évaluation des états émotionnels peut être réalisée avec les réponses physiologiques des joueurs (Kivikangas et al., 2011). En vue de fournir une expérience interactive aux joueurs, un jeu vidéo interactif devra être en mesure d’induire, de déterminer et de prédire ces états émotionnels (Allason & Fairclough, 2004; Gilleade et al., 2005). Généralement, les travaux visant le développement de JVEI incluent les contractions musculaires du visage des joueurs en vue de déterminer et de prédire les états émotionnels (p. ex., Mandryk et al, 2006; Nogueira, Rodrigues, Oliveira, & Nacke, 2013). Ces trois composantes associées au développement de JVEI seront alors passées en revue et le rôle de l’EMG faciale sera souligné dans les publications employant cette mesure.

Une première composante essentielle au développement de JVEI implique la capacité du jeu à induire des états émotionnels aux joueurs (Gilleade et al., 2005). À cet effet, les travaux de Diener et Oertel (2006) peuvent servir d’exemples pour illustrer les moyens disponibles ainsi que leurs efficacités pour induire des états émotionnels particuliers aux joueurs. Ces auteurs ont modifié le populaire jeu Tetris (Atari Games, 1988) – dans une nouvelle forme qu’ils ont nommé

EmoTetris (Diener & Oertel, 2006) – en changeant l’interface, les couleurs, les animations ainsi

que les différents blocs disponibles dans le jeu dans le but de provoquer des états émotionnels aux joueurs. En modifiant différents paramètres tels que la rapidité des scénarios et les contrôles, Diener et Oertel (2006) ont été en mesure de provoquer davantage de joie, de colère, d’ennui et

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Spécifiquement, les auteurs ont modifié le pointage associé à la performance des joueurs (présenté à l’aide d’un tableau de score; Bowey et al., 2015). Les résultats de cette étude suggèrent que les participants rapportaient plus de plaisir et d’états émotionnels positifs lorsque leurs pointages étaient modifiés à la hausse (Bowey et al., 2015). Dans une publication de Tijs, Brokken et Ijsselsteijn (2008a), une version modifiée du jeu Pac Man (Atari, 1980) a été utilisée où les paramètres du jeu étaient contrôlés, notamment la vitesse du personnage et des ennemis. Les résultats préliminaires de cette publication indiquent que l’augmentation de la vitesse de jeu induit des changements dans les contractions musculaires du ZM et du CS. Nacke et Lindley (2010) ont également été en mesure d’induire des variations dans les états émotionnels des joueurs, entre autres observées avec les contractions musculaires du ZM à l’intérieur de différents niveaux personnalisés du jeu Half-Life 2 (Valve Corporation, 2004). En somme, les travaux de Diener et Oertel (2006), Bowey et ses collaborateurs (2015), de Tijs et ses collaborateurs (2008a) et de Nacke et Lindley (2010) démontrent la possibilité d’induire expérimentalement des états émotionnels chez les joueurs en modifiant certains événements ou paramètres disponibles dans un jeu et que ces changements peuvent avoir un effet sur les contractions musculaires du ZM et du CS.

Une seconde composante importante au développement de JVEI concerne la capacité du système à déterminer les états émotionnels du joueur (Gilleade, Dix, & Allanson, 2005). À l’intérieur de cette composante, différentes études ont utilisé les contractions musculaires du ZM ou du CS pour déterminer les états émotionnels des joueurs (p. ex., Mandryk et al., 2006; Mandryk & Atkins, 2007; Nogeuira et al., 2013). En ce sens, les études de Mandryk et ses collaborateurs (2006) et Mandryk & Atkins (2007) ont développé un modèle utilisant les réponses physiologiques des joueurs afin de déterminer leurs états émotionnels avec le jeu vidéo

NHL 2003 (EA Sports, 2002). À l’aide des contractions musculaires du ZM et du CS, de l’EDA

ainsi que du rythme cardiaque, les chercheurs ont été en mesure de traduire les réponses physiologiques en termes de valence et d’activation pour ensuite déterminer l’état émotionnel (comme le plaisir ou l’excitation des joueurs) (Mandryk & Atkins, 2007; Mandryk et al., 2006). Malgré la complexité du modèle utilisé pour déterminer les états émotionnels dans ces travaux, des résultats similaires peuvent être retracés dans d’autres publications visant les mêmes objectifs. Entre autres, Nogueira et ses collaborateurs (2013) ont également utilisé les réponses physiologiques (EMG du ZM et du CS, EDA et rythme cardiaque) pour classifier la valence et

