• Aucun résultat trouvé

Dynamique des versants en relation avec les changements climatiques et l'occupation humaine, mont Flautafell, Nord-Est de l'Islande

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Dynamique des versants en relation avec les changements climatiques et l'occupation humaine, mont Flautafell, Nord-Est de l'Islande"

Copied!
123
0
0

Texte intégral

(1)

© Julien Lebrun, 2019

Dynamique des versants en relation avec les

changements climatiques et l'occupation humaine, mont

Flautafell, Nord-Est de l'Islande

Mémoire

Julien Lebrun

Maîtrise en sciences géographiques - avec mémoire

Maître en sciences géographiques (M. Sc. géogr.)

(2)

Dynamique des versants en relation avec les

changements climatiques et l’occupation humaine,

mont Flautafell, Nord-Est de l’Islande

Mémoire

Julien Lebrun

Sous la direction de :

Najat Bhiry, directrice de recherche

James Woollett, co-directeur

(3)

iii

Résumé

Depuis le début de la période historique, la récurrence des processus de versant observée en Islande a causé plusieurs victimes et d’importants dommages aux infrastructures. Ces processus ont une forte capacité d’érosion et de transport et laissent leur marque dans le paysage notamment sous la forme d’accumulations sédimentaires au pied des versants dont l’étude permet de retracer la dynamique du versant et les extrêmes météorologiques passés. Ces travaux de maîtrise s’inscrivent dans un projet de recherche international visant à documenter la relation humain-environnement en Islande. L’objectif principal de cette étude est de documenter la dynamique de versants du nord-est de l’Islande; plus précisément, du mont Flautafell (522 m) qui constitue la limite nord-ouest de la vallée Svalbarðstunga (66°09’N, 15°45’O).

Cette étude est basée sur une approche géomorphologique et chrono-stratigraphique complémentée par des recherches historiques dans les archives locales. Nos résultats démontrent que les avalanches de neige et les coulées de débris sont des processus de transport sédimentaires importants et répandus à l’ensemble du versant. L’étude des formes sur le versant montre une diminution de la distance de transport sédimentaire par les avalanches chargées les plus récentes. La chronologie établie grâce à la datation au radiocarbone (14C) et à la téphrochronologie démontre que le versant est caractérisé par une alternance de périodes de stabilité et d’activité depuis environ 3000 BP. La période du Petit Âge glaciaire a été active d’un point de vue géomorphologique et ce, sur l’ensemble du versant. Les registres fonciers rapportent également certains épisodes d’avalanche au cours de la même période. Nos résultats suggèrent que ces évènements auraient eu un impact important sur l’occupation de la ferme Flautafell, localisée au pied du versant. Ainsi, l’activité avalancheuse entre AD 1477 et AD 1703 aurait endommagé des champs et provoqué le déménagement d’une ferme située dans la zone d’étude.

(4)

iv

Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures ... vii

Introduction générale ... vii

Chapitre 1 ... vii

Chapitre 2 ... viii

Liste des tableaux ... x

Chapitre 1 ... x

Chapitre 2 ... x

Remerciements ... xi

Avant-propos ... xii

Introduction générale ... 1

Dynamique des versants ... 3

Formes et faciès sédimentaires ... 5

Faciès sédimentaire et caractéristiques sédimentologiques ... 8

Interprétation climatique et paléoclimatique des dépôts de versant ... 9

Dynamique des versants en Islande ... 11

Relation humain-environnement en Islande durant le dernier millénaire ... 13

Objectifs et hypothèses ... 16

Région d’étude ... 16

Secteurs et sites d’étude ... 18

Géologie et géomorphologie ... 22

(5)

v Biogéographie ... 25 Historique d’occupation ... 25 Méthodologie ... 27 Travaux de terrain ... 27 Travaux de laboratoire ... 28

Analyse d’archives historique et archéologie ... 31

Chapitre 1 - Late Holocene slope dynamics and associated landforms in northeastern Iceland ... 33 Résumé ... 34 Abstract ... 35 1.1 Introduction ... 36 1.2 Study area ... 38 1.3 Methods ... 40

1.3.1 Mass movement landforms identification & characterization ... 40

1.3.2 Stratigraphy and sedimentology and colluvial deposits ... 41

1.4 Results ... 43

1.4.1 Slope morphology ... 43

1.4.2 Diversity of landforms from three main geomorphic processes... 45

1.4.3 Stratigraphy and sedimentology of colluvial deposits ... 50

1.5 Discussion ... 54

1.6 Conclusion ... 57

Bibliography ... 58

Chapitre 2 - Slope dynamics in relation to the occupation and abandonment of a mountain farm, Þistilfjörður, Northeast Iceland ... 62

(6)

vi

Abstract ... 64

2.1 Introduction ... 65

2.1.1 General setting ... 67

2.1.2 Physical characteristics of the area ... 69

2.1.3 Study sites ... 69

2.2 Methods ... 73

2.2.1 Geomorphological analysis ... 73

2.2.2 Archives ... 74

2.3 Results ... 75

2.3.1 Geomorphological Survey of the FLA area (Flautafell) ... 75

2.3.2 Analysis of Stratigraphic Sections ... 76

2.4 Discussion ... 84

2.5 Conclusion ... 87

Bibliography ... 89

Conclusion générale et perspectives de recherche ... 92

Chapitre 1 : Description et caractérisation des formes géomorphologiques et des faciès sédimentaires et établissement d’un cadre chronologique ... 92

Chapitre 2 : Étude de l’interaction entre les processus de versant et l’occupation humaine au pied du mont Flautafell. ... 94

Utilisation du drone pour des applications en géomorphologie et en archéologie ... 95

Bibliographie ... 98

(7)

vii

Liste des figures

Introduction générale

Figure 1: Localisation de la région d'étude, Þistilfjördur, nord-est de l’Islande (66°09’N, 15°45’W) ... 17 Figure 2: Localisation des trois secteurs à l'étude sur le mont Flautafell: Stekkur (STK), Flautafell (FLA) et Norður Hús (NDH). ... 20 Figure 3: Aperçu des trois principaux secteurs d'étude (gauche: vue aérienne, droite: vue du sol). a) Norður Hús, c) Flautafell et e) Stekkur ... 21 Figure 4: Carte géologique de l'Islande montrant les principaux systèmes volcaniques et la géologie. (Source : https://www.annabac.com/annales-bac/l-islande-ile-de-la-geothermie)22 Figure 5: Données climatiques pour la station de Hálsar (66°27'N, 15°57'W), 1996-2016. Source des données : Veðurstofa Íslands, 2017 ... 24

Chapitre 1

Figure 1.1: Location of the study area in northeastern Iceland and the location of sites used for topographical measurements and for stratigraphical study, on the slopes of Flautafell. Sections S01-S10 and the associated profiles are located in the Stekkur area (STK) and sections S14-S22 are located the Flautafell area (FLA). ... 39 Figure 1.2: View of the south-eastern slopes of the mountain Flautafell, Þistilfjörður, Iceland as seen from the abandoned farmstead of Kuðà, on the eastern banks of Svalbarðsà river. ... 40 Figure 1.3: Geomorphological sketch of Flautafell slope showing the different types of landforms created by slope processes and the catchments at the head of major gullies. ... 44 Figure 1.4: Aerial images of different landforms observed on Flautafell showing: a snow avalanche roadbank tongue of type A (A), multiple snow avalanche boulder tongues of type B, (B), a debris flow (C) and a colluvial cone (D). (Image source: DigitalGlobe) ... 46

(8)

viii

Figure 1.5: Topographical profiles of a slope affected by a low viscosity debris flow (A), a colluvial cone (B), an avalanche roadbank tongue (C) and a debris flow (D). The profiles start at the toe of the depositional zone and ends at the foot of the rockwall. ... 48 Figure 1.6: Maximum extent of debris transport by snow avalanches most likely deposited during the Little Ice Age (solid line) compared to the modern limit of debris transport (dashed line) on a snow-avalanche roadbank tongue. Recent debris present a darker color due to their limited lichen/moss cover while older debris are covered by lichen which results in a gray/white color... 49 Figure 1.7: Multiple generations of channels and debris flow deposits can be identified on the colluvial cone at the site of stekkur. Abandoned channels and debris patches are found on the debris surface and their relative age can be determined by their position and vegetation cover. ... 50 Figure 1.8: Synthesis of stratigraphical profiles showing alternating phases of stability (I) and activity (II, III, IV), Flautafell, Northeast Iceland. For detailed facies description, see Stratigraphy and sedimentology of colluvial deposits. ... 52 Figure 1.9: Sedimentological parameters for a set of samples collected in four profiles showing the mud, sand, gravel, and organic matter (A), the sorting index relative to the mean size of particles for sample taken in deposits corresponding to active periods (blue) and deposits taken in deposits from stable periods (orange) (B). ... 53 Figure 1.10: Chronology of slope activity (avalanche, debris flows, slush flows) reported in the literature compared to our data and the main climatic periods. ... 56

