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Analyse de la norme sociale comme contrainte au consentement : l'exemple de la recherche biomédicale en situation d'urgence

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(2)
(3)

ANALYSE DE LA NORME SOCIALE COMME CONTRAINTE AU CONSENTEMENT : L'EXEMPLE DE LA RECHERCHE

BIOMÉDICALE EN SITUATION D'URGENCE

Isabelle Gauthier Institute of Comparative Law

McGill University, Montreal August. 2000

A thesis submitted to the Faculty of Graduate Studies and Research in partial fulfilmentof the requirements ofthe degree of Masters of laws (LL.M.).

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(5)

B,eSUMÉ

Ce texte cherche à démontrer, à travers une approche multidisciplinaire. que le

consentement, malgré sa définition juridique qui se rapporte à l'expression

éclairée de la volonté individuelle, est, en réalité, parfois limité, voire annihilé,

par des considérations d'ordre collectif, issues du contexte médical,

économique et juridique, qu'il convient d'appeler la norme sociale. Il arrive

donc que le consentement serve à exprimer cette norme-contrainte, agissant

comme une véritable mesure d'appartenance

à

la société. Le consentement,

souvent présenté comme un principe fondamental à respecter dans le

domaine de la recherche biomédicale, est sous "influence de divers facteurs,

un simple principe

à

respecter parmi d'autres. Ces limites au consentement

sont exacerbées dans le domaine de la recherche en situation d'urgence. Le

consentement

y

est en effet, parfois assimilé à un banal

consentement-signature et, dans certains cas, il a été reconnu que ce consentement n'est

plus nécessaire.

This thesis seeks to demonstrate, by way of a multidisciplinary study, that consent is, despite its legal definition which refers to the free and enlighted

expression of individual will, in

tact,

at times limited if not eliminated. by social

considerations, arising from the medical, economic and legal context. These

considerations reflect what one might cali the social narm. An appropriate

understanding of consent serves, therefore, to express the social narm as a constraint, which, in turn, aets as a measure of what it means to belong in society. Thus, while consent is often presented as the fundamental principle ta be respected in biomedical research, it is in reality, merely one principle to

respect among others. These limitations connected to consent are

exacerbated in emergency situations where consent is sometimes reduced to mere signature, and in some cases it has been recognized that research can

be undertaken without the subjeet's prier consent.

(6)

REMERCIEMENTS

Je tiens, tout d'abord, à remercier mon directeur de recherche, le

professeur Nicholas Kasirer, pour ses judicieux conseils relativement

à

"élaboration de ce mémoire ainsi que pour ses encouragements à franchir les

frontières du droit pour arriver

à

mieux cerner l'essence de la notion de

consentement.

J'aimerais, également, remercier Me Pierre Deschamps pour avoir si gentiment accepté de commenter des versions antérieures de ce mémoire

ainsi que pour avoir aiguillé certaines de mes réflexions relatives à la

recherche biomédicale. particulièrement en situation d'urgence.

J'aimerais, de plus, remercier la Faculté de droit de l'Université McGiII qui m'a accordé un soutien financier, sous la forme de la Bourse Wainwright.

Je tiens, finalement, à remercier ma tamUie ainsi que Serge pour leurs

encouragements et leur soutien et, plus particulièrement, mes remerciements

vont à Jean-Sébastien qui1 par sa bonne humeur et son sourire, m'a aidé à

mener ce mémoire

à

terme.

Isabelle Gauthier

(7)

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 1

,. L'EXPÉRIMENTATION BIOMÉDICALE ET LA

RECONNAISSANCE DE L'EXPRESSION DE LA VOLONTÉ DU

SUJET DE RECHERCHE 8

A. LIBERTÉ ET VOLONTÉ AU COEUR DE LA NOTION DE

CONSENTEMENT 10

1. Le consentement comme élément protecteur des

droits et Ilbertés fondamentaux 12

2. La pierre angulaire de tout consentement :

La volonté exprimée 20

3. Un pré-requls au consentement:

La notion de choix 26

a. L'information divulguée et comprise 27

b. La liberté 29

c. L'aptitude à consentir 34

B. L'ENCADREMENT DU CONSENTEMENT EN MATIÈRE DE RECHERCHE BIOMÉDICALE: UNE VOLONTÉ LIMITÉE PAR LA

LÉGiSLATION 38

1. Contrainte et normalité comme attributs

de la norme 39

2. Un encadrement qui restreint l'autonomie de la

personne 42

a. L'autodétermination de la personne n'est pas le seul

principe à considérer 43

b. Le pouvoir grandissant du comité d'éthique

de la recherche 64

c. La rationalité au coeur d'une interprétation

jurisprudentielle prudente 69

(8)

Il. LE CONSENTEMENT CONTRAINT OU ANNIHILÉ DU SUJET

DE RECHERCHE EN SITUATION D'URGENCE 76

A. LE CONSENTEMENT

A

LA RECHERCHE COMME

ACQUIESCEMENT

A

UN CONTRAT D'ADHÉSION BIOMÉDICAL. ?7

1. Les dangers d'un consentement vicié 78

a. Le manque d'information ou la mauvaise information 78

b. Un rapportdeforces inégales 85

2. Un acquiescement plus qu'un véritable

consentement 90

B. L'EXPÉRIMENTATION SANS CONSENTEMENT DANS LE CAS DE L'INCONSCIENT OU DE L'INAPTE:

UNE EXCEPTION

A

SAVEUR UTILITARiSTE 94

1. L'Impo8slblllté de fait de recueillir le consentement

du sujet de recherche comme barrière

au con.entement 96

a. Les alternatives au recueif du consentement du sujet

de recherche 97

b. La réponse de l'éthique et du droit

à

cette

problématique 101

2. Le consentement-obstacle Ignoré pour

le blen-itre de l'humanité 116

a. La perception de la notion de consentement : D'hierà

aujourd'hui 116

b. Le rOle caché du comité d'éthique de la recherche 121

CONCLUSiON 124

BIBLIOGRAPHIE 127

(9)

[T]oute action regardant l'intérêt collectif aux dépens, même légers, de l'individu nécessite son accord. Celui-ci est-il obtenu? l'essai est un service. Est-il omis? Le même essai crée une servitude. Qui use par contrainte ou par ruse du for intérieur d'un sujet agit contre l'éthique;ilexploite safai~esse,

comme d'autres ont pu exploitersaforce, et le réduitàun simple instrument. L'eXpérimentation médicale fait appelàun esprit de solidarité Qui suppose un contrat loyalement établi entre le représentant autorisé de la société et l'individu Qui s'y soumet par libre décision.

F. Quéré. L'éthique et la vie,Paris, Odile Jacob, 1991 à la p.145.

INTRODUCTION

La recherche biomédicale,

à

travers tout un courant de bouleversements

technologiques et scientifiques, est devenue une nécessité pour faire

progresser les connaissances. Alors qu'il

y

a

à

peine cent ans. on se

concentrait sur la recherche fondamentale qui ne touchait donc qu'à la matière

non vivante, on assiste aujourd'hui à cette révolution des sciences

biomédicales qui fait en sorte que l'on doit faire des essais de médicaments prometteurs ou de futures techniques thérapeutiques sur des êtres humains et

des animaux. Le corps humain a ainsi acquis, au cours des dernières

décennies, une dimension sociale qu'il n'avait pas auparavant'. Il est devenu chaque jour plus utile pour autrui, porteur des espoirs de l'humanité.

De domaine assez restreint et non encadré1 la recherche biomédicale est

aujourd'hui en forte expansion2 et est l'objet d'une panoplie de règles

, Québec, Office de révision du Code civil, Comité des droits et devoirs civils, Rapport surIs

reconnaissance decertains droits concernant le corps humain,Québec, Office de révision du Code civil, Montréal, 1971àla p. 1 [ci-après a.R.C.C.].

2Notons que «[I]es dépenses en recherche et développement des multinationales

pharmaceutiques installées au canada ont plus Que quintuplé depuis la mise en place, en 1987, d'une protection plus étanche des brevets détenusparces entreprises- (A. Pratte, «les dépenses de recherche de 11industrie pharmaceutique ont quintuplé en dix ans- LaPresse {de Montréal}(13juillet 1999) 84).