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l’activation des états émotionnels avec le jeu d’horreur Slender (Parsec Productions, 2012). Tout comme dans les travaux antérieurs (p. ex., Lang et al., 1993; J.-W. Tan et al., 2012), les auteurs ont obtenu d’excellents modèles de régressions initiaux pour la valence des états émotionnels dans lesquelles les contractions du ZM et du CS étaient incluses. Avec une utilisation de la méthode des réseaux de neurones, les chercheurs sont parvenus à obtenir une classification précise de l’activation (97%) et de la valence (91%) des états émotionnels (Nogueira et al., 2013). Néanmoins, la méthode employée par Nogueira et ses collaborateurs (2013) permet difficilement de déterminer l’apport unique des contractions musculaires du ZM et du CS dans cette classification. Mis ensemble, ces travaux montrent que les réponses physiologiques – incluant les contractions musculaires du ZM et du CS – peuvent être utilisées pour déterminer les états émotionnels des joueurs (Mandryk & Atkins, 2007; Mandryk et al., 2006; Nogueira et al., 2013).

Finalement, la troisième étape nécessaire au développement de JVEI concerne la capacité du système à prédire les états émotionnels ou les comportements des joueurs (Gilleade et al., 2005). Pour ce faire, certains travaux ont utilisé des banques de données massives contenant des données sur les comportements des joueurs à l’intérieur d’un jeu vidéo (Drachen, Sifa, Bauckhage, & Thurau, 2012). Avec cette méthodologie, Mahlmann, Drachen, Togelius, Canossa et Yannakakis (2010) ont été en mesure de prédire le comportement des joueurs. En utilisant les données obtenues auprès de 10 000 joueurs dans le jeu d’action et d’aventure Tomb Raider :

Underworld (Eidos Interactive, 2008), leurs résultats indiquent un niveau de prédiction modéré

concernant certains comportements des joueurs (p. ex., lorsqu’un joueur cessera de jouer ou le temps nécessaire à un joueur pour terminer une mission). Cette méthodologie a aussi été employée pour prédire des états émotionnels tels que le plaisir, le défi5, la frustration, l’anxiété et l’ennui des joueurs à partir de certains comportements des joueurs (p. ex., temps pour finir un niveau, nombre de morts, items amassés, etc.) dans une version modifiée du jeu Super Mario

Bros (Nintendo, 1986) (Pedersen, Togelius, & Yannakakis, 2010). Sur le plan physiologique,

Nogueira et ses collègues (2014) ont montré la possibilité de prédire les états émotionnels en terme d’activation et de valence des joueurs dans plusieurs versions différentes du jeu d’horreur

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cardiaque) ainsi que des événements de jeu pour inférer les états émotionnels des joueurs. De même, Liu, Agrawal, Sarkar et Chen (2009) ont été en mesure de prédire à 78% le niveau d’anxiété de joueurs en temps réel à l’aide des réponses physiologiques (p. ex., EMG faciale, ECG, EDA, température de la peau, etc.) dans une version modifiée du jeu Pong (Atari, 1972). Plusieurs paramètres de l’EMG faciale ont été utilisés dans cette publication tels que les moyennes, les écarts-types et les pentes des signaux du ZM et du CS, mais la contribution spécifique des mesures électromyographiques n’a pas été détaillée (Liu et al., 2009). Dans l’ensemble, les études présentées démontrent la possibilité de prédire les comportements (Mahlmann et al., 2010; Perdersen et al., 2010) ainsi que les états émotionnels des joueurs avec différents niveaux de précision où l’EMG faciale fournit généralement plusieurs paramètres concernant l’évaluation de la valence émotionnelle (Liu et al., 2014; Nogueira et al., 2014).