Chapitre 2

Figure 2.1: Location of the study area in northeastern Iceland and the location of sites used for stratigraphical study on the slopes of Flautafell. The three sectors, Flautafell farm (FLA), Stekkur (STK) and Norður Hus (NDH), investigated are delineated by the squares. ... 68

(9)

ix

Figure 2.2: On the left side: satellite image of the three study areas; on the right side: view from the farms relative to the slopes of Flautafell from the ground. a-b: Norður Hús, c-d: Flautafell, e-f: Stekkur. Source: DigitalGlobe. ... 71 Figure 2.3: Aerial view from a drone looking towards the south of the western part of the field at the Flautafell farm. (A) provides a view from the ruins looking towards the slope. Farm ruins are visible in the foreground and avalanche landforms are seen in the background. ... 72 Figure 2.4: Aerial view from a drone looking towards the east of the STK site. The colluvial cone can be seen extending down on the alluvial plain with its channel extending down to the middle of the image. (A) provides the view from the ruins looking towards the slope. Ruins are visible in the foreground and the main channel can be seen in the background. ... 72 Figure 2.5: Aerial view of the farm of Flautafell (FLA) showing the distal part of the avalanche boulder tongues (white lines) and two channels (red lines) reaching the western wall of the farm and its ruins. ... 76 Figure 2.6: Aerial view of the western part of the Flautafell field and the slope above. The dashed red line shows the trajectory of the two channels originating between avalanche boulder tongues and heading towards the farm. The extent of active avalanche boulder tongues is delineated in pink. ... 78 Figure 2.7: Stratigraphical section S19 at the limit of Flautafell’s western wall. Slope deposits are visible in Unit 1 and Unit 4 and are separated by fine sediments with dark and light colored tephras. ... 79 Figure 2.8: Synthesis of stratigraphical profiles showing alternating phases of stability (I) and activity (II, III, IV) in Flautafell, Northeast Iceland. For cross-section localisation see figure 1. ... 81 Figure 2.9: Synthesis of stratigraphical profiles and cores in abandoned turf structures and in the Homefield at the NDH, FLA and STK sites. ... 83

(10)

x

Liste des tableaux

Chapitre 1

Tableau 1.1: Caractéristiques des cônes colluviaux et alluviaux, Tiré de Blikra & Nemec (1998). Traduction libre de l'anglais par Julien Lebrun ... 7 Table 1.1: Topographical parameters of 159 profiles measured along avalanche and debris flow landforms using a DEM at 5 meters interval in ArcGIS. ... 43

Chapitre 2

(11)

xi

Remerciements

Tout d’abord, je désire remercier ma directrice de recherche, Dre. Najat Bhiry, qui m’a donné ma première opportunité de recherche nordique il y a déjà plusieurs années. Je la remercie grandement pour sa patience et sa disponibilité, notamment pour la lecture (et la relecture) des nombreux manuscrits. À travers plusieurs campagnes de terrain en Islande et au Nunavik, elle m’a permis de découvrir des paysages, des cultures, un intérêt scientifique et surtout, une passion pour tout ce que représente le Nord.

Je désire également remercier tous les membres de mon comité de direction, James Woollett et Armelle Decaulne, qui ont développé avec moi ce projet de maîtrise. Vos conseils et vos connaissances scientifiques me permettent aujourd’hui de présenter un projet dont je suis fier et grâce auquel j’ai énormément appris. Cette aventure m’a permis de connaître le bonheur de faire du terrain dans un pays au temps parfois froid et pluvieux mais aux paysages majestueux (et sans moustiques).

Ensuite, je désire remercier tous ceux qui ont participé de près ou de loin à ce projet sur le terrain et en laboratoire: Maggie Joyal-Fortier, Samuel Auger, Donald Cayer, Véronique Marangère, Dorothée Dubé, Paul Adderley, Daniel Hansen, Sigtryggur Þorláksson, Bjarnveig Skaftfeld.

Ce projet de maîtrise n’aurait été possible sans le support financier et logistique des organismes suivants : Savoir Polaire Canada (fonds PFSN), du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT), du Conseil de recherche en sciences naturelles et génie (CRSNG), du Centre d’études nordiques (CEN), du groupe de recherche en Archéométrie et du fonds de la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique. Finalement, un merci très spécial à ma grande famille qui m’a supporté à travers cette grande aventure et durant mes absences nordiques. Merci à Geneviève, Joanne, François, Catherine, Vincent, Caroline, Patrice, Catherine, Simon et Sophie. Tout au long de ma maîtrise, cet amour familial a été un carburant dont la valeur est inestimable.

(12)

xii

Avant-propos

Ce mémoire est présenté sous forme de deux articles scientifiques rédigés en anglais : Late Holocene slope dynamics and associated landforms in northeastern Iceland (Chapitre 1) et Slope dynamics in relation to the occupation and abandonment of a mountain farm, Þistilfjörður, Northeast Iceland (Chapitre 2). Ces articles sont précédés par une introduction générale qui permet de mettre en contexte l’ensemble de la problématique de recherche et suivis par une conclusion générale qui présente une synthèse des principaux résultats et perspectives de recherche. Chaque article est construit de manière à pouvoir être consulté indépendamment puisque construit autour d’une problématique et d’une méthodologie différente. De ce fait, nous prions le lecteur de ne pas tenir compte de la répétition entre certaines sections (sites d’étude, méthodologie)

Pour les deux articles, je suis l’auteur principal et j’ai été appuyé par les membres de mon comité dans l’édition du contenu et des idées présentées par les articles. Ceux-ci sont rédigés en anglais afin de favoriser la diffusion des résultats qui s’inscrivent dans le cadre d’un projet de recherche international.

Le premier article présente l’aspect géomorphologique de mes travaux de maîtrise et une version ultérieure sera soumise à la revue Geomorphology à des fins de publication. Les co-auteurs sont : Najat Bhiry (département de géographie, Université Laval), Armelle Decaulne (Laboratoire LETG-Nantes, CNRS) et James Woollett (département des sciences historiques, Université Laval). Le second article traite de l’impact des processus de versant dans la relation humain-environnement, plus particulièrement dans l’exploitation des fermes. Une version ultérieure sera soumise à la revue Journal of the North Atlantic. Les co-auteurs de cet article sont : Najat Bhiry, James Woollett.

(13)

1

Introduction générale

Le contexte actuel de changements climatiques génère des modifications des systèmes naturels comme les régimes de précipitation, les régimes thermiques et les écosystèmes (GIEC, 2014). Ces changements qui se produisent à un rythme accéléré dans les régions polaires se manifestent, par exemple, par des écarts de température importants ou des pluies hivernales pouvant engendrer une fonte plus rapide du couvert de neige. En conséquence, on observe une augmentation des flux de sédiments fins ou grossiers, particulièrement au printemps (Lewis & Lamoureux, 2010 dans Larsen et al., 2014). Dans les milieux montagneux, on observe le déclenchement de processus de versant tels que les avalanches et les coulées de débris. Cette dynamique de versant est généralement associée à des déclencheurs météorologiques tels que les fortes précipitations de pluie et de neige, et la fonte rapide du couvert nival. Cette activité de versant produit une érosion, un transport et un dépôt sédimentaire sur les pentes. L’étude géomorphologique des versants permet d’identifier la nature des processus actifs sur une pente tandis que l’étude des dépôts de versant permet de distinguer les périodes d’activité géomorphologique des périodes de stabilité. Ainsi, il est possible de reconstituer la nature et la chronologie de l’activité sur un versant.