(10)

nationales et internationales3

. Ces dernières énoncent divers principes

éthiques directeurs, tels le respect de l'autonomie de la personne, la

bienfaisance et la justice4

, et visent à encadrer la mise en oeuvre des projets

de recherche auxquels participent des êtres humains. Or, il appert que depuis une cinquantaine d'années et malgré l'adoption de ces règles, plusieurs

3Citons. entre autres, leCode de Nuremberg de 1947(reproduit dans Conseil de recherches médicales du Canada,Ladéontologie de l'expérimentation chez l'humain,Rapport n06, Ottawa, Approvisonnements et services Canada. 1978 aux pp. 59 et 60 [ci-aprèsCode de Nuremberg», laDéclaration d'Helsinki(adoptée par la 1

se

Assembtée médicale mondiale d'Helsinki, Finlande. juin 1964, amendée par la 2ge Assemblée médicale mondiale. Tokyo. octobre 1975. par la 35· Assemblée médicale mondiale. Venise, octobre 1983 et par la 41· Assemblée médicale mondiale, Hong Kong, septembre 1989 (reproduite dans Conseil de recherches médicales du Canada,ibid. aux pp. 61 et s.)), tePacte international sur les droits civils et politiques{adopté par l'Assemblée générale de l'O.N.U.. 19 décembre 1966,A.T. Cano 1976 n047. 999 A.T.N.U. 171, 61.L.M. (reproduitdansJ.-Y. Morin. F. AigaldiesetO. Turp.Droitintemationalpublic. 2"

éd., Montréal, Thémis, 1987 aux pp. 173 et s.», leCodecivilduBas-Canada[ci-aprèsC.c.B.C.), lesRègles internationales d'éthique pour la recherche biomédicale impliquant des sujets humains(Council for International Organizations of Medical Sciences, International Ethical GuideJines for Biomedical Research Involving Human Subjects,Genève, Council for International Organizations of Medical SCiences, 1993 [ci-aprèsRégies du C.I.O.M.S.D, leCode civil du Québec(LO. 1991. c. 64 [ct-après C.c.O.]). la Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'ltre humainàl'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (Conseil de l'Europe, Convention pourlaprotection des droits de J'hommeetde la dignité de J'être humainà l'égard des applicationsdela biologie et de la médecine: Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (adoptée par le Comité des Ministres le19novembre 1996) (reproduite dans (1996) 7:3 Journal international de bioéthique 224),l'Énoncé de politique des trois Conseils: Éthique de la recherche avec des êtres humains(Conseil de recherches médicales du canada. Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du canada et Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, Énoncé de politique des trois Conseils: Éthique dela recherche avec des êtres humains. Ottawa. Approvisionnements et services Canada. 1998 [ci-aprèsl'Énoncé de politique)). Il serait cependant faux de croire qU'aucune règle n'existaità ce sujet avant la deuxième moitié du 20· siècle. En effet, la plus ancienne codification connue. le Code d'Hammourabi. proclamait. plus de 1750 ans avant Jésus Christ. que «tout médecin qui, utilisant une nouvelle technique opératoire. causera la mort de son maJade aura le bras droit tranché» (C. Byk. «L'exemple du droit comparé» (1993) 4 (hors-série) Journal international de bioéthique 21). De plus, soulignons que le ministère de l'Intérieur du Reich allemand avait, le 28 février 1931, adopté une circulaire énonçant. dans son articleS,que l'expérimentation

scientifique «est interdite dans tous les cas où le consentement n'a pas été obtenu-(Directives concernant les nouveaux traitements médicaux et l'expérimentation scientifique sur l'être humain (reproduites dans S. Gromb,Le droit de l'expérimentation sur l'homme: Droit français-Régies supranationales.Paris, Litec, 1992àla p. 237». Voir également. relativementàcette circulaire. M.A. Gradin, «Historical Origin of the Nuremberg Codel) dans G.J. Annas et M.A. Gradin, dir., The Nazi Doctors and the Nuremberg Code,New York, Oxford University Press. 1992. 121 aux pp. 130 et 131.

• Ces trois grands principes ont été initialement adoptés dans leRapport Belmont,aux États-Unis. en 1979 (The National CommiSSion for the Protection of Human Subjects of Biomedical and Behavioral Research,The Belmont Report: EthicaJ Principles and Guidelines for the Protection of Human Subjects of Research, Washington O.C., DHEW Pub.. 1979).

(11)

problématiques liées au déroulement de la recherche biomédicale font

toujours l'objet de discussions. Le présent mémoire traitera d'une de ces

problématiques, soit celle relative au consentement du sujet de recherche.

L'essence de cette notion ainsi que lés interprétations qui lui ont été données y

seront donc analysées.

La notion juridique de consentement a été, tout d'abord. développée par

le droit des obligations, notamment le droit des contrats. Le consentement

joue également un rOle prépondérant dans le domaine du droit de la santé, ce

qui en fait d'ailleurs l'une des notions dont les règles et les principes

y

ont été

les mieux développés5

• Ainsi, ((dans un contexte d'affirmation des droits de la

personne et sous l'influence du "consumérisme", l'autonomie de la personne et son application, le consentement ou refus éclairé, occupent une place

déterminanten8

Le consentement présente un caractère actif et ce, particulièrement dans le domaine de la recherche biomédicale. En effet dans ce domaine où le but premier n'est pas, par définition, la finalité thérapeutique, il ne peut être une simple autorisation ou tolérance car les interventions ne sauraient être imposées au sujet de recherche. On considère donc le consentement comme

l'élément le plus important

à

respecter pour protéger les droits et libertés des

sujets de recherche. D'autres considèrent, cependant, que cette notion ne

devrait pas avoir préséance sur certains autres principes reconnus, tels la

bienfaisance et la justice7

L'évolution de la nature de la notion de consentement ainsi que de son

application qui amène à une plus grande reconnaissance du droit

à

5L. Bélanger-Hardy, «Le consentement aux actes médicaux et le droitàl'autodétermination :

Développements récents» (1993) 25 R.D. Ottawa 485àla p. 489.

IlP. Lesage-Jarjoura, J. Lessard et S. Philips-Nootens,Éléments de responsabilité civile

médicale: Le droit dans le quotidien de la médecine.Cowansville. Yvon Blais, 1995àla p. 110.

Soulignons,àce sujet, que la majorité des poursuites en responsabilité civile médicale sont fondées sur l'absence de consentement éclairé (R.P. Kouri,uLa causalité et l'obligation de renseigner en droit médical québécois» (1987) 17 R.C.U.S. 493àla p. 495).

7T.L. Beauchamp et J.F. Childress,Princip/es of Biomedical Ethics, 3- éd., New York, Oxford

University Press, 1989; B.A. Brady, ftResearch on the Vulnerable Sick» dansJ.P. Kahn. A.C. Mastroianni et J. Sugarman, dir., Beyond Consent: Seeking Justice in Research,New York, Oxford University Press.1998.32:M.D. castelli et M. Cadorette, uL'expérimentation biomédicale et l'inviolabilité de la personne: Autodétermination ou protection de l'intégrité physique- (1994) 25 R.G.D. 173; W. Gaylin, -Worshiping Autonomyn (1996) 26:6 Hastings Center Report 43.

(12)

l'autodétermination de la personne ne s'est pas faite sans créer heurts et

remous8

• Les médecins et les chercheurs se voyaient ainsi délester d'une

large part de leur autonomie décisionnelle relativement au choix d'un

traitement ou à la participation

à

un projet de recherche. Pour eux qui se

considéraient (et qui avaient raison de le faire dans la majorité des cas) comme les personnes les mieux placées pour protéger les intérêts des patients, l'évolution de ce concept a quelquefois été perçue comme une expression de non-confiance en leur sens éthique de la part du reste de la

société. Encore aujourd'hui, certains critiquent la nécessité de recueillir le

consentement préalable d'une personne et affirment que le consentement libre et éclairé du sujet de recherche n'est parfois qu'un leurres.

