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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les pratiques de modélisation du chercheur: une grille de lecture des textes historiques au service de la formation

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Academic year: 2021

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LES PRATIQUES DE MODÉLISATION DU CHERCHEUR:

UNE GRILLE DE LECTURE DES TEXTES HISTORIQUES

AU SERVICE DE LA FORMATION

Hervé BARTHÉLÉMY I.U.F.M. de Nice

MOTSCLÉS: MODÈLE DÉMARCHE SCIENTIFIQUE HISTOIRE DES SCIENCES -DIDACTIQUE

RÉSUMÉ: De multiples essais ont été tentés pour utiliser l'histoire des sciences comme outil de fonnation .. Nous proposons d'interroger les conceptions des futurs enseignants sur la démarche scientifique en leur demandant de poser sur les textes historiques différentes grilles de lecture leur pennetlant d'appréhender la démarche de l'auteur. L'exemple choisi sera celui de la modélisation.

SUMMARY : A great number of atlempts have been made totryand use the history of sciences as a tool for training. We contemplate asking the future teachers abouttheir ideas on scientific reasoning byimplementing reading gridsom historicaltexts that would help them to comprehend the author's viewpoinl. The example to he chosen will be modelisation.

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1. POURQUOI FAIRE APPEL À L'HISTOIRE DES SCIENCES DANS L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES PHYSIQUES?

Instiller une dose plus ou grande d'Histoire des Sciences dans l'enseignement est une sorte de serpent de mer dont N. Hulin a rassemblé les traces dans les programmes officiels français (Hulin, 1996). On peut assigner deux butsàcelte introduction de l'Histoire des sciences: d'ordre didactique, c'est-à-dire susceptible d'aider à la compréhension des problèmes d'apprentissage que rencontrent les élèves et à la mise en place de pratiques favorisant leur résolution; et d'ordre culturel, c'est-à-dire portant sur les conceptions, les images, les représentations que les élèves ont de la science, de la technique, des relations science, technique, société ; nous participons là à la construction de la culture scientifique et technique (Audigier et Filion, 1991).

L'Histoire des sciences a fait l'objet de déclarations d'intentions dans les programmes, mais la mise en œuvre de ces intentions est toujours restée très en deçà de ces intentions. Ilya donc un obstacle important à cette mise en œuvre. Les réticences et les résistances ne sont pas seulement dans les esprits des enseignants qui en sont chargés et qui craignent d'enseigner, malgré eux, des idées fausses ou qui dénoncent la perte de temps qui résulterait de cette introduction. Il y a une réelle difficulté pour inventer une didactique adaptée à ces intentions, si l'on veut se garder du risque de tomber dans l'anecdote, ou d'autres pièges énumérés plus loin. Les ouvrages proposés par l'équipe du D.I.E.R.F. de 1'1.U.F.M. tente de fournir quelques pistes pour avancer dans celte voie.

Nous avons choisi de privilégier l'appropriation de la démarche scientifique. En effet, de nombreuses études montrent que les enseignants et futurs enseignants pensent que "la science découle des faits et des données empiriques, considérés comme des descriptions neutres de situations objectives, existant en dehors de tout cadre théorique" (E. Roletto, 1995), "Nous sommes donc face à des étudiants dont la vision de la science s'apparente au positivisme empirique, "Leur "science" est une science d'observation, rigoureuse, objective: elle valide peu, elle ne met jamais en doute, elle ne connaît ni erreur ni limite" (G. Berthou-Gueydan, 1995). Si une telle conception de la science est fréquente c'est qu'elle leur est ainsi présentée au travers de leurs études. Favre (1995) et le laboratoire de modélisation de la relation pédagogique de Montpellier ont analysé le discours des enseignants: celui·ci était imprégné à chaque instant de dogmatisme. Ilya donc urgence à provoquer une réflexion des futurs enseignants sur leurs conceptions de la démarche scientifique afin de faire évoluer l'épistémologie implicitement véhiculée par l'enseignement des sciences.Orl'Histoire des sciences n'est-elle pas un outil privilégié pour interpeller les conceptions des enseignants de science? Comme le dit Kuhn : "la science quand on la vqit à travers des sources historiques semble une entreprise très différente de celle qui est implicite dans la pédagogie scientifique".

2. LES MATÉRIAUX UTILISÉS

Il ne s'agit pas de faire "de l'histoire des sciences à part entière" (Laurent, 1997), c'est-à-dire prétendre porter un regard d'historien sur la science. Dans un souci didactique, on peut utiliser divers

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matériaul{ comme entrée dans l'Histoire des sciences quand on ne fait pas œuvre de recherche mais qu'on réfléchit en didacticien (Fauque, 1997) :

- Sources primaires: textes originaul{ - mémoires, articles, notes,

- Sources secondaires: dictionnaires, encyclopédies, histoires générales et spécifiques, articles de revues, rubriques scientifiques de périodiques,

- Documents iconographiques,

- Tel{tes romanesques, poétiques ou théâtraux à contenu scientifique.