Dans leurs études géomorphologiques en Norvège, Blikra & Nemec (1998) et Blikra & Selvik (1998) ont comparé les périodes d’aggradation sédimentaire sur les versants avec un proxy des variations des températures de l’air basé sur la fluctuation des glaciers dans la région. Ils ont observé une corrélation entre les périodes d’activité sur les versants et les périodes de changement climatique durant la période Holocène. En effet, les auteurs ont identifié une correspondance entre les périodes d’activité avalancheuse et les différents stades glaciaires. De plus, leurs travaux ont permis de mettre en valeur l’utilisation des dépôts d’avalanche de neige dans l’étude de l’évolution des versants. Or, le lien observé entre changements climatiques et activité de versant demeure contesté et n’a pas été démontré en Islande. En effet, il a plutôt été démontré que l’activité de versant observée sur l’île correspond aux épisodes météorologiques extrêmes survenus durant les périodes chaudes et froides de l’Holocène (Decaulne et al., 2009). Cet aspect de

(14)

2

l’utilisation des dépôts de versant comme marqueur paléoclimatique est discuté plus en détail dans la section 1.1.3. De plus, en Islande il a été démontré que les conditions géomorphologiques locales et les variations météorologiques fréquentes jouent un rôle important dans la dynamique de versant.

Les conditions morphométéorologiques de l’Islande se caractérisent, entre autres, par d’importants dénivelés, un faible couvert végétal et de grandes variations météorologiques (Decaulne, 2004). Ces écarts météorologiques se trouvent exacerbés par les changements climatiques observés actuellement (Coumou & Rahmstorf, 2012). Par exemple, la fonte nivale rapide et les fortes pluies sont associées aux coulées de débris et aux avalanches de slush tandis que les fortes accumulations de neige sont associées aux avalanches de neige. Ce contexte général favorable donne lieu à des mouvements sur les versants tels que les glissements de terrain, les coulées de débris, les éboulis et les avalanches qui sont d’ailleurs de plus en plus documentés dans les régions montagneuses au nord et au nord-ouest de l’île (Decaulne et al., 2013). Ces processus de versant engendrent une érosion et un transport sédimentaire et laissent leur marque dans le paysage notamment sous la forme de cicatrices d’érosion et d’accumulations sédimentaires au pied des versants tels que les cônes colluviaux (Tableau 1). Ces formes constituent des archives sédimentaires dont l’étude permet de reconstituer les conditions météorologiques extrêmes passées.

Notre étude porte sur les processus de versant au nord-est de l’Islande et elle fait partie d’un projet de recherche international visant à étudier les interactions entre les humains et leur environnement en Islande. Nous visons donc à documenter la mise en place des modelés créés par les processus gravitaires ainsi que les aléas et les risques associés pour les fermiers et les infrastructures à travers le temps (depuis la colonisation ca. AD 877). En Islande, les études géomorphologiques ont documenté une activité sur les versants depuis la déglaciation (ca. 10 000 BP) et une augmentation de l’accumulation sédimentaire depuis AD 1104 (Decaulne et al., 2009). Durant la période historique l’activité de versant a causé plusieurs victimes et d’importants dommages aux infrastructures. La majorité des études sur ces processus en Islande ont été réalisées dans une perspective de gestion des risques naturels s’intéressant surtout aux évènements

(15)

3

survenus au cours du 20e siècle (e.g. Decaulne, 2001, 2002). De fait, ces études se sont concentrées dans les régions les plus visitées par les touristes ou les plus peuplées comme les fjords du nord de l’île, du nord-ouest et de l’est; la région du nord-est n’a pas fait, jusqu’à présent, l’objet de telles études pourtant on y trouve des hauts reliefs affectés par les processus gravitaires. Cette région est relativement moins peuplée et moins fréquentée par les touristes puisque la route principale n’y passe pas. Toutefois, selon certains documents d’archive (Jarðabók) et le savoir local des fermiers de la région, les processus gravitaires auraient eu un impact important sur l’occupation humaine dans le passé dans le nord-est. De ce constat se dégage notre problématique de recherche : Quelle est la dynamique de versant sur le mont Flautafell, situé au nord-est de l’Islande, durant la période Holocène, et quelle fût son impact sur l’occupation humaine durant la période historique ?

Dynamique des versants

Les processus de versant font l’objet d’études de la part de géomorphologues, de géologues et d’ingénieurs depuis longtemps (Dikau et al., 1996b; Van Steijn et al., 2002; Bertran, 2004). Ces processus géomorphologiques sont désignés par un large éventail de termes qui reflètent d’une part la variété des processus, mais également certaines lacunes à propos de leur compréhension. Ainsi, on désigne généralement l’ensemble des processus sous le nom de glissements de terrain « landslides » ou de mouvements de masse « mass wasting ». Or, le terme glissement de terrain est inapproprié, car il désigne un processus en particulier, au même titre qu’avalanche ou coulée de débris, plutôt que l’ensemble des processus. Dans le cadre de cette étude, nous retiendrons les appellations « processus de versant » ou « mouvements de versant » que nous définirons comme des processus qui provoquent le déplacement d’une masse de sol, de roche, de dépôt meuble ou de neige vers le bas d’une pente. Ces processus peuvent être supra-versant lorsque celui-ci sert de support à l’écoulement (coulée de débris, avalanche) ou peut affecter le versant lui-même et provoquer son déplacement (glissement de terrain).

(16)

4

L’une des premières tentatives de classification des mouvements de versant a été faite par Baltzer (1875) qui a distingué les processus en fonction de trois modes principaux de déplacement du matériel : chute, glissement et coulée (Hungr et al., 2014). Depuis ce temps, la classification a été améliorée pour inclure le basculement et l’étalement. De nos jours, la classification la plus fréquemment utilisée et acceptée est celle développée par Varnes (1978) améliorée subséquemment par Cruden & Varnes (1996) et finalement par Hungr et al. (2014). Ainsi, cinq principaux modes de déplacement du matériel ont été déterminés : chute, glissement, basculement, coulée, étalement. La dernière classification de Hungr et al. (2014) a aussi défini deux grandes catégories de matériel : le roc et les dépôts meubles. En somme, les processus de versant sont désignés premièrement par le type de mouvement et deuxièmement par le type de matériel impliqué (roc, silt, blocs, débris, sable, argile, etc.). Ici, le terme « débris » réfère à du matériel hétérométrique (silt, argile, sable, graviers, galets et blocs) provenant de différentes sources (glaciaire, altération, volcanique, mouvements de masse).

Outre la classification des mouvements de versant, la littérature scientifique porte sur la rhéologie, la morphologie, la sédimentologie, les facteurs de déclenchement et la gestion des risques naturels en lien avec les processus gravitaires. Nous omettrons l’aspect rhéologique, qui étudie le comportement des fluides et solides sous l’effet d’une contrainte et qui relève du domaine de la physique puisque cela dépasse le contexte de l’étude. Ainsi, nous présenterons la littérature portant sur les formes et les faciès sédimentaires associés aux processus de versant ainsi que les facteurs de leur déclenchement et les risques associés. Aussi, nous n’aborderons pas les processus de versant lents comme la solifluxion et son équivalent en milieu périglaciaire, la gélifluxion. En raison de leur faible vitesse d’évolution, ces processus posent très peu de risque pour les populations et ne constituent pas un aléa d’importance (Bertran, 2004). Les processus de versant sont présents dans toutes les régions du globe ; des régions chaudes jusqu’aux régions froides en passant par les latitudes tempérées. Nous avons sélectionné, ici, les études menées dans les régions de hautes latitudes, ayant un contexte géographique similaire à celui l’Islande. Ces études se concentrent, entre autres, en Islande (Jóhannesson & Arnalds, 2000; Decaulne, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2016;

(17)

5

Haraldsdottir et al., 2003; Keylock, 2003; Glade, 2005; Wangensteen et al., 2006; Decaulne & Sæmundsson, 2006; Decaulne et al., 2013, 2016, 2007, 2010; Mercier et al., 2012; Coquin et al., 2015; Mercier & Decaulne, 2016), en Norvège (Grove, 1972; Scheidegger, 1984; Ballantyne, 1995; Blikra & Nemec, 1998a; Blikra & Selvik, 1998; Bøe et al., 2003; Matthews et al., 2009; Decaulne et al., 2014; Laute & Beylich, 2014), aux îles Féroé (Christiansen et al., 2007; Huggett, 2007; Dahl et al., 2012, 2013), en Suède (Rapp, 1959; Rapp & Nyberg, 1981; Rapp & Norðdahl, 1988; Nyberg & Rapp, 1998), au Québec (Hétu & Gray, 2000; Larocque et al., 2001; Guérard, 2013; Dagenais Du Fort, 2014; Hétu et al., 2015; Simard & Lajeunesse, 2015), dans l’Ouest Canadien (Luckman, 1977, 1978, 1988; Geertsema et al., 2006; Johnson & Smith, 2010; Hungr & Locat, 2015), en Écosse (Ballantyne & Eckford, 1984; Mills et al., 2007; Milne & Davies, 2007) et dans les milieux alpins (Pech & Jomelli, 2001; Kochel & Trop, 2012; Schlunegger et al., 2013).