Ces critiques décrivent une réalité que d'aucuns aimeraient bien

continuer d'ignorer. Ce texte tentera de démontrer, à travers une approche

multidisciplinaire. que le consentement, malgré sa définition juridique qui se

rapporte à l'expression éclairée de la volonté individuelle. est, en réalité.

parfois limité. voire annihilé. par des considérations d'ordre collectif, issues du contexte médical, social. économique et juridique. qu'il convient d'appeler la

norme sociale. Il arrive donc que le consentement serve à exprimer cette

norme-contrainte, agissant comme une véritable mesure d'appartenance à la

société et définissant la normalité. Le consentement, souvent présenté comme un principe fondamental à respecter, devient ainsi, sous l'influence de divers facteurs. un simple principe à respecter parmi d'autres.

Pour étayer cette affirmation, il importe, tout d'abord, d'analyser la notion même de consentement de manière théorique pour bien comprendre ce qui la caractérise pour ensuite se pencher sur son interprétation et son application dans le domaine de la santé, plus particulièrement en matière de recherche biomédicale.

La première partie de ce texte portera donc sur les origines et les composantes du consentement ainsi que sur les circonstances qui l'entourent

IlVoir A. Meisel et M. Kuczewski. ccLegal and Ethical Myths About Informed Consent» (1996)

156Archives internationales de médecine 2521 etJ. Katz, cc Informed Consent - Must Il Remain a Fairy Tate?» (1994) 10 Journal of Contemporary Health LawandPolicy 69.

laBrady,supranote 7; F. camerie. ccCrisis and Informed Consent: Analysis of a Law-Medicine Malocclusion» (1987) 12:1 American Journal ofLawand Medicine 55; A.A. Faden. alnformecf Consent and Clinical Aesearch" (1996)6:4 Kennedy Institute of Ethics Journal 356.

(13)

généralement. C'est en puisant dans diverses disciplines et en faisant une étude des termes qui lui sont intimement liés que lion tentera de mieux le cerner. Une étude de ce que signifie cette notion de consentement et quels sont ses fondements et ses finalités permettra de constater ce qulest l'essence

même du consentement et de mettre en relief les fonctions pour lesquelles il a

été adopté.

Cette analyse du consentement permettra de conclure qulil consiste en un véritable processus et que plusieurs éléments doivent être présents pour que l'on puisse être en présence d'un véritable consentement. Il est protecteur

de la personne tout en étant l'expression de sa volonté. Il n'est pas qu'une

autorisation mais un véritable engagement du corps et de l'esprit envers une tierce partie. Ainsi, le fait de donner son consentement engendre des droits mais également des responsabilités pour celui qui accomplit cette action.

L'étude de l'encadrement de la recherche biomédicale permettra de

vérifier si, dans les faits. la notion de consentement répond à ces

caractéristiques et si l'on peut considérer que cet encadrement a eu pour effet

de maintenir son rÔle ou même de le renforcer. Le consentement acquerrait ainsi, dans ce domaine, un caractère naturellement plus actif. Mais, au-delà de cette vision de la notion de consentement, il faut bien constater qu'en pratique les normes juridiques et éthiques de même que le contexte particulier dans lequel se déroule la recherche biomédicale ne permettent pas au

consentement de conserver cette place dechoix.

Cette limite prend la forme de la norme-contrainte. Cette norme joue un

rôle très important dans la société en protégeant l'ordre social et le bien

commun. Llintérêt individuel doit y céder le pas. D'où cette notion de

normalité qui vient encadrer la volonté des individus. Ainsi, le consentement qui se voulait être le protecteur de l'autodétermination de la personne dans la société et qui semble aujourd'hui encore perçu comme tel par la population en

général, devient plutôt une sorte de mesure d'appartenance à la société.

Une analyse des textes nationaux et internationaux relatifs à la

recherche biomédicale permettra d'illustrer cette affirmation. Ces règles

semblent, en effet, autant par leur forme et par leur fond que par l'interprétation

qui leur a été donnée, promouvoir une tendance

à

la restriction de

(14)

l'autonomie de la personne. L'étude du droit positif québécois qui constitue un cadre distinct en matière de recherche biomédicale au Canada sera d'ailleurs

au coeur de cette analyse. Nous constaterons ainsi que la reconnaissance

d'autres principes, tels les principes de bienfaisance et de justice, l'augmentation du pouvoir accordé aux comités d'éthique de la recherche et l'adoption d'une interprétation jurisprudentielle prudente servent, en pratique,

à restreindre le droità l'autodétermination de la personne.

Ces limites au consentement sont exacerbées dans le domaine de la recherche en situation d'urgence, dont il sera traité dans la deuxième partie de

ce texte. La recherche biomédicale en situation d'urgence est, en effet, un

domaine où il est très difficile, parfois même impossible, de recueillir le

consentement d'une personne relativement à sa participation à un projet de

recherche et ce, pour maintes raisons. L'expression et la reconnaissance de

la volonté du sujet de recherche n'y jouent donc pas toujours le rOle central

qu'elles devraient, en théorie, occuper.

Dans le cas où le sujet de recherche est apte et conscient, il ne serait

pas exagéré de dire que le consentement à la participation à un projet de

recherche peut être vu comme un acquiescement

à

un contrat d'adhésion

biomédical. Le consentement risque donc d'être assez souvent contraint,

limité par ce qu'il convient d'appeler la norme sociale. Il est ainsi difficile

d'imaginer. dans une telle situation où existent de véritables jeux de pouvoir, où le niveau de stress est très élevé et où les minutes sont comptées. que le sujet de recherche puisse donner un véritable consentement libre et éclairé. De plus. comme la pratique veut, dans ce domaine. que le sujet de recherche,

s'il accepte de participer

à

un projet de recherche, accepte toutes les

conditions contenues au protocole de recherche. en bloc, il semble que l'on devrait plus justement parler d'acceptation passive, voire même d'adhésion. que de véritable consentement. Dans ce contexte. le processus menant au

consentement du sujet de recherche se trouve donc souvent réduit à sa plus

simple expression: le consentement-signature.

Lorsque le sujet de recherche est inconscient ou inapte et que ses proches sont absents. il arrive que cette limitation de la notion de consentement par la norme sociale devienne totale. En effet, même s'il n'est

(15)

actuellement pas permis, au Québec, de faire de telles recherches sans le

consentement du patient, de son représentant légal ou d'un proche parent10.

les nouvelles règles adoptées par les trois Conseils contiennent une telle exception au recueil préalable du consentement du sujet de recherche ou de

son tiers autorisé. Ces règles. qui s'appliquent aux projets de recherche

biomédicale menés au Canada. permettront donc que des projets soient réalisés avec des personnes inaptes ou inconscientes qui n'ont pas consenti

et ce. en situation d'urgence età certaines conditions11 • Cela ne peut que nous

rappeler la réglementation fédérale. adoptée aux États~Unis il y a quelques

années. et qui permet également de déroger à la règle exigeant le recueil

préalable du consentement du sujet de recherche, de son représentant légal

ou de ses proches. On assiste ainsi, dans ce contexte, à une certaine

diminution de l'importance accordée au droit à l'autodétermination du sujet de recherche. Cette situation est très préoccupante. même au Québec. dans un contexte où l'importance de la recherche biomédicale ne fait que s'accroître et

où l'on assiste présentement à une modification de l'encadrement législatif

à

ce sujet. En effet, il est intéressant de remarquer que cette évolution de la

perception de la notion de consentement dans le domaine de la recherche biomédicale s'effectue en parallèle avec la valorisation de plus en plus grande de l'acquisition de nouvelles connaissances biomédicales ainsi qu'avec l'accroissement des pouvoirs accordés aux comités d'éthique de la recherche.

Le consentement, introduit dans le domaine de la recherche biomédicale dans le but de mieux protéger les sujets de recherche. ne devient souvent, en réalité. qu'une simple acceptation ou même, une absence de refus, ce qui soulève bien des inquiétudes quant au respect de la volonté des

sujets de recherche qui. eux, à n'en pas douter, croient encore au pouvoir de

leur droit à l'autodétermination.

