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Les interactions entre les surfaces continentales et l’atmosphère décrites dans le chapitre I sont nombreuses. Le climat agit sur la formation des paysages et sur l’occupation du sol (ou « Land cover »). Inversement, l’occupation du sol agit sur le climat par des phénomènes de rétroactions qu’il faut prendre en compte dans les modèles climatiques. Ces processus agissent aussi sur l’évolution des ressources en eau et sur diverses composantes de l’économie, en particulier l’agriculture. Des informations précises sur l’occupation des sols sont primordiales pour le développement et la mise en œuvre des modèles génériques afin de d’obtenir une meilleure représentation des flux sur une surface terrestre hétérogène. L’occupation des sols est considéré comme une variable climatique essentielle (« Essential Climate Variable », ECV) au même titre que le LAI, l’humidité du sol, ou la température de l’air (Pereira et al., 2013 ; Bojinski et al. 2014 ; Constable et al., 2016). Plusieurs outils ont donc été développés afin de constituer des bases de données les plus précises possibles à différents degrés de résolution. L’essor des données satellitaires depuis ces trente dernières années a permis de les affiner.

Définitions et principe 2.1

Les cartes d’occupation des sols sont des inventaires des surfaces terrestres. Elles décrivent donc physiquement la surface terrestre et sont souvent liées à la notion d’ « utilisation des sols ». L’utilisation des sols traduit l’usage anthropique des sols et donne une description socioéconomique de la surface.

Il n’existe pas de topologie universelle pour l’occupation du sol. Souvent, les études de cas sont amenées à développer leur propre typologie, spécifique à la région et au climat considérés. La description de l’occupation du sol est donc susceptible de varier fortement, en regard de la diversité des surfaces et des climats à la surface de la Terre. On distingue divers types de surfaces :

- Les surfaces de végétation (forêts tempérées ou tropicales (type d’arbre), cultures (blé, maïs, colza, etc.), prairies, savanes, steppes, etc.) ;

- Les surfaces de sol nu ; - Les surfaces urbanisées ;

- Les eaux de surface (océans, rivières, lacs) et les surfaces enneigées (neige et glaciers).

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Chaque catégorie est bien sûr plus ou moins discrétisée en sous catégories en fonction du lieu, de la qualité et de la résolution de l’information dont on dispose.

Ces cartes ou bases de données ont été développées afin de répondre à trois grands objectifs (rapport GCOS T9: ECV - Land Cover, 2009) :

- évaluer et caractériser les dynamiques des changements de l’occupation du sol ;

- évaluer et caractériser les impacts socioéconomiques et environnementaux des changements de l’occupation du sol ;

- et enfin intégrer ces analyses dans le but d’améliorer la modélisation des surfaces continentales pour la préservation des paysages (reforestation, désertification, etc.) et l’évaluation des ressources naturelles (eaux, surfaces agricoles, etc.) selon les différents scénarios de changement climatique.

La construction d’une carte de l’occupation des sols est de plus en plus basée sur des données issues de la télédétection satellitaire. La couverture spatiale et temporelle que présentent ces données permet d’accéder à des résolutions de plus en plus fines. C’est un atout considérable dans l’élaboration de ces cartes.

L’analyse des images satellitaires permet de déterminer le type d’occupation du sol par traitement du signal spectral (Anderson et al., 1976 ; Friedl et Brodley, 1996). Ce traitement est automatisé selon des méthodes de classification. Ces méthodes comportent trois étapes fondamentales. Des classes de signatures spectrales sont établies dans un premier temps. Les pixels sont ensuite regroupés selon les classes spectrales définies auparavant. Enfin, on procède à une vérification de la classification, c’est-à-dire que l’on évalue la cohérence et la fiabilité des classes choisies. Ces méthodes peuvent être :

- Supervisées, c’est-à-dire que des zones dont l’occupation des sols est connue sont utilisées pour la détermination des différentes classes et sont utilisées comme des zones d’entraînement de l’algorithme ;

- Non supervisées, c’est-à-dire que des groupes sont formés par l’algorithme selon la similarité des pixels de l’image. Le type d’occupation des sols est ensuite attribué à chaque groupe.

La fiabilité des cartes ainsi construites réside dans la résolution des capteurs et de l’hétérogénéité spatiale de la surface terrestre.