Nous avons opté pour l'utilisation de textes primaires. Ce n'est pas une option facile. Maints auteurs ont déjà signalé les difficultés et les dangers auxquels ce choix expose (Audigier et Fillon, 1991) :

• le présupposé de la progression linéaire des connaissances scientifiques, • le piège d'un jugement rétroactif à l'aune de nos connaissances actuelles,

• le contresens volontaire ou non sur le vocabulaire que l'on veut traduire en langage moderne, • produire des anachronismes conceptuels, de vocabulaire ou expérimentaux.

Nous considérons que le recours aux textes primaires est le seul moyen de garder des dangers d'une fausse histoire des sciences. Nous proposons cependant des compléments situant le tex le dans une époque, dans l'œuvre d'un auteur, dans un contexte scientifique, et, quand c'est nécessaire à la compréhension du texte, des notes tentent de "traduire" certains mots en langage moderne.

3. COMMENTFAIRE PARLER LE MATÉRIAU?

Bien des essais ont été tentés pour utiliser les textes primaires dans une perspective didactique mais l'exploitation proposée reste très pauvre: une série de questions qui n'essaient pas d'entrer dans la problématique de l'auteur, les textes ne sont que prétextes pour reprendre des notions du cours, les questions visent à obliger l'élève à préciser le vocabulaire spécifique ou à lui faire traduire le contenu conceptuel du texte dans le langage d'aujourd'hui. L'idée retenue consiste à passer le texte choisi au crible d'une grille de lecture qui va donner des indications sur une des activités du chercheur en train d'exposer la science. On objectera qu'un écrit est déjà une reconstruction de l'activité réelle du chercheur: "La manière dont sont écrits les articles scientifiques entraîne la création d'un artéfact. Les chercheurs n'y relatent que ce que la communauté scientifique accepte comme "raisonnement scientifique" et nullement la démarche réelle qu'ils ont suivie. Deux facteurs, au moins, transfonnent la production du savoir, et ceci dès la première présentation. D'une part les canons - et même les modes - aUl{quels un chercheur doit se plier lorsqu'il publie, d'autre part la réécriture continuelle de la signification du processus. Quand ils prétendent dire ce qu'ils ont fait, ils présentent une démarche totalement revue à travers les hypothèses et les résultats finaux présentés" (Giordan, 1995). L'étude des carnets de laboratoire serait plus propice, d'un certain côté, à l'atteinte du but fixé, mais on peut aussi faire l'hypothèse que la personnalité et la méthode de travail du chercheur transparaît tout de même au moins partiellementà travers ses écrits élaborés. Qui en douterait en lisant les textes de Galilée ou de Lavoisier? D'autre part, nous pouvons dire que le texte nous renseigne au moins sur les "canons" de son époque, et cela peut déjà servir nos objectifs.

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Nous avons choisi d'utiliser, pour le tome 1 de la série (Laporte et Scheidecker, 1996), la grille de lecture de la modélisation. D'autres grilles, visant à cerner petit à petit ce qu'est un chercheur et la nature de son activité, ce qu'est la démarche scientifique, seront proposées dans les tomes suivants: • Le statut de l'expérimentation et de l'expérience • La notion de "preuve"

• Les divers modes de raisonnement • Hypothèses, principes, lois, théories • Le questionnement du "réel" • Argumentation et vérification en sciences

4. ACTIVITÉ DE MODÉLISATION ET PRÉSENTATION DE LA GRILLE

Le concept de modèle, complexe, revêt plusieurs acceptions depuis le sens premier attribué à Platon pour qui le modèle est le paradigme, la figure idéale sur laquelle on essaie de se régler, jusqu'au sens technologique qui en est presque l'exact opposé de l'objet réduit, simplifié, reproduisant le réel en le simplifiant pour mieux l'étudier. Le premier sens du concept de modèle se retrouve dans le modèle du peintre, d'écriture ou de vertu! Le second dans le modèle réduit, de démonstration. Les sciences physiques ont une vision du concept de modélisation qui se rapproche plutôt du second, tout en gardant un caractère spécifique. Depuis Galilée, les modèles physiques essaient de produire des canevas qui se substituent, provisoirement et dans un domaine délimité, à la complexité trop grande de la nature Le modèle permet des traitements mathématiques qui produisent à leur tour des conséquences prévisibles aboutissant à des tests expérimentaux pour consolider ou infléchir le modèle, etc. Le propre d'un modèle est d'être opératoire; sa fonction heuristique est essentielle (interprétation et prédiction). L'activité de modélisation est fondamentale pour l'apprentissage des sciences; elle consiste à faire construire aux élèves un modèle adapté à une classe de phénomènes, le champ de référence età le faire fonctionner, à petit à petit le perfectionner pour élargir le champ théorique à sa disposition. "Or, dans la réalité des cours, sauf peut-être en mécanique et en électronique dans l'enseignement technique, ce qui domine dans les exercices et les manuels, c'est l'imposition d'un point de vue, d'un mode de description, d'une interprétation. Les modèles sont là, mais comme indiscutables. Peut-on s'affranchir de celte dogmatisation de l'enseignement ?" (Maninand et al., 1992). Nous avons donc voulu fournir aux enseignements et futurs enseignants un outil pour lutter contre ce dogmatisme en regardant comment les chercheurs ont bâti et fait fonctionner les modèles qui les ont aidé à aller de l'avant.