En premier lieu, nous examinerons les premières études se concentrant sur la description des formes de mouvements de versant en milieu froid. Par la suite, nous verrons leurs caractéristiques stratigraphiques et sédimentologiques puis nous terminerons avec une revue des recherches menées en contexte islandais. Toutefois, il est important de noter certaines différences dans la typologie des processus par rapport à la classification de Varnes que nous utilisons.

Formes et faciès sédimentaires

Ce sont les travaux de Rapp (1959) qui furent parmi les premiers à décrire les formes de terrain créées par les mouvements de versant en milieu périglaciaire. Cet auteur est le premier à nommer une forme particulière aux avalanches : les langues de débris avalancheux « avalanche boulder tongue » et à les distinguer des langues d’éboulis, des cônes colluviaux, et des cônes alluviaux (Tableau 1). Il décline les langues de débris avalancheux en deux types : les éventails : en anglais « fan tongue » et les langues de blocs avalancheux : en anglais « avalanche roadbank tongue ». Les éventails sont formés de blocs épars distribués sous forme de demi-cercle alors que les langues se distinguent

(18)

6

par leur épaisseur qui est supérieure >1 m et par leur forme régulière avec un profil de pente nettement concave dont la partie distale s’étend sur une grande distance au pied du versant. Contrairement aux cônes alluviaux et colluviaux, la forme transversale des langues de débris avalancheux présente un sommet plat et irrégulier. Toutefois, comme il a été démontré par Blikra & Nemec (1998), la morphologie des accumulations ne suffit pas à déterminer le processus ayant mis en place les dépôts. En effet, plusieurs processus peuvent survenir et édifier un même cône. Cela souleva l’importance de trouver un autre aspect pouvant différencier les différents processus : le faciès sédimentaire. Bien que cet aspect ait été abordé par Rapp (1959), ses données demeuraient incomplètes.

Outre ces formes spécifiques aux milieux périglaciaires, les autres formes de dépôts de versant, comme les talus d’éboulis, langue d’éboulis, cône d’éboulis (cône colluvial) et les cônes alluviaux, sont communes à tous les environnements.

(19)

7

Tableau 1: Caractéristiques des cônes colluviaux et alluviaux, tiré de Blikra & Nemec (1998). Traduction libre de l'anglais par Julien Lebrun

Caractéristiques CÔNE COLLUVIAL CÔNE ALLUVIAL Contexte de formation Versant montagneux et sa base Plaine ou fond de vallée

Bassin de réception Ravins de montagne Vallée ou canyon

Localisation de l’apex Près du sommet du front montagneux

(à la base du ravin) À la base du front montagneux (à l’embouchure de la vallée/canyon)

Pente 35-45° près de l’apex. 15-20° près du pied

Rarement plus de 10-15° près de l’apex Moins de 1-5° près du pied

Rayon en plan Moins de 0,5 km, rarement jusqu’à 1-1,5 km Jusqu’à 10 km, parfois plus de 100 km.

Sédiments Surtout des graviers, généralement très immatures Gravier et/ou sable, immature ou mature

Granulométrie Débris les plus grossiers dans la zone inférieure au pied du cône Débris grossiers dans la zone supérieure

Processus de déposition Mouvements de masse : chute de blocs, coulée de débris,

avalanche de neige Coulée de débris et/ou écoulement en nappe

(20)

8

Faciès sédimentaire et caractéristiques sédimentologiques

Une synthèse des différents faciès sédimentaires associés aux avalanches, aux coulées de débris, à la chute de roche et à la reptation a été réalisée par Blikra & Nemec (1998). Les auteurs ont utilisé les propriétés rhéologiques de chacun des processus de versant actuels pour interpréter et distinguer leur faciès sédimentaire. L’interprétation des séquences sédimentaires liées aux processus gravitaires se fait d’abord en distinguant entre les sols (minéraux fins avec matière organique issus des processus de pédogenèse), correspondant à des phases de stabilité et les couches de sédiments minéraux grossiers, associés aux dépôts de versant. Ensuite, on interprète le type de processus ayant mis en place ces dépôts en se basant sur l’épaisseur de l’unité, la taille du matériel, la structure et l’organisation des sédiments (Blikra & Nemec, 1998b).

Nous présenterons ci-dessous les principales caractéristiques sédimentaires pour chaque processus (Tableau 2) :

Les dépôts provenant de la chute de roche sont immatures c’est-à-dire qu’ils sont peu triés et peu émoussés du fait de leur faible distance de transport depuis la source. Le parcours des fragments sur le versant est déterminé par leur poids et leur forme puis par le gradient et l’aspect de la pente. Les dépôts présentent une texture ouverte et une augmentation de la taille des particules vers le bas de la pente. La chute de débris est un processus analogue à la chute de roche mais, elle se distingue par une plus grande maturité des fragments puisqu’ils proviennent du remaniement d’un dépôt meuble plutôt que du roc directement. Par exemple, la chute d’un bloc contenu dans un dépôt morainique est identifiée comme une chute de débris. L’identification de ce type de dépôt s’avère difficile d’autant plus qu’il est rare, car les fragments qui le composent sont fréquemment remobilisés par des processus secondaires comme les coulées de débris et les avalanches de neige.

Les dépôts de coulées de débris sont formés de sédiments hétérométriques (graviers à blocs) à support clastique ou matriciel. Cette matrice peut varier entre du silt et des gravillons. Le support varie en fonction du type de coulée qui peut être cohésive (matrice abondante) ou non-cohésive (matrice peu abondante). Ceci est déterminé par le fluide interstitiel qui peut être l’eau (coulée de débris cohésive) ou l’air (coulée de débris non-cohésive) ce qui nous renseigne sur les conditions de déclenchement d’une coulée de

(21)

9

débris. Les débris sont anguleux même après un transport sur une longue distance, sauf si ces débris proviennent de la remobilisation d’alluvions. L’organisation du dépôt est également caractérisée par la création de levées de débris parallèles le long d’un chenal central, celui-ci perdant en incision au fur et à mesure que la pente diminue. On distingue quatre sections : l’amont qui est formé par un chenal d’incision presque exclusif, la partie centrale caractérisée par des levées et un chenal d’incision, la partie aval définie par des levées et un chenal central mais aucune incision de ce dernier et éventuellement, une quatrième zone d’accumulation sédimentaire formée par un ou plusieurs lobes d’accumulation.

Les avalanches de neige forment la catégorie de processus dont les caractéristiques sédimentaires sont les plus méconnues. La quantité de sédiments transportés varie grandement et peut parfois être nulle lorsque le couvert neigeux trop important empêche l’arrachement des débris reposant sous la neige. La forme des dépôts varie entre des dépôts de débris dispersés sur le versant, des langues de débris à texture ouverte ou des guirlandes de blocs. Les sédiments associés aux avalanches de neige sont composés de blocs isolés.

Interprétation climatique et paléoclimatique des dépôts de versant

Dans le but de déterminer les conditions favorisant le déclenchement des mouvements de versant, plusieurs études se sont intéressées aux conditions météorologiques dans les heures et jours précédents. Selon Decaulne & Sæmundsson (2006, 2007) les coulées de débris et les avalanches de slush (neige surchargée en eau) se produisent surtout au printemps suite à une fonte rapide du couvert nival, mais peuvent également survenir en plein hiver lors d’une hausse de température ou de pluies hivernales fragilisant le couvert neigeux. D’autre part, le déclenchement des avalanches est favorisé par une surcharge de poids qui augmente la contrainte sur le manteau de neige. Cette surcharge sur la neige est liée aux tempêtes hivernales et à la quantité de précipitation sous forme de neige ainsi qu’à la direction des vents (Haraldsdottir et al., 2003). À plus grande échelle, un lien a même été identifié entre les variations de l’oscillation de l’Atlantique Nord et les cycles d’avalanche en Islande (Keylock, 2003). L’oscillation de l’Atlantique Nord est un phénomène climatique résultant de la différence de pression atmosphérique entre les Açores et l’Islande. Un gradient positif

(22)

10

a pour effet d’augmenter la force des vents d’ouest ce qui modifie la trajectoire des tempêtes vers le nord. De fait, les fortes précipitations de neige et la surcharge des zones de départ causée par le vent favorise l’activité avalancheuse.