1.5 Le développement de jeux vidéo émotionnellement interactifs (JVEI)

L’intégration des états émotionnels dans le développement de JVEI fait face à un intérêt grandissant sur le plan scientifique (Kotsia, Zafeiriou, & Fotopoulos, 2013; Ng, Khong, & Thwaites, 2012; Saari, Turpeinen, Kuikkaniemi, Kosunen, & Ravaja, 2009; Tijs et al., 2008a; Tijs, Brokken, & Ijsselsteijn, 2008b). Dans une recension des écrits sur le sujet, Christy et Kuncheva (2014) argumentent que l’utilisation des états émotionnels dans une perspective de JVEI pourrait devenir une nouvelle priorité chez les développeurs en raison de la croissance rapide, et bientôt maximale selon eux, de la qualité visuelle observée dans les jeux vidéo. Cette position est compatible avec celle de plusieurs auteurs qui argumentent en faveur du rôle central des émotions dans le développement de jeux vidéo (p. ex., Dormann, Whitson, & Neuvians, 2013; Freeman, 2004).

Pour parvenir à une interaction concrète entre le joueur et le jeu, certains travaux ont utilisé une rétroaction via les réponses physiologiques des joueurs. Dans une publication de Kuikkaniemi et ses collaborateurs (2010), l’utilisation du cycle respiratoire et de l’EDA dans l’environnement virtuel d’un jeu vidéo créé en laboratoire – nommé Emoshooter développé avec la plateforme graphique OGRE6 – a permis de modifier certains paramètres tels que les mouvements et les tirs du joueur. Plus précisement, Kuikkaniemi et son équipe (2010) notent que

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l’augmentation de l’EDA ou de la respiration des joueurs avait pour effet d’accentuer, par exemple, les mouvements, les tremblements ou le recul des armes à feu dans le jeu tandis qu’une diminution de ces réponses produisait l’inverse. Les auteurs rapportent qu’une condition expliquant le rôle des réponses physiologiques et des modifications associées dans le jeu – soit une condition explicite – aux joueurs améliore leur immersion et leurs états émotionnels positifs sur le plan subjectif (voir Table II, Kuikkaniemi et al., 2010). Leurs résultats indiquent également qu’une condition sans indications sur le rôle des réponses physiologiques sur le jeu – soit une condition implicite – ne permet pas d’améliorer ces mêmes paramètres chez les joueurs (voir Table I, Kuikkaniemi et al., 2010). Par contre, malgré que les chercheurs aient enregistré les contractions musculaires du visage (incluant le ZM et le CS selon la Figure 5 de leur publication), ces mesures n’ont pas été utilisées pour adapter leur jeu vidéo (Kuikkaniemi et al., 2010).

Pour leur part, Vachiratamporn, Moriyama, Fukui et Numao (2014) ont utilisé l’ECG dans deux versions différentes du jeu d’horreur Slender Man : The Eight Pages (Parsec Productions, 2012). La première version était la version originale du jeu (modèle commercial) et la seconde était une version modifiée en fonction de l’ECG dans le but de renforcer l’aspect horrifique du jeu. Vachiratamporn et ses collaborateurs (2014) ont comparé la version originale à la version modifiée du jeu et ont conclu que les deux versions obtenaient des résultats similaires sur le plan de l’expérience émotionnelle autorapportée par les joueurs. Tout comme Kuikkaniemi et ses collaborateurs (2010), les résultats de Vachiratamporn et son équipe (2014) suggèrent qu’une condition implicite des réponses physiologiques – soit une détection des états émotionnels des joueurs à leur insu pour moduler la session de jeu – ne permet pas d’améliorer l’expérience de jeu. Néanmoins, Dekker et Champion (2007) ont observé que les joueurs présentant un intérêt moins prononcé pour le jeu utilisé en contexte expérimental – ici, encore une version modifié du jeu Half-Life 2 (Valve Corporation, 2004) – préfèrent une condition sans interaction avec les réponses physiologiques, suggérant que l’interfaçage entre un jeu et les réponses physiologiques n’est peut-être pas bénéfique pour tous les joueurs. Les observations de Dekker et Champion (2007) pourraient alors expliquer en partie les résultats obtenus des équipes

