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5. Evaluation du modèle empirique sur la France : comparaison avec les réserves utiles

5.2 Zoom sur les trois départements : l’Eure et Loir, la Marne et l’Indre

Trois départements, la Marne, l’Eure-et-Loir et l’Indre présentent une variabilité des valeurs de MaxAWC « modèle LAI » remarquables (Figure IV.14). Cette variabilité est tout à fait comparable à celle des valeurs de MaxAWC de l’INRA.

Figure IV.14 Réserves utiles modèle LAI. Régions présentant une variabilité des réserves utiles estimées remarquables : 1. Eure ; 2. Indre ; 3. Marne et 4. Sud-Ouest

Une étude de comparaison plus détaillée est réalisée pour chacune de ces trois départements agricoles. Ainsi, les réserves utiles calculées à l’aide des classes de fonctions de pédotransfert d’Al Majou et al. (2008) qui présentent la plus grande proportion de faibles erreurs relatives et une médiane des erreurs relatives faible (+ 9 %), sont utilisées uniquement. Les cartes des MaxAWC « Al Majou » issues de ces quatre corrections sont présentées en Annexe A. Les sections suivantes présentent les résultats de la comparaison entre la carte des

3. 1.

Evaluation du modèle empirique sur la France : comparaison avec les réserves utiles obtenues par des fonctions de pédotransfert

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MaxAWC « modèle LAI » et la carte de la moyenne des quatre types de corrections appliquées aux valeurs de MaxAWC « Al Majou » et ce pour chaque point.

5.2.1 Départements de l’Eure et Loir

La réserve utile a été estimée pour 1200 points de 5 km de résolution considérés comme des cultures de céréales à paille (soit environ 6000 km², chiffre cohérent avec la base de données Agreste qui estime la surface agricole totale dans la région Centre à environ 10 000 km², Agreste Centre, 2011).

La carte des MaxAWC « modèle LAI » montre des valeurs élevées, supérieures à 225 mm, au centre du département de l’Eure et Loir et une zone avec des MaxAWC plus faibles, inférieurs à 125 mm, au sud de ce même département. Ces deux zones clairement identifiables sont comparables à celles observées sur la carte de MaxAWC « Al Majou » (Figure IV.15). Le RMSE entre ces deux cartes est de 73 mm, la corrélation de 0.27 et le coefficient de détermination 0.073. La médiane des valeurs de MaxAWC « modèle LAI » égale à 213 mm, est supérieure à la médiane des MaxAWC « Al Majou » corrigées, égale à 163 mm.

D’un point de vue pédologique, l’Eure et l’Eure-et-Loir sont des départements dont le sol est majoritairement composé de Luvisols au centre et au nord du département, et de Cambisols, au sud de celui-ci (Figure IV.16).

Selon la détermination de la FAO, les luvisols sont des sols fertiles, profonds et constitués de plusieurs horizons. Ceci est cohérent avec les fortes valeurs de réserve utile observées sur ce type de sol. Ne présentant pas d’obstacle particulier à l’enracinement des plantes, celles-ci peuvent développer un système racinaire dans les horizons plus profonds.

Les Cambisols, ou sols bruns, sont des sols très répandus en Europe. Plutôt jeunes et donc peu développés (c’est-à-dire qu’ils présentent peu d’horizons issus de l’altération de la roche mère), ils sont considérés comme étant favorables à l’agriculture. Ces sols présentent souvent de faibles réserves utiles comprises entre 50 et 70 mm (Bétard, 2011) similaires à celles observées dans le sud de l’Eure et Loir.

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Figure IV.16 Carte de la pédologie de la région Normandie, HSWD

5.2.2 Département de l’Indre

Les surfaces agricoles du département de l’Indre, de l’Indre et Loire et du Cher de la région Centre sont étudiées. Ces surfaces représentent environ 2500 points de 5 km de résolution (soit 12 500 km² environ).

Les médianes des MaxAWC « Modèle LAI » et « Al Majou » pour cette région sont de 145 mm et 118 mm respectivement. Une zone au nord du département de l’Indre, la Champagne Berrichonne, présente des valeurs de MaxAWC « modèle LAI » particulièrement élevées, supérieures à 225 mm, alors que les valeurs de MaxAWC « Al Majou » n’excèdent pas 100 mm (Figure IV.17). Le RMSE entre ces deux cartes est de 96 mm, la corrélation spatiale est négative (- 0.362) et le R² est égal à 0.131. Ces cartes sont donc anti corrélées.

D’un point de vue pédologique, l’Indre et le Cher sont des départements dont beaucoup de sols sont riches en calcaire. Selon HSWD (Figure IV.18), ces sols correspondent à la classe « Leptosols ». Selon la détermination de la FAO (Figure IV.18), les Leptosols sont des sols peu profonds présentant des éléments grossiers et dont la roche mère est calcaire (rendzine). Favorable à l’agriculture, ils présentent de bonnes capacités bien connues de rétention d’eau, malgré leur faible profondeur, et favorisent les remontées capillaires permettant d’alimenter en eau la végétation s’y trouvant. Ils sont bien drainants, ce qui évite les excès d’eau. C’est une région à fort potentiel agronomique (http://www.indre.chambagri.fr/fileadmin/cda36/documents/La_chambre_%C3%A0_votre_se rvice/Information_g%C3%A9ographique/carte_potentiel_agronomique.pdf). Ceci est cohérent avec les fortes valeurs de MaxAWC « modèle LAI ».