L’utilisation des dépôts de versant comme marqueur paléoclimatique associé à la dégradation du climat ne fait pas l’unanimité (Jomelli & Bertran, 2000). Les dépôts de versant ont d’abord été considérés par Blikra & Nemec (1998b) et Blikra & Selvik (1998) comme un enregistrement du signal climatique à une échelle régionale. Leurs conclusions ont été tirées en identifiant et en datant les périodes d’activité de versant dans les séquences stratigraphiques et en comparant ces données avec des marqueurs paléoclimatiques comme les avancées glaciaires et les pollens. Or, l’utilisation des avancées glaciaires comme indicateur pose certains problèmes. D’abord, les avalanches de neige sont des phénomènes saisonniers alors que les fluctuations glaciaires se déroulent sur des périodes s’échelonnant entre quelques décennies jusqu’à plusieurs siècles voire, plusieurs millénaires. Ensuite, l’aspect climatique reflété par les fluctuations glaciaires et l’activité de versant diffère considérablement car ces processus ne répondent pas aux mêmes seuils critiques. Par exemple, les avancées glaciaires reflètent de fortes précipitations de neige et des températures estivales froides, et doivent intégrer un décalage temporel correspondant au parcours de la glace depuis la zone d’accumulation jusqu’à la zone d’ablation. À l’opposé, les avalanches reflètent uniquement les conditions hivernales soit les fortes précipitations de neige et la fréquence des tempêtes, sur un pas de temps météorologique et non climatique.

Cela explique pourquoi les dépôts de versant observés dans les séquences sédimentaires sont plus fréquemment considérés comme indicateurs des conditions météorologiques extrêmes passés responsables de leur déclenchement (fortes pluies, forts vents) plutôt que des périodes de changements climatiques (Decaulne et al., 2009). De ce fait, Jomelli & Bertran (2000) soutiennent que les données stratigraphiques doivent être couplées avec d’autres données paléoclimatiques indépendantes et une datation précise pour y déceler une cause climatique régionale.

De plus, bien qu’il soit démontré que la dynamique de versant est en partie associée aux extrêmes météorologiques, il est nécessaire de considérer un ensemble de facteurs

(23)

11

anthropiques, tectoniques et intrinsèques au versant afin de documenter leur évolution (Jomelli & Bertran, 2000).

Dynamique des versants en Islande

Les premiers travaux sur les processus de versant réalisés en Islande ont été menés durant les années 1950 par O. Jónsson. Cet auteur, considéré comme le pionnier islandais dans le domaine, s’est concentré sur le recensement des épisodes de mouvements de versant à partir de documents historiques (Decaulne, 2005). Bien que ces travaux n’aient été diffusés qu’en islandais, ils forment la base de nombreuses études publiées à partir de 1995. À partir de cette date, le regain d’intérêt à l’égard de l’étude des processus de versant s’explique par deux évènements malheureux ayant causé la mort de 34 résidents dans la région des fjords de l’ouest (Decaulne, 2004). Ces évènements ont mis en lumière le manque de connaissance sur cet aléa et la nécessité de mieux planifier l’aménagement du territoire (Egilsson, 1996; Decaulne, 2004). Dès lors, les études en Islande ont pris une orientation appliquée en lien avec la sécurité civile et l’évaluation du couple aléa-vulnérabilité.

Decaulne (2001) a examiné la mémoire collective et la perception du risque lié aux avalanches et aux coulées de débris, deux processus qui, d’après nos observations, sont très fréquents dans notre région d’étude. Les résultats démontrent la dichotomie entre la perception du géomorphologue bien au fait de l’aléa à partir des indices présents dans le paysage et la perception des habitants qui perçoivent l’aléa et la vulnérabilité associée comme étant faible. Cette mémoire collective s’avère inégale, enregistrant les évènements meurtriers ou ayant causé des dommages matériels, mais oubliant les épisodes sans conséquence. Il s’est avéré que la perception du risque dépend de la gravité des évènements et que la mémoire collective s’affaiblit avec le temps (Decaulne 2003).

L’utilisation de sources historiques s’avère intéressante dans la reconstitution des dynamiques de versant mais des précautions sont à considérer. D’abord, la fiabilité des sources quant à l’identification des processus est relativement faible. De même, la fréquence des épisodes rapportés dans ces archives sous-estime la fréquence réelle, car on omet fréquemment les évènements n’ayant pas fait de victime ou causé de dommages

(24)

12

matériels. Malgré ces limites, les sources historiques peuvent parfois identifier des épisodes avalancheux qui laissent peu de traces dans le paysage et ceux ayant eu un impact significatif sur les communautés (Decaulne, 2003). En Islande, les documents historiques se sont également avérés intéressants pour l’étude des changements climatiques et leurs impacts depuis la colonisation (Ogilvie, 2005). Par exemple, Ogilvie utilisa les documents historiques reflétant entre autres les conditions de glace de mer pour mieux définir les conditions climatiques de l’Optimum climatique médiéval et du Petit Âge glaciaire. Ainsi, elle démontra surtout que le climat depuis le début de la colonisation est marqué par une série de fluctuations interannuelles et interdécennales plutôt que par une tendance linéaire (Ogilvie, 2000).

Les recherches ont démontré que le contexte morphométéorologique de l’Islande joue un rôle important dans l’occurrence du risques avalancheux. En effet, la combinaison entre les fortes pentes dénudées et les variations climatiques extrêmes est à l’origine de la forte occurrence de ces processus (Decaulne 2004). La vulnérabilité des populations est plus élevée dans les fjords que l’on retrouve à l’est, au nord-ouest et au nord de l’Islande. C’est le caractère étroit du territoire habitable, coincé entre le versant et le littoral, qui explique cette vulnérabilité. Ainsi, l’expansion des communautés sur les versants a contribué à exacerber le risque auquel elles font face.

Dans le but de déterminer les zones à risque d’avalanche ou de coulées de débris, certaines études se sont intéressées à l’extension maximale des processus et au type de dépôt. Ainsi, l’utilisation de la localisation des blocs avalancheux par rapport au versant permet de déterminer la zone d’extension maximale des avalanches. Il faut toutefois considérer que les avalanches atteignent une plus grande distance que les blocs qu’ils déposent (Decaulne & Sæmundsson, 2010). Les avalanches de neige sont des agents de transport sédimentaires à condition que le matériel soit disponible au haut de la pente ou que le couvert nival soit suffisamment mince pour permettre d’éroder et transporter le substrat colluvial. En ce qui concerne le parcours des avalanches, on peut le déduire grâce à la topographie. Selon Rapp (1959), le vent influence la position du couvert de neige sur la pente et le concentre dans les dépressions. En conséquence, la variation du couvert neigeux sur la pente affecte les zones susceptibles au déclenchement d’avalanches. C’est en partie cette variation spatiale du

(25)

13

couvert nival qui est responsable de la formation des langues de débris avalancheux et de leur morphologie transversale irrégulière (Rapp, 1959).