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L’emploi des réponses physiologiques dans les jeux vidéo semble devoir respecter certains paramètres généraux pour générer une interaction émotionnelle avec les joueurs (Gilleade et al., 2005). Une nuance importante mentionnée par Gilleade et son équipe (2005) concerne l’idée que la possibilité de contrôler volontairement les mécaniques d’un jeu vidéo (p. ex., sauter) à l’aide des réponses physiologiques (p. ex., clignement des yeux) ne rend pas automatiquement l’interaction émotionnelle pour le joueur. Les résultats obtenus par les équipes de Kuikkaniemi (2010) et Vachiratamporn (2014) semblent notamment illustrer cette condition. Pour pallier cette situation, Gilleade et ses collaborateurs (2005) suggèrent que les effets des réponses physiologiques sur le jeu vidéo ne doivent pas être clairement identifiables par le joueur (c’est-à-dire, les effets doivent être implicites) pour tendre vers une interaction utilisant les états émotionnels, mais des résultats différents peuvent être retracés dans une publication de Nacke, Kalyn, Lough et Mandryk (2011) où il est suggéré que des modifications non-implicites (p. ex., la grosseur des cibles ennemies ou la rapidité du personnage dans le jeu) sont préférées par les joueurs. En conséquence, Gilleade et ses collaborateurs (2005) recommandent la modification de paramètres plus généraux ne pouvant pas être manipulés par les joueurs pour améliorer l’interaction. Toutefois, ces changements devront également tenir compte des variations interindividuelles existantes dans la manifestation des états émotionnels des joueurs telles que rapportées par certains chercheurs (voir Landowska & Wróbel, 2015).

1.6 L’implication des variables individuelles : le cas de l’expertise

Pour parvenir à un système interactif efficace, l’adaptation d’un jeu vidéo nécessite une bonne connaissance de plusieurs métriques associées à l’utilisateur pour être flexibles (Yannakakis et al., 2013). Parmi ces métriques, l’expertise des joueurs aux jeux vidéo est une donnée ayant suscité peu de recherche dans le domaine du développement de JVEI. Pourtant, l’expertise des joueurs est associée à une amélioration de plusieurs fonctions cognitives telles que l’attention sélective ou la résolution spatiale du champ visuel (Dye, Green, & Bavelier, 2009; Green & Bavelier, 2003, 2007, 2015; Green, Li, & Bavelier, 2010; Hubert-Wallander, Green, & Bavelier, 2011; Latham, Patston, & Tippett, 2013b; Strobach, Frensch, & Schubert, 2012), quoique certaines études prétendent que les jeux vidéo n’amènent pas d’amélioration sur le plan cognitif (Ravenzwaaij, Boekel, Forstmann, Ratcliff, & Wagenmakers, 2014). À cet effet, deux méta-analyses – la première employant des études quasi-expérimentales et la seconde

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employant des études expérimentales – réalisées par Powers, Brooks, Aldrich, Palladino et Alfieri (2013) suggèrent que les jeux vidéo ont un effet bénéfique sur différentes fonctions cognitives. Certains travaux suggèrent que ces améliorations se reflètent par des modifications sur le plan neuronal (Krishnan, Kang, Sperling, & Srinivasan, 2013) tandis que d’autres suggèrent des changements du système visuel chez les joueurs (Chisholm & Kingstone, 2015; Green & Bavelier, 2007). Ces améliorations cognitives pourraient alors jouer un rôle dans l’expérience subjective associée à une session de jeu chez ces joueurs comparativement à des joueurs non experts (voir S. Reeves et al., 2009). Néanmoins, une part importante de ces études utilise uniquement certaines habitudes de jeu des joueurs telles que le temps dédié à cette activité pour évaluer l’expertise des joueurs (p. ex., Green & Bavelier, 2003, 2007; Strobach et al., 2012).