'aArt. 21 C.e.Q.

11Règle 2.8 del'Énoncé de politique.

(16)

1. L'EXPÉRIMENTATION BIOMÉDICALE ET LA RECONNAISSANCE DE L'EXPRESSION DE LA VOLONT:É DU SUJET DE RECHERCHE

Il est intéressant de suivre l'évolution de la notion de consentement aux soins ou

à

la recherche biomédicale dans la société occidentale en parallèle avec les changements scientifiques, historiques et sociaux qui ont modelé les derniers siècles12

• Cette évolution est ainsi largement tributaire de la

perception de "être humain telle que définieà différentes époques.

Le consentement aux soins semble avoir commencé

à

gagner en considération vers la fin du 1ge siècle. Selon "historien M.S. Pernick, cela serait dû à un phénomène social et médical plutôt qu'à une reconnaissance systématique des droits et libertés individuels. Les médecins croyaient ainsi que le fait de consentir aux soins était bénéfique à la santé des patients et même que, parfois, le paternalisme médical pouvait nuire à "état de santé du patient13

Ce n'est cependant qu'au cours du 2!r siècle que le consentement acquiert ses titres de noblesse et ce, en particulier après la fin de la Seconde Guerre mondiale14

• Il fut alors perçu comme un élément essentiel

à

respecter dans le cadre de la prestation des soins et de la recherche biomédicale. Les révélations des atrocités perpétrées dans les camps de concentration nazis, le développement accéléré de la technologie15, l'augmentation du contrOle sur la

12Voir, au sujet de l'historique de la notion de consentementàtravers les siècles. M.S. Pemick,

ceThe Patient's Raie in Medical Oecisionmaking :ASocial History of Informed Consent in Medical

Therapy- dans President's Commission for the Study of EthicaJ Problems in Medicine and Biomedical and BehavioraJ Research, dir., The Ethical and Legal Implications of Informed Consent

in the Patient-Practioner Relationship, v. 3, Washington D.C., Govemment Printing Office.

1982.

13Ibid. àla p. 3. Voir,àce sujet, W. McKerrow, ulmproVing Patient care and Aeducing Risk

Through Effective Communication» (1997) 18:1 Health Law in Canada 30.

14R.R. Faden et T.L. Beauchamp, A HistoryandTh80ryof Informed Consent, New York, Oxford University Press. 1986àla p. 86.

15Lesage-Jarjoura, Lessard et Philips-Nootens,supranote 6àla p. 109.

(17)

vielS, la naissance de la bioéthique17 ainsi que les importants bouleversements

idéologiques planétaires, qui ont contribué au développement accéléré de la dynamique des droits et libertés individuels, ont, par le fait même, promulgué la notion moderne de consentement, telle que nous la connaissons

aujourd'hui18

En effet, c'est suite aux procès de Nuremberg que cette notion a été pour la première fois reconnue internationalement et ce, dans le Code de

Nuremberg. Depuis, de nombreux textes l'ont propulsée au rang de principe ccsacra.saint)) à respecter dans le domaine de la santés.

Le consentement fait aujourd'hui partie d'un processus bien défini,

presque routinier, dans le domaine de la santé. Ainsi, chaque patient doit

signer un formulaire de consentement aux soins généraux lorsqu'il est admis à

l'hôpital. Chaque personne doit aussi en signer un, plus spécifique celui-là,

lorsqu'elle décide de participer à un projet de recherche biomédicale. Cette

pratique, relativement récente, est maintenant bien ancrée dans nos moeurs. Cependant, il serait faux de croire que, du simple fait que cette pratique

existe, il y a bel et bien primauté du consentement dans ce domaine. En effet,

il faut bien réaliser qu'il est très difficile pour une personne de consentir

relativement à une action qui sera posée par un tiers et qui touchera

directement à son intégrité physique ou psychologique. Plusieurs auteurs

remarquent qu'il arrive même que le processus menant au consentement de la

personne soit vide de sen~. Ce processus se résume souvent au simple

recueil de la signature de la personne qui. elle, l'y appose soit en désespoir de cause, soit en signe de confiance envers un professionnel de la santé. Il existe ainsi dans cette notion de consentement une certaine part d'aveuglement volontaire. Il semble que ce n'est parfois plus une volonté qui s'exprime mais 115Le professeur Guy Bourgeault affirme ainsi que .l'introduction de la rationalité

technoscientifique dans le processus d'autodétermination évoqué fait que J'on ne cherche plus seulementàs'adapteràdes changements imposés; les humains, puisqu'ils en ont maintenant le pouvoir, veulent orienter désormais ces changements, contrOler leur évolution, la programmer.. (G. Bourgeault, «L'éthique et le droit aujourd'hui: Quand les fondations sont ébranlées» (1993)

34C. de D. 517àla p. 537). En d'autres mots, la médecine devient une science et le halo de mystère qui l'entourait auparavant s'estompeàvue d'oeil.

17Au cours des années1960 (G. Durand, La bioéthique: Nature, principes, enjeux, Montréal, cerf, 1989 àla p. 9).

teLesage-Jarjoura, Lessard et Philips-Nootens, supra note 6à la p. 109.

tgPour une liste de ces textes. voir supra note 3.

20Brady, supra note 7; Carnerie. supra note 9; Fadent supra note 9.

(18)

qu'il s'agit plutôt d'une décharge de responsabilité pour des actes qui seront posés par une tierce personne.

A. LIBERTÉ ET VOLONTÉ AU COEUR DE LA NOTION DE CONSENTEMENT

Les définitions du consentement sont en général, truffées de termes à

connotation juridique. Cela s'explique par le fait que ta doctrine du

consentement libre et éclairé a, tout d'abord, été développée par le droit. Le droit des contrats est d'ailleurs un domaine dans lequel la notion de

consentement joue un rôle primordial. Selon le juge Jean-Louis Baudouin,

«[I]e consentement est la condition la plus importante de la formation du

contrat, car s'engager c'est consentir par acte de volonté non équivoque

à

assumer certaines obligations. fi est indispensable que le consentement

existe))21. Ainsi, la formation du contrat, grâce au consentement des deux

parties, désigne l'expressionZ!, l'accord, le concours de deux volontés, celle du débiteur qui s'oblige et celle du créancier envers lequel il s'obligeZ).

Le consentement signifie donc la (c(m]anifestation de la volonté d'une

personne de souscrire

à

un acte juridiquena-. Le législateur québécois a

d'ailleurs privilégié cette définition du consentement lorsqu'il est question de

l'échange de consentement à l'article 1386 du Code civil du Québec :

«[Il'échange de consentement se réalise par la manifestation, expresse ou tacite, de la volonté d'une personne d'accepter l'offre de contracter que lui fait une autre personne».

Dans le domaine de la santé, le consentement est défini de différentes

manières. Certaines définitions s'inspirent de celles émanant du droit des

contrats. La Commission de réforme du droit du Canada, le définit ainsi

comme étant ecun acte de volonté librement donné par une personne ayant la

capacité nécessaire))25. La Corporation professionnelle des médecins du

21J.•L. Baudouin etP.-G. Jobin, Les obligations. S'éd.. Cowansville. Yvon Blais,1998àlap. 177.

22Ibid. àlap. 178.

23A. Weill et F. Terré.Droit civil: Les obligations, 4-éd..Paris. Caltoz,1986àla p. 71.

24Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec. Dictionnaire de droit privé.? éd..

Cowansville, Yvon etais.1991 à lap.123.

25Commission de réforme du droitduCanada.Le traitement médical etledroit criminel,

Document de travail 26. Dnawa. Approvisionnements et services canada, 1980àla p. 74. 10

(19)

Québec, quant

à

elle, définit le consentement comme étant la ccmanifestation de la volonté expresse ou tacite par laquelle une personne approuve un acte que doit accomplir une autren3l. Les auteurs Faden et Beauchamp définissent.

par ailleurs, le consentement comme étant (Can autonomous action by a

subjeet or a patient that authorizes a professional either to involve the subjeet

in research or to initiate a medical plan for the patient (or both))27. Les trois

Conseils le définissent, quant

à

eux, dans leur Énoncé de politique, de

manière encore plus large en indiquant clairement qu'il ne s'agit pas d'un événement ponctuel. Selon eux, cele consentement libre et éclairé signifie le

dialogue, le partage d'informations et l'ensemble du processus permettant à

des sujets pressentis d'accepter ou de refuser de participer à une recherche»)31.