Plus récemment, les recherches ont porté sur les processus de versant dans le but de comprendre leur répartition spatiale en fonction des facteurs paraglaciaires tels que le relèvement isostatique, le surcreusement et la décompression des reliefs (Mercier et al., 2012; Cossart et al., 2014; Coquin et al., 2015; Decaulne et al., 2016; Peras et al., 2016). Ces recherches étudient surtout les mouvements de masse du roc tels que les glissements rocheux qui possèdent peu de lien avec les facteurs de déclenchement météorologiques. Il faut surtout retenir que les versants ont subi une période très dynamique suite à la déglaciation dans la recherche de leur profil d’équilibre naturel (Decaulne et al., 2016). L’impact des processus de versant sur les humains a été fréquemment abordé dans une perspective de planification de l’utilisation du territoire et de gestion des risques naturels. Toutefois, peu d’études se sont intéressées à l’impact des processus de versant sur la gestion des terres, l’occupation et l’abandon des fermes durant la période historique. Or, plusieurs sources font mention de fermes ayant été affectées par des avalanches et des coulées de débris en Islande (Egilsson, 1996; Keylock, 2003; Decaulne & Sæmundsson, 2010; Harrison, 2010; Wastl et al., 2011) et ailleurs (Christiansen et al., 2007; Dahl et al., 2012). L’utilisation d’une approche combinant la géographie physique et les archives historiques est donc idéale afin de fournir une meilleure compréhension des impacts des processus de versant sur l’occupation humaine et des stratégies d’adaptation sur une temporalité plus longue.

Relation humain-environnement en Islande durant le dernier millénaire

Pour les paléoenvironnementalistes, les géoarchéologues et archéologues, la colonisation tardive de l’Islande représente une opportunité idéale pour étudier les impacts de la colonisation sur un environnement vierge (Dugmore et al., 2000, 2005; Streeter et al., 2015).

D’après diverses études, l’arrivée des premiers colons en territoire islandais aurait eu des impacts profonds et rapides sur cet environnement auparavant inhabité (Dugmore et al.,

(26)

14

2000). Cette transformation de l’environnement naturel aurait été causée par l’exploitation du territoire par les Norois qui ont introduit leurs propres pratiques agricoles et pastorales. La déforestation et la transformation de terres en pâturage auraient notamment engendré une érosion éolienne importante depuis 1200 ans (Arnalds, 2005); dans certaines régions de l’Islande, les taux de sédimentation furent dix fois plus élevés au 18e siècle qu’avant la colonisation (McGovern, 2007).

L’introduction de nouvelles espèces combinée à la pratique de nouvelles activités a imposé une pression importante sur les communautés végétales locales (Simpson et al., 2012). Cette transformation écologique se manifeste dans les données paléoécologiques qui révèlent une modification du couvert végétal régional. Ce nouveau paysage, local ou régional, est identifié comme le paysage culturel norois (Zutter, 1997). Ainsi, le paysage islandais moderne est le produit des diverses pratiques culturelles des Norois et des Islandais, malgré la faible densité d’occupation (Aldred & Friðriksson, 2008).

Toutefois la situation semble différente dans le nord-est de l’Islande (Karlsdottir et al., 2014; Roy et al., 2017a, 2017b). Par exemple, la déforestation du bouleau observée à l’échelle de l’Islande n’a pas eu lieu dans la région d’étude puisque les forêts de bouleaux ont plutôt disparu de la région vers 5910 ans étal. BP (Roy, 2017a). De fait, à l’arrivée des Norois, le bouleau était rare dans la vallée Svalbarðstunga et la région était dominée par les tourbières. Les reconstructions paléoécologiques de Roy (2017a) démontrent que le climat est le facteur d’influence principal des variations écologiques dans la région d’étude et que l’impact anthropique est surtout limité à l’introduction et au maintien d’espèces d’herbacées.

L’impact des rigueurs du climat islandais et de ses fluctuations a également été amplement documenté. Parmi ces études, plusieurs ont révélé que les populations ont pu s’adapter à des conditions hivernales extrêmes avec peu de conséquences de pertes de vies humaines. Toutefois, la succession d’hivers extrêmement rigoureux durant certaines décennies fût dévastatrice pour les récoltes et par le fait même pour les populations qui en dépendaient (Vasey, 2001). En somme, l’impact de la fréquence des variations est plus important que l’amplitude des variations (Barlow et al., 1997 dans McGovern, 2007). De façon concrète, on peut déduire que les conséquences d’une succession de mauvaises saisons de croissances

(27)

15

seraient plus importantes sur les récoltes que l’impact d’épisodes météorologiques extrêmes. Ce principe s’applique principalement dans les régions marginales et isolées, comme c’est le cas de notre région à l’étude, qui sont les plus vulnérables aux différents aléas (Vésteinsson & McGovern, 2012).

Dans la région d’étude (nord-est de l’Islande), des recherches ont illustré la variabilité des modes de subsistance en lien avec les changements environnementaux (Gísladóttir et al., 2013b; Roy et al., 2017b; Dupont Hébert en prép.). Il semble que les différentes phases d’occupation et d’abandon pourraient être expliquées, en partie, par l’impact des changements environnementaux qui ont eu lieu entre le 13e et le 19e siècle. Ces changements en lien avec les conditions variables et froides du Petit Âge glaciaire sont exacerbées par, entre autres, l’éruption volcanique du Laki (AD 1784) et par une épidémie de peste au début et à la fin du 15e siècle (Streeter et al., 2012; Gísladóttir et al., 2013a). Il s’est avéré aussi que les fermes de montagne, plus hautes en altitude (ex. Flautafell, 64 m au-dessus du niveau de la mer), sont plus vulnérables aux conditions météorologiques que celles qui sont situées près de la côte, principalement à cause de la différence altitudinale (Vésteinsson & McGovern, 2012). De plus, le caractère isolé et les terres généralement moins productives rendent ces fermes plus vulnérables à tout changement.

Cela illustre la complexité de la relation humain-environnement. Les éruptions volcaniques, les catastrophes naturelles, les épidémies, les conditions météorologiques, les changements climatiques, les transformations socio-politiques sont tous des facteurs qui s’additionnent et provoquent des transformations. De fait, un ensemble de facteurs doit être considéré dans notre étude de la dynamique des populations et de l’impact des processus de versant.

(28)

16

Objectifs et hypothèses

L’objectif général est de reconstituer la dynamique de versant en lien avec les changements climatiques et l’occupation humaine dans la vallée Svalbarðstunga. Plus précisément, les objectifs spécifiques consistent à :

1) décrire et caractériser les formes géomorphologiques et les faciès sédimentaires des modelés créés par les processus de versant ;

2) établir un cadre chronologique des processus de versant durant l’Holocène ;

3) déterminer l’interaction entre les processus de versant et l’occupation humaine dans la vallée.

Les hypothèses de recherche stipulent que :

Les avalanches et les coulées de débris sont des processus actifs dans le secteur à l’étude (le versant sud-est du mont Flautafell) et ce, depuis la déglaciation. Les périodes d’instabilité du versant coïncident avec les grandes périodes climatiques holocènes (Dryas récent, Petit Âge glaciaire).

Les processus de versant ont eu un impact significatif sur l’occupation humaine menant jusqu’à l’abandon de certains sites.

Région d’étude

La région d’étude se situe dans la portion ouest de Þistilfjördur, au nord-est de l’Islande (66°09’N, 15°45’W) (Figure 1). Plus précisément, la zone d’étude correspond à une vallée orientée nord-est/sud-ouest, la vallée Svalbarðstunga. La rivière Svalbarðsá s’y écoule et se jette dans l’océan Arctique au nord-est. La vallée est délimitée au nord-ouest par le mont Flautafell, au sud par le mont Svalbarðsnúpur, à l’est par la rivière Sanðá et au nord par l’océan Atlantique. C’est le versant exposé au sud-est du mont Flautafell et qui s’étend jusqu’à la rivière Svalbarðsá qui fait l’objet d’étude dans le cadre de mon projet de recherche.

(29)

17

(30)

18 Secteurs et sites d’étude

Secteur Norður Hús

Le secteur situé le plus au nord est celui de la ferme de Norður Hús, situé dans un terrain mal drainé à proximité d’un champ présentement exploité (Figure 2.2). La ferme se situe à une distance de 650 mètres du versant à l’aval de deux couloirs de coulées de débris. Dans ce secteur, on observe plusieurs ruines de bâtiments de ferme. Les ruines principales se trouvent sur un monticule de ferme dont la surface est affectée par la cryoturbation (thufurs). Cette ruine est d’une dimension d’environ 5 x 20 mètres et comporte plusieurs pièces qui forment le principal lieu d’habitation de Norður Hús. En périphérie, on note la présence de structures secondaires de petite taille qui correspondent à des bâtiments auxiliaires en lien avec l’exploitation de la ferme. On note également la présence de fossés de drainage qui témoignent d’une volonté de modifier les conditions de drainage existantes du site. Certains de ces fossés sont connectés vers l’amont avec des chenaux acheminant l’écoulement depuis la montagne.