Cette évaluation de l’expertise en fonction du temps a reçu différentes critiques sur le plan méthodologique (Latham, Patston, & Tippett, 2013a). Entre autres, Latham et ses collaborateurs (2013a) mentionnent que plusieurs publications ont utilisé le temps alloué aux jeux vidéo dans les six derniers mois pour évaluer l’expertise des joueurs (p. ex., Green & Bavelier, 2003, 2007; Strobach et al., 2012). Selon ces mêmes chercheurs, cette classification ne permet pas de cibler l’expertise de tous les joueurs comme ceux qui ont cessé cette activité dans les derniers mois (Latham et al., 2013a). De plus, selon une série de travaux sur l’expertise, une évaluation sur la base du temps alloué à une activité ne permet pas de déterminer un niveau d’expertise donné (Ericsson, 2008; Ericsson & Charness, 1994; Ericsson, Krampe, & Tesch-Römer, 1993). Ericsson et ses collaborateurs ont beaucoup étudié l’expertise et ses différents paramètres sur le plan professionnel (p. ex., dans le domaine de la médecine ou chez les athlètes). En s’inspirant des travaux d’Ericsson et de ses collaborateurs sur l’expertise, Latham et son équipe (2013a) ainsi que Towne, Ericsson et Sumner (2014) ont suggéré l’utilisation du concept de pratique délibérée dans le domaine des jeux vidéo, un concept fréquemment employé dans ces études pour évaluer l’expertise.

Ericsson (2008) soutient que l’acquisition d’une expertise nécessite une pratique volontairement orientée vers l’amélioration de la performance plutôt qu’une accumulation

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puisse être une composante essentielle permettant aux joueurs une amélioration de leur performance (p. ex., dans un segment difficile). Les auteurs suggèrent que l’utilisation de données de sauvegardes inhérentes aux jeux vidéo peut notamment permettre aux joueurs de pratiquer uniquement les segments d’un jeu vidéo posant problème (Towne et al., 2014). Dans le même sens, S. Reeves et ses collègues (2007) proposent que certains jeux tels que Counter-Strike (Valve Corporation, 1999) offrent un environnement idéal pour que les joueurs évaluent leurs comportements et améliorent leur performance dans le jeu. Ces chercheurs ont noté que l’amélioration de la performance peut être observée à l’intérieur des différentes manches d’une partie où les joueurs évalueraient constamment leurs réussites (c.-à-d. une tactique ayant fonctionné) et leurs échecs (c.-à-d. une tactique ayant échoué) dans le but d’adapter leur style de jeu (S. Reeves et al., 2007). Il est donc possible que la pratique délibérée soit une activité courante chez les joueurs désirant atteindre un niveau d’expertise important tel que celui nécessaire dans les tournois internationaux de jeux vidéo (Rambusch et al., 2007; Thompson et al., 2013). Une évaluation subjective de la pratique délibérée permettrait alors d’ajouter une nouvelle composante à la mesure de l’expertise des joueurs dans les écrits qui est souvent limitée au nombre de jours ou d’heures consacrés aux jeux vidéo (voir Latham et al., 2013a; Towne et al., 2014).

Bien que la pratique délibérée semble être une des composantes les plus importantes pour développer une expertise dans les jeux vidéo, d’autres caractéristiques ont été proposées par Latham et ses collaborateurs (2013a) pour évaluer l’expertise des joueurs dont une majorité d’entre elles ne sont pas couramment employées dans les écrits. Dans un premier temps, Latham et son équipe (2013a) suggèrent que la participation des joueurs à des tournois de jeux vidéo pourrait être utilisée comme une caractéristique d’un joueur expert. Entre autres, le désir de participer à des tournois de jeux vidéo pourrait refléter l’intérêt d’un joueur à développer ses compétences amenant ainsi une expertise avec le jeu vidéo en question (Rambusch et al., 2007). Cet investissement envers un jeu pourrait notamment laisser transparaître un niveau d’engagement important chez les joueurs, ce qui expliquerait en partie le développement d’une expertise (Rambusch et al., 2007; S. Reeves et al., 2007; Rozendaal, Keyson, de Ridder, & Craig, 2009). Dans un deuxième temps, le fait d’avoir complété un ou plusieurs jeux vidéo à un niveau de difficulté élevé pourrait être utilisé comme une caractéristique de l’expertise (voir Juul, 2009). Les joueurs ayant complété des jeux vidéo à des niveaux de difficulté élevés nécessiteraient que

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les jeux auxquels ils jouent proposent un niveau de défi équivalent à leur performance en vue de générer un maximum de satisfaction (Juul, 2009; Towne et al., 2014; Yannakakis, 2008). Finalement, Latham et ses collaborateurs (2013a) argumentent que l’expertise des joueurs peut être illustrée par le classement des joueurs dans des jeux multijoueurs en ligne. À titre d’exemple, Thompson et ses collègues (2013) ont utilisé cette métrique pour diviser leurs groupes selon le niveau d’expertise des joueurs.

