Dynamiques de reconversion professionnelle dans les Métiers d'Art : le cas des publics en formation continue au Centre International de Formation aux métiers de la Céramique (EMA CNIFOP)

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Dynamiques de reconversion professionnelle dans les

Métiers d’Art : le cas des publics en formation continue

au Centre International de Formation aux métiers de la

Céramique (EMA CNIFOP)

Béatrice Alexandre

To cite this version:

Béatrice Alexandre. Dynamiques de reconversion professionnelle dans les Métiers d’Art : le cas des publics en formation continue au Centre International de Formation aux métiers de la Céramique (EMA CNIFOP). Colloque du Rumef 2020, Amiens Université de Picardie, Mar 2020, AMIENS, France. �hal-02881360�

Colloque du RUMEF, Amiens–Université de Picardie Jules Verne, 18-20

mars 2020

Beatrice ALEXANDRE Université Rennes 2, Doctorante 2

​

année

Laboratoire EA 3875

beatrice.alexandre@etudiant.univ-rennes2.fr

La thèse CIFRE permet d’entreprendre des activités de recherche tout en restant véritablement ancrée dans le monde professionnel. Travailler au sein de l’EMA CNIFOP et intégrer activement l’équipe du CREAD, constitue une formidable opportunité de s’investir pleinement dans une problématique devenue aujourd’hui incontournable :

Dynamiques de reconversion professionnelle dans les Métiers d'Art : le cas des

publics en formation continue à l’EMA CNIFOP, Centre International de

Formation aux métiers de la Céramique.

Communication de l’axe 4.

La question « de l’objectif de l’autonomie des formés individuels ou collectifs, du projet, de l’émancipation dans un contexte de chômage ou de reconversion professionnelle » sont des données majeures qui impactent non seulement les pratiques de formation dans la reconversion des individus mais aussi les individus eux-mêmes en travaillant sur le savoir être et le comportement. Deux critères qui semblent conditionner la réussite d’intégration dans un nouveau groupe professionnel.

Nous proposons dans cette communication de faire partager une réflexion visant à comprendre l’influence des kairos (Galvani, 2016) dans un processus de socialisation intégratif. Que peuvent nous dire de singulier des individus, à partir de leur expérience, de la problématique de la construction de leur identité professionnelle à travers la conscientisation des kairos de pratiques et de leurs effets ? Comment la reconversion professionnelle choisie est-elle vécue, et quels sont les impacts sur la construction de l’identité axiologique ?

A propos de compétences comportementales

Depuis quelques années plusieurs constats retiennent notre attention, il semble que l’importance accordée aux compétences dans les entreprises ou dans le secteur public de l’emploi se soit progressivement détournée de la construction de référentiel pour se centrer vers la question des compétences comportementales. De quoi parle-t-on ? Quel lien avec la posture professionnelle et l’identité axiologique ? Que ce soit en matière de recrutement, d’évaluation, de gestion de carrière ou d’orientation professionnelle, on entend de plus en plus souvent un discours mettant les compétences comportementales au centre de la décision. Finalement, nous annonce-t-on, ce n’est pas tant le diplôme qui compte ni même l’expérience, mais bien la personnalité, le comportement, les compétences sociales. Derrière ce type de déclaration, on constate d’abord l’amalgame qui est

systématiquement fait entre des données de plusieurs niveaux qui concernent la personnalité, voire le caractère, et d’autres qui sont plus liées au comportement social. On citera comme exemples les plus fréquents la “ capacité à communiquer, à travailler en équipe, à s’exprimer, à motiver, à convaincre… ” qui relèvent du comportement social, ou encore “ le charisme, l’assurance, la présence, l’honnêteté, la loyauté _{… ” qui relèvent de la personnalité, des valeurs incorporées. Il s’agit} d’une réelle mise en question de la place du savoir être dans le champ professionnel qui reste encore à clarifier. Parler de loyauté par exemple ou de sens de la communication ne se définit pas au travers de l’activité professionnelle, mais bien au travers des normes sociales partagées par un groupe à un moment donné. La question qui se pose alors est celle de l’évaluation Comment par exemple vérifier que quelqu’un est loyal ? Il devient désormais nécessaire d’être capable d’évaluer les compétences comportementales des individus, soit pour les préparer à ces situations professionnelles, soit pour les sélectionner, soit pour les orienter. Mettre en cohérence “la manifestation de l’état mental” (Lameul, 2008) de l’individu avec son environnement professionnel s’avère donc indispensable pour faire émerger les compétences comportementales attendues dans l’exercice d’un métier. Il nous faut alors distinguer ce qui relève de l’intériorité de l’individu et qui ne peut être assimilé à des compétences (état mental) ; de ce qui relève de l’extériorité : les actes ou les comportements mis en œuvre pour construire l’identité axiologique dans une démarche d’adaptation à un contexte professionnel. Dès lors ce que l’on doit valider effectivement c’est la réussite de cette intégration. Ce qui nous occupe dans cette recherche est de comprendre la raison profonde pour laquelle un individu intégrera plus aisément ces comportements attendus qu’un autre.