D’après les notes de terrain de Woollett (2017), les sondages stratigraphiques ne montrent aucun tephra dans le monticule de ferme ou dans les murs de tourbe ce qui suggère une occupation du site avant AD 1300. Des traces de charbon de bois identifiées dans les fossés de drainage sous le tephra H1300 tendent à confirmer cette chronologie d’occupation de la ferme.

Secteur de la ferme de Flautafell

Le secteur de la ferme de Flautafell est le plus important en termes de superficie et d’étendue des structures encore présentes. La ferme est située sur une terrasse fluviale à moins de 10 mètres du pied du versant. Le site comporte un pâturage encore exploité par la ferme de Garður située à proximité. Ce pâturage est entouré par un mur de pierre et de tourbe, un type d’ouvrage peu commun pour les fermes de la région. Un monticule de ferme est présent au centre de la ferme tout juste au sud d’un ruisseau provenant du versant et qui se dirige vers la rivière Svalbarðsá. Ce monticule correspond au site principal d’habitation de la ferme de Flautafell. En raison des perturbations anthropiques la forme de

(31)

19

la structure principale est peu apparente. Dans le secteur ouest, se trouve une série de ruines accolées sur le mur au pied du versant (Figure 3d). Finalement, plusieurs structures auxiliaires de petite taille sont dispersées à l’intérieur et à l’extérieur des murs de la ferme. À 300 mètres au sud, on retrouve un ensemble de structures destinées au séchage du foin et à la traite des moutons.

Toujours d’après les notes de terrain de Woollett (2017), le carottage suggère une occupation peu avant AD 1300. Cette occupation semble avoir été maintenue jusqu’à la période moderne entrecoupée par des phases temporaires d’abandon. Ces périodes sont documentées historiquement au 18e siècle et vers les années 1960.

(32)

20

Figure 2: Localisation des trois secteurs à l'étude sur le mont Flautafell: Stekkur (STK), Flautafell (FLA) et Norður Hús (NDH). Les courbes de niveaux représentent un changement d’élévation de 10m.

(33)

21 Secteur Stekkur

Le site de Stekkur (mot provenant de l’islandais qui désigne un enclos à mouton) est formé par un ensemble de quatre structures de tourbe de petite taille mesurant jusqu’à 5x7 mètres. Leur forme, leur taille et leur emplacement suggèrent que ces structures étaient destinées au stockage et au séchage du foin (Figure 3F). Le site se trouve sur un terrain de faible pente dans un pâturage au pied d’un cône colluvial bien drainé. Ces structures sont situées à mi-chemin entre les fermes de Urðarsel et de Flautafell. Leur appartenance est inconnue mais il est probable qu’elles étaient exploitées par l’une ou l’autre de ces fermes.

Figure 3: Aperçu des trois principaux secteurs d'étude (gauche: vue aérienne (Source : Digital Globe), droite: vue du sol (Source : Julien Lebrun). a,b) : Norður Hús, c,d) : Flautafell et e,f) : Stekkur.

(34)

22 Géologie et géomorphologie

L’Islande est un relief jeune à l’échelle des temps géologiques, sa formation ayant débuté il y a environ 60 millions d’années (Ma) par l’accrétion de magma le long de la dorsale médio-Atlantique. En raison de sa localisation, la région est active d’un point de vue tectonique et sismique. Le relief islandais a été façonné par l’activité des glaciers et des volcans dominent le paysage islandais. La zone d’étude, au nord-est de l’île, est située tout juste à l’est de la zone volcanique Nord (NVZ) du rift qui sépare le continent européen du continent américain (Figure 4).

Figure 4: Carte géologique de l'Islande montrant les principaux systèmes volcaniques et la géologie. (Source : https://www.annabac.com/annales-bac/l-islande-ile-de-la-geothermie)

Le relief de la région d’étude est formé de deux unités géologiques principales. Les zones de bas-relief sont formées de basalte et d’andésite d’âge tertiaire (3,1 Ma) alors que les montagnes et les collines sont formées d’hyaloclastite et de tuf volcanique du pléistocène (0,7 Ma). Le premier type de roche provient de l’expansion de la dorsale médio-atlantique alors que le second a été formé par l’activité volcanique sous glaciaire (Preusser, 1976; Saemundsson, 1977). Dans la région d’étude, on observe plusieurs formes qui témoignent de l’activité volcanique pléistocène tels que les tuyas et les crêtes de móberg (Jakobsson &

(35)

23

Guðmundsson, 2008). Ce sont les montagnes Svalbarðsnúpur, Stóra-Kvígindisfjall, Litla-Kvígindisfjall et le mont Flautafell, qui est l’objet de cette étude.

Lors du dernier maximum glaciaire (ca. 20 000 BP), l’Islande était recouverte d’une calotte glaciaire d’environ 2000 m d’épaisseur et s’étendant sur la plateforme continentale au large des côtes actuelles (Norðdahl et al., 2008). Dans la région d’étude, l’écoulement du glacier se faisait vers le nord-est tel qu’indiqué par les stries glaciaires et autres marques (Hreinsdottir, 2014a).

Des glaciers couvrent actuellement à peine 11 % de l’Islande mais la déglaciation a débuté vers 12 655 ± 90 ans étal. BP (Norðdahl et al., 2008). Par la suite, la transgression marine a atteint une limite maximale d’environ 65 m au-dessus du niveau actuel dans la région d’étude (Norðdahl & Pétursson, 2005a; Norðdahl et al., 2008; Hreinsdottir, 2014a). Les dépôts sédimentaires de la région d’étude reflètent l’histoire des différents environnements depuis la dernière glaciation. Par endroit, au fond de la vallée, nous avons observé surtout un till de fond et des dépôts fluvio-glaciaires qui forment une série de crêtes et de dépressions. Des dépôts alluviaux se trouvent de part et d’autre de la rivière Svalbarðsà. Cette dernière s’encaisse à même ces dépôts ce qui forme une série de terrasses parallèles qui reflètent l’incision suite au relèvement isostatique régional.

Sur les versants du mont Flautafell, les dépôts colluviaux sont dominants. Ceux-ci prennent la forme de diamicton avec une matrice de sable silteux provenant de l’activité des avalanches et coulées de débris. Les blocs proviennent principalement de la fragmentation de la paroi au sommet du versant par la gélifraction.

Par ailleurs, l’érosion et la sédimentation éolienne est un important facteur à l’échelle de l’Islande et dans la région d’étude. Ainsi, nous avons observé à travers toute la vallée Svalbarðstunga, des zones de déflation éolienne sur les crêtes qui sont érodées de leurs sédiments fins.

Climat

La région d’étude se situe dans la zone de climat de toundra polaire (ET) selon la classification de Köppen (Einarsson, 1999). Durant la période 1995-2017, la station de

(36)

24

Hálsar, située à 10 km au nord-ouest du site d’étude, a enregistré une température moyenne annuelle de 2,5°C (Figure 5). Le site reçoit des précipitations moyennes de 732 mm annuellement dont 61% en neige, 32% en pluie et 7% de précipitations mélangées (Veðurstofa Íslands, 2017). Les températures estivales sont fraîches et on compte environ 174 jours de gel annuellement ce qui limite la saison de croissance des cultures.

Figure 5: Données climatiques pour la station de Hálsar (66°27'N, 15°57'W), 1996-2016. Source des données : Veðurstofa Íslands, 2017

D’un point de vue climatique, l’Islande se situe dans une zone sensible de l’Atlantique Nord. En effet, sa localisation à la confluence des principaux courants atmosphériques et océaniques chauds (courant d’Irminger) et froids (courant de l’Est du Groenland) provoque des instabilités spatiales et temporelles qui caractérisent le climat (Ólafsdóttir et al., 2010). Par ailleurs, il est important de préciser que le nord-est est généralement significativement plus froid que l’ouest ou le sud de l’Islande. Par exemple, la température moyenne annuelle dans la capitale Reykjavik est de 5,2°C soit près de 3 degrés plus élevée que dans la région d’étude.

