LA VULGARISATION SCIENTIFIQUE SUR CD-ROM :
de la tectonique des plaques à partir de travaux de recherche
Sandrine QUÉRÉ
IUFM Midi-Pyrénées / Strass Productions, Paris
MOTS-CLÉS :
RÉSUMÉ : La médiation scientifique sur CD-Rom comporte trois étapes essentielles de réflexion qui sont la réflexion sur le contenu, l'adaptation au public et les spécifications propres au CD-Rom. L'étape la plus importante reste l'adaptation au public qui permet le passage entre deux sphères, celle des lycéens et celle des scientifiques.
SUMMARY : The scientific mediation on CD-Rom requires three essential steps of reflexion: the reflexion on the content, the adaptation to the public and the own specifications of the CD-Rom. The main step remains the adaptation to the public which enables the passage between two spheres, the one from the scientists to the one of the secondary school pupils.
1. INTRODUCTION
La vulgarisation scientifique sur CD-Rom nécessite trois étapes essentielles de réflexion : a) La réflexion sur le contenu :
- Choix du savoir partagé.
- Concordance avec le programme (en l’occurrence ici celui des lycéens).
b) L’adaptation au public :
- À partir des connaissances propres aux lycéens, les amener progressivement, grâce à une forte motivation, vers un savoir plus élaboré.
- Adapter les explications à leur âge, tout en évitant l’écueil inhérent à la vulgarisation, la simplification à l’extrême qui fausse toute notion.
- Savoir adapter le contenu scientifique entre deux sphères, celle des scientifiques et celle du grand public.
c) Les spécifications propres au CD-Rom :
- L’utilisation de sources diverses (textes, schémas, animations, vidéos…) grâce à l’utilisation du numérique.
- Une réalisation attractive grâce à un choix sélectif et esthétique des données.
- Un savoir beaucoup moins cloisonné qu’une transmission sur support traditionnel par la construction d’un savoir plus transversal et global grâce à l’interactivité et au passage rapide entre les divers concepts.
Plus qu’un simple attribut de l’honnête homme actuel, la culture scientifique s’impose aujourd’hui comme un formidable et indispensable médiateur qui permet de transmettre au grand public une représentation du monde. Aussi, concevoir un CD-Rom de vulgarisation scientifique à partir d’un travail de doctorat est une garantie de vérité et de rigueur scientifiques.
2. SPÉCIFITÉS DU CD-ROM COMME MÉDIA
À la différence d’un support livre où l’auteur impose une lecture linéaire par chapitres, le concepteur d’un CD-Rom se heurte à l’écriture d’un scénario cohérent, sachant que chaque utilisateur est unique et qu’il disposera d’une liberté toute personnelle pour naviguer à travers les pages du CD-Rom. Il est donc nécessaire de concevoir un scénario arborescent à plusieurs entrées. Ce CD-Rom sur la dynamique terrestre et la Tectonique des plaques comprend quatre parties principales : une partie « planète Terre » (Big Bang, naissance des étoiles, apparition du système solaire, formation de la Terre...) ; une partie « plaques » (formation des plaques océaniques : dorsales océaniques, zones de subduction, failles transformantes ; une partie « continents » (dérive des continents...) ; une partie « énergie » (radioactivité, convection thermique...).
Figure 1 : page de présentation du CR-Rom avec les quatre principales parties.
3. ÉLÉMENTS POUR LA PRODUCTION D’UN CD-ROM
Comme pour tout travail de vulgarisation scientifique, la médiation sur CD-Rom débute par une réflexion du savoir partagé qui comprend deux étapes principales : la recherche et la collecte d’informations en accord avec le programme, puis le tri et le remaniement des connaissances acquises. Il s’agit d’un long travail de fond qui correspond à la partie commune à toute vulgarisation scientifique. Mais l’étape la plus importante à réaliser ensuite correspond au passage entre deux sphères, celle du monde scientifique et celle du lycéen qui nécessite une adaptation.
Tout d’abord, une réflexion en amont sur les conceptions propres du lycéen est nécessaire de manière à les interpeller sur leurs acquis, voire sur leurs idées fausses. Ainsi, la plupart des lycéens pensent encore, du fait de la lave qui s’écoule de la bouche des volcans, que l’intérieur terrestre est constitué de magma en fusion. Rares sont les lycéens qui savent que l’intérieur de la Terre est du matériel solide qui convecte (ou se déforme thermiquement) sur une échelle de temps géologique, c’est-à-dire sur des milliards d’années. De manière à piquer leur curiosité, on peut aussi les interpeller par des questions simples comme « à votre avis, est-ce que ce sont les cellules de convection qui font se déplacer les plaques tectoniques, ou alors les plaques qui, lorsqu’elles rentrent dans la planète Terre par les zones de subduction, font bouger l’intérieur terrestre ? ». Il s’agit d’un problème typique de la poule et de l’œuf qui est passionnant à expliquer.
Figure 2 : page du CD-Rom avec l’explication sur la convection terrestre.
Pour les motiver, on peut aussi les ramener aux questions d’actualités (tremblements de terre, éruptions de volcans, naissance d’une île volcanique…). Par exemple, on leur fait comprendre que s’il y a les tremblements de terre, c’est parce que les plaques tectoniques se déplacent, et que si ces dernières se déplacent, c’est parce qu’elles sont mues par de lents mouvements du manteau et que si le manteau bouge, c’est parce que la planète Terre est active est qu’elle doit évacuer son énergie interne qui correspond pour moitié à l’énergie stockée lors de la formation de la planète, l’autre moitié étant due à la radioactivité. On peut aussi leur présenter la Science comme une aventure humaine (à la manière des reportages du couple de volcanologues, les Kraft).