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Figure IV.17 Région Centre : MaxAWC « modèle LAI » vs MaxAWC « Al Majou »

Figure IV.18 Carte de la pédologie de la région Centre, HSWD

5.2.3 Département de la Marne

Le département de la Marne ainsi que le département de l’Aube, présentent une forte activité agricole (environ 4400 points à 5 km de résolution soit environ 22 000 km² de surface de cultures de céréales à paille).

Une zone bien définie dans le département de la Marne présente des valeurs de MaxAWC relativement homogènes, visibles sur les deux cartes (Figure IV.19). Cependant, les réserves utiles estimées dans cette région par les deux approches divergent à nouveau. Le RMSE entre ces deux cartes est de 88 mm, la corrélation de - 0.322 et le R² est égal à 0.104.

Les valeurs de MaxAWC estimées par le modèle LAI sont plutôt faibles, n’excédant pas 100 mm, alors que celles estimées par des fonctions de pédotransfert Al Majou sont supérieures à 200 mm. Cette région, appelée la « Champagne crayeuse », correspond à un type de sol particulier du bassin parisien : les rendzines (Leptosols) (Figure IV.20). Ce sol est perméable, peu profond, riche en carbonate de calcium (calcaire actif) et présente aussi de nombreux éléments grossiers (Duchaufour, Revue Forestière Française, « L’équilibre agro-

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sylvo-pastoral en Champagne Crayeuse »). Il est pauvre chimiquement. Ceci est dû à la présence du calcaire actif empêchant des éléments minéraux d’être solubles (fer et phosphore), au lessivage important de ce type de sol qui entraine des éléments minéraux qui ne peuvent être alors absorbés par la végétation mais aussi à la faible concentration en matière organique car très vite décomposée. Constituée de grains très fins, cette roche présente une capacité bien connue de rétention d’eau et favorise le processus de remontées capillaires vers les horizons au-dessus de celle-ci si aucun obstacle n’est présent. Ceci permet d’alimenter en eau les plantes lorsque les précipitations viennent à manquer, faisant de ces sols un atout pour l’agriculture. La présence de cailloux de craies dans les horizons de surfaces participe aussi à la réserve utile (Tetegan et al., 2011). Ces processus impactant la réserve utiles, que sont les remontées capillaires et les cailloux de craie, sont difficilement mesurables mais ont été pris en compte dans les calculs des valeurs de MaxAWC « Al Majou ». En effet, les valeurs sans correction de MaxAWC « Al Majou » sont comparables à celles estimées par le modèle LAI, entre 75 et 125 mm (voir Annexe A).

La méthode d’optimisation, qui a permis de mettre en évidence le modèle LAI pour estimer la réserve utile, est basée sur la profondeur racinaire. Ainsi, de faibles valeurs de MaxAWC correspondent à un enracinement peu profond de la végétation, ce qui est cohérent avec la description des rendzines.

D’autre part, cette région a subi beaucoup de transformations afin de devenir une région agricole productive. En effet, la pauvreté chimique de ce sol ne permettait pas de cultiver quoi que ce soit, faisant de cette région une des régions les plus pauvres comme en témoigne son ancienne appellation : la « Champagne pouilleuse ». Des mécanismes de fertilisation ont dû

être mis en place comme la rotation des

cultures (http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/R2113A04.pdf). Ainsi une grande variété de cultures différentes (blé, orge, betterave, luzerne…) caractérise cette région. Ceci expliquerait les faibles valeurs de LAImax observées amenant à une estimation de faibles

valeurs de réserve utile par le modèle LAI.

Bilan du chapitre IV

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Figure IV.20 Carte de la pédologie de la région Champagne Ardennes, HSWD

5.2.4 Conclusion

A l’échelle de la France, la carte de réserve utile issue d’un modèle linéaire basé sur des observations satellitaires est comparable à une carte de réserve utile estimée par des fonctions de pédotransfert. Plus de 60 % de la surface des réserves utiles estimées présentent une erreur relative située entre – 50 % et + 50 %.

L’étude des différentes régions remarquables a permis de mettre en évidence :

 Pour des régions présentant des sols fertiles, favorables à l’agriculture et permettant à la végétation de développer leur système racinaire, les deux cartes sont très similaires démontrant la capacité des deux différentes approches d’estimations de la réserve utile à détecter les mêmes « patterns » remarquables ;

 Des résultats contradictoires des deux approches sont observés notamment pour la Champagne Berrichonne et la Champagne Crayeuse. Ces régions présentent toutes deux des sols calcaires. Peu favorables à l’agriculture, elles ont subi des transformations par la mécanisation, le travail du sol et par l’apport de mécanisme de fertilisation. Dans ces conditions de sols calcaires et d’une agriculture intensive, les fonctions de pédotransfert atteignent leurs limites. Il est possible qu’un modèle empirique fondé sur le LAI satellitaire soit plus pertinent.