D'autres définissent plutôt la notion de consentement dans le domaine

de la santé en regard des éléments qui la composent~. Les éléments suivants

sont habituellement identifiés comme étant les composantes analytiques du consentement : ccdisclosure, comprehension, voluntariness, competence,

consentn:D. Chacun de ces éléments est, cependant, rarement explicité de

manière

à

l'extraire de son contexte pour mieux en cerner le sens. À titre

d'exemple, citons la définition de cette notion telle qu'adoptée par le Council for International Organizations of Medical Sciences:

Informed consent is consent given bya competent individual who has

26Corporation professionnelle des médecins du Québec, Le consentement, Montréal.

Corporation professionnelle des médecins du Québec. 1985àla p. 5.

27Faden et Beauchamp, supra note14àla p. 278.

28Énoncé de politique, supra note3àlap. 2.1.

2ljCet état des choses est préférable, selon le professeur MargaretA. Somerville. Tout d'abord

parce qu' ccune fois qu'on a rempli touteslesconditions prévues dans une définition. l'entité définie est réputée exister sur le plan juridique. Ilserait possible d'établir, par voie législative, une définjtion très stricte du consentement. Toutefois, il serait maladroit d'établir des normes

juridiques inaccessibles. Au lieu de favoriser le respect de la loi, il pourrait en résulter une inobservation totale". Et, parce que l'on doit considérer le consentement acomme une obligation constante et non comme une question quiserègle une fois pour toutes- (citations tirées de M.A. Somerville. Le consentementà l'acte médical, Document d'étude, Commission

de réforme du droit du Canada, Ottawa, Approvisionnements et services Canada, 1980 aux pp. 38et 39).

30Faden et Beauchamp, supra note 14àla p. 274. Au Québec. une telle définition du

consentement confirmera plutôt son caractère libre et éclairé(É. Deleury etO. Goubau, Le droit

des personnes physiques, 2'éd.,Cowansville, Yvon Blais, 1997àla p. 102; M. Ouellette,

ccLivre premier: Des personnes" dans Barreau du Québec et Chambre des notaires du Québec. dir.,La réforme du Code civil: Personnes. successions. biens, v. 3. Sainte-Foy, Presses de l'Université Laval, 1993. 13àla p. 21).

(20)

received the necessary information; who has adequatety understood the information: and who, after considering the information, has arrived at a decision without having been subjected to coercion, undue influence or inducement. or intimidation.31

Malgré llapport de diverses influences, cette énumération de différentes définitions du consentement permet de constater l'importance de certains

termes. Il s'agit des notions de volonté et de choix. Nous étudierons ces

concepts plus en détails mais, auparavant, nous analyserons les fondements du consentement que d'aucuns identifient généralement comme étant la

protection de la personne et la promotion de son autonomie32

1. Le consentement comme élément protecteur des droits et libertés fondamentaux

La personne physique nia pas toujours occupé la place centrale qu'elle

détient aujourd'hui dans le droit civil québécois. En effet, ce n'est que le

premier décembre 1971 que le corps de l'homme a fait son apparition dans le

Code civil du Bas-Canada33 , cette modification accordant par le fait même une

reconnaissance expresse aux droits de la personne humaine. La notion de

consentement a donc été transposée du chapitre sur les obligations, en particulier en matière de contrats, vers le Livre premier du Code civil. celui

«Des Personnes~). Aussi peut-on parler de la «naissance~) de la personne

physique en droit qui siest effectuée

à

travers le principe selon lequel la

31Règles duC.1. O.M. S., supra note3àlap. 13.

32Faden et Beauchamp,supra note14àla p. 74; A.M. Capron, alnformed Consent in

Catastrophic Disease Research and Treatment»(1974) 123 University of Pensylvania Law Review340aux pp. 364et s.;Lesage-Ja~oura, Lessard et Philips-Nootens, supra note6àla p.

111;Ouellette, supranote30àla p. 21. Certains auteurs identifient également d'autres fonctions du consentement, soit encourager les professionnels de la santé à agirde manière responsable dans te cadre de leurs relations avec tes patients et sujets de recherche

(Beauchamp et Childress,supranote7à la p. 74;Capron, ibid. aux pp. 371 à374).permettre d'étiminer les contraintesàla liberté des patients et sujets de recherche (Capron.ibid. auxpp.

369à371),favoriser un processus de décision rationnel (Capron, ibid. auxpp. 374à376)et conscientiser la populationengénéral (Capron,ibid. àlap. 376).

33Loi modifiant de nouveauleCode civil et modifiant la Loi abolissant la mort civile,La. 1971.c.

84. Voir, généralement,A. Mayrand, L'inviolabilité de la personne humaine. Montréal, VVilson et

Lafleur, 1975.

(21)

«personne humaine est inviolable.):M. Mais, la reconnaissance du consentement dans le domaine de la samé est surtout due à l'adoption d'un principe plus récent, celui de l'autodétermination de la personne.

La visibilité de la notion de consentement en a donc été augmentée

mais. de plus, sa signification profonde en a été changée. Ainsi, la théorie des

contrats ne pouvait plus,

à

elle seule. définir le consentement dans le domaine

de la santé:li. Ce qui, auparavant, était uniquement considéré comme un acte de volonté commercial est aujourd'hui également perçu comme un acte de

volonté permettant de porter directement atteinte à l'intégrité physique et,

parfois. psychologique de la personne. L'attention des juristes. auparavant

monopolisée par cette notion de consentement en matière contractuelle, devait dès lors lui trouver une autre raison d'être, celle qui tait du consentement le véritable élément protecteur des droits et libertés de la personne:!!. En effet. il est aujourd'hui reconnu, dans le domaine de la santé, que l'ccobtention du consentement s'avère un moyen de "promouvoir au maximum le respect de la personne", de protéger son autonomie et son intégrité»Y.

Le premier des deux principes fondateurs de la notion de consentement

en matière de santé, tels que reconnus par le droit civil3B

, est celui de

l'inviolabilité du corps de la personne5

. Ce principe signifie que la personne

humaine ccdoit être inviolable et sacrée pour toute autre personne, dans toutes

les manifestations de son existence' vie intellectuelle et morale, vie

économique et sociale, vie sexuelle. Elle doit avant tout l'être dans son

34Art. 19 C.c.S.C. Le texte de l'artide 19selit comme suit: -Lapersonne humaine est

inviolable. Nul ne peut lui porter atteinte sans son consentement ou sansyêtre autorisé par la loi-.

J5Deleuryet Goubau, supranote30àlap. 101. VoirtoutefoisO.R.C.C., supranote 1 àlap. 10.

311DeleuryetGoubau, ibid. àla p. 101.

37Lesage-Jarjoura, Lessard et Philips-Nootens,supranote6à lap. 130.

38S. Gascon, L'utilisation médicale et la commercialisation du corps humain,Cowansville, Yvon

Blais,1993àla p. 11.

3;L'expressjon -intégrité de la personne» est souvent assimilée à cetle d' ClIinviolabilité de la

personne-. Selon le professeur Adrian PopoViei, il est clair que, considérant lepassé

jurisprudentiel et doctrinal, le concept d'inviolabilité viselesatteintes couvertes par les articles 11 à 31 C.e.Q. et que l'intégrité vise surtout ce que l'on qualifiede blessures corporelles. Car,selon lui, une -atteinteàl'inviolabilité ne causepastoujours et nécessairement un dommage corporel» (A. Popovici, -Repenser le droit dvil. (1995) 29 R.J.T. 545à la p. 557). Nous utiliserons donc l'expression -inviolabilité du corps humain· plutOt que -droit à l'intégrité de la personne».

(22)

physique, dans son corpsn«J. Le «lien ultime qui unit la personne

à

son corps»41 se trouve donc consacré.