Le principal écueil de la vulgarisation scientifique à éviter est celui de la simplification, qui, poussée à l’extrême, oriente le public vers une notion erronée de la réalité. Par exemple, si l’on désire vulgariser la convection terrestre, il faut commencer par expliquer que l’intérieur terrestre est brassé par des cycles de convection où la matière chaude en se dilatant devient plus légère et monte, alors que la matière froide devenue plus compacte descend à travers le manteau terrestre. Et, on illustre cette notion grâce à une animation issue de modélisation réalisée sur supercalculateur.
Figure 3 : page du CD-Rom avec l’animation sur la convection.
En limitant l’explication à ce stade, les lycéens auraient une vision fausse de l’intérieur terrestre ; en effet, il ne faut pas hésiter à rester humble vis-à-vis des avancées scientifiques et oser dire qu’il ne s’agit que d’une animation schématique obtenue sur ordinateur dépeignant une modélisation sur toute l’épaisseur du manteau, c’est-à-dire sur un étage. Et rajouter que les géophysiciens sont actuellement partagés entre une convection à un étage, deux étages (séparation à 670 Kms de profondeur entre les manteaux supérieur et inférieur) ou alors à un étage et demi (avec du passage de matière intermittent entre les deux parties du manteau).
Il y a ici une difficulté majeure. En effet, la modélisation étant issue d’un travail de thèse qui couple l’intérieur de la planète (c’est-à-dire les mouvements du manteau dus à la convection) et l’extérieur de la planète (la Tectonique des plaques), il faut pouvoir l’adapter au monde lycéen, c’est-à-dire expliquer en termes simples, les cycles thermiques internes terrestres comme précédemment. En simplifiant, le médiateur se trouve aussi frustré. En effet, il y a tellement de choses à raconter (la démarche scientifique, le pourquoi du choix de telle expérience par rapport à une autre à expliquer, les enjeux scientifiques, l’historique, les questions d’actualités et les courants de pensée…). Le médiateur est obligé de faire ses propres choix.
Il reste nécessaire de pouvoir défendre le modèle pour que les apprenants qui se montrent curieux soient satisfaits. Un encadré du type « en savoir plus » laisse la possibilité aux plus curieux d’aller plus loin grâce à des explications plus poussées, ainsi que par des références. Avec ce niveau plus avancé, on justifie le modèle présenté grâce à son adéquation avec la réalité, qui est de retrouver les
observables terrestres telles que le flux de chaleur, la vitesse moyenne des plaques et la température potentielle des laves émises aux dorsales. On peut ainsi amener les lycéens à devenir plus critiques des informations qu’ils recevront par la suite, que ce soit du journal télévisé ou autre, et, par là-même, de leur donner une culture citoyenne scientifique de base. En effet, il est incontestable que la connaissance scientifique est aujourd’hui indispensable à l’existence d’une bonne harmonie entre les citoyens et une société dont l’évolution est conditionnée par les acquis scientifiques.
4. CONCLUSION
Un des avantages majeurs du support spécifique du CD-Rom est d’être un support complet (textes, schémas, animations, vidéos…), d’où son appellation de «multimédia ». Les sources numériques sont choisies de manière à le rendre le plus attractif possible. De plus, il permet de condenser sur un petit format une grande quantité de données.
L’utilisation de liens hypertextes (par exemple, pour accéder à la définition d’un terme via le lexique, puis revenir à la page, ou pour passer d’une notion à l’autre) permet une lecture pratique et rapide. Cette rapidité permet la construction d’un savoir plus transversal de la discipline et global que le savoir cloisonné traditionnel des manuels scolaires en chapitres. Une navigation interactive prend alors toute sa dimension afin de permettre par exemple de quitter une page pour en approfondir un concept, puis d’y revenir (feed-back du lycéen). La liberté de l’utilisateur est totale, puisqu’il est seul acteur dans son apprentissage. Le CD-Rom doit donc être suffisamment complet pour se suffire dans un premier temps à lui-même, sans nécessiter la présence d’un professeur. L’accès immédiat des pages au sommaire, index, lexique, ainsi que page précédente et suivante si besoin est, rend la lecture aisée et rapide.
En conclusion, un CD-Rom de vulgarisation scientifique pour les lycéens correspond à un outil d’approfondissement du travail réalisé en classe. Il ne correspond pas à un substitut du professeur, mais à un cours allégé que l’on peut aussi amener chez soi et qui contient les parties les plus importantes du programme (notions principales résumées, animations explicatives, vidéos…). Les élèves peuvent ainsi s’assurer qu’ils ont bien compris les notions essentielles. La majorité des CD-Rom de vulgarisation scientifique utilisent encore largement un enseignement transmissif, mais, leur ergonomie didactique de plus en plus élaborée va permettre à l’interactivité de prendre de plus en plus d’ampleur. Le CD-Rom concilie rigueur scientifique et réalisation attractive en mettant à la disposition des lycéens les dernières avancées scientifiques sous une forme attrayante et parfaitement compréhensible.