Nous avons emprunté notre grille à Robardet et Guillaud (1994) : "Dans la pratique, le chercheur qui étudie dans son laboratoire une situation expérimentale a-t-il systématiquement recours aux théories? La réponse à cette question est le plus souvent négative pour une raison bien simple: avec le progrès et le développement scientifique des siècles derniers, les théories sont devenues très lourdes et très complexes. Cela conduit le scientifique penché sur un problème donné à élaborer des outils théoriques moins ambitieux mais néanmoins daptés à l'interprétation et à la prévision de ces situations. Ces outils modestes, mais fonctionnels, seront appelés MODÈLES". Le modèle fait donc partie du champ théorique, mais se situe entre la théorie et le champ expérimental et se construit par des allers et retours entre le champ théorique et le champ empirique. C'est ce que nous avons voulu

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mettre en lumièreàpartir de quelques exemples pris dans le domaine de la chimie autour du concept de réaction chimique.

Chacun des textes a été analysé de la manière suivante:

• Champ expérimental: • quels sont les objets expérimentaux pris en compte par l'auteur? • quels "faits" (Fourez, 1992) expérimentaux, qu'une lecture non neutre mais indiscutée de l'auteur a sélectionnés, relient ces objets?

• Champ théorique: • quels sont les objets théoriques (concepts, notions, lois, règles...) pris en compte par l'auteur?

• comment ces objets théoriques s'articulent-ils entre eux? • Relations entre champ expérimental et champ théorique.

5. LES RÉACTIONS DES ÉTUDIANTS EN FORMATION 5.1 Lecture brute des textes

Les réactions marquent un certain malaise: "je n'ai rien compris", "c'est difficile", "quel intérêt? c'est farfelu et faux de toute façon !", "impossibleàdonner à des élèves". Parfois on souligne un certain plaisir, dûà l'attrait de la nouveauté, à la découverte d'un pan de l'histoire': "c'est naïf, mais le texte est plaisant; il Ya toute une ambiance". Ils ont l'impression de rencontrer eux-mêmes l'auteur. 5.2 Après application de la grille de lecture

La distinction entre les deux champs a été très appréciée. Pour cenains c'est une découverte. Ils disent que cela appone soudain une clarification impressionnante au texte. Le modèle prend sens et cohérence interne. Et, souvent, cela les amèneàse poser des questions sur leur vision de la science. Avant, cela allait de soi, pour eux; et soudain, les voici déstabilisés. Le pari est gagné! "Je ne m'étais jamais demandé comment les théories scientifiques avaient réellement pu être formulées", "on comprend qu'ily a un cheminement dans les sciences et les lois construites, alors qu'elles nous sont présentées comme des postulats et des vérités établies".

6. CONCLUSION

Tout le monde connaît la célèbre phrase de G. Bachelard: "J'ai souvent été frappé du fait que les professseurs de sciences, plus encore que les autres si c'est possible, ne comprennent pas qu'on ne comprenne pas". Les futurs enseignants en sciences sont souvent d'anciens bons élèves et sont tentés de reproduire avec leurs élèves les modèles auxquels ils ont eux-mêmes été sensibilisés et auxquels ils étaient adaptés puisqu'ils ont réussi. Les enseignants auprès desquels ils vont se former sur le terrain sont souvent eux-mêmes des bons "modèles" : ils ont été reconnus et choisis en temps que tels. Comment faire évoluer les pratiques et les images fausses véhiculées sur la science que dénoncent toutes les enquêtes? Il n'est guère possible de réaliser une véritable formation en épistémologie des

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futurs enseignants en sciences. Nous pensons donc que le travail que nous proposons pennet, au moins dans cenains cas, de provoquer une réelle prise de conscience de la pan des futurs enseignants en fonnation. Il reste à élargir l'éventail des textes et à explorer de nouvelles pistes à travers d'autres grilles de lecture.À plus long tenne, c'est par des actions concrètes comme celle-ci que l'on pourra faire évoluer la présentation qui sera faite de la science auprès des élèves au cours de leur scolarité. Certes nous avons conscience qu'on ne peut utiliser directement une telle approche des textes scientifiques en activité de classe. Mais une transposition n'est-elle pas envisageable pour renouveler l'approche de la dimension historique envisagée dans le cadre des programmes? Il Ya là, nous semble-t-il, un vaste champ d'investigationà explorer.

BIBLIOGRAPHIE

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MARTINAND J.-L. et al.,Enseignement et apprentissage de la modéliSa/ion en sciences, I.N.R.P., 1992.

L'ouvrage support de cette communication est en vente auprès des auteurs. Le demander à G. Lapone, LU.F.M. de Nice, 43 av. Stephen Liégeard 06000 Nice.

Références

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