Les auteurs conctuent généralement que ce principe de l'inviolabilité de

la personne est né sous l'influence de la religion à travers la maxime du noli

me tangere~ et qu'il s'est développé suite à la sacralisation du corps humain,

autant par le christianisme que par la société civilee. Ce principe reconnait

que cele corps humain est en dehors du commerce juridique, qu'il n'est pas res

commercio. C'est-à-dire qu'il ne peut être vendu, mis en gage, en un mot.

traité comme une chose ordinaire, un bien, et qu'il doit être protégé contre

toute atteinte, ne serait-ce qu'une atteinte éventuelle»)44. La doctrine de

l'inviolabilité du corps humain repose donc principalement sur le dictat moral

du respect de la vie humaine~.

Le principe de ('inviolabilité a été adopté dans le but de protéger la

personne en son corps et ce, contre toute atteinte à son intégrité physique et

40G. Servonat,Le principe de l'inviOlabilité du corps humainendroit civil, thèse de doctorat en droit, UniversUé de Poitiers, 1951 àla p. 3[non publiée].

41É. Deleury, aDu corps que l'on est au corps que l'on a : Quelques réflexionsà propos des nouveUes dispositions du Code civil sur les prélèvements d'organes et de tissus et sur

l'expérimentation chez les sujets humains-(1995)6:3Journal international de bioéthique230.

42Cette maxime tire «sa sacraJité de la personne même de celui qui l'aurait affirmé[e]lepremier:

selon la tradition judéo-chrétienne,ceserait le Christ lui-même qui se serait ainsi exdamé devant Marie de MagdaJata(F. Héleine, ale dogme de l'intangibilité du corps humain et ses atteintes normalisées dans le droit des obligations duQuébeccontemporain-(1976) 36 R. duB. 2à la p. 4). Voir,également, Mayrand. supranote33àlap. 12.

• 3Cenains font plutôt reposer ce principe sur l'existence d'un droit de propriété de la personne

sur son corps. Défendue par Hobbes et Locke, la thèse concluantàune relation au corpsà travers le droit de propriété est de moins en moins populaire aujourd'hui. Consulter1àcesujet,

J.-L. BaudouinetC. Labrusse-Riou, Produire l'homme: De quel droit?, Paris, Presses

Universitaires de France. 1987aux pp. 190et191 ; B. Beignier, Le droit de la personnalité. Que

sais-je,Paris. Presses Universitaires de France, 1992àlap. 21; G. Cornu,Droit civil :

Introduction, Les personnes. Les Biens,

a-

éd.,Paris, Montchrestien, 1997àla p. 168;J.

Fierens, "Critique de l'idée de propriété du corps humain ou Le miroir de "infâme belle-mère de Blanche-Neige-(2000) 41 C. de D. 382àla p. 393;Gascon,supranote38à la p. 3;Héleine,

ibid.; R.P. KourietS. Philips-Nootens,Le corps humain, l'inviolabilité de la personne et le

consentement aux soins: Le regard du législateur et des tribunaux civils,Cowansville, Yvon

Blais, 1999àla p. 44;R.P. Kouri etS. Philips-Nootens. «L'utilisation des parties du corps humain pour des fins de recherche: L'article 22 du Code civil du Québec-(1994-95) 25

R.D.U.S. 359àlap. 375.

44Servonat. supra note40àla p. 3. Le recours au droit de propriété pour promouvoir le respect du principe de l'inviolabilité du corps nous amène cependantà réfléchir sur le fondement d'une teUe démarche. Ainsi, l'idée sous-jacente ne serait-elle pas que ce droitestmieuxàmême de protéger le libre arbitre de la personne que le consentement lui-même? Voir, àcesujet, Fierens,

ibid. àla p. 393.

45Somerville.supra note 29 aux pp. 8et9.

(23)

psychologique. Il fait ainsi du consentement un élément essentiel à respecter pour promouvoir la protection des patients et des sujets de recherche. Édicté aux articles 3 et 10 du Code civil du Québec, ce principe est également

consacré par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertéstB. En

effet, selon les professeurs Robert P. Kouri et Chartotte Lemieux, ccpar

l'enchâssement du droit à la sécurité dans la Charte, la protection du corps

humain contre les intrusions d'autrui [...

l

a été promue au rang de norme

constitutionnelle»~. Il est, de plus, élevé au rang de norme

quasi-constitutionnelle par l'article 1 de la Chane des droits et libertés de la

personnee qui énonce que «[tlout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne)).

Ce principe n'est cependant pas absolu. En effet, l'article 10 du Code

civil du Québec prévoit que la loi peut y déroger et que toute personne peut

également y renoncer en donnant son consentement libre et éclairé. Les

exceptions légales à ce principe sont adoptées à des fins d'intérêt public,

principalement en matière d'hygiène publique~. Quant à la deuxième

exception au principe de l'inviolabilité du corps humain, elle introduit te

consentement au coeur même du corps de la personne à travers le deuxième

principe fondateur de cette notion, soit le principe de l'autodétermination de la

..4Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.U.)1

1982.c. 11 .

• 7R.P. Kouri etC. Lemieux. ceLes témoins de Jéhovah et le refus de certains traitements:

Problèmes de forme. de capacité et de constitutionnalité découlant du Code civildu Québec-(1995) 26A.D.U.S.

n

àla p. 109.

• 4LA.O.,c. e-12.

... Par exempte. dans le cas des maladiesàtraitement obligatoire. l'État peut décréter l'immunisation ou le traitement obligatoire de la personne atteinte(art. 10de la Loi sur la

protection de la santé publique.LR.Q..c. P-35). Également, dansle casde la gardeen

établissement. les personnes présentant des troubles mentaux susceptibles de mettre en danger leur vie oucelled'autrui peuvent subir un examen psychiatrique et être admises sous garde en établissement si le rapport d'examen clinique conclutàune telle nécessité (art. 26à31

C.c.C. etla Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour

elles-mimes ou pour autrui(LC. 1997. c. 75»).

(24)

personneS).

Ce dernier, par ailleurs souvent considéré comme étant le plus important, traduit cele principe de l'autonomie de la volonté et celui du libre choix»51 de la personne~. Il énonce qu'une «personne est maitresse de ses actions et de ses décisions. Elle peut définir ce qui est bon pour elle et orienter son agir en conséquence»!D. La personne utilise donc son libre arbitre et devient responsable de ses actes. On a ainsi pu affirmer que l' ccautonomy is centrally associated with the notion of individual responsibility))s..

Il ressort bien évidemment de cette description que le principe du droit

à

l'autodétermination sous-tend un concept primordial en matière de droit de la santé, celui de l'aptitude de la personne qui doit faire un choix. En effet, si la personne est déclarée inapte. elle ne possède plus ce droit de décider par eUe-même. Ce droit de décider reviendra alors, dans le respect des règles en vigueur, à un membre de sa famille ou à son représentant légal. Contrairement au droit

à

l'inviolabilité de la personne, qui lui protège toute personne, le droit à l'autodétermination ne s'applique donc pas

à

tous non plus qu'à toutes les circonstances56

Ce principe siest épanoui

à

l'époque du libéralisme économique où l'autonomie de la volonté était perçue comme la règle suprême

à

respecter. Il a été adopté, entre autres, dans le domaine médical, pour protéger le patient contre te paternalisme du médecin et tenter de rétablir un certain équilibre

50L'importance accordée, au cours des demières années, au droità l'autodétermination de la

personne a amené l'introduction d'une notion qui semble tirer son appellation du droit de propriété, celle du droit de disposer de son corps. L'utilisation des mots qui la composent heurte généralement ceux-là même pour qui l'autonomie de la personne est la valeur maitresseà protéger en matière de soins de santé et de recherche biomédicale. Nous n'utiliserons donc pas cette terminologie. Pour une critique de ce concept, consulter. H.Ph. Vissert Hooft, «Un droit de disposer de soi-même? Droit et morale face au défi technologique.. (1987) 32 Archives de philosophie du droit 347àla p. 348.

s'Somerville, supra note 29 àlap. 4.