Un examen de l’ensemble des caractéristiques des joueurs experts suggère alors que l’expérience subjective suscitée par les jeux vidéo devrait être moins exigeante dans une population de joueurs experts comparativement à des joueurs non experts (S. Reeves et al., 2007, 2009). Entre autres, dans le jeu Counter-Strike : Global Offensive (Valve, 2012) – un des jeux compétitifs les plus populaires sur le marché7 – les joueurs experts acquièrent une multitude de compétences permettant de maintenir une performance optimale lors des compétitions telles que la rapidité des réflexes et une grande dextérité avec les contrôles du jeu (Rambusch et al., 2007; S. Reeves et al., 2007). Ces travaux suggèrent alors que le développement d’une expertise avec les jeux vidéo amènerait une diminution de l’exigence physique que procurent les jeux vidéo en terme de manipulation des contrôles chez les joueurs experts (voir Rambusch et al., 2007). Dans le même sens, les travaux observant une amélioration de différentes fonctions cognitives chez les joueurs suggèrent qu’une diminution de l’exigence mentale chez les joueurs experts lors d’une session de jeu devrait être présente (pour une recension, Powers et al., 2013). En conséquence, des initiatives visant à minimiser l’écart de performance entre les joueurs experts et les joueurs non experts sont souvent développées en vue de générer une expérience satisfaisante pour chacun (p. ex., Vicencio-Moreira, Mandryk, & Gutwin, 2015; Vicencio-Moreira, Mandryk, Gutwin, & Bateman, 2014).

1.7 Les changements comportementaux, mentaux et physiologiques chez les

joueurs experts

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(2002) ont étudié les manifestations de l’expertise en demandant à de jeunes joueurs experts, âgés de 10 et 11 ans, de montrer à des adultes à jouer à un jeu vidéo – soit Super Mario World (Nintendo, 1990) ou Super Mario Kart (Nintendo, 1992). Selon une perspective qualitative, les chercheurs ont examiné les interactions entre les jeunes experts et les adultes lors d’une session de jeu et ont conclu que l’expertise est associée à une meilleure connaissance des mécaniques des jeux ainsi qu’une vigilance supérieure dans l’environnement virtuel (VanDeventer & White, 2002). Par exemple, VanDeventer et White (2002) ont observé que les joueurs experts réutilisaient des stratégies de jeu ayant généré du succès dans le passé pour bien performer, ce qui est cohérent avec les observations de S. Reeves et ses collaborateurs (2007). Dans l’ensemble, les résultats de cette étude sont compatibles avec les observations obtenues dans les travaux présentés précédemment (Rambusch et al., 2007; S. Reeves et al., 2007).

Dans un deuxième temps, S. Reeves et ses collaborateurs (2007, 2009) ont constaté que les joueurs experts dans le jeu Counter-Strike développent leur expertise généralement par le biais de quatre dimensions. Dans la première dimension nommée « Chaining », les joueurs experts seraient en mesure d’exécuter des enchaînements fluides – soit une manipulation précise des mécaniques de jeu – amenant généralement une performance supérieure comparativement aux joueurs moins expérimentés (S. Reeves et al., 2007). Dans la deuxième dimension nommée « Terrain », les joueurs experts auraient des connaissances extrêmement précises de l’environnement 3D qui se développeraient sur plusieurs plans notamment en fonction des exécutions réussies ou échouées dans les expériences antérieures (S. Reeves et al., 2007). Dans la troisième dimension nommée « Observing others », les joueurs experts observeraient plus souvent les comportements des autres joueurs – généralement, une observation de joueurs meilleurs qu’eux – ce qui leur permettrait de développer leurs compétences (S. Reeves et al., 2007). Dans la dernière dimension nommée « History and repetition », la répétition des actions et le bagage d’expérience fourniraient des rétroactions constantes chez ces joueurs – ces joueurs utiliseraient constamment les expériences du passé (en terme de réussites ou d’échecs) pour améliorer leur performance (S. Reeves et al., 2007). En somme, ces travaux illustrent le processus par lequel l’évolution de l’expertise des joueurs se produit, notamment par le biais d’une amélioration comportementale (contrôles dans un jeu) (p. ex., VanDeventer & White, 2002) et mentale (expériences passées) (p. ex., Rambusch et al., 2007; S. Reeves et al., 2007, 2009).