Le processus de socialisation intégratif

C’est à travers ce processus de socialisation intégratif visant à l’accomplissement d’un Soi Professionnel que nous questionnons la place des kairos et des émotions qui pourraient influencer de manière consciente ou non les actes de l’individu dans le cadre de la construction d’une identité axiologique et l’amener à développer les compétences comportementales adaptées au groupe professionnel. Il semblerait que les individus ayant suivi une même formation n’investissent pas tous le métier visé de la même manière et adoptent des comportements différents qui influence la réussite de leur intégration et peut être la position sociale. Ces comportements ont- ils une influence sur l’intégration et la position dans le groupe ? Quels sont dans ce cas les éléments déclencheurs qui vont permettre à l’individu de s’approprier son nouveau métier et d’adapter son comportement ? Comment rendre compte du passage de l’invisible au visible ? Existe-t-il des kairos fondateurs susceptibles de justifier la manière dont l’individu passe à l’acte dans son environnement professionnel ? Est-il possible en observant l'attitude adoptée de faire émerger des compétences comportementales nécessaires à l’intégration dans un groupe professionnel ? En s’intéressant au rapport à l’action, au contexte, au mode d’échange et de coopération au sein d’une équipe peut-on dans un dispositif de formation accompagner l’individu dans la perspective de son intégration ?

Les instants décisifs

Notre recherche s’inscrit dans une perspective qui vise à comprendre ce processus en passant par la conscientisation des instants décisifs qui ‘influencent nos actions” (Lameul, 2008) ; Cela nous permet de mener une réflexion sur l’expérience et en ce sens inscrire notre recherche dans le courant de ‘l’auto-formation par la recherche sur l’action” (Galvani, 2016). Partant du postulat que ces instants décisifs nommés kairos (Galvani, 2016) en “façonnant nos croyances, orientant nos intentions” (Lameul, 2008) participent ainsi à la prise de conscience du sujet et à sa transformation dans son rapport à soi, aux autres et au monde, ce qui lui permettra d’adopter un positionnement d’adaptation dans un nouvel environnement. Le kairos est entendu comme étant « un moment d’intuition et d’inspiration, où le bon geste se fait au bon moment. C’est une interaction pertinente, une résonance harmonique entre l’organisme et l’environnement » (Galvani,2016). Ce que nous souhaitons faire émerger chez le sujet est sans doute non conscientisé, ni même facilement tangible ou facilement verbalisable, c’est ce que Galvani (2016) appelle les « Les transformations silencieuses

et l’impermanence du soi ». Nous cherchons à faire remonter un instant fondateur et décisif, un moment fugace, « un instant d’émergence, un moment créateur, l’émergence d'une mise en sens, d’une nouvelle forme. ». (Galvani, 2016). C’est ce moment qui déclenchera une action et participera à la construction de la nouvelle identité. Par le prisme de productions narratives nous souhaitons pouvoir identifier les kairos dans le processus de construction de l’identité axiologique. Nous proposons une entrée par la posture professionnelle à travers deux types de questionnements : ceux qui se rapportent explicitement à l’expérience du sujet, son rapport au savoir, son environnement et ceux qui concernent son « auto-définition de soi ». (Galvani, 2016). Nous cherchons à faire remonter un instant fondateur et décisif, probablement non conscientisé par le sujet, qui vise à sa transformation et à son adaptation à son environnement. Cela devrait nous éclairer sur les choix qui influencent les actes du sujet, mais aussi sur le lien entre ce choix, et le kairos fondateur.