52Le droit tendàfaire équivaloir les notions d'autonomie et d'autodétermination. Voir, pour une

analyse des divergences entre l'autonomie et l'autodétermination, M.A. Somerville, «Labels versus Contents: Variance between Philosophy, Psychiatry andLawin Concepts Goveming Decision-Making- (1994) 39 A.D. McGill179 aux pp. 185 et s.

53Bélanger-Hardy. supra note 5àla p. 489. 5.Capron,supranote 32à'a p. 365.

55Lasituation d'urgence peut permettre que l'on passe outre au consentement de la personne

(art. 13 c.c.a.). La jurisprudence a également identifié deux autres concepts permettant de passer outre au consentement de la personne en matière de soins. Il s'agit du privilège thérapeutique et de la renonciation au consentement par le patient(tewaiver of consent· ).

(25)

dans la relation existant entre un médecin et son patient. La bioéthique, qui a

suivi le courant de la reconnaissance des droits individuels de la personne, a

également aidé à promouvoir ce principe en matière de soins de santé et de

recherche biomédicale. Certains affirment. d'ailleurs, que c'est la bioéthique

qui a construit ce droit à l'autodétermination de la personne dans le domaine

de la santé et ce, à travers la doctrine du consentement libre et éclairé!il.

Le droit à l'autodétermination de la personne fait partie intégrante du droit québécois et ce, même s'il n'est jamais expressément reconnu par la loi. L'inclusion de ce principe dans notre droit est plutôt sous-entendue par la

présence dans la loi de la notion de consentemenf1. Ce droit à

l'autodétermination de la personne est également reconnu par la jurisprudence. Comme l'écrivait le juge en chef lamer, dissident, dans l'arrêt

Rodriguez c. Procureur général de la Colombie-Britanniquf!l, (c[l]a common

law, comme la Charte elle-même dans plusieurs de ses dispositions, reconnait [... ] l'importance fondamentale de l'autonomie individuelle et de l'autodétermination dans notre système juridique))s. Les tribunaux québécois reconnaissent aussi l'importance du principe de l'autonomie de la personne dans le cadre de la doctrine du consentement libre et éclairé. Le juge LeBel de la Cour d'appel du Québec soulignait d'ailleurs que cette doctrine est ecun problème de respect de l'intimité de la personne, de l'autonomie et de la volonté du patientnll).

Deux valeurs fondamentales semblent ressortir de l'étude de ces deux

principes fondateurs de la notion de consentement. Il s'agit de la dignité

humaine et de la liberté. Ces deux valeurs sont, selon plusieurs auteurs,

58Faden, supranote 9; R.M. Veatch. cc'Mlich Grounds for Overriding Autonomy Are

Legitimate?»(1996)26:6 Hastings center Report 42.

57Même si c'est généralementàtravers son consentementquela personne exprime son droità

l'autodétermination.ce dernier suppose également le droit de refuser un traitement ou de participeràun projet de recherche biomédicale.

58[1993] 3 A.C.S. 519.

5iIbid. àlap. 554.

80Chouinardc. Landry, [1987]R.J.Q. 1954àla p. 1968 (C.A.). Ses propos ont été repris. entre

autres, par le juge Brossard de la Cour d'appel du Québec dans le jugementMsrcouxc. Bouchard([l999j R.A.A. 447à la p. 462(C.A.)).

(26)

inextricablement liéesl1

• Le professeur Robert P. Kouri écrivait ainsi que «[I]e

droit à la liberté est inséparable de la notion de la dignité humaine, et l'idée de

dignité humaine comprend le droit de choisirJJS!. La dignité humaine doit être

perçue comme «une notion fonctionnelle ou une notion-cadreJ)1D car elle a un contenu évolutif et elle ne doit donc pas être emprisonnée dans une

quelconque définition ou quantification. Soulignons cependant que cette

dignité est <cvalorisée en reconnaissant

à

tout individu, "... une zone

d'exclusivité sur ce qui fait l'essence de son être, son identité, sa

personnalité" J)&6. Le respect de cette dignité est relié, d'une part, à l'autonomie

de la personne mais également, d'autre part, ccà notre vision morale de l'être

humainJ)Il6. Elle est donc intrinsèquement liée aux deux principes analysés

précédemment.

La dignité, qui n'est pas inscrite explicitement dans le Code civil du

Québec, interdit, tout d'abord, ccde soumettre [la personne] à des épreuves

dégradantes ou humiliantes)JIII. Elle exige, de plus, que le consentement du

patient ou du sujet de recherche soit recueilli avant de procéder à une

quelconque intervention et elle reconnait le droit de refus de ce dernier. Mais, la notion de dignité humaine constitue également la norme ultime, une sorte

d'ordre public entre la personne et son COrpS87, qu'il faut respecter lorsqu'il y a

conflit. réel ou apparent, entre le principe de l'inviolabilité du corps de la

personne et celui de son droit à l'autodéterminationllB

• C'est d'ailleurs, selon le

IIIDeleuryetGoubau, supra note 30àla p. 96; B. Freedman. ccAMoralTheoryof Consentn

(1975) 5:4 Hastings Center Report 32; Kouri et Lemieux, supra note 47à la p. 108; Kouri et Philips·Nootens, supra note 43àla p. 373; G. Loiseau, "Le rOle de la volonté dans le régime de protection de la personne et de soncorpS»(1992) 37A.O. McGiII965àla p. 992.

112Kouri et Lemieux, ibid. àla p. 108.

Il:!Fierens. supra note 43à la p. 400.

~Kouri et Philips-Nootens, supra note 43 aux pp. 373 et 374.

115Loiseau. supra note 61àla p. 992. L'importance de cette notion de dignité relativementàla

notion de consentement sert de fondement aux règles entourant le respect des préférences des personnes inaptes (par exemple, leur droit de refus).

IlllCommission de réforme du droit du Canada. L'expérimentation biomédicale sur l'étre humain.

document de travail 61. Ottawa, Approvisionnements et services Canada. 1989àla p. 3. liTDeleuryetGoubau. supra note 30àla p. 93.

ellEn droit civil. le droitàItautodétermination de la personne est principalement limité par le principe de l'inviolabilité du corps. celui-là même qui l'a fait naître. Ainsi, quand l'inviolabilité du corps humain réfère au droitdel'individu de décider par et pour lui·même. ce principe est alors en harmonie avec le principe d'autodétermination de la personne sur son propre corps. Cependant, lorsque le principe de l'inviolabilité de la personne pose comme valeur absolue la préservation de la vieetde l'intégrité de la personne relativement à tout acte non bénéfique pour la personne et ce, à l'encontre de sa volonté. ilya conflit apparent entre ces deux valeurs.

(27)

professeur Loiseau,

en slappuyant sur le respect de la dignité humaine que l'on doit maintenir l'inefficacité du consentement donné par la personne, en dépit de son droit à l'autodétermination, lorsque l'acte ne répond à aucun intérêt raisonnable (mutilations gratuites ou blessures inutiles) et constitue justement la négation de l'idée même de dignité humaine.t11

Le consentement, fondé sur cette valeur fondamentale, peut donc parfois être annihilé par le truchement du respect de cette même valeurlO

• Une telle

situation, au premier abord contradictoire, démontre sa justesse lorsque lion réalise que la perte de dignité entraine inévitablement la perte de la liberté, du libre arbitre et, en l'occurrence. du droità l'autodétermination71

Il ressort de cette étude que le consentement. autrefois reconnu pour veiller au respect des droits civils, particulièrement en matière de droit des contrats, est devenu, grâce à son introduction dans le domaine de la santé, le véritable élément protecteur des droits et libertés fondamentaux. Il a ainsi comme fonction de protéger la personne en son corps, à travers le principe de Pinviolabilité de la personne, mais également de promouvoir le droit à

l'autodétermination de cette dernière dans le domaine de la santé. Ces deux fonctions doivent cependant slexercer dans le respect de la dignité humaine, elle-même fondée sur la notion de liberté.

1"'Loiseau, supranote 61 à la p. 992.