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Outre les comportements et les processus mentaux, des patrons de réponses physiologiques différents sont également observés chez les joueurs experts (Chamberland et al., 2015; Gilleade et al., 2005; Mandryk et al., 2006; Weinreich et al., 2015). À ce propos, Gilleade et ses collaborateurs (2005) suggèrent que les joueurs expérimentés ont un rythme cardiaque inférieur à celui des joueurs non expérimentés dans une séance de jeu. Par contre, les résultats de Mandryk et son équipe (2006) suggèrent que le rythme cardiaque des joueurs ne varie pas principalement en fonction de l’expertise, mais plutôt en fonction d’une interaction entre la condition de jeu (le niveau de difficulté de la session de jeu) et le niveau d’expertise. De surcroit, Mandryk et ses collaborateurs (2006) ont observé que les joueurs experts ont un cycle respiratoire plus rapide que les joueurs moins expérimentés. Cependant, cette augmentation du cycle respiratoire des joueurs experts ne fait pas consensus. À titre d’exemple, Chamberland et ses collègues (2015) ont observé que l’activité respiratoire des joueurs passionnés est inférieure à celle des joueurs occasionnels lors d’une session de jeu.

D’une manière générale, cette tendance concernant la diminution des réponses physiologiques indiquée dans les résultats de Gilleade et ses collaborateurs (2005) et de Chamberland et ses collaborateurs (2015) est aussi observée sur le plan facial dans une publication de Weinreich et son équipe (2015). Les chercheurs ont observé que l’expertise des joueurs est associée à une réduction de l’expressivité émotionnelle évaluée avec l’EMG faciale (Weinreich et al., 2015). Néanmoins, les données de Weinreich et son équipe (2015) comportent deux limites : (a) les auteurs ont uniquement évalué les états émotionnels des joueurs à l’aide des contractions musculaires du CS donc seulement l’expression d’états émotionnels négatifs (voir Lang et al., 1993) et (b) la tâche utilisée n’impliquait pas une session de jeu vidéo, mais plutôt une présentation d’images avec différentes valences émotionnelles (négatives, neutres et positives) non associées à des jeux vidéo. Enfin, une dernière limite importante de l’ensemble des travaux présentés dans cette section concerne l’évaluation de l’expertise n’utilisant jamais une évaluation subjective de la pratique délibérée des joueurs (Ericsson, 2008; Towne et al., 2014).

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1.8 Objectifs du projet de recherche

Le présent projet de recherche vise ainsi à examiner l’influence de l’expertise aux jeux vidéo sur l’expressivité émotionnelle, mesurée via l’EMG faciale, et l’expérience subjective, mesurée via le questionnaire NASA-TLX évaluant la charge de travail, des joueurs lors d’une session de jeu vidéo pour deux principales raisons : (a) généraliser les observations de Weinreich et ses collaborateurs (2015) cette fois dans un contexte de jeu vidéo et (b) fournir des recommandations dans le domaine des JVEI (Chamberland et al., 2015; Yannakakis et al., 2013). Dans un premier temps, une nouvelle classification de l’expertise des joueurs a été développée en fonction des recommandations retrouvées dans les écrits (Ericsson, 2008; Latham et al., 2013a). Dans un deuxième temps, l’expressivité émotionnelle des joueurs experts et des joueurs non experts a été comparée lors d’une session de jeu vidéo. Les contractions musculaires du ZM et du CS ont été utilisées pour évaluer l’expressivité émotionnelle des joueurs. Finalement, l’expérience subjective des joueurs experts et non experts a été comparée à l’aide des données obtenues au NASA-TLX.