En Europe, la base de données CORINE land cover, aux Etats Unis la carte d’occupation des sols de l’USGS (« United States Geological Survey »), à l’échelle globale « Global Land Cover SHARE » (GLC-SHARE) développée par la FAO en 2014, dont les définitions des différentes catégories ont été harmonisées à l’échelle internationale, ne sont que quelques exemples parmi les bases de données existantes en ce qui concerne la description des surfaces terrestres.

Pour ce travail de thèse, deux cartes d’occupations des sols à l’échelle mondiale, ECOCLIMAP à 1 km de résolution (Masson et al., 2003 ; Faroux et al., 2013) et ESA-CCI Land Cover à 300 m de résolution (Holmann et al., 2012 ; Bontemps et al., 2013), ont été utilisées afin de déterminer les zones les plus homogènes de couverts de cultures de céréales à pailles et de prairies.

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ECOCLIMAP 2.2

La base de données ECOCLIMAP-I a été développée par le CNRM. Elle regroupe à l’échelle mondiale les valeurs des paramètres du modèle ISBA pour différentes catégories d’occupation du sol à une résolution de 1 km. ECOCLIMAP permet d’initialiser le modèle ISBA dans la plateforme de modélisation SURFEX. SURFEX est utilisé dans les modèles atmosphériques et hydrologiques de Météo-France. Ces paramètres clefs de la surface terrestre tels que la fraction de végétation, le LAI, l’albédo, la profondeur de sol ou la résistance stomatique présentent des valeurs spécifiques à chaque type de surface présent dans le « tile » nature. Ce dernier comprend trois types de surface sans végétation (sol nu, roche, neige permanente) et neuf type de végétation (feuillus, conifères, arbres à feuillages persistants, cultures en C3, cultures en C4, cultures irriguées, prairies tempérées, prairies tropicales, zones humides). La carte d’occupation des sols est basée sur la carte CORINE land cover établie à partir d’observations satellitaires acquises de 1999 à 2005 pour la zone européenne, et sur les données NOAA/AVHRR de l’année 1993 pour les zones en dehors de l’Europe. En combinant cette carte avec une carte éco-climatique qui permet de différencier des types de végétation au sein d’une même catégorie suivant leur position géographique (par exemple toundra et savane), 215 catégories d’écosystèmes ont été cataloguées. Elles permettent de spatialiser les paramètres primaires que sont le LAI, l’épaisseur du sol ou la hauteur des arbres. Les paramètres secondaires tels que les paramètres de la photosynthèse sont associés aux types de végétation. Cette base de données a été mise à jour pour la zone européenne avec 250 écosystèmes supplémentaires représentés (Faroux et al., 2013). Une nouvelle version d’ECOCLIMAP, comprenant davantage de types de végétation et privilégiant l’utilisation de cartes de paramètres (sans passer par les catégories d’écosystèmes) est en cours de développement.

ESA-CCI Land cover 2.3

Dans le cadre du projet « Climate Change Initiative » de l’agence spatiale européenne (ESA), trois cartes d’occupation des sols correspondant à des périodes différentes ont été développées dans le cadre du projet ESA-CCI Land Cover (ESA-CCI LC). Ces cartes proposent une description de la surface terrestre en 22 classes incluant les cultures (irriguées ou pluviales), les prairies, la végétation basse naturelle (savanes, steppes, couverts mélangés), les forêts, les zones humides, les zones artificialisées, les eaux de surfaces et les glaciers et neiges permanentes. La résolution spatiale est fine : 300 m de résolution. Les cartes couvrent les périodes 1998-2002, 2003-2007 et 2008-2012. Les images issues de MERIS, SPOT- VEGETATION, PROBA-V et AVHRR ont été utilisées.

3. Land Data Assimilation System

3.1 Etat de l’art

Les modèles de surfaces continentales de type SVAT sont devenus des outils puissants, largement utilisés dans le but d’obtenir des informations sur la variabilité saisonnière et interannuelle des flux de surface et de la végétation. Utilisés en mode « offline », c’est-à-dire forcés par des observations ou des analyses atmosphériques, ils permettent de suivre l’évolution des différents flux de surface dans un contexte de changement climatique. Notre compréhension des interactions sol-végétation-atmosphère repose donc sur la paramétrisation des processus biophysiques représentés dans ces modèles. Les erreurs inhérentes aux sorties des modèles sont clairement identifiées par les utilisateurs (Walker et al., 2003; De Lanoy et al., 2007 ; Jarlan et al., 2008; Lafont et al., 2012 ; Garrigues et al., 2015). Elles peuvent être liées :

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- à l’absence de représentation de certains processus biophysiques dans la paramétrisation du modèle ;

- au nombre et à l’estimation des paramètres du modèle ; - à l’initialisation des variables d’état du modèle.