70Àtitre d'exemple. voir les décisions suivantes:Rodriguezc.Procureur général de la

Colombie-Britannique, supranote 58;Cité delaSanté de Lavalc. Lacombe,[1992] R.J.O. 58 (C.S.); Institut Philippe Pine/c. Blais. [1991] A.J.a. 1969 (C.S.);Boyerc. Grignon,[1988] A.J.C. 829 (C.S.);Ville de Vanierc.C.S.S. T.,[1986] D.L.O. 297 (C.S.);Procureur général du Csnadac. H6pitaINotre-Dame, (1984] C.S. 426; Institut Philippe Pinel de Montréalc. Dion,(1983) 2 D.L.R. (4th) (C.S.). Ilfaut cependant souligner que lorsque cette valeur de dignité est respectée et qu'il

ya conflit entre les deux principes fondateurs, le droitàl'autodétermination prime généralement. Àce sujet, consulterNancyB.c. Hdtel·Dieu de Québec ([1992] R.J.C. 361 (C.S.) ainsi que Manoir de/a Pointe bleue(1978)inc.c. Corbeil([1992] A.J.O. 712 (C.S.)), où le tribunal arriveà la conclusion que toute personne a le droit de mourir dans la dignité et suivant son choix. Voir, également, Mallenec. Shulman, (1987)63O.R. (2d)417 (Ont.C.A.). L'importancedu consentement comme protecteur du droitàl'autodétermination de la personne est également bien illustrée par l'arrêt de la Cour suprême du Canada relatif au droitàla vie privée, Aubryc. Éditions Vœ-Versa lne. ([1998] 1 A.C.S. 591). Ilydevient "élément centralàrespecter, une sorte de droit de veto, dans une situation où l'intérêt public ne prime pas (voir P. Trudel, -Droità l'image:La vie privée devient veto privé:Aubryc. Éditions Vice.Versa Inc. [1998] 1 R.C.S. 591»(1998)

n

R. duB. cano 456).

71Loiseau, supranote 61 àla p. 992.

(28)

2. La pierre angulaire de tout consentement: La volonté exprimée

Malgré le rôle primordial de la volonté72 dans le processus de

consentement7J

, il importe de ne pas confondre ces deux notions. Une telle

pratique, volontaire ou involontaire, diminue considérablement leur signification respective profonde. En effet, il appert, selon le professeur Frison-Roche, que cc[l]a volonté est au coeur de l'humanisme et marque l'intériorité incommensurable de l'homme tandis que le consentement est un objet, conséquence de la volonté, symbole et extériorisation de la volonté, mais

distinct de ta volonté.)74. Il n'y aurait donc pas, de véritable ccenvol mystique

entre deux volontés sans formalités» 15, comme les juristes se plaisaient à le

croire au temps du libéralisme économique. La volonté semble ainsi parfois

encadrée, voire même restreinte par le consentemenr'. Cependant, il reste

que le consentement. pour être véritable, doit être un objet né de la volonté.

Ainsi, ccii

y

a un lien de génération entre la volonté et le consentement, le

consentement est le fils dela volonté et ce tien ne doit être brisé, faute de quoi

un vice du consentement est constitué.)T1.

72Parfois confondue avec la notion de liberté, en particulier dans la langue anglaise, la volonté a

une définition propre. La notion de libertéest,en effet, traduite en anglaisparle terme

volountarinessen matière de consentement. Lavolonté est donc souvent associée avec la liberté, comme condition essentielle du consentement.

73Tel Que souligné précédemment. la notion de volonté est centrale dans le domaine des

contrats. Ainsi, «[v]u sous son aspect psychologique, le contrat est, en effet, la rencontre de deux volontés, l'union de deux consentements et l'adhésion de ceux--cià un ordre juridique. La volonté joue donc un rOle prédominant dans la formation de l'engagementcontractuel~

(Baudouin et Jobin, supranote21 àla p. 93).

74M.A. Frison-Roche. -Remarques sur la distinction de la volonté et du consentement en droit

des contrats»(1995) 3Rev. tMm. dr. civ. 573.

75VissertHooft,supranote50àla p. 575.

711Certains auteurs voient dans le consentement une limite intrinsèqueàla volonté. Seton le

professeur Frison-Roche,par savolonté, -la personne manifestesapuissance.sacapacitéà

poseràell~mêmesapropre loi,saliberté. Tandis que le consentement est signe d'une sorte de capitulation. Ify a toujours de l'aliénation dans le consentement. (Frison-Roche,supranote74à la p. 574). cette vision du consentement comme symbole de faiblesseestd'aiUeurs illustrée dans les exemples suivants. Le Vocabulaire philosophique de Lalande définit le consentement de la manière suivante: -consentir, c'est admettre, donner son assentiment» (cité dans Frison-Roche, ibid. àla p. 574). Cette limiteà lavolontéparle consentement trouve également son application dans la définition du consentement adoptéeparla Corporation professionnelle des médecins du Québec et Quiselit comme suit; ·Ia manifestation de la volonté expresse ou tacite par laquelle une personne approuve un acte que doit accomplir une autre- (Corporation

professionnelle des médecins du Québec, supranote26 àlap. 5).

77Visse'" Hooft,supranote50 àla p.

sn.

(29)

Défini comme une ccmanifestation ou une expression de la volonté» ou

comme un «accord ou un concours de deux volontés» 1 le consentement fait

référence à un processus interne, psychologique, dans lequel la volonté

rayonne. Une volonté qui aurait alors comme principale fonction de légitimer l'acte pour lequel il ya consentement. Ce dernier est l'extériorisation de Ilacte

de volonté car il cc introduit une rupture ou une déchirure dans la continuité

temporelle»18. Il importe donc, afin de mieux comprendre ce que signifie

réellement le consentement, d'analyser cette notion de volonté.

Le dictionnaire Larousse définit la volonté comme étant la «faculté de se

déterminer

à

certains actes et de les accomplirt)19. Cette définition est plutôt

brève et représente mal ce que ce signifie ce terme dans toute sa richesse. Il est donc important dlutiliser cette définition comme point de départ et non comme fin en soi.

Divers auteurs, issus de domaines tels la biologie, la psychologie ou la

philosophie, ont tenté dlanalyser la volontélll

. Certains Iiont définie comme

étant un simple attribut de l'intelligence, faisant de cette dernière un agrégat de

facultésSt

, ou même un réflexe, Ilassimilant à une sorte d'automatisme82• Selon

Siwek, les actes de volonté seraient plutôt <cllâme dans son expansion

dynamique»IIJ. La volonté qui prendrait sa source dans l'âme serait donc une

faculté qui s'exercerait dans le temps, une sorte de processus dynamique

amenant la personne

à

prendre une décision. La psychologie classique

analyse d'ailleurs la notion de volonté comme comprenant les étapes 18A.J. Arnaudet al.,dir..Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit. ~

éd., Paris, L.G.D.G.. 1993àla p. 649. De plus. consdérant que l'autodétermination de la personne constitue un des fondements du consentement, la volonté est directement sous-jacenteà ce principe et ce. autant en référence au libre arbitre qu'au désr individuel. En effet, les auteurs assimilent généralement l'autodéterminationà l'aautonomie de la volonté» qu'ils définissent comme étant la «capacité d'un individu de déterminer librement la forme et les conditions sous lesquelles on portera atteinteà son corps»(L. Bélanger-Hardy, celanotion de choix éclairé en droit médical canadien. (1997)5 HealthLaw Journal 67 àlap. 70).

111Petit Larousse en couleurs.Paris. Larousse. 1989à la p. 1046.

aoPour une étude de différentes définitions de la volonté. voir P. Siwek. Laconscience du libre

arbitre, Rome. Herder, 1976. 81Ibid. à lap. 96.

IIi!Ibid. àlap. 109. cette théorie prône que la volonté n'a rien d'original. ni d'élémentaire; elle

est perçue comme une action et rien qU'une action. Telle une tension dynamique de l'être vivant, ce demier n'ayant aucune conscience de la liberté deseschoix. Voir J. Carbonnier.Droit civil: Les obligations,1. 4,20-éd.,Paris. Presses Universitaires de France, 1996àlap. 85.

S3Siwek.ibid. àlap. 109.

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