Premièrement, en regard de la diminution des réponses physiologiques chez les joueurs experts observée dans les écrits (voir Chamberland et al., 2015; Gilleade et al., 2005; Weinreich et al., 2015), les hypothèses émises concernant l’expressivité émotionnelle des joueurs sont les suivantes :

Hypothèse 1 : Les contractions musculaires du ZM des joueurs experts seront plus faibles (amplitude, nombre, aire sous la courbe, moyenne et durée) que celles des joueurs non experts lors de la session de jeu;

Hypothèse 2 : Les contractions musculaires du CS des joueurs experts seront plus faibles (amplitude, nombre, aire sous la courbe, moyenne et durée) que celles des joueurs non experts lors de la session de jeu.

Deuxièmement, en regard de la diminution des exigences subjectives dans le jeu chez les joueurs experts observées dans les écrits (voir Rambusch et al., 2007; S. Reeves et al., 2007; 2009; VanDeventer & White, 2002), les hypothèses émises concernant l’expérience subjective des joueurs sont les suivantes :

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Hypothèse 3 : Les joueurs experts percevront une exigence mentale, une exigence physique, une exigence temporelle, un niveau d’effort ainsi qu’un niveau de frustration inférieurs à ceux que percevront les joueurs non experts;

Hypothèse 4 : Les joueurs experts percevront leur performance comme étant supérieure à celle que percevront les joueurs non experts.

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2. Méthode

2.1 Participants

Un devis quasi expérimental a été employé pour ce projet de recherche. Quarante-huit (48) participants ont été recrutés à l’aide d’un échantillonnage non probabiliste de volontaires provenant de deux sources : (a) une banque de candidats volontaires d’Ubisoft Québec comprenant une grande étendue de joueurs de jeux vidéo et (b) des annonces de recrutement sur le campus de l’Université Laval par voie électronique destinées aux étudiants et au personnel de l’institution. Les participants ne devaient pas rapporter un trouble cognitif, un trouble neurologique, un trouble du système nerveux autonome, un trouble de la vue ou de l’audition non corrigé ou avoir déjà joué au jeu AC : S. Les participants devaient également être âgés entre 18 et 35 ans. L’ensemble des critères d’exclusions ainsi que le niveau d’expertise des joueurs ont été initialement évalués par voie téléphonique afin d’assurer un nombre suffisant de joueurs experts dans le présent projet de recherche. Des 48 participants, certains ont dû être exclus des analyses subséquentes pour différentes raisons (mauvaise acquisition des réponses physiologiques, problèmes de synchronisation des données). Deux groupes égaux de joueurs (15 experts et 15 non experts) ont été formés sur la base des données autorapportées concernant leur expertise avec les jeux vidéo (Annexe A). En raison de la difficulté de recruter des joueurs experts respectant les critères de classification de l’expertise utilisés dans le projet de recherche, le groupe de joueurs experts a été formé avec l’ensemble des participants experts avec des données valides sur l’EMG faciale. Ensuite, un groupe de non experts a été formé avec le même nombre de joueurs. Les deux groupes ont été appariés en fonction de l’âge des participants pour réduire la variance associée aux écarts d’âge (voir Fölster, Hess, & Werheid, 2014).

Le dernier niveau de scolarité complété par les participants a également été évalué. Pour les données de scolarité des joueurs experts, approximativement 7% des données étaient manquantes (1 participant) en raison de l’absence de réponse à la question. Pour les données de scolarité des joueurs non experts, 20% des données étaient manquantes (3 participants) en raison de l’absence de réponse à la question. Le dernier niveau de scolarité complété des joueurs experts se distribuait ainsi : 28,50% Diplôme d’Études Secondaires (DES), 28,50% Diplôme d’Études Professionnelles (DEP), 35,70% Diplôme d’Études Collégiales (DEC) et 7,14%

Figure

Figure 1 .  Emplacement des deux principaux muscles faciaux utilisés dans le projet de recherche
Figure 2. Déroulement de la mission S4M1 et ses différents segments dans un ordre chronologique
Figure 4. Figure adaptée de Van Boxtel (2010) pour montrer l’emplacement des électrodes dans le protocole  expérimental mesurant les contractions musculaires du CS (image de gauche) et du ZM (image de droite)
Figure  6.  Exemple  du  traitement  de  signal  réalisé  à  l’aide  de  la  distribution  des  contractions  musculaires  pour  un  muscle
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