Ce dernier point est très important car certaines variables clefs comme l’humidité du sol et le LAI conditionnent fortement la capacité de photosynthèse de la végétation ainsi que la répartition du bilan d’eau et d’énergie à la surface par le biais de l’évapotranspiration (Shukla and Mintz, 1982). Ces variables biophysiques doivent donc être correctement initialisées ou contraintes au sein des modèles (Koster et Milly, 1996 ; Rodell et al., 2005 ; Koster et al., 2009).

L'intégration de données satellitaires dans les modèles peut constituer une réponse à la réduction des erreurs des modèles. En particulier, elle peut jouer un rôle dans l’estimation des paramètres du modèle ayant un impact sur la représentation des processus biophysiques à l’interface sol-végétation-atmosphère ainsi que dans l’initialisation des variables clefs.

Les données d’observations issues de la télédétection sont aujourd’hui disponibles à l’échelle mondiale et pour des résolutions de plus en plus fines, représentent une ressource inestimable pour améliorer ces modèles (Ichii et al., 2009 ; Ghilain et al., 2012 ; Kowalik et al., 2009; Ferrant et al., 2014; Szczypta et al.,2012 ; Szczypta et al.,2014). Les efforts de la communauté scientifique ont porté sur la façon d’intégrer ces observations satellitaires (ou in situ) au sein des modèles de surface. Combiner de manière optimale des sorties modèles et des observations satellitaires dans le but d’obtenir une analyse est appelé « assimilation ».

Des méthodes d’assimilation de données d’observation ont été développées afin de répondre aux problématiques inhérentes à la paramétrisation (nombre de paramètres nécessitant un calage, prise en compte de processus physiques et biologiques, etc.). Dans un premier temps, une méthode simple de modélisation inverse permet d’intégrer d’une certaine façon des observations satellitaires dans les modèles de surfaces continentales. Elle consiste à utiliser les observations dans une démarche de calage d’un ou plusieurs paramètres du modèle. Des variables biogéophysiques d’intérêt, telles que les flux de CO2, l’humidité du sol

ou le LAI, simulées par le modèle selon différentes valeurs de paramètres, sont comparées aux observations. Une fonction coût détermine ensuite la valeur optimale des paramètres permettant aux variables simulées par le modèle de reproduire le plus précisément possible les observations (Williams et al. 2009, Canal et al., 2014).

D’autres approches basées sur des méthodes statistiques permettent d’améliorer l’initialisation des modèles SVAT et d’optimiser la trajectoire des variables d’intérêt simulées par le modèle lorsqu’une observation est disponible. Parmi celles-ci, l’interpolation optimale (Mahfouf et al., 1999), les méthodes d’assimilations variationnelles (Bouyssel et al., 1999) et les filtres de Kalman, d’ensemble (Reichle et al., 2002) ou étendu (Mahfouf et al., 2009, Drush et al., 2009) ont été adaptés aux surfaces continentales. Ces méthodes sont largement utilisées dans des procédures d’optimisation de paramètres clefs intervenant dans la photosynthèse, la respiration, la phénologie, le bilan hydrique du sol et le bilan d’énergie. C’est le cas pour Kuppel et al. (2012 et 2013) qui utilise le modèle ORCHIDEE et une méthode d’assimilation variationnelle, le Carbon Cycle Data Assimilation System (CCDAS) afin d’optimiser 21 paramètres pour des forêts de feuillus. Dans ces études, les données d’observation ne sont pas issues de la télédétection mais sont des mesures par Eddy- Covariance de flux de CO2 issue de 12 sites de la campagne de mesures FLUXNET

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(Baldocchi et al. ., 2001, 2008). L’optimisation des paramètres a été effectuée pour chaque site individuellement, c’est-à-dire que chaque site présente un jeu de paramètres optimisés, ainsi que pour l’ensemble des 12 sites, c’est-à-dire un même jeu de paramètres optimisés pour les douze sites. L’optimisation des paramètres sur l’ensemble des sites a permis d’améliorer la représentation de la respiration de l’écosystème du modèle ORCHIDEE. Une validation par des observations indépendantes de celles utilisées dans le processus d’assimilation a permis de montrer une amélioration de la représentation du cycle du LAI simulé en accord avec des observations satellitaire de NDVI.