L’étude de différents indicateurs paléocéanographiques a permis d’identifier les variations climatiques passées sur différentes échelles temporelles (Massé et al., 2008; Sicre et al., 2008). Les résultats démontrent pour le nord de l’Islande des variations climatiques significatives, abruptes et à grande fréquence. La reconstitution des conditions de glace de

(37)

25

mer et des périodes de tempête suggère que la période Viking, durant laquelle fût colonisée l’Islande, était relativement calme contrairement à la période entre le 15e et le 19e siècle (Dawson et al., 2003).

Biogéographie

La rigueur du climat islandais a une influence importante sur la végétation qui est caractérisée par un couvert peu diversifié et peu dense. En effet, l’Islande est peu végétalisée, à peine 50% de sa surface totale est couverte de végétation. La flore locale, limitée à environ 440 espèces, est composée d’espèces originaires du nord de l’Europe et de l’Arctique (Kristinsson, 2010). Le paysage naturel islandais est surtout formé par des mousses, des lichens, des herbacées et quelques arbustes (Betula nana, Betula pubescens, Salix sp.). La seule espèce d’arbre qui forme des forêts continues naturelles est le Betula pubescens Ehrh (Kristinsson, 2010).

Dans la région d’étude, on observe des milieux humides dans les dépressions alors que les sommets des buttes fluvio-glaciaires sont généralement dénudés ou occupés par des graminées et des arbustes. Les versants de Flautafell sont couverts d’arbustes à l’exception des zones actives d’un point de vue géomorphologique qui ont un couvert épars de mousses et de lichens.

Historique d’occupation

Le Landnám, qui signifie littéralement la « prise de la terre », réfère à la période de colonisation de l’Islande autour du milieu du 9e et du 10e siècle (Smith, 1995). Cette colonisation s’inscrit dans la période d’expansion des Norois, depuis la Scandinavie et les îles britanniques, dans la région de l’Atlantique Nord. Cette expansion a débuté dans les îles qui sont situées à l’ouest de l’Europe, en l’occurrence les Shetlands, Orkney, Hébrides et l’Écosse. L’expansion des Norois a ensuite progressé vers l’ouest avec la colonisation des îles Féroé (ca. AD 860), de l’Islande (ca. AD 871), du Groenland (ca. AD 985) et de Vinland (ca. AD 1000) (Amorosi et al., 1997).

(38)

26

En Islande, les premières traces archéologiques se situent tout juste au-dessous d’une couche de cendres volcaniques provenant du système volcanique de Veiðivotn identifiée comme le téphra Landnám (LTL). Les datations de cette couche de téphra dans les carottes de glace du Groenland (GRIP, GISP2) ont établies une date de AD 877 +/- 1 (Schmid et al., 2017). Cette date concorde relativement bien avec les dates contenues dans le livre de la colonisation (Landnámabók) et le livre des islandais (Íslendingabók) qui placent la colonisation vers AD 874 et AD 870 respectivement. Certains récits font état de la présence de moines irlandais sur l’île avant la colonisation, or aucune preuve de cette présence n’existe à ce jour (Karlsson, 2000).

La colonisation de l’île s’est faite rapidement et tous les endroits habitables aisément l’étaient à partir de la première moitié du 10e siècle (Vésteinsson, 1998; Schmid et al., 2017). Les Norois ont apporté avec eux leurs pratiques agricoles et pastorales qu’ils ont transposées sur le territoire islandais. Selon McGovern et al., 2006, cette économie de subsistance était basée, dans le nord de l’Islande, sur l’élevage de moutons, la pêche et la chasse d’oiseaux et de mammifères marins. Ces pratiques n’ont pas été sans effet, ayant mené à une dégradation considérable de certains écosystèmes en raison de la déforestation et de l’érosion subséquente.

Ensuite, suivi la période dite du Commonwealth qui débuta avec l’établissement de l’Alþing, le parlement islandais, en AD 930 et se termina avec le serment d’allégeance au roi de Norvège en AD 1262 (Karlsson, 2000). Cette période est marquée par un ajustement des structures socio-économiques établies depuis le Landnám et mena à de nombreux conflits régionaux entre les chefs des différents clans. C’est aussi à cette époque que l’Islande, une société auparavant païenne, s’est convertie au christianisme.

Enfin, la période entre le 13e et le 20e siècle s’est déroulée sous le contrôle du royaume de Norvège puis du Danemark et se conclue avec l’acquisition de l’indépendance en AD 1944. De nombreuses catastrophes naturelles, épidémies et détériorations climatiques ont touché l’Islande durant toutes ces périodes ; ces catastrophes seraient responsables, en partie, des dynamiques d’occupation et d’abandon des fermes (Streeter et al., 2012).

(39)

27

Méthodologie

Travaux de terrain

L’étude géomorphologique du site a eu lieu au cours de deux missions de terrain menées lors des étés 2016 et 2017. Ces travaux ont permis d’effectuer des mesures et observations géomorphologiques en plus de valider la cartographie réalisée à partir de l’analyse de photographies aériennes. Les méthodes spécifiques utilisées sur le terrain sont détaillées ci-dessous.

Topographie

Des relevés topographiques longitudinaux et transversaux ont été effectués dans trois secteurs du versant (voir section 1.3.1). Les secteurs choisis représentent une coulée de débris, une langue de débris avalancheux et un cône colluvial. Les mesures ont été acquises sur le terrain à intervalle moyen de 2 mètres grâce à un GPS différentiel (DGPS) avec une précision verticale d’environ 5 cm. Les données obtenues ont été intégrées dans un système d’information géographique (SIG) et les paramètres statistiques (pente, moyenne, écart-type) pour chaque profil ont été calculés dans Microsoft Excel.

Stratigraphie et mesure des clastes

Le potentiel de la stratigraphie dans l’étude des dépôts d’avalanche a été révélé par Blikra & Nemec (1998) et se révèle d’une grande richesse dans l’interprétation des changements de dynamiques sédimentaires (Bertran, 2004). Près de 20 coupes stratigraphiques ont été excavées à la pelle dans la section distale, médiane et proximale du talus de chacune des trois zones sélectionnées (Figure 2). L’analyse des coupes stratigraphiques se base sur la description de leur faciès sédimentaire caractérisé par la structure et l’organisation des sédiments, leur couleur, l’épaisseur des unités et la taille des sédiments. Ces critères ont permis la subdivision de chaque coupe en unité et sous unités. Des échantillons de sédiment fins ont été prélevés pour datation et/ou pour analyse sédimentologique en laboratoire (granulométrie, perte au feu). Les fragments grossiers ont été mesurés directement sur le

Figure

Tableau 1: Caractéristiques des cônes colluviaux et alluviaux, tiré de Blikra & Nemec (1998)
Figure 1: Localisation de la région d'étude, Þistilfjördur, nord-est de l’Islande (66°09’N, 15°45’W)
Figure  2:  Localisation  des  trois  secteurs  à  l'étude  sur  le  mont  Flautafell:  Stekkur  (STK),  Flautafell  (FLA) et Norður Hús (NDH)
Figure 3: Aperçu des trois principaux secteurs d'étude (gauche: vue aérienne (Source : Digital Globe),  droite: vue du sol (Source : Julien Lebrun)
+7

Références

Documents relatifs

[15] Tarak Ghennam, ‘Supervision d’une ferme éolienne pour son intégration dans la gestion d’un réseau électrique, Apports des convertisseurs multi niveaux au réglage

Dans le prolongement de la Conférence de haut niveau « Sécurité Alimentaire Mondiale : les défis des bioénergies et du changement climatique » organisée par la

Pour que la PT reste la pierre angulaire de ces traite- ments combinés, l’urologue se doit d’être l’acteur principal des différents essais thérapeutiques, sous peine de voir

Pour autant, cette indétermination a vocation à être réduite au fur et à mesure de l’avancée des négociations en cours sur le cadre de mise en œuvre de l’Accord de Paris et

L’annexe I du RAMHHS, tel qu’il est modifié par le Règlement transitoire, prévoit six méthodes de détermination de la limite du littoral, selon la situation rencontrée : la

L’originalité de ces Modèles Markoviens réside dans l’introduction du contexte spatial de l’image, montré par la matrice de transition, et la relation entre

Une siccité de 44% révèle le caractère solide des boues de la STEP de Médéa dont la matière organique présente 28% de la matière sèche (MS), cette valeur est relativement faible

Les partenaires réunis dans le cadre du groupe « Mouve- ments de terrain» du Contrat de Plan Etat-Région Rhône- Alpes, outre le fait qu'ils développent une recherche à