Ce travail est susceptible de produire des connaissances utiles dans le domaine de la formation professionnelle et d’apporter un éclairage intéressant sur la construction du processus de socialisation professionnelle d’un individu. Il met en dialogue trois concepts : “l’éthos professionnel” (Jorro, 2014, p 111) la “ posture professionnelle” et l’identité axiologique (Jorro, 2014, p 111) avec au centre celui de “kairos” (Galvani, 2016) identifié comme étant des moments fondateurs. L’objectif étant de rendre visible “ce qui reste invisible dans l’activité professionnelle” (Jorro, 2014, p 111) et de proposer un complément original à l’étude de la construction de la posture professionnelle amorcée par G. Lameul (2008, 2016) dans le cadre de la reconversion professionnelle du sujet en plaçant au centre du processus la capacité de l’individu de se laisser influencer par des associations ou des intuitions de l’esprit. L’objectif pour lui étant de « trouver sa place » au sein d’un nouveau groupe.

Une méthodologie originale adaptée de l’atelier des kairos

Nos interviewés sont des adultes en formation dans le secteur de la Céramique avec pour la majorité d’entre eux un projet de création d’entreprise à plus ou moins long terme. L’approche biographique combinée avec la théorisation ancrée Paillé (1994) nous permettra de lire la réalité vécue par les sujets interviewés qui sont au cœur de leur histoire. En perpétuelle transformation et négociation dans leur rapport au monde et à eux-mêmes, en référence à ce que Ricoeur (Ricoeur, 1990) nomme l’identité narrative le sujet se rapproprie son histoire par lui-même dans et par la médiation du récit ; récit initié par la formation. Nous souhaitons entreprendre dans une démarche itérative une analyse progressive des données ; nous projetons d’effectuer une dizaine d’entretiens au total sur le modèle adapté de l’atelier des kairos, ce modèle n’étant pas figé il évoluera tout au long des entretiens ce qui nous permettra de faire émerger les instants décisifs du processus d'accomplissement d’un soi professionnel et de les rattacher au fur et à mesure à des concepts existants. Ainsi les questions pourront être très différentes d’un entretien à l’autre.

L’entretien individuel

La phase réflexive sera conservée et durant l’entretien enregistré, le sujet est invité en entrer en recueillement puis, lors d’un entretien à narrer ses propres moments décisifs autour de la formation et du métier envisagé. Galvani (Galvani, 2016) nous rappelant que « pour la recherche, l’entretien d’explicitation a l’avantage de pouvoir être enregistré et transcrit. Il peut donc ensuite faire l’objet d’une analyse de contenu très fine et détaillée. » Le sujet choisira le moment sur lequel l’entretien d’explicitation sera effectué. “Lorsque plusieurs moments ont été décrits, il est possible de passer de l’explicitation à la compréhension par l’analyse fine du contenu des récits. La compréhension et la théorisation permettent d’ancrer les intuitions de l’action en les transformant en savoirs explicites et transférables “ (Galvani, 2016​

).

Une discussion s’engagera ensuite avec sur l’analyse que nous aurons produite. Cela nous permettra de déterminer en quoi ce moment décisif est un kairos d’autoformation en lien avec notre processus de socialisation intégratif.

Conclusion

Dans ce processus de socialisation professionnelle à visée intégrative nos résultats feront émerger des kairos fondateurs (ou pas), influençant (ou non) la manière dont l’individu développe ses compétences comportementales afin de se construire “une identité axiologique” pour une meilleure insertion dans le groupe professionnel. Ce travail est susceptible de développer des connaissances utiles dans le domaine de la formation professionnelle et d’apporter un éclairage intéressant sur la manière de se positionner en situation d’apprentissage d’un nouveau métier.

BIBLIOGRAPHIE

Galvani P. (2016). « Conscientiser l’intelligence de l’agir : explorer les moments intenses de l’autoformation 1 pratique », dans Galvani P. (coord.) Recueil de textes méthodologiques du programme de Maitrise en étude des Pratiques Psychosociales, Université du Québec à Rimouski. Comité des programmes d’études supérieures en psychosociologie

Lameul, G. (2008). Les effets de l'usage des technologies d'information et de communication en formation d'enseignants, sur la construction des postures professionnelles. Savoirs, _​17​, 71-94

Ricoeur, P. (1990). Soi-même comme un autre. Paris : éditions du Seuil