D’autres travaux ont été menés de manière à assimiler des produits satellitaires de la végétation comme le LAI et l’humidité du sol (Sabater et al., 2006 ; Jarlan et al. 2007 ; Albergel et al., 2010). La représentation de l’évolution de l’humidité du sol au sein des modèles est complexe. En effet, les données satellitaires d’humidité du sol ne concernent que l’humidité de surface (les premiers cm près de la surface). Hors, comme on l’a vu précédemment, une estimation de l’humidité du sol sur la totalité de la zone racinaire est primordiale pour le suivi de la végétation et du cycle hydrologique et il n’existe pas d’observation spatialisée de cette variable. Une description du sol incluant une fine couche de surface interagissant avec l’atmosphère et le sol sous-jacent où les racines se développent est donc nécessaire. De nombreuses études ont cependant permis de retrouver le contenu en eau de la zone racinaire à partir de l’humidité de surface par assimilation (Entekhabi et al., 1994, Houser et al., 1998, Walker et al., 2001). Ces algorithmes sont basés sur l’assimilation de données d’humidité superficielle dans les modèles de surface (Ragab, 1995; Walker, 2001; Sabater et al., 2007, 2008). L’assimilation conjointe de l’humidité de surface et du LAI a montré une amélioration de la représentation des flux de surface et a permis de réduire l’impact des incertitudes inhérentes aux forçages (Albergel et al., 2010 ; Barbu et al. ., 2011 ; Barbu et al. ., 2014 ; Fairbairn et al. ., 2015). L’apport de l’assimilation de variables de la végétation comme le LAI dans l’amélioration de la représentation des processus hydrologiques et des flux de carbone a lui aussi été démontré (Gu et al., 2006 ; Jarlan et al., 2009).

3.2 LDAS – ISBA-A-gs

Le Land Data Assimilation System (LDAS) développé au CNRM permet d’intégrer des observations satellitaires dans le modèle ISBA-A-gs décrit précédemment. C'est aujourd'hui le seul système d'assimilation permettant d'assimiler de façon séquentielle des produits satellitaires décrivant la végétation, comme le LAI. L’algorithme de ce système d’assimilation de données permet de corriger de manière optimale la trajectoire du modèle ISBA à chaque fois qu’une observation est disponible. En effet, contrairement aux approches classiquement utilisées dans les modèles de culture ou les modèles des flux de carbone, la phénologie dans ISBA-A-gs n'est pas contrainte par des sous-modèles en degrés-jours. La phénologie est entièrement pilotée par la photosynthèse. Cette dernière répond directement ou indirectement à toutes les variables atmosphériques (et pas seulement la température de l'air comme dans les modèles en degrés-jours), ainsi qu'à l'humidité du sol et à la densité du couvert végétal. De ce fait, la LAI est très flexible et peut être analysé à un instant donné : les observations de LAI peuvent être intégrées dans ISBA-A-gs au fil de l'eau.

ISBA-A-gs a l’avantage de posséder peu de paramètres, en utilisant un algorithme d’assimilation séquentielle : le filtre de Kalman étendu simplifié (Barbu et al., 2011, 2014). Ainsi, des sorties modèles de ISBA et des observations satellitaires telles que le LAI et l’humidité de surface sont combinées de manière optimale afin de fournir une analyse, c’est- à-dire la trajectoire corrigée du LAI et de l’humidité du sol simulés. Des statistiques sont générées par le LDAS afin de pouvoir juger de la qualité de l’assimilation. L’incrément d’analyse, c’est-à-dire la différence entre l’analyse et la prévision du modèle et dont l’unité

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correspond à la variable assimilée, permet donc de juger de la performance du modèle. Ainsi, lorsqu’une observation est disponible, l’algorithme d’assimilation va corriger la trajectoire du modèle de façon optimale au regard de cette observation. Plus l’incrément sera grand, plus le modèle s’éloigne de l’observation et inversement, plus l’incrément sera faible, plus le modèle se rapproche de l’observation. Une meilleure représentation du cycle du LAI et donc une meilleure représentation de la phénologie, de l’humidité de surface ainsi que la représentation des flux de surface dans ISBA a été observée (Albergel et al., 2010 ; Barbu et al. ., 2011 ; Barbu et al. ., 2014 ; Fairbairn et al. ., 2015).

Dans ce travail de recherche, l’assimilation du LAI satellitaire seule sera réalisée afin d’optimiser des paramètres clefs de la végétation dont la réserve utile des plantes pour des couverts de céréales à paille. Ces résultats seront comparés avec les résultats d’une optimisation de la réserve utile par le modèle ISBA-A